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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du mercredi 24 août 1842
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre. Discussion des articles
2) Projet de loi relatif au personnel de la cour d’appel de Bruxelles et du
tribunal de première instance de Charleroy
3) Motion
d’ordre relative à la présence supposée d’un dépôt de poudre à la porte de Hal
(Verhaegen, de Liem, Mast de Vries)
4) Projet de loi octroyant un crédit de 10,000 fr. à répartir à titre de
secours temporaires entre les anciens employés de l’administration des
ambulances, supprimés à la suite du traité de paix
5) Projet
de loi organisant l’instruction primaire. Discussion des articles. Organisation
des écoles primaires supérieures, enseignement normal, enseignement moyen (Nothomb, Devaux, Nothomb,
(intervention du clergé dans l’enseignement primaire et moyen (Verhaegen)), de Theux, (+
intervention du clergé dans l’enseignement primaire et moyen (Dechamps)), ((+enseignement technique) Cools,
Cogels), ((+statut des instituteurs) Orts),
Devaux, Nothomb, Cools, (+enseignement de la gymnastique (Dumortier, Devaux, de Mérode), enseignement normal (Rogier,
Nothomb, Orts, Nothomb,
Dumortier, Nothomb, Dumortier, Nothomb, Devaux, Nothomb, de
Theux, Rogier, Verhaegen, Nothomb, Lebeau, Nothomb, Devaux, Nothomb, Dechamps, Devaux, de Theux, Verhaegen, Nothomb, Dechamps, Lebeau, Nothomb, Devaux, Dumortier), enseignement de la morale et de la religion
par le clergé dans les écoles normales (de Mérode, Nothomb, Dumortier, Nothomb, Dumortier, de Mérode, Nothomb, Verhaegen, Dumortier, Rogier, de Mérode, Dumortier, Dechamps)
(Moniteur belge n°237, du 25 août 1842)
(Présidence
de M. Fallon)
M.
de Renesse fait l’appel nominal à midi un quart.
M. Dedecker lit le
procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse présente l’analyse des pièces adressées
à la chambre :
PIECES
ADRESSEES A
« Le
sieur Abas, ancien commis aux écritures du corps des ambulances, demande une
indemnité du chef de suppression d’emploi par suite du traité de paix. »
-
Renvoi à la commission des pétitions.
_____________________
« Les
membres de la chambre des avoués près le tribunal de première instance de
Liége, demandent que le tarif des dépens en matière civile, établi pour le
tribunal de première instance de Bruxelles, soit rendu commun à celui de
Liége. »
- Même décision.
PROJET DE LOI RELATIF AU PERSONNEL DE LA COUR D’APPEL DE
BRUXELLES ET DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE CHARLEROY
M. Delfosse dépose
le rapport de la commission qui a été chargée de l’examen du projet de loi
relatif au personnel de la cour d’appel de Bruxelles et du tribunal de première
instance de Charleroy.
- Ce
rapport sera imprimé et distribué.
M. Verhaegen. - Je profiterai de la présence de M. le ministre de la guerre pour lui
faire une observation,
Le
gouvernement a établi un dépôt de poudre à la porte de Hal ; ce qui donne aux
habitants de ce quartier considérable de Bruxelles les plus graves inquiétudes,
qu’on a déjà révélées dans des pétitions nombreuses, et ce qui peut donner lieu
aussi aux plus graves inconvénients. J’engage M. le ministre de la guerre à
fixer son attention sur ce point très important.
M. le
ministre de la guerre. (M. de Liem) - Messieurs,
il n’existe pas de dépôt de poudres à la porte de Hal
; il ne s’y trouve qu’une petite quantité de cartouches, et cette quantité est
tellement minime qu’elle ne se porte pas même à la quantité de poudre qu’un
débitant de poudre a dans son magasin. Ainsi les inquiétudes qu’on peut avoir à
cet égard ne sont pas fondées.
M. Verhaegen. - Je remercie M. le ministre de la guerre de son observation, et j’ose
espérer que d’après les assurances qu’il vient de donner, les habitants du
quartier de Hal ne doivent pas avoir des motifs
d’inquiétude.
M. Mast de Vries. -
Messieurs, dans la localité que j’habite, on a construit un magasin à poudre,
qui en contient des quantités considérables.
J’ai
l’honneur de fixer l’attention de M. le ministre de la guerre sur la question
de savoir s’il n’y aurait pas possibilité de mettre ces poudres dans quelques
localités spéciales.
PROJET DE LOI OCTROYANT UN CREDIT DE 10,000 FR. A
REPARTIR A TITRE DE SECOURS TEMPORAIRES ENTRE LES ANCIENS EMPLOYES DE
L’ADMINISTRATION DES AMBULANCES, SUPPRIMES A LA SUITE DU TRAITE DE PAIX
M. Mast de Vries (au
nom de la commission des finances), dépose un projet de loi ayant pour objet
d’allouer un crédit de 10,000 fr. à répartir à titre de secours temporaires
entre les anciens employés de l’administration des ambulances, supprimés à la
suite du traité de paix.
PROJET
DE LOI ORGANISANT L’INSTRUCTION PRIMAIRE
Discussion
des articles
TITRE IV. – Des écoles primaires
supérieures et des écoles normales
§ 1. Des écoles primaires supérieures
M. le président. - Nous revenons à l’art. 28.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - M.
le président, je vous prierai de rétablir la dénomination d’école primaire supérieure dans toutes les dispositions du nouvel
art. 28 où je me suis servi des mots : écoles
bourgeoises.
M.
le président. - La parole est à M. Verhaegen.
M. Verhaegen. - Messieurs, la question sur laquelle nous sommes appelés à nous
prononcer en ce moment est beaucoup plus importante qu’on ne pourrait le croire
au premier abord. Ce n’est pas seulement une question de finances, c’est encore
une question de principe, et je puis le dire, de la plus haute importance.
L’honorable
rapporteur de la section centrale vous a mis à même d’apprécier la portée de la
disposition, telle qu’il la comprend.
L’honorable
M. Dechamps vous a dit, messieurs, qu’il n’admettait pas des écoles primaires
supérieures telles que voulait les établir M. le ministre de l’intérieur,
telles qu’elles étaient conçues dans le projet de loi de 1834. L’honorable
membre a ajouté que si ces écoles étaient établies dans le sens de l’un ou de
l’autre des deux projets, ce serait pour lui un motif de voter contre la
disposition.
Messieurs,
je tiens beaucoup aux écoles primaires modèles, telles qu’elles existent
aujourd’hui, telles que les créent, et le projet de 1834 et le projet actuel,
sauf toutefois quelques changements accessoires. Je dirai à mon tour, que si
les écoles dont nous nous occupons en ce moment ne sont pas maintenues telles
qu’on les a proposées d’abord, je voterai et contre les dispositions et contre
toute la loi, n’eussé-je pas même d’autres motifs pour émettre un vote négatif
sur l’ensemble.
D’après
M. le rapporteur, les écoles primaires supérieures seraient des écoles
bourgeoises, telles qu’il en existe en Prusse et en Autriche, c’est-à-dire des
écoles usuelles, des écoles où les enfants de la bourgeoisie vont puiser
l’enseignement moyen, on n’en exclurait que l’enseignement des langues
anciennes.
Nous,
au contraire, nous ne voulons que des écoles modèles dans lesquelles on
enseigne uniquement les matières énoncées à l’article 17 du projet de 1834, et
maintenues par le projet nouveau.
Messieurs,
c’est probablement par suite des conférences que M. le ministre de l’intérieur
a eues avec M. le rapporteur, qu’il a apporté à sa première disposition un changement
qui, d’après lui, n’est qu’un changement de rédaction.
M. le
ministre de l’intérieur avait pensé que l’expression d’écoles primaires
supérieures était impropre, et il y a substitué la dénomination d’écoles
bourgeoises, ce n’était là d’après lui qu’un changement de rédaction. S’il en
est ainsi, je l’en félicite, mais il n’en est pas moins vrai que la
dénomination nouvelle est malencontreuse. Je comprends qu’il y ait des écoles
bourgeoises en Prusse et en Autriche où les trois ordres existent encore ; mats
je ne comprenais pas qu’en Belgique, où il n’y a que des citoyens, des
bourgeois, on vienne faire des distinctions qui constituent un contre-sens, un
anachronisme. S’il n’y a donc au fond qu’un changement de mots, dans
l’amendement de M. le ministre, je l’aurais encore combattu, mais il y a plus :
pour M. le rapporteur de la section centrale, ce n’est pas seulement un
changement de mots, mais c’est véritablement un changement de choses ;
l’honorable M. Dechamps est parfaitement d’accord avec lui-même, il maintient
sa pensée première, qu’il a, je crois, développée dans le sein de la section
centrale.
On
m’annonce à l’instant que M. le ministre retire son changement de rédaction et
qu’il revient à son premier amendement ; aussi M. le ministre avait présenté
d’abord un changement à sa première opinion, mais bientôt il a proposé un
changement au changement, et il en est revenu au point de départ. L’honorable
M. Dechamps, au contraire, d’accord avec lui-même, maintient son système ; lui
repousse les écoles primaires supérieures, mais il veut des écoles
d’enseignement moyen pour une certaine classe de la société.
Quant à
moi, messieurs, je ne veux pas que par la loi actuelle on touche à
l’enseignement moyen, je ne veux pas que par la loi actuelle on fasse tort aux
établissements actuellement existants d’enseignement moyen. Ce sont ces deux
considérations que je vais avoir l’honneur de développer, qui m’engagent à
combattre les observations faites par l’honorable rapporteur de la section
centrale.
Messieurs,
ne nous y trompons pas, nous ne faisons ici, ou du moins nous ne voulons faire
qu’une loi sur l’instruction primaire, C’est dans cette instruction primaire
que la majorité de cette chambre, contrairement à notre opinion, a voulu donner
au clergé le droit d’intervenir en disant qu’il fallait avant tout soigner
l’éducation des enfants en bas-âge et qu’ainsi l’instruction devait être morale
et religieuse.
Nous
avons reconnu, nous, que l’intervention du clergé dans les écoles primaires
pouvait être utile ; nous avons dit que le gouvernement pouvait admettre ses
services, mais seulement en établissant bien ses conditions et en conservant
une entière indépendance. Nos adversaires, au contraire, réclamaient pour le
clergé un droit et même un droit absolu d’intervention. Telle était la
divergence d’opinions, toutefois en restant dans l’objet de la discussion qui
était l’instruction primaire ; mais il semble maintenant qu’on veuille encore
aller plus loin en posant un jalon pour le futur et en faisant déjà une excursion
sur les terrain de l’enseignement moyen. D’après les
observations présentées par M. le rapporteur, j’ai lieu de croire que telle est
son intention.
Il n’y
a plus à équivoquer. Le rapporteur de la section centrale veut que les écoles
primaires supérieures soient des écoles d’enseignement moyen pour tous ceux qui
se destinent à l’agronomie, au commerce ou à l’industrie. Ainsi dans ces
écoles, on donnerait même des cours de tenue de livres, d’algèbre, de chimie,
de mécanique, etc. etc., qui, d’après l’honorable membre concernent
l’instruction qu’il appelle usuelle, ce qui veut dire en d’autres termes qu’on
permettrait au clergé de s’emparer de la direction de tout le commerce et de
toute l’industrie.
Vous
voyez, messieurs, que la portée de ce système est immense. Ce n’est plus
seulement à l’enfance qu’on s’attache. Les exigences ont bien grandi, et nos
craintes se justifient déjà. L’on veut dès à présent s’emparer de la branche
principale d’instruction moyenne ; je dis de la branche principale, car,
messieurs, si ce que veut M. le rapporteur de la section centrale, venait à
être sanctionné par la chambre, la plus grande partie de l’instruction moyenne,
serait déjà réglée par la loi, c’est-à-dire, que l’instruction moyenne pour
tout ce qui concerne l’agronomie, le commerce et l’industrie, en d’autres
termes, tonte l’instruction moyenne, sauf l’enseignement des langues anciennes,
serait réglée par la loi sur l’instruction primaire ! Il est heureux que nous
ayons compris l’intention de l’honorable M. Dechamps, cachée sous la
dénomination d’écoles bourgeoises, qu’il aurait donnée, d’accord avec M. le
ministre, aux écoles modèles, il est heureux que nous ne nous soyons pas laissé
aller à trop de confiance.
Certes,
personne dans cette assemblée ne pourra admettre que dans un projet de loi sur
l’instruction primaire on puisse s’occupe de l’instruction moyenne ; c’est un
véritable contre-sens, et qu’on ne se le dissimule point, le but que l’on a en
faisant cette tentative, c’est de faire tomber certains établissements d’enseignement
moyens dans la disposition générale de la loi, qui admet comme un droit
l’intervention du clergé.
Dans
tous les cas, ce qui me paraît évident, c’est qu’on veut poser un jalon pour le
futur, c’est qu’on veut se préparer des arguments pour la discussion prochaine
de la loi sur l’enseignement moyen ; on dira alors que le principe de
l’intervention du clergé, quant à cet enseignement, a déjà été admis.
Je dois
le dire, messieurs, moi qui n’ai pu admettre l’intervention du clergé dans
l’enseignement primaire que comme utile et moyennant de bonnes garanties je ne
l’admettrai jamais pour l’enseignement moyen. Je dirai plus : je vois une
tendance à écrire un premier principe dans la loi sur l’instruction primaire
pour en raisonner dans la discussion de la loi sur l’enseignement moyen ; quand
il s’agira de cette seconde loi on posera encore un principe comme jalon pour
l’instruction supérieure, et de cette manière on s’emparera de tout
l’enseignement primaire, moyen et supérieur. Vous voyez qu’il n’état pas
inutile de fixer, et tout d’abord votre attention sur cette tendance qui,
d’après moi, apparaît menaçante.
Je
vois, par la déclaration que vient de faire M. le ministre, qu’il ne partage
pas l’opinion de M. Dechamps. C’est fort heureux, et sur ce point je le
félicite ; il admet le principe du projet de 1834 ; il ne s’agit plus que de
s’entendre sur le mode d’exécution, l’idée d’écoles bourgeoises est abandonnée,
on en revient aux écoles modèles si utiles, je dirai même si nécessaires ;
reste à savoir si on en voudra sérieusement.
Les
observations qui ont été développées par M. le rapporteur doivent avoir été
soumises par lui à M. le ministre de l’intérieur, et les conférences qui ont eu
lieu entre eux paraissent avoir exercé quelque influence sur l’esprit de M.
Nothomb ; et je ne sais, si d’après la déclaration qui vient d’être faite,
cette influence disparaîtra entièrement.
Je vous
disais, messieurs, qu’indépendamment de l’inconvénient que je vous avais déjà
signalé, il y en avait encore un autre, à savoir le tort considérable qu’allait
faire aux collèges et athénées actuellement existants le projet dont on
méditait l’exécution ; les craintes que j’avais conçues par suite des
observations de M. Dechamps se sont confirmées par l’explication que vient de
donner M. le ministre de l’intérieur.
Répondant
à l’honorable M. Rogier, M. le ministre a dit qu’il n’avait pas grande
difficulté à établir une école modèle par arrondissement judiciaire. Nous
avons, a-t-il dit, 26 arrondissements judiciaires en Belgique. Huit sont
pourvus d’écoles ; dans six autres arrondissements, il y a des collèges qui
bientôt demanderont à être convertis en écoles modèles. Il ne restera plus que
12 établissements à créer. C’est précisément là ce que je redoutais. Je désire
conserver les collèges communaux qui existent. Mes adversaires, au contraire,
veulent les détruire, et tous les moyens sont bons pour atteindre ce résultat.
Il y a,
a-t-il dit, des localités dans lesquelles on demandera à changer les collèges
en écoles modèles. Serait-ce peut-être Ath ? Si cela était, qu’arriverait-t-il
? Ath a un bon collège communal, on a déjà fait
beaucoup de tentative pour la mettre de côté, on n’y est pas parvenu jusqu’à
présent. Mais si au moyen du projet tel qu’on le formule, on parvenait à
engager Ath à changer son collège en école modèle, savez-vous quel en serait le
résultat ? Le collège disparaîtrait au profit de Brugelette,
le sacrifice serait consommé ! Ce qui peut arriver à Ath, peut arriver ailleurs
; quant à moi, je le répète, je tiens beaucoup à conserver les collèges
communaux. Je suis étonné que, par une loi d’instruction primaire, on cherche à
les détruire.
M. le
ministre, qui n’adopte pas l’opinion de M. le rapporteur, est cependant arrivé
droit à ce résultat ; il a fait son compte de telle manière que dans plusieurs
arrondissements de bons collèges seront changés en écoles modèles. C’est
détruire, au grand détriment de l’enseignement moyen, des établissements qui
existent, c’est encourager certaine tendance, et n’y eût-il que cette tendance,
je ne pourrais pas donner mon assentiment à la disposition qu’on propose. Il y
a encore un autre inconvénient et très grave, c’est que dans la plupart des
collèges et athénées, il y a des branches d’enseignement telle
qu’on veut les attribuer aux écoles supérieures dans le sens de l’honorable M.
Dechamps. Ce sont ces branches d’enseignement qui viennent en aide à nos
collèges et athénées et augmentent leurs ressources.
Ainsi,
d’un côté on travaille à la perte des collèges et athénées actuellement existants
; d’un autre côté on veut régler déjà la plus grande partie de l’enseignement
moyen par la loi sur l’enseignement primaire ; on veut dans l’un comme dans
l’autre l’intervention du clergé. Si on veut y procéder avec bonne foi, il faut
rejeter l’opinion de M. Dechamps et condamner les observations de M. le
ministre, quant à la transformation de certains collèges communaux en écoles
modèles. D’après moi, pour rester dans le vrai, il n’y qu’un moyen, c’est
d’adopter l’amendement de l’honorable M. Rogier, avec quelques changements de
rédaction. Maintenez les écoles modèles telles qu’elles existent, créez-en de
nouvelles, toutes seront très utiles, alors que vous restreignez dans les
limites de l’article 17 ; mais n’empiétez pas sur l’enseignement moyen, dont il
n’est pas question jusqu’à présent.
Voilà les observations que j’ai
cru devoir soumettre à la chambre ; je ne m’occuperai pas de la question
financière ; elle a été suffisamment traitée par les honorables préopinants.
- La chambre, sur la proposition de M.
Devaux, avec l’assentiment de M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb),
ajourne la discussion du dernier paragraphe de l’art. 28 relatif
aux cours normaux, après la discussion de l’art. 30 relatif
aux écoles normales.
M. de Theux. -
Après la motion d’ordre qui vient d’être adoptée, je n’aurais que peu
d’observations à présenter à la chambre.
Je
voterai pour l’amendement de M. le ministre de l’intérieur. Mais je tiens à
déclarer que dans mon opinion les écoles primaires supérieures ne seront pas
limitées au nombre des 27 écoles à ériger par le gouvernement, car dans un
grand nombre de communes, il y a des écoles primaires supérieures. Dans la
plupart des écoles communales urbaines et dans les pensionnats existants au
nombre de 642, il se donne un enseignement primaire assez élevé ; je tenais à
faire cette observation pour qu’on ne croie pas à l’étranger que l’enseignement
primaire est réduit en Belgique à l’enseignement de la lecture, de l’écriture,
et du calcul. Cela est bon pour les petites classes. Mais il est constant que
l’enseignement primaire supérieur est très répandu dans le pays. Je dirai même
que, dans la plupart des communes, les écoles primaires proprement dites
indépendantes de tout pensionnat, sont beaucoup plus élevées que ne le
comportent les dispositions déjà votées du projet de loi. Ainsi dans beaucoup
d’écoles des provinces flamandes on enseigne la langue française : dans un bon
nombre d’écoles modèles on enseigne le dessin linéaire.
J’ajouterai
que les écoles normales libres et celles que le gouvernement créera,
contribueront à former des instituteurs de plus en plus instruits, qui, après
avoir satisfait aux prescriptions de la loi, pourront donner des cours
spéciaux, aux frais de ceux qui désireront acquérir plus de connaissance ; de
sorte que l’instruction sera aussi avancée en Belgique que dans aucun autre
pays.
il me reste un mot à dire de la
dépense. On a soutenu que les charges de l’Etat seraient très faibles d’après
le projet. C’est une erreur. Les charges de l’Etat, d’après le projet de loi,
seront considérables. Notez que, par la fixation du minimum à 200 fr., il y
aura pour l’Etat obligation de suppléer dans un grand nombre de communes. Il y
aura les inspections cantonales et provinciales, les réunions cantonales et les
concours. De toutes ces circonstances, il résultera des dépenses considérables.
Dès lors, je ne vois pas la nécessité de mettre à la charge de l’Etat la plus
grande partie des dépenses des écoles primaires supérieures. Il me paraît juste
que quand une commune obtiendra une école primaire de cette catégorie, elle se
contente du concours le l’Etat jusqu’à concurrence de 3,000 fr. Cela constituera
un avantage assez grand pour les villes, celles-ci pourront suffire à la
dépense, tandis que d’autres communes moins riches ne demanderaient pas mieux
que d’avoir des écoles plus élevées si l’Etat leur donnait un subside.
Par ces motifs, je voterai pour la limitation du
chiffre proposée par M. le ministre de l’intérieur. Je désire que dans aucun
cas l’Etat ne concoure à la dépense pour plus d’un tiers.
M. Dechamps, rapporteur. - L’honorable M. Verhaegen a donné aux paroles que j’ai prononcées dans
une autre séance une portée tout autre que celle que j’ai eu
l’intention d’y donner. Mais cet honorable membre, lorsqu’il s’agit d’un
article du projet de loi pousse la défiance à tel point qu’il veut y voir non
ce que l’article dit, mais ce qu’il pense que l’article veut cacher.
L’honorable membre a l’air de se cacher derrière chacun des articles du projet
de loi pour épier les intentions de ses adversaires. Lorsque nous soutenons ou
que nous combattons une proposition, il se demande quel but caché nous pouvons
avoir pour la soutenir ou la combattre. Comme si nous n’avions pas le même
intérêt que lui à faire une bonne loi de l’instruction primaire dans l’intérêt
seul de l’instruction primaire ! comme si nous
n’avions pas le même intérêt que lui à ce que les populations inférieures
soient morales, religieuses, instruites et soumises aux lois. Si nous avons le
même intérêt que lui, notre but doit être le même que le sien.
Je vous
ai dit que l’honorable préopinant a donné à mes paroles une portée qu’elles
n’avaient pas. En effet, mon intention a été de défendre le même fond d’idées
qu’à défendues avant moi l’honorable M. Rogier. Les observations du préopinant,
M. Rogier en conviendra, s’appliquent aussi bien au discours de M. Rogier qu’au
mien. En effet, M. Rogier vous a dit une chose très juste. Il s’agit de ce
qu’on appelle en France l’enseignement intermédiaire. J’ai ajouté une
réflexion, et en cela je n’ai pas voulu dire une nouveauté ; j’ai dit ce que
tout le monde dit, je me suis exprimé ainsi : l’enseignement qu’il s’agit de
fonder aura un caractère usuel. Il ne s’agit pas là du tout des collèges.
L’honorable
M. Rogier a dit et l’on a souvent soutenu qu’il y avait du danger à trop
pousser aux professions libérales ; qu’il fallait donner ouverture à la
carrière professionnelle. C’est la même idée que j’ai voulu développer. M.
Rogier, avant moi, avait approuvé cette dénomination d’école bourgeoise, en
disant qu’elle indiquait bien l’enseignement qui convient à ceux qui ne se destinent
ni à la profession d’avocat, ni à celle de médecin, ni à aucune profession
libérale. Je pense aussi que cette dénomination d’école bourgeoise était plus
claire que celle d’école primaire supérieure, car il y a une espèce de
contradiction entre ces mots primaire et
supérieure ; mais je ne tiens
nullement pour mon compte à l’expression.
L’honorable
M. Verhaegen vous a dit : Ma crainte, ce que je prévois, c’est que dans la loi
d’instruction primaire, vous voulez poser un antécédent pour l’enseignement moyen,
vous voulez transformer les collèges communaux en établissements d’instruction
intermédiaire.
Eh bien
! messieurs, si telle est l’intention de M. le
ministre, je l’en félicite ; car je pense qu’il ferait ici acte de progrès ; je
considérerais cela comme une véritable idée progressive, et l’honorable M.
Rogier vous a dit que sous son administration tel avait été le principe qui
l’avait guidé.
Messieurs,
mon opinion est qu’en Belgique on a donné trop d’extension à l’enseignement
purement littéraire ; c’est là un
principe que je professe. Chaque petite localité a la prétention d’avoir un
collège grec et latin. Il en est résulté un véritable encombrement de
professions libérales. Je dis, messieurs, qu’il y a une lacune dans
l’enseignement en Belgique : c’est l’enseignement usuel.
Je
conviens que l’école qu’il s’agit de fonder n’est pas tout à fait l’école
bourgeoise de la Prusse, le gymnase ; car le gymnase possède aussi des classes
latines et a une extension beaucoup plus grande que celle que nous voulons donner
aux écoles dont nous nous occupons. Mais il ne faut pas perdre de vue un fait :
c’est que les écoles modèles actuellement existantes, au moins les mieux
organisées, ont précisément le caractère que je veux donner aux écoles
d’enseignement primaire supérieur. Je citerai, par exemple, l’école modèle
d’Anvers. Les cours de cet établissement renferment non seulement les matières
détaillées à l’art. 17, mais on y enseigne, si je ne me trompe, les langues
modernes, les mathématiques d’une manière plus ou moins développée ; il y a des
cours de commerce et d’industrie, des cours de mécanique jusqu’à un certain
degré. Mais enfin le fait est que les matières d’enseignement sont beaucoup
plus étendues que celles indiquées dans le projet.
Or,
qu’ai-je voulu dire, et je n’ai pas voulu soutenir autre chose. C’est que s’il
est sage dans la loi de restreindre les matières d’enseignement dans un certain
cercle, le gouvernement doit rester libre d’étendre ces matières lorsqu’il le
jugera nécessaire. Et je pense qu’il sera souvent nécessaire de les étendre et
de donner à ces écoles le caractère d’écoles bourgeoises, d’écoles usuelles. Je
crois qu’en fait on en arrivera là. Je n’ai pas voulu poser un principe ; j’ai
seulement voulu montrer à quels résultats nous parviendrions.
L’honorable
M. Verhaegen a dit qu’il voyait où l’on voulait en venir, et il a cité pour
exemple la ville d’Ath, dont je suis le représentant. Il a dit : Mais dans la
ville d’Ath il se trouve un collège à l’égard duquel il y a eu des négociations
entre la régence et l’évêque. On n’est pas parvenu à s’entendre ; eh bien ! qu’arrivera-t-il ? C’est qu’on transformera le collège d’Ath
en école d’enseignement primaire supérieur.
Mais je
ferai remarquer à l’honorable membre que si ce fait se réalisait, ce serait du
consentement de la commune ; c’est que la commune le voudrait bien, et je ne
pense pas qu’il veuille aller jusqu’à interdire à une régence la faculté de
transformer son collège en école primaire supérieure.
Mais en
second lieu, veuillez remarquer que l’exemple de la ville d’Ath est fait mal
choisi ; car d’après la loi on ne pourrait créer qu’une école d’enseignement
supérieur par arrondissement. Or vous savez qu’il existe à Tournay une école
modèle ; ainsi il serait impossible d’en créer une seconde à Ath.
Je ne
m’étendrai pas davantage sur cette question, qui paraît incidente ; je ne
reviendrai pas non plus sur les observations faites dans une séance précédente
relativement à la question financière. Seulement il me paraît que d’après les
observations qui vous ont été soumises par l’honorable M. Devaux, il y a dans
la rédaction du 2ème § de l’article en discussion une complication que l’on
pourrait éviter. On dit d’un côté que la part de l’Etat ne dépassera pas le
tiers de la dépense, et d’un autre côté on dit que cette part de l’Etat ne
pourra excéder 3,000 fr. Je crois que l’une de ces garanties
serait suffisante. Le gouvernement a cru faire chose utile en prenant une
double garantie ; mais selon moi, une seule limite suffirait : on pourrait dire
que la dépense à la charge de l’Etat ne pourra excéder 3.000 fr. sans parler de
la part de la dépense, ce qui pourrait compliquer la question.
M. Cools. - Messieurs, l’art. 28 nous a
saisis de plusieurs propositions. Nous avons d’abord la proposition première du
gouvernement ; nous avons ensuite sa proposition subséquence. Nous avons la
proposition de l’honorable M. Devaux et celle de l’honorable M. Dechamps. Il me
semble qu’il résulte de toutes ces propositions et des discours qui ont été
entendus dans les séances précédentes, qu’il y a beaucoup d’incertitude dans
les esprits sur ce qu’il faut faire. Déjà dans la section centrale, M. le
rapporteur en conviendra, on a reconnu qu’il n’y avait pas de partie de la loi
sur laquelle les opinions fussent plus divisées.
Quant à
moi, dans l’état actuel des choses, je partage l’opinion de l’honorable M.
Devaux. Je crois qu’il faut faire établir des écoles primaires modèles et pas
autre chose, c’est le caractère qui leur a été donné en 1817 ; je crois qu’il
faut le leur conserver.
Je
m’oppose donc à la proposition du gouvernement qui a pour objet de créer des
écoles d’un ordre supérieur. Toutefois je conçois l’ordre d’idées qui a amené
le gouvernement à faire sa proposition.
Beaucoup
d’orateurs ont été frappés d’une lacune très grande qui existe dans
l’enseignement en Belgique ; nous n’avons pas jusqu’à présent de système légal
d’écoles qui s’adressent à la grande partie des habitants ; d’écoles plus que
primaires pour ces populations nombreuses qui ne peuvent se créer un état
scientifique, ni une position littéraire, des écoles enfin pour les artisans et
pour la bourgeoisie. Il faut organiser ces écoles ; seulement en quoi mon
opinion diffère de celle du gouvernement, c’est que ce n’est pas par la loi
d’enseignement primaire qu’il faut combler cette lacune, mais bien par la loi
d’enseignement moyen. Je crois que si à propos d’enseignement primaire, vous
organisiez des écoles bourgeoises ou des écoles supérieures, le nom n’y fait
rien, que si en d’autres ternes vous organisez d’autres écoles que des écoles
d’enseignement primaire qui puissent servir de point de mire, dont les écoles
communales puissent se rapprocher, il faut renoncer à l’idée d’en faire des
écoles modèles. Vous ne pouvez également créer des cours de pédagogie auprès de
ces écoles, et je désire beaucoup qu’on établisse de ces cours, Je le répète,
je voudrais qu’on établît des écoles primaires modèles et pas autre chose.
On vous
l’a déjà dit avant moi : les écoles primaires supérieures que le gouvernement
veut établir, peuvent être envisagées aussi bien comme des écoles
d’enseignement moyen que comme des écoles d’enseignement primaire. Ces écoles
sont bien la dernière limite, ou la limite supérieure de l’enseignement
primaire et la limite inférieure de l’enseignement moyen. Ce sont en quelque
sorte des écoles transitoires. Dés lors examinons s’il faut créer ou organiser
les écoles que le gouvernement a en vue dans la loi d’enseignement primaire ou
dans la loi encore à faire d’enseignement moyen.
Je suis
forcé, messieurs, de faire une excursion sur le terrain de l’enseignement moyen
; mais comme la matière est assez importante, on me pardonnera cette petite
digression.
Il y a
une vingtaine d’années, on ne reconnaissait que trois espèces d’écoles : les
universités, les collèges et les écoles primaires. Il n’y avait, en parlant
comme législateur, comme homme d’Etat que ces trois espèces d’écoles. Vers la
fin du gouvernement hollandais on a fait un pas de plus ; on a senti que la
marche de la civilisation exigeait qu’à côté des collèges, on créât des
établissements qui s’adresseraient davantage à la généralité des habitants, et
on a transformé quelques-uns de nos athénées en écoles mixtes, en écoles où, à
côté de l’enseignement littéraire, se donnait l’enseignement des arts et du
commerce. C’était un premier pas.
Cependant
ceci ne suffisait pas encore, parce que ces écoles qu’on créait près des
athénées établis dans les grands centres de population, exigeaient de très
grands déplacements d’élèves. Les frais s’en ressentaient. Les cours inférieurs
qu’on créait auprès des athénées devaient d’ailleurs plutôt servir
d’introduction aux écoles supérieures. Ce n’était pas une organisation
complète. Le grand nombre ne pouvait en profiter.
Aujourd’hui
on sent qu’il y a une lacune plus grande encore, et qu’il faut créer ce qu’on
appelle des écoles usuelles. Je partage sur ce point l’opinion de plusieurs
honorables membres ; il y a une lacune dans notre enseignement. Pour la petite
bourgeoisie, si je puis me servir de cette expression générique, pour les fils
de détaillants, de petits rentiers surtout dans les campagnes, pour ceux qui se
destinent à devenir secrétaires de communes, clercs de notaire, chefs
d’ateliers, il n’existe pas d’établissements organisés par la loi, d’un degré
supérieur aux écoles primaires.
Je
reconnais que nous devons créer une organisation complète et voilà pourquoi je
ne pense pas qu’au moyen de deux ou trois articles glissés dans une loi
d’enseignement primaire nous parviendrons à faire quelque chose de bon. Nous
devons créer une organisation large ; et je pose en fait que lorsque nous
aborderons la loi d’enseignement moyen, on reconnaîtra qu’il y a des
dispositions bien plus nombreuses à prendre pour des établissements qui
n’existent pas encore que pour les écoles auxquelles on a songé jusqu’à ce jour
et qui comprennent les collèges et les athénées.
Mais si
vous voulez créer aujourd’hui de ces écoles primaires supérieures, vous ne
pouvez en faire des écoles modèles, ce seraient de très mauvais modèles à
proposer aux écoles communales. Il y aurait là un danger réel pour
l’enseignement primaire. Il faut maintenir les écoles primaires dans une
situation humble et ne pas les stimuler même indirectement à prendre des
développements qui ne répondent pas aux besoins des élèves qui les fréquentent.
Les inspecteurs qui existaient sous le gouvernement précédent vous
attesteraient ce danger : presque toujours lorsqu’ils se présentaient dans une
école, ce que l’instituteur cherchait surtout, c’était à faire valoir la
science. Il y avait deux ou trois élèves à qui il enseignait l’histoire, la
géographie, et c’était ceux-là qu’il cherchait à faire briller. Il faut tenir
les écoles communales dans une situation humble, dans la situation qui convient
pour la première éducation des enfants de la bourgeoisie, aux enfants pauvres,
aux enfants d’artisans. Une tendance à s’élever trop haut sera celle qu’on aura
le plus communément à combattre près des instituteurs primaires.
Vous
voulez créer des cours de pédagogie ; mais bien certainement votre intention
n’est pas que les instituteurs qui s’occupent de cet enseignement humble, dont
je viens de parler, aillent se former dans des établissements destinés à une
tout autre classe d’enfants, ne faisant plus que perfectionner l’éducation
qu’ils avaient reçues précédemment dans les écoles primaires.
Il faut
donc que les écoles que nous créons soient des écoles primaires, rien de plus,
mais des écoles primaires destinées aux villes, et devant être fréquentées par
des enfants d’une classe plus aisée ; dès lors on trouverait moyen de couvrir
une plus grande partie des frais que nécessiteraient ces écoles ; les enfants
appartenant à des parents plus riches paieraient des rétributions plus considérables
; les cours s’y donneraient avec plus de soin, et les instituteurs sortis des
écoles normales pourraient observer les mêmes cours qui se donnent dans les
écoles communales, mais des cours se donnant d’une manière plus perfectionnée.
Ainsi renonçons à faire des écoles modèles
supérieures ; je ne m’oppose pas à ce qu’on ajoute aux matières d’enseignement
une couple de cours de plus pour ces écoles, puisqu’elles sont destinées à une
classe plus élevée ; mais il faut en ajouter le moins possible. Conservez-leur
ce caractère que leur a donné le gouvernement précédent et n’en faites pas
autre chose que des écoles primaires modèles.
M. Cogels. -
Messieurs, je m’étais d’abord proposé de renoncer à la parole, parce que
l’honorable M. Dechamps avait complètement répondu aux observations de M.
Verhaegen ; mais ce que je viens d’entendre m’engage à dire quelques mots ; je
ne serai pas long.
Les
écoles que l’honorable M. Cools voudrait instituer seraient véritablement des
écoles primaires modèles, et alors il s’agirait ou de supprimer les écoles
d’enseignement moyen qui existent maintenant, ou bien d’en établir à côté
d’elles d’autres qui atteindraient le but que l’honorable membre se propose.
Quant à moi, une école primaire, telle que celle qui existe à Anvers et qui y
existait déjà sous l’ancien gouvernement, me semble devoir être prise pour
modèle. Cette école est extrêmement utile, et j’en verrais la suppression avec
beaucoup de peine. Cette école comprend essentiellement l’instruction primaire
; les enfants y sont admis depuis l’âge de 3 ou 4 ans ; cela n’empêche pas
l’instruction d’être suffisante pour les rendre plus tard parfaitement aptes à
remplir l’une ou l’autre profession, à entrer dans un bureau de commerce, dans
un bureau d’administration, et à compléter ainsi par la pratique une
instruction qu’à défaut de semblables écoles ils ne pourraient recevoir que
dans les collèges où l’on enseigne les langues anciennes.
Eh bien, messieurs, il est bien difficile aux
élèves qui fréquentent les collèges de ne pas suivre ces cours, et cela fait
naître des idées d’ambition dangereuses, cela engage les jeunes gens à se
lancer dans des carrières où ils croient trouver un avenir brillant et où ils
ne trouvent souvent que déception et misère.
Il faut
former les élèves à tel point qu’ils n’aient plus besoin d’aller au collège,
qu’ils puissent immédiatement passer à la pratique, c’est-à-dire, qu’il faut
former de bons commis, ou des hommes qui puissent exercer telle ou telle
profession, par exemple, celle de leur père. En général, en Belgique, les
enfants méprisent la profession, le métier dans lequel leur père à fait sa
fortune ; cela n’existe pas en Angleterre, mais en Belgique vous verrez
rarement le fils d’un tailleur devenir tailleur, vous verrez rarement le fils
embrasser le métier de son père.
Si un homme a fait sa fortune dans l’exercice d’un métier quelconque,
ordinairement son fils veut pousser son ambition plus loin. Eh ben, je crois
qu’il faut donner aux jeunes gens l’instruction nécessaire pour embrasser avec
espoir de succès la profession dans laquelle leur père a fait sa fortune ; il
ne faut pas les pousser vers des carrières où tout en voulant s’élever ils ne
feraient peut-être que tomber.
M. Orts. - Je considère, messieurs, les
écoles modèles comme extrêmement importantes surtout lorsque je réfléchis à ce
que, d’après le projet de loi, il n’y a que deux espèces d’écoles primaires :
les écoles primaires proprement dites dont l’enseignement est réglé par l’art.
6, et les écoles primaires modèles dont l’enseignement est réglé par l’art. 17.
Quand je réfléchis à ce qu’il y a au moins 3,000 écoles primaires en Belgique,
je pense que 26 écoles primaires modèles seraient un nombre extrêmement limité.
Il ne faut pas se dissimuler que l’enseignement à donner dans une commune
rurale de 3 à 4 ou 500 habitants est nécessairement
inférieur à celui que l’on donnera dans une ville qui sera le chef-lieu d’un
arrondissement judiciaire.
On nous
propose, messieurs, dans l’art. 28, de décider qu’il pourra être une école modèle dans chaque arrondissement judiciaire
; eh bien, je proposerai de remplacer les expressions : il pourra en être établi une, par celles-ci : Il en sera établi au moins une. Je ne puis concevoir que le chef-lieu
d’un arrondissement judiciaire pourrait, tant sous le rapport des matières
d’enseignement, que sous le rapport des connaissances des instituteurs, être
mis sur la même ligne que les moindres villages.
Je
pense qu’il est indispensable d’établir au moins dans chaque chef-lieu
d’arrondissement judiciaire une école primaire modèle.
Aux
termes du projet que nous discutons, dans les écoles primaires proprement
dites, l’enseignement comprend nécessairement l’instruction morale et
religieuse, la lecture, l’écriture, le système légal des poids et mesures, les
éléments du calcul, et, suivant les localités, les éléments de la langue
française, flamande ou allemande. Maintenant que devra-t-on enseigner dans les
écoles primaires modèles ? D’après l’art. 17, on devra y enseigner, non pas
seulement la lecture, mais aussi la grammaire, les langues française et
flamande, et, au lieu de celle-ci, dans la province du Luxembourg, on devra y
enseigner la langue allemande ; on devra y enseigner l’arithmétique dans toutes
ses parties, le dessin, principalement le dessin linéaire ; l’arpentage et les
autres applications de la géométrie pratique ; des notions des sciences
naturelles applicables aux usages de la vie ; la musique et la gymnastique, les
éléments de la géographie et de l’histoire, et surtout de la géographie et de
l’histoire de
Eh
bien, messieurs, je le demande, est-ce là un programme trop chargé pour une
école à établir dans les chefs-lieux d’arrondissement judiciaire, est-ce trop
que d’établir dans chacun de ces chefs-lieux une école où l’on enseignera ces
matières ?
Il y a
encore une considération, messieurs, qui ne doit pas vous échapper. Je regrette
beaucoup de n’avoir vu dans le projet qui nous est soumis, ni dans le projet de
1834 une classification non seulement des écoles, mais aussi des instituteurs.
Sous le gouvernement des Pays-Bas, il y avait différents rangs parmi les
instituteurs et pour être nommé dans telle ville, il fallait avoir tel rang,
pour être nommé dans telle autre ville il fallait avoir tel autre rang.
Pourquoi, messieurs, avait-on établi une semblable classification ? Parce que
l’on avait compris que la capacité de l’instituteur doit être en rapport avec
l’importance de la localité où il est appelé à donner l’enseignement.
Sous un
autre rapport cette idée était encore assez heureuse. Je m’expliquerai tout à
l’heure sur les écoles normales et sur les cours normaux à annexer aux écoles
primaires supérieures ; mais je dis que vous avez souvent des instituteurs qui
seront sortis des écoles normales et qui étant placés dans de petites communes
sans espoir de voir leur sort s’améliorer, se négligeront, ne chercheront pas à
se perfectionner. Certes les instituteurs qui sortiront des écoles normales
seront capables, mais s’ils ne s’exercent pas, s ils ne se tiennent pas à la
hauteur de l’enseignement, ils se perdront, et c’est ce que beaucoup d’entre
eux feront s’il n’y pas une espèce de hiérarchie parmi eux, s’ils n’ont pas
l’espoir d’obtenir un rang supérieur.
Le
projet de loi n’admet qu’une seule différence, elle n’admet de différence
qu’entre les écoles primaires proprement dites et les écoles primaires modèles.
Je pense donc qu’il fait rendre ces dernières aussi nombreuses que possible, et
c’est pour cela que je propose de changer en obligation formelle la faculté que
le projet donne au gouvernement d’établir une école primaire modèle dans chaque
chef-lieu d’arrondissement.
Remarquez
bien, messieurs, que ce ne seront pas, comme on semble le dire, de petites
universités, que ces écoles primaires modèles ; ce ne sera que ce qui est
indispensable dans tout ville qui est chef-lieu d’un arrondissement judiciaire.
Je crois même que de semblables écoles seraient nécessaires dans beaucoup de
villes qui ne sont pas chefs-lieux, aussi l’amendement que je propose permettra
d’étendre le nombre de ces écoles, puisque je dis : « Il sera établi au moins une école, etc. »
Quant à
la dénomination que l’on donnera aux écoles dont il s’agit. Je ne vois pas
pourquoi on reculerait devant la dénomination d’école modèle. Cette
dénomination a été établie sous l’ancien gouvernement, elle a été conservée
jusqu’ici, et je ne sais pas pourquoi l’on irait la remplacer par le nom d’école bourgeoise.
Je ne parlerai pas maintenant de ce qui concerne les
cours normaux ; j’aurai aussi un changement à proposer sous ce rapport, mais
puisque cette question a été ajournée, je le ferai plus tard.
M. Devaux. - L’honorable M. Orts propose de dire : « Une école primaire modèle sera établie dans chaque arrondissement
judiciaire, » au lieu de dire : « Une école primaire supérieure pourra être établie,
etc. » Quant à moi, je ne m’oppose pas à ces deux changements. Je dois
cependant faire remarquer que s’ils n’étaient pas adoptés, il n’en résulterait pas
que la disposition aurait le sens limité que semble lui donner l’honorable M.
Orts ; la disposition n’est limitative qu’en ce qui concerne les pouvoirs
donnés au gouvernement ; la disposition n’interdit pas aux communes ni aux
provinces de créer des écoles primaires supérieures.
Ainsi,
comme l’a dit l’honorable M. de Theux, on ne peut pas inférer de la loi qu’il
n’y aura que 26 écoles primaires supérieures en Belgique. Dans l’état actuel
des choses, il existe de ces écoles dans la plupart des villes ; elles sont
plus ou moins bien organisées. Mais enfin il en existe dans la plupart des
villes et des grandes communes. Il ne s’agit donc que de limiter le nombre des
écoles primaires supérieurs dont le gouvernement aura la direction absolue.
Ce qui
avait fait interpréter l’article autrement par l’honorable M. Orts, c’est qu’il
était dit dans le premier paragraphe : Il
pourra en être établi une dans chaque arrondissement judiciaire.
L’honorable
M. Orts avait conclu de là, sans doute, qu’il ne pourrait en être établi plus
d’une dans chaque arrondissement, cela est vrai, par le gouvernement, mais il
pourra en être établi d’autres par les communes et par les provinces. Peut-être
pour plus de clarté, vaudrait-il mieux dire par la loi : Il (le gouvernement) pourra en
établir une dans chaque arrondissement judiciaire.
Messieurs,
ainsi que l’a dit l’honorable M. Orts une école primaire supérieure est une
école primaire ordinaire, où l’on envoie les enfants dès l’âge auxquels ils
vont à l’école ; c’est une école un peu meilleure qu’une école de village ; ce
n’est pas une école moyenne ; ce qui le prouve, ce sont les branches qu’on y
enseigne. Ainsi les mathématiques s’y bornent à l’enseignement de
l’arithmétique ; on n’y enseigne pas les langues étrangères ; les matières
d’instruction y sont réduites au strict nécessaire de l’enseignement des
communes un peu peuplées.
Je
dirai qu’une école primaire supérieure ne peut pas remplacer un collège. Cela
est impossible, c’est comme si vous vouliez remplacer une université par un
collège. Si l’on voulait remplacer avantageusement les collèges qui existent
dans plusieurs petites villes, et où l’enseignement classique est trop faible ;
si on voulait en faire des institutions destinées aux jeunes gens qui se vouent
aux carrières industrielles, il faudrait des écoles où l’enseignement fût plus
élevé que dans les écoles primaires supérieures, il faudrait des écoles où l’on
enseignât la géométrie, les éléments de chimie et de physique et les langues
étrangères ; où l’on donnât des leçons de commerce, et d’autres leçons
analogues.
Ce
serait donc une erreur de croire qu’on peut remplacer un petit collège par une
école primaire supérieure. Ces écoles primaires supérieures sont destinées à la
première enfance ; elles viennent immédiatement après les salles d’asile, comme
toute autre école primaire. En créant des écoles primaires supérieures, nous
n’aurons pas tout fait pour les enfants qui ne se destinent pas aux professions
libérales. Il y a une lacune.
Je
dirai en passant qu’il existe déjà dans plusieurs localités des écoles qui ont
pour but de combler cette lacune ; je veux parler des écoles industrielles, et
des sections industrielles annexées à certains collèges communaux. Ce sont des
institutions fort utiles, que nous pourrons peut-être améliore ou étendre,
quand nous nous occuperons de l’enseignement moyen.
Mon
opinion diffère très peu de la rédaction présentée par M. le ministre de
l'intérieur, et modifiée par l’amendement de l’honorable M. Dechamps, qui
consiste à retrancher quelques mots au second paragraphe ; il est bien entendu
partant que c’est au gouvernement qu’appartient la nomination des professeurs
de ces écoles. Je préférerais la dénomination d’école modèle ; je trouve que cette dénomination est plus claire
et donnera aux professeurs une idée plus élevée de leurs fonctions ; ce sont en
réalité des points de comparaison que nous voulons donner aux autres écoles.
Si l’on
adopte l’amendement du gouvernement, je propose de dire au second paragraphe :
« La part contributive de l’Etat ne pourra dépasser annuellement
l’allocation moyenne de 3,000 fr. par école. »
Je mets
allocation moyenne, car je crois que
cela facilitera beaucoup l’administration dans ce qu’elle trouvera convenable
de faire pour ces écoles. Il y a telle de ces écoles à laquelle il faudra
donner quelques centaines de francs de plus, tandis qu’on pourra sans
inconvénient allouer quelques centaines de francs de moins à une autre.
Je
remarque que si on laissait subsister l’amendement du gouvernement, il y aurait
une équivoque ; on dit : indépendamment du local à fournir par la commune, la
part contributive de l’Etat ne pourra excéder le tiers de la dépense totale
sans toutefois dépasser par école trois mille francs annuellement.
Je
suppose que les traitements des professeurs d’une école modèle s’élèvent
ensemble à une somme de 6,000 francs, et que les rétributions des élèves sont
de 3,000 fr. La dépense totale de l’école sera-t-elle dans ce cas de 3,000 ou
de 6,000 fr. ?
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - De
6,000 francs.
M. Devaux. - Cela n’est pas clair. Dans
plus d’une commune, on pensera que dans ce cas le gouvernement ne peut
intervenir que pour mille francs, puisqu’en réalité l’école ne coûte à la
commune que 3,000 fr.
-
L’amendement de M. Devaux est appuyé.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Messieurs, je préfère l’expression : écoles
primaires supérieures. L’expression écoles
modèles fait naître d’autres idées ; selon moi, elle fait croire qu’il
s’agit d’écoles principalement normales ; et cependant ce n’est pas le
caractère essentiel de ces institutions ; elles peuvent devenir accessoirement
des institutions normales. Ce sont là les motifs qui m’ont engagé à ne pas maintenir
la dénomination d’école modèle, et
d’y substituer la dénomination adoptée en France, celle d’école primaire supérieure.
Messieurs,
je ne m’opposera pas à l’amendement qui a été proposé
par M. Dechamps. L’honorable rapporteur veut que le gouvernement ne puisse pas
accorder par école plus de 3,000 fr.
L’honorable
M. Devaux veut au contraire que le gouvernement ne puisse pas accorder plus de
3,000 fr. en moyenne. L’arbitraire que je vous ai signalé hier avec une grande
franchise existera toujours de la part du gouvernement dans une certaine limite
avec la rédaction proposée par l’honorable M. Devaux ; le gouvernement pourra
accorder très peu de chose, 1,000 fr. par exemple, à une école, et allouer 4, 5
ou 6,000 fr. à une autre école.
Je
pense que nous pourrions nous contenter du chiffre de 3,000 francs ; car dans
l’état actuel de l’organisation des écoles modèles, il n’en est aucune qui
reçoive plus de 3,000 fr.
J’ai
encore une autre observation à faire, c’est que des cours normaux, d’après ma
proposition, seront annexés à l’une des écoles par province, il sera encore
payé une certaine somme, à titre d’indemnité, pour ces cours normaux.
On peut
donc adopter l’amendement de l’honorable M. Dechamps qui coupe court à tout
arbitraire.
M. Cools (contre la clôture). - Je veux
uniquement demander à M. le ministre de l'intérieur s’il verrait de
l’inconvénient à donner la dénomination d’écoles primaires royales aux écoles
primaires supérieures.
- La
clôture est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - Nous procéderons au vote par paragraphe.
Au
premier paragraphe, M. Orts a proposé de dire : « Il en sera établi au
moins une dans chaque arrondissement judiciaire. »
Au
second paragraphe, M. le rapporteur a proposé de substituer aux mots : la part
contributive de l’Etat ne pourra excéder le tiers de la dépense totale, sans
toutefois dépasser par école, trois mille francs annuellement, ceux-ci : la
part contributive de l’Etat ne pourra excéder, par école, trois mile francs annuellement.
M.
Devaux a proposé de rédiger ainsi qu’il suit cette partie du paragraphe : la part contributive de l’Etat ne pourra
excéder par école l’allocation moyenne de 3,000 francs annuellement.
- Cet
amendement n’est pas adopté.
La
substitution du mot école primaire royale
est mise aux voix et rejetée.
L’art.
28 est adopté dans les termes suivants :
« Des
écoles primaires supérieures seront fondées par le gouvernement et entretenues
avec le concours des communes dans toutes les provinces ; il pourra en établir
une dans chaque arrondissement judiciaire.
« Indépendamment
du local à fournir par la commune, la part contributive de l’Etat ne pourra
excéder la somme de trois mille francs annuellement.
« Les
écoles modèles du gouvernement actuellement existantes, sont maintenues, et
prendront le titre d’écoles primaires supérieures. »
« Art.
(17) 29. Outre les objets énoncés dans l’art. 2, l’enseignement dans ces écoles
comprend :
« 1°
Les langues française et flamande, et, au lieu de celle-ci, la langue allemande
dans la province de Luxembourg ;
« 2°
L’arithmétique ;
« 3°
Le dessin, principalement le dessin linéaire, l’arpentage et les autres
applications de la géométrie pratique ;
« 4°
Des notions des sciences naturelles applicables aux usages de la vie ;
« 5°
La musique et la gymnastique ;
« 6°
Les éléments de la géographie et de l’histoire, surtout de la géographie et de
l’histoire de
M. Dumortier. - Je ne suis pas grand amateur
de voir enseigner la gymnastique dans les écoles primaire supérieures. Je
conçois cela dans les pensionnats pour occuper les élèves pendant les
récréations, mais là où vous n’avez que des externes, les élèves s’en allant
pendant les récréations, je trouve cela inutile.
M. Devaux. - Si M. Dumortier fait une proposition formelle pour exclure la
gymnastique, je serai obligé de défendre cette partie de la loi. Il s’agit des
écoles exceptionnelles que vous organisez au nombre de neuf dans les provinces
et qui pourront facultativement s’élever jusqu’à 27. Quand le gouvernement
institue des écoles modèles qu’il désire que d’autres établissements prennent
pour exemples, il est bon d’y introduire ce qu’il y a de plus utile pour les
enfants. Je connais peu de choses plus avantageuses que la gymnastique pour les
enfants qui fréquentent les écoles. Elle a été introduite dans presque tous les
pays d’Europe avec un très grand succès. Car c’était une très grande erreur de
ne pas exercer le cours en même temps que l’esprit. C’est la cause de tant
d’existences frêles, de maladies qui ont leur source dans l’école même. A
mesure que les écoles se multiplient, que les jeunes gens étudient davantage,
il faut craindre d’affaiblir la constitution physique en développant
l’intelligence ; il n’y a pas de meilleur moyen de rétablir l’équilibre entre
les forces physiques et les forces intellectuelles, que la gymnastique. Quand
un enfant s’applique beaucoup, il dérange cet équilibre. Il suffit d’observer
la figure des enfants qui étudient pourvoir qu’après certaines heures
d’application ils ont besoin d’exercice. Il y a des enfants qu’on ne peut pas
forcer à jouer. La gymnastique est excellente pour eux. Il ne s’agit pas de
faire faire aux enfants des tours de force périlleux ; je tiens beaucoup, dans
l’intérêt de la jeune génération, à ce que le gouvernement introduise la
gymnastique dans ses écoles, en l’entourant toutefois de certaines précautions.
L’abâtardissement des classes instruites serait un grand malheur pour un pays.
M. Dumortier. - Je ne reconnais pas à la gymnastique les avantages que lui attribue
l’honorable préopinant. Je ne crois pas que les hommes instruits soient
abâtardis.
M. Devaux. - M. Dumortier conviendra que
si nous avions fait de la gymnastique, lui et moi, nous aurions une plus forte
constitution.
M. de Mérode. - Il
faudra des locaux spacieux. Je concevrais cela dans les internats, mais quand
les enfants sortent de l’école, ils vont jouer, chacun d’eux s’amuse comme il
l’entend. Si c’est facultatif, à la bonne heure. Je ne voudrais pas que la
gymnastique fût obligatoire. Cela ne doit pas être imposé par la loi.
-
L’amendement de M. Dumortier n’est pas adopté.
L’article
(17) 29 est ensuite mis aux voix et adopté.
§ 2. Des écoles normales
« Art.
30. Il sera établi par les soins du gouvernement deux écoles normales pour
l’enseignement primaire, l’une dans les provinces flamandes, l’autre dans les
provinces wallonnes.
« Dans
chaque province des cours normaux pourront être adjoints par le gouvernement à
l’une des écoles primaires supérieures. »
M. le président. - M. Rogier propose à cet article un amendement ainsi conçu :
« Il
sera immédiatement établi, par les soins du gouvernement, deux écoles normales
pour l’enseignement primaire ; l’une dans les provinces flamandes, l’autre dans
les provinces wallonnes.
« Le gouvernement
pourra créer successivement d’autres écoles normales ; toutefois, les
dispositions à intervenir ne recevront leur exécution qu’après le vote
législatif du crédit nécessaire à cet effet. »
M. Rogier. - Messieurs, l’amendement que j’ai l’honneur de présenter diffère de la
proposition du ministre. D’abord en ce que j’ajoute le mot immédiatement. C’est une expression empruntée au projet de 1834. Je
crois qu’en même temps que nous organisons l’enseignement primaire, ce qu’il y
a de plus pressé, c’est de créer les établissements destinés à former les
instituteurs. Par ce mot, la loi indique au gouvernement l’importance qu’on
attache aux écoles normales et l’urgence de procéder à leur organisation. Je ne
pense pas qu’il puisse y avoir de discussion sur ce point.
En
second lieu, je voudrais donner au gouvernement la faculté d’établir plus de
deux écoles normales, si le besoin s’en fait sentir. Immédiatement il en
établirait deux et si la nécessité d’un plus grand nombre lui était démontrée,
il pourrait en établir d’autres. Je subordonne cette faculté au vote de la
législature, c’est le but de mon dernier paragraphe. Ce paragraphe, je l’ai
emprunté au projet de M. le ministre de l’intérieur. Il n’appliquait cette
disposition qu’aux écoles primaires modèles, je l’applique aux écoles normales.
Vu l’importance de l’institution je fais intervenir la législature. Je pense
que mon amendement n’accorde rien de trop à l’Etat, et qu’il ne doit exciter la
défiance de personne.
Le
projet de 1834 autorisait l’établissement de trois écoles normales sans le
concours de la législature. D’après le projet actuel, le gouvernement ne peut
en établir que deux ; avec mon amendement il lui resterait la faculté, avec le
concours de la législature, d’en établir trois, quatre on cinq, si le besoin
s’en fait sentir. En France, aux termes de la loi de 1833, une école normale
est attribuée à chaque département ; seulement il est permis à plusieurs
départements de se réunir pour fonder une école normale. En Autriche, il y en a
une par province ; en Prusse, il y avait en 1831 33 grandes écoles normales :
c’est plus d’une par province.
Nous sommes, comme on le voit, loin de ces divers
pays.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
L’amendement présenté par l’honorable M. Rogier est une précaution
extraordinaire que nous prendrions pour l’avenir. Cette précaution, faut-il la
prendre ? C’est ce qu’il faut examiner, il faut nous demander jusqu’à quel
point les deux écoles normales et les institutions existantes, qui ont plus ou
moins le même but, suffiront pour ce qu’on peut appeler le recrutement des
écoles primaires. C’est, messieurs, une question de fait, une question de
chiffre, j’ai proposé la formation de deux écoles normales du gouvernement, et
de plus j’ai demandé pour le gouvernement l’autorisation d’annexer à l’une des
écoles primaires supérieures, par province, des cours normaux.
Il faut
faire une distinction importante, quand il s’agit des candidats à former pour l’instruction
primaire. Il faut distinguer entre les écoles rurales et les écoles urbaines.
Rarement et très difficilement on pourra former des candidats, dans le même
établissement, pour ces deux espèces d’écoles. Je considère les deux écoles
normales dont on vous demande l’établissement comme destinées non
exclusivement, mais principalement à la formation des instituteurs des
campagnes et des villes d’un ordre très secondaire. Les instituteurs urbains se
formeront et se perfectionneront ailleurs, dans les cours qui seront annexés
aux écoles primaires supérieures. Vous voyez comment je suis amené à demander à
la fois la création de deux écoles normales et l’autorisation d’annexer des
cours normaux à l’une des écoles primaires supérieures, par province. D’honorables
membres ont cru qu’il y avait une espèce de double emploi dans ces deux
propositions ; il n’en est rien. Ces deux propositions ont deux buts
différents.
Le
projet de loi de 1834 autorisait le gouvernement à établir immédiatement une
école normale, et successivement deux autres. Il pouvait donc y avoir trois
écoles normales au bout d’un certain temps. Je dis que dans le système du
projet de loi de 1834 deux écoles normales étaient plus que suffisantes, et
j’avoue que j’ai peine à me rendre compte du motif pour lequel on allait
jusqu’à supposer la création de trois écoles normales. En effet, je vois que
d’après ce projet de loi le gouvernement n’avait d’action que sur les
établissements subventionnés par l’Etat, au nombre de 793. Ajoutez-y les établissements
qui auraient reçu des subsides provinciaux d’après le projet de loi, et vous
auriez pu avoir un millier d’écoles communales sur lesquelles le gouvernement
aurait exercé une action.
Il me
faut maintenant vous présenter une série de chiffres dont nous aurons besoin
par la suite dans cette discussion. Quel est par année le nombre des vacatures
sur un certain nombre d’écoles, sur le nombre 100, par exemple ? il est
constaté par les statistiques française et belge que les vacatures sont de 5 p.
c., c’est-à-dire que sur 100 instituteurs, il y a 5
places vacantes par an. M. Villemain le dit encore dans son dernier rapport,
page 30.
Je vous
rappelais tout à l’heure que d’après le projet de loi de 1834, le gouvernement
aurait eu une action plus ou moins directe sur 1,000 établissements ; ce qui
fait 50 vacatures par an. Les écoles normales de l’Etat n’auraient donc eu à
présenter que 50 candidats par an ; or, pour cela un seul établissement eût
été, selon moi, suffisant
Du
reste, le projet de loi de 1834 n’existe plus ; c’est de la loi actuelle qu’il
faut nous occuper, et je me hâte d’y arriver.
Il
résulte du rapport que j’ai en l’honneur de présenter à la chambre, qu’il y a
dans le pays :
5,320
instituteurs des deux sexes :
3,028
communaux et mixtes, dont 284 institutrices et 2,744 instituteurs
2,292
privés, dont 1,143 institutrices et 1,149 instituteurs
et 1149 institutrices.
Soit
5,320 instituteurs des deux sexes, dont 1,427 institutrices et 3,893
instituteurs.
2,744 inst. comm.
et mixtes, dont 2,489 ruraux et 255 urbains.
1,149 inst. privés, dont 793 ruraux et
356 urbains.
Soit
3,893 instituteurs dont 3,282 ruraux et 611 urbains.
Les
places vacantes d’instituteurs étant annuellement de 5 p.c., il peut tout au
plus y avoir de vacances annuellement en Belgique 164 places d’instituteurs
ruraux disponibles, soit dans les écoles communales, soit dans les écoles
mixtes, soit dans les écoles privées. Pour y pourvoir, nous avons : deux
écoles de l’Etat, les écoles du clergé et neuf écoles primaires supérieures
avec des cours normaux, et de plus tous les autres établissements.
Je dis
que sur ce nombre de 164, c’est beaucoup que de supposer que le gouvernement en
fournira les deux tiers pour être très large, c’est-à-dire 120. Il y aura donc
pour chacune des deux écoles de l’Etat à fournir annuellement 60 instituteurs.
Supposons que ce soit un peu plus du double des élèves fréquentants.
C’est supposer que l’école ait 100 ou 120 élèves. Nous supposons donc que le
tiers restant des instituteurs sera fourni par tous les autres établissements
du pays, ecclésiastiques ou laïques, les collèges mêmes, enfin tous les
établissements qui peuvent en former.
Voilà
les raisons qui me font croire que 2 écoles normales seront pour le moment
suffisantes. Nous ne devons pourvoir qu’au présent, et ce serait trop nous
préoccuper de l’avenir qu’admettre la précaution extraordinaire résultant de
l’amendement de M. Rogier. D’ailleurs cet amendement fait trop, ou trop peu. Il
fait trop s’il suppose la création des écoles normales très prochaine ; il fait
trop peu s’il admet avec moi que cette éventualité est très éloignée.
Je
persiste à penser qu’on pourra suffire à tous les besoins avec les 2 écoles
normales primaires et avec les cours normaux annexés aux 9 écoles modèles. Nous
aurons en troisième lieu les écoles normales ecclésiastiques ou autres,
existant en vertu de la liberté d’enseignement, et dont nous nous occuperons
plus spécialement, quand il s’agira de la question de nomination.
Il y
aura en quatrième lieu toutes les écoles quelconques. Il y a un grand nombre de
personnes dont la vocation se trouve manquée, qui se destinaient à des
carrières plus élevées et qui, arrêtées par des causes diverses, se trouvent
réduits à la condition d’instituteur.
Enfin
nous avons introduit dans la loi un grand moyen de perfectionnement pour les
instituteurs : ce sont les conférences cantonales qui doivent se tenir quatre
fois par an, et qui sont de véritables cours de pédagogie. Les instituteurs s’y
instruiront mutuellement sous la direction de l’inspecteur cantonal, et même de
l’inspecteur provincial qui doit présider l’une de ces conférences une fois par
an. C’est là une institution toute nouvelle qui donnera, je n’en doute pas, les
meilleurs résultats.
Je pense, messieurs, avoir établi par des chiffres que nous faisions assez
en autorisant le gouvernement, d’une part, à créer deux écoles normales
spéciales, et, d’autre part, à annexer des cours normaux, à neuf écoles
d’enseignement primaire supérieur.
M. Orts. - Messieurs, l’établissement de
cours normaux près d’une école primaire supérieure dans chaque province me
paraît nécessaire et même indispensable ; et au lieu d’abandonner au ministère,
chose toujours chanceuse et qui dépend de l’opinion des hommes qui sont à la
tête des affaires, le soin de décider s’il pourra en être établi, je voudrais
formuler le dernier paragraphe de cet article dans ce sens que dans chaque
province des cours normaux devront être adjoints à l’une des écoles primaires
supérieures.
Messieurs,
l’utilité de ces cours normaux près des écoles modèles a été appréciée sous le
gouvernement des Pays-Bas et sous le gouvernement de la Belgique ; c’est à tel
point qu’à Anvers, et je crois dans toutes nos écoles modèles, ces cours
normaux existent. C’est en effet le seul moyen de donner aux instituteurs la
faculté de se procurer les connaissances nécessaires pour exercer leur
profession.
Ces
cours peuvent encore avoir un autre degré d’utilité. On a décidé qu’il serait
établi une école normale pour les provinces wallonnes, et une école normale
pour les provinces flamandes. Et bien ! il ne serait
pas impossible que des jeunes gens qui n’auraient pas le moyen d’aller se fixer
dans l’endroit où sont établies ces écoles normales, pussent obtenir les mêmes
avantages en fréquentant les cours normaux établis près des écoles modèles
supérieures.
Il me
semble donc que l’idée d’abandonner simplement au gouvernement la faculté
d’établir ou de ne pas établir des cours normaux près d’une école primaire
supérieure par province, pourrait inspirer des craintes ; je pense qu’il faut
absolument qu’une école primaire supérieure par province possède ces cours,
pour faciliter à tous les habitants de cette province qui se destinent à
l’instruction, le moyen de devenir de bons instituteurs.
M.
le président. - M. Orts propose par
amendement de substituer aux mots pourront
être établis ceux-ci : seront établis.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
L’honorable M. Rogier m’a demandé pourquoi j’avais supprimé dans l’article le
mot immédiatement. Il m’a semblé que
le mot immédiatement n’était nécessaire dans le premier paragraphe que pour
autant que, dans le paragraphe suivant, on admettait l’établissement éventuel
d’autres écoles. Voilà pourquoi j’ai supprimé ce mot ; parce que d’après ma
proposition, cette éventualité d’avoir successivement d’autres écoles
n’existait pas. C’était une simple raison de rédaction.
Néanmoins, pour qu’il soit bien constaté que ces
écoles normales s’établiront aussitôt après le vote de la loi, Je consens à ce
qu’on ajoute le mot immédiatement
dans la proposition telle que je l’ai faite, de concert avec la section
centrale. Je propose de dire « Il sera immédiatement établi par le gouvernement
deux écoles normales. » Je supprime les mots : par les soins du gouvernement, pour qu’on sache bien que c’est par
le gouvernement que seront établies ces écoles. Car on aurait pu épiloguer sur
les mots : par les soins. C’est pour
cela que je les fais disparaître.
M. Dumortier. - Messieurs, je vois que dans la loi qui nous occupe, il est question de
former des écoles normales. Mais je ne vois pas comment seront formées ces
écoles, et à cet égard il me semble qu’on a déposé dans la loi actuelle comme
dans celle de 1834 un germe, mais rien qu’un germe. Je voudrais savoir de M. le
ministre comment il entend constituer ces écoles. Sera-ce des internats ou des
externats, et je crois que dans des établissements où il s’agit de former des
instituteurs cela est nécessaire.
D’un
autre côté, si ce sont des internats, comme je présume que tout le monde
l’entend, je demande comment seront organisés ces internats ; il n’y a aucune
règle à cet égard dans la loi. Qui fournira le local, qui fournira la
nourriture, qui touchera les bénéfices de l’internat ? Que payera-t-on pour
aller dans ces écoles ? Tout cela est dans le vague, la loi n’en dit rien.
Messieurs,
cette réflexion est d’autant plus importante, que l’institution d’écoles
normales est une chose absolument nouvelle en Belgique. A aucune époque de
notre existence politique nous n’avons eu d’écoles normales. Sous le
gouvernement des Pays-Bas sous le gouvernement du monopole, il n’y avait pas
d’écoles normales.
Un membre. - Il y en avait une à Lierre.
M. Dumortier. - Il est possible qu’il y en avait une à Lierre ; mais dans ce cas, son
effet ne s’est guère faut sentir ; pour moi, je n’en ai jamais entendu parler.
Messieurs,
je conçois le système des écoles normales sous le régime du monopole ; je les
conçois en France sous le régime universitaire, en Prusse sous un régime aussi
monopolisant. Mais en Belgique, j’avoue que si l’on voulait créer un grand
nombre d’écoles normales, je n’en comprendrais pas la destination. Je ne puis
donc donner mon assentiment à l’opinion de l’honorable M. Rogier qui voudrait
les multiplier.
Je
voudrais donc avoir d’abord des renseignements sur ce que seront ces écoles
normales. D’un autre côté, je désire savoir si elles présenteront des garanties
morales et religieuses.
Un membre. - Voyez l’art. 31.
M. Dumortier. - Si vous formez des instituteurs, probablement que vous avez l’intention
que ces instituteurs soient des hommes moraux et religieux, et auxquels on aura
inculqué les principes que vous voulez qu’ils inculquent à la jeunesse. Je
voudrais savoir où sont dans la loi les garanties à cet égard.
Je vois
à l’art. suivant, que les écoles normales seront
soumises à une inspection.
M. Pirson. - A une inspection ecclésiastique.
M. Dumortier. - Ce sont des garanties
d’inspection, et rien de plus ; mais je ne crois pas que cela puisse suffire.
En
résumé il me paraît que tout cela n’a pas été suffisamment médité. Je ne vois,
je le répète, dans la loi qu’un germe. Je demanderai à cet égard des
explications à M. le ministre de l’intérieur.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - On a
plusieurs fois interrompu l’honorable préopinant pour lui signaler l’art. 31.
Cet article renferme une garantie que ne présentait pas le projet de 1834. Nous
avons admis pour l’enseignement primaire une double
direction, une double surveillance. Cette double direction, cette double
surveillance, nous devons l’appliquer à tous les degrés de l’enseignement
primaire ; nous devons donc aussi l’appliquer aux écoles normales.
Néanmoins
on peut faire une addition à cet art. 31.
M. Dumortier. - Les écoles normales seront-elles des internats ?
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Certainement, il y aura un internat. D’ailleurs, il sera fait un règlement
d’administration générale qui organisera les écoles normales en respectant les
grands principes poses dans cette loi. Mais on ne va pas s’occuper dans la loi
des conditions d’un internat, de la somme qu’on payera, etc. Tous ces détails
doivent être abandonnés à l’exécution.
Nous
avons dit pour les écoles primaires que l’enseignement moral et religieux
serait donné par le ministre du culte ou sous sa direction pour l’instituteur.
Dans les écoles normales nous ne trouvons plus un seul homme chargé de tous les
cours ; ici il y aura une personne spécialement chargée de l’enseignement de la
morale et de la religion, et cette personne ne peut être qu’un ministre du
culte ; de sorte que quand nous arriverons à l’art. 31, je proposerai un
nouveau §, ainsi conçu :
« Il y
aura dans chaque école normale un ministre du culte chargé de l’enseignement de
la morale et de la religion. »
Cela ne doit étonner personne ; car dans les écoles
modèles il y a déjà un ecclésiastique chargé de l’enseignement de la morale et
de la religion.
M. Dumortier. - Je voudrais faire une
observation sur une question dont j’ai déjà parlé, la question des locaux. Ne
conviendrait-il pas de dire dans la loi que les locaux devront être fournis par
les communes où elles seront établies ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je crois qu’il serait dangereux de dire cela dans la loi. Il n’y a guère
que les villes très riches qui puissent fournir des locaux, et je ne sais pas
si les écoles normales peuvent être placées dans ces villes très riches. Si
l’honorable M. Dumortier a lu l’ouvrage de M. Barrau,
il comprendra l’importance qu’il faut attacher au choix du siège de ce genre
d’écoles.
M. Devaux. - Je ne m’occuperai en ce moment que de l’article 30.
M. le
ministre de l’intérieur s’est étonné que le projet de 1834 ait voulu plus de
deux écoles normales ; et comme je me trouve malheureusement le seul membre de
la commission qui défende le projet de 1834, j’en expliquerai les motifs.
Je
crois, messieurs, que le nombre de 3 écoles normales fixé par la loi de 1834,
était loin d’être trop élevé. M. le ministre de l’intérieur dit que la loi de
1834 ne donnait une action directe au gouvernement que sur un très petit nombre
d’écoles. Mais en établissant des écoles normales, on a eu en vue de former des
instituteurs, non pas seulement pour les écoles du gouvernement, mais pour
toutes les écoles du pays ; les écoles qui ne dépendent pas directement du
gouvernement, les écoles provinciales, communales ou privées, ne sont-elles pas
libres de prendre leurs instituteurs parmi les élèves des écoles normales de
l’Etat ? N’est il pas à désirer que ces élèves inspirent assez de confiance
pour pouvoir être employés même par les écoles privées ?
M. le
ministre de l’intérieur a combattu en même temps et la loi de 1834 et
l’amendement de M. Rogier. L’honorable M. Rogier est cependant d’accord avec M.
le ministre sur ce point qu’il n’établit immédiatement que deux écoles normales
seulement ; il laisse une espèce d’ouverture pour en établir d’autres si les
circonstances en démontrent la nécessité. Je crois, messieurs, que cela est
très prudent et que l’expérience peut démontrer cette nécessité.
Les
calculs présentés par M. le ministre ne m’ont pas convaincu, ces calculs je ne
les admets pas. Quel est d’abord le nombre de places d’instituteurs vacantes
tous les ans dans le pays ? En France, messieurs, il y a 40,000 instituteurs,
et les places vacantes annuellement s’élèvent à 2,300 ; dans notre pays d’après
les tableaux de M. le ministre de l’intérieur nous avons 4,000 instituteurs du
sexe masculin. Si en France 40,000 instituteurs donnent 2,300 places vacantes
par an, en Belgique 4,000 instituteurs donneront 230 places vacantes par an.
Voilà donc déjà un des chiffres de M. le ministre de l’intérieur notablement
changé.
Maintenant
M. le ministre suppose que l’Etat doit intervenir pour les deux tiers dans la
formation de ces instituteurs ; cela ferait 150 à 160, si je ne me trompe. Pour
fournir 150 ou 160 instituteurs aux écoles il faut en former davantage, car il
ne faut pas croire que tous les élèves qui sortiront des écoles normales
entreront dans les écoles primaires ; il y en a qui deviendront précepteurs ;
il y en a qui chercheront à entrer dans les collèges ; il y en a enfin qui
renonceront à la carrière de l’enseignement ou seront incapables de sorte que
pour fournir chaque année 150 ou 160 instituteurs aux écoles primaires, il
faudra au moins en former 180. Or, combien faut-il d’écoles normales pour
former chaque année 180 instituteurs ? En France il y a 76 écoles normales qui
fournissent 7 ou 800 instituteurs ; c’est-à-dire que chaque école normale, en
France, fournit annuellement 10 ou 12 instituteurs. En Prusse d’après le
rapport de M. Cousin, il y a 33 grandes écoles normales et une quarantaine de
petites, disons ensemble 70. Ces écoles fournissent aussi 7 ou 800 instituteurs
par an. Ainsi, dans ces deux pays, une école normale fournit annuellement 10 ou
12 instituteurs.
M. le
ministre de l’intérieur a d’autres idées ; il veut qu’une école normale
fournisse 70 à 80 instituteurs par an. L’expérience est contre lui, et je ne
sais pas s’il est possible qu’une bonne école normale fournisse un aussi grand
nombre d’instituteurs, car il faut bien que ces instituteurs restent au moins
pendant deux ou trois ans dans l’école, et dès lors, pour fournir 70 à 80
instituteurs par an, une école normale devrait avoir de 150 à 250 élèves. Je ne
sais pas si une école normale pourrait marcher avec un aussi grand nombre
d’élèves, car il faut dans de semblables écoles une grande surveillance ; il y
faut non seulement conduire convenablement les classes, mais encore diriger les
individus.
Peut-être
ferait-on sagement de limiter les écoles normales à 30 ou 40 élèves ; dans ce
cas chaque école ne fournirait guère que 10 ou 20 instituteurs par an. Vous
voyez donc, messieurs, que le projet de 1834, en proposant la création de trois
écoles normales, n’allait pas trop loin mais que bien au contraire, il restait
en deçà de ce qui était nécessaire. Cette opinion semble partagée dans le pays
par des personnes qui doivent bien étudier les besoins. L’autorité
ecclésiastique a fondé des écoles normales, mais elle ne s’est pas contentée
d’en établir deux ; je ne me rappelle pas exactement le nombre de celles
qu’elle a fondées, je crois qu’il y eu a 6 ou 8. Voilà, messieurs, une autorité
qui s’occupe beaucoup d’instruction et qui ne croit pas qu’il suffise de deux
écoles normales pour tout le pays. Je voudrais au moins ne pas rendre
impossible l’établissement d’un certain équilibre entre les écoles du
gouvernement et celles dont je viens de parler. Si les écoles normales ne
peuvent fournir que 15 ou 20 instituteurs par an, je ne voudrais pas en borner
le nombre à 2 ; je ne voudrais pas interdire à l’Etat de former plus de 30 ou
40 instituteurs annuellement ; je voudrais au moins que la question restât
ouverte jusqu’à ce que l’expérience eût prononcé. Le seul moyen de laisser la
question ouverte, c’est d’adopter l’amendement de M. Rogier.
Vous
voyez que les chiffres présentés par M. le ministre de l’intérieur sont loin
d’être assez certains pour que l’on puisse dire que deux écoles normales
suffiront aux besoins de l’instruction. Il n’est pas
certain non plus que vous puissiez former de bons instituteurs avec 2 ou 300
élèves dans chaque école ; l’expérience d’autres pays semble prouver, au
contraire, qu’on ne peut pas obtenir de bons résultats avec des écoles normales
où il y a un nombre aussi considérable d’élèves. Il ne faut donc pas trancher
la question d’une manière absolue ; c’est pour cela que j’adopterai
l’amendement de M. Rogier.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
L’honorable M. Devaux a supposé, messieurs, que les 2 écoles normales spéciales
formeraient seules des instituteurs. Mais le gouvernement possédera 9 écoles
primaires supérieures auxquelles peuvent être annexés des cours normaux ; en
outre, il est dans le pays beaucoup d’établissements libres qui forment aussi les
instituteurs ; les collèges en fournissent également, et comme je l’ai dit tout
à l’heure, bien des jeunes gens sont arrêtés au milieu de leur carrière et
rentrent dans une condition plus modeste que celle qu’ils ambitionnaient,
beaucoup de ces jeunes gens deviennent instituteurs.
L’honorable
M. Devaux a admis avec moi que les places vacantes seraient au nombre de 200 à
230 par an pour tout le pays, j’ai dit qu’il faut déduire de ce nombre les
instituteurs urbains, qui se formeront généralement dans les écoles primaires
supérieures ; il faut également en déduire beaucoup de jeunes gens qui sortent
des collèges après y avoir suivi pendant quelques années les premiers cours. Je
ne parle pas, messieurs, des établissements ecclésiastiques, dont cependant nous
devons tenir compte puisqu’ils existent en vertu de la liberté d’enseignement,
et que, certes, vous n’interdirez pas aux communes de choisir des instituteurs
parmi les élèves de ces établissements. Telle n’est pas, messieurs, votre
intention, et telle n’était pas non plus l’intention de la commission qui a
proposé le projet de 1834.
Je dis
donc qu’il faut défalquer des 200 ou 230 places vacantes annuellement, celles
auxquelles il sera pourvu par les cours normaux annexés aux 9 écoles primaires
supérieures et celles auxquelles il sera pourvu par les collèges ou par les
établissements libres. Si donc nous portons à 100 ou 120 le nombre des
instituteurs qui devront être fournis par les écoles normales dont il s’agit en
ce moment, je crois que nous comptons les choses très largement ; eh bien, je
dis qu’une école normale peut très bien fournir 50 à 60 instituteurs par an ;
60 instituteurs par an ne supposent pas une aussi grande agglomération
d’élèves.
On dit qu’il faut laisser la question ouverte ;
mais, messieurs, c’est précisément nous qui proposons de laisser la question
ouverte, surtout depuis que j’ai proposé d’ajouter le mot : immédiatement. Evidemment si vous
autorisez le gouvernement à établir immédiatement
deux écoles normales, vous laissez la question ouverte, car c’est dire
implicitement que si l’expérience démontre que deux écoles normales ne
suffisent pas, il en sera établi un plus grand nombre, c’est donc nous qui
laissons véritablement la question ouverte, sans rien préjuger dans aucun sens.
M. de Theux. - En
1834, messieurs, on avait proposé d’établir immédiatement une école normale et
d’autoriser le gouvernement à en établir plus tard deux autres. Il s’agit de
savoir si cette proposition donnait plus de garanties quant au nombre
d’instituteurs qui seraient formés par l’Etat, que ce que l’on propose
aujourd’hui, c’est-à-dire de créer immédiatement deux écoles normales, sauf,
dans le cas où la nécessité d’un plus grand nombre de ces écoles viendrait à
être démontrée, à présenter un projet de loi pour en créer de nouvelles. Je ne
sais pas, messieurs, si une assurée et deux facultatives valaient mieux que
deux assurées.
Du
reste, messieurs, là n’est pas la question : en 1834, il n’existait aucune
école normale dans le pays ; depuis lors il en a été créé plusieurs, et l’on
doit reconnaître que la plupart de celles qui existent aujourd’hui sont
parfaitement organisées. Je conçois qu’en présence des écoles normales qui
existent, quelque bonne qu’en soit d’ailleurs l’organisation, l’on désire que
le gouvernement en établisse deux qui puissent rivaliser de zèle avec
celles-là, sous le rapport de la formation des instituteurs ; mais je crois que
c’est tout ce que l’on peut demander. J’admets avec plaisir la rivalité de zèle
pour l’enseignement dans les écoles normales, mais je demande aussi une autre
rivalité, celle de la moralité des élèves, et j’espère que sous ce rapport le
gouvernement donnera des garanties complètes ; j’espère que le gouvernement
donnera tous ses soins à assurer que les élèves de ses écoles normales
reçoivent des principes religieux et moraux.
Si nous
faisions plus, messieurs, que ce que je viens d’indiquer, l’on pourrait croire
que le but de la loi serait de faire tomber les écoles libres qui existent aujourd’hui
; et ici je ne crains pas de dire que ces écoles sont, pour la plupart, des
écoles épiscopales ; cette circonstance est une garantie de plus pour la bonne
éducation des élèves. Du moment que l’enseignement littéraire dans ces écoles
normales ne laisse rien à désirer, je considère ces établissements comme un
bienfait. Qu’avons-nous voulu en définitive ? Nous avons voulu suppléer à
l’action des pères de famille, qui ne peuvent pas, par eux-mêmes, faire
l’éducation de leurs enfants. Il est évident que plus les écoles normales
offrent de garanties, plus il est satisfait aux besoins des pères de famille.
Une
autre considération, c’est que les dépenses des écoles normales seront
nécessairement considérables ; or, les charges de l’Etat s’aggravent de jour en
jour. Je ne reculerais cependant pas devant les dépenses, si l’établissement
d’un plus grand nombre d’écoles normales était nécessaire, mais il est reconnu
qu’un plus grand nombre serait tout à fait superflu. Je ne vois dès lors aucun
motif plausible pour en créer davantage maintenant. Commençons par établir deux
écoles normales, et nous attendrons les résultats de l’expérience.
La loi donne d’ailleurs au gouvernement le moyen de
faire fréquenter les deux écoles normales, en accordant des subsides et des
bourses à des jeunes gens, non seulement pour faire leurs études, mais aussi
pour entrer dans la carrière de l’enseignement ; je crois que ces bourses ne
sont pas exclusivement destinées aux 2 écoles normales de l’Etat, car d’après
le principe admis dans la discussion, ces bourses pourront être accordées aux
élèves d’autres écoles normales. Ce n’en est pas moins une garantie pour celles
de l’Etat et surtout pour l’enseignement normal en général.
M. Rogier. - Messieurs, il est à regretter que la discussion de cet article arrive
si tard, alors que l’attention de la chambre est naturellement déjà fatiguée
par plusieurs semaines de discussion. La disposition que nous discutons est à
nos yeux la plus importante de la loi, il s’agit de savoir jusqu’à quel point
l’Etat interviendra dans la formation des instituteurs en qui, on ne peut trop
le répéter, résident la vie et le succès de l’école. Il s’agit de créer des
écoles normales, c’est-à-dire le séminaire des instituteurs ; de la même
manière que le clergé se recrute dans les séminaires épiscopaux, de la même
manière le corps enseignant primaire doit venir se recruter dans les écoles
normales.
A ce
point de vue, vous comprendrez, messieurs, combien il est important pour l’Etat
qui doit désirer de voir répandre une instruction à la fois morale et
religieuse constitutionnelle et nationale ; combien il est important pour
l’Etat que ces institutions ne soient pas entièrement abandonnées à la liberté,
à la concurrence. Non que je veuille jeter la moindre défaveur sur les
établissements existants ; il ne m’a pas été donné de pénétrer dans les
établissements fondés par MM. les évêques ; je ne connais pas non plus les
conditions d’existence des écoles normales fondées par les provinces ; j’aime à
croire que l’enseignement y est à la fois religieux et moral, constitutionnel
et national. Mais est-ce à dire que le gouvernement doive abandonner
entièrement la part d’intervention qui lui revient en première ligne dans la
formation des instituteurs ? Je ne le crois pas.
Le
projet de loi donne au gouvernement le droit, on plutôt lui impose le devoir
d’établir immédiatement deux écoles normales ; nous sommes d’accord sur ce
point. Qu’est-ce que je demande ? C’est qu’il soit laissé par la loi la faculté
éventuelle d’ouvrir de nouveaux établissements, si la nécessité en était
démontrée, à qui ? d’abord au gouvernement, et ensuite
aux deux chambres. Je demande s’il y a rien de moins exigeant qu’une semblable
proposition.
M. le
ministre de l’intérieur vient de dire que nous avions tort de préjuger
l’insuffisance de deux écoles normales, que deux écoles normales suffisaient.
Comment M. le ministre justifie-t-il son opinion ? Il dit que le nombre des
vacatures est annuellement de 230 parmi les instituteurs, mais qu’il faut
défalquer de ce nombre les instituteurs qui pourraient sortir des cours
normaux, annexés aux écoles supérieures des établissements libres des collèges,
de telle manière qu’il ne suppose plus que 100 vacatures par an à remplir pour
les instituteurs qui sortiraient des deux écoles normales du gouvernement.
Eh
bien, messieurs, il est impossible, de quelque manière que vous constituiez vos
deux écoles normales, il est physiquement impossible qu’elles puissent suffire
à 100 vacatures, et je crois pouvoir le démontrer facilement.
D’abord,
messieurs, il ne peut tomber dans l’idée d’un bon administrateur d’avoir des
écoles normales renfermant un trop grand nombre d’élèves. Si vous voulez que
ces écoles fournissent des instituteurs capables, moraux, dont l’éducation ait
été surveillée tous les jours, à toute heure, il faut restreindre
nécessairement le nombre des élèves. Ce ne sera pas dans la réunion de 2 à 300
jeunes gens que nous parviendrez à introduire toutes
les qualités morales et intellectuelles que vous devez exiger des instituteurs.
C’est lorsque la surveillance pourra s’exercer dans un petit cercle sur un
nombre restreint d’élèves qu’il vous sera permis d’espérer d’atteindre ce
résultat.
En
Prusse, messieurs, le nombre des élèves qui peuvent fréquenter les écoles
normales est limité ; il ne peut aller que de 60 à 70. Je ne vois pas pourquoi
on pourrait s’abstenir de faire en Belgique ce qui se fait à cet égard en
Prusse.
On me
dit que la liberté d’enseignement n’existe pas en Prusse, C’est vrai, mais il y
a pour chaque province une grande école normale ; il y en a en tout 33. Or je
vous n’en demande que deux, et la faculté d’en établir d’autres avec le
concours de la législature, si le besoin s’en fait sentir.
En
donnant à chacune des deux écoles normales 60 élèves, et en supposant le cours
de 3 ans, ce sera 20 élèves qui sortiront annuellement de chaque école normale.
Mais les écoles primaires ne pourraient pas recevoir indistinctement tous les
élèves qui sortiraient des écoles normales, elles ne pourraient recevoir que
les bons. Or, dans les écoles normales, vous ne formerez pas toujours des
sujets excellents. Il s’en trouvera qui ne voudront pas poursuivre la carrière
; d’autres n’auront pas fait de bonnes études ; il y en aura d’autres dont le
caractère ne conviendra pas ; il faudra peut-être en défalquer la moitié. Il
resterait donc 10 élèves sortant chaque année de chacune des deux écoles
normales de l’Etat. N’est-il pas dès lors évident que ces deux écoles seront
insuffisantes pour desservir les vacatures, non pas la totalité des vacatures
qui s’élèvent à 230, mais la moitié de ces vacatures que nous avons réduit à
100.
L’on
semble croire que la proposition si modérée que je fais porte un cachet
d’hostilité ou au moins de défiance envers les établissements libres. Eh bien,
à ce point de vue, si le gouvernement, reconnaissant plus tard l’insuffisance
de deux écoles normales, venait demander la création d’écoles normales
nouvelles ne pensez-vous pas qu’une semblable proposition n’aurait pas plus ce
caractère hostile qu’une simple faculté conférée dès maintenant au gouvernement
est introduite dans une loi d’organisation ?
Si ces
deux écoles normales, qu’on propose d’établir, suffisent, le gouvernement ne
viendra faire aux chambres aucune proposition ; si elles ne suffisent pas, le
gouvernement viendra exposer à la législature les besoins de l’instruction
primaire sous le rapport des instituteurs ; et si la chambre partage alors
l’avis du gouvernement, on votera au budget les sommes nécessaires pour
l’établissement de nouvelles écoles normales. Si vous ne procédez pas de cette
manière, ce ne sera pas par un article du budget que vous pourrez créer de
nouvelles écoles normales ; il faudra pour cela, et c’est l’opinion de M. de
Theux, une nouvelle loi ; dans mon système, le vote législatif du crédit
nécessaire suffira. Voilà la différence pratique, administrative, qui existe
entre les deux systèmes.
Je vois
encore un avantage dans mon amendement ; c’est qu’il pose dès maintenant, sur des
bases plus larges, l’influence du gouvernement ; il élargit en même temps la
carrière de ceux qui se destinent à l’instruction primaire ; or on ne peut
accorder trop d’encouragement à cette carrière. Aujourd’hui, elle n’a pas
d’encouragements assurés, au moins par la loi. Il existe des établissements
fondés par la liberté, mais ces établissements peuvent cesser d’exister.
Aussitôt que vous aurez créé des établissements par la loi, il y aura une
carrière assurée pour un grand nombre de jeunes gens. Dans l’état actuel de la
société, nous ne pouvons trop multiplier le nombre des carrières ; il faut en
offrir autant que possible à toutes les aptitudes ; il faut surtout que la
carrière de l’enseignement primaire, qui peut avoir tant d’influence sur la
marche de la société, sur les mœurs publiques et privées ; il faut surtout,
dis-je, que cette carrière soit suivie par des hommes qui la comprennent et qui
l’aiment, il faut qu’elle leur offre une perspective ; il faut qu’elle leur
présente une position honorable et respectable. Eh bien, plus vous ferez dans
la loi pour les écoles normales, plus cette carrière sera recherchée, plus elle
deviendra respectable, mieux elle sera garantie.
Je ne sais si le clergé se bornera à ces huit
écoles. Supposé qu’il en augmente le nombre et que le gouvernement trouve des
garanties suffisantes dans les élèves sortant des écoles du clergé, il ne
viendra pas vous demander l’autorisation de créer de nouvelles écoles normales.
Si au contraire les écoles du clergé jointes à celles du gouvernement étaient
jugées insuffisantes, laissez au gouvernement la faculté de venir vous demander
l’autorisation d’en créer de nouvelles. Je ne pense pas qu’il soit possible de
pousser plus loin l’esprit de conciliation.
M. Verhaegen. - Messieurs, il y a quelque chose d’extraordinaire dans la discussion
actuelle, c’est qu’à chaque pas que nous faisons à chaque disposition que nous
discutons, on trouve moyen d’enlever ce qui a été présenté comme garanties dans
des dispositions précédemment adoptées.
M. de
Mérode disait, il y a quelques jours, que les écoles normales constituaient la
racine de l’instruction primaire. Je suis parfaitement de son avis. Sans de
bonnes écoles normales, l’instruction primaire, telle que nous la voulons,
n’existera pas ; ce ne sera qu’une chimère.
Nous
avons fait successivement nos observations sur les diverses dispositions du
projet, à quelques-unes il a été fait droit, d’autres ont été repoussées mais
si le système de nos adversaires est admis, quant aux écoles normales, tout est
encore bouleversé, et les seules petites garanties que nous avions obtenues
sont rendues illusoires.
Ce qui
m’a péniblement affecté, c’est que le ministre de l’intérieur nous a fait des
calculs qui, ni plus ni moins, doivent donner pour résultat que l’établissement
d’écoles normales est en quelque sorte inutile dans notre pays. Ne nous
occupons que du présent, nous a-t-il dit, ne nous inquiétons pas de l’avenir.
Pour moi, je crains fort que le présent n’absorbe l’avenir. Aussi, je tiens
plus que jamais à lier l’avenir au présent.
Depuis
plusieurs années, j’ai signalé la plaie qui de jour en jour devient plus grande
; on a taxé d’exagérées mes observations et cependant ce que j’ai dit se
réalise maintenant ; quoiqu’il en soit je dirai encore au gouvernement :
Etablissez vos écoles normales tout de suite, ne perdez pas une minute,
n’attendez pas qu’une expérience ultérieure vienne vous en démontrer la
nécessité ; d’autres en établiront, ils vous devanceront ; les écoles qui
existent déjà et celles qui seront établies ultérieurement ne vous permettront
plus de soutenir la concurrence.
Veuillez
vous rappeler que quand il s’est agi au budget de la justice d’une allocation
demandée pour le petit séminaire de St-Trond, je vous ai dit qu’il ne
s’agissait pas seulement de petit séminaire, mais d’une école normale déjà
établie à Rolduc et qu’on voulait agrandir ; alors je vous ai démontré que
toutes les écoles normales étaient déjà dans les mains du clergé et que le
temps ne pouvait que confirmer les avantages qu’il en retirait au détriment de
l’Etat.
Je
disais au gouvernement : Vous n’avez pas d’écoles normales, et vous favorisez
celles du clergé. Annuellement vous demandez 100 mille fr. pour St-Trond ; ces
100 mille fr. déjà répétés trois fois sont destinés à établir une école normale
sur une large échelle ; vous donnez des subsides pour tuer votre propre
enseignement.
II
existe déjà maintenant huit écoles normales du clergé. Cinq sont subsidiés par
le gouvernement, lui qui trouve que deux sont plus que suffisantes : il y a
plus, la presse nous a fait connaître dernièrement une circulaire qui a été
envoyée à tous les instituteurs du diocèse de Tournay, au nom de l’évêque, pour
assister aux exercices publics de l’école de Bonne-Espérance, et le ministre a
donné à cela son concours. Les frais ont été faits en partie par le trésor de
l’Etat. Je tiens ici une de ces circulaires. Elle porte :
« Circulaire
aux instituteurs.
« Bonne-Espérance,
le 22 juillet 1842
« Monsieur,
« Monsieur,
« J’ai
l’honneur de vous informer que monseigneur l’évêque de Tournay, dans l’intérêt
de l’enseignement primaire et pour le plus grand bien des instituteurs établis
dans son diocèse, a résolu d’ouvrir chaque année, à l’école normale de
Bonne-Espérance, des réunions où les maîtres pourront venir se fortifier dans
l’esprit et les vertus de leur état et se perfectionner dans les connaissances
qu’il exige. Elles dureront 12 jours pendant lesquels on donnera, avec des
instructions religieuses, des leçons suivies sur les différentes branches de
l’enseignement : il y aura des cours spéciaux pour les instituteurs plus
avancés. La première réunion commencera le 29 août et durera jusqu’au 9
septembre inclusivement.
« Je
ne doute pas, monsieur, qu’appréciant tous les avantages que vous pouvez
retirer de cette nouvelle institution, vous n’accueilliez avec empressement et
avec reconnaissance cette nouvelle preuve de l’amour et de la sollicitude de
notre premier Pasteur envers vous et envers les enfants confies à vos soins.
« Dans
l’espoir que vous répondrez à mon invitation, je vous préviens que vous devez
vous faire inscrire chez monsieur le doyen du canton, avant le 10 août. Vous
devrez vous munir pour votre usage d’une paire de draps, de deux essuie-mains,
d’une serviette, d’une grammaire française, d’un Télémaque, d’une Histoire
sainte, et des autres livres dont vous croiriez avoir besoin.
« M.
le ministre de l'intérieur, voulant montrer tout le prix qu’il attache à la
nouvelle institution, a bien voulu, de concert avec monseigneur l’évêque de
Tournay, se charger d’une partie des frais que les réunions doivent occasionner
à l’établissement, de sorte que la rétribution que chaque instituteur devra
payer a pu être réduite à 5 francs pour les douze jours de présence.
« La
liste des instituteurs qui prendront part aux réunions sera envoyée, au début
de la session, à monsieur le ministre et à l’évêché, et je ne doute pas que ce
sera pour ceux qui y seront mentionnés un titre de plus à la bienveillance des
autorités civile et ecclésiastique.
« Recevez
entre-temps l’assurance de mon estime et de mon parfait dévouement.
« Votre
très-humble serviteur, J.-B. PONCEAU, directeur. »
Ainsi,
cent mille francs pendant trois ans à une seule école normale du clergé,
subsides annuels à cinq autres, concours aux frais de l’Etat pour favoriser les
exercices publics, et vous voulez attendre encore pour créer les écoles
normales de l’Etat, vous ne voulez que vous occuper du présent, sans vous
inquiéter de l’avenir. Mais si vous voulez réellement une instruction primaire
donnée par les soins de l’Etat, créez tout de suite des écoles normales et en
nombre suffisant. Voulez-vous, oui ou non, une instruction primaire ?
Expliquez-vous avec franchise ; dans mon opinion, la tendance évidente est de
n’en pas avoir ; l’on ne crée une instruction primaire gouvernementale ou
communale que de nom ; mais au fond, on n’en veut point. Cette tendance s’est
reproduite dans toute la discussion, à commencer par les premières dispositions
du projet. On dit à l’article 1er qu’il y aurait des écoles communales, et dans
les articles suivants, on a fait qu’il pourrait ne pas y avoir d’écoles
communales. Dans les articles 7 et suivants, on établit des inspecteurs civils,
mais en fait, il n’y aura pas d’inspection. L’inspection cléricale est tout ;
car la précaution et prise dans l’intérêt du clergé. Le sort de l’instruction
lui est confié. Arrivé à l’article des instituteurs, on voulait à peine les
rétribuer ; aujourd’hui, il s’agit de la racine de l’enseignement, des écoles
normales, on veut bien les décréter de nom, mais de fait on les condamne, on
n’en veut pas. Le ministre donne toutes les garanties imaginables au clergé ;
il va jusqu’à dire qu’il y aura un professeur spécial ecclésiastique pour
enseigner dans ces écoles la religion et la morale, et ce, indépendamment du
contrôle et de la libre inspection du clergé ; on n’est pas encore content ;
pour moi, il est évident, je ne m’en cache pas, que tout cela se réduit à des
mots, et rien de plus. Vous n’aurez fait qu’un simulacre d’instruction
primaire. Puisqu’on a parlé encore de monopole, je dis qu’il restera dans les
mains du clergé. C’est une conviction que j’ai eue dès le principe et qui se
vérifie à chaque pas. C’est une conviction qu’on ne m’ôtera pas, dût-on appeler
cela de l’idéologie.
Je
répète, et je termine par là si le gouvernement veut franchement une
instruction primaire, si la chambre la veut de son côté, il y aurait lieu de
créer tout le suite, et sans perdre une minute, toutes
les écoles normales dont on a besoin. Si on n’avait que deux écoles normales,
elles seraient, pour ainsi dire, ignorées pour la plupart des provinces. Je
suppose qu’on en mette une dans la province d’Anvers et une dans le Limbourg ou
dans le Luxembourg, les Flandres ignoreront leur existence, tandis que celles
du clergé on les connaît partout, dans toutes les provinces. Cela est si vrai
que M. Dumortier ne savait pas tantôt que, sous le gouvernement précédent, il
en existait une à Lierre.
Si vous voulez réellement des écoles normales,
établissez-les d’une manière efficace ; si vous ne les voulez pas, c’est que
vous ne voulez pas de l’instruction primaire de l’Etat, et que vous voulez
abandonner l’enseignement entièrement à ceux qui l’on déjà en grande partie.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
D’après l’honorable préopinant, à chaque pas que nous faisons, nous
affaiblissons la part que nous voulons donner au gouvernement dans
l’instruction primaire. Je ne veux pas revenir sur le passé. Lorsque nous en
serons au second vote, je répondrai à ce qu’a dit pour la deuxième et troisième
fois l’honorable préopinant, en ce qui concerne les frais de l’inspection. Je
dis au contraire que nous avons continuellement renforcé l’action du
gouvernement central et que prochainement nous trouverons encore une nouvelle
occasion de renforcer cette action. Je compte sur l’honorable préopinant quand
il s’agira de la nomination des instituteurs.
M. Verhaegen. - Certainement
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Comment ! d’après cette disposition, il n’y aurait
d’exemptés de l’agréation du gouvernement que les élèves sortants soit des
établissements de l’Etat, soit des établissements qui auraient accepté le
régime de la présente loi. A l’avenir les écoles normales ecclésiastiques
devraient se soumettre au régime de la présente loi, c’est-à-dire à
l’inspection civile ; ou bien les élèves devraient obtenir l’agréation du gouvernement
si les conseils communaux les nommaient. Si les établissements ecclésiastiques
sont à craindre comme vous le supposez, je dis qu’il y a dans cette disposition
une garantie suffisante, sur laquelle, je n’hésite pas à le dire, personne
n’aurait osé compter dans ces derniers temps.
Je ne
rentrerai pas dans la discussion même. J’avais principalement demandé la parole
pour expliquer un fait qui me concerne, fait fort simple et que vous
approuverez tous, je n’en doute pas.
Les
cours des écoles normales se terminent chaque année par des conférences, sortes
de répétitions générales. J’ai appris que l’école normale de Bonne-Espérance
devait avoir des conférences de ce genre. Je me suis adressé à l’évêque.
J’ignore qui a pris l’initiative de cette correspondance ; je ne me le rappelle
pas ; mais enfin j’ai demandé à l’évêque de faire admettre à ces conférences
tous les instituteurs libres ou communaux. Dès lors j’ai offert à l’évêque un
subside à la condition qu’on exigerait très peu de chose de ces instituteurs.
En effet, les conférences ont duré 12 jours, et pour ces 12 jours on a demandé
5 fr. à chaque instituteur. Y a-t-il rien de plus simple, rien de plus sage ?
J’entends qu’on parle de monopole. Mais s’il y avait un monopole ; l’évêque
aurait dit : Je veux le monopole pour moi ; je ne veux pas que vos instituteurs
prennent part aux conférences qui vont terminer l’année.
Voilà
les faits dans toute leur simplicité. Je crois qu’il n’y a là rien à reprocher.
L’honorable
M. Verhaegen me dit que l’évêque aurait admis les instituteurs sans subside ;
mais il y avait équité à l’accorder. L’évêque, sans doute, m’aurait fait la
charité, je n’en doute pas ; mais je trouve que le subside était dû, et je suis
très content d’en avoir fait l’offre à l’évêque.
J’ai
dit que j’aurais l’approbation de tous les membres de la chambre. J’apprends
que non ; je m’en consolerai. Je le croyais ; cela prouve que j’étais de très
bonne foi.
Je ne
reviendrai pas dans la discussion du fond, je dis que l’établissement immédiat de
deux écoles normales suffira pour les besoins du pays. Suis-je dans l’erreur ? l’avenir le démontrera.
M. Dechamps, rapporteur. - Je demande la parole.
Plusieurs membres.
- La clôture.
M. Dechamps, rapporteur. - Je renoncerai à la parole, si la chambre veut clore la discussion.
M. Lebeau. - Je crois qu’il est sans exemple qu’on ait interdit à un membre de la
chambre de répondre à un membre du gouvernement. La chambre sait que je n’ai
pas l’habitude d’abuser de ses moments. J’ai une seule observation à présenter
sur l’objet dont M. le ministre de l'intérieur vient de parler. (Parlez ! parlez !)
Je
déclare que, dans l’état provisoire où se trouve l’instruction primaire, je ne
fait pas au ministre un grief d’avoir accordé à l’école normale de
Bonne-Espérance un subside moyennant lequel il a eu la faculté de faire
admettre les instituteurs aux conférences ouvertes dans cet établissement ; je
ne lui en fais pas un grief ; je crois même qu’on peut lui en savoir gré dans
l’intérêt de l’instruction primaire. Mais je ne puis m’empêcher d’exprimer
quelques scrupules sur la forme dans laquelle cette mesure a été prise. Qu’on
ait offert un subside à l’évêque, pour faire admettre les instituteurs aux
conférences qui allaient s’ouvrir, fort bien. Mais le ministre devait, me
semble-t-il, ou convoquer directement les instituteurs, ou prescrire soit au
gouverneur, soit au commissaire de district de les convoquer ; et je ne puis
comprendre que ce soin ait été laissé au directeur de l’établissement de
Bonne-espérance.
Je ne
puis comprendre surtout que ce personnage ait cru pouvoir éveiler
leur attention sur les avantages qui
devaient résulter pour eux de la participation à ces conférences, non seulement sous le rapport de
l’instruction, mais encore sous le rapport des fonctions publiques. Il y a là
quelque vice de forme, quelque confusion d’attributions, que j’ai cru devoir
soumettre à la chambre et au ministre lui-même. On a
parlé dans cette circulaire des droits que la participation à ces conférences
pourrait donner à la protection du gouvernement. Je crois que ce langage
n’était pas convenable de la part de celui qui le tenait. Je crois que ce
langage a été une imprudence, qu’il pouvait donner lieu à des interprétations
plus ou moins fâcheuses sur une mesure dictée peut-être dans des intentions
irréprochables de la part de l’évêché et par le gouvernement.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Voici le passage qui concerne le fait dans la circulaire adressée aux
instituteurs par le directeur de l’établissement de Bonne-Espérance :
« La
liste des instituteurs qui prendront part aux réunions sera envoyée, au début
de la session, à M. le ministre et à l’évêque, et je ne doute pas que ce sera
pour ceux qui y seront mentionnés un titre de plus à la bienveillance des
autorités civile et ecclésiastiques. »
Je vous
demande si l’autorité civile se trouve là rabaissée. On dit que le ministre de
l’intérieur aurait dû écrire directement. Moi, je trouve que cet appel pouvait
très bien être fait par le directeur de l’établissement au nom des deux
autorités qui agissaient. Le ministre est nommé partout le premier, et dans les
termes les plus convenables. Le ministre devait-il adresser directement la
circulaire aux instituteurs, au lieu qu’elle fût faite en son nom par le
directeur de l’établissement ? Je trouve, moi, que c’était assez indifférent.
Si je n’ai pas d’autres griefs à ma charge, je n’ai pas de quoi m’inquiéter.
- La
chambre prononce la clôture sur l’art. 30.
L’amendement
de M. Rogier est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
L’art.
30 est mis aux voix et adopté.
La
chambre passe à la disposition suivante : ( dernier §
de l’art. 28).
« Dans chaque
province des cours normaux pourront être adjoints, par le gouvernement, à l’une
des écoles primaires supérieures. »
M. Devaux. - Je reprends et je présente comme amendement la rédaction primitive
ainsi conçue :
« Le
gouvernement veillera à ce que des cours de pédagogie y soient donnés
spécialement aux époques des vacances. »
Je
demande que le gouvernement puisse établir des cours normaux dans toutes les
écoles primaires supérieures. Le gouvernement demande à en établir seulement
dans une école par province.
Comme
le gouvernement a le droit d’établir une école primaire supérieure dans chaque
arrondissement, je demande qu’il puisse établir les cours normaux près chacune
de ces écoles. Je vais messieurs, vous en donner les raisons ; je ne serai pas
long.
Ces
cours sont destinés principalement, a-t-on dit, aux instituteurs urbains, que
ne formeront pas, à ce qu’il paraît, les écoles normales que vous venez de
décréter. Ils ont un autre but encore ; c’est de perfectionner les instituteurs
tout formés déjà, mais dont l’instruction n’est pas complète, et qui dans la
pratique s’aperçoivent que leur manière d’enseigner pourrait s’améliorer.
Ainsi, tel instituteur ne s’est servi jusqu’à présent que de la méthode
individuelle ; il voudrait se servir d’une autre méthode, soit de la méthode
mutuelle, soit de la méthode simultanée. Eh bien ! il
n’a pas besoin pour cela de passer deux ou trois ans dans une école normale ;
mais il se rend pendant les vacances, pendant quelques semaines, dans une école
primaire modèle où l’on donne des cours normaux.
Ainsi
encore on voudrait établir dans une école de village un cours de dessin
linéaire. L’instituteur est tout disposé à donner ce cours, mais il ne sait
comment s’y prendre. Il se rend dans une école modèle et va y apprendre à
enseigner le dessin linéaire.
Mais
une chose qui est nécessaire pour ces écoles, c’est le voisinage. Si vous vous
bornez à établir des cours normaux dans une seule ville par province, les
instituteurs de l’autre partie de la province ne se rendront pas à ces cours.
Ils seront trop éloignés ; il fait que ces cours normaux soient établis dans le
voisinage de l’instituteur pour qu’il s’y rende ; il n’entreprendra pas un
voyage de huit ou dix lieues pour y assister. Ainsi, si vous voulez que cette
institution soit utile, si vous le voulez réellement, il faut l’établir là où
il y a utilité de l’établir. Il est possible que dans telle province une école de ce genre suffise mais il est possible aussi que dans
telle autre province, il en faille deux ou trois. Les instituteurs ne sont pas
voyageurs de leur nature et si vous ne leur mettez pas à proximité des
ressources dont ils ont besoin, la plupart du temps ils n’en useront point.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il
faut distinguer entre les cours de pédagogie et les cours d’instruction
proprement dite. Les cours d’instruction proprement dite sont donnés toute
l’année dans des établissements qualifiés d’écoles primaires supérieures. Ainsi
l’honorable membre a supposé qu’un instituteur voulût apprendre le dessin
linéaire ; mais le dessin s’enseigne toute l’année dans les écoles primaires
supérieures.
Les
cours normaux qu’on annexera à ces écoles ne seront guère que des cours de
pédagogie, et encore ces cours-là ne sont-ils plus aussi nécessaires qu’ils
l’eussent été en l’absence des conférences cantonales. L’honorable membre ne
tient aucun compte des conférences cantonales où seront particulièrement
discutées les méthodes. Il y aura quatre conférences par année, et je dis qu’en
règle générale ces conférences seront plus utiles aux instituteurs que la
fréquentation pendant six semaines, pendant les vacances, des cours normaux qui
se donneraient accidentellement en quelque sorte près de certains établissements.
Néanmoins,
je crois qu’il faut maintenir les cours normaux, mais qu’il faut les maintenir
dans les termes que j’ai proposés.
Il me
serait impossible de dire qu’il y aura nécessité
d’avoir dans chaque province des cours normaux annexés à une école primaire
supérieures, comme le veut l’honorable M. Orts ; par exemple, je me demande si
cela sera nécessaire dans les provinces où l’on établira les écoles normales.
Voilà un premier doute que j’ai à cet égard.
Je
conçois que ces cours normaux soient annexés à une école primaire supérieure
dans le Luxembourg, par exemple, parce que les instituteurs de cette province
seront très éloignés de l’une et l’autre école normale spéciale. Mais il est
impossible de dire dans la loi qu’on annexera des cours normaux dans chaque
province à une des écoles primaires supérieures ; je crois qu’il fait laisser
ceci dans le vague.
Quant à en établir près de chaque école primaire
supérieure, j’ai dit que ce serait nuire d’une part aux conférences cantonales,
et de l’autre la fréquentation des
écoles proprement dites, et véritablement dignes de ce nom.
M. Dechamps, rapporteur. - J’aurai peu de chose à ajouter à ce que vient de dire l’honorable
ministre de l’intérieur ; mais effectivement, M. Devaux ne tient pas assez
compte de l’institution nouvelle que la loi renferme, des conférences des
instituteurs.
Messieurs,
je l’ai déjà dit : en général, je suis assez contraire à ce qu’on nomme des
cours de pédagogie isolés. Je pourrais développer longuement cette opinion ;
mais nous avons tous lu l’ouvrage de M. Barrau, qui
regarde comme mauvaise cette institution des cours de pédagogie isolés.
Les
études normales ont pour but principal de former des instituteurs, et non pas
de les instruire ; de leur enseigner les matières de l’instruction ; il ne faut
pas pour cela des études normales. Aussi je me serais opposé à ces cours de
pédagogie, si je n’avais été frappé des réflexions de M. le ministre de
l'intérieur relativement aux instituteurs urbains. Je conviens que ces cours de
pédagogie annexés à des écoles d’enseignement primaire supérieures pourront
être utiles et quelquefois nécessaires pour ces instituteurs urbains. Mais je
crois que ce sont les écoles normales qui doivent former les instituteurs et
surtout les instituteurs pour les campagnes.
L’honorable
M. Devaux vous a dit : Ces cours ont un autre but, c’est de perfectionner les
méthodes, de perfectionner l’instruction des instituteurs de campagne qui ne
connaissent pas les bonnes manières d’enseignement. Pour moi j’avais cru que
les conférences d’instituteurs remplaçaient largement ce but, et que cette
institution valait cent fois mieux que des cours de pédagogie isolés. Vous
conviendrez que lorsque tous les instituteurs d’un canton seront réunis sous la
présidence de l’inspecteur cantonal, ou de l’inspecteur provincial, ils se
communiqueront les améliorations à introduire dans l’enseignement, et qu’il en
résultera bien plus d’avantages que des cours normaux isolés.
J’aurai
une seconde remarque à faire. Je regarde comme chose dangereuse d’attirer dans
les villes où se donnent les cours normaux les instituteurs des campagnes ; je
crois qu’il faut le moins possible mettre les instituteurs de campagne en
contact avec des habitudes de luxe qui ne s’accordent pas avec leur position et
qui leur feraient naître des goûts qu’ils ne pourraient satisfaire dans leurs
localités.
Messieurs, je n’ai pas besoin de m’appesantir sur ce
point ; vous comprendrez le danger que je vous signale. Je crois qu’il faut
laisser les instituteurs dans le cercle où ils se trouvent, qu’il y aurait
danger à les mettre en contact avec d’autres mœurs, d’autres habitudes. Je
crois qu’il vaut mieux favoriser les conférences qui laissent l’instituteur
chez lui, que les cours de pédagogie qui l’attirent ailleurs.
M. Devaux. - Supprimez ces cours.
M. Dechamps. - Non, je ne voterai pas contre la proposition, par suite des
observations de M. le ministre de l'intérieur ; je conviens que pour les
instituteurs urbains qui sera utile en plusieurs cas
d’annexer des cours de pédagogie à une école primaire supérieure. Mais ma
conviction, c’est qu’en général c’est un mauvais système ; et je ne suis pas le
seul à professer cette théorie ; M. Barrau l’a
longuement développée. Vous connaissez ses principes.
M. Devaux. - Messieurs, nous sommes destinés à rencontrer sur notre chemin M. le
ministre là où peut être nous ne devions pas nous attendre à l’avoir pour
adversaire. Nous proposons de déclarer que le gouvernement a la faculté
d’annexer des cours normaux à ses 26 écoles primaires supérieures, et le
gouvernement ne veut pas de cette faculté. Il propose, il demande que vous
vouliez bien le lier, de manière qu’il ne puisse établir des cours normaux que
dans neuf écoles.
On dit
: Vous êtes absolu. Je ne le suis en aucune manière, puisque ce n’est qu’une
faculté que je demande. Mais ce qui est absolu, c’est le gouvernement qui se
lie lui-même, qui demande qu’on lui mette des entraves, qu’on le restreigne à
ne faire que dans neuf écoles, ce que je voudrais qu’il eût la faculté de faire
dans 26, sans cependant y être formellement obligé.
Voilà
ce qui ne vaut rien ; voilà ce que le gouvernement ne devait pas proposer
seulement contre son propre droit, mais parce qu’il ne sait pas s’il ne peut
pas y avoir de plus grands besoins.
On dit
qu’il y aura des conférences cantonales d’instituteurs tous les trimestres. Ces
conférences peuvent être très utiles, sous certains rapports. On y discutera,
on y fera de la théorie, mais ce qui y manque, ce sont les élèves, c’est la
pratique ; les instituteurs ne peuvent y voir l’enseignement.
L’honorable
M. Dechamps craint que les instituteurs des campagnes soient attirés aux cours
normaux des grandes villes. S’il concluait par la suppression de ces cours, je
concevrais mieux la logique de son argumentation. Mais que veut l’honorable
membre ? Qu’il y ait des cours normaux seulement dans les grandes villes. Car
dire que les cours normaux ne seront annexés qu’à une seule école par province,
c’est dire qu’il n’y en aura que dans les chefs-lieux de province. Moi, j’en
veux dans les petites villes, j’en veux dans tous les arrondissements, et de
cette manière ce contact que vous redoutez n’existe plus ; car je ne crois pas
que vous voyiez du danger à mettre l’instituteur ce contact avec les habitants
d’une ville du second ou du troisième ordre.
Messieurs,
c’est précisément la nécessité de mettre dans les petites villes ces cours
normaux, si vous voulez qu’ils soient utiles, qui m’a fait proposer mon
amendement.
Je dis
donc que si l’on pense que ces cours normaux sont inutiles, il faut les
supprimer ; mais à moins de vouloir les rendre inaccessibles, il faut les
mettre à la proximité des instituteurs.
Vraiment,
messieurs, je m’étonne du genre d’arguments que nous rencontrons à chaque
instant sur notre route. Le gouvernement subsidie quatre ou cinq écoles
normales des évêques ; il croit donc que cinq écoles normales sont utiles dans
le pays ; cependant, quand on veut lui donner la faculté d’en établir plus de
deux, il soutient que deux écoles normales sont suffisantes ; à l’entendre une
suffirait.
Maintenant,
il s’agit d’établir des cours de pédagogie auprès des écoles primaires
supérieures ; on exprime la crainte des danger qu’il y
a à attirer les instituteurs des campagnes dans les villes, et cependant on
veut précisément n’établir ces cours que dans les plus grandes villes, dans les
chefs-lieux des provinces ; on veut les établir loin des campagnes. Après cela
on veut que nous n’ayons point de défiance ; on veut que
nous croyions à la sincérité parfaite de pareilles raisons. Mais si vous voulez
réellement un bon enseignement, si vous voulez établir des cours normaux,
placez-les là où ils peuvent être utiles ; si vous n’en établissez que dans une
seule école par province, c’est dire que vous n’en voulez que pour les grandes
villes ; c’est vouloir que les autres instituteurs soient formés par d’autres
que le gouvernement.
M. de Theux. -
Indépendamment des cours normaux à établir auprès des écoles primaires
supérieures et qui seront principalement des cours de répétition à donner aux époques
des vacances, rien n’empêche, ce me semble, qu’on établisse aussi des cours de
répétition auprès des écoles normales proprement dites, tant celles du
gouvernement que celles qu’il croira devoir subsidier.
Je
crois, messieurs, devoir préférer les écoles normales proprement dites aux
cours normaux à établir auprès des écoles primaires supérieures ; c’est
principalement dans les écoles normales que l’on s’occupera convenablement de
la formation des instituteurs, c’est là que ceux-ci pourront le mieux se
perfectionner.
Du reste j’appuierai volontiers la proposition de M.
le ministre de l'intérieur qui tend à autoriser le gouvernement à établir des
cours normaux auprès d’une école primaire supérieure dans chaque province.
M. Verhaegen. - Je dois, messieurs, répondre un dernier mot à l’honorable M. Dechamps.
Il a constamment parlé de M. Barrau ; et il vient
encore de citer cet auteur, à propos de la disposition que nous discutons, mais
il a bien soin de ne pas citer les paroles de M. Barrau,
qui ne conviennent pas à l’opinion qu’il défend. Je vais, moi, compléter la
citation, et en complétant cette citation, j’en dirai beaucoup plus que je ne
pourrais en dire dans un long discours :
« Tel
est le danger, dit M. Barrau, page 22, qui menace le
gouvernement, s’il ne réforme ses écoles normales, cette redoutable concurrence
(l’établissement des écoles du clergé) les fera périr. L’éducation donné à
l’enfance sera morale, sans doute, mais elle ne sera plus nationale.
« Il faut donc se hâter d’entrer dans une autre
voie, si l’on ne veut pas que la direction de l’instruction primaire échappe
bientôt à l’Etat et appartienne désormais à une influence ennemie. »
L’influence ennemie, l’entendez-vous, messieurs !
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il
sera difficile, messieurs, que l’influence que l’on signale puisse être une
influence ennemie, du moment où vous admettez la proposition que je vous ai
faite relativement à la nomination des instituteurs. Les instituteurs devront
être pris dans les écoles normales du gouvernement ou dans les écoles normales
qui se soumettent au régime de la présente loi, c’est-à-dire qui acceptent
l’inspection civile. Je crois que M. Barrau
s’empresserait d’accepter une proposition de ce genre, qui soumettrait toutes
les écoles normales ecclésiastiques françaises à l’inspection de l’autorité
civile.
Un membre. - En leur accordant des subsides,
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
L’honorable membre qui m’interrompt croit que pour que les écoles se soumettent
à l’inspection civile, il faudra nécessairement qu’il leur soit accordé des
subsides ; c’est là une erreur ; d’après la proposition que j’ai faite, tous
les établissements quelconques, qu’ils reçoivent ou qu’ils ne reçoivent pas de
subsides, devront se soumettre à l’inspection civile, s’ils veulent que leurs
élèves puissent être nommés instituteurs communaux dans l’agréation du
gouvernement.
La
proposition que j’ai faite change la position du tout au tout. Quand,
probablement demain, nous discuterons cette proposition, nous verrons que les
écoles normales ecclésiastiques, qui refuseraient de se soumettre complètement
au régime de la présente loi, comme ils en ont le droit, se trouveront dans
cette condition exceptionnelle, que les instituteurs qui seraient choisis parmi
leurs élèves maîtres, par les conseils communaux, seraient soumis à l’agréation
du gouvernement. Je n’hésite pas à dire que pour ne pas voir leurs écoles normales
dans cette position, les évêques s’empresseront d’accepter l’inspection civile
pour ces établissements.
Un membre. - A quoi servira cette inspection ?
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je
suis étonné que ceux qui trouvaient que l’inspection était beaucoup, qui
reprochaient au clergé de ne pas vouloir cette inspection, je suis étonné que
ceux-là trouvent que l’inspection ne signifie rien, maintenant que le clergé
paraît consentir à l’accepter.
Quant aux cours normaux qu’il s’agit d’annexer aux
écoles primaires, je les regarde comme une nécessité, mais n’en suis pas grand
partisan, parce qu’il n’y a pas ici d’internat, et dès lors pas de surveillance
suffisante. J’accepte donc ces cours comme une nécessité, mais je n’en veux
tout au plus annexer qu’à neuf établissements de l’Etat. Alors le gouvernement
fera en sorte que ces cours normaux soient convenablement donnés, et qu’il soit
suppléé autant que possible au défaut de surveillance qui résulterait de
l’absence d’un internat.
M. Dechamps, rapporteur. - Messieurs, l’honorable M. Verhaegen a cité un passage de l’opinion de
M. Barrau. M. Barrau dit
que si le gouvernement français n’entre pas dans une autre voie, il verra
succomber ses écoles normales sous la concurrence des établissements du clergé.
Mais quel est, messieurs, le remède que propose M. Barrau
? Dans tout le cours de son ouvrage M. Barrau demande
que les écoles normales soient profondément religieuses, qu’on y laisse entrer
les prêtres sans aucune défiance ; il dit qu’il faut que les écoles normales
soient acceptées par le clergé, que sinon elles périront. Voilà, messieurs,
quelle est l’opinion de M. Barrau. En France, les
écoles normales de l’Etat ont été établies d’après les théories que l’on
voudrait faire prévaloir ici ; qu’en est-il résulté ? Il en est résulté ce
fait, cité par M. Barrau, que sur 70 directeurs
d’écoles normales, M. Guizot a dû en destituer 50 sur 70 écoles normales, il
n’y en a que 10 qu’il n’a pas fallu profondément modifier. Eh bien, parmi ces
dernières, il y en avait 4 ou 5 dirigées par des ecclésiastiques et qui avaient
été adoptées par le gouvernement, chose que M. Verhaegen aurait regardée comme
exorbitante.
Puisque
j’ai la parole, messieurs, je citerai encore un fait qui concerne
Je sais que M. Devaux va m’opposer probablement un
passage de M. Cousin où cet écrivain prétend qu’en Allemagne les établissements
d’instruction sont sous la main de l’Etat. Eh bien, messieurs, je soutiens que
dans ce passage M. Cousin s’est complètement trompé et que tout son ouvrage le
démontre. Tous les faits cités par lui protestent contre cette allégation.
M. Lebeau. - Je crois, messieurs, que l’on a un peu anticipé
sur l’ordre de cette discussion ; nous en sommes à l’art. 28, et M. le ministre
de l'intérieur a parlé d’un article nouveau, qu’il a proposé et qui doit
trouver sa place plus loin. A cette occasion, M. le ministre a beaucoup insisté
sur l’importance de l’inspection qui sera accordée au gouvernement sur les
écoles normales fondées par les particuliers et par le clergé. Messieurs, il ne
fait pas se payer de mots ; il y a inspection et inspection. Quand le
gouvernement fait inspecter les instituteurs sur lesquels il a une action
directe, soit au moyen de la suspension et de la révocation, soit au moyen du
retrait des subsides, quand il exerce ainsi une influence puissante sur la
position financière des instituteurs, alors je comprends que l’inspection ait une
grande valeur si elle est exercée convenablement. Mais l’inspection à laquelle
M. le ministre a fait allusion, j’avoue que je la regarde comme quelque chose
de presque nominal, comme une sorte de formalité sans importance. Le clergé
aujourd’hui ne refuse pas en fait cette inspection. Il y aurait d’ailleurs
quelque chose de peu honorable dans le huis-clos où il
se renfermerait, et s’il demande un subside, l’inspection est de droit.
Mais
que signifiera une inspection de ce genre, lorsque celui qui inspectera et
celui au nom duquel on inspectera, n’ont pas le droit d’observation ; ils ont
le droit de regarder, de prendre des notes et puis de s’en aller ; s’ils
s’avisent de faire la moindre observation, on leur dira qu’on n’a à recevoir
aucun ordre du gouvernement, qu’on est parfaitement indépendant de lui ; que
l’on veut bien accorder au gouvernement
le droit d’entrer dans l’école, mais que là sa mission expire. Voilà la
situation dans laquelle le gouvernement se trouvera placé. Voilà cependant un
inspecteur qui, au dire de M. le ministre de l'intérieur, doit assimiler les
écoles du clergé aux écoles des communes et des provinces.
Messieurs,
j’en reviens à l’amendement en discussion. Mon expérience personnelle que je
prie la chambre de me permettre d’invoquer, me fait penser qu’il est
extrêmement regrettable qu’on veuille restreindre les cours de pédagogie au
chef-lieu de chaque province, car c’est, en définitive, aux chefs-lieux des
provinces qu’on est dans l’intention d’instituer les cours normaux.
Lorsque
des cours de pédagogie étaient donnés dans la province de Namur que j’ai eu
l’honneur d’administrer assez longtemps, j’ai vu le conseil provincial
tellement pénétré de l’importance de ces cours que, voulant en faciliter
l’accès aux instituteurs qui ne pouvaient pas se déplacer, faute de ressources
pécuniaires, il a voté plusieurs fois un subside annuel de 3,000 francs pour
aider ces instituteurs ruraux à venir, pendant les vacances, se retremper
en quelque sorte aux sources de
l’instruction donnée dans l’une ou l’autre des deux écoles normales du
chef-lieu. Dans le conseil provincial, on ne s’est pas borné là, on y a plus
d’une fois exprimé le regret que, manquant en quelque façon à la justice
distributive, on n’eût pas institué des cours normaux dans les autres
chefs-lieux d’arrondissements administratifs ; on disait qu’il y avait
privilège au profit des instituteurs établis à proximité du
chef-lieu, et au détriment de ceux qui en étaient éloignés et qui ne pouvaient
obtenir de subsides pour s’y rendre. On demandait généralement que les cours
normaux fussent rendus communs, à tous les chefs-lieux d’arrondissements
administratifs.
Le
grand avantage qui résulterait de l’établissement de l’instituteur comme du soldat. Un soldat peut
avoir parfaitement appris son métier ; mais il n’en est pas moins vrai que
pendant un certain nombre d’années on le fait venir participer pendant quelques
semaines aux manœuvres, pour prouver que dans l’isolement de la campagne, il
n’a pas oublié ce qu’il a appris sous les drapeaux ; qu’il ne
s’est pas laissé aller à une sorte de torpeur. Or, je regarde les cours de
pédagogie comme étant destinés à empêcher les instituteurs de se rouiller, de
se décourager, de se laisser aller à la routine, comme un moyen de le faire
participer aux améliorations dont l’enseignement primaire, come les autres
branches d’instruction, peut être continuellement l’objet. Il est donc très
regrettable que M. le ministre de l'intérieur ne se soit pas réservé la faculté
d’établir des cours normaux dans chaque arrondissement administratif.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ferai remarquer qu’on perd de vue les conférences cantonales. Ces
conférences empêcheraient les instituteurs de se rouiller, pour me servir de l’expression de l’honorable préopinant
; de trois mois et trois mois, ; ils se retremperont. Du reste, ce ne sera pas
toujours nécessairement au chef-lieu que les cours normaux seront institués.
M. Devaux. - Mais si ce n’est pas au
chef-lieu de chaque province qu’on instituera les cours de pédagogie, le
chef-lieu étant généralement le point le plus central de la province, les cours
normaux seront relégués à l’une ou à l’autre extrémité de la province et seront
encore rendus plus inaccessibles.
M. Dumortier. - Les instituteurs ne seront pas sans doute nécessairement obligés
d’assister aux conférences cantonales. (Non
!)
-
Personne ne demandant plus la parole, l’amendement proposé par M. Devaux est
mis aux voix et n’est pas adopté.
L’amendement
de M. Orts, tendant à substituer dans le paragraphe premier le mot seront à ceux-ci pourront être est ensuite mis aux voix et n’est pas adopté.
M. Dechamps déclare
retirer son amendement.
- La
proposition de M. le ministre de l'intérieur est mise aux voix et est adoptée.
« Art.
31. Indépendamment de la direction et de la surveillance particulière que le
gouvernement exerce sur les écoles primaires supérieures et sur les écoles
normales, ces institutions sont soumises au mode d’inspection établi par
l’article 7 du titre premier et par le titre II de la présente loi.
« Il
y aura dans chaque école normale ou supérieure un ecclésiastique chargé de
l’enseignement de la morale et de la religion. »
M. de Mérode. - Je
demande qu’on remplace les mots : chargé
de l’enseignement de la morale et de la religion par ceux-ci : chargé de l’éducation morale et religieuse.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb). -
Messieurs, les mots l’enseignement de la
morale et de la religion ont été employés jusqu’ici dans toutes les
dispositions de la loi. J’ai voulu maintenir le langage de la loi ; j’ai cru
que si je m’écartais du langage de la loi, je donnerais lieu à de nouvelles
discussions.
Voici,
je pense, les motifs qui ont dicté la proposition de l’honorable M. de Mérode ;
il craint que si l’on se borne à l’expression de l’enseignement de la morale et
de la religion, il n’y ait un enseignement moral et religieux donné à une
certaine heure, hors de laquelle on ne pourra plus s’occuper de morale et de
religion.
Je
ferai remarquer qu’outre l’enseignement de la morale et de la religion, il y a
inspection ecclésiastique en général. Maintenant il y aura un directeur nommé
par le gouvernement pour les écoles normales, et le gouvernement choisira des
directeurs tels qu’ils offriront toutes les garanties nécessaires. Il est
impossible de prévoir davantage dans la loi.
M. le président. - M. de Mérode persiste-t-il dans sa proposition ?
M. de Mérode. -
Oui, M. le président ; la chose me paraît trop importante.
- L’amendement est appuyé.
M. Dumortier. - Messieurs, je conçois les scrupules de M. le ministre de l'intérieur,
mais je crois que rien ne s’oppose à l’adoption de l’amendement de l’honorable
M. de Mérode.
Dans les dispositions qui ont été
votées jusqu’ici il s’agit d’écoles d’externes et non pas d’internats ; dès
lors l’enseignement de la morale et de la religion était la seule chose qu’on
pût exiger des instituteurs. Mais ici il s’agit d’internats, dès lors
l’éducation est à former ; cette éducation doit être basée sur la morale et la
religion. L’éducation est une partie considérable dans la formation de la personne à laquelle vous confierez plus tard le soin de donner
l’instruction primaire à vos enfants. Il est dès lors tout à fait indispensable
que cette éducation figure dans le programme que nous rédigeons aujourd’hui.
S’il en était autrement, s’il n’était pas question de donner dans les écoles
normales une éducation morale et religieuse, cela me suffirait pour rejeter la
loi entière. J’appuie donc de toutes mes forces l’amendement de l’honorable M.
de Mérode.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) – Messieurs, il faut aller franchement
au fond de la question. De deux choses l’une : ou l’amendement de l’honorable
M. de Mérode n’a pas un autre sens que ma proposition, et alors il est inutile,
ou il a un autre sens, et alors voici ce qu’il signifie : c’est que le
directeur sera nécessairement un ecclésiastique. Eh bien, je dis que vous ne
pouvez pas mettre cela dans la loi, ce serait un acte de défiance envers
l’administration en général. Restons, messieurs, dans le système que nous avons
adopté jusqu’à présent, quant à l’intervention à accorder nécessairement de
droit au clergé ; ce système, nous avons eu tant de peine à l’élaborer.
L’intervention nécessaire, légale du clergé consiste dans
l’enseignement de la morale et de la religion ; je maintiens ce principe pour
les écoles normales. Je conserve le langage de la loi. Y aura-t-il administrativement
quelque chose de plus à faire ? Je le crois, mais je dis que si vous adoptez
l’amendement de l’honorable M. de Mérode, ou cette disposition ne signifie pas
autre chose que celle que j’ai proposée, ou bien elle signifie que le directeur
de l’établissement sera nécessairement, forcément, impérieusement un
ecclésiastique.
Je le répète, vous ne pouvez pas
insérer ceci d’une manière formelle dans la loi, vous devez sur ce point vous
en référer au gouvernement. Il y a bien d’autres dispositions où vous avez
confiance dans le gouvernement. N’avez-vous pas encore
confiance en lui si vous adoptez le nouveau mode de nomination et de révocation
des instituteurs ? il y a plus ; il pourrait y avoir
deux prêtres dans l’établissement, l’un directeur de l’école, en général,
l’autre spécialement chargé de l’enseignement de la morale et de la religion.
Je dis qu’il faut laisser tout ceci à l’exécution, sinon ce serait se défier du
gouvernement, et dès lors il faut étendre cette défiance à toute la loi.
M. Dumortier. - Je ne partage pas la pensée qu’il s’agit de défiance du gouvernement.
Je pourrais dire au reste que les lois ne sont autre chose que des actes de
défiance du gouvernement. Quand nous faisons une loi, nous devons prévoir tous
les ministres qui peuvent arriver au pouvoir et être chargés de l’exécuter. De
même qu’il peut en arriver qui comprennent l’importance des garanties
religieuses dont on doit entourer l’enseignement, il peut en arriver qui n’en
tiennent aucun compte. Nous devons faire les lois pour ces ministres possibles.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb). - Le clergé se retirera.
M. Dumortier. - Vous n’en aurez pas moins une loi organique, et ce qui fait que je
tremble, c’est que cette loi met le monopole de l’instruction publique entre
les mains du gouvernement. Et je le prouve. C’est que par la loi actuelle, vous
donnez au gouvernement la nomination et la révocation des instituteurs, vous
les mettez sous sa dépendance, vous établissez le monopole au profit du
gouvernement, monopole contre lequel on protestait sous le précédent
gouvernement et dans les premières années de la révolution, et tous les
premiers ceux que je vois rire. Vous avez aussi établi dans la loi, par une
disposition corrélative une interventions salutaire,
une intervention religieuse pour donner des garanties religieuses à
l’instruction. D’une part, monopole cent fois plus grand que celui
qu’établissait le projet de 1834, de l’autre disposition corrélative prescrivant
l’enseignement de la religion et de la morale dans l’instruction primaire.
Vous avez parfaitement établi, et
vous établissez d’une manière très facile l’action du gouvernement ; quant à
l’action de l’élément religieux, il est beaucoup plus difficile de l’établir.
Je n’énumérerai pas mes motifs, la discussion a déjà été longue, et elle se
renouvellera à l’article 21.
Il n’en est pas moins vrai que
si, par une circonstance quelconque, l’élément religieux cessait de faire
partie de l’instruction primaire, vous auriez voté une loi qui constituerait un
monopole absolu dans les mains du gouvernement ; cette loi serait un immense malheur.
Voilà des faits dans toute leur
crudité. C’est contre cette possibilité que je m’élève ; je ne veux pas qu’un
ministre passager puisse corrompre toute une génération. Je dis que dans un tel
état de choses, il importe de poser dans la loi toutes les garanties
nécessaires pour l’élément religieux, après les avoir établies pour l’élément
civil. Si les écoles normales peuvent offrir une garantie c’est dans
l’éducation morale et religieuse. Mais, dit-on, exiger cette éducation
religieuse, c’est dire que le directeur de l’école serait ecclésiastique. Quand
cela serait, quel mal y aurait-il que le régent fût un ecclésiastique ? Est-ce
que l’instruction serait moins bonne ? Est-ce que vous auriez moins de
garanties ? Sous tous les rapports, je crois que vous en auriez davantage. Ce
serait là un moyen de conciliation ; vous avez fait de la part de l’élément
civil. Sur huit ou dix professeurs laïques, vous auriez un homme qui
surveillerait la religion et la morale. Pourquoi voulez-vous vous opposer à ce
qu’une personne soit chargée de l’enseignement de la religion et de
l’éducation. Je ne conçois pas l’éducation si elle n’a pas pour base la religion.
Ainsi, je le répète, en supposant
qu’il résulte de la proposition de M. de Mérode que le directeur fût un
ecclésiastique, je n’y verrais aucun mal. Beaucoup de membres de cette
assemblée conviendraient avec moi qu’il n’y aurait pas de mal qu’il en fût
ainsi. Je dis qu’il n’est ici qu’indirectement chargé non seulement de
l’enseignement de la religion, mais de l’éducation religieuse, que vous le
nommiez ou non directeur. Mais je dis qu’il faut qu’il soigne l’élève, non
seulement pendant les cours des classes, mais aussi pendant les récréations ;
il doit s’occuper de la morale d’une manière permanente, s’assurer si les
exercices religieux sont pratiqués le matin et le soir, comme cela se fait dans
tous les collèges bien établis.
Remarquez-le bien, l’observation
que je fais ici est toute rationnelle, car il n’est pas une seule ville en
Belgique qui n’ait désiré d’avoir dans son collège un directeur religieux,
c’est par un événement que je déplore amèrement qu’il n’en a pas été ainsi,
mais pour tous les collèges des villes, que les régences fussent libérales ou
catholiques, l’opinion a toujours été qu’il devait y avoir un régent
ecclésiastique. Ainsi nous ne ferions que suivre une opinion bien établie dans
le pays. Pourquoi reculerions-nous quand partout on demandait des régents
ecclésiastiques, et que c’est par un malentendu déplorable que les intentions
des communes n’ont pas été remplies ? Pourquoi refuser de proclamer dans la loi
ce que tout le monde avoue dans le pays ?
Si vous ne voulez dans les écoles normales qu’un enseignement de la
religion et de la morale, vous vous exposez à bouleverser toutes les
générations futures, à avoir de jeunes instituteurs qui ne répondront pas aux
besoins du pays, aux besoins manifestés par toutes les communes, par tous les
pères de famille.
M. de Mérode. - C’est précisément pour avoir confiance au gouvernement, que j’ai besoin
d’expressions très formelles dans l’article qui concerne l’élément moral et
religieux de l’école normale primaire. Messieurs, il est clair que l’esprit de
notre constitution n’est pas de remettre l’éducation au gouvernement ; c’est
l’esprit contraire qui la domine. Aussi est-ce déjà pour moi une grande
concession faite à la conciliation dont on nous a parlé plusieurs fois, que
d’accorder l’établissement de deux écoles gouvernementales. Je vous ai
suffisamment expliqué pourquoi, et comme les motifs que j’ai fait valoir n’ont
pas perdu de leur force dans la discussion, je m’abstiendrai de les reproduire
de nouveau. Je rappellerai seulement que l’article de la constitution qui
traite de l’enseignement est ainsi conçu :
« L’enseignement donné aux frais de l’Etat est réglé par la loi. »
Nulle part la constitution ne parle d’un enseignement dirigé par le ministère,
gouverné par le gouvernement, parce que rien, en effet, n’était plus
antipathique en 1830 que le monopole gouvernemental de l’éducation ; cela est
si vrai, que l’on n’a songé alors qu’à l’enseignement supérieur en promulguant
l’article, et nullement à l’enseignement primaire qu’on voulait abandonner au
zèle privé.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Le but de l’honorable comte de
Mérode, celui de M. Dumortier et le mien sont le même, c’est ce qui arrivera
dans la pratique ; mais je dis que vous ne pouvez pas aller aussi loin dans les
termes de votre loi. On m’a demandé si je nommerais un ecclésiastique
principal. Je n’hésite pas à dire : oui, si, comme gouvernement, je le faisais
librement ; non, si on me l’imposait. Je ne veux pas que cela me soit imposé
par la loi. Je veux, en un mot, que le gouvernement conserve sa liberté
d’action. Je demande que dans les termes de la loi on n’aille pas plus loin que
n’exige le système de la loi. Que d’ailleurs on veuille bien m’expliquer les
expressions :
« Un ministre du culte sera
chargé de l’éducation morale et religieuse. »
Si vous écrivez cela dans la loi,
le clergé aura, en vertu de la loi seule, l’établissement tout entier dans la
main ; c’est ce qui en résultera. Il peut en être ainsi en vertu du libre
choix, mais le gouvernement saura s’il doit laisser subsister cet état de
choses ou le faire cesser. C’est ce que je veux. Il est très possible, très
probable que si je suis appelé à exécuter cette loi, je propose au Roi de
nommer deux prêtres directeurs des deux écoles normales ; mais le gouvernement
restera libre dans son action, il saura s’il doit maintenir ou faire cesser cet
état de choses.
Voilà ce que vous n’auriez pas avec vos termes vagues, très élastiques que
vous voulez introduire dans la loi.
M. Verhaegen. - Je me félicite qu’on ait proposé cet amendement ; la tendance est
évidente, et le pays pourra apprécier si ce que j’ai dit dans le principe vient
de se vérifier. Je répète, dût l’honorable M. Dumortier le trouver mauvais, que
je ne suis pas fâché qu’on ai présenté cet amendement.
Il est évident que tout ce que nous avons dit manque complètement de base. Vous
avez voulu rester dans les principes. Vous avez voulu maintenir la disposition
constitutionnelle qui admet la liberté des cultes, vous n’avez voulu violenter
aucune conscience ; en un mot, vous avez voulu que tout le monde restât libre.
Dans mon opinion, vous avez déjà
porté atteinte à tout cela par les dispositions que vous avez admises, mais
vous y porteriez de nouveau atteinte par l’amendement de M. de Mérode, s’il
était admis.
Il ne suffit pas, d’après lui,
qu’un ministre du culte enseigne la religion et la morale ; il faut qu’il fasse
l’éducation morale et religieuse, ce qui veut dire que la direction de l’école
normale doit appartenir à un ministre du culte. Tel est le principe de M. de
Mérode, que je vois répondre par un signe affirmatif. On est donc parfaitement
d’accord ; les deux écoles normales qu’on a bien voulu concéder au gouvernement
doivent être dirigées par des ecclésiastiques.
Où donc, encore une fois,
marchons-nous ? Je voudrais savoir si vous excluez de ces écoles normales les
protestants ; si vous en excluez tous les dissidents ; et je demanderai, en
définitive, car nous allons d’exigence en exigence, si bientôt il restera
encore en Belgique un petit coin de terre où pourra se reposer un protestant,
un dissident ? La liberté des cultes est écrite dans la constitution ; mais
c’est un vain mot. Les protestants, les dissidents n’auront plus aucun droit,
aucune garantie.
M.
Dechamps, rapporteur. - Il n’y a pas de pays au monde
où ils aient plus de droits.
M. Verhaegen. - Eh bien, il doit y avoir des professeurs protestants, des professeurs
dissidents ; qui veut la fin, veut les moyens ; c’est la racine. Vous voulez
qu’un ministre du culte catholique dirige l’école normale, que l’éducation soit
morale et religieuse au point de vue catholique. Mais ce mot de morale a
soulevé de graves discussions, et l’on a eu parfaitement raison, car il faut
bien que je le dise, plusieurs d’entre vous dussent-ils le trouver mauvais, la
morale au point de vue catholique et la morale au point de vue social sont deux
morales tout à fait distinctes.
M.
Dechamps, rapporteur. - Je demande la parole.
M. Verhaegen. - Ainsi la morale catholique peut-elle mettre de côté ce principe
fondamental que la religion catholique est seule vraie, peut seule conduire au
salut ?
M. de Foere. - Je
demande la parole.
M. Verhaegen. - Je sais que l’honorable M. de Foere va me répondre par l’opinion de Dens, et je me réserve la réplique ; toutefois je maintiens
que les obligations imposées aux ministres de la religion catholique, quant à
l’enseignement de la morale religieuse, sont destructives du pacte fondamental.
Notre constitution a décrété
(art. 14) la liberté des cultes, et la morale catholique n’admet point cette
liberté. Nous irions bien loin, messieurs, si l’amendement de M. de Mérode
était admis. L’honorable M. Dumortier nous disait, il y
a quelques jours, que c’était le système de Joseph II qui avait amène avec ses
conséquences la révolution brabançonne. Eh bien, depuis 1830 nous recommençons
toutes les phases de la révolution brabançonne. Il n’y manque plus que le
dénouement ; ce dénouement ne se fera pas attendre ; mais je le crains, et vous
pourriez bien le craindre comme moi.
M. Dumortier. - Je suis peiné d’entendre le préopinant prétendre que nous avons une
tendance que nous ne voulons pas avouer. Vous avez souvent entendu l’honorable
préopinant nous reprocher d’avoir fait un procès de tendance au dernier
ministère, et maintenant c’est lui qui nous fait un procès de tendance. Je
repousse ses accusations. Nos tendances sont celles de tout le pays, de tous
ceux qui veulent pour le peuple une éducation morale et religieuse. Si
l’honorable préopinant ne veut pas d’une éducation morale et religieuse, vous
n’admettrez pas de telles tendances dans la loi, parce qu’elles ne
consacreraient pas le bonheur du peuple, qu’elles ne donneraient aucune consolation
au malheur, qu’elles ne mettraient aucun frein aux mauvaises passions.
M. le président. - M. Dumortier, je ne puis vous continuer la parole. Vous ne l’avez
obtenue que pour un fait personnel. La parole est à M. Rogier.
M. Rogier. -
L’expression consacrée jusqu’ici dans la loi est l’enseignement de la religion et de la morale ; ou veut tout à coup
y substituer les mots l’éducation morale
et religieuse. Il faut que par ces expressions on comprenne quelque chose
de plus que l’enseignement de la morale et de la religion. S’il en est ainsi,
je demande pourquoi l’on n’a pas proposé ces expressions dès le principe de la
loi, alors qu’il s’agissait de régler l’instruction dans les écoles primaires.
Là il importe que l’éducation soit morale et religieuse, aussi bien que dans
les écoles normales
L’amendement proposé, expliqué
comme il l’a été par son auteur, tend à remettre la direction des écoles
normales au clergé, Alors je ne vois pas pourquoi l’on créerait des écoles
normales de l’Etat.
Je pense avec M. le ministre de
l’intérieur qu’il ne faut pas exclure le clergé de la direction de l’école,
quand on trouve des ecclésiastiques capables de bien diriger une école normale.
Mais il ne faut pas imposer, de par la loi, au gouvernement une catégorie de
citoyens à l’exclusion de toute autre.
On a singulièrement abusé des
mots, lorsqu’on est venu nous dire que nous faisions une loi de monopole en
faveur de l’Etat. On dit que nous voulons revenir au système antérieur à 1830.
Il y a une immense différence à faite entre le gouvernement qui a précédé et
celui qui a suivi 1830. Le gouvernement qui a précédé 1830 était imposé par
l’étranger ; c’était un gouvernement antinational, et hostile au pays. Pourquoi,
avons-nous changé ? Pour y substituer un gouvernement national, le gouvernement
représentatif, le gouvernement du pays par le pays. C’est lorsque vous êtes
parvenus à l’établir que vous vous montrez constamment en défiance d’un tel
gouvernement, d’un gouvernement qui n’est que l’émanation de la majorité des
chambres, lesquelles ne sont que l’émanation de la majorité du pays.
On reproche à quelques membres de cette chambre d’être en défiance
continuelle vis-à-vis du clergé. Cette défiance n’existe pas d’une manière
absolue. Mais ne pourrait-on vous adresser le même reproche, au sujet de votre
défiance continuelle vis-à-vis du gouvernement qui est votre œuvre, qui
n’existe qu’autant que vous le voulez ; car s’il ne se fait pas tous les jours
des révolutions, vous pouvez tous les jours faire opérer des modifications
ministérielles, renverser le ministère. Je ne comprends donc pas votre défiance
continuelle du gouvernement dans ce projet de loi.
M. de Mérode. - Je demande à réfléchir jusqu’à demain ; je ne puis retirer mon
amendement sans y avoir réfléchi.
M. Fleussu. - Vous auriez dû réfléchir avant de le présenter.
M. de Mérode. - J’y ai réfléchi avant de le présenter. Quand M. Fleussu intervient dans
une discussion, tout ce qu’on dit n’y fait rien, il ne veut pas en démordre ;
moi je ne suis pas comme M. Fleussu, je ne dis pas que je veux en démordre,
peut-être retirerai-je mon amendement demain ; je ne puis pas le retirer
aujourd’hui.
Plusieurs membres. - La clôture.
M. Dumortier s’oppose à la clôture.
M.
Dechamps, rapporteur. - Je demande à dire un mot pour
qu’il n’y ait pas d’amphibologie. Je voterai pour l’amendement de M. le
ministre de l’intérieur dans ce sens que par ces mots : de la morale et de la religion, on n’entendra pas des leçons à des
heures déterminées, mais que l’on comprendra cet enseignement comme nous
l’avons compris dans toute la loi.
- La clôture est mise aux voix ;
l’épreuve est douteuse.
La discussion est continuée à
demain,
La séance est levée à 5 heures.