Accueil
Séances plénières Tables
des matières Biographies
Livres numérisés Bibliographie et
liens Note
d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du samedi 13 août 1842
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétition relative à la langue et la littérature flamande
2) Projet de loi assurant l’exécution de certaines dispositions de la
convention commerciale signée avec la France (Smits), notamment des dispositions relatives aux
droits sur les vins (Devaux, Fleussu,
Rodenbach, Delehaye, Mercier, (+ droits sur le sel) de
Garcia, Delehaye, de Garcia,
Delehaye, Devaux, Smits, Mercier, Smits,
Mercier)
3) Projet
de loi organisant l’instruction primaire. Discussion des articles. Possibilité
pour les parents de dispenser leurs enfants de l’enseignement religieux et
participation du clergé à l’enseignement moral (Savart-Martel,
Nothomb, Delfosse, Cogels, de Man d’Attenrode, Devaux, Nothomb, de
Theux, Devaux, Nothomb, Devaux, Savart-Martel, Verhaegen, Nothomb, Dechamps, (Delfosse), de Mérode, Orts, Devaux,
Nothomb, de Mérode, Nothomb, Devaux)
(Moniteur belge n°226, du 14 août 1842)
(Présidence de M. Dubus (aîné), vice-président.)
M. Kervyn procède à l’appel nominal à 11 heures et demie.
M.
Scheyven donne
lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.
M. Kervyn présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Michel-Nicolas Bennet,
négociant à Maillen, prie la chambre de lui accorder
la naturalisation ordinaire qu’il a demandée par pétition en date du 12 mai
1831. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
__________________
« Les membres de la société
brugeoise, dite Kunstliefde, demandent que la langue
et la littérature flamande soient enseignées dans les universités de
l’Etat. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur
l’enseignement supérieur.
__________________
« Les secrétaires communaux de l’arrondissement de Furnes demandent
une augmentation de traitement. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des projets de loi modifiant
la loi communale et ensuite renvoi au ministre de l’intérieur.
__________________
« La veuve Desterbecq, née Duquesne, réclame
l’intervention de la chambre pour que M. le ministre des finances statue sur sa
demande de pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
PROJET DE LOI ASSURANT L’EXÉCUTION DE CERTAINES DISPOSITIONS DE
M. le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, la convention avec
Je prierai la chambre de s’occuper le plus tôt possible de l’examen de
ce projet ; la chose est assez urgente.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de
loi. Il sera, ainsi que l’exposé des motifs, imprimé et distribué. La chambre
en renvoie l’examen à la section centrale qui a été chargée de l’examen du projet de loi relatif à la convention avec
M. Devaux (pour une motion d’ordre). - Messieurs, je
demanderai s’il n’est pas nécessaire que l’examen de la question relative aux
marchands de vin marche un peu rapidement, et si l’on ne pourrait autoriser la
commission à faire imprimer son rapport aussitôt qu’il sera prêt, pour que nous
puissions l’avoir avant même notre prochaine réunion.
M. le
président. - La commission a eu une première
séance hier ; elle devait continuer son travail aujourd’hui, mais l’heure à
laquelle on a fixé la séance l’en a empêchée. Elle le reprendra aussitôt que la
chambre reprendra ses séances.
M. Devaux. - Je croyais que M. le
ministre de l’intérieur avait invité la commission à se réunir aujourd’hui de 3
à 5 heures.
M.
Fleussu. - Messieurs, la question relative
aux marchands de vin étant examinée par la section centrale qui doit examiner
le projet de loi présenté à l’instant même par M. le ministre des finances, je
demanderai que cette section soit invitée à nous faire son rapport en même
temps sur tout ce qui est relatif à la convention, c’est-à-dire aussi bien sur
la question des marchands de vin que sur le projet qui vous est présenté.
M. le
président. - La section centrale fera son
rapport sur l’un et l’autre objet aussitôt qu’il lui sera possible. Comma je
l’ai dit, elle a déjà commencé l’examen de la question relative aux
réclamations des marchands de vin.
M.
Fleussu. - Je ferai remarquer que je ne veux
pas imposer d’obligation à la section centrale ; c’est à elle à savoir dans
quel ordre elle veut distribuer son travail ; mais il me semble qu’il y aurait
avantage à examiner en même temps toutes les questions qui se rattachent à la
convention.
Et on me fait encore dans ce moment une observation très juste ; c’est
que, comme la convention va être mise à exécution, les
marchands de vin du pays seront dans une position inférieure aux marchands
français ; de sorte qu’il y a lieu de se presser de décider la question.
M.
Rodenbach. - La section centrale s’est
réunie hier pour examiner le rapport de M. le ministre des finances ; elle a
discuté, et même pendant deux heures, la grave question du principe de
rétroactivité. On avait décidé une seconde réunion pour aujourd’hui à 11 heures
; mais cette réunion n’a pu avoir lieu à cause de la fixation de l’ouverture de
la séance à cette même heure. Aussitôt que M. le président nous convoquera,
soit ce soir, soit mardi, nous nous réunirons, et je dois que notre travail
relativement à la question des marchands de vin pourra être terminé à cette
prochaine réunion.
Mais quant au projet que vient de
présenter M. le ministre des finances relativement au sel, c’est une toute
autre question qui se rattache directement à la convention, tandis que la question
des marchands de vin n’a aucun rapport avec la convention.
M.
Delehaye. - C’est une erreur.
M.
Rodenbach. - Je sais que cette question
est une conséquence de la convention ; mais, je le répète, elle n’y a pas un
rapport direct. Du reste, la section centrale s’en occupera aussitôt qu’elle
sera convoquée ; il est impossible de présenter un rapport avant que nous ne
nous soyons réunis une seconde fois.
M.
Delehaye. - Je pense que si la chambre
décidait dès à présent qu’elle ne statuera pas sur le projet que vient du
présenter M. le ministre des finances avant d’avoir pris une résolution
relativement à la question des marchands de vin, on mettrait un terme à cette discussion.
Je crois qu’il est nécessaire de faire précéder l’examen du projet que
vient de présenter M. le ministre, de celui de la question des marchands de
vin, parce que du moment que le traité sera mis à exécution, et il le sera en
vertu du projet de loi qui vient d’être déposé, les marchands de vin du pays se
trouveront dans une position telle qu’ils ne pourront lutter contre les
marchands français. Vous ne perdrez pas de vue que le commerce en détail se
fait aussi par les marchands français ; or, ces marchands n’ayant pas de dépôts
en Belgique, pourront livrer de 25 à 50 fr. meilleur marché que les marchands
belges. Il faut donc nécessairement discuter cette question avant le projet de
loi présenté dans cette séance ; car, je le répète, la convention une fois mise
exécution, la lutte ne sera plus égale.
Messieurs, je ne veux pas préjuger la question ; mais il est nécessaire
que vous preniez une résolution, parce que ce sera par cette résolution que
vous ferez cesser les inquiétudes des marchands de vin. C’est par ces motifs que je demande que la chambre veuille bien statuer sur la
question qui les concerne avant la discussion du projet qui nous est présente.
M. Mercier. - Je n’ai pas demandé la parole pour m’opposer à la motion de
l’honorable M. Delehaye, mais pour donner quelques explications sur les travaux
de la section centrale à l’égard des pétitions des marchands de vin.
La section centrale s’est réunie hier ; M. le ministre des finances
s’est rendu dans son sein ; elle a délibéré longtemps sur ces réclamations.
Elle pensait se réunir aujourd’hui ; mais comme l’ouverture de la séance
publique a été fixée à 11 heures, elle s’est ajournée à mardi.
Je crois que cette question sera
vidée par la section centrale dans sa prochaine séance, et qu’elle pourra en
soumettre la solution à la chambre avant qu’elle ait à délibérer sur le projet
de loi qui vient de vous être présenté.
M. de Garcia. -
Messieurs, je crois que la chambre ne peut accueillir la proposition de
l’honorable M. Delehaye. Il y a un rapport fait sur une matière. Eh bien, qu’on
vide cette matière. Rien ne nous dit que le rapport sur les réclamations des
marchands de vin pourra être fait incessamment ; car cette question est très
grave, et si elle a certaines liaisons avec la convention, il est certain
qu’elle n’y touche qu’indirectement. C’est plutôt une question d’administration
intérieure qu’une question qui a un rapport direct avec la convention.
Dans tous les cas, il faut attendre un rapport. Un rapport nous est fait
sur la question du sel ; pourquoi ajournerait-on cette question ? On peut s’en
occuper, sauf à discuter ce qu’il conviendra de faire lorsque le rapport sur les pétitions des marchands de vin nous sera fait. Je m’oppose
en conséquence à l’adoption de la proposition de l’honorable M. Delehaye.
M.
Delehaye. - Les observations de l’honorable
M. de Garcia seraient fondées, si elles n’étaient basées sur une erreur. Il
nous dit qu’un rapport est fait sur la question des sels ; mais il se trompe.
M. le ministre des finances vient de présenter un projet de loi, et la chambre
a renvoyé ce projet à la commission qui a été chargée de l’examen de la
convention. L’honorable préopinant a donc mal compris.
Je dirai plus, c’est qu’il est préférable, dans l’intérêt des travaux de
la chambre, aussi bien que dans celui des marchands de vin, de s’occuper
d’abord de la question qui concerne ces derniers. Car, comme vient de le dire
l’honorable M. Mercier, la section centrale ayant déjà examiné cette question,
les travaux n’en marcheront que plus vite, si elle en
achève l’examen avant de s’occuper du projet présenté aujourd’hui par M. le
ministre des finances.
M. de Garcia. -
Je m’étais trompé, j’en conviens volontiers. Mais il est possible que le projet
présente par M le ministre des finances présente moins de difficultés que la
question des marchands de vin, et mes observations restent debout dans tous les
cas. Si le rapport sur le projet de loi sur le sel était prêt avant celui sur
les pétitions des marchands de vin, je demanderais qu’on le discutât sans
devoir attendre que la section centrale ait terminé son travail sur la seconde
question.
Je combats donc la proposition d’ajourner l’examen du projet de loi sur
le sel, ou de le faire marcher de front avec celui de la question relative aux
marchands de vin ; si le rapport sur le premier de ces objets est prêt avant
l’autre, il faut s’en occuper.
M. le président. - Il est possible que le premier rapport que vous fera la section
centrale sera celui sur les réclamations des marchands de vin. S’il en était autrement,
M. Delehaye pourrait renouveler sa motion.
M. Delehaye. -
Puisque M. le président croit que le premier objet sur lequel il nous sera fait
rapport sera la question des marchands de vin, je suis satisfait.
M. Devaux. - Je demande toujours que si la section centrale se réunit, par
exemple, aujourd’hui comme il a été proposé, elle soit autorisée à faire
imprimer son rapport. (Oui ! oui !)
M. le président. - M. Devaux propose que la section centrale soit autorisée à faire
imprimer son rapport, avant qu’il soit déposé.
- La chambre adopte cette proposition.
M. Devaux. - Je ferai une autre observation. Je crois que l’honorable M. Delehaye
se trompe, s’il pense que l’exécution de la convention sera retardée jusqu’à
l’adoption du projet qui vient de nous être présenté. Elle le sera quant à ce
qui concerne les objets compris dans ce projet, mais en ce qui concerne les
vins elle sera exécutée.
Il s’agit de savoir si dès lors une partie des réclamations des
marchands de vin, celle qui concerne les droits déjà acquittés par les
marchands de vin, ne viendrait pas à tomber par le fait qu’il ne serait plus
possible de leur faire justice. Je crains fort que quand la
convention aura été mise à exécution, on ne vienne nous dire qu’il n’y a plus
moyen de faire droit à cette partie des réclamations des marchands de vin. Il
serait bon d’avoir une explication là-dessus.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Je crois, messieurs, que ce qu’il y aurait de mieux à faire serait de
présenter un rapport sur les deux objets à la fois. En attendant, je ferai
remarquer à l’honorable M. Devaux qu’il n’y a pas de péril en la demeure pour
les marchands de vin, en ce qui touche les liquides déclarés à termes de
crédit, parce que les existences ont été constatées par la douane. Quant aux
vins déclarés définitivement, quand même la chambre eût pris une résolution il
y a huit jours, il eût été impossible de constater les existences, parce qu’il
faudrait faire un recensement général. Mais je ne pense pas que la chambre,
quelle que soit la décision qu’elle prenne, voudra rétroagir jusqu’aux vins
déclarés en consommation depuis peut-être 10, 15 ou 20 ans ; je ne pense pas
qu’on aille jamais jusque-là.
Je le répète donc, en ce qui concerne la partie
des réclamations relative aux vins déclarés a termes de crédit, il n’y a pas de
péril en la demeure.
M. Mercier. - Messieurs, je n’aborderai pas le fond de la question. Ainsi, je
n’examinerai pas l’opinion que vient d’émettre M. le ministre des finances sur
la décision qui pourrait être prise par la chambre. Mais je dois faire observer
que la difficulté présentée par l’honorable M. Devaux existe aussi bien à
l’égard des vins déclarés à termes de crédit, que pour les vins dont l’accise
est acquittée, parce que les vins qui sont déclarés à termes de crédit ne se
trouvent plus tous dans les magasins du négociant, et que les quantités qui s’y
trouvent encore n’ont pas été constatées par l’administration.
M. le ministre des finances n’a pas fait recenser la quantité de vins
qui sont en magasin sans terme de crédit ; il s’est borné à faire relever dans
les bureaux des receveurs quelle est la somme due par les négociants qui
jouissent de termes de crédit. J’ai vu un négociant qui, sur 1,200 pièces
environ, pour lesquelles il a obtenu des termes de crédit, n’en a plus que 200
en magasin. Si le système de M. le ministre des finances était admis, il serait
fait à ce négociant une largesse du quart du droit actuel sur 1,000 pièces de
vin qu’il a vendues et sur lesquelles il a prélevé les droits existants.
Je crois, messieurs, que M. le ministre des finances devrait prendre
quelques mesures pour empêcher que les vins qui seront
importes après la mise à exécution de la convention, ne se confondent avec ceux
qui sont aujourd’hui en magasin sous terme de crédit ou autrement.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Je crois, messieurs, qu’il n’y a aucune mesure à prendre. L’honorable
M. Mercier part de l’idée que du moment où la chambre aurait accordé une remise
de 2 p. c. sur les vins déclarés sous terme de crédit, il faudrait obliger les
négociants à représenter les quantités sur lesquelles ils voudraient obtenir
cette remise. Je pense que c’est là une erreur ; qu’il s’agirait seulement de
constater les quantités existantes au 1er août, sous terme de crédit et
d’accorder ensuite la réduction sur ces quantités.
Quoi qu’il en soit, j’ai la conviction qu’il n’y a point péril en la
demeure, et que les intérêts des marchands de vin ne
peuvent pas être lésés, quant aux vins déclarés sous terme de crédit.
M. Mercier. - Messieurs, le système qu’indique M. le ministre des finances n’est
pas admissible. Irez-vous restituer par exemple, au négociant dont j’ai parlé
tout à l’heure, le droit sur 1,200 pièces de vin alors qu’il n’en a plus que
200 en magasin ? Il faut absolument constater les quantités qui se trouveront
en magasin au moment où le traité sera mis à exécution, ou prendre toute autre
mesure pour que les vins qui seront importés après cette époque ne soient plus
confondus avec ceux qui ont été soumis au droit actuel.
- Cet incident n’a pas d’autre suite.
PROJET
DE LOI ORGANISANT L’INSTRUCTION PRIMAIRE
Discussion
des articles
M. le président. - L’ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles du projet
de loi sur l’instruction primaire Nous en sommes arrivés à l’art. 6, qui est
ainsi conçu
« L’instruction primaire comprend nécessairement l’enseignement de
la religion et de la morale, la lecture, l’écriture, le système légal des poids
et mesures, les éléments du calcul et, suivant les besoins des localités, les
éléments de la langue française, flamande ou allemande.
« L’enseignement de la religion et de la morale est donné sous la
direction des ministres du culte professé par la majorité des habitants de la
commune.
« Les enfants dont les parents n’appartiennent pas à la communion
religieuse en majorité dans la commune seront dispensés d’assister à cet
enseignement. »
M. Savart a proposé de remplacer le dernier paragraphe par les
dispositions suivantes :
« Seront dispensés d’assister à cet enseignement les enfants dont
les parents demanderaient cette dispense. »
M. Savart.
- Messieurs, l’amendement que j’ai eu l’honneur
de proposer me paraît très clair et ne me semble pas nécessiter de longues
explications.
La rédaction du dernier paragraphe de l’article proposé par la section
centrale m’a paru présenter cet inconvénient, qu’il faudrait commencer par
constater quelle est la communion religieuse à laquelle appartiennent les
parents ; or il me semble que dans un pays libre comme le nôtre, il n’est pas
permis de pousser les investigations jusque-là ; je pense d’ailleurs que ce
serait là un précédent dont on pourrait abuser plus tard, tandis qu’en
rédigeant le paragraphe de la manière dont je propose de le rédiger, ou en
adoptant la disposition du projet de 1834, on éviterait ces inconvénients.
D’un autre côté il peut arriver que des parents appartenant à telle
communion religieuse veulent faire enseigner à leurs enfants les dogmes d’une
autre religion ; il peut encore arriver que les enfants
aient un père catholique et une mère protestante, et vice versa. L’amendement
que je propose évite tous les inconvénients qui, sous ces divers rapports , peuvent résulter de la rédaction de la section
centrale.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Messieurs, comme c’est moi qui, dans la section centrale, ai proposé de
substituer à la disposition de la loi de 1834 le paragraphe final de l’art. 6,
je crois devoir donner tout d’abord des explications à cet égard.
M. Savart a dit avec raison que son amendement n’était autre chose au
fond que la reproduction d’un paragraphe de l’ancien projet ; ce paragraphe, je
n’hésite pas à le dire, était une inconséquence dans le système de la loi ;
c’est même une inconséquence dans la loi française, et je vais chercher à vous
le démontrer.
Quel est le principe fondamental de la loi que nous faisons ? c’est l’obligation de joindre l’enseignement religieux et
moral à l’instruction primaire. Tous ceux qui concourent à l’exécution de la
loi, tous ceux qui s’associent à l’exécution de la loi sont réputés accepter
les principes qui en forment le système.
Les communes sont obligées d’accepter ces principes ; les pères de
famille y sont également obligés du moment que, par l’envoi de leurs enfants à
l’école, ils s’associent à l’exécution de la loi.
Remarquez bien, messieurs, que dans cette loi vous ne trouvez pas les
dispositions que renferment dans d’autres pays les lois sur l’instruction
primaire. Dans d’autres pays les pères de famille sont obligés d’envoyer leurs
enfants à l’école ; il est même des pays où des peines sont infligées aux pères
de familles qui ne remplissent pas cette obligation ; notre loi laisse à chacun
la liberté d’envoyer ses enfants à l’école ou de ne pas les y envoyer. Nous
faisons la part la plus large à l’autorité paternelle ; il y a même des pays où
l’on prétendrait que nous lui faisons sous ce rapport un part trop large.
Ainsi chaque père de famille reste libre d’envoyer ou non ses enfants à
l’école, mais du moment qu’il y envoie ses enfants, il se place dans la
position où doivent se placer tous ceux qui concourent ou qui s’associent à
l’exécution de la loi.
Nous ne portons donc atteinte à aucun droit, chaque père de famille
reste libre, et s’il en est un qui veut que ses enfants ne soient pas élevés
dans une religion positive, il peut atteindre son but en déclarant que son
enfant n’ira pas du tout à l’école ; là est son droit, et nous ne pouvons pas
sans inconséquence lui en accorder une autre.
Nous ne voulons pas, messieurs, que les autorités constituées dans une
commune puissent se soustraire à l’obligation de donner ou de laisser donner
l’enseignement moral et religieux dans l’école communale. Or, voyez quels
seraient les résultats de l’adoption de l’amendement de M. Savart. Ce que les
autorités communales ne pourraient pas collectivement, que le conseil communal
ne pourrait pas collectivement, comme autorité constituée, il le pourrait
indirectement ; les membres pourraient individuellement se prévaloir du droit
que leur donnerait l’amendement de M. Savart. Je m’explique, car je veux bien
entrer dans le fond de la question, dans tout ce qu’elle peut avoir de plus
extrême.
Il existe un conseil communal, composé, je suppose, de vingt membres. Ce
conseil communal, comme autorité, ne pourrait pas dire : « J’entends que
nous puissions nous soustraire à l’obligation de laisser donner l’enseignement
moral et religieux dans l’école. »
Mais ce qu’ils ne peuvent pas comme membres du conseil communal,
agissant collectivement, ils le pourraient individuellement, c’est-à-dire que
ces vingt membres du conseil communal, se prévalant de l’amendement de
l’honorable M. Savart, s’associant à d’autres particuliers de la commune,
déclareraient qu’ils entendent que leurs enfants soient dispensés d’assister à
l’enseignement moral et religieux ; et dès lors, par le grand nombre de
dispenses qui seraient demandées, l’enseignement moral et religieux se
trouverait de fait supprimé.
Hier, messieurs, vous n’avez pas voulu, et je crois que vous avez eu
raison, vous n’avez pas voulu que le pauvre pût jeter un discrédit sur les
établissements publics d’instruction primaire ; mais, messieurs, vous ne devez
pas faire aujourd’hui pour le riche ce que hier vous ne vouliez pas accorder
aux pauvres. Si vous adoptez l’amendement de l’honorable M. Savart, le riche
pourra venir dire : « J’entends que mon enfant continue à aller à l’école,
mais il se retirera lorsque l’enseignement moral et religieux sera donné, il se
retirera chaque fois que le prêtre mettra les pieds dans l’école. »
Messieurs, c’est ce que vous ne devez pas vouloir ; ce serait une
inconséquence, et vous jetteriez de la déconsidération sur vos établissements.
En résumé, messieurs, quoiqu’on ait
invoqué la constitution, vous ne portez atteinte à aucun principe, à aucune
liberté ; si des pères de famille ne veulent pas que leurs enfants reçoivent
l’enseignement moral et religieux, il leur suffira, pour s’y soustraire, de ne
pas envoyer leurs enfants à l’école.
M. Delfosse. -
Messieurs, le conseil communal de la ville laquelle j’ai l’honneur
d’appartenir, a demande, dans une pétition adressée à la chambre, que
l’instruction morale soit séparée, quant à la surveillance, de l’instruction
religieuse. D’après les vues émises dans cette pétition, le clergé aurait seul
la surveillance de l’enseignement religieux, mais celle de l’enseignement moral
serait laissée à l’autorité civile.
Cette pétition, qui a été adoptée à l’unanimité des membres présents, y
compris le bourgmestre, a été l’objet de violentes attaques. Un journal, organe
de l’opinion qui fait dans cette enceinte de fréquents appels à la
conciliation, a été jusqu’à insinuer que les pétitionnaires étaient de malhonnêtes gens.
Les membres du conseil communal de Liége sont au-dessus de pareilles
attaques, l’estime et les suffrages de leurs concitoyens les en dédommagent
amplement. Je me serais donc abstenu de les relever, si un de nos honorables
collègues, dont l’opinion exerce ici quelque influence, n’était venu me parler
de cette pétition avec une sorte de mépris.
Le conseil communal de Liége a fait, messieurs, de grands sacrifices
pour l’instruction primaire. De nombreuses écoles, ouvertes gratuitement aux
classes inférieures, ont été créées sur tous les points de la ville, et
l’affluence des enfants qui les fréquentent prouve assez le mérite de
l’instruction qui s’y donne.
Cette instruction, quoi qu’on ait pu dire, est religieuse et morale.
Ceux qui l’ont calomniée auraient dû prouver par des faits que les enfants
sortis de ces écoles ont moins de moralité que les autres enfants, et cette
preuve, je le dis hautement, ils ne la feront pas. Je ne crains pas d’avancer
que Liège est une des villes de
Il est vrai, messieurs, que le clergé a refusé son concours pour
l’enseignement religieux ; mais à qui la faute ? Est-ce à l’administration
communale ? Non, car elle a fait des avances pour l’obtenir ; c’est à l’évêque
qui a mis à ce concours des conditions telles qu’il était impossible de les
accepter, à l’évêque dont les prétentions exagérées en matière d’enseignement,
ont été combattues par les hommes les plus religieux, et sont même, si j’en
crois l’honorable M. Brabant, répudiées par le clergé d’une autre province.
Qu’est-il résulté, messieurs, de ce refus de concours ? Il en est
résulté que le prêtre ne voulant pas, ou n’osant pas, à cause des ordres de l’évêque,
aller trouver l’enfant à l’école, l’enfant est allé trouver le prêtre à
l’église ; l’enfant a été conduit à l’église par ses instituteurs ;
l’instruction religieuse, et il ne s’agit pas ici d’une religion vague, mais
d’une religion positive, ne lui a pas manque ; seulement elle lui a été donné
dans un autre lieu.
Faut-il s’étonner, après cela, que le conseil communal de Liége qui,
tout en regrettant le refus du concours du clergé, a vu que ce refus ne
produisait pas en définitive de si grands maux ; qui a su apprécier les
avantages produits par les écoles qu’il a créées ; qui s’est convaincu que la
population sortie de ces écoles, n’est ni moins intelligente, ni moins morale
que celle des écoles placées sous une autre direction ; faut-il s’étonner, dis-je,
que le conseil communal de Liége, tout en désirant, comme il a toujours désiré,
mais à des conditions acceptables, le concours du clergé pour l’enseignement
religieux, demande à conserver la surveillance de l’enseignement moral ?
Comment a-t-on pu dire que ceux qui faisaient cette demande étaient des
hommes irréligieux, de malhonnêtes gens, alors que les auteurs du projet de
1834, alors que MM. de Gerlache, de Theux, Ernst, hommes éminemment religieux,
avaient proposé la même chose ? Comment n’a-t on pas vu que les attaques peu
mesurées, dirigées à cette occasion contre le conseil communal de Liége,
tombent directement sur des hommes pour lesquels l’opinion catholique montre
avec raison une entière sympathie ?
Ce n’est pas, messieurs, que je partage l’opinion du conseil communal de
Liège et des auteurs du projet de 1834 ; il ne faut pas se le dissimuler, il y
a un lien intime entre la religion et la morale et il est bien difficile
d’enseigner l’une sans enseigner l’antre. A quoi bon, en effet, expliquer aux
enfants les attributs de la divinité ? A quoi bon leur dire tout ce qu’elle a
fait pour nous ? A quoi bon leur apprendre que des peines ou des récompenses
nous attendent dans l’autre vie, selon que nous aurons bien ou mal agi, si on
ne leur apprend en même temps quelles sont les bonnes et les mauvaises actions
? Lorsqu’on croit qu’il est utile de confier au prêtre la direction de
l’enseignement religieux, on ne saurait donc, sans être quelque peu
inconséquent, lui refuser au moins une part dans la direction de l’enseignement
moral. Je le répète, il y a entre ces deux choses une union trop intime, pour
qu’elles puissent être complètement séparées. Mais s’il est impossible
d’exclure le prêtre, alors qu’on lui confie la direction de l’enseignement religieux,
de la direction de l’enseignement moral, il y aurait, d’un autre côté, un grand
danger à lui en confier la direction exclusive.
La morale, messieurs, a plusieurs objets. Elle comprend les rapports de
l’homme avec Dieu, avec lui-même, avec ses semblables ; et cette dernière
branche se subdivise en deux autres qui comprennent les devoirs de l’homme
privé et ceux du citoyen.
Je conçois qu’on puisse, sans danger, confier au clergé la direction de
l’enseignement de cette partie de la morale qui comprend les rapports de
l’homme avec Dieu, avec lui-même, avec ses semblables, dans les relations
privées. Cette partie de la morale est tout entière dans l’Evangile dont le
prêtre a fait une étude particulière, et qu’il est censé connaître mieux que
personne, mais il n’en est pas de même des devoirs des citoyens ; ceux-là, le
prêtre peut ne les connaître qu’imparfaitement ; égaré par l’esprit de corps,
et cela s’est vu, il peut avoir intérêt à les nier ou à les obscurcir ; ceux-là
influent trop directement sur le sort de l’Etat, pour que l’autorité civile, si
elle tient à sa conservation, puisse dans ses propres écoles, confier à
d’autres qu’à elle-même le soin de les enseigner.
Et qu’on ne dise pas que les devoirs du citoyen ne sont pas de ceux qui
doivent s’enseigner dans les écoles primaires ; je soutiens que c’est
principalement là qu’il faut les enseigner ; n’est-il pas vrai qu’il faut que
les classes inférieures apprennent à respecter, à aimer nos institutions ? et où pourraient-elles l’apprendre, si ce n’est dans les
écoles qui leur sont ouvertes ?
Je vais même plus loin : je dis que rien de ce qui s’enseigne dans les
écoles primaires subventionnées ne doit échapper à l’attention de l’autorité
civile. Il ne faut pas que, sous prétexte d’enseigner la morale et la religion,
on puisse enseigner des choses qui seraient contraires aux lois ou à l’intérêt
du pays ; il faut que l’autorité civile contrôle toujours ce qui s’y fait, afin
que rien de contraire aux lois ou à l’intérêt du pays ne puisse s’y faire
impunément.
On me dira que toutes ces précautions sont injurieuses pour le clergé ;
que c’est le mettre en état de suspicion ; que le clergé a les meilleures
intentions, qu’il veut l’intérêt du pays.
Mon intention, messieurs, n’est pas de faire ici le procès au clergé ;
je reconnais volontiers que la plupart des membres du clergé sont animés d’un
esprit de paix et le concorde, et qu’ils désirent sincèrement la prospérité du
pays et l’union de tous ses enfants ; mais il faut bien le reconnaître aussi,
il en est quelques-uns, et malheureusement ceux-là sont haut placés, ils
dirigent les autres, qui ne mettent pas toujours dans leurs actes cet esprit de
prudence et de modération qui peut seul commander la confiance ; il suffit
d’ailleurs que les abus soient possibles pour rendre les précautions légitimes.
Vous voyez, messieurs, d’après les principes que je viens d’exposer,
qu’il me serait impossible de voter pour le projet de loi, à moins qu’il ne fût
considérablement modifié, à moins qu’il n’assignât à l’autorité civile un rang
plus digne d’elle ; et même, quand on ferait à cet égard toutes les
modifications que je pourrais désirer, il me serait encore impossible de voter
pour le projet de loi.
J’avoue, messieurs, que je ne comprends pas qu’on fixe par une loi les
attributions d’un corps indépendant, d’un corps que la loi ne peut atteindre.
Vous auriez beau régler par la loi la part d’intervention du clergé dans les
écoles primaires subventionnées, vous auriez beau tracer les limites et les
conditions de cette intervention, votre loi serait comme non avenue si elle ne
convenait pas au clergé. Un législateur prudent ne fait pas des lois dont
l’exécution dépendrait d’un corps sur lequel il n’a pas la moindre action. Si
on veut l’intervention officielle du clergé dans l’enseignement primaire, ce
n’est pas par une loi qu’il faut la régler, mais par un concordat avec les
évêques.
Je voterai donc contre la loi, mais je me réserve
d’appuyer les amendements qui me paraîtraient de nature à la rendre moins
mauvaise. J’appuierai entre autres l’amendement de M. Savart-Martel, qui est un
hommage rendu à la liberté de conscience.
M. Cogels. -
J’espère, messieurs, qu’il ne se trouvera pas en Belgique un seul père assez
ennemi de son enfant, assez ennemi de lui-même, assez indifférent au bonheur,
au repos de sa famille pour réclamer l’application de l’amendement de
l’honorable M. Savart-Martel. Je ne regarderais donc pas cet amendement comme
fort dangereux, car je ne pense pas qu’on en demande souvent l’application. Mais
ici c’est une question de principe que nous avons a
discuter. Dès lors, nous devons en calculer toutes les conséquences. Quel est
le but de la loi ? D’améliorer les classes pauvres ; c’est dans l’intérêt de la
société que nous entendons travailler, tout autant que dans l’intérêt des
familles pauvres. C’est un principe reconnu dans tous les pays, qu’il n’y a pas
d’instruction sans enseignement religieux.
En France, où certainement on ne peut pas se plaindre de la trop grande
influence du clergé, de la trop grande prédominance du sentiment religieux, on
a vu cette nécessité ; vous avez pu vous en convaincre en parcourant le
rapport. Je me bornerai à vous en citer les passages les plus saillants. Vous y
avez vu que M. St-Marc-Girardin, dans des conférences qu’il a eues avec des
savants allemands, sur l’état de l’instruction primaire, dit : Quand j’alléguais le peu d’empire que les
idées religieuses avaient en France, ils secouaient la tête, comme désespérant de l’éducation d’un pays
où la religion n’a point d’ascendant.
M.
Guizot, parlant de l’instruction, nous dit : Le développement intellectuel, quand il est uni au développement moral
et religieux est excellent, mais le développement intellectuel tout seul,
séparé du développement moral et religieux, devient un principe d’orgueil,
d’insubordination, d’égoïsme, et, par conséquent, de danger pour la société.
Eh
bien, ce danger, nous ne devons pas contribuer à le créer. Voici pour la
question de principe en général. Voyons les conséquences auxquelles ce principe
nous entraînerait. Ce serait de jeter le désordre dans l’école, car il faut
bien distinguer la dispense qu’on accorde aux parents de communion différente
de celle de la majorité, de la dispense qu’on demande pour les parents assez
mal avisés pour refuser une instruction religieuse quelconque à leurs enfants.
La dispense que vous accordez aux enfants d’une communion dissidente ferait
preuve d’un esprit de tolérance ; mais elle fait voir l’obligation de recevoir
telle ou telle instruction religieuse, elle fait voir que dans chaque communion
on doit recevoir l’instruction religieuse de sa communion. L’enfant protestant
dispensé de suivre l’instruction religieuse de l’école catholique, la recevrait
de ses parents ou de son ministre et respecterait l’instruction religieuse que
recevrait l’enfant catholique, comme l’enfant catholique respectera
l’instruction religieuse que recevra l’enfant protestant.
Mais
supposons que quelques enfants de parents qui n’attacheraient aucune importance
à la religion, fussent dispensés d’assister à l’instruction religieuse,
qu’arriverait-il ?
Permettez-moi
de parler le langage de l’enfant ; c’est que le petit philosophe imberbe,
usurpant la position du maître dont vous a parlé M. le ministre de l'intérieur,
dirait : Mais, mes amis, vous êtes bien sots de vous laisser arrêter par ces
bêtises-là ; venez donc avec moi, nous nous amuserons beaucoup mieux qu’à
écouter cela, et plus le nombre des enfants dispensés serait grand, plus
l’instruction religieuse péricliterait, tomberait en déconsidération, car
l’enfant qui n’aime pas mieux que jouer, préférerait aller courir dans la cour
ou dans la rue bien mieux que d’assister aux leçons de catéchisme, qui ne
l’amusent souvent pas trop. Voilà les conséquences de l’amendement de M.
Savart-Martel.
Maintenant,
je répondrai quelques mots à l’honorable M. Delfosse. Il vous a rappelé la
pétition du conseil communal de Liège. Lorsque j’en ai parlé, j’ai fait voir
suffisamment qu’il est impossible de séparer l’instruction religieuse de
l’enseignement moral. Je dirai plus, c’est que dans la loi j’avais trouvé que
joindre ces deux mots : la religion et la morale, était une espèce de
pléonasme, une redondance. Pour faire voir que l’enseignement religieux
comprenait celui de la morale, qu’il n’y avait aucune instruction religieuse
sans morale, on a voulu sans doute rassurer les personnes qui n’étaient pas
suffisamment instruites sur ce point. Mais comment voulez-vous séparer
l’instruction religieuse de la morale, comme l’entendent les membres du conseil
communal de Liége ?
Voici
comment ces messieurs s’expriment
« D’un
autre côté, le projet de loi porte que les ministres du culte auront
l’enseignement de la religion et de la morale, et l’approbation des livres
destinés aux élèves.
« Ne
suffit-il donc pas d’abandonner au clergé l’enseignement du dogme ? »
Ainsi,
messieurs, toute la tâche du ministre du culte, ou de celui qui le représente,
se bornerait à enseigner aux enfants ces parties du dogme qui le séparent du
dogme des communions dissidentes ; car dans la religion tout le reste est
moral.
Je vous
demande quelle serait cette instruction religieuse ? Comme elle serait aride,
comme elle serait peu utile, comme elle serait propre à discréditer cette
religion ! Comme je l’ai déjà dit, séparer la morale de la religion serait la
dépouiller de son plus bel ornement, car la partie morale et philosophique,
voilà la partie essentielle de la religion. Séparer la religion de la morale,
c’est un vain mot. Le résultat que l’on obtiendrait serait de détruire le
véritable sentiment religieux, d’y substituer le rationalisme. C’est ce à quoi
je ne consentirai jamais. Je voterai donc contre l’amendement de M.
Savart-Martel.
M. de Man d’Attenrode. -
Messieurs, dans le § 1er de l’art. 6 en discussion, nous mettons en tête du
programme des matières à enseigner dans l’école la morale et la religion.
Pour
que l’enseignement soit moral et religieux dans l’école, il faut, pour me
servir de l’expression d’un comité anglais, dont l’opinion est insérée au
rapport de la section centrale, il faut que la religion soit combinée avec
toute la matière de l’instruction. Une ou même deux leçons de religion par
semaine sont de nulle valeur ; il faut que l’instituteur saisisse les
circonstances sans cesse renaissantes, pour faire pénétrer le sentiment de la
morale religieuse dans le cœur de ses élèves. Or, je vous le demande,
messieurs, si l’enseignement doit être pénétré de cette sève morale et
religieuse, comment admettre l’amendement de M. Savart-Martel, qui veut que les
enfants dont les parents en feront la demande, soient dispensés de
l’enseignement religieux. Je pense moi que ce serait admettre que
l’enseignement moral et religieux n’aura lieu qu’à des heures fixes et c’est ce
que je ne puis admettre.
Les
parents qui ne veulent pas pour leurs enfants de l’enseignement moral et
religieux de l’école, ne doivent pas les y envoyer.
Je
suppose que l’on admette que l’enseignement religieux n’est pas de tous les
instants, qu’il doit se borner à une leçon, une ou deux fois la semaine, que
certains élèves pourront en être dispensés ; mais cette distinction fera
l’effet le plus fâcheux sur l’esprit des élèves qui devront y assister. Les
élèves dispensés commenceront dès l’école leur cours de philosophie voltairienne
; ils tourneront en ridicule les élèves soumis à l’enseignement de la morale et
de la religion, comme vient de le dire l’honorable M. Cogels, et dès l’école
ils apprendront à se poser prétendument en petits esprits forts.
Je ne
puis donc admettre cette dispense d’enseignement moral et religieux pour
certains élèves ; les parents que n’accommodera pas l’enseignement de la
religion de la majorité de la commune devront s’adresser ailleurs, à une école
où l’enseignement est donné dans le sens de leurs croyances, dans le sens de
leurs négations de croyances.
Messieurs,
l’honorable M. Savart nous a dit que son amendement était une suite nécessaire
de la liberté de conscience.
Je ne vois pas pourquoi la minorité pourrait imposer
la négation de l’enseignement religieux dans l’école communale, où une religion
positive, celle de la majorité, doit être enseignée ; la minorité ne peut
exiger cette condition sous le prétexte de la liberté de conscience. Je voterai
contre cet amendement.
M. Devaux. - Messieurs, il y a une partie de l’article sur laquelle je crois que
nous sommes tous d’accord. Nous donnons, nous voulons donner au clergé le droit
de diriger l’enseignement religieux tout entier. A cet effet, le ministre du
culte peut diriger l’instituteur de l’école dans cet enseignement ; il a de
plus cet autre droit de s’installer lui-même ou d’installer un de ses délégués
pour donner l’enseignement religieux, s’il le préfère. Je crois que sur ce
point nous sommes d’accord ; mais quant à la rédaction je préfère aussi pour
mon compte celle du projet de loi de 1834, je préfère la rédaction qui dit :
« L’enseignement de la religion est donné sous la direction de ses
ministres », à celle-ci : « L’enseignement de la religion et de la morale,
etc. »
Voici
mes raisons :
La
religion comprend la morale ; qu’on ne nous prête donc pas l’intention de
vouloir séparer la morale de la religion, d’interdire au ministre du culte de
parler de morale. La religion comprend la morale ou une grande partie de la
morale. Il serait même difficile d’établir la limite où la morale se détache de
la religion. En disant donc que le ministre du culte dirige l’enseignement de
la religion, je n’entends en aucune façon le restreindre dans cette partie qui
différencie une communion, une religion d’une autre ; mais je préfère qu’on
n’insère pas le mot moral, parce que
je ne veux pas que l’instituteur laïque soit déclaré incompétent en fait
d’enseignement moral. Messieurs, pour l’enseignement de la religion nous avons
besoin de la garantie du clergé. Il faut que le clergé garantisse que la
religion enseignée est bien la vraie religion.
Cette
garantie vous la demandez au clergé, et vous avez raison. Mais la morale est de
toutes les communions, la morale est de toutes les religions ; par conséquent
pour l’enseignement de la morale, vous pouvez vous passer de cette garantie
spéciale du clergé. Ce n’est pas une raison pour la lui interdire ; je ne veux
pas la lui interdire, mais d’un autre côté, je ne veux pas que vous déclariez
le laïque incompétent en fait de morale. Vous ne le pouvez pas, car le déclarer
incompétent en fait de morale, c’est le déclarer incompétent en fait
d’instruction. Je défie un maître d’école de tenir son école sans faire de la
morale ; il ne la tient pas un jour, pas une heure sans faire de la morale. Il
est impossible au maître d’école, quand il punit un élève pour avoir volé le
papier de son voisin de le punir raisonnablement sans lui expliquer le principe
de morale qui défend de voler.
Quant
il le punit parce qu’il ment, il faut bien qu’il lui dise que le mensonge est
une chose immorale. Ainsi de suite pour la désobéissance et tous les petits
écarts des écoliers soumis à son enseignement. Ainsi, à moins de déclarer que
tout enseignement appartient au clergé, il y a impossibilité de déclarer le
laïque incompétent en fait de morale.
Si la
religion comprend la morale, pourquoi après le mot religion, ajoutez le mot morale ? C’est évidemment un pléonasme.
En
ajoutant ce mot au projet de loi de 1834, vous avez fait autre chose dont vous
ne vous êtes pas aperçus. Vous avez dit dans le paragraphe 3
: « L’enseignement de la religion et de la morale est donné sous la
direction des ministres du culte, professé par la majorité des habitants de la
commune. » Ainsi voilà les enfants qui n’appartiennent pas à la religion
de la majorité qui ne recevront plus d’enseignement moral ; car vous placez
l’enseignement de la morale sous la direction du ministre du culte et vous
dispensez l’enfant d’une communion religieuse autre que celle de la majorité
d’assister à cet enseignement. Vous voyez que cela ne peut rester ainsi. Voilà
pourquoi je veux écrire dans l’article la religion seule. Je n’interdis pas
l’enseignement de la morale au clergé. Mais je ne veux pas non plus qu’il soit
interdit au laïque, car seul il peut donner cet enseignement aux enfants d’une
autre communion religieuse que celle de la majorité.
J’ajouterai
une autre raison. Donner la direction de l’enseignement religieux au clergé,
cela est clair pour tout le monde. Tout le monde sait ce que cela veut dire.
Mais lui donner la direction de l’enseignement moral qui, comme je vous l’ai
fait voir, s’étend aux moindres actes des matières d’enseignement, c’est
exciter le clergé à s’ingérer dans tous les détails de l’école c’est lui donner
à cet égard un droit absolu. Or, ce n’est pas là le sens de la loi, La loi
donne un droit absolu au clergé pour l’enseignement religieux. Dans tout le
reste pouvoir au clergé de donner des conseils, des avis, mais souveraineté
pour l’autorité civile. Voilà le système de la loi.
Maintenant
voici un autre inconvénient peut-être plus grave ; ce n’est pas pour
l’instruction primaire. Mais quant vous aurez écrit ce principe dans la loi sur
l’instruction primaire, on en argumentera pour qu’il soit inséré dans la loi
sur l’enseignement moyen, un autre jour dans la loi sur l’enseignement
supérieur. Or, qu’arrivera-t-il ? Dans l’enseignement moral, vous ne pouvez
expliquer un auteur grec ou latin, sans rencontrer des phrases de morale, qui
donnent lieu à quelques développements, à quelques observations du professeur.
Dans les universités, on a les doctrines philosophiques, l’enseignement de la
philosophie morale. Quand vous aurez attribué au clergé l’enseignement de la
morale dans la loi sur l’instruction primaire, on ira jusqu’à dire que tout
l’enseignement de la philosophie morale dans les universités doit être remis au
clergé, que toutes les doctrines philosophiques sont à la discrétion absolue du
clergé. Ces principes, je n’en veux pas.
Encore
une fois j’admets l’influence du clergé dans les écoles primaires, non
seulement pour l’enseignement moral, mais d’une manière plus étendue.
Seulement, je ne l’admets pas titre de droit ; je l’admets comme officieuse,
comme avis. Ou vous l’a dit tout à l’heure, la morale dans une de ses divisions
comprend les devoirs politiques. Je sais que cela n’a pas une bien grande
importance pour l’enseignement primaire ; muais quand vous arriverez à d’autres
degrés de l’enseignement, cela aura des conséquences beaucoup plus graves.
Cependant vous allez déposer le principe dans la loi sur l’instruction
primaire. Voilà pourquoi je pense qu’il convient de ne pas ajouter après le mot
religion le mot morale. Vous voyez que ce n’est pas par les mêmes raisons que le
conseil communal de Liège. Je partage à cet égard l’avis de l’honorable M.
Delfosse.
Je
ferai une observation de détail. Je crois qu’il est échappé la section centrale
et au gouvernement un vice de rédaction. Le 2ème § porte : « L’enseignement
de la religion et de la morale est donné sous la direction des ministres du
culte professé par la majorité des habitants de la commune. »
Je
demanderai si, d’après cette nouvelle rédaction dans les villes où la majorité
est catholique et où il y a des protestants (par exemple, les villes de la côte
où il y a une population anglaise qui est de plusieurs centaines et quelquefois
d’un millier des familles), je demanderai s’il sera permis d’établir une école
pour ces protestants. Alors dans ces écoles, l’enseignement de la religion ne
serait pas donné sous la direction des ministres du culte professé par la
majorité des habitants. D’après le signe que fait l’honorable rapporteur de la
section centrale, je vois que ce n’est pas l’intention de la rédaction.
Vous
voyez qu’il y a quelque chose à changer. La rédaction du projet de 1834 est
préférable. Je crois qu’elle donne les mêmes garanties. Sous ce double rapport,
je préfère cette rédaction.
Quant au vœu des parents qui doit être consulté et
suivi en ce qui concerne la participation de leurs enfants à l’instruction
religieuse, je crois que la rédaction du projet de 1834
est plus conforme aux principes. Je dirai cependant que, d’après les
explications, le résultat sera a peu près le même. Je
n’y attache pas une grande importance.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je
répondrai d’abord à l’interpellation que m’a adressée l’honorable préopinant
ainsi qu’à la section centrale, en ce qui concerne la rédaction du 2ème §. Dans
le projet de 1834 il est dit : « L’enseignement de la religion est donné
sous la direction de ses ministres. » Cette rédaction eût laissé beaucoup
à désirer dans l’application. Est-ce que les ministres des différents cultes
auraient été admis à se présenter successivement, alternativement, à l’école ;
le ministre catholique, le ministre protestant, chacun pour l’enseignement
moral et religieux dans ses rapports avec ces cultes respectifs ? La rédaction
du projet de 1834 donnait lieu à ce doute. Nous avons pensé que, dans l’esprit
du projet de loi de 1834, on entendait que l’enseignement de la religion et de
la morale serait donné dans chaque école pour les enfants appartenant en
majorité à l’un des cultes positifs qui existent dans le pays. Quant aux autres
enfants, pour eux l’enseignement de la morale et de la religion sera donné en
dehors de l’école. Nous avons pensé qu’on ne pouvait amalgamer ainsi dans la
même école différents enseignements religieux, que ce serait même donner un
mauvais exemple et faire naître peut-être des collisions. La rédaction nouvelle
porte : « L’enseignement de la religion et de la morale est donnée sous la
direction des ministres du culte professé par la majorité de habitants de la
commune. »
Nous
avons donc compris que dans chaque école l’enseignement de la morale et de la
religion serait donné pour la religion catholique sous la direction des
ministres du culte catholique, lorsque les enfants appartiendraient en majorité
à ce culte. Voilà quelle a été notre intention. Si la rédaction ne la rend pas
parfaitement, il faudra la rectifier dans ce sens. On pourrait dire, au lieu de
« de la majorité des habitants de la commune », « de la majorité
des élèves formant l’école. » Ce n’est plus qu’une affaire de rédaction,
Nous sommes d’accord sur le fond.
Je
passe à l’autre question beaucoup plus grave.
Le
projet de 1834 porte :
« L’enseignement
de la religion est donné, etc. »
Le
projet actuel porte :
« L’enseignement
de la religion et de la morale est donné, etc.. »
Avant
d’aller plus loin, je veux, comme l’a fait l’honorable préopinant, m’expliquer
sur la portée que je donne à la discussion actuelle. Nous ne faisons une loi
que pour l’instruction primaire ; il s’agit de l’enfant et des classes
inférieures de la société, Je m’empresse de déclarer que je fais toutes mes
réserves sur l’enseignement moyen et l’enseignement supérieur.
Le
projet de 1834 comprenait dans les matières d’enseignement l’instruction morale
et religieuse. Admettant le paragraphe dernier, il en serait résulté qu’il y
aurait eu deux enseignements tout à fait distincts, un enseignement religieux
donné sous la direction d’un ministre du culte, et un enseignement moral donné,
hors de cette direction, par l’instituteur abandonné à lui-même. Nous devons
demander s’il faut admettre cette séparation lorsqu’il s’agit de l’instruction
primaire, c’est-à-dire, de l’enfance et des classes inférieures de la société.
J’ai
cru, messieurs, de mon devoir, depuis que la nature de mes fonctions m’obligent
à m’occuper d’instruction publique, de m’enquérir de l’exécution que la loi de
Toutes
les publications que j’ai consultées signalent les dangers d’un enseignement
moral tout à fait séparé pour l’enfance et les classes inferieures de la
société. Cet enseignement moral se donne, abstraction faite de toute religion
positive ; cet enseignement moral n’est plus alors qu’imprégné d’une espèce de
déisme, et c’est ce que nous n’avons pas voulu. Nous ne l’avons pas voulu
surtout parce qu’il s’agit de l’enfance et des classes inférieures de la
société.
Voilà, messieurs, les motifs qui m’ont engagé à
proposer le changement qui se trouve dans le projet qui vous est soumis,
M. le
président. - La parole est à M. de Theux.
M. de Theux. - Si
l’on est d’accord sur le rejet de l’amendement de M. Savart-Martel, je
renoncerai à la parole.
M. Devaux. - J’ai proposé le maintien de la loi de 1834.
M. le
président. - M. Devaux n’ayant pas fait parvenir
d’amendement au bureau, j’ignorais qu’il fit une proposition formelle.
M. Devaux. - Je dirai, pour sa gouverne, à l’honorable M. de Theux que je proposerai
le maintien de la disposition de 1834, surtout en ce qui concerne le
retranchement du mot morale du second paragraphe de l’article.
M. de Theux. - En
ce cas, je maintiens mon tour de parole. Messieurs, je voterai contre
l’amendement de M. Savart, par les mêmes motifs qui m’ont fait voter hier
contre la rédaction de l’article 5 proposée par la section centrale. Il y a une
différence de système entre le projet actuel et celui de 1834.
Le
projet de 1834 ne contenait pas une organisation complète de l’instruction
communale ; le projet actuel au contraire embrasse toute l’instruction
communale, aucune école ne peut lui échapper, soit qu’elle soit érigée par la
commune exclusivement à ses frais, ou au moyen d’un subside de la province ou
de l’Etat. Ceci est vrai à tel point que l’on a regardé hier comme une
dérogation à la loi que nous discutons, la disposition de la section centrale
par laquelle la commune aurait été obligée de payer une rétribution pour les
enfants pauvres qui ne fréquenteraient pas les écoles communales, sous prétexte
que l’enseignement de ces écoles ne convenait pas à leurs parents, et que même
ils trouveraient une espèce de scrupule religieux à les suivre. On a dit : Les
enfants pauvres doivent accepter les écoles communales telles qu’elles sont
organisées par la loi ou se passer d’instruction.
Si nous
avons cru devoir être aussi rigoureux à l’égard des classes pauvres, nous
devons dire à plus forte raison, à l’égard des parents aisés, qu’ils doivent
accepter l’enseignement communal tel qu’il est organisé par la loi ou se le
faire donner en particulier et à leurs frais.
La
conséquence, messieurs, me paraît inévitable. Je dirai que dans un système
d’organisation complète tel que celui de la loi en discussion, il y aurait une
espèce de scandale à ce que des enfants, soit du culte catholique, soit du
culte réformé, fussent dispensés de suivre l’enseignement de leur propre culte
dans l’école. Ce serait une espèce de scandale qui porterait atteinte à
l’enseignement religieux que vous voulez faire donner au reste des enfants qui
suivraient cet enseignement. Ce système donc ne peut être admis sous peine de
rendre les prescriptions de la loi illusoires. Rien ne serait plus facile que
d’organiser par esprit d’opposition une espèce de concert entre un certain
nombre de parents pour les engager à déclarer qu’ils ne veulent pas que leurs
enfants suivent l’enseignement religieux de l’école. Or, nous ne pouvons donner
ouverture à une opposition directe à la loi.
J’aborde,
messieurs, la seconde question, celle de la séparation de la morale d’avec la
religion. Là, messieurs, les contradictions sont moins tranchées. On convient
que l’enseignement de la religion comprend nécessairement l’enseignement de la
morale en tant qu’elle se rattache à la religion. Et en effet, comme je l’ai
dit dans un précédent discours, il n’est plus possible de concevoir une religion
qui ne s’occupe que du dogme, et qui ne prescrit aucune espèce de pratique. aucune espèce de devoir ceux qui la suivent.
L’honorable
M. Delfosse a dit que l’enseignement moral, en ce qui concerne les rapports de
l’homme avec Dieu, avec lui-même et avec ses semblables, appartient à la morale
religieuse. Mais il a fait une distinction en ce qui concerne ce qu’il appelle
la morale publique. Messieurs, cette distinction n’est pas entièrement fondée.
Ainsi, par exemple, dans tous les catéchismes, pour ne parler que de la
religion que nous professons, vous trouvez que l’on doit respecter les
autorités constituées, que l’on doit obéir aux lois. Voilà, messieurs, un
enseignement moral qui se rapporte à la vie publique. Vous voyez donc que la
distinction faite par l’honorable M. Delfosse n’est pas fondée.
D’autre
part, messieurs, on enseigne encore, dans cette même religion, qu’il est des
lois auxquelles on ne peut pas en conscience obéir. Supposons, par exemple,
qu’une loi ordonne, comme nous en avons vu des exemples, un culte idolâtre ; il
est certain qu’un membre de la religion chrétienne n’obéira pas à cette loi. Il
pourrait encore arriver que certain système, le communisme, par exemple, vînt à
triompher ; qu’une loi ordonnât le partage des propriétés. Eh bien ! tout homme qui croit, conformément aux préceptes de la
religion, qu’il faut respecter la propriété d’autrui, ne prendra pas part à la
dépouille de son voisin.
Voilà
donc des points où la morale religieuse est évidemment en contact avec ce que
vous appelez la morale publique.
Je
crois, messieurs, que sauf ces quelques points que je viens d’indiquer, on n’a
pas à s’occuper de morale publique dans l’école. En effet, on n’enseigne dans
une école primaire ni la constitution, ni les lois civiles.
L’honorable
M. Devaux a dit : Mais si vous confiez au clergé la direction de la religion et
de la morale, ne pourra-t-il pas arriver que le ministre d’un culte, quel qu’il
soit, ne veuille pas que l’instituteur mette au nombre de ses maximes qu’il ne
faut pas mentir ? Mais, messieurs, y a t-il une seule religion qui autorise le
mensonge ? Quant à moi, je n’en connais pas. Et assurément l’instituteur ne
sera jamais empêché, par un ministre du culte, d’inculquer une semblable maxime
dans l’esprit des enfants qui suivent son école.
Il y a
plus, c’est que, dans l’esprit de la loi comme dans la pratique, l’instituteur
enseigne la morale et la religion. C’est ainsi qu’elle se pratique, notamment
pour les écoles réformées, à tel point que dans les rapports que j’ai eus comme
ministre de l’instruction publique, avec des ministres du culte dissident, ils
ont fait envisager leurs écoles primaires comme autant d’écoles religieuses,
comme une conséquence du culte. Cela pourrait se vérifier dans les dossiers qui
se trouvent au département des cultes.
Mais si
l’instituteur peut donner l’enseignement de la religion et de la morale, ce
doit être sous la direction du ministre du culte professé par la majorité des
enfants ; car il ne faut pas que l’instituteur puisse donner cet enseignement d’une
manière arbitraire, qu’il puisse enseigner la morale d’une manière contraire à
la morale du culte professé par la majorité des élèves, et je crois que tel est
exclusivement le sens de l’article, Je ne vois donc aucun motif d’amender la
rédaction de cet article. Quant à moi, lorsque j’ai pris part à la discussion
du projet de 1834, j’ai cru qu’en parlant de l’enseignement religieux c’était
ainsi que cela devait se pratiquer. Mais puisqu’aujourd’hui tout est mis en
discussion je craindrais que si on retranchait le mot de morale, on ne vînt dire : le ministre du culte doit se borner à
enseigner le dogme, et que, lorsque ce ministre appellerait l’attention du
gouvernement sur un enseignement contraire à la morale religieuse qui doit être
dans l’école, on ne peut lui dire : C’est de la morale, ceci ne tombe pas sous
votre inspection. Je ne veux pas laisser la porte ouverte à des chicanes,
d’autant plus que dans la pratique l’application de la loi ne souffre pas la
moindre difficulté.
Il me
reste un mot à répondre à l’honorable M.
Delfosse qui a prétendu que tous les torts étaient du côté de l’évêque
de Liége, dans les démêlés qu’il a eus avec la régence de Liége pour ce qui
concerne l’enseignement religieux. Qu’il soit permis à quelqu’un qui a lu tout
ce qui a été publié relativement à ces démêlés, tant par la régence que par
l’évêque et par les prêtres qui ont été en rapport avec la régence et le
collège ; qu’il soit permis, dis-je, à quelqu’un qui a lu toutes ces pièces
avec la plus grande impartialité de dire son opinion à cet égard. Je me
bornerai à dire que ce qui s’est passé à Liège ne peut, selon moi, être imputé
à l’évêque, et que l’on peut d’autant moins en tirer un préjuger défavorable
pour lui, que dans beaucoup d’autres villes il règne un accord parfait entre ce prélat et les régences en ce qui
concerne l’enseignement religieux qui est donné, soit dans les collèges, soit
dans les écoles primaires. Du reste, je ne veux point entrer dans des détails à
cet égard, mais je n’ai pas voulu que mon silence pût être considéré comme
approbatif de l’opinion émise l’honorable M. Delfosse.
M. le président. - M.
le ministre de l’intérieur a déposé une nouvelle rédaction du 2ème et du 3ème §
de l’article. Il propose de remplacer, dans le § 2, les mots : majorité des habitants, par ceux-ci : majorité des élèves de l’école ; et de
substituer, dans le § 3, aux mots : la
religion de la majorité des habitants, ceux-ci : la religion des élèves en majorité dans l’école.
M.
Devaux a proposé de substituer l’art. 2 du projet de 1834 à l’article en
discussion.
M. Devaux. - Je me borne à proposer de substituer les mots l’enseignement de la religion, à ceux-ci : l’enseignement de la religion et de la morale.
M. le président. - M.
Devaux propose donc la suppression des mots et
de la morale.
M. Savart-Martel. - Je ne parlerai pas en ce
moment, messieurs, de l’amendement proposé par un honorable membre, et qui tend
à la suppression des mots :
et de la morale ; je laisse à d’autres le soin de discuter ce point ;
mais je dois dire un mot à la chambre relativement à l’amendement que j’ai
proposé au 3ème.
On a
supposé dans mon amendement autre chose que ce qui s’y trouve ; ou a supposé
que, d’après cet amendement, il serait libre aux enfants de ne recevoir aucune
instruction religieuse, et l’on dit que de petits philosophes imberbes
aimeraient nécessairement mieux de jouer que de recevoir l’instruction morale
et religieuse.
Je n’ai
pas dit un mot, messieurs, qui puisse donner cette portée à mon amendement, et
c’est très mal à propos que l’on m’a supposé des idées semblables. Mais,
messieurs, si vous admettez que les enfants pourraient refuser d’assister à
l’enseignement religieux pour aller jouer, dites également qu’ils pourront
refuser toute instruction, car nécessairement les enfants préféreront toujours
de jouer à la toupie ou au cerf-volant que de recevoir une instruction
quelconque.
Je
n’aurais pas proposé mon amendement, messieurs, si l’on avait conservé dans le
projet actuel ce qui se trouvait dans le projet de 1834, c’est-à-dire que le vœu des pères de famille serait toujours
consulté et suivi en ce qui concerne la participation de leurs enfants à
l’instruction religieuse. La loi française, ainsi que j’ai l’honneur de le
dire, renferme une disposition semblable, car je n’ai aucune espèce
d’amour-propre d’auteur, et si l’on veut reproduire la disposition du projet de
1834, je ne suis pas éloigné de m’y rallier.
M. le
ministre de l’intérieur et d’autres orateurs ont dit qu’ils rendaient hommage
au pouvoir paternel ; mais je pense qu’on ne saurait rendre un hommage plus
solennel au pouvoir paternel qu’en adoptant l’amendement que j’ai proposé et
qui laisse aux pères de famille le choix de l’enseignement religieux à donner à
leurs enfants.
Mais,
dira-t-on, il peut se trouver des parents qui ne veulent donner aucune espèce
d’enseignement religieux à leurs enfants. Je vous avouerai, messieurs, que je
ne crois pas qu’il puisse y avoir des gens assez malhonnêtes, des pères de
famille assez éhontés, pour refuser l’instruction religieuse à leurs enfants.
On a
dit que nous pousserions le principe de la liberté des cultes jusqu’à la
négation de toute religion. C’est toujours ainsi qu’on nous suppose des
principes qui ne sont pas les nôtres, qu’on nous représente comme ayant moins
de principes religieux que nous n’en avons réellement. Mon amendement ne tend
pas à la négation de toute religion ; il tend à ce que les parents puissent
donner à leurs enfants l’enseignement religieux qu’ils préfèrent. Ne peut-il
pas arriver, par exemple, qu’un père professe telle religion et que la mère en
professe telle autre ; comment exécuterez-vous, dans ce cas, la disposition du
projet actuel ? Comment constaterez-vous d’ailleurs, quelle est la religion des
parents ? car remarquez bien qu’il n’est pas dit qu’on
s’en rapportera à leur déclaration. Vous devez donc constater quelle est la
religion des parents, et je ne sais pas jusqu’où cela peut nous mener ; ce qui
est certain, c’est que cela peut nous mener fort loin et qu’il peut en résulter
tout autre chose que ce que veulent les honorables membres de cette chambre,
dont l’opinion est opposée à la mienne ; car je ne crois pas que leur intention
soit de contrarier la liberté des cultes.
Je sais
bien qu’en général on connait assez le culte que chacun professe, mais enfin il
est cependant des personnes qui ne sont pas dans ce cas, et nous faisons des
lois pour la généralité et non pas seulement pour la majorité.
On a
dit que mon amendement pourrait donner lieu à du scandale ; je ne conçois
vraiment pas quel scandale il pourrait en résulter. On dit qu’il y aurait des
parents qui ne donneraient aucune espèce d’enseignement religieux à leurs
enfants. Je ne crois pas qu’il puisse exister en Belgique un seul père de
famille qui voulût élever ses enfants en dehors de toute religion. Ce que je
conçois, c’est qu’il y ait des personnes qui, professant, par exemple, le culte
hébraïque voudraient élever leurs enfants dans la religion chrétienne ; je
conçois des parents qui, professant le culte protestant, voudraient élever
leurs enfants dans la religion catholique. Eh bien, c’est ce que vous défendez
par l’article tel qu’il est ; vous ne rendez donc pas hommage au pouvoir
paternel, si vous voulez rendre hommage au pouvoir
paternel, vous devez adopter soit la disposition du projet de 1834, à laquelle
je me rallierai volontiers, soit mon amendement que je maintiendrai si vous ne
voulez pas de la disposition du projet de 1834
M. Verhaegen. - Messieurs, j’appuie l’amendement de l’honorable M. Savart, et je me
permettrai, à cet égard, quelques observations nouvelles. Je prends
l’engagement de ne pas répéter ce que d’autres ont dit avant moi.
Je
disais, dans une séance précédente, que deux grands principes, l’indépendance
complète de l’Eglise vis-à-vis de l’Etat, et, comme contrepoids, la liberté
illimitée des cultes, devaient porter obstacle à l’adoption de plusieurs
dispositions du projet. Je rencontre cet obstacle dans l’occurrence et je le
rencontrerai à l’occasion de plusieurs autres articles. Ce que j’ai prévu,
messieurs, est arrivé ; d’exigences on marche en exigences.
L’honorable
M. de Man vous a dit quelque chose de bien important, et il semble qu’on l’ait
déjà perdu de vue, je tiens fort à fixer votre attention sur les quelques
paroles qu’il a prononcées ; mais ces paroles (et je le lui dis tout d’abord)
ne doivent pas seulement avoir pour résultat de faire rejeter l’amendement de
M. Savart-Martel, mais elles doivent encore avoir pour résultat de faire
rejeter le dernier paragraphe de l’article 6.
Cette
partie du discours de l’honorable M. de Man était, comme je viens de vous le
dire, restée inaperçue, et il m’importe, à moi, de vous la signaler.
L’honorable
M. de Man a dit, messieurs, « qu’il ne fallait pas s’y tromper, que la
religion devait être combinée avec toutes les matières d’enseignement, que
l’instruction religieuse était une instruction de tous les jours, de tous les
instants ; que l’enseignement religieux devait être confondu avec l’instruction
proprement dite. »
L’honorable
M. de Man a ajouté qu’il ne suffisait pas d’une ou de deux leçons par semaine,
quant à l’instruction religieuse, mais qu’il fallait que, d’une manière
permanente, chaque jour, chaque moment, l’instruction religieuse fît partie de
l’instruction proprement dite, c’est le système de l’honorable M. de Man ; il
me confirme par un signe affirmatif que c’est ainsi qu’il l’entend.
Eh bien
! s’il en est ainsi, vous devez nécessairement
retrancher le 1er § de l’art. 6, et vous ne pouvez pas vous contenter du rejet
de l’amendement de l’honorable M. Savart. En effet le 1er § de l’art. 6 porte :
« Les
enfants dont les parents n’appartiennent pas à la communion religieuse en
majorité dans la commune, seront dispensés d’assister à ce enseignement. »
Ce qui
veut dire que puisque l’enseignement religieux doit être confondu avec
l’instruction proprement dite, il ne s’agit pas de donner par semaine une ou
deux leçons séparées pour l’enseignement religieux et moral ; cela veut dire
que ceux qui n’appartiennent pas à la communion religieuse en majorité dans la
commune, n’auront pas d’instruction. Ainsi, dans une commune dont les habitants
professent en majorité la religion catholique, par exemple, vous exclurez de
l’instruction la minorité protestante de la localité, parce que, selon
l’honorable M. de Man, l’instruction religieuse doit être confondue avec
l’instruction proprement dite.
Vous
voyez, messieurs, où nous marchons. Ce que j’ai prévu arrive. C’est à la
liberté des cultes qu’on touche. On cherche à proclamer, d’une manière
indirecte, une religion de l’Etat, une religion dominante. Toutes les tendances
qui se manifestent vont à ce but. On suppose comme une première vérité qu’il
n’y a d’autre religion en Belgique que la religion catholique.
Si cela
était écrit dans la constitution, je n’aurais rien à dire. J’ai été le premier
à proclamer qu’il aurait peut-être convenu de consacrer dans la constitution un
autre principe que celui qui s’y trouve ; mais aussi longtemps que la
constitution n’est pas changée, il faut en subir les conséquences.
Les
honorables collègues auxquels je réponds, perdent constamment ce principe de
vue. Que l’honorable M. de Man ne se fasse pas illusion, si ce qu’il a dit est
vrai, il n’admet pas la liberté des cultes en Belgique ; car s’il admet la
liberté des cultes, il faut qu’il n’exclue pas de l’école les enfants des
protestants d’une commune où la minorité des habitants professe cette religion.
Or, l’honorable M. de Man exclut formellement ces enfants de l’école communale,
car voici sa conclusion dans j’ai pris note avec soin ; il a
dit « que ceux qui ne veulent pas de cet enseignement, ainsi combiné,
se retirent. » Voilà les paroles de l’honorable M. de Man. Ainsi, les
prémisses sont que l’enseignement religieux est inséparable de l’enseignement
proprement dit ; qu’il ne faut pas se borner pour l’enseignement religieux à
une ou deux leçons par semaine, mais que l’enseignement religieux doit être un
enseignement de tous les jours, de tous les instants ; que cet enseignement
doit être complètement confondu avec l’enseignement proprement dit, et que ceux
qui ne veulent pas d’un pareil enseignement n’ont qu’à se retirer. C’est ce qui
équivaut à l’exclusion des enfants des protestants, pour lesquels cependant on
a disposé dans le dernier § de l’art. 6.
Messieurs,
j’ai cru de mon devoir de vous signaler la portée de ce discours. Il est
impossible de s’y méprendre. Si l’auteur de ce discours entend respecter la
disposition constitutionnelle, il ne lui reste qu’à rétracter d’une manière
formelle ce qu’il a dit.
Ainsi,
l’honorable M. de Man n’adopte pas l’amendement de l’honorable M. Savart, mais
il repousse même la disposition proposée par la section centrale. Eh bien ! messieurs, ce sont toutes ces tendances qui me portent à
donner mon assentiment à l’amendement de l’honorable M. Savart, et d’ailleurs
cet amendement n’est que le résultat de la discussion d’hier.
L’amendement
de l’honorable M. Savart a été provoqué par les observations qui ont été faites
par l’honorable M. Brabant. Nous, messieurs, nous n’aurions pas osé aller
jusqu’où est allé l’honorable M. Brabant. Cet honorable collègue, en proclamant
la liberté des cultes, ainsi que la liberté illimitée d’enseignement, a entendu
parler de ces parents qui n’auraient aucune religion, qui professeraient, si je
dois lâcher l’expression, l’indifférentisme ; l’honorable M. Brabant voudrait
que protection fût accordée même à ces parents. Quant à nous, nous nous serions
bien gardé de prononcer de semblables paroles, car elles n’auraient pas été
reçues avec bienveillance.
Eh
bien, les observations de l’honorable M. Brabant ont suggéré à l’honorable M.
Savart l’idée de proposer son amendement ; elles avaient fait naître chez moi
la même idée, et j’aurais dépose un amendement, si l’honorable M. Savart
n’avait pas présenté le sien. Mon honorable collègue n’a fait et je n’aurais
fait autre chose que de faire écrire dans la loi ce que l’honorable M. Brabant
avait dit à la tribune : vous voulez la liberté pour tous, eh bien, que cela ne
se borne pas à des mots ; consentez à traduire vos paroles dans une disposition
formelle de la loi.
Maintenant,
quel inconvénient y a-t-il à l’adoption de ces amendements ? La loi française,
que l’on n’a cessé d’invoquer, proclame le principe tel qu’il est posé dans
l’amendement de l’honorable M. Savart ; 1e projet de 1834 proclame le même
principe, et, comme on l’a déjà dit, les auteurs de ce projet sont tous au moins
aussi orthodoxes que ceux qui ont formulé les dispositions dont nous nous
occupons. Pourquoi donc n’adopterait-on pas ce principe ?
Cela
jetterait, dit-on, de la perturbation dans l’école. Les enfants, a dit
l’honorable M. Cogels, se montreraient des petits esprits forts, de petits
philosophes ; ils diraient à leurs camarades : Ce qu’on vous enseigne là,
ce n’est qu’une bêtise.
Mais ne
voyez-vous pas que ces observations ne combattent pas seulement l’amendement de
l’honorable M. Savart, mais qu’elles combattent encore la dernière disposition
de l’art. 6 ? L’honorable M. Cogels n’est-il pas bien près de se placer sur le
même terrain que celui où nous avons trouvé l’honorable M. de Man. Est-il vrai,
oui ou non, que, d’après le dernier paragraphe de l’art. 6, les enfants dont
les parents sont protestants, par exemple, peuvent s’abstenir d’assister à
l’enseignement religieux ? L’honorable M. Cogels me fait un signe affirmatif :
ces enfants peuvent donc s’abstenir ; eh bien, dans ce cas, l’honorable M.
Cogels n’a pas moins de raisons de craindre que ces enfants protestants ne se
montrent de petits philosophes, de petits esprits forts, qu’ils ne disent à
leurs camarades que pendant qu’on leur enseigne des bêtises, eux peuvent
s’occuper d’autre chose, et se livrer à des amusements. Le même inconvénient
existe donc, et l’honorable M. Cogels ne parera à cet inconvénient qu’en
demandant, comme l’honorable M. de Man, que l’on exclue de l’école les enfants
des protestants.
Ainsi,
il n’y a pas d’inconvénient à admettre l’amendement de l’honorable M. Savart,
si nous voulons adopter le troisième paragraphe de l’art. 6. Tout le monde
alors sera libre, et je dirai, avec l’honorable M. Cogels, qu’il n’y aura pas
de parents qui voudront défendre à leurs enfants de suivre l’enseignement
religieux.
L’honorable
M. Cogels a fait des observations dans l’intérêt des principes ; eh bien,
l’honorable M. Savart et moi, faisons aussi nos observations dans l’intérêt des
principes ; mais nous pensons comme lui qu’il n’y aura pas de parents qui se
montreront indifférents en matière de religion ; que les familles appartenant à
l’une ou l’autre croyance voudront toujours que leurs enfants suivent
l’enseignement religieux de cette croyance. Ainsi, si c’est une question de principe pour l’honorable M.
Cogels, c’est également une question de principe pour l’honorable M. Savart et
moi.
Puisque
nous sommes sur ce terrain, puisqu’on croit qu’il est indispensable que
l’enseignement ait pour base une religion positive, et qu’on a jugé à propos
d’exclure l’indifférentisme, je voulais qu’on me dît ce que feront dans les
communes les enfants des protestants, et en général de tous les habitants
professant un autre culte que la religion catholique. Ceux-là n’auront pas
d’enseignement religieux, car pour eux spécialement, il n’y aura pas
d’enseignement religieux. Mais il y a plus, c’est que si l’on n’adopte pas la
disposition proposée par l’honorable M. Devaux, pour ces enfants-là, il n’y
aura pas même d’enseignement moral.
L’honorable
M. de Theux a tourné autour de la question, en répondant à l’honorable M.
Devaux, mais lui, ni personne n’a rencontré l’objection capitale. L’honorable
M. Devaux vous a dit : Si vous comprenez la morale dans l’enseignement
religieux, de la manière qu’on l’entend, les enfants des protestants n’auront
aucune notion de morale, ils seront exclus de l’enseignement de la morale, cela
est évident, car la morale se trouvant comprise dans l’instruction religieuse,
et les enfants des protestants se retirant de cette instruction, il n’y a pas
d’instruction morale pour eux.
Je sais
bien qu’on va me répondre ; ce sont des cas qui se présenteront très rarement ;
d’ailleurs, la religion catholique est professée par la grande majorité du pays
; soyez francs et dites plutôt que la religion catholique devrait être la
religion dominante, la religion de l’Etat. Vous voyez, messieurs, que l’on est
toujours en présence du grand principe qui s’oppose à l’adoption de cette
disposition à laquelle je donnerais aussi les mains s’il nous était permis de
ne pas prendre pour point de départ la constitution, telle qu’elle a été
proclamée.
J’adhère
aussi à l’opinion de mon honorable ami M. Delfosse. L’honorable M. Delfosse
sans adopter tous les principes, ou au moins toutes les observations qui sont
consignées dans la pétition du conseil communal de Liége, vous a fait remarquer
que la morale, telle que l’entendaient les auteurs du projet, comprenait non
seulement le développement des dogmes de la religion, mais se rattachait encore
à d’autres points très importants. Ainsi la morale, nous a-t-il dit, doit
s’entendre des rapports de l’homme avec Dieu, des rapports de l’homme avec
lui-même et des rapports de l’homme avec les semblables.
Et tout
cela doit-il être confié au clergé ? L’Etat n’a-t-il rien à faire, alors que
son intérêt concourt avec l’intérêt de la religion ? Mais, a-t-on dit, je ne
sais plus quel orateur : Vous voulez substituer à l’enseignement de la
religion, le rationalisme. Comment ! nous voulons
substituer à l’enseignement de la religion, le rationalisme, parce que nous
voulons conserver à l’Etat ses droits et ses prérogatives. Il s’agit des
devoirs de l’homme vis-à-vis de ses semblables sous le rapport privé et sous le
rapport public, et alors qu’il s’agit de ses devoirs publics, de ses devoirs
comme citoyen ; vous voulez que le clergé soit compétent. Mais, dit M. de
Theux, le catéchisme contient la doctrine qu’il faut obéir aux lois, et tout
est dit. Mais à quelles lois faut-il obéir ? Comment ! tout
est dit, parce que le catéchisme dit qu’il faut obéir aux lois, quand bientôt,
à côté du principe, on a établi des exceptions ! Qui est juge de ces exceptions
? le clergé ! Le gouvernement est incompétent.
Mais
c’est tout au moins un objet mixte qui appartient tout aussi bien au
gouvernement qu’au clergé, qui veut se l’arroger exclusivement.
Si la
religion comprend la morale, je crois qu’il n’y a pas de morale plus sublime
que celle du Christ, que la morale du christianisme est la plus belle de toutes
les morales ; c’est un agneau sans tache ; malheureusement, elle n’est pas
toujours restée aussi pure qu’à son principe, mais c’est la plus sublime de
toutes les morales, et la religion la comprend.
Pourquoi
dès lors ajouter encore quelque chose ; pourquoi voulez-vous faire un pléonasme
? Nous le devons maintenant, dit M. de Theux, cela n’aurait peut-être pas été
nécessaire (il faut bien qu’il se justifie, il était l’un des auteurs de la loi
de 1834), car la religion comprend la morale, mais de ce qu’on a mis de morale
dans la loi, si on le retranchait maintenant cela pourrait donner matière à des
chicanes. Donner matière à des chicanes ! mais de la
part de qui ? du pouvoir central ? Vous voulez donc
mettre le pouvoir central en état de suspicion ? S’il vous est permis de dire
que cela pourra donner matière à des chicanes de la part du pouvoir central, il
nous sera permis de dire que le laisser pourrait donner matière à des chicanes
de la part d’autres qui se sont toujours montrés exclusifs. Vous soupçonnez le
gouvernement central, et vous ne voulez pas que je vous soupçonne. Puisque vous
dites que retrancher le mot morale pourrait donner lieu à des chicanes, j’ai le
droit de croire que la maintenir y donnerait lieu à plus forte raison, Mais il
y a un but qu’on veut atteindre et qui est en opposition avec les grands
principes sur lesquels j’ai fixé votre attention. S’il avait
manqué quelque chose à cette conviction, qui est chez moi
profonde, le discours qu’a prononcé M. de Man l’aurait achevée car rien de plus
clair ne pouvait être dit pour saper dans sa base la plus importante de nos
dispositions constitutionnelles.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il y
a un vice de rédaction ; il faut lire : Les enfants qui n’appartiennent pas à
la communion religieuse de la majorité.
Dès lors les cas cités par l’honorable M. Savart,
les cas de mariages mixtes, les cas où des parents protestants voudraient faire
élever leurs enfants dans la religion catholique, ou réciproquement, tout est
prévu.
M. Dechamps, rapporteur. - Deux questions ont été soulevées dans ce débat, deux questions qui se
mêlent qui cependant ont été traitées séparément.
L’honorable
M. Devaux demande qu’on retranche le mot morale, et
l’honorable M. Savart-Martel veut rétablir le sens de l’article du projet de
1834, relativement aux dispenses des dissidents.
Messieurs,
une chose me frappe dans ce débat, c’est que plusieurs honorables membres
confondent ordinairement ce qui est relatif à l’instruction moyenne et
supérieure et ce qui est relatif à l’instruction primaire proprement dite,
Ma
conviction est qu’il fait aussi que l’instruction moyenne revêtît un caractère
moral et religieux, cependant chacun comprendra que la question n’est pas
identiquement la même pour l’instruction moyenne que pour l’instruction
primaire. L’instruction moyenne doit être sérieusement et profondément morale
et religieuse, mais elle revêt un certain caractère politique, tandis que
l’instruction primaire est exclusivement sociale. Je ne comprends pas
véritablement cette espèce de défiance dont on s’arme par rapport à
l’intervention de l’inspecteur religieux dans l’école d’enseignement primaire ;
car l’instituteur sous la direction du ministre du culte, pourra-t-il changer
la mission dont il est revêtu en faveur de telle ou telle tendance politique ? l’instituteur et le ministre du culte enseigneront, quoi ?
Le catéchisme, les éléments de la doctrine chrétienne, ce catéchisme devant
lequel M. Cousin lui-même s’inclinait en signe de respect. Il fera répéter aux
enfants ces prières qu’ils ont apprises sur les genoux de leur mère. Il les
initiera à l’histoire sainte. Voilà le cercle de l’enseignement moral et
religieux de l’école. Je ne comprends pas comment le prêtre et l’instituteur
pourraient se servir de cette mission en faveur de telle ou telle tendance
politique.
L’honorable
M. Devaux et l’honorable M. Verhaegen se trouvent d’accord avec nous sur la
question fondamentale. Ces honorables membres avancent qu’il est très difficile
d’indiquer la ligne de démarcation entre la morale et la religion enseignée
dans l’école.
L’honorable
M. Verhaegen a dit que, de toutes les morales, celle du christianisme est la
plus complète et la plus belle. Je ne comprends pas dès lors quel but on aurait
à vouloir supprimer ce mot morale dans la loi.
C’est
un pléonasme, a dit l’honorable M. Devaux. S’il n’y avait qu’une redondance, on
n’insisterait pas autant pour supprimer ce mot. Je n’accuse pas les intentions,
mais il y a une autre chose au fond de ce débat qu’une redondance et un
pléonasme. L’honorable M. Verhaegen vous en a donné le sens.
L’opinion
que je professe n’est pas seulement la mienne, c’est celle de tous ceux qui ont
soutenu les véritables principes dans cette matière. C’est, comme dit M.
Guizot, que l’instruction religieuse n’est pas seulement donnée à telle heure,
à tel instant donné, c’est que cette instruction religieuse doit planer sur
l’enseignement tout entier. C’est, dit lord John Russel, que l’instruction religieuse doit être mêlée à toutes les
matières de l’enseignement.
Je ne
comprends pas qu’il puisse en être autrement.
Cette
suppression, qu’on demande, elle est inutile si nous sommes d’accord sur le
fond, si nous sommes d’accord avec l’honorable M. Guizot que l’instruction
morale et religieuse n’est pas comme le calcul, la géométrie, l’orthographe,
une leçon qui se donne en passant à une heure déterminée, après laquelle il
n’en soit plus question. La partie scientifique, ajoute-t-il, est la moindre de
toutes dans l’instruction morale et religieuse. Ce qu’il faut, c’est que
l’atmosphère générale de l’école soit morale et religieuse ; il s’agit ici
d’éducation encore plus que d’enseignement ; et la conséquence que M. Guizot
tirait de ces promesses est que le magistrat religieux ne soit pas exclu de cet
enseignement moral et religieux qui doit planer sur tout l’enseignement.
Il faut
être franc, il faut s’exprimer avec franchise. Si telle est votre pensée, alors
évidemment la suppression est inutile, complètement inutile, car je demanderais
dans quel but on proposerait cette suppression, si on n’a pas pour but de
circonscrire l’influence du magistrat religieux, dans l’école, dans lettre du
dogme, et de ne pas le laisser aller au-delà. Si voulez que son influence
s’exerce sur les matières d’enseignement, si, comme les honorables MM. Devaux
et Verhaegen l’ont proclamé, on ne veut pas plus que moi dans l’école primaire
une morale en dehors du christianisme, à quoi bon cette suppression ? Mais si
la suppression est inutile, il y aurait certain danger à la faire. Ce danger
existerait par le seul fait que la chose avait été introduite dans la loi, et
qu’on l’en a retranchée. On attacherait à cette suppression un caractère et une
portée autre que celle que lui donnent les personnes qui la demandent.
En
effet, la pétition de la commune de Liége établit ce que je viens d’avancer.
Dans cette pétition on professe le principe de la séparation de la morale et de
la religion ; elle sépare deux choses que je ne comprends pas qu’on puisse
séparer. Cette opinion est professée, il lui serait difficile de donner des
explications satisfaisantes, mais toujours est-il qu’elle existe ; on pourrait
croire que la chambre a voté sous l’impression de ce principe que pour moi je
repousse de toutes mes forces.
Ce que
je veux dans l’école c’est que l’instruction y soit morale et religieuse
d’après les différents cultes professés par les élèves, par les habitants mêmes
de la localité.
Ainsi
on a dit tout à l’heure, c’est l’honorable M. Verhaegen qui a fait cette
observation : le danger qui existera, comme l’a dit l’honorable M. Cogels, dans
la présence d’un esprit fort de six ans, existera par le protestant qui devra
se passer d’enseignement religieux. Je m’expliquerai avec franchise. Il est
désirable, d’après moi, que le gouvernement cherche à séparer autant que
possible les écoles par cultes. Dans une commune même où il n’y aurait qu’une
minorité protestante, mais assez considérable pour faire les frais d’une école,
il convient que le gouvernement établisse pour cette minorité une école
protestante, parce que dans mon opinion, il est préférable que les élèves d’une
école primaire professent une même religion. Sir Robert Peel, au parlement
anglais, déclarait qu’il est toujours dangereux d’enseigner comme vraie dans un
coin de l’école une doctrine qui est déclarée fausse dans un autre coin de
l’école. Ce danger existe pour tous les hommes raisonnables. Lorsqu’il y a des
cultes dissidents dans une commune, je préfère toujours que le gouvernement
établisse pour chaque culte des écoles séparées. Voilà mon principe général.
L’honorable M. Verhaegen comprendra que je trouve quelque danger à insérer dans
l’article des exceptions, n’importe lesquelles. Mais vous comprendrez qu’il y a
une énorme différence entre l’hypothèse de M. Verhaegen et celle résultant des
observations qu’on vous a soumises. Je comprends bien moins le danger
d’admettre dans l’école des enfants de la religion protestante, parce que
chacun sait qu’ils appartiennent à une communion dissidente ; chacun comprendra
pourquoi ils s’abstiennent de participer à l’enseignement de la religion et de
la morale. Mais le danger augmente lorsque les enfants verront un enfant élevé
dans la même croyance qu’eux, s’abstenir de participer à l’enseignement de la
religion et de la morale. Le motif échappera aux enfants de l’école. Ce sera
une protestation dont ils ne comprendront pas le sens, comme quand il s’agira
d’un enfant d’une secte protestante. La différence est immense.
L’honorable
M. Verhaegen s’est effarouché du discours et des opinions de l’honorable M. de
Man. Mais le discours de M. de Man et surtout les phrases relevées par M.
Verhaegen, n’appartiennent pas à l’honorable membre ; elles sont prises
textuellement dans un ouvrage d’un ami de M. Verhaegen, du M. Ducpétiaux. M. Ducpétiaux a
publié un ouvrage sur l’instruction primaire. Jusqu’à présent j’ignorais que
l’opinion de ce citoyen n’eût pas l’approbation de M. Verhaegen.
Voici
comment s’exprime M. Ducpétiaux sur la question
soulevée par l’honorable M. Verhaegen.
« Nous
avons dit que le culte professé par la majorité des élèves déterminerait la
nature de l’enseignement religieux dans chaque école publique ; est-ce à dire
que ces écoles seront fermées aux enfants dont les parents sont attachés à des
cultes dissidents ? (M. Ducpétiaux ne s’occupe pas
même de la question soulevée ici ; lui ne s’occupe que des cultes.) Les
citoyens, par exemple, seront-ils privés de toute participation aux bienfaits
de l’instruction primaire publique dans les communes dont la majorité de la
population sera catholique ? Ou, s’ils veulent en jouir, faudra-t-il qu’ils
achètent cet avantage au prix de leur conviction religieuse, en soumettant
leurs enfants à un enseignement qui répugne à leur conscience ? A Dieu ne
plaise qu’il en soit ainsi, au milieu d’un peuple qui professe la tolérance la
plus large en matière de religion, et chez lequel la liberté des cultes est
garantie de la manière la plus formelle par la constitution.
« …
Cette règle, qui a certainement un caractère sacré, puisqu’elle intéresse la
religion et la conscience, ne sera pas d’une application bien difficile. Les
enfants dispensés de prendre part à l’enseignement de la religion seront
exemptés de l’étude des livres élémentaires consacrés à la doctrine religieuse
et des instructions qui pourront s’y rapporter. Mais nous l’avons dit, la
religion apparaîtra souvent dans des enseignements dont elle n’est pas l’objet
principal et direct. Comment respecter ici en même temps la liberté religieuse
des familles dissidentes, et le devoir non moins sacré de donner à l’éducation
une tendance morale, par conséquent religieuse ? (M. Ducpétiaux
est d’accord avec M. Guizot) Cette question nous semble peu difficile résoudre.
En effet, le caractère religieux que l’on doit donner à quelques branches de
l’enseignement scolaire, n’a rien qui puisse alarmer les consciences les plus
délicates.
« …Certes,
si des pères de famille étaient assez aveugles pour demander que les mots de
Dieu, de Providence, de vie à venir ne frappassent jamais, dans l’école, les
oreilles de leurs enfants, faudrait-il, pour complaire à des vœux semblables,
dénaturer ou plutôt dégrader nos écoles, en privant les autres élèves des
émotions pures et élevées, dont leurs âmes ont besoin ? Les parents qui, par
des raisons que nous ne savons pas deviner, voudront préserver leurs enfants de
toute impression religieuse, les retireront de l’école. Voila leur droit ! voila leur liberté. »
Ainsi,
vous le voyer, le passage du discours de M. de Man qui a paru nouveau et
exorbitant à M. Verhaegen est emprunté textuellement à l’ouvrage de M. Ducpétiaux.
L’honorable
M. Devaux vous a dit : Mais pourquoi le même instituteur ne pourrait-il pas
dire aux enfants : Il vous est défendu de voler, de mentir ; vous obéirez à vos
parents. Pourquoi voulez-vous que l’instituteur ne puisse pas enseigner ces
éléments de toute morale religieuse, sans la religion du prêtre ? Je demanderai
à l’honorable membre pourquoi il veut que l’instituteur enseigne cette morale,
en s’abstenant de déclarer aux enfants qu’elle a la sanction religieuse. Le
danger, c’est que l’instituteur dise : Je vous donne des idées de morale. Le
reste ne me regarde pas. Le reste, c’est la mission principale du prêtre. Dans
cette idée, il y a un danger.
Je
conçois que, dans une université, on enseigne la philosophie morale qui est une
science. Je conçois que dans l’enseignement moyen l’éducation morale revête
aussi un autre caractère que dans l’instruction primaire. Mais pour des enfants
de 5 à 6 ans, je ne comprends pas l’utilité de cette espèce de séparation entre
la morale même et la morale religieuse. Si vous admettez qu’on ne doit pas les
séparer, laissez les deux mots. Ce sera, si vous voulez, une redondance, un
pléonasme. Mais il n’y aura pas ambiguïté. Alors vous reconnaîtrez que la
religion et la morale forment une seule et même chose pour l’enfant de l’école
primaire.
Il
m’est arrivé à moi (c’est un exemple que je me permets de citer) qu’un enfant
d’une école primaire d’une de nos grandes villes m’a dit dans son langage naïf
; dans l’école que je fréquente on m’a dit d’être homme de bien, honnête homme,
bon citoyen ; mais que le reste, ce que j’ai appris sur les genoux de ma mère
et sous l’influence du prêtre dans l’église, était inutile ; c’est ce danger que je crains. Je partage l’opinion de M. Guizot sur ce
point. Je reconnais que le prêtre a un caractère spécial
pour l’enseignement du dogme. Mais je crois qu’il ne faut pas, par
l’interprétation donnée à la loi, exclure cette influence de toutes le autres
matières de l’enseignement.
M. Delfosse renonce à la parole.
M. de Mérode. -
L’amendement de M. Savart-Martel dérive du dernier paragraphe ou alinéa de
l’art. 6. Je trouve cet amendement mauvais, mais l’alinéa lui-même n’est qu’un
peu moins mauvais à mes yeux. De qui devez-vous vous occuper dans la loi ?
Evidemment de l’ensemble des populations. Si la population d’une commune offre
un nombre considérable de dissidents appartenant à une autre communauté
religieuse que l’Eglise catholique, il doit y avoir pour ces dissidents une
école spéciale. Si ce nombre est trop peu considérable, il ne faut point
compromettre pour lui les résultats de l’école établie à l’usage de la grande
majorité. Or, si les enfants voient certains de leurs camarades dispensés de
prières communes, dispensés de l’enseignement moral et religieux, ce disparate ne peut manquer de produire sur leur esprit une
fâcheuse impression. Je conçois que quelques parents protestants isolés dans
une commune catholique soient gênés pour procurer l’instruction primaire à
leurs enfants, comme le seraient des parents catholiques dans une commune
protestante, s’ils ne veulent pas les laisser participer tant à l’enseignement
qu’à toutes les pratiques de l’école. C’est un inconvénient, sans doute, mais
l’avantage du grand nombre ne doit jamais être sacrifié à la commodité de
quelques-uns. Ceux-ci trouveront d’autres moyens de faire instruire leurs
enfants, ils jouissent, à cette fin, de la liberté d’enseignement. Quant à moi,
je considérerais comme une prétention mal fondée celle des parents catholiques
placés exceptionnellement dans une commune protestante qui dérangerait le
régime de l’école, afin de faire participer leurs enfants à l’instruction
civile qu’on y donne, à moins que les populations ne soient tellement mêlées,
en général, dans un pays, que les amalgames d’enfants de cultes divers soient
indispensables, il faut les éviter soigneusement. Ces éléments mixtes
n’existent que très peu en Belgique ; il n’est donc point à propos d’y admettre
la réunion d’enfants de cultes divers, et je désire et je propose que l’on
supprime le dernier alinéa de l’art. 6 qui peut donner lieu à des chicanes
imprévues et à de dangereuses discussions. Ce qui n’est pas imaginé encore par
les esprits enclins aux contentions pourra bien être inventé plus tard comme
bien des actes que nous voyons aujourd’hui se pratiquer, et que l’on ne
soupçonnait pas en 1830. J’ai dit que des catholiques placés au milieu des
protestants ne devaient pas s’immiscer dans leurs écoles, ni occasionner à leur
ordre de dérangement. Ainsi, à Tombrouck, par
exemple, entre Mouscron et Dottignies, il existe une population protestante. Il
en est d’autres près d’Audenaerde. S’il y a quelques catholiques dans ces
communes, je pense qu’ils doivent subir les inconvénients de leur position, car
quoiqu’on fasse, on n’évitera jamais les embarras particuliers. Si on veut y
parer en tout point, on perdra le but principal dont les résultats sont si
importants, et qu’l est bien mal entendu de compromettre pour des exceptions.
Avec un méticuleux système, craignez-le, messieurs, peu à peu, vous
arriverez à l’éducation rationaliste ou sans couleur religieuse qui vivra seule
aux dépens des deniers publics.
M. Orts. - Je propose, pour le cas où
l’amendement de M. Devaux ne serait pas admis, un amendement au § 2, consistant
à ajouter après le mot morale le mot religieuse, et à substituer aux mots des
habitants de la commune, ceux-ci : des élèves de l’école.
Vous
voyez que je suis parfaitement d’accord avec l’opinion émise par mon honorable
ami, M. Delfosse. Il vous a dit que la morale se résume en trois points :
rapports de l’homme avec lui-même, avec Dieu, avec ses semblables. Cette
morale, a dit l’honorable M. Dechamps, est celle de l’Evangile. Par conséquent,
l’enseignement doit en être confié au prêtre.
Maintenant
est-il vrai qu’il ne puisse y avoir une morale autre que celle comprise dans
ces trois points ? Messieurs, on a fait allusion à cette morale que
j’appellerai en quelque sorte morale politique, morale qui peut être différente
dans un pays de ce qu’elle est dans un autre. Par exemple, quant à nos grands
principes sur la liberté de conscience, sur la liberté de manifester son
opinion en toutes matières, sur la liberté de la presse, sur beaucoup d’autres
points fixés par notre pacte constitutionnel, si on les enseignait à Vienne ou
dans d’autres pays catholiques, cet enseignement pourrait être taxé
d’immoralité.
Cependant
ne serait-il pas possible qu’un instituteur, quoiqu’il ne soit pas du ressort
des écoles primaires proprement dites d’y enseigner la politique, donnât à ses
élèves une instruction sommaire sur des objets touchant à ces points, si
importants pour nous ? Si ce fait est possible, il faut que l’on évite les
inconvénients qui pourraient résulter de confier autre chose que la morale
uniquement religieuse à la surveillance de l‘autorité ecclésiastique. L’art. 6
porte : « L’enseignement de la religion et de la morale est donné sous la
direction des ministres du culte professé par la majorité des habitants de la
commune. » Cet article doit être essentiellement lié avec le 2ème § de
l’art. 7, qui en est le corollaire et qui porte que, quant à l’enseignement
moral et religieux, la surveillance ne sera exercée que par les ministres du
culte du lieu où l’école est établie et par le délégué au chef de ce
culte. »
Ainsi
direction de la part du ministre du culte sur la morale en en général ;
surveillance exclusive de la part du ministre du culte sur l’enseignement de la
morale religieuse, je déclare que je le veux bien ; mais je ne veux pas qu’il
soit possible que, par confusion, on enveloppe sous ce nom de morale religieuse
les points qui touchent aux grands principes politiques de l’Etat, qu’on puisse
élever des doutes sur les libertés dont nous jouissons, attaquer les
dispositions de notre pacte fondamental.
Je ne
pense pas que le clergé soit capable d’en agir ainsi ; mais enfin ce fait
serait possible, Je ne demande pas l’exclusion du clergé , qu’il surveille
l’enseignement moral en général ; mais que l’autorité civile ne soit pas exclue
du droit de porter sa surveillance spéciale sur ce point intéressant de savoir
s’il s’occupe de la morale telle qu’elle est définie : les rapports de l’homme
avec Dieu, avec lui-même et avec ses semblables.
Voilà,
messieurs, ce qui a motivé mon sous-amendement à l’amendement de l’honorable M.
Devaux. Je proteste ici que c’est dans des intentions loyales, dans les
intentions même favorables à l’enseignement de la religion et de la morale que
je propose ce sous-amendement. C’est une crainte qui s’est élevée dans mon esprit, et je pense que c’est toujours un acte de
prudence que d’éviter toute espèce d’équivoque qui pourrait naître d’une
disposition d’une loi.
M. Devaux. - Messieurs, je ne demande pas qu’on restreigne l’enseignement du clergé
plus que ne le fait le projet de loi. Je dis, quant à moi, et je crois que vous
êtes tous de mon avis, que la morale est contenue dans la religion, que le
clergé aura le droit d’enseigner la morale, de diriger l’enseignement moral.
Mais ce que j’ai demande, c’est que l’on n’exclût pas le laïque en général de
l’enseignement pratique de la morale. Je ne demande pas qu’on restreigne
l’autorité du clergé, mais je demande que vous vouliez bien ne pas déclarer le
laïque incompétent en fait de morale. Je donne au mot religion le même sens que
vous donnez aux mois religion et morale ; je demande non pas que le laïque
donne un enseignement moral ex professo, mais que vous ne lui refusiez pas le
droit d’enseigner cette morale pratique de tous les moments. Je ne demande pas
que l’instituteur primaire, s’il n’enseigne pas la religion, fasse un cours de
morale comme on fait un cours de catholicisme, mais je demande que vous ne le
placiez pas sous cette exclusion extrêmement peu favorable.
On me
dit ; Mais laissez le mot, puisqu’il y est ; pourquoi le supprimer ? Je viens
de vous en donner une raison. Remarquez que le mot n’était pas dans le projet ;
ou l’y a ajouté ; il fallait donc une raison pour l’y ajouter. Je demande
pourquoi on l’y a inséré. Je déclare, moi, que je ne veux pas restreindre
l’autorité du clergé mais vous, ne faites pas la déclaration contraire ; vous,
ne déclarez pas que vous ne voulez pas restreindre l’autorité laïque ; de sorte
qu’il y a une raison pour vous de mettre ce mot dans la loi et cette raison,
c’est de restreindre l’autorité laïque. Remarquez, messieurs, que personne n’a
donné à l’appui de mon amendement les mêmes raisons que la régence de Liége ;
ces raisons, on vous a dit qu’on ne les admettrait pas. D’ailleurs, je suis
l’auteur de l’amendement, et si on doit recourir aux motifs que j’ai donnés à
l’appui, on serra quels sont ces motifs.
On vous
cité l’autorité de M. Guizot ; il a dit que l’autorité de la religion devait
planer sur toute l’école. Mais avec ce mot il est très facile, et contre
l’intention bien certaine de M. Guizot, d’abandonner complètement
l’enseignement au clergé et de rendre complètement nulle la part d’action de
l’autorité civile. Et remarquez-le bien, messieurs, on cite l’autorité de M.
Guizot ; mais ici comme l’autre jour, je pourrais faire la réponse la plus
facile. A quoi s’appliquait la réponse de M. Guizot ? Au texte de la loi
française, Eh bien ! c’est ce même texte que je
soutiens. L’art. du projet de 1834 est conforme à la
loi française. Ainsi, je défends la même opinion que M. Guizot, et c’est M.
Guizot que l’on m’oppose.
L’honorable
M. De Theux m’a opposé ceci : qu’il était dangereux de séparer l’enseignement
de la religion des autres parties de l’enseignement. Eh bien, messieurs, je ne
demande pas cette séparation, mais ce que je dis, c’est que cette séparation
doit être facultative. Elle peut avoir des inconvénients ; mais elle peut
quelquefois être bonne. Ce que je dis, c’est que cette séparation aura
quelquefois lieu même avec les mots morale et religion. Ce que je dis, c’est
que si elle a quelquefois des inconvénients, elle aura aussi quelquefois de
bons résultats. Dans les campagnes cette séparation pourra être difficile ;
mais dans les villes elle sera très facile ; et j’en ai des exemples sous les
yeux. La commune que j’habite a plusieurs écoles ; elle subsidie en outre une
écoule de frères de la charité chrétienne. Dans ce dernier établissement
l’enseignement religieux et l’autre enseignement se confondent dans les mêmes
instituteurs. Mais dans les écoles communales, il n’en est pas ainsi ;
cependant ccs écoles n’inspirent aucune méfiance au clergé, à tel point que
j’ai vu le chef du diocèse venir donner de ses propres mains les prix aux
élèves de ces écoles. Et comment sont organisées ces écoles ? L’enseignement
religieux y est donné par des élèves du séminaire désignés par l’évêque, et le
reste de l’instruction y est donné par des professeurs nommés par l’autorité
civile. Ces professeurs sont des hommes honorables, des hommes religieux ; mais
on n’a pas jugé à propos de les charger de l’enseignement religieux, et si on
voulait forcer soit l’autorité religieuse, soit eux-mêmes à donner cet
enseignement, peut-être rencontrerait-on des obstacles administratifs.
Il ne
demande donc pas que vous confondiez dans le même instituteur les deux
enseignements ; mais je demande que l’instituteur laïque ne soit pas mis dans
un état d’interdiction déshonorant, qu’il ne lui soit pas détendu de s’occuper
de morale.
Un membre. - Nous ne voulons pas que cela lui soit défendu.
M. Devaux. - Si vous le
voulez pas, ne dites pas dans votre loi que l’enseignement religieux et moral
tout entier est sous la direction du clergé. Si vous dites inspection,
surveillance, c’est autre chose ; mais nous parlons de la direction absolue du
clergé, du droit du clergé. Eh bien ! je dis qu’il
faut laisser les choses comme elles sont et vous les laissez en mettant
simplement dans la loi le mot religion.
Vous
empêcherez aussi les fausses interprétations ; vous empêchez que, sous prétexte
du mot morale dans la loi, on ne
s’arroge des droits qu’on n’a pas.
Messieurs,
s’il s’agissait des chefs du clergé, on pourrait ne pas craindre autant ces
inconvénients. Mais des membres du clergé peuvent avoir trop de zèle ; ils ont
leurs défauts comme les autres, ils peuvent avoir des procédés qui seraient
blâmés des autres. Il faut éviter qu’on exagère la portée de la loi et que sous
le prétexte de s’ingérer de 1a morale de l’école, on ne se livre à des
tracasseries. Donnez, si vous voulez, l’inspection à l’autorité ecclésiastique
; dites qu’elle aura le droit de faire des rapports, mais ne lui donnez pas un
droit absolu sur tout ce qui n’est pas l’enseignement religieux,
Messieurs,
je ne sais si je dois parler de l’amendement qui vient d’être proposé par
l’honorable comte de Mérode. Cela prouverait réellement que la discussion ne
fait pas de progrès, qu’on marche rapidement dans un autre sens. Adopter un
pareil amendement, ce serait écrire l’intolérance dans la loi, ce serait la
proscription des protestants de l’enseignement communal. Ce serait une chose
qui ne ferait pas honneur à
M. de Mérode. - Il
faut prouver cette intolérance.
M. Devaux. - On a donc oublié qu’il ne
s’agit pas seulement ici des écoles des pauvres ; mais aussi des écoles payées.
Et le protestant voudrait payer, qu’il serait exclu des écoles communales en
Belgique.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je
pense, messieurs, qu’il y a à certains égards un malentendu entre l’honorable
M. Devaux et ceux qui soutiennent la rédaction actuelle du 2ème § de l’art. 2.
Nous ne proclamons pas l’omnipotence absolue des instituteurs en ce qui
concerne la morale L’instituteur donnera l’enseignement moral et religieux sous
la direction des ministres du culte ; il ne pourra pas donner l’enseignement
moral considéré isolément et en dehors de la direction des ministres du culte.
Voilà tout le sens, toute la portée politique et sociale de la disposition.
Si l’on
supprime le mot morale dans le 2ème
§, il faudra 1e supprimer aussi dans le 1er § et ne plus parler de morale. Je
crois qu’il y a un autre inconvénient dans cette suppression. Nous sommes tous
d’accord sur ce point, et l’honorable préopinant admet le même principe ; c’est
le danger lorsqu’il s’agit des enfants et des classes inférieures, à faire
enseigner séparément une sorte de morale générale, abstraction faite de toute
religion positive ; eh bien, il n’y a d’autre moyen d’éviter ce danger que de
réunir l’enseignement moral et l’enseignement religieux, et cette réunion n’est
possible qu’en acceptant la même direction. Dès lors vous êtes forcément amenés
à dire que l’enseignement moral et religieux se donnera sous la direction des
ministres du culte. Sans cela, où arriverez-vous ? Vous aurez l’enseignement
religieux donné sous la direction des ministres du culte, et à côté de cet
enseignement, l’enseignement d’une morale générale détachée de toute idée d’une
religion positive. C’est ce que nous ne voulons pas dans l’enseignement
primaire.
Je le
répète donc de nouveau, il n’y a pas ici lieu de proclamer l’incompétence du
pouvoir civil en fait de morale ; l’instituteur donnera l’enseignement moral,
mais pour cet enseignement il ne sera pas abandonné à lui-même ; le prêtre aura
le droit de lui donner ses conseils, de le diriger.
Nous
voulons seulement proclamer l’inséparabilité, si je puis m’exprimer ainsi, de
l’enseignement de la religion et de l’enseignement de la morale.
Je
dirai aussi, messieurs, que je ne puis partager l’opinion de M. le comte de
Mérode. Cet honorable membre perd de vue qu’il s’agit ici d’écoles établies aux
frais de la commune, et que dès lors tous les citoyens ont le droit de
participer à l’enseignement qui se donne dans les écoles. Si dans une commune
il y a deux familles qui ne professe pas la religion
de la majorité, cette famille a certainement le droit d’exiger que ses enfants
se retirent lorsqu’il s’agit de l’enseignement moral et religieux. Ne pas
admettre ceci, ce serait placer cette famille dans l’alternative, ou de
consentir à la conversion de ces enfants, ou de renoncer
au bénéfice de l’instruction publique.
M. de Mérode. -
J’ai dit, messieurs, que lorsqu’il s’agit d’un enseignement donné aux frais de
la commune, on doit avoir égard à l’immense majorité des élèves, soit
protestants, soit catholiques. J’ai cité des communes protestantes dans
lesquelles il se trouverait certainement, ou du moins probablement, un certain
nombre de familles catholiques, et j’ai dit que ces familles catholiques
devraient subir les inconvénients de leur position. J’ai ajouté que lorsque
dans une commune il y aurait un nombre assez considérable de protestants, par
exemple, pour qu’on puisse établir pour eux une école séparée, il faudrait
faire les frais de cette école, Je dis que, d’après le dernier paragraphe de
l’art. 6, il suffirait qu’une seule famille protestante vienne s’établir dans
une commune catholique pour empêcher que les professeurs ne puissent plus
parler de morale ni de religion à leurs élèves, en dehors des heures qui seront
consacrées à l’enseignement de la religion et de la morale, et que deviendra
alors cette atmosphère religieuse dont vous parlez ? Vous voyez, messieurs,
combien vous compromettez l’éducation religieuse de la généralité pour quelques
exceptions. Eh bien, je pense, moi, que nous devons faire des lois pour la généralité et non pas pour les
exceptions. Vous pouvez appeler cela de l’intolérance si vous le voulez ; moi
je l’appelle un bon sens.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je
n’hésite pas à dire, messieurs, que quand il se trouvera une seule famille
protestante dans une commune catholique, le père permettra le plus souvent à
ses enfants de rester à l’école, même pendant le temps qui sera spécialement
consacré à l’instruction morale et religieuse ; il le permettra du moment où il
n’y sera pas contraint, du moment où il verra qu’il n’y a pas de prosélytisme.
Je pourrais citer des pensionnats catholiques où il se trouve deux ou trois
enfants protestants ; ces enfants assistent généralement à l’instruction morale
et religieuse comme les autres.
- La
clôture est demandée et prononcée.
Sur la
proposition de M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb), la chambre donne la priorité
au vote sur le paragraphe 2, la suppression des mots : et de la morale,
proposée, dans ce paragraphe, par M. Devaux, devant entraîner la suppression
des mêmes mots dans le paragraphe 1er, si elle était adoptée.
Le
retranchement des mots : et de la morale,
est d’abord mis aux voix ; il n’est pas adopté.
L’addition
proposée par M. Orts, du mot religieuse
après le mot morale
est ensuite mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.
Le
paragraphe est adopté avec le changement de rédaction proposé par M. le
ministre de l’intérieur.
Le
premier paragraphe de l’article est mis aux voix et adopté.
(Erratum Moniteur n°228-229 du 16-17 août
1842 :) L’amendement de M. Savart-Martel au troisième paragraphe de
l’article est mis aux voix, il n’est pas adopté.
Le
troisième paragraphe de l’article avec la rédaction proposée par M. le ministre
de l’intérieur est ensuite mis aux voix et adopté.
Par là
se trouve écartée la proposition de M. de Mérode, qui avait demandé la
suppression de l’article.
L’ensemble de l’article 6 est mis aux voix et
adopté.
M. Devaux propose la disposition additionnelle suivante :
« Dans
les autres parties de l’enseignement, les ministres des cultes ne pourront
intervenir que par voie de conseil et d’avertissement près de l’autorité civile
compétente. »
- Cet
amendement sera imprimé et distribué.
La
séance est levée à 3 heures.