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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 29
novembre 1842
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions relatives au polder de Lillo
(Cogels), au droit d’entrée sur la chicorée (Cogels), à l’impôt sur la bière (de
Theux, Mast de Vries)
2)
Projet de loi fixant le contingent de l’armée pour 1843
3) Projet
de loi portant le budget des voies et moyens pour l’exercice 1843 (de La Coste). Impôt sur la bière (Savart-Martel,
Demonceau)
4)
Projet de loi tendant à ratifier la convention de commerce et de navigation
conclue avec l’Espagne (notamment droit sur les toiles en lin) (Angillis, de Roo, Dedecker, de Foere, Desmet, Rodenbach)
5)
Projet de loi portant le budget des voies et moyens pour l’exercice 1843.
Discussion générale. Equilibre général des budgets (centimes
additionnels), banque de Belgique, loi sur la comptabilité publique, impôt sur
la bière, droit d’entrée sur les laines (Lys) (),contribution
foncière (centimes additionnels), budget de la guerre, impôt sur le tabac,
assurance par l’Etat contre l’incendie (de Baillet-Latour), contribution personnelle (centimes
additionnels), assurance par l’Etat contre l’incendie (Savart-Martel),
question politique (confiance à accorder au gouvernement), équilibre général
des budgets (centimes additionnels), impôt sur le tabac (d’Hoffschmidt), (Dumortier),
droits de fanal et de pilotage à Ostende (Donny)
(Moniteur belge n°334, du 30
novembre 1842)
M.
Kervyn fait l’appel nominal à 1 heure un quart.
M. Scheyven lit le
procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M.
Kervyn présente l’analyse des pièces adressées à la
chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Félix-Antoine Pantring, lieutenant
au 11ème régiment de ligne, né à Metz (France), demande la
naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Le conseil communal de Lillo demande que la somme nécessaire pour
le barrage de la rupture de Lillo, soit allouée au budget du département des
travaux publics. »
- Sur la proposition de M. Cogels, cette
pétition est renvoyée à la section centrale du budget des travaux publics.
« Des fabricants de chicorée de diverses communes de la province
d’Anvers demandent que l’on prohibe l’entrée de la chicorée ou au moins que l’on
élève le droit actuel. »
- Sur la proposition de M. Cogels, cette
pétition est renvoyée à la section centrale qui sera chargée d’examiner le
projet de loi relatif aux droits d’entrée sur plusieurs espèces de produits.
« Des brasseurs de St.-Trond présentent
des observations contre le projet de loi tendant à modifier les bases de
l’impôt sur les bières. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet.
Sur la proposition de M. de
Theux, la chambre décide en outre que cette pétition sera insérée au Moniteur.
« Plusieurs brasseurs de Malines présentent des observations contre les
projets de loi tendant l’un à majorer de 10 centimes additionnels le principal
de l’accise des bières, l’autre à modifier la loi de 1822, relative à la
perception de l’impôt sur les bières. »
« Mêmes observations des brasseurs de Lierre et de ceux de
Tirlemont. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d’examiner le projet de
loi modifiant les bases de l’impôt sur les bières, et dépôt sur le bureau
pendant la discussion du budget des voies et moyens.
Sur la proposition de M. Mast de
Vries, la chambre décide que cette pétition sera, en outre, insérée au Moniteur.
PROJET DE
LOI FIXANT LE CONTINGENT DE L’ARMÉE POUR 1843
M. le ministre de la guerre
(M. de Liem) présente un projet de loi tendant à fixer le
contingent de l’armée au minimum de 80,000 hommes et le contingent de la levée
de 1843 à 10,000 hommes.
- La chambre ordonne l’impression de ce projet et le renvoie à l’examen
de la section centrale du budget de la guerre, considérée comme commission
spéciale.
M. Demonceau, au nom
de la section centrale du budget des voies et moyens, fait le rapport suivant :
(Ce rapport, lu en séance
plénière, a été publié dans un Moniteur subséquent. Il n’est pas repris dans la
présente version numérisée)
M. de La Coste. - Ce
n’est pas, messieurs, d’après une lecture rapide que l’on peut apprécier tous
les renseignements que renferme le rapport ; mais il me paraît que ces
renseignements sont très intéressants. Je demanderai que le rapport soit inséré
au Moniteur.
Plusieurs
membres. - C’est de droit.
M. le président. - Il ne
s’agit en ce moment que de statuer sur les conclusions de la section centrale,
c’est-à-dire le dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies
et moyens, et le renvoi à M. le ministre de l’intérieur de la pétition des
brasseurs de Louvain.
M. Savart-Martel. - Je demanderai en
même temps le renvoi à M. le ministre des finances.
M. Demonceau, rapporteur. -
Messieurs, dans cette circonstance, la section centrale ne pense pas qu’il
s’agisse de renvoyer la pétition des brasseurs de Louvain à M. le ministre des
finances, puisque c’est M. le ministre de l’intérieur qui a dans ses
attributions le droit d’autoriser la perception des impôts municipaux ; or,
c’est surtout contre les taxes établies par les villes que les brasseurs
s’élèvent, et dès lors la section centrale croit que c’est à M. le ministre de
l’intérieur que la pétition doit être renvoyée, afin qu’il examine si le décret
cité par les brasseurs de Louvain doit ou non recevoir son application dans ce
moment-ci.
M. le président. - Les
pétitions relatives aux bières ont en général deux objets : d’abord les 10
centimes additionnels qui ont été proposés, et c’est sous ce rapport que la
section centrale a été principalement saisie des requêtes dont il s’agit en en
ce moment ; l’autre objet de ces pétitions est le projet de loi concernant
l’impôt sur les bières, et de ce chef elles ont été renvoyées à la section
centrale chargée de l’examen de ce projet. La section centrale, au nom de
laquelle il vient de nous être fait rapport, n’a donc pu s’occuper des
pétitions qu’en tant qu’elles concernent le budget des voies et moyens, et elle
propose le dépôt sur le bureau pendant la discussion de ce budget. Cependant
comme les brasseurs de Louvain se plaignent de l’élévation des taxes
municipales, qui rentrent dans les attributions du ministère de l’intérieur, la
section centrale nous propose en outre de renvoyer la pétition à ce
département. Maintenant que la chambre voie si elle ne peut statuer sur ces
conclusions avant que le rapport n’ait été imprimé.
M. Savart-Martel. - Je conçois
facilement, messieurs, qu’en tant qu’elle concerne les impôts municipaux, la pétition
doit être renvoyée à M. le ministre de l’intérieur, puisque les impôts
municipaux ressortissent au département de l’intérieur ; mais il me semble que
la pétition concerne aussi jusqu’à certain point les finances de l’Etat, et
sous ce rapport je demande qu’elle soit également renvoyée à M. le ministre des
finances, Il est évident qu’il y a liaison entre les taxes municipales et les
impôts perçus au profit du trésor public ; plus les impôts municipaux grèveront
la bière, moins nous pourrons frapper cet objet, dans l’intérêt du trésor.
Je demande donc que la pétition soit également renvoyée à M. le ministre
des finances, ce qui n’empêche pas d’ailleurs l’impression du rapport.
M. Demonceau, rapporteur. - Pour
couper court à tout débat, il me semble, messieurs, que l’on pourrait faire
imprimer le rapport comme pièce séparée, et en discuter ensuite séparément les
conclusions, lorsque nous arriverons à l’article du budget des voies et moyens
qui concerne les bières.
Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
Discussion
générale
M. Angillis. -
Messieurs, les traités de commerce ont des suites incalculables sur la
prospérité nationale. De ces traités dépendent souvent la richesse ou la misère
d’un Etat. Mais sans entrer dans tous les principes d’un traité, je dirai
qu’une condition préalable est nécessaire, car sans l’accomplissement de cette
condition, il ne peut avoir aucune réciprocité, savoir : si vous voulez que je
reçoive vos produits, consentez à recevoir les miens sur le même pied ; et
alors la réciprocité, qui est la base de tous traités, sera entière et complète
; un traité de commerce est donc mauvais s’il n’est pas proportionnellement
avantageux aux deux pays.
Si je devais appliquer les règles, les principes au traité qui nous
occupe en ce moment, mon vote serait négatif et j’en dirai tantôt la raison ;
mais je considère le traité sous un autre point de vue, je le considère d’abord
comme un acte de prudence, de prévoyance administrative, comme une nécessité
enfin.
Vous savez tous, messieurs, que les Anglais sollicitent, à l’aide de
tous les moyens dont ils disposent, un traité avec l’Espagne. On conçoit que
nous avions le plus grand intérêt de traiter avec cette puissance avant les
Anglais ; car, le traité fait avec l’Angleterre, toute tentative de notre part
eût été sans succès. Nous ne pouvions pas perdre volontairement le débouché que
l’Espagne nous offre, et même au prix de quelques sacrifices, qui pourraient
plus tard être réparés. Il est toujours très difficile à une nation qui ne
compte que trois années d’indépendance réelle, d’indépendance légale, de
traiter sur le même pied avec les vieilles puissances.
Je considère encore le traité comme un premier jalon planté dans
l’Espagne avec notre drapeau, pour rappeler aux souvenirs des Espagnols nos
anciennes relations commerciales, et leur dire que nous venons leur tendre la
main avec notre antique loyauté et bonne foi commerciale, non plus comme sujets
autrichiens ou français, mais comme nation libre et indépendante, qui a préféré
sa liberté à quelques intérêts matériels.
C’est ainsi, messieurs, que je considère le traité, car si je le
considérais sous le rapport des avantages et des pertes, je le rejetterais. Et
voici une partie de mes motifs : je dis une partie, parce que dans la séance
d’hier on est entré dans tous les détails, et mon intention est d’abréger la
discussion autant que possible.
Depuis le traité de Vienne, tous les Etats du continent ont voulu imiter
les Anglais, et sans examiner la position de l’Angleterre, sa supériorité
naturelle préexistante, ni ce que lui a coûté cette apparente prospérité,
toutes les nations ont voulu devenir à la fois manufacturières, et, pour faire
triompher cette résolution, elles ont élevé entre elles, des barrières
artificielles et se sont soumises volontairement à des taxes exorbitantes. Mais
après 26 ans d’essais et de sacrifices, ou s’est aperçu que les hauts droits
protecteurs et l’appât de la prime ont bien fait éclore une foule d’industries,
mais n’ont amené aucun grand résultat.
Maintenant on semble revenir à des idées plus saines, on commence à
comprendre que la vraie richesse nationale consiste à tirer tout le parti possible
de ses ressources naturelles, de perfectionner ses produits et ses méthodes de
culture, augmenter ses moyens de communications intérieures, de s’assurer de
nouveaux débouchés en multipliant ses échanges sur les marchés étrangers contre
des objets que l’on ne produit pas chez soi, et établir ainsi un bon système
d’échanges avec les nations industrielles ; car maintenant, dis-je, plusieurs
Etats se montrent plus disposés à faire des traités de commerce.
En effet, messieurs, l’isolement ne peut convenir à aucun peuple, et
beaucoup moins encore à la Belgique qu’à quelques autres nations.
Durant la guerre continentale, nos manufactures ont pris un
accroissement extraordinaire. ; nous n’étions point
gênés par la douane, le grand empire nous ouvrit un débouché immense, lors de
notre réunion à la Hollande, à l’aide de ses colonies, le trafic était encore
très considérable, mais pour ainsi dire artificiel, parce que dans la Belgique
les manufactures et les fabriqués sont évidemment hors de toute proportion avec
la masse des consommateurs. Depuis notre émancipation politique, la Belgique,
resserrée dans des limites de peu d’étendue, entourée de voisins qui veulent
exclure chez eux toute concurrence étrangère, a dû souffrir et souffre encore
de cet état de choses, autant et plus même que tout autre pays. Notre pays
n’est cependant pas sans de grands avantages pour le commerce ; le prix modéré
de la main-d’œuvre, la possession de grands capitaux, la perfection de nos
fabriques, l’active industrie de nos habitants, les produits de notre sol
enfin, sont des éléments de prospérité qu’aucune nation ne peut nous disputer.
Mais, pour tirer tout le parti possible de nos ressources et de notre
situation, il faut de bons traités de commerce avec les autres nations.
Le traité qui fait l’objet de la présente délibération accorde-t-il à la
Belgique une due compensation en échange des avantages que l’on concède à
l’Espagne ? Non, évidemment non ; la section centrale a démontré en peu de mots
que le traité n’atteint pas le but que l’on s’était proposé, et la section
centrale a raison.
La qualité de toiles que nous expédions le plus en Espagne, c’est celles
qui comptent moins de 12 fils au quart de pouce, et c’est précisément cette
classe qui n’a obtenu aucune réduction.
En combinant les deux classes sur lesquelles nous avons obtenu un
avantage par le traité, nous trouvons que les toiles appartenant à ces deux
catégories sont imposées raison de 21 p. c., et en y ajoutant : 1° 6 p. c. pour
droit d’octroi, et 2° 1/3 du prix principal pour droit de consommation, on
arrivera à un impôt de 34 p. c. ; et ce n’est pas tout, on exige encore 1/3 de
plus sur l’impôt principal lorsque les toiles sont importées en Espagne
autrement que par des navires espagnols, c’est ce qui arrivera presque toujours
; voilà donc un impôt qui s’élèvera à 41 p. c. de la valeur réelle.
Une seule classe, la troisième, celle de 27 fils et au-delà, présente
des avantages pour des motifs que je n’expliquerai pas ; mais malheureusement
sur cent pièces que nous expédions en Espagne, il en est à peine une de cette
classe ; non pas précisément que le lin nous manque pour fabriquer des toiles
de cette qualité, tel qu’on l’a soutenu hier, mais parce les commandes nous
manquent.
Messieurs, comme un projet, plus important
peut-être, est à l’ordre du jour, et que les moments de la chambre sont très
précieux, je ne prolongerai pas mes observations, et je finirai en disant que
je voterai pour le projet.
M. de Roo. - Je ne
croyais pas prendre la parole dans la discussion actuelle ; mais, ayant fait
partie de la section centrale, ayant voté pour le traité que je vois attaquer
actuellement, je me trouve dans le besoin de le soutenir et de répondre aux
objections qu’on y fait.
On a commencé à en demander l’ajournement, en étayant cette demande sur
une question que l’on fit, soit à la chambre, soit au ministère, soit à la
section centrale, si toutefois le traité n’était point contraire à des
industries indigènes. On cita principalement l’industrie huilière. Mais on
répliqua aussitôt que l’huile espagnole, n’était bonne qu’à lustrer les draps
et que c’était une spécialité que l’industrie huilière du pays ne pouvait en
souffrir.
La chambre fit bientôt droit à cette demande et la rejette à la
presqu’unanimité.
Maintenant, au fond, le traité sera-t-il favorable au pays, ou ne le
sera-t-il pas ?
Nous savions tous qu’il aurait pu être meilleur. Il n’est pas besoin
qu’on nous le dise. Le ministère a suffisamment fait connaître qu’il ne
l’ignorait pas, mais qu’il n’a pu obtenir que ce qu’il a obtenu, sauf à faire
un traité ultérieur, qu’il espérait que les intérêts réciproques des deux pays,
mieux sentis, amènera une meilleure conclusion ; mais pour le moment, que
c’était tout ce qu’on pouvais faire et obtenir.
Mais le traité, tel qu’il existe, est il avantageux au pays ? Nul doute,
messieurs ; il nous ouvre un débouché vers l’Espagne, ce que nous ne devons pas
rejeter. Une partie de nos toiles, comprise dans les numéros indiqués au
traité, y auront accès, où elles étaient exclues jusqu’ici. Nos relations
auront lieu directement avec ce pays, ce qui n’est pas à dédaigner, et qui vaut
mieux que par une voie indirecte, comme elles existent actuellement. On les
achètera à meilleur compte, et elles feront ainsi plus de concurrence aux
marchandises similaires étrangères, introduites dans ce même pays.
Un point que l’on n’a pas traité, c’est qu’une autre industrie y
trouvera également son avantage ; c’est celle des blanchisseries. Jusqu’ici nos
toiles étaient introduites en Espagne par l’intermédiaire de la France, et la
France prohibant nos toiles blanches, elle les faisait blanchir chez elle.
Maintenant, nous les blanchirons nous-mêmes, et c’est bien là un double
avantage.
Quant à la navigation, il est vrai de dire que le traité est plutôt un
traité de commerce que de navigation. Mais la navigation se trouve-t-elle dans
un état plus désavantageux vis-à-vis de l’Espagne qu’elle n’était auparavant ?
Nullement. Notre navigation était nulle avec l’Espagne, par les hauts droits qu’elle
supportait. Maintenant elle est mise à l’égal des autres nations ; le traité
qui l’excluait est changé. Il y a donc avantage sous ce rapport.
Mais, dit-on, la navigation espagnole est mieux traitée que la nôtre, il
est vrai ; mais y a-t-il si grand mal de voir arriver les bâtiments espagnols
faire le commerce direct avec notre pays, nous acheter nos matières fabriquées,
plutôt que de voir les bâtiments anglais et français nous enlever notre matière
première, pour l’exporter ensuite fabriquée en Espagne ?
On oublie continuellement que le commerce de toiles, qui est l’objet
principal, y gagnera sans nuire à aucune autre industrie. C’est déjà beaucoup.
Mais les sacrifices que l’on fait compenseront-ils les avantages ?
Les sacrifices, messieurs, ne sont pas exorbitants. On peut en avoir le
relevé par les pièces qui se trouvent sur le bureau, et ils seront suffisamment
compensés par les arrivages qui nous arriveront en plus grandes quantités pour
les faveurs que nous leur ferons.
Il ne s’agit donc uniquement que d’accepter
ou de rejeter le traité tel qu’il est conçu, nous n’avons pas le droit de le
modifier. Pour le rejeter, je ne vois aucun motif ; pour l’accepter, plus
d’une raison plausible m’y détermine, et je tiendrai ce dernier parti.
M. Dedecker, rapporteur. -
Messieurs, les discours qui ont été prononcés à la fin de la séance d’hier
m’engagent à présenter quelques nouvelles considérations à l’appui des opinions
qui ont été émises au sein de la section centrale, lorsqu’elle a procédé à
l’examen du traité conclu avec l’Espagne.
Messieurs, il me semble que les observations que les honorables MM. de
Foere et Osy vous ont soumises hier, ont détourné la discussion du véritable
terrain sur lequel, suivant moi, elle doit être placée Ces honorables membres
ont persisté à examiner la convention exclusivement au point de vue de notre
navigation.
Je pense que l’intention des deux parties contractantes a été de faire,
avant tout, un traité de commerce, destiné à favoriser l’exportation de
certains produits industriels des deux pays. Examinons donc quelle est, au
point de vue respectif, la véritable portée du traité que nous discutons en ce
moment.
La Belgique exporte principalement en Espagne deux catégories de toiles,
les toiles dites brabantes
au-dessous de 12 fils, et les toiles dites cretones qui vont de 12 fils à 18
par quart de pouce espagnol.
Quant aux toiles de la première catégorie, la section centrale a
manifesté son regret de voir que le gouvernement n’a pu obtenir aucune réduction
sur les droits complètement prohibitifs établis sur ces toiles par le tarif
espagnol en vigueur. L’honorable M. Delehaye a cité cet exemple comme devant
être imité par les autres nations. Messieurs, je crois qu’il faut ici
distinguer : sans doute l’Espagne, comme tous les pays, nous apprend qu’il faut
encourager, protéger le travail national ; mais cet exemple n’est pas à imiter,
en ce sens qu’il ne faut pas que cette protection soit poussée jusqu’à imposer
des droits exorbitants qui n’ont d’autre résultat que de fournir un appât à la
fraude, sans utilité pour le travail national, et au grand détriment du trésor
public.
Messieurs, la stipulation du traité véritablement avantageuse à la
Belgique est celle qui concerne la catégorie des toiles de 12 à 18 fils par
quart de pouce espagnol. Les renseignements que j’ai obtenus des principaux
expéditeurs de toiles vers l’Espagne me permettent de donner à la chambre
l’assurance qu’une fois la convention du 2 octobre mise à exécution, il y aura
possibilité d’exporter d’une manière régulière les toiles dont il s’agit, et
qui constituent une très forte partie de nos expéditions vers l’Espagne.
Cependant, messieurs, je dois renouveler ici l’observation que nous
avons faite dans le rapport de la section centrale ; savoir, que la jouissance
de cet avantage ne nous est pas complètement assurée. La fraude que
l’Angleterre exerce sur les côtes d’Espagne, où cette fraude est très facile,
cette fraude est devenue si audacieuse que M. le ministre de la guerre
d’Espagne a adressé le 21 juin 1841, une circulaire à tous les
capitaines-généraux, circulaire dont voici le préambule :
« L’attention du régent du royaume a été vivement appelée sur la
contrebande scandaleuse qui a lieu sur les côtes et les frontières, et qui,
s’étendant ensuite dans les provinces de l’intérieur, ruine le commerce de
bonne foi, diminue sensiblement le produit des revenus publics, et, ce qui est
encore plus grave, répand la démoralisation la plus complète parmi des
populations entières, et donne lieu à toute espèce de crimes »
Ces abus de la contrebande sont si grands qu’on n’a pas craint
d’introduire en Espagne une chose qui peut-être ne se voit dans aucun pays.
L’armée est employée au service de la douane.
L’art. 1er de cette circulaire porte : « Dans les capitales des
districts militaires, on formera une junte composée du capitaine général, de
l’intendant, de l’assesseur de la subdélégation des revenus, d’un colonel et
d’un officier. »
L’art. 3 dit, « qu’après déduction des droits
auxquels les objets saisis sont soumis, la totalité des prises sera accordée
aux forces de l’armée destinées à la poursuite de la contrebande. »
Il faut donc bien que la crainte manifestée par la section centrale, de
voir les avantages que promet la convention neutralisés par la contrebande,
soit fondée, puisqu’en Espagne même on a cru devoir prendre des moyens extrêmes
pour prévenir le scandale de la fraude.
Messieurs, vous avez remarqué, sans doute, que si, d’un côté nous
n’accordons des diminutions de droits aux fruits espagnols que pour autant
qu’ils soient importes par pavillon belge ou espagnol, la réduction des droits
sur les tissus de lin est applicable, quel que soit le mode d’importation de
vos tissus en Espagne. C’est un avantage qu’on n’a pas encore signalé, et je
félicite le gouvernement d’avoir inséré cette clause dans la convention ; car
ma conviction particulière est, qu’en dépit des efforts tentés pour établir des
relations directes entre l’Espagne et la Belgique, d’ici à longtemps encore le
commerce de toiles de la Belgique avec l’Espagne continuera à se faire par la
France. Il y a pour cela plusieurs raisons. La principale
est qu’en matière de commerce on n’improvise pas des relations de peuple a
peuple ; et depuis longtemps notre commerce avec l’Espagne se fait par
l’intermédiaire de la France. D’ailleurs je crois que nos négociants
expédieront ensemble vers l’Espagne et les toiles de 12 à 18 fils, qui
acquitteront les droits stipulés dans la convention, et les toiles dites brabantes, qui
s’y infiltreront au moyen du commerce interlope des négociants français.
Aussi n’ai-je pas compris pourquoi M. de Foere a semblé croire que sous
le rapport commercial, la convention qui nous occupe pouvait avoir des suites désastreuses
en assurant le monopole de notre commerce avec l’Espagne à la navigation
espagnole. Je ne vois pas pourquoi ce commerce serait fait exclusivement par la
navigation espagnole. Est-ce à cause de la faveur spéciale qui lui est accordée
pour les importations de nos toiles en Espagne ? Mais cette faveur, elle en
jouit aujourd’hui. Comment se fait-il que, malgré cette faveur, le commerce de
la Belgique avec l’Espagne ait lieu par terre, avec tous les frais qu’entraîne
le roulage français ?
Aujourd’hui, la statistique de l’année dernière en fait foi, pas une
seule aune de nos tissus de lin, écrus, blanchis ou teints, unis ou à carreaux,
n’est entrée directement en Espagne par navire espagnol. Il n’y a là rien
d’étonnant. L’article des toiles n’est pas un article d’encombrement. Il peut
servir à compléter une cargaison, mais il ne peut pas constituer, à lui seul,
un élément de navigation non interrompue.
Est-ce à cause de la faveur accordée sur les fruits importés d’Espagne
en Belgique ? La quantité des fruits que nous expédie l’Espagne est si peu
importante, qu’en tenant compte de l’augmentation que la convention du 2
octobre pourrait apporter dans ces expéditions, je n’y vois pas encore des
éléments de navigation. D’après le tableau statistique pour 1841, dressé par le
gouvernement et déposé sur le bureau, nous voyons que pour les huiles d’olive
les importations de tous les pays autres que l’Espagne se sont élevées à 3,535
hectolitres, et les importations d’Espagne ne se sont élevées qu’à 553
hectolitres, soit 1/6. Pour les figues, les importations des pays autres que
l’Espagne ont été de 611,482 kil. Et les importations
d’Espagne ont été de 188,980 kil., soit 1/5. Pour les
raisins verts et secs les importations des pays autres que l’Espagne ont été de
224,218 kil. et les importations d’Espagne de 146,166 kil., soit la moitié. Pour les diverses espèces d’amandes,
les importations autres que l’Espagne ont été de 151,115 kil.,
et les importations d’Espagne n’ont atteint que le chiffre minime de 1,634 kil.
Pour les fruits verts et secs non spécialement tarifés, les importations des
pays autres que l’Espagne ont été d’une valeur de 413,250 fr. et celles
d’Espagne seulement de 45,350 fr., le 8ème environ.
Vous voyez qu’ici encore ces quantités ne sont pas suffisantes pour
engager la navigation espagnole à se diriger de préférence vers la Belgique.
Ensuite, il ne faut pas oublier que le commerce des fruits n’a lieu que pendant
quelques mois ; c’est un commerce de saison, surtout celui des fruits verts.
Il n’y a donc pas là matière à un commerce régulier pendant toute
l’année. De plus, il faut pour ce commerce des navires spéciaux, des navires
fins-voiliers, afin que les fruits qui sont susceptibles de se gâter
promptement ne restent pas longtemps en mer, car la plus petite avarie peut
déprécier toute une cargaison. Supposons cependant que les réductions de droit
stipulées par la convention provoquant une augmentation d’importation des
fruits de l’Espagne, ou le commerce de transit s’étendant, le mouvement des
navires espagnols vers la Belgique vînt à se développer, je me féliciterais de
ces relations directes que nous aurions ainsi établies avec l’Espagne.
L’honorable M. de Foere devrait s’en féliciter aussi. Sans doute il serait
préférable que notre marine pût participer au bénéfice de ces relations
directes avec l’Espagne ; mais en attendant qu’il en soit ainsi, il serait
toujours à désirer que nous eussions ces relations directes par navires
espagnols. Ce serait déjà un premier avantage.
Messieurs, la section centrale espère que
l’art. 3 de la convention aura pour effet de développer tant soit peu notre
marine marchande, par les avantages stipulés à l’art. 5 en faveur du pavillon
belge et ou pavillon espagnol.
Voici comment elle explique sa pensée.
« La perspective de retours avantageux est le principal mobile des
expéditions maritimes ; c’est un fait connu de tous. Aujourd’hui, que nous
n’avons presque pas d’avantages pour l’importation des fruits espagnols, nous
allons déjà chercher ces fruits ; on construit même en ce moment, si mes
renseignements sont exacts, différents navires fins voiliers dans ce but. Il me
paraît évident que ces navires se dirigeront de préférence vers l’Espagne,
quand ils seront favorisés par une réduction de droit sur ces fruits. Un autre
motif qui engagera notre navigation à se porter vers l’Espagne, c’est qu’elle
trouve encore un article de retour dans ces contrées, le sel de Portugal.
L’importation de ce sel, l’année dernière, s’est élevée à près de deux millions
de kilogrammes. C’est un avantage que n’a pas la navigation espagnole, car le
sel portugais, et même tous les sels que nous recevons des différents pays de
l’Europe, nous viennent exclusivement par navires belges, favorisés par des
droits différentiels sur cet article. Avec ces retours, qui ne sont pas bornés
à une seule saison, comme ceux que la marine espagnole a à sa disposition nous
avons l’espoir d’établir des exportations directes par navires belges. »
Je sais bien que M. de Foere ne croit pas à ce résultat, parce que les
navires espagnols sont protégés par les droits de navigation pour l’importation
dans leur pays de produits étrangers. Mais il est à remarquer que cet avantage
pour le pavillon espagnol existe déjà, et qu’il n’a pas été de nature à engager
leurs navires à se diriger vers nos ports pour y prendre une cargaison de
toiles, Notre navigation n’est pas tant favorisée, c’est vrai, mais nous
expédions bien nos toiles à travers la France, et certes le transport de nos
toiles par notre navigation serait, en tout cas, plus économique que par la
voie de terre, que par le roulage français.
Ainsi, voilà quelle sera la conséquence du traité que nous discutons.
Pour l’exportation de nos toiles, je suis convaincu qu’elle continuera à se
faire en majeure partie par voie de terre. Pour ce qui regarde l’importation
des fruits espagnols, je crois encore que les réductions de droit stipulées ne
seront pas suffisantes pour encourager la navigation espagnole à venir dans nos
ports. Je crois que si des relations directes viennent à s’établir entre
l’Espagne et la Belgique, ce seront surtout les navires belges qui les
exploiteront. Je crois que les navires du Nord, qui naviguent avec plus
d’économie que ceux d’aucun autre pays et qui nous apportent aujourd’hui les
produits de l’Espagne, continueront à nous en apporter.
En résumé, sous le rapport de la navigation, le traité ne me paraît
devoir avoir de résultat important ni pour l’un ni pour l’autre pays, parce
que, dans ce moment, il n’existe pas entre eux d’élément suffisant de commerce
régulier et continu. Mais la grande question dans nos rapports avec l’Espagne
n’est pas celle du commerce que nous pouvons faire avec la métropole espagnole,
c’est la question de ses colonies. Or, cette question
reste intacte, elle n’est pas tranchée par le traité. Aussi, crois-je devoir,
en terminant, appeler sur ce point l’attention très sérieuse du gouvernement,
afin que, lorsqu’il s’agira de régler nos rapports commerciaux avec les
colonies espagnoles, il sache défendre les intérêts de notre commerce et de notre
navigation avec intelligence et fermeté.
M. de Foere. -
L’honorable membre qui vient de parler a soutenu que le statu quo était
maintenu envers l’Espagne. Nous avons exprimé la même opinion dans la séance
d’hier. Il a soutenu en même temps dans son rapport que la convention, telle
qu’elle est conçue, sera un moyen de développer notre navigation commerciale
vers l’Espagne, et il ajoute, dans la séance d’aujourd’hui, que jusqu’à présent
aucune aune de toile belge n’a été importée en Espagne par la navigation
maritime, ou que nos toiles sont importées en Espagne par le roulage à travers
la France. Il pense aussi que, malgré la convention, nos toiles continueront
d’être importées en Espagne par voie de terre. Il y a dans ces assertions des
contradictions manifestes. Comment notre navigation vers l’Espagne se
développerait-elle au moyen de la convention, alors que nos bites continueront
d’être exportées par la voie de terre ?
M. Dedecker. - En
majeure partie.
M. de Foere. -
Ensuite l’honorable membre est dans l’erreur lorsqu’il croit qu’aucune aune de
nos toiles n’est importée par navigation dans les ports d’Espagne. Une partie
de nos toiles, qui ne sont pas matière d’encombrement sont envoyées par mer,
par navires français ou autres, dans un port de France voisin de l’Espagne, où
les navires espagnols viennent les charger, afin qu’en entrant en Espagne elles
ne soient pas grevées des énormes droits différentiels que pèsent sur les
importations faites par navires étrangers. Nos relations à cet égard resteront
sur le même pied, puisque le statu quo est maintenu. C’est la raison pour
laquelle j’ai soutenu, contre l’opinion de la section centrale, que la
convention ne renfermait pas les moyens de développer notre navigation maritime
avec les ports d’Espagne. Nous ne pourrons rien importer dans ces ports par nos
navires ; ils continueront d’en être exclus par les droits qui les atteignent.
Ensuite, l’honorable membre s’est appuyé sur la considération que nous
consommons fort peu de fruits d’Espagne. Mais quel est le but de la convention
? C’est, dans l’intérêt de l’Espagne, d’augmenter cette consommation par la
réduction des droits sur ses fruits ; car, sans cette prévision, la convention
resterait sans but du côté de l’Espagne. Ses produits obtiendront dans notre
consommation une faveur dont ne joueront pas les mêmes produits des autres
pays. La navigation espagnole pourra importer ces produits dans nos ports,
attendu qu’elle seule pourra prendre chez nous des cargaisons de retour.
Donc, contrairement à l’opinion de la section centrale, notre navigation
n’aura pas, par suite du traité, un moyen de se développer vers les ports
d’Espagne.
Le sel du Portugal, dit l’honorable membre, pourra constituer un retour.
Quand vous ne pouvez pas entrer dans les ports d’Espagne avec des marchandises,
il faudrait donc aller à vide chercher du sel en Portugal ;
ces opérations ne sont pas avantageuses. Ce qui le prouve, c’est que dans le
statu quo actuel rien ne vous empêche de charger du sel en Portugal ; cependant
nous allons le chercher en grande partie à Liverpool. Il en serait autrement,
si nous pouvions transporter des marchandises en Espagne ; alors nos navires
pourraient prendre en retour les produits de ce pays, et, à leur défaut, ils
pourraient prendre du sel en Portugal. Au surplus, la convention n’établit pas
de relations avec le Portugal ; il est donc inutile de placer la question sur
ce terrain.
M. Desmet. - Comme
j’ai eu l’honneur de le dire hier, pour moi la principale portée du traité est
de rétablir nos relations avec l’Espagne. Mais un autre point important,
d’après moi, c’est l’exécution de l’art. 5 ; c’est de trouver le moyen
d’indiquer l’origine des toiles. Nous avons perdu nos relations avec l’Espagne
; pour qu’elles se rétablissent, il nous faut y envoyer des anciennes toiles de
Flandre ; et il faut que, quand nous les exportons, leur origine de Flandre
soit indiquée. Pour exécuter à cet égard le traité, on sera obligé d’avoir des
marques d’origine.
Hier, l’honorable M. Delehaye a exprimé la crainte que le gouvernement
ne se montrât trop difficile pour la sortie des toiles, et qu’en faisant
déballer, il ne gênât le commerce. Je ne partage pas cette crainte. Je crois
que jamais le gouvernement ne vexera le commerce, qu’il fera tout, au
contraire, pour avantager nos exportations. Le plus important, je le répète,
c’est l’estampille, la marque d’origine. J’espère que le gouvernement ne
négligera rien pour établir cette marque, afin qu’il n’y ait pas de doutes, en
Espagne, sur l’origine des toiles que nous y envoyons. C’est d’autant plus
nécessaire qu’il y a en Angleterre des maisons qui envoient en Espagne des
toiles d’Angleterre qu’elles font passer pour des toiles de Belgique.
Je saisirai cette occasion pour engager le commerce à n’envoyer en
Espagne que de bonnes toiles. S’il en est ainsi, je ne doute nullement que nous
ne recouvrions ce que nous avons perdu par le commerce anglais.
Je regrette vivement que, dans le projet de loi relatif aux droits de
sortie, il n’ait pas été proposé un droit de sortie sur les lins ; car si nous
conservions les bons lins, il nous serait plus facile d’envoyer de bonnes
toiles à l’étranger.
Aussi bien en France qu’ailleurs on revient
décidément aux bonnes toiles. C’est ainsi qu’on a vu en France deux régiments,
après avoir demandé de la toile ordinaire, en revenir à demander de l’ancienne
toile de Belgique.
Je termine en renouvelant le vœu que le gouvernement ait soin de veiller
à ce qu’il y ait une marque sincère pour nos toiles.
M. Rodenbach. - On dit que les
fruits secs importés en Belgique par l’Espagne ne forment que le sixième de la
consommation du pays, et qu’il faut craindre qu’il ne nous en arrive beaucoup
plus. Pour moi, je forme le vœu que les importations d’Espagne satisfassent à
tous les besoins de la consommation. Pourquoi formé-je ce vœu ? Parce que les
navires espagnols qui viendront dans le pays ne partiront pas à vide ; ils
exporteront nos toiles. C’est ce que nous devons désirer. Pour moi, je félicite
le ministère d’avoir conclu ce traité, qui, assurant aux deux pays des
avantages mutuels, leur promet le rétablissement de leurs anciennes relations.
Je me bornerai à ce peu de mots.
- La discussion est close.
Vote sur
l’article unique et sur l’ensemble du projet
Le préambule et l‘article unique du projet de loi sont successivement
adoptés dans les termes suivants :
« LEOPOLD, Roi des Belges, à tous présents et à venir, salut.
« Vu l’art. 68 de la constitution, ainsi conçu :
« Les traités de commerce et ceux qui pourraient grever l’Etat ou lier
individuellement des Belges, n’ont d’effet qu’après avoir reçu l’assentiment
des chambres. »
« Nous avons, de commun accord avec les chambres, décrété et nous
ordonnons ce qui suit :
« Article unique. La convention conclue entre la Belgique et
l’Espagne, signée à Bruxelles le 25 octobre 1842, sortira son plein et entier
effet. »
Il est procédé à l’appel nominal sur l’ensemble du projet de loi ; en
voici le résultat :
Nombre des votants : 78.
77 votent pour l’adoption.
1 (M. de Garcia de la Vega) vote contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l’adoption : MM. Angillis, Brabant, de La Coste, Cogels,
Coghen, Cools, de Baillet, de Behr, Dedecker, de
Florisone, de Foere, Delehaye, Delfosse, de Man d’Attenrode, de Meer de
Moorsel, Demonceau, de Nef, de Potter, Deprey, de
Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Theux, Devaux, de Villegas,
d’Hoffschmidt, Savart-Martel, Donny, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier,
Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Henot,
Hye-Hoys, Huveners, Jadot, Jonet, Kervyn, Lange,
Lebeau, Liedts, Lys, Maertens, Malou, Manilius, Masi de Vries, Meeus, Mercier,
Morel-Danheel, Nothomb, Osy, Peeters, Pirmez, Pirson, Raikem, Raymaeckers,
Rodenbach, Scheyven, Sigart, Smits, Trentesaux, Van Cutsem, Vandenbossche,
Vanden Eynde, Vandensteen, Vanderbelen, van Hoobrouck, Van Volxem, Verhaegen,
Vilain XIIII, Wallaert et Zoude.
Discussion
générale
M. le président. -
L’ordre du jour appelle en second lieu la discussion générale du budget des
voies et moyens.
Je demanderai à M. le ministre des finances s’il se rallie aux
propositions de la section centrale.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Nous avons examiné les propositions faites par
la section centrale, et nous croyons que la discussion doit s’établir sur le
projet du gouvernement.
M. le président. - Dans
ce cas, les propositions de la section centrale seront considérées comme
amendements, et la discussion s’établira sur le projet du gouvernement.
La discussion générale est ouverte.
M. Lys. -
L’honorable rapporteur des voies et moyens de 1841 vous l’a déjà dit,
messieurs, la chambre ne connaîtra la situation réelle du trésor qu’après
qu’elle aura été mise à même de régler par des lois, conformément à l’art. 115
de la constitution, les comptes des exercices clos. Jusque-là, nous ne pouvons
que fort imparfaitement apprécier notre actif et notre passif.
Rendons néanmoins justice au ministère précédent ; il avait
courageusement signalé le mal et proposé le remède, il vous indiquait
l’accroissement de ressources qu’il fallait trouver immédiatement, par la voie
de l’impôt, pour parer au déficit que présentait le budget de 1841. Le
ministère actuel, en présentant le budget de 1842, ne voulut point reconnaître
le déficit indiqué par celui que l’avait précédé ; il vint nous entretenir dans
une bien douce illusion en nous disant : Nous n’aurons recours à aucun impôt
nouveau ni à aucune nouvelle charge pour les contribuables ; les dépenses pour
lesquelles nous venons vous demander des allocations, sont couvertes par les
recettes portées au budget des voies et moyens.
L’équilibre nous paraît tellement assure que je n’hésiterais pas de
prendre à forfait les revenus présumés, nous disait M. le ministre des
finances. Vous le voyez, messieurs, on espérait de fortes augmentations sur nos
revenus, on ne prévoyait de diminution sur aucune de nos recettes.
Le résultat nous a largement prouvé le contraire, et je n’entreprendrai
point de discuter les deux motifs allégués et qui auraient prétendument arrêté
l’augmentation du produit des impôts ; ils sont trop futiles, l’opinion
publique en a déjà fait justice, et je me dispenserai ainsi de rappeler le
malheur le plus déplorable non seulement pour la France, mais pour toute
l’Europe.
Le budget qui vous est présenté aujourd’hui prouve la sagesse du
ministère précédent et combien le ministère actuel versait dans l’erreur,
lorsqu’il nous disait qu’il conservait l’espoir qu’à l’aide de quelques
améliorations dans nos produits et d’une sage économie, notre situation
financière se trouverait bientôt dans un état prospère.
Nous sommes dans une mauvaise voie, qui nous entraîne chaque année à
accroître notre dette et nous force, par suite, à augmenter les impôts déjà si
lourds et dont le chiffre était déjà énorme.
De là, messieurs, déficit dans le passé, dans le présent et dans
l’avenir.
Dans le passé, il est incontestable.
Dans le présent, le budget vous le prouve.
Dans l’avenir cela résulte nécessairement des emprunts que nous faisons,
de la mauvaise administration de la fortune publique, ainsi qu’il me sera
facile de le démontrer ; et en effet, messieurs, on réduit un capital de quatre
millions placé, au taux de cinq p. c., au taux de deux
p. c. ; immédiatement on met en circulation des bons du trésor au taux de 4 1/2
et 5 p.c.
Vous empruntez par centaine de millions au taux de cinq p. c., et vous conservez des domaines, j’entends des forêts,
qui, frais d’administration déduits, ne vous rapportent pas un p. c.
Il est certain que la vente de nos forêts domaniales produira à l’Etat,
non seulement le prix des évaluations faites par le gouvernement, mais une
somme plus considérable.
Ces immeubles, étant aliénés, donneraient un revenu à l’Etat, non
seulement par le prix réalisé, mais par le produit de la contribution foncière
dont ils seront grevés, par les mutations, soit par vente, sot par succession,
tellement qu’il serait vrai de dire, qu’en les abandonnant gratuitement, le
trésor public ferait encore une excellente affaire.
Remarquez, messieurs, qu’on a la bonhomie de venir vous dire qu’en
agissant ainsi avec la banque de Belgique, ou a traité avantageusement pour
l’Etat, que c’est là un acte de bonne administration.
Quant à moi, messieurs, je ne crois pas que je me trompe, mais il me
semble positif que si les quatre millions avaient été versés dans les caisses
de l’Etat, le gouvernement en aurait disposé ; au lieu d’émettre des bons du
trésor, il se serait servi de ces quatre millions ; or, comme ces bons du
trésor coûtent à l’Etat 4 1/2 ou 5 p. c. d’intérêt, il aurait évité cette
dépense, tandis qu’en les laissant dans les caisses de la banque de Belgique,
il n’a joui que de 2 p.c. d’intérêt. Qui paie cinq et reçoit deux me paraît
perdre 3 p. c. De là perte pour l’Etat, de ce chef, en 1842, de cent mille
francs.
Qu’arriverait-il à un père de famille qui réglerait ainsi
l’administration de ses biens ?
C’est qu’en bien peu d’années son capital serait disparu, et il serait
par là réduit à la misère.
L’opération faite par M. le ministre des finances avec la banque de
Belgique a fait perdre en intérêts, pour 1842, la somme de cent mille francs,
et continuant à agir ainsi pour 1843, la perte en intérêts sera de 120 mille
francs ; et on appelle une pareille gestion du nom de celle d’un bon père de
famille.
La banque de Belgique offrait, nous a-t-on dit, le remboursement du
capital de 4 millions lui prêté à intérêt de 5 p.c. l’an. Le ministre n’a pas
cru devoir accepter ce rachat et a préféré passer ce capital en compte courant
avec la banque de Belgique, à un taux de 2 p.c. Ainsi, sans bourse délier,
cette banque a gagné annuellement 120 mille francs, et le ministère a continué
pendant l’an 1842, à émettre des bons du trésor, sur lesquels il payait
l’intérêt au taux de 4 1/2 et 5 p. c. en laissant ses fonds à la banque de
Belgique au taux de 2 p.c., opération qui se continue encore en ce moment.
Je conteste à M. le ministre des finances le droit d’en agir ainsi ; une
loi a autorisé le prêt de 4 millions fait à la banque de Belgique, au taux
d’intérêt de 5 p. c. ; si la banque de Belgique voulait se libérer, les fonds
devraient rentrer au trésor, et si ces fonds avaient fait partie de l’exercice,
nul doute qu’ils eussent été employés, et que par suite l’émission des bons du
trésor aurait subi une réduction à concurrence de ce capital ; et des lors le
trésor aurait joui d’un intérêt de 4 a 5 p. c.
Pour démontrer, messieurs, que l’arrangement avec la banque de Belgique
est onéreux au pays, je n’ai qu’un fait à citer.
C’est en avril qu’il a eu lieu, d’après l’annonce qui en a été faite par
M. le ministre des finances et au mois de juin suivant, le ministère augmentait
l’intérêt, à payer par le trésor, sur les bons dits du trésor.
A cette époque, le ministère devait donc employer les 4 millions qui
étaient à sa disposition à la banque de Belgique, car il aurait économisé sur
les 5 p. c. d’intérêt à qu’il offrait alors, puisqu’il n’en recevait que deux.
L’opération faite avec la banque de Belgique est un simulacre de
remboursement ; c’est tout simplement un avantage fait d’une manière indirecte,
mais qui est très réel. Je ne pense pas que la cour des comptes adopte une
pareille réduction d’intérêts, je ne pense pas que vous le sanctionniez jamais.
Pour l’Etat qui en agit ainsi, la ruine est le résultat inévitable.
Pour remédier en partie aux abus résultant de notre situation actuelle,
il faut que la loi de comptabilité, si impatiemment attendue, vienne mettre un
terme aux irrégularités et aux abus que la cour des comptes signale dans ses observations
si pleines d’intérêt, qu’elle ne cesse de vous adresser.
Cette loi est indispensable pour l’exécution de l’art. 115 de la
constitution, ainsi conçu :
« Chaque année, les chambres arrêtent la loi des comptes et votent le
budget.
« Toutes les recettes et dépenses de l’Etat doivent être portées au
budget et dans les comptes. »
Les projets de lois destinés à régler la comptabilité de l’Etat ont été
promis lors du budget de 1840 ; mêmes promesses en 1841 et 1842. M. le ministre
des finances nous disait, le 19 avril dernier :
« Quant à ce qui concerne la loi de comptabilité, je renouvellerai
la promesse que j’ai déjà faite, et je dirai à l’honorable préopinant que le
projet de loi est déjà rédigé, et que d’ici à peu de temps, je pourrai réunir l’ancienne
commission pour lui soumettre ce travail. »
Je ne pense pas, messieurs, que pareille communication ait eu lieu,
malgré que nos travaux de la session dernière aient été poussés jusqu’en
septembre. Le ministère a préféré nous occuper des changements à une loi dont
personne ne se plaignait, dont toutes les grandes communes du royaume
demandaient le maintien, et une loi nécessaire, exigée par la constitution, n’a
pas seulement paru en projet, elle n’est pas même annoncée par le discours du
Trône ; et malgré de nouvelles promesses, je crains bien qu’aucun projet ne
soit encore converti en loi pendant le cours de cette session.
Cependant, messieurs, cette loi est indispensable ; elle est des plus
urgentes si vous voulez connaître la véritable situation financière de l’Etat,
si vous voulez empêcher qu’un ministre ne dispose des fonds du trésor, de sa
seule autorité, sans l’intervention du pouvoir législatif, sans visa de la cour
des comptes, ainsi que cela a eu lieu, pour une somme de près de deux millions,
lors de l’achat de la British-Queen, et pour un
million donné en prêt sans intérêts, depuis plusieurs années, à la banque de
Belgique, dernier prêt qu’on vous a laissé ignorer jusqu’à présent, à l’égard
duquel mon honorable ami, M. Delehaye, interpella le ministère dans notre
séance du 7 septembre dernier, et sur lequel ce dernier garda le silence,
silence qu’il a gardé de même au sénat. Ce prêt d’un million sans intérêts
donne une perte annuelle pour l’Etat de 50 mille fr., car il est probable que
c’est encore en bons du trésor qu’il a été fait, et on sait que, pour les
mettre en circulation, c’est l’intérêt de 5 p. c. que le trésor paie
ordinairement.
Le budget des voles et moyens pour 1843 entend couvrir le déficit, en
frappant des centimes additionnels ; pour l’avenir il entend le combler, en
partie, en proposant de nouvelles lois sur la contribution personnelle et
mobilière et les patentes. Ce n’est plus une simple révision des lois
existantes ; c’est un tout autre système, qui, je ne hésite pas de le dire,
précédé des centimes additionnelles, va beaucoup augmenter l’irritation qui
règne dans le pays. On supprime les impôts sur les domestiques, sur les
chevaux, sur les foyers, auxquels on était habitué, qu’on pouvait rendre plus
productifs, en supprimant les distinctions existantes dans la loi actuelle,
impôts qu’on pouvait doubler pour les domestiques à livrée, qu’on pouvait
établir sur le nombre des voitures, les doublant sur les voitures armoriées ;
car il était du devoir du gouvernement de chercher à imposer sur le luxe le
déficit résultant de la réduction de l’impôt sur le vin, dont l’homme aisé seul
profite. Nous devons vouloir tous qu’on impose le riche et qu’on ménage le
pauvre, j’entends celui qui vit de son travail et le petit industriel ; ce n’est
pas là, messieurs, le résultat des voies et moyens pour 1843.
Aucun nouvel impôt sur le luxe n’est proposé. Ni le budget, ni les lois
présentées ne frappent le riche.
Comment veut-on couvrir la réduction de l’impôt sur le vin, en
augmentant de dix centimes additionnes l’impôt sur la bière, sans parler de la
loi déjà adoptée, qui porte à 4 fr. les droits d’entrée sur l’orge, et de la
loi proposée sur les brasseries.
Ce serait une calamité pour la classe ouvrière et le petit commerce,
pour qui la bière ainsi que le café sont devenus de première nécessite.
La cherté des céréales, qui continue malgré l’abondance des récoltes,
jointe au renchérissement de la bière et du café, considérés comme nécessaires
à la nourriture du peuple, serait une nouvelle calamité, qui amènerait une
augmentation du prix de la main-d’œuvre, ou la misère pour l’ouvrier, véritable
crise pour toute manufacture, parce que le fabricant ne peut plus soutenir la
concurrence avec l’étranger.
Vous détruirez par ces impôts la base de tout succès industriel et
commercial : l’obtention des produits manufacturés, de la meilleure qualité et
au plus bas prix possible, car la condition indispensable est le bon marché des
articles nécessaires à la vie de l’ouvrier, afin que le salaire de celui-ci puisse
être proportionné à celui des objets à fabriquer, pour être livrés non
seulement à l’intérieur, mais aussi sur les marchés étrangers, où ils sont en
concurrence constante avec ceux de l’Angleterre, de l’Allemagne et de la
France.
Remarquez, messieurs, que la bière produit depuis longtemps au trésor de
6 à 7 millions, et que pareil impôt est frappé sur les brasseries au profit des
villes ; c’est donc là un produit de première nécessité grevé de 12 à 15
millions d’impôt, tandis que le sucre, objet de nécessité secondaire, qu’on
peut appeler de luxe, ne produit pas jusqu’à présent à l’Etat le dixième de cet
impôt.
Le discours du Trône contenait l’engagement de soumettre à la
législature des changements aux droits d’entrée des fabricats étrangers.
« Tout en poursuivant d’autres négociations, disait le gouvernement
du Roi, il est impossible de ne pas considérer certaines mesures de législation
intérieure comme devenues nécessaires.
« Des objets d’importation étrangère sont susceptibles, sans que
notre commerce soit compromis, d’une augmentation de droits d’entrée, dans
l’intérêt de l’industrie nationale et du trésor public. »
Je devais m’attendre, messieurs, à voir proposer une majoration des
droits d’entrée sur les tissus de laine ou de poils unis ou façonnés et étoffes
de toute espèce où ces matières dominent, ainsi que je l’avais réclamé à votre
séance du 1er août dernier.
En frappant ces produits étrangers d’un droit de 250 fr. par cent kil.,
et laissant toujours subsister la disposition par laquelle les provenances du
pays où il est accordé, sur les article de l’espèce, des primes d’exportation,
sont frappées d’un excédant de droit égal au montant de ces primes ; en
adoptant pareil droit, il n’y avait aucune représailles à craindre de la part
de nos voisins ; car, d’un côté, la France frappe ces objets de prohibition ;
nous ne pouvons dès lors lui en envoyer ; de l’autre, un droit supérieur
existait déjà dans les Etats allemands pour les tissus de laine, purs ou
mélangés, sans distinction, et on vient encore de l’augmenter. Je ne parle pas
de l’Angleterre ; l’on sait, du reste, que nos fabricats n’y sont pas reçus.
Le gouvernement belge voit la protection que la France accorde à ses
fabriques de draps, à ses fabriques de fils et tissus de laine ; c’est la prohibition
absolue pour l’étranger.
Depuis 1840, la chambre de commerce et des fabriques de Verviers réclame
cette augmentation d’impôt ; elle a démontré que le gouvernement pouvait venir
à son secours, sans prohibition aucune, sans que l’Etat renonçât à la perception
d’aucun impôt, sans qu’il en coûte un centime au trésor.
Cette demande a été renouvelée le 15 mars dernier, et votre commission
d’industrie, par son rapport du 14 juin suivant, rapport fait par l’honorable
M. Desmet, constate l’appui que cette commission porte à la modification
réclamée au tarif des droits d’entrée sur les fabricats étrangers dont s’agit.
Cette modification, messieurs, serait non seulement avantageuse à la
fabrique du district de Verviers, mais à celle de Liége, de Mouscron, et, pour
les fils de laine, aux villes de Gand et de Tournay.
Le projet de loi sur les droits d’entrée, présenté par M. le ministre
des finances le 10 de ce mois, est venu nous ôter tout espoir. Il retire ou
suspend, pour un temps indéfini, les promesses contenues dans le discours du
Roi.
« Des négociations commerciales encore ouvertes, dit le ministre,
et qui ne sont pas sans chances de succès, exigent encore, au moins pour
quelque temps, certaine réserve. »
Et, par ce motif, on ne fait rien en faveur de l’industrie lainière.
Ainsi, la France, qui prohibe entièrement les tissus belges, continuera
à faire entrer les siens en Belgique, moyennant un léger droit.
L’Allemagne pourra aussi entrer en Belgique avec ses tissus, et nous ne
pourrons entrer chez elle qu’avec des droits beaucoup plus élevés.
L’Angleterre continuera à verser tous ses tissus de laine sur notre
marché, moyennant le droit d’entrée actuel, et elle continuera à prohiber les
tissus belges.
Le gouvernement continuera à se soumettre à toutes les exigences de
l’étranger, sans faire la plus légère démonstration de représailles.
Le gouvernement a fait des sacrifices considérables en faveur de
l’industrie linière (et je ne l’en blâme pas), et il ne fait rien en faveur de
l’industrie lainière, qui fait tous ses efforts pour soutenir la concurrence
avec l’étranger, sans demander ni subsides, ni prohibitions, ni secours pour
ses ouvriers. Loin de venir à son secours, loin de la protéger, on n’a pas
craint de lui nuire en 1839, en levant la prohibition sur les draps français,
tandis que la France maintenait sa prohibition sur la draperie belge.
La Belgique, en exécution du traité avec la France, a appliqué à
l’Angleterre le tarif français en ce qui concerne les fils et tissus de lin.
Pourquoi, en ce moment, ne lui applique-t-on pas le tarif allemand, en ce qui
concerne les fils et tissus de laine ? Avons-nous quelque chose à espérer de
l’Angleterre ; des négociations pour un traité de commerce sont-elles ouvertes
avec cette puissance ? Je ne le pense pas ; cependant l’Angleterre, beaucoup
plus que la France, beaucoup plus que l’Allemagne, inonde la Belgique de ses
produits en ce genre, et le gouvernement ne fait rien pour l’empêcher.
Nous avons vu naguère la fabrique d’Elboeuf
jeter les hauts cris lorsqu’il s’agissait de l’union douanière ; il semblait
que la fabrique de Verviers allait ruiner entièrement les fabriques françaises
similaires ; il suffirait de quelques mots pour tranquilliser nos voisins. Il
est reconnu que la fabrique de Verviers ne produit annuellement que cent mille
pièces de draps, qui, mesurant chacune environ 15 aunes de Fiance, donnent un
produit de 1,500 mille aunes.
Prenez égard à la population de la Belgique, et vous aurez la preuve que
cette fabrication suffit à peine pour fournir à chaque Belge le tiers des
étoffes de laine qu’il emploie ; et en effet, messieurs, il y a là tout au plus
de quoi fournir un pantalon à chaque individu. C’est dès lors l’étranger qui
fournit la plus grande partie des vêtements de la population belge, et ce n’est
pas sans raison dés lors que nous réclamons une augmentation de droits d’entrée
et la répression de la fraude ; la fabrique de draps belge n’a qu’un seul vœu à
former, c’est de jouir de son marché intérieur, et pour cela il faut admettre
contre l’étranger des mesures de réciprocité ; c’est là aussi le désir de
l’industrie cotonnière, c’est là une protection que le gouvernement ne devrait
pas leur refuser. Cependant nous la demandons depuis longtemps, et jusqu’à
présent nous n’avons rien obtenu. Le cercle des prohibitions s’est resserré
pour nous de jour en jour ; il y a depuis longtemps nécessité urgente de
s’occuper de notre industrie, et on n’en a rien fait ; aujourd’hui encore on
nous ajourne, et cette indécision fait un mal irréparable.
Vous avez fait un traité avec la France, en faveur de l’industrie
linière ; vous venez faire un nouveau traité avec l’Espagne, toujours en faveur
de l’industrie linière : l’un et l’autre imposent des sacrifices à l’Etat.
Ici nous demandons au gouvernement qu’il propose seulement la
rectification d’un article du tarif, et depuis plusieurs années il est sourd à
cette demande, qui intéresse l’alimentation de 50 mille individus, et qui ne
coûterait pas une obole au trésor.
M. le ministre de l’intérieur se demandait hier si l’Espagne nous
accorderait une réduction sur son tarif, sans lui faire d’autre concession, et
il répondait : Evidemment non.
Partant de ce principe, pourquoi tardons-nous d’augmenter nos tarifs de
droits d’entrée sur les fabricats étrangers, puisque c’est en changeant son
tarif que l’Espagne obtient de nous des concessions ?
Quel est le résultat de notre manière d’agir ? Nos tarifs établissent
des droits trop modérés ; nous n’avons rien dès lors à offrir en compensation
pour obtenir l’abaissement des tarifs étrangers.
De là, messieurs, les prohibitions pour nous
chez l’étranger, et celui-ci maître de notre propre marché.
De là, messieurs, la ruine de vos fabriques et la prospérité de
l’industrie chez vos voisins. J’ai dit.
M. de Baillet-Latour. -
Messieurs, l’accueil fait dans les sections aux demandes de centimes
additionnels et les propositions de la section centrale permettent de penser
que le gouvernement n’insistera pas sur ce point. Nous avons repoussé les
centimes additionnels, même provisoires, parce que nous savons qu’en matière
d’impôt, le provisoire ne tarde pas à passer à l’état chronique. Nous en avons
un exemple frappant dans un pays voisin ; il existe en France un certain décime
de guerre qui se paye depuis 1815 et que l’on ne songe pas à supprimer après
bientôt trente ans de paix ; pour rendre la plaisanterie plus piquante, ou lui
laisse même son titre.
Nous repousserons donc les demandes de centimes additionnels. Nous les
repousserons par deux motifs : le premier, parce que la propriété est déjà
suffisamment et très suffisamment chargée ; le second, afin d’apprendre encore
une fois au gouvernement que l’impôt sur la propriété est la réserve naturelle
pour les mauvais jours. Vous voyez ce qui se passe en ce moment en Angleterre :
le revenu a été attaqué alors seulement que la contribution indirecte manquait
complètement aux besoins. Mais, messieurs, notre tâche serait trop facile si
elle devait se borner à repousser des demandes d’impôts : nous devons encore,
ou réduire les dépenses au niveau des recettes, tel qu’il nous sera permis de
les évaluer, et cela avec un peu plus de certitude que l’année dernière, ou
créer des ressources en raison de l’excédant de dépenses que nous laisserons
subsister.
Notre budget de dépenses est fort élevé, j’en conviens ; mais, quoique
nous fassions nous ne le réduirons que de fort peu. Quand nous aurons liardé
sur quelques traitements, nous arriverons à une importante économie de cent ou
cent cinquante mille francs.
Deux départements ministériels peuvent seuls être attaqués sérieusement
: la guerre et les travaux publics. Je comprends tout ce que l’on peut dire en
faveur d’une réduction de l’armée. Nous sommes une puissance neutre, c’est vrai
; nous sommes une puissance neutre, en vertu de traités solennels ; c’est
parfait : les traités sont excellents tant que personne n’a intérêt à les
violer ; notre neutralité nous servira tant que nous n’aurons pas besoin de la
faire valoir, et s’il arrive un moment où cette neutralité devra être invoquée,
nous serons fort heureux de la faire respecter, s’il est possible, en montrant
une armée de cent mille hommes. Dès lors, et quelque peu de chances que puisse
offrir la résistance, notre honneur national nous commande de maintenir sur
pied, sinon une arme, du moins des cadres qui pourraient être remplis dans un
délai fort court au moyen d’une réserve sagement organisée.
Parlant de ce principe, je crois que nous économiserions peu sur le
département de la guerre.
Serons-nous plus heureux avec le département des travaux publics ? En
masse nous dirons peut-être : les dépenses sont excessives, il faut les
réduire ; et quand viendra le vote chacun de nous se rappellera que son
arrondissement a besoin d’un bout de chemin de fer, d’une route, d’un canal.
Au résumé, nous ferons ce que nous avons fait pendant les années
précédentes. Nous économiserons 2 à 300,000 francs peut-être et nous
augmenterons les dépenses du double. Ne croyez pas, messieurs, que je blâme les
dépenses de travaux publics. Je comprends trop bien qu’il y a des dépenses qui
sont de véritables économies, parce qu’elles sont en définitive productives ;
je comprends aussi qu’il ne doit pas y avoir en Belgique de parias et que,
quand on aura fait la fortune de quelques provinces, de quelques
arrondissements, il sera juste de songer aux autres.
Si donc nous ne pouvons pas faire d’économies bien radicales, et si les
dépenses dépassent les recettes telles qu’on en évalue le chiffre, il faut,
pour rétablir l’équilibre, chercher des ressources extraordinaires, créer ce
qui manque.
Vous en conviendrez avec moi, messieurs, depuis douze ans nos
gouvernants sont peu inventifs. Leur travail d’esprit s’est borné jusqu’à
présent à chercher le moyen de faire rendre, par de savantes combinaisons, un
peu plus au sucre ; un peu plus au café, un peu plus à la bière, un peu plus
aux boissons distillées etc, etc. C’est un sillon tracé dans lequel ils se
traînent, ayant pour tout espoir d’arracher à l’ornière un peu plus de terre
que leurs prédécesseurs. Ainsi comme le métier de ministre des finances me
paraît une chose fort aisée, un bon chef de bureau
s’en tirerait parfaitement.
Mais, messieurs, n’y a-t-il donc rien de nouveau à faire ; et si une
réforme radicale dans les dépenses n’est pas possible, est-il donc impossible
d’apporter dans notre système de recettes une modification importante ?
Permettez-moi de vous soumettre deux idées seulement.
Qui nous empêcherait de faire chez nous, pour les tabacs, ce qui se fait
en France ?
J’admettrai si vous voulez, car je tiens à me montrer facile, que pour
une grande partie de la population le tabac est devenu un objet de première
nécessité ; mais je soutiens que pour le reste c’est un objet de luxe. Moi, qui
vous parle, je connais des personnes qui dépensent en cigares 7, 8, 900 fr. par
an, mille même, et 1,200 sans fumer davantage que l’ouvrier et le campagnard
qui gardent toute la journée la pipe à la bouche . Est-ce là un objet de luxe ?
et tout ce qui touche au luxe n’est-il pas ce que nous
avons de plus naturellement imposable ?
Je sais que, si l’on me fait l’honneur de me répondre, on me dira : il y
a des difficultés immenses. Les difficultés, messieurs, quand on les voit de
loin, cc sont des montagnes, mais comme les montagnes, elles s’abaissent à
mesure que l’on en approche. Ces difficultés, messieurs, elles existaient
lorsque l’empereur a créé en France la régie des tabacs, avec l’espoir d’en
tirer un produit de quinze millions. L’empereur a regardé de près les difficultés,
et elles se sont évanouies, et aujourd’hui le député qui proposerait en France
de rendre libre le commerce du tabac serait hué.
L’empereur espérait, dans sa France colossale, tirer quinze millions du
monopole du tabac. Le produit de la vente des tabacs figure an budget de 1842
pour quatre-vingt-quinze millions, et les frais de perception, dans lesquels
tout est compris, l’achat, la manutention, la surveillance, sont portés à
24,759,000 fr. : reste donc un bénéfice de soixante-dix millions deux cent
quarante et un mille francs.
Je suppose la Belgique ayant le dixième de la population de la France,
et en Belgique on consomme plus de tabac qu’en France, nous trouverions donc
dans la mise en régie des tabacs un revenu de sept à huit millions.
Qu’on ne me dise pas que l’intérêt du pauvre serait sacrifié ; non,
messieurs, vous pouvez classer les diverses qualités de vos tabacs de telle
façon que le pauvre ne payera pas son tabac plus cher qu’il ne le paye
aujourd’hui.
Qu’on ne me dise pas que les Belges ne sont pas habitués à user d’un
tabac détestable, comme celui que la régie française livre aux consommateurs.
La mauvaise qualité du tabac de la régie française est un vieux préjugé. Les
priseurs gourmets font venir à Bruxelles le tabac de la régie française, et nos
grands amateurs de cigares payent fort cher, quand ils sont à Paris, des
cigares qu’on leur assure avoir été introduits en contrebande, et qui tout
simplement sont fabriqués par la régie française.
Je reconnais que la réalisation de ce projet créerait de sérieux
embarras ; mais, messieurs, la peur des embarras est l’ennemi le plus
redoutable de toute amélioration.
Maintenant il me faut chercher dans cette chambre des appuis pour mon
système, j’en ai un là à ma gauche. Je lui dirai à lui et à d’autres : vous
voulez l’union douanière avec la France et moi aussi ; j’y gagnerai la vie pour
mon arrondissement. Or vous n’aurez jamais l’union douanière sans accepter le
monopole du tabac. Si le monopole offre un avantage, pourquoi ne pas aplanir
dès à présent un des obstacles qui s’opposent à l’union douanière ?
Aux partisans des réductions dans l’armée, je dirai : vous ne
consentirez jamais à réduire à la misère des officiers, des sous-officiers qui
n’ont pas démérité du pays. Acceptez le monopole des tabacs, et vous aurez de
nombreuses retraites à offrir.
Je ne soumets pas de chiffre à la chambre, pas de calculs, pas de
combinaisons, pas de systèmes d’exécution : à chacun sa tâche ici. Un député
peut indiquer une amélioration, c’est au gouvernement qu’appartient
l’application.
J’ai dit, messieurs, que je prendrai la liberté de vous soumettre deux
idées. J’ai présenté la première, voici la seconde.
J’ai lu en 1834, dans un journal, un travail fort curieux en plusieurs
articles, sur le système financier de la Belgique. L’auteur, je dois le dire,
prétend bouleverser entièrement notre système, et toutes ses réformes, tous les
changements qu’il proposait, ne m’ont pas paru également praticables. Mais, au
milieu de toutes ses propositions, il en est une qui m’a singulièrement frappé.
Personne ne niera que l’assurance contre l’incendie ne soit une très
bonne chose ; tous nous désirons que les avantages de ces assurances soient
connus et appréciés dans nos campagnes ; tous nous voudrions qu’il n’y eût pas
dans nos campagnes une seule chaumière non assurée.
D’un autre côté, il résulte de fort beaux bénéfices des assurances
actuelles, et sans avoir fait de recherches, je crois pouvoir dire que les
assurances ne couvrent pas le cinquantième des propriétés en Belgique. Je me
trompe peut-être dans mes évaluations, mais peu importe ; si je commets une
erreur, elle n’est pas de nature à altérer mon raisonnement.
L’auteur du travail auquel je fais allusion proposait ceci : L’assurance
par l’Etat, assureur obligatoire, au moyen d’une légère augmentation sur
l’impôt foncier.
Les conséquences sont faciles à saisir :
1° Bienfait de l’assurance rendu général ;
2° Produit important pour le trésor ;
3° Contrôle naturel pour l’assiette de la contribution.
On n’évaluera certes pas sa propriété à la moitié ou aux deux tiers de
sa valeur, alors que cette supercherie, trop commune, aurait pour conséquence,
de ne faire rembourser au propriétaire assuré, en cas d’incendie, que la moitié
ou les deux tiers de la valeur de sa propriété.
Je crois, messieurs, que cette idée, qui n’est pas mienne, mais que
j’adopterais volontiers, vaut la peine d’être examinée ; je la recommande à vos
méditations. En 1834, elle a passé inaperçue ; c’est que, messieurs, c’était un
changement, et il est si doux de rouler sur une voie tracée et battue.
C’est encore ici un monopole qui est proposé, je l’avoue. Eh bien,
messieurs, que l’on me propose beaucoup de monopoles qui soient, comme
celui-ci, dans l’intérêt de tous ; je les adopterai avec empressement, sans
même m’inquiéter du petit désagrément qu’ils pourraient causer à nos seigneurs
de la finance.
Je me résume, j’ai étudié les budgets consciencieusement, et je ne crois
pas à la possibilité de réductions considérables, ni même suffisantes.
Nous ne voulons pas de centimes additionnels.
Nous sommes las de voir sans cesse remanier, presque sans avantage, toutes les
vieilles bases de l’impôt. La réforme radicale que nous ne pouvons opérer sur
les dépenses, remplaçons-la par une réforme dans le système des recettes. Ne
craignons pas de dire ce qui est une vérité. En Belgique, la moyenne de l’impôt
de chacun n’est pas trop élevée, mais l’impôt est vicieusement distribué ;
c’est là qu’est le mal, c’est là qu’il faut appliquer le remède. Ne reculons
pas devant les difficultés ; les difficultés, pour avoir peur, n’ont besoin que
d’être regardées en face.
M. Savart-Martel. - Messieurs, j’ai
aussi examiné avec beaucoup de soin les budgets, et, contre mon ancienne
conviction, j’ai dû reconnaître qu’il n’était pas aussi facile d’obtenir des
réductions que je le pensais avant d’entrer dans cette chambre. Aussi je compte
peu sur les réductions qu’il sera possible d’obtenir, au moins cette année.
Cependant, messieurs, les centimes additionnels qui vous ont été
proposés et qui, il faut le dire, ont en général été vus avec une défaveur
extrême, ces centimes additionnels me paraîtraient d’autant moins justes que
vous savez tous dans quelle circonstance a été établie la loi en ce qui
concerne du moins la contribution personnelle ; vous vous rappelez tous qu’elle
n’a été votée qu’à une très faible majorité, et que les députés de pays surtout
se sont élevés avec force contre ce nouveau système d’impôts.
Certes, je ne veux pas proposer, quant à présent, de supprimer cet impôt
; cela est impossible. Mais venir en aggraver les effets en augmentant de 10
tous les centimes additionnels que nous supportons déjà, ce serait vraiment
insupportable, d’autant plus insupportable, qu’il est certain que la
contribution personnelle présente en général beaucoup d’arbitraire. Je dis
beaucoup d’arbitraire ; car de la manière dont est faite la loi, faites votre
déclaration comme bon vous semble, ce sont en définitive les agents du fisc qui
fixent votre cotisation. Si encore on prenait pour base de ce malheureux impôt
les évaluations foncières faites par le cadastre, on éviterait les vexations
qu’il est impossible d’éviter avec le système actuel, par suite duquel les
agents du fisc s’introduisent dans les maisons pour vérifier ce que vous
possédez, je le concevrais encore.
Au reste, je le répète, s’il faut supporter encore, pour cette année,
cette malheureuse loi, cette loi déplorable à mes yeux et contre laquelle il y
a mille choses à dire, au moins n’en aggravons pas les effets.
Messieurs, l’honorable membre qui vient de parler vous a indiqué deux
moyens de couvrir le déficit qui se présente dans nos finances ; il vous a
d’abord parlé de la vente des domaines de l’Etat. La vente des domaines de
l’Etat me paraît vraiment chose à faire, avant de frapper de nouveaux impôts.
Je sais qu’on va me répondre : ce moyen peut vous servir cette année, mais
l’année prochaine vous n’en aurez pas moins un déficit. Messieurs, d’ici à
l’année prochaine, j’espère que nous aurons un nouveau système de finances et
que nous satisferons enfin à cette prescription de la constitution, de réviser
nos lois financières. Et pourquoi la constitution faisait-elle cette
recommandation à la législature ? Parce que la mauvaise répartition des impôts
est un des motifs qui ont exaspéré le peuple contre l’ancien gouvernement, et
que leur révision est une des choses que l’on a surtout réclamée lors des
événements de 1830.
Ainsi donc, je le répète supportons pour cette année encore cet impôt,
mais n’en aggravons pas les effets. Quant au moyen d’équilibrer nos recettes et
nos dépenses, on vous a déjà indiqué la vente des domaines, et j’ajouterai,
quant à moi, la vente des rentes de l’Etat. Mais ce que vient de vous indiquer
l’honorable comte de Baillet, ce mode d’assurance établi par l’Etat à l’égard
de tous les contribuables, mérite un sérieux examen. Je crois que nous
rencontrerions dans cette mesure un très grand avantage pour le public et une
source de revenus pour l’Etat.
Je fais des vœux d’autant plus sincères pour que le gouvernement étudie
cette question, que je dois dire que beaucoup de Belges ont été dupes de
certains assureurs. Je ne généralise pas, bien s’en faut ; mais les tribunaux
sont là pour attester que beaucoup de Belges sont dupes des assurances, et
surtout de celles qu’ils prennent près des sociétés étrangères. Nous prenons
des assurances non seulement près des sociétés du pays, mais aussi, et fort
habilement, me semble-t-il, en France, à l’étranger. Or, il arrive très souvent
qu’il se présente des difficultés, et vous savez qu’il il y a toujours moyen
pour les sociétés d’en susciter tant qu’elles veulent. Eh bien ! dans un cas
pareil, c’est le pot de terre contre le pot de fer ; il faut aller plaider en
France, nommer des arbitres, et je vous demande si un malheureux qui perd une
propriété de 1,000 à 1,500 francs n’aime pas mieux abandonner ses droits que
d’aller s’adresser aux tribunaux français.
Ainsi donc l’assurance générale de l’Etat serait non seulement utile
dans l’intérêt de nos finances, mais aussi dans l’intérêt des habitants du
pays, et surtout de ceux des campagnes.
Je sais fort bien que les grands propriétaires ne redoutent pas les
difficultés, qu’ils ne craignent pas d’aller plaider à l’étranger niais je
parle dans l’intérêt des habitants de la campagne qui ne possèdent pour tout
avoir qu’une petite propriété.
Messieurs, je suis loin d’avoir rencontré
tout ce qui pourrait se dire sur cette matière ; je parle d’abondance, et
malheureusement sans avoir été prévenu qu’il y aurait lieu à traiter
aujourd’hui de cet intérêt. Je me résume en disant que je trouve de fortes
raisons pour rejeter les centimes additionnels, sauf à voir les moyens que l’on
emploiera pour coordonner les recettes avec les dépenses. Quant aux assurances
dont je viens de parler, je sais bien que l’on ne peut, dés présent, formuler
une loi ; mais, ainsi que l’a fait l’honorable M. de Baillet, je réclame toute
l’attention du ministère sur ce point, tant dans l’intérêt fiscal que dans l’intérêt
de la généralité.
M.
d’Hoffschmidt. - Messieurs, le vote du budget des voies et
moyens par les chambres législatives est généralement considéré, dans tous les gouvernements
constitutionnels, sous deux points de vue distincts. D’abord, comme une
nécessité administrative, et, en second lieu, comme un acte de confiance donné
par la représentation nationale au ministère chargé de la direction des
affaires du pays. Une opposition systématique n’étant ni dans mes goûts, ni
dans mon caractère, je me propose de voter cette année les recettes et les
dépenses qui me paraîtront nécessaires, les lois qui me sembleront utiles.
Mais, en même temps, je ne veux point que l’on puisse inférer de mes votes, que
j’approuve le système politique et gouvernemental du ministère.
Je regarde, au contraire, ce système comme nuisible aux intérêts du
pays, et c’est cette opinion que je me vois dès lors obligé d’expliquer à la
chambre.
Je le ferai du reste avec toute la modération que, j’ose le croire, j’ai
l’habitude d’apporter dans nos débats ; et je n’ai pas besoin d’ajouter, sans
doute, que dans tout ce que je vais dire, je n’ai en vue que l’être moral, le
ministère, et qu’il n’entre nullement dans ma pensée de porter la moindre
atteinte ni aux intentions ni aux qualités privées des hommes qui le composent.
Dans la longue et laborieuse session qui a précédé celle-ci, plusieurs
lois fort importantes ont été votées. Ce sont là,
messieurs, les titres que le ministère, ou plutôt M. le ministre de
l’intérieur, a déjà plusieurs fois rappelés là à vos souvenirs.
Je ne veux point contester l’utilité ni l’importance de plusieurs de ces
lois ; mais il me semble qu’avant d’en exalter l’adoption, il eût été prudent
d’attendre qu’elles aient subi l’épreuve de l’application et de l’exécution.
Jusqu’à présent deux des plus importantes seulement ont subi cette
épreuve. Ce sont celles sur la réforme de l’organisation communale. Or, je
laisse à tous les esprits impartiaux le soin d’apprécier les effets qu’elles
ont produits, et, s’il y a lieu, de s’en applaudir.
Mais, messieurs, en supposant même que ces diverses lois aient toutes
leur degré d’utilité, est-ce uniquement d’après le nombre plus on moins grand
d’affaires et de projets qu’elle expédie, que l’on doit juger le mérite d’une
administration ?
Le ministère qui ferait discuter le plus grand nombre de lois, serait-il
donc, je vous le demande, réputé le meilleur des ministères sans s’inquiéter
d’autres considérations d’un ordre supérieur ? le
système politique qu’il suit dans le pays et dans les chambres, l’action qu’il
exerce sur l’esprit public, la considération et la popularité dont il entoure
le pouvoir, ne forment-ils donc pas la partie la plus importante de la haute
mission qui lui est confiée ?
Si, après avoir voté bon nombre de lois, expédié bien des affaires, nous
trouvions le pays plus mécontent, les haines politiques plus vives, la division
des esprits plus profonde, le trésor public plus obéré, le pouvoir moins
considéré, aurions-nous donc de vives félicitations à adresser au ministère et
à son système gouvernemental ?
Eh bien, messieurs, telle est, à mes yeux la situation du pays, et il
suffit de citer les faits pour démontrer que cette opinion n’a rien d’exagéré.
Pendant le cours de cette année, on a souvent parlé de la conciliation
des parties. Le sénat et la chambre l’ont même encore invoquée dans leurs
adresses en réponse au discours du Trône. Eh bien, je vous le demande, à quoi
en est maintenant cette conciliation ? Jamais les esprits ne furent plus
divisés, et, du train où l’on y va, les opinions ne tarderont point à être tout
à fait irréconciliables, si déjà même elles ne le sont devenues ! Du reste,
c’était chose facile à prévoir qu’un rôle conciliateur n’appartenait pas au
ministère actuel. Les vices de son origine, la conduite partiale tenue pas lui
dans les élections de 1841, lui rendaient nécessairement ce rôle impossible.
Il ne pouvait obtenir assez de confiance de la part de l’opinion
libérale pour accomplir l’œuvre d’un rapprochement, même entre les hommes les
plus modérés des deux opinions. C’est donc en vain que le cabinet actuel se
proclamait devant vous ministère de paix et d’union : son passage aux affaires
ne pouvait et ne peut encore produire que des effets tout contraires à ses
paroles.
Vous vous rappelez, messieurs, la fameuse circulaire programme de M. le
ministre de l’intérieur. Selon lui, le cabinet qu’il venait de former était
mixte ; c’était en outre le point culminant d’une situation après laquelle le
pouvoir devait inévitablement se porter à droite ou à gauche. Mais, messieurs,
pour constituer un ministère mixte, il ne suffit pas de le proclamer dans une
circulaire ; il faut qu’il le soit surtout par ses actes, par ses nominations,
par sa conduite politique. Or je vous laisse le soin d’apprécier si, sous tous
ces rapports, l’administration actuelle est mixte ?
Aussi, voyez quelle est sa position dans les chambres et dans le pays !
Dans les deux chambres, l’opinion libérale, à quelques voix près, lui
est opposée.
D’un autre côté, il est permis de croire que l’opinion catholique
n’éprouve pas pour lui de bien vives sympathies, malgré l’appui qu’elle lui a
prêté pendant la session dernière. Cette opinion le soutiendra-t-elle encore
pendant toute cette session ? associera-t-elle de
nouveau ses destinées à celles du cabinet pour les élections prochaines ? C’est
ce qui semble assez probable, quoique l’accueil fait aux centimes additionnels
annonce que l’appui que l’on veut bien accorder encore sera fort tiède. Quant
au ministère, il paraît, lui, vouloir planter plus profondément que jamais son
drapeau dans la droite. Libre à lui, sans doute ; mais qu’au moins alors on ne
parle plus de cabinet mixte, de point culminant d’une situation ; qu’alors M.
le ministre de l’intérieur ait le courage de déchirer lui-même le programme
qu’il a rédigé à son avènement !
Je sais bien que M. le ministre de l’intérieur se retranche ordinairement
derrière la majorité qu’il a obtenue et qu’il espère obtenir encore. Cette
majorité n’est point une majorité qui marche au pas, dit-il ; tantôt il la
trouve à droite, tantôt il la trouve à gauche. Messieurs, dans des questions
d’affaires, purement matérielles, cette majorité flottante peut bien se
présenter. Chez nous surtout, l’opposition radicale, systématique, n’est guère
dans nos mœurs parlementaires. Mais quand il s’agit du système gouvernemental
tout entier, ou de lois d’organisation politique, cette majorité variable ne
peut exister. Dans notre dernière session, les lois sur la réforme communale
étaient des lois politiques ; eh bien, l’opposition en masse les a combattues.
Pour l’instruction primaire, il est vrai, M. le ministre de l’intérieur a
obtenu la presque unanimité des suffrages. Mais le ministère aurait tort
cependant de croire que c’est là un témoignage de confiance qu’a voulu lui
donner l’opposition. Dans cette circonstance, l’opposition, en votant presque
tout entière pour la loi, n’a eu en vue ni une question de ministère, ni une
question de parti ; elle a vu, avant tout, une question sociale. En faisant
abnégation de ses griefs contre le cabinet, elle a donné des preuves d’une
grande modération, d’une grande sagesse, et je suis sûr que le pays lui en a su
gré. Quant à moi, je ne regrette nullement le vote que j’ai donné à cette loi
importante. Je suis profondément convaincu que, bien exécutée, elle peut rendre
de grands services à la société. Mais il faut bien si garder d’en faire un
instrument de parti ; et c’est dans son exécution surtout que nous allons voir
la marche que va suivre M. le ministre de l’intérieur.
Messieurs, dans un gouvernement représentatif, qui n’est autre chose que
l’intervention du pays dans les affaires publiques, une des conditions
essentielles pour le pouvoir, c’est non seulement d’avoir dans les chambres une
majorité réelle, mais aussi de posséder cette autorité morale que donne le
prestige de la considération nationale sans laquelle une administration ne peut
être forte et respectée.
Eh bien, messieurs, j’en appelle à tous les hommes impartiaux, à tous
les membres de cette chambre, cette autorité morale, cette puissance d’opinion,
pensent-ils que le cabinet actuel la posséder ?
Quant à moi, je dois le dire, tous les faits politiques, tout ce qui se
passe sous nos yeux, me paraissent à l’évidence démontrer le contraire.
D’abord dans quelle position ne trouvons-nous pas le ministère vis-à-vis
des administrations communales de la plupart de nos grandes villes ? Depuis son
avènement au pouvoir, c’est une lutte continuelle. D’ailleurs, comment en
serait-il autrement ? Tantôt on traite ces administrations de juntes ; tantôt
on présente des projets pour restreindre des libertés de tous temps si chères à
nos communes ; ou bien l’on déclare que si un bourgmestre est repoussé par les
électeurs, ce n’est nullement une raison pour qu’il ne soit pas nommé de
nouveau leur premier magistrat. L’on jette ainsi inutilement des provocations à
la tête des administrations communales ; l’on dirait qu’elles ne sont composées
que d’hommes ennemis de l’ordre et de nos institutions et l’on suscite sans
nécessité des luttes fâcheuses pour le pouvoir et pour le pays.
Aussi, nous avons vu, messieurs, aux élections du 25 octobre, les fruits
d’un pareil système. Ces élections, au lieu d’être simplement communales, sont
devenues politiques et à peu près partout où elles ont pris ce caractère, le
pouvoir a succombé !
Qu’est-il, en effet, arrivé dans ces élections ? Des bourgmestres,
hommes recommandables, ont été éliminés par les électeurs. Et pourquoi ont-ils
été éliminés ? parce qu’ils étaient partisans du
ministère.
Tous les bourgmestres choisis en dehors du conseil ont également été
repoussés !
Mais il y a plus encore, messieurs. Il s’est passé une chose
presqu’inouïe dans nos fastes électoraux. Un ministre, pour lequel, comme homme
privé, on ne peut avoir qu’estime et considération, a été repoussé par des
électeurs qui toujours lui avaient donné de nombreux témoignages de confiance.
Et pourquoi a-t-il été repoussé ? parce qu’il fait
partie du ministère. Et quelles sont les localités où ces faits se sont passés
? C’est dans nos grandes cités, c’est dans la capitale. Messieurs, on ne peut
se le dissimuler, ces faits sont significatifs ; vouloir en nier l’importance,
ce serait fermer les yeux à la lumière.
Maïs devons-nous être surpris que le pays ne montre pas plus de
confiance dans le ministère, lorsque ce ministère ne paraît pas avoir confiance
en lui même ? Naguère n’a-t-il pas été question d’un remaniement du cabinet ? et qui nous dit que ce projet avorté ne sera pas repris de
nouveau après l’adoption des budgets ? Quoi qu’il en soit, on ne peut nier que
ces bruits ne produisent un effet nuisible à la considération du pouvoir.
Comment voudrait-on que l’opinion publique eût foi dans l’administration, quand
cette administration elle-même convient, en quelque sorte, de son insuffisance
?
Après cela, messieurs, je sais fort bien que le ministère, ou du moins
le noyau du ministère, a de grandes chances de prolonger encore sa débile
existence. Nous approchons des élections : c’est là une circonstance qui
préoccupe déjà tous les esprits.
Or, il est dans les choses possibles qu’il se présente une situation
parlementaire assez étrange ; c’est que les diverses opinions désirent voir le
ministère actuel présider aux élections prochaines ; les uns, parce qu’ils
espèrent trouver en lui un appui qu’on leur promettra facilement et que même on
leur a sans doute déjà promis ; les autres, parce qu’ils voient dans son
impopularité croissante un utile auxiliaire. S’il en était ainsi, il y aurait
donc une crainte commune : celle de le voir tomber avant les élections. Mais
après la lutte électorale, le sort qui attend le ministère n’est douteux pour
personne.
Messieurs, je n’en dirai pas davantage sur notre situation politique. Ce
que j’ai dit, j’ai cru devoir le dire, car nous ne sommes pas ici pour taire
notre opinion, mais pour la faire connaître hautement à la chambre et au pays.
Je dirai maintenant quelques mots sur la partie financière du budget des
voies et moyens. J’ai vu avec plaisir que la section centrale propose le rejet
des nouveaux centimes additionnels sur le foncier, le personnel et les patentes
; j’ai toujours considéré les propositions du gouvernement à cet égard comme
devant être accueillies avec la plus grande défaveur et comme étant en quelque
sorte inutiles dans le moment actuel.
En effet, messieurs, nous avons vu que la section centrale, dans le
rapport qu’elle nous a présenté, évalue seulement le déficit de l’année
prochaine à 1,073,210 fr.
Dès lors, messieurs, si ce déficit n’est pas plus considérable, quelle
nécessité y avait-il de venir proposer de frapper des centimes additionnels
aussi élevés sur le foncier, sur le personnel et sur les patentes ?
D’un autre côté les centimes additionnels qui pèsent sur la propriété
immobilière sont déjà fort considérables, si l’on y comprend surtout ceux qui
se paient au profit des provinces et des communes. Dans le Luxembourg, par
exemple, l’impôt foncier est frappé, au profit de la province, de 29 centimes
additionnels ; il en est de même pour le personnel. Si l’on y ajoute 18
centimes perçus dans l’état actuel dès choses au profit de l’Etat sur l’impôt
foncier, et 20 sur le personnel, vous avez dans cette province 47 centimes
additionnels sur le foncier et 49 sur le personnel, sans compter ceux qui sont
perçus au profit des communes.
Je ne doute donc pas, messieurs, que la chambre adopte l’opinion de la
section centrale sur les centimes additionnels, d’autant plus qu’en nous
occupant promptement des lois qui nous sont déjà soumises, et notamment de la
loi sur les sucres, nous parviendrons facilement à couvrir l’insuffisance des
ressources qui nous est signalée.
Je fonde peu d’espérance sur le projet présenté quant à l’accise sur les
bières. Il me semble que ce projet soulève une si vive
réprobation, de si nombreuses réclamations, qu’il faut nécessairement qu’il y
ait une exagération, un vice dont cette industrie aurait vivement à souffrir.
Or, s’il en est ainsi le projet n’atteindrait pas le but qu’on se propose et
qui est une augmentation dans les ressources du trésor.
Il existe chez nous, messieurs deux matières éminemment imposables et
qui ont jusqu’à présent été frappées légèrement. Je citerai d’abord les sucres,
que l’on vous a désignés si souvent. En France, messieurs, malgré l’antagonisme
qui existe entre le sucre colonial et le sucre indigène, l’impôt sur cette
matière rapporte, si je ne me trompe, de 35 à 40 millions de francs ; et les
financiers trouvent qu’il devrait rapporter infiniment plus. Cela fait donc un
franc à peu près par habitant, tandis que chez nous, il ne rapporte qu’environ
13 centimes par habitant. Or, je crois que ce ne serait pas trop demander au
projet qui vous est proposé, tout en ménageant, autant que possible, les
intérêts si graves engagés dans la question, que d’exiger que cet impôt
rapporte aussi chez nous un franc par habitant, comme en France.
Pour le tabac, en France, le monopole de la fabrication, qui appartient
au gouvernement, produit un revenu net de 72 millions de francs Certes, en
général, je ne suis guère partisan des monopoles ; je n’aime pas à voir le
gouvernement se faire entrepreneur d’industries ; mais il faut convenir que ce
monopole-ci a du moins un très bon côté. Chez nos voisins du Midi, la régie a
été attaquée autrefois d’une manière très vive ; mais on commence à en revenir,
car en 1840 le projet de loi tendant à proroger cette régie jusqu’en 1852 a été
adopté à la presque unanimité.
En Belgique, je sais bien qu’il n’est guère possible d’établir la régie
des tabacs, mais au moins je me suis souvent demandé, et je ne comprends pas
encore pourquoi les tabacs ne sont pas frappés d’un droit de consommation. Je
me rappelle que, lorsque mon honorable ami M. Mercier était au ministère des
finances, il nous a dit que le gouvernement avait fixé son attention sur cet
objet, et qu’il espérait pouvoir présenter aux chambres un projet de loi qui
procurerait de nouvelles ressources au trésor, tout en ménageant les divers
intérêts. Je désirerais savoir si ce projet est abandonné ou si le gouvernement
continue à le méditer.
Je pense, messieurs, que ce sont là deux matières imposables qui
pourraient facilement combler le déficit actuel du trésor et nous ménager des
ressources pour l’avenir. J’engage donc M. le ministre des finances à y
réfléchir mûrement.
D’un autre côté, messieurs, il est à remarquer que le budget des
dépenses, qui s’élève pour l’année prochaine à 110 millions, comprend pour 3,715,000 fr. de dépenses extraordinaires et temporaires. En
second lieu, comme l’a fort bien fait observer la section centrale, le chemin
de fer, pour lequel tous les emprunts sont définitivement terminés, produira
peut-être d’ici à quelque temps, un revenu de 12 ou 13 millions de francs.
Enfin, il est à espérer que dans le budget de la guerre l’on pourra aussi
introduire progressivement quelques économies, tout en conservant une armée
suffisante et capable de défendre les droits et l’honneur de la Belgique.
Ainsi, messieurs, si, par de bonnes lois sur
le sucre, sur les tabacs, sur le débit des boissons distillées, par la
majoration de certains droits de douane, nous obtenions une augmentation de
revenu de 4 à 5 millions de francs, l’équilibre sera parfaitement établi entre
les recettes et les dépenses de l’Etat, et si nous maintenons, à l’avenir, une
sage économie dans nos dépenses, nous n’aurons plus besoin de recourir à de
nouvelles augmentations d’impôts et surtout aux nombreux centimes additionnels
dont le gouvernement menaçait la propriété immobilière.
M. le président. - La
parole est à M. Dumortier.
M. Dumortier. - La
discussion générale a pris une tournure à laquelle je ne m’attendais pas ; mon
intention n’était que de parler contre les centimes additionnels, j’attendrai
donc que la discussion soit un peu plus avancée.
Plusieurs
membres. - A demain.
M. Donny. - Je
désire, messieurs, déposer un amendement, dont je demanderai l’impression et le
renvoi à la section centrale. Voici cet amendement ; c’est un paragraphe
additionnel à l’art. 1er de la loi :
« Toutefois le gouvernement est autorisé à mettre les tarifs des
droits de fanal et de pilotage perçus au port d’Ostende, en harmonie avec les
tarifs qui sont ou qui seront établis en d’autres localités. »
- La chambre ordonne l’impression et la distribution de cet amendement.
La séance est levée à 4 heures.