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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 17
janvier 1843
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative à une route dans le Hainaut
(Pirmez), à la résiliation d’un bail de barrière (Lys), à l’impôt sur la bière (Lange)
2) Composition
des bureaux de section
3) Projet
de loi relatif à la canalisation de la Campine. Discussion des articles. Principe
de la participation financière des communes et des propriétaires riverains (Huveners, Desmaisières, Cogels, Simons, Peeters,
Huveners), taux et modalités de la participation
financière et/ou défrichement des bruyères (Huveners, Cogels, Huveners, Dubus
(aîné), Peeters, Cogels, Huveners, Simons, Mast
de Vries, de Theux, Cogels, de Theux, Dubus (aîné), Rogier, Desmaisières, Peeters, Simons, Dubus
(aîné), Huveners, Desmaisières,
Desmaisières, Huveners, Peeters, Malou, Cogels,
Huveners, Desmaisières, Peeters, Huveners, Malou, Cogels, de
Theux, Pirmez, Peeters, Desmaisières, Vandensteen,
de Theux, Huveners)
(Moniteur belge n°18, du 18
janvier 1843)
(Présidence de M. Raikem)
M.
Kervyn fait l’appel nominal à midi et quart.
M. Scheyven lit le
procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est adoptée.
M.
Kervyn présente l’analyse des pièces de la correspondance
:
« Les habitants de Marchienne-au-Pont demandent que le gouvernement ne change
pas la direction de la route de Beaumont dans la traverse de Marchienne. »
- Sur la proposition de M. Pirmez, cette
pétition sera déposée sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux
publics ; elle sera ensuite renvoyée à la commission des pétitions.
_________________________
« Le sieur Ransonnet, adjudicataire de la
barrière n°5, établie à Battice, demande la
résiliation de son bail. »
M. Lys. - Cette pétition
vous est adressée par un fermier de barrière qui demande la résiliation de son
bail. Il cite des faits pour l’obtenir, avançant que des faits identiques l’ont
fait obtenir à deux autres fermiers de barrières ; cette affaire étant urgente,
je conclus au renvoi à la commission des pétitions avec demande d’un prompt
rapport.
- Cette proposition est adoptée.
________________________
« Le sieur J. .E. Delerre
prie la chambre de statuer sur sa demande en naturalisation. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« Les brasseurs de l’arrondissement de Mons présentent des
observations contre le projet de loi tendant à modifier les bases de l’impôt
sur les bières. »
- Sur la proposition de M. Lange, cette
pétition est renvoyée à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi
sur les bières, et elle sera déposée sur le bureau pendant la discussion du
projet de loi ; sur la proposition du même membre, la chambre en ordonne, en
outre, l’insertion au Moniteur.
_______________________
« Les détaillants de boissons à Leupeghem
présentent des observations contre le projet de loi relatif au droit de
consommation sur les boissons distillées. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
_______________________
« Le sieur Fraipont, greffier de la
justice de paix du canton de Waremme, prie la chambre de s’occuper du projet de
loi sur les traitements des membres de l’ordre judiciaire, immédiatement après
l’adoption du budget des travaux publics. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
COMPOSITION
DES BUREAUX DE SECTIONS
Les bureaux des sections, pour le mois de janvier 1843, sont composés
ainsi qu’il suit :
Première section :
Président : M. Duvivier
Vice-président : M. Osy
Secrétaire : M. Van Cutsem
Rapporteur de pétitions : M. de Garcia
Deuxième section :
Président : M. Jadot
Vice-président : M. Fleussu
Secrétaire : M. Sigart
Rapporteur de pétitions : M. Delfosse
Troisième section :
Président : M. Coppieters
Vice-président : M. Eloy de Burdinne
Secrétaire : M. Dedecker
Rapporteur de pétitions : M. Morel-Danheel
Quatrième section :
Président : M. Fallon
Vice-président : M. Raymaeckers
Secrétaire : M. Pirmez
Rapporteur de pétitions : M. de Roo
Cinquième section :
Président : M. de Theux
Vice-président : M. Lange
Secrétaire : M. Dumont
Rapporteur de pétitions : M. Zoude
Sixième section :
Président : M. de La Coste
Vice-président : M. d’Hoffschmidt
Secrétaire : M. de Renesse
Rapporteur de pétitions : M. Maertens
PROJET DE LOI RELATIF A LA
CANALISATION DE LA CAMPINE
Discussion des articles
Article premier
« Art. 1er. Le canal à creuser pour la jonction du Ruppel
au canal de Bois-le-Duc, se composera de deux sections, savoir :
« 1ère section de Bocholt à la Pierre-Bleue ;
« 2ème section, de la Pierre-Bleue à Herenthals »
M. le président. - La section
centrale a adopté cet article.
- L’article est adopté sans discussion.
« Art. 2. Les propriétés communales et privées, situées de part et
d’autre du canal, sur une profondeur de 5,000 mètres, seront appelées à
concourir aux frais de son établissement. »
M. le président. - La section
centrale adopte cet article.
M. Huveners propose d’y ajouter le paragraphe suivant :
«Seront toutefois exemptes de ce concours les propriétés qui se trouvent
dans le rayon de 5,000 mètres du canal de Bois-le-Duc. »
M. Huveners. - Les
propriétés, situées dans le rayon de 5,000 mètres du canal de Bois-le-Duc, ne
peuvent être assujetties au concours ; les bases du projet s’y opposent, comme
je l’ai prouvé lors de la discussion générale ; elles ne peuvent trouver dans
le canal aucun avantage qu’elles ne possèdent déjà. D’ailleurs, il n’y a pas
plus de raisons de les appeler au concours que d’appeler toutes les propriétés
situées le long du canal de Bois-le-Duc, depuis Maestricht jusqu’à la frontière
hollandaise, et qui, plus est, quelques-unes des propriétés dont il s’agit dans
l’amendement que j’ai présenté, au lieu de retirer un avantage marquant du
nouveau canal y perdent d’abord par la division des propriétés, et probablement
par des filtrations à travers les digues du nouveau canal qui seront sur cette
partie assez élevées et surtout parce que les propriétaires seront obligés à
des détours considérables pour les exploiter.
L’amendement est tellement justifié que je croirais faire injure à vos
lumières si j’insistais davantage. Le rejeter, ce serait de l’arbitraire, pour
ne pas dire plus.
- L’amendement proposé par M. Huveners est
appuyé.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, vous avez pu lire dans les
réponses que j’ai faites aux observations que la section centrale a cru devoir
me présenter, que je reconnais qu’il y a une certaine équité à exempter de la
contribution les propriétés auxquelles l’honorable M. Huveners veut accorder
cette exemption par sou amendement. Bien que je proclame ce principe d’équité,
je ne puis pas me rallier à l’amendement de l’honorable M. Huveners, tel qu’il
est présenté, parce qu’il peut se trouver encore d’autres propriétés qui
devraient, à raison de leur situation particulière, obtenir quelque modération.
Je crois, messieurs, avoir obvié à tout à cet égard, par le projet de
loi, tel qu’il a été adopté. Voyez, messieurs, l’art. 7 ; la proposition finale
de cet article s’applique à tous les cas particuliers d’exemption ou de
modération de contribution qui peuvent se présenter. Il est vrai que la section
centrale a proposé la suppression de cette disposition ; quant à moi, je crois
devoir maintenir l’article en son entier.
L’art. 7 du gouvernement est ainsi conçu :
« Art. 7. Le gouvernement prendra les
mesures d’exécution et arrêtera toutes les dispositions réglementaires dont la
nécessité sera reconnue pour l’application des articles qui précédent ; il
pourra, dans des cas exceptionnels, accorder les modérations qui lui paraîtront
équitables. »
M. Cogels, rapporteur. - Messieurs,
la section centrale a cru devoir proposer la suppression du dernier paragraphe
de l’article 7 pour prévenir une foule de réclamations qui surgiraient de
toutes parts, et auxquelles certainement le gouvernement ne serait pas toujours
obligé de faire droit ; pour mettre, en un mot, le gouvernement à l’abri des
obsessions auxquelles il serait indubitablement exposé. Cependant cette
résolution n’a été prise que par trois voix contre une, trois membres s’étant
abstenus.
Quant à moi, j’aurais voulu conserver au gouvernement le droit
d’accorder des modérations dans le cas où elles seraient équitables ; car bien
certainement il y aura des circonstances exceptionnelles où
le propriétaire, loin de recevoir un bénéfice du canal, éprouvera une perte.
Dans la section dont je faisais partie, j’ai parlé en faveur du maintien du
paragraphe. Nous aurons l’occasion de revenir là-dessus, lorsque nous en serons
à l’art. 7. Pour le moment je me borne à demander que le vote sur l’amendement
de l’honorable M. Huveners soit remis jusqu’après la discussion de l’art. 7 ;
car si la rédaction du gouvernement est adoptée, l’amendement de l’honorable M.
Huveners deviendra inutile ; si au contraire la proposition de la section
centrale est admise, on pourra alors voter sur l’amendement.
M. Simons. - J’avais
demandé la parole pour faire la même proposition. Je crois aussi que, pour le moment,
il s’agit ou d’examiner si on adoptera le paragraphe qui a été rejeté par la
section centrale, ou bien de suspendre la discussion de l’amendement de
l’honorable M. Huveners jusqu’après le vote de l’art. 7. Si le dernier
paragraphe de cet article est adopté, l’honorable M. Huveners pourra peut-être
renoncer à son amendement ; mais si, au contraire, la chambre adhère à la
proposition de la section centrale, je crois qu’il sera indispensable que nous
adoptions alors l’amendement, parce que, d’après M. le ministre des travaux
publics, personnellement, il s’agira alors d’expliquer l’exception dont il
s’agit.
M. Peeters. - Je viens
aussi appuyer la motion de l’honorable rapporteur, car si l’amendement de
l’honorable M. Huveners venait à passer, je devrais présenter un amendement
semblable pour les propriétés des environs de Herenthals
; jusqu’à Herenthals, même jusqu’à Casterlé, on est en possession d’un canal ; les mêmes
motifs que M. Huveners a fait valoir militeraient en faveur de l’adoption d’une
exception pour les localités que je viens de citer. D’autres réclamations
analogues peuvent surgir. Il faut laisser le gouvernement juge de toutes ces
réclamations.
M. Huveners. - J’ai
entendu avec une vive satisfaction que M. le ministre reconnaît la justice de
mon amendement. Quant aux réclamations dont a parlé l’honorable M. Peeters, je
n’en dirai rien, car je ne connais pas assez les localités. Je ne m’oppose pas
au reste à ce que mon amendement soit mis en discussion après le vote de l’art.
7.
- La chambre décide que cet amendement sera discuté après le vote de
l’art. 7.
L’art. 2 tel qu’il a été proposé par le gouvernement est ensuite mis aux
voix et adopté.
Article 3
« Art. 3. Ce concours consistera dans le remboursement d’une partie
des frais d’établissement du canal, et ce au moyen d’annuités à payer pendant
vingt-cinq années consécutives. »
- Adopté.
Article 4
« Art. 4. (Projet du gouvernement.) Les annuités dont il s’agit
seront calculées d’après les bases suivantes, les propriétés assujetties au
concours étant réparties, à partir du franc-bord du canal, en cinq zones,
chacune, de 1,000 mètres de profondeur :
« Pour les propriétés de la première zone, par hectare, fr. 2 50
« Pour les propriétés de la deuxième zone, par hectare, fr. 1 75
« Pour les propriétés de la troisième zone, par hectare, fr. 1 25
« Pour les propriétés de la quatrième zone, par hectare, fr. 0 75
« Pour les propriétés de la cinquième zone, par hectare, fr. 0 50 »
M. le président. - La section
centrale propose à cet article l’amendement suivant :
« Les annuités, dont il s’agit seront calculées d’après les bases
suivantes, les propriétés assujetties au concours étant réparties, à partir du
franc-bord du canal, en cinq zones, chacune de 1,000 mètres de profondeur :
« Pour les propriétés de la première zone, par hectare, fr. 2 00
« Pour les propriétés de la deuxième zone, par hectare, fr. 1 40
« Pour les propriétés de la troisième zone, par hectare, fr. 1 00
« Pour les propriétés de la quatrième zone, par hectare, fr. 0 60
« Pour les propriétés de la cinquième zone, par hectare, fr. 0 40 »
M. Huveners propose de remplacer le 2° paragraphe de cet article par le
suivant :
« Pour les bois et bruyères de la première zone, par hectare, fr. 2
00
« Pour les bois et bruyères de la deuxième zone, par hectare, fr. 1
40
« Pour les bois et bruyères de la troisième zone, par hectare, fr.
1 00
« Pour les bois et bruyères de la quatrième zone, par hectare, fr.
0 60
« Pour les bois et bruyères de la cinquième zone, par hectare, fr.
0 40
« et la moitié pour les propriétés
cultivées.
Un autre amendement vient d’être déposé par lequel on propose de réduire
le concours demandé pour la canalisation de la Campine, par hectare :
« Pour les propriétés de la première zone, fr. 1 50
« Pour les propriétés de la deuxième zone, fr. 1 10
« Pour les propriétés de la troisième zone, fr. 0 75
« Pour les propriétés de la quatrième zone, fr. 0 45
« Pour les propriétés de la cinquième zone, fr. 0 30 »
Cet amendement est signé par MM. Peeters, Osy, Huveners, Simons, de
Renesse et Scheyven »
La parole est à M. Huveners pour développer son amendement.
M. Dubus (aîné). - Lequel ? car on ne peut proposer deux amendements à la fois.
M. Huveners. - Je
demanderai si, dans l’exposé des motifs, M. le ministre range les bois parmi
les terres cultivées ou parmi les bruyères.
M. le ministre
des travaux publics (M. Desmaisières) - L’honorable M.
Huveners me demande si les bois sont rangés parmi les bruyères ou les terres
cultivées. Il est évident que les bois sont des terres cultivées ; on y fait
croître du bois au lieu d’y faire croître autre chose.
M. Cogels, rapporteur. - La section
centrale n’a pas cru devoir s’occuper de cette distinction entre les bruyères
et les terres cultivées, le projet de loi ne l’établissant pas. Elle ne
pourrait d’ailleurs avoir d’objet que pour autant qu’on adopterait l’amendement
primitif de M. Huveners auquel il semble renoncer puisqu’il en a signé un autre
avec plusieurs de ses collègues et que les deux amendements sont
inconciliables, le second ne faisant pas la distinction établie dans le
premier.
L’honorable M. Huveners devrait s’expliquer et dire auquel des deux
amendements qu’il a signés, il donne la préférence.
M. Huveners. - J’ai signé
l’amendement proposé par mes honorables collègues, parce que je le trouve plus
favorable que le mien. Mats je maintiens celui-ci pour le cas où l’autre ne
serait pas adopté. Il est subsidiaire. J’avais développé en peu de mots mon
amendement dans la séance précédente et j’ai été l’objet d’attaques de la part
de différents membres de cette chambre, Mais je dois leur dire qu’ils ont
confondu deux choses bien distinctes. Ce sont les bruyères et les propriétés
cultivées. Je ne conteste pas pour les bruyères le grand avantage de la
canalisation de la Campine, mais j’ai dit et je soutiens que pour les terres
cultivées l’avantage n’était pas le même. M. le ministre des travaux publics a
cru que, dans les quelques mots que j’ai dit du canal de Zelzaete, je me trouve
en contradiction avec moi-même lorsque j’ai dit que les terres du bassin du Zwyn étaient en plein rapport. M. le ministre en a tiré la
conséquence que les terres cultivées dans la Campine pouvaient supporter la
charge qu’il veut lui imposer, je ferai remarquer à M. le ministre que j’ai
fait une comparaison entre le concours de Zelzaete et le concours dont il
s’agit en ce moment, ensuite qu’il y a une grande différence entre les terres
cultivées du bassin du Zwyn qui rapportent 50, 60
francs et plus, et celles de la Campine qui en rapportent tout au plus de 15 à
20 francs.
On a dit que le concours qu’on demande est très modéré. Mais on aurait
dû justifier cette opinion par quelques preuves. J’ai demandé des
renseignements à cet égard et jusqu’à présent je ne les ai pas obtenus. Il
s’agit de prouver par des faits que l’augmentation de valeur qu’éprouveront les
propriétés cultivées sera assez grande pour qu’elles puissent supporter la
charge qu’on veut leur imposer. Cette grande augmentation de valeur n’est
nullement prouvée et ce que je regrette c’est qu’elle ne puisse pas se
réaliser, car ce serait la fortune de toute la Campine.
Je vais en peu de mots vous donner la mesure de modération du concours
demandé par le gouvernement.
Je vous prie de consulter le tableau qui a été distribué, vous y verrez
d’abord la population des différentes communes qui seront traversées par le
canal. Vous avez ensuite les terres situées dans les différentes zones et le
taux du concours fixé par la section centrale. Il faudrait augmenter ce taux
d’un cinquième pour avoir celui proposé par le gouvernement. Je vous prie
d’observer que le montant de la contribution foncière dans ces différentes
communes, fixé par la députation permanente pour 1842 est comme suit, voir Mémorial administratif, n°4 :
Reppel, fr. 614
Groot-Brogel, fr. 1,067
Caulille, fr. 1,058
Hamont, fr. 2,075
Lille-St.-Hubert, fr. 1,058
Achel, fr. 1,504
Neerpelt, fr. 2,033
Klein Brogel, fr. 512
Overpelt, fr. 2,775
Lommel, fr. 1,927
Dans le tableau annexé au rapport de la section centrale, vous trouvez
les sommes que ces communes doivent payer pour se libérer envers l’Etat :
Bocholt, fr. 5,200
Reppel, fr. 1,700
Groot-Brogel, fr. 2,100
Caulille, fr. 21,000
Hamont, fr. 13,100
Lille-St.-Hubert, fr. 18,500
Achel, fr. 3,000
Neerpelt, fr. 31,000
Klein Brogel, fr. 800
Overpelt, fr. 30,700
Lommel, fr. 119,200
Il n’y a qu’une commune qui tombe entièrement dans les terres fixées
pour le concours, c’est la commune de Lille-St.-Hubert dont la population est
de 574 habitants, la contribution foncière de 1,055 et le concours pour 600
hectares de terres cultivées de 1,445 fr. Les habitants de cette commune paient
donc par hectare de terre cultivée, la moyenne de 1 fr. 76 c.,
et pour le concours 2 fr. 37 c. ; outre cela, pour les biens communaux, la même
commune, pour se libérer, paiera encore 18,500 fr., et l’on appelle cela de la
modération.
On pourrait m’objecter que les contributions ne sont pas assez élevées,
je préviendrai cette objection en prouvant, par des pièces officielles, que les
communes traversées par la première section, sont surtaxées. Je lis dans
l’exposé de la province du Limbourg, dle 1840, page
116 :
« Conformément à la résolution du conseil du 14 octobre 1839, la
députation a fait, le 11 décembre suivant, de nouvelles instances auprès du
gouvernement pour qu’il soit fait droit à la juste réclamation du canton d’Achel, en accordant une somme de trois mille francs sur les
fonds de non-valeurs de 1841, qui servirait à indemniser les propriétaires
fonciers de ce canton du chef de la surtaxe qui pèse sur eux.
« S’il n’est pas encore intervenu de décision à cet égard, tout annonce
que la reprise des opérations du cadastre de cette province est très prochaine.
Un nouveau subside, plus considérable que le premier, figure au budget du
département des finances, pour l’exercice courant. »
L’opinion que j’ai émise en ce qui concerne les propriétés cultivées est
consciencieuse, elle est le résultat de nos propres investigations. Le long du
canal de Bois-le-Duc, l’augmentation de leur valeur n’a pas été plus forte
qu’ailleurs, leur situation près de ce canal n’a exercé aucune ou au moins
qu’un très faible influence sur cette augmentation ; j’ai en outre demandé des
renseignements auprès d’un homme des plus respectable de la Campine, qui, par
sa position est très à même de connaître la valeur des terres, et notez bien
qu’il n’est nullement intéressé, il habite un autre canton que celui qui est
traversé par le canal, voici ce qu’il dit :
« Venant aux renseignements que vous me demandez, j’ai à vous faire
connaître, que, sans aucun doute, le canal de Bois-le-Duc par le bien-être
qu’il a apporté en Campine a eu une influence indirecte sur la valeur des
terres cultivées, mais son influence s’est fait particulièrement sentir sur la
valeur des bois de sapin et des terrains propres à être convertis en
sapinières, tels que les bruyères ; il est de fait qu’un hectare de bruyères
qui a deux lieues et au-delà ne vaudra que 30 à 40 fr. en vaudra 80 fr. à une
lieue, et 100 fr. près du canal, il en est de même des sapins et il n’en est
pas de même des terres cultivées, l’on ne peut pas dire que le canal influe
d’une manière directe sur la valeur de ces terres. Un hectare à une lieue du
canal, en vaut autant et se vendra au même prix qu’une terre de même nature
longeant le canal ; enfin je vous dirai que la valeur vénale d’un hectare de
terre labourable de 1820 à 1826, varie fr. 400 à fr. 900, suivant les
localités, et de 1830 à 1842, fr. 600 à fr, 1,500. Ces différences doivent être
attribuées, d’une part, au bas prix des céréales et du bétail, joint à quelques
mauvaises récoltes de 1820 à 1828, et aux bonnes années de 1830 à 1842, d’autre
part aux différentes qualités des terres plutôt qu’à leur situation près du
canal. »
Voilà sur quoi mon opinion est basée. Je demande
en vain sur quoi est fondée celle de M. le ministre.
M. Dubus (aîné). - Je demande
la parole pour un rappel au règlement.
On ne peut considérer l’amendement de l’honorable M. Huveners comme
subsidiaire ; car, d’après l’usage, on vote d’abord sur le chiffre le plus
élevé ; c’est donc l’amendement principal, et non un amendement subsidiaire.
Si au contraire, par dérogation à l’usage, on votait d’abord sur
l’amendement de MM. Peeters et collègues, l’honorable M. Huveners devrait voter
contre cet amendement, bien qu’il l’ait signé, afin qu’on arrive à l’amendement
qu’il a signé seul.
La chambre comprendra que cela n’est pas admissible.
M. Huveners. - Je demande que
M. le président veuille bien rayer ma signature sur l’amendement de M. Peeters
et collègues.
M. le président. - La parole
est à M. Peeters, pour développer son amendement.
M. Peeters. - L’amendement
que j’ai eu l’honneur de présenter avec quelques-uns de mes honorables
collègues, me paraît assez élevé et une charge assez pesante pour ces
localités. D’après ce système la Campine contribuerait pour un septième dans la
dépense à faire pour sa canalisation, ce qui me paraît plus que suffisant, cet
amendement a été assez développé hier ; car, je ne puis assez le répéter, notre
tort, à nous, habitants de la Campine, est seulement de venir un peu tard. Si
nous avions pu marcher de pair avec le chemin de fer, certainement on ne nous
aurait pas demandé de subside, l’on n’aurait pas exhumé la loi de 1807. La
preuve en est que le gouvernement avait présenté lui-même un projet de loi, il
y a 8 ans, pour la construction d’un canal de Lierre à Zommel,
projet que l’on paraît avoir perdu de vue et en compensation duquel je vous ai
demandé dans une autre discussion quelques améliorations à la grande Nèthe, et que, d’après ce projet, on ne demandait pas de
subside aux communes qu’il devait traverser, et qui y étaient spécialement
intéressées. Si l’on demande un subside aujourd’hui pour la canalisation de la
Campine, c’est que nous arrivons un peu tard, comme je l’ai dit tout à l’heure.
Après qu’on a dépensé des sommes énormes en travaux publics, après qu’on a
dépensé 1,600,000 fr. pour un pont sur la Meuse, après
qu’on a construit de superbes tunnels et dépensé plus de vingt millions en
travaux d’arts dans les environs de Verviers, on veut maintenant lésiner sur la
Campine, on demande de grands sacrifices à un pauvre pays, après n’avoir rien
demandé aux riches.
Ce qu’il ne faut jamais perdre de vue, c’est que le premier projet de
chemin de fer, le chemin de fer véritablement commercial était par la Campine,
vers les provinces rhénanes. Ce projet a été abandonné, pour rejoindre à grands
frais les grandes villes. J’espère que les députés de ces localités nous
tiendront compte de ce que, dans une autre occasion, nos députés ont fait pour
eux.
Notre amendement réduit la rétribution annuelle des localités à 18,000
fr., qui, payée pendant 25 ans, produit 450.000 fr. Un subside pareil est
certainement assez considérable. Il forme plus que le septième de la dépense
totale.
Veuillez bien prendre en considération,
messieurs, que la Campine ne peut profiter du chemin de fer, et qu’on a donné
deux millions à la province du Luxembourg pour l’indemniser de ce qu’elle n’a
pas de chemin de fer. L’on doit donc être juste, doter la Campine d’un canal,
sans lui imposer un subside plus considérable que celui que j’ai l’honneur de
proposer, ce subside serait certainement trop élevé et je me serais bien gardé,
si je ne considérais pas de pouvoir, par là, arriver plus tôt, ainsi que l’a
bien voulu promettre positivement M. le ministre, à un système général de
canalisation pour la Campine. Je pense donc que la chambre fera un acte de
justice, en adoptant notre amendement qui constitue un subside très
considérable, surtout lorsqu’on considère que les pays riches n’ont jamais
contribué autant pour de pareilles constructions.
M. Cogels, rapporteur. - J’ai déjà
eu l’occasion, dans la séance d’hier, de combattre l’amendement de l’honorable
M. Huveners et principalement la distinction qu’il veut établir entre les
propriétés cultivées et les bruyères. J’ai expliqué comment les propriétés
cultivées peuvent avoir acquis une plus-value aussi considérable que les
bruyères, sans avoir acquis une plus-value proportionnelle aussi considérable.
Ce que l’honorable M. Huveners vient de dire n’a pas détruit ma conviction. Je
crois devoir lui opposer une autorité qu’il ne récusera pas ; c’est ce qu’il a
dit dans la séance du 8 septembre. J’ai déjà cité, dans la séance d’hier, un
passage de son discours ; je continue mes citations. Après avoir énuméré les
avantages résultant du canal projeté pour Liége et d’autres provinces, il nous dit :
« Anvers livrera des denrées coloniales et des cendres de mer
servant d’engrais ; la Campine ses bois de sapin et les produits de la culture,
excédant la consommation. »
Vous voyez bien qu’il y a là un avantage pour la culture, et par
conséquent pour les propriétés cultivées. Au reste, l’honorable M. Huveners
nous a dit que les communes que le canal de Bois-le-Duc a traversées, ont senti
cette influence, que par suite des capitaux répandus par la construction de ce
canal, les propriétés cultivées situées dans la proximité ont acquis plus de
valeur que celles qui en sont éloignées.
Quant à l’importance des contributions à payer par les communes, il est vrai
que si l’on ne considère que la charge comparativement à la contribution
foncière actuelle de ces communes, la
charge peut paraître exorbitante ; mais il perd de vue qu’à mesure que les
terres sont livrées à la culture, les contributions sont diminuées ; car, en
vertu de la loi de frimaire an VII, les terres semées ou plantées de sapins
sont exonérées de la contribution pendant 30 ans. Par conséquent, il y a une
diminution, quoique légère. D’autre part, il faut considérer que ces communes
se composent, en grande partie, de bruyères ; la contribution foncière est très
peu importante ; elle deviendra plus considérable par la culture des terres
dans un avenir que l’on peut calculer.
Mais il y a une considération qui domine toutes les autres, c’est que ce
n’est pas en numéraire que les communes devront s’acquitter ; qu’en cédant une
partie de leurs terres elles feront acquérir aux terrains qu’elles conservent
une plus-value bien supérieure à la valeur des terres qu’elles cèdent. Outre
cela, par les terres qu’elles cèdent, elles obtiennent des ressources sur
lesquelles elles ne peuvent compter, sur lesquelles elles n’auraient jamais pu
compter, si elles avaient conservé ces propriétés ; car ces propriétés seront
ainsi livrées à la culture, et en ce cas, au bout de 10 ans elles seront
soumises à la contribution foncière, tandis que les propriétés plantées de sapins le seront au bout de 30
ans. Par conséquent les communes, recevant des centimes additionnels, verront
s’accroître aussi leur revenu.
Si les communes entendent leurs intérêts, elles vendront leurs bruyères
et les capitaux qu’elles retireront de cette aliénation, convenablement
appliqués, les mettront dans une situation plus avantageuse que celle où elles
sont maintenant.
A ce propos, je citerai un exemple que j’ai puisé dans l’étude de la loi
sur l’instruction primaire : celui d’une commune en France, où non seulement
les habitants ne payent aucune contribution, mais où la commune distribue plus
de 60 francs à chaque ménage.
Eh bien ! messieurs, je
dis qu’il est des communes qui, en vendant convenablement les terrains qu’elles
possèdent, pourraient venir sinon à distribuer 60 fr. à chaque ménage, du moins
à dispenser tous les habitants de
l’impôt communal.
M. Huveners. - Je dois
encore répéter ce que j’ai dit tout à l’heure, c’est que l’on confond deux
choses bien distinctes, les bruyères et les terres cultivées. Tous les
arguments que vient de faire valoir l’honorable rapporteur sont applicables aux
bruyères, mais nullement aux terres cultivées.
On nous dit qu’au moyen du canal on pourra transporter la cendre pour
servir d’engrais. Eh bien, je trouve que cet engrais sera d’une haute utilité
lorsqu’il s’agira de défricher des bruyères pour les livrer à la culture.
On nous dit que les contributions ne sont pas
aussi fortes, que les bruyères ne paieront pas pendant un certain temps,
d’après la loi de 1807. Or, ceci est encore une fois uniquement applicable aux
bruyères. Quant aux terres cultivées, elles sont imposées et même surtaxées,
comme je viens de le prouver par l’exposé de la députation de la province et
par d’autres documents. Sous ce rapport on ne répond rien à tout ce que j’ai
dit. Il faudrait prouver avant tout que les terres cultivées recevront de la
construction du canal une augmentation de valeur.
M. Simons. - J’ai
soutenu, dans la séance d’hier, que la quotité du concours dont on veut frapper
cette localité pauvre est exagérée ; je tiens à justifier cette allégation.
Cependant, avant de me livrer à cet examen, je sens le besoin de
déclarer que ce n’est pas un esprit étroit de clocher qui me fait prendre la
parole.
Non, messieurs, l’arrondissement que j’ai l’honneur de représenter dans
cette enceinte, n’a aucun intérêt à la chose. Il a, au contraire ; un intérêt
tout opposé ; en effet, par le défrichement de ses landes stériles et
improductives, la partie de la Campine dont il s’agit, après un certain laps de
temps, fera nécessairement concurrence aux plantations, aux sapinières qui se
trouvent dans mon district.
Si donc je ne consultais que l’intérêt de clocher, je devrais faire
cause commune avec les honorables membres de cette assemblée qui se montrent si
peu favorables à la réalisation d’un projet, que l’intérêt général bien entendu
réclame aussi vivement que celui en particulier de la malheureuse contrée que
la chose concerne plus particulièrement.
Mais un autre sentiment me domine ; celui de la justice, de l’équité. Ce
sentiment me dit que les habitants de la Campine font également partie de la
grande famille belge et qu’ils ont droit de participer aux faveurs du
gouvernement. Jusqu’à présent ils n’ont fait que souffrir ; ce sont eux qui ont
dû eu quelque sorte soutenir tout le fardeau de la révolution, puisque depuis
1830 jusqu’en 1839 inclusivement, ils ont dû supporter les charges d’une
occupation militaire. Lorsqu’il s’est agi de faire le traité de paix avec la
Hollande, ils ont en outre été atteints dans une affection toute particulière :
on les a séparés de leurs frères. Et maintenant, pour récompenser cette
malheureuse contrée de tout ce qu’elle a souffert, on ne rencontre partout que
de l’opposition, je dirai même de l’opposition exagérée, et je le prouverai.
J’ai eu l’honneur de dire à l’assemblée que, pour la partie de la
canalisation dont il s’agit dans ce moment, on n’aurait pas dû exiger le
concours des localités. Pourquoi ? Parce que cette partie du canal n’apporte
immédiatement aucun avantage aux localités. Ce n’est pas ainsi que je vous l’ai
fait observer hier ; l’artère principale qui doit faire fructifier les bruyères
maintenant stériles, ce sont les canaux d’irrigation. Car supposons qu’on
arrête la canalisation au canal qui est maintenant en projet, est-ce que la
localité en profilera ? Pas du tout, messieurs ; vous avez entendu que dans une
partie de ce canal l’irrigation était impossible.
Cependant, messieurs, je ne m’appuierai pas sur cette considération,
sans citer à l’appui l’opinion d’un homme qui a étudié la matière, qui l’a
approfondie. Vous verrez qu’il est absolument d’accord avec moi, que les frais
de la construction de ce canal auraient dû être supportés exclusivement par le
trésor. Voici ce que je trouve dans le rapport de M. Vifquain, à la page 429 :
« Après avoir combiné l’ensemble du système de la manière la plus
large et la plus convenable, l’Etat ne peut et ne doit intervenir dans ses
détails que pour y maintenir l’ordre et la régularité. Ce rôle supérieur lui
appartient. Sous le rapport de l’exécution, il ne doit s’occuper que de la
partie du système qui concerne la généralité, celle qui ne peut incomber à
personne et dont l’influence favorable doit s’étendre sur toute la plaine ;
ainsi, (messieurs, veuillez faire attention à ceci), l’établissement du canal
principal (c’est celui dont il s’agit), destiné à conduire l’eau de la Meuse au
sein de la Campine, tout en y amenant à bon marché les accessoires nécessaires
à l’exploitation générale, devrait être à la charge du trésor. »
Peut-on être plus explicite que ne l’est ici celui qui a été
spécialement chargé de l’étude de la canalisation de la Campine ? Vous voyez
donc bien, messieurs, que déjà nous faisons un grand sacrifice en admettant le
concours, puisque rien, absolument rien n’aurait dû être imposé à la localité
dont il s’agit. Et pourquoi ? Parce que, je le répète, l’artère principale
qu’il s’agit de construire n’est immédiatement d’aucun avantage à la généralité
de la Campine ; elle servira seulement plus tard à alimenter les canaux
d’irrigation qui devront fertiliser ce malheureux pays.
Vous voyez donc, messieurs, que nous faisons déjà un grand sacrifice en
nous soumettant à un concours. Mais nous demandons que ce concours soit modéré.
J’ai dit, messieurs, qu’il était véritablement inconcevable que l’on eût
été exhumer une loi qui était tombée en désuétude pour
frappé par exception un pays malheureux, et j’ai cité à cette occasion le
chemin de fer. En effet, messieurs, le trésor se trouverait-il dans l’embarras
dans lequel il se trouve actuellement, aurions-nous été obligés à faire des
emprunts consécutifs, si l’on avait demandé l’application de cette loi à
l’établissement du chemin de fer ? Certainement non. Mais, que répond-on ? Il a
été répondu, et personne n’a encore rencontré cette réponse : que « le
chemin de fer n’a nullement augmenté la valeur des propriétés qu’il traverse. »
Je suis d’accord, à cet égard, avec l’honorable M. Dubus, pour ce qui concerne
certaines localités ; mais il est certain que les localités où le chemin de fer
aboutit en ont retiré de très grands avantages. Et en effet, s’il n’y eût pas
eu quelque intérêt en jeu, pourquoi eût-on combattu avec tant de force le
premier projet de MM. Simons et de Ridder, d’après
lequel le chemin de fer devait être construit en partie par la Campine, en
partie par le Limbourg pour aboutir dans la direction de Visé. Avec cette
direction, le chemin de fer n’aurait pas coûté la moitié de ce qu’il coûte
actuellement. Mais on n’a pas pu résister aux exigences de quelques localités.
C’est certainement par intérêt qu’elles ont demandé un changement dans la direction.
Eh bien ! qu’a-t-on demandé à ces localités ? Rien, messieurs. Or, ne dites pas
que cette demande a été faite sans intérêt, parce qu’on ne demande pas des
choses d’une importance pareille, et le gouvernement n’accepte pas des
changements aussi onéreux lorsqu’aucun intérêt ne les demande.
Malheureusement, messieurs, ce sont ordinairement les localités qui ont
les moindres besoins qui sont le plus appuyées, tandis que les malheureuses
localités qui souffrent ne sont jamais écoutées. Messieurs, je le répète on ne
peut soutenir, que le chemin de fer n’a été d’aucune utilité pour certaines
localités. Car il est de fait, messieurs, que partout où le chemin de fera a
passé, on a payé au prix de l’or les terrains qui ont été empris.
Le fait est que je connais des propriétaires qui m’ont dit qu’ils auraient bien
voulu qu’on eût pris le double, le triple des terrains qui avaient été empris.
Et pour les stations, qu’on examine ce que coûtaient avant la
construction des stations, les terrains sur lesquels elles sont établies, et
qu’on fasse la comparaison avec ce qu’ils se paient maintenant ; en verra la
différence entre le prix d’alors et le prix actuel. Mais là, la loi de 1807
n’était d’aucune application ; c’est maintenant qu’il s’agit d’un malheureux
pays, qu’on doit l’appliquer.
Si, par exemple, messieurs, on avait demandé à la province de Liége et
surtout à la ville de Liége et à la ville de Verviers, lorsqu’elles ont fait
des efforts inouïs pour faire changer la direction, si on leur avait demandé
seulement quelques centimes additionnels, vous auriez vu quelle opposition une
semblable demande aurait rencontrée. Eh bien, messieurs, ici il ne s’agit pas
de quelques centimes additionnels, car nous consentirons volontiers à payer
jusqu’à 50 centimes additionnels, mais il s’agit de doubler au moins les
contributions. D’après ce qui m’a été dit, les meilleures terres cultivées de
la Campine paient 1 fr.75 c., et sans aucune
distinction, l’on veut faire supporter aux terres de cette malheureuse contrée
une charge de deux fr. par bonnier. Je le demande,
messieurs, est-ce là agir d’après les principes de la justice ; n’est-ce pas
avoir deux poids et deux mesures ?
On a fort bien compris, messieurs, qu’il est impossible aux localités
dont il s’agit, de payer cette contribution, et c’est ce que peuvent certifier
tous ceux qui ont parcouru la Campine ; aussi on a proposé une disposition qui
permettrait aux propriétaires et aux communes intéressées de se libérer de ce
paiement, mais de quelle manière pourraient-ils se libérer ? En cédant le quart
de leurs propriétés ! Eh bien, messieurs, peut-on dire que c’est là de la
modération ? Evidemment non. Si lors de la discussion du projet de loi sur le
canal de Zelzaete, on avait dit aux propriétaires intéressés : « Vous qui
allez profiter de la construction du canal, vous abandonnerez le quart de vos
propriétés. » Je vous demande si l’on ne se serait pas opposé de toutes ses
forces à une semblable proposition.
« Mais, dit-on, de quoi vous plaignez-vous ? Vos terres n’avaient
aucune valeur ou au moins elles n’en avaient qu’une très faible et maintenant
leur prix va augmenter de 100 pour 100. »
D’abord, messieurs, je n’admets pas ce que l’on a dit, qu’avant les
études, les terrains dont il s’agit ne valaient que 25 francs par bonnier. Hier, M. le ministre nous a donné lecture d’une
lettre particulière qui lui a été adressée et qui constate que, même dans les
localités les plus éloignées du canal, les terres se vendaient déjà 50 fr. le bonnier avant qu’il ne fût question de la canalisation de
la Campine. Mais en supposant même, ce que je n’admets pas, je le répète, que
le seul espoir de cette canalisation ait eu pour résultat de doubler le prix
des bruyères, dans ce cas il faudrait défalquer de l’augmentation de 25 fr. que
le prix de ces bruyères aurait éprouvée, les 19 fr. qu’on veut leur faire payer
dans les frais de la canalisation, et alors il ne resterait plus qu’une
augmentation insignifiante.
Hier, messieurs, l’on a raisonné comme si, par la seule canalisation de
la Campine, les bruyères de cette contrée allaient, sans frais quelconques,
devenir des terres d’une fertilité extraordinaire. « Il s’agit, a-t-on
dit, de propriétés qui recevront immédiatement une augmentation de valeur telle
que le seul espoir de la canalisation a déjà doublé le prix de ces propriétés.
» Mais, messieurs, lorsque le canal sera construit, celui qui voudra fertiliser
ses terres ne devra-t-il pas faire des avances considérables ? Certainement
oui, et chacun doit reconnaître que la canalisation ne fera que créer un moyen
de fertiliser les terres dont il s’agit, mais que cette fertilisation ne pourra
être réalisée qu’au prix de sacrifices considérables de la part des
propriétaires. A cet égard, messieurs, je citerai encore l’opinion de M.
Vifquain. Voici, en effet, ce que cet ingénieur dit dans son rapport :
« Les irrigations ou la grande navigation ne sont point capables,
isolément, d’aviver la Campine, et de transformer les plaines en un autre pays
de Waes. L’irrigation est, sans doute, un puissant moyen de production ; mais,
pour en tirer parti, il faut posséder les objets indispensables aux
défrichements, tels que bâtiments, outils aratoires, bestiaux, etc., ainsi que
la facilité des transports intérieurs, toutes choses qu’on obtient mieux et à
meilleur marché lorsqu’il existe de bonnes voies de communication vers les pays
qui regorgent de produits. »
Vous voyez donc, messieurs, que, pour fertiliser la Campine, il faudra
autre chose que la canalisation ; il faudra donc encore de l’argent. Cependant,
on commence par épuiser les malheureux habitants, en leur faisant payer une
contribution extraordinaire qui est beaucoup au-dessus de leurs forces ! Il ne
faut pas se faire illusion : celui qui connaît la Campine, l’honorable M.
Peeters, par exemple, qui a été dans le cas de parcourir la Campine
limbourgeoise, pourra nous dire ce qui en est.
C’est un pays misérable, où dans la plupart des maisons, l’on aurait
peine à trouver une pièce de 5 fr. Comment voulez-vous que ces malheureux
habitants auxquels il faut bien laisser quelque chose pour les mettre à même de
profiter de la canalisation, comment voulez-vous qu’ils puissent supporter une
charge aussi exorbitante que celle qu’il s’agit de faite peser
sur eux ! Cette charge me paraît tellement exorbitante que je ne conçois pas
que le gouvernement ait pu proposer un semblable projet. Vous ne demandez pas
10, 15, 20 centimes additionnels, mais vous proposez de doubler les
contributions ; a-t-on jamais vu une application
pareille de la loi de 1807 ?
Nous avons, messieurs, accepté le concours des propriétés intéressées,
parce que sans cela nous n’aurions jamais obtenu ce que nous réclamions depuis
tant d’années, mais si l’amendement que j’ai proposé avec d’honorables amis
était adopté, je crois que les propriétés intéressées seront encore chargées
beaucoup plus qu’elles ne devraient l’être. Ne perdez pas de vue, messieurs,
que le gouvernement retirera des avantages immenses de la canalisation de la
Campine ; les droits de toute espèce qu’il perçoit augmenteront dans une
proportion extraordinaire et l’augmentation de la population lui fournira de
nouveaux impôts.
Dans d’autres circonstances on accorde des subsides extraordinaires, des
encouragements ; ici, au lieu d’accorder un encouragement aux propriétaires,
vous commencez par les épuiser alors qu’ils auront besoin de leurs capitaux
pour tirer parti du canal qu’il s’agit de construire ! En vérité, messieurs, je
ne puis admettre un pareil système et bien que je sois partisan de la
canalisation de la Campine je déclare que si la loi n’est pas modifiée, je me
verrai forcé de la repousser par mon vote.
Il est vrai, messieurs, que la canalisation de la Campine intéresse
cette contrée, mais elle intéresse aussi au plus haut degré le pays en général
; j’ai déjà démontré les avantages que le trésor public en retirera, mais le
commerce et l’industrie y gagneront aussi. Chacun sait, en effet, que la fraude
se commet sur une large échelle, surtout par la frontière de Hollande ; eh
bien, messieurs, la canalisation de la Campine sera un moyen, sinon de faire
cesser entièrement la fraude, au moins de la restreindre considérablement.
Cette canalisation permettra du surveiller cette partie de notre ligne de
douanes d’une manière efficace, elle nous permettra de réduire de beaucoup le
personnel de la douane.
On a parlé de forteresses à construire sur la frontière de la Hollande ;
eh bien, les canaux qu’il s’agit de construire dans la Campine serviront de
rempart contre toute invasion de ce côté. Croyez-vous, messieurs, que si, au
mois d’août 1831, ces canaux avaient existé, les Hollandais auraient pu
pénétrer aussi facilement dans le pays ? Non, sans doute.
Je dis donc que, sous tous les rapports, la canalisation de la Campine
sera avantageuse au pays. Sous le rapport financier, elle produira une foule de
ressources par l’augmentation de la contribution foncière des droits
d’enregistrement, de mutation, etc., ce sera un capital extrêmement bien placé
; sous le rapport de l’économie politique, l’opération sera encore excellente,
car elle donnera au pays une province nouvelle ; elle nous dispensera de passer
les mers pour créer à grands frais des colonies ; vous aurez là une
colonisation naturelle au sein de votre propre pays.
Le malheureux peuple de la Campine qui, jusqu’à
présent, a été victime de la révolution, auquel on a fait des promesses qui
jusqu’ici sont restées sans aucun résultat, qui a éprouvé des souffrances sans
nombre, ce malheureux peuple mérite bien que l’on fasse enfin quelque chose
pour lui, et certes je n’exige pas beaucoup en me bornant à demander l’adoption
de l’amendement que j’ai proposé avec quelques-uns de mes honorables amis.
M. Mast de Vries. - Je
regrette, messieurs, comme la plupart des orateurs qui ont pris la défense de
la Campine, que l’application de la loi de 1807 se fasse précisément pour un
pays aussi malheureux que la Campine l’a été jusqu’ici, mais je conviens que la
canalisation dont il s’agit aura une heureuse influence sur toute cette partie
du pays, et que ce n’est pas une légère contribution qui peut lui porter
préjudice. J’adopterai donc les chiffres proposés par la section centrale, pour
ce qui concerne les bruyères et les propriétés boisées ; ce sont les bruyères
et les propriétés boisées qui profiteront principalement de la canalisation ;
il est évident non pas seulement que les bruyères reçoivent une augmentation de
valeur, mais qu’elles acquièrent une valeur réelle, alois que, jusqu’à présent
elles n’en avaient aucune. En effet, messieurs vous auriez beau, dans l’état
actuel des choses, créer dans la Campine les plus belles sapinières, ces
sapinières n’auraient aucune valeur, parce qu’elles ne seraient en
communication avec aucun marche où elles puissent placer leurs produits. Les
belles sapinières qui existent dans la province d’Anvers, par exemple,
n’auraient aucune espèce de valeur si elles se trouvaient dans la Campine,
parce qu’alors leurs produits n’auraient pas de consommateurs. Les bruyères et
les bois trouveront donc un immense avantage dans la canalisation.
Mais les terres cultivées ne doivent n’en retirer aucun avantage. Je
n’aurais peut-être pas pris la parole, si je n’avais entendu l’honorable
rapporteur de la section centrale déclarer que les terres cultivées vont
recevoir des engrais, des cendres de mer, vont enfin recevoir tout ce qu’il
leur faut, pour qu’elles se transforment probablement en terres de première
classe. Je ne sais où l’honorable rapporteur a puisé ces renseignements ; moi,
j’habite la localité qui est a l’embouchure de la Campine ; c’est, sans doute,
là où tous les engrais et les cendres de mer destinés à la fertilisation de la
Campine devraient passer ; eh bien, un canal existe jusqu’à Herenthals
et même jusqu’à Casterlé ; d’après les informations
que j’ai prises, beaucoup de navires ont navigué et naviguent sur le canal,
mais pas un seul n’a transporté et ne transporte du fumier dans la Campine. Où
irez-vous prendre le fumier ? Est-ce à Anvers où le fumier coûte à 4 fr. la
charrette ? Est-ce à Bruxelles d’où une voiture de fumier ne peut être
transportée dans la Campine qu’au prix de 5 francs ?
Je conclus de là que la nécessité du canal n’existe pas pour les terres
cultivées ; ce canal ne doit nullement augmenter la valeur de ces terres ;
il leur fera peut-être beaucoup plus de mal que de bien ; en divisant les
propriétés cultivées, il en rendra l’exploitation difficile ; car on ne fera
pas de pont. Est-ce pour le transport des grains que l’on jugerait le canal
utile aux propriétés cultivées ; eh bien, je dirai que pour les grains, on a
plus d’intérêt à transporter les grains d’Herenthals
à Anvers par voie de terre que par les bateaux.
Celte utilité est-elle plus grande pour les prairies ? Mais, messieurs,
les prairies de la Campine dont nous nous occupons, sont des prairies qui ne
doivent pas rapporter assez de foin pour qu’on en fasse un article
d’exportation. On y a besoin des prairies pour objet de consommation sur les
lieux.
J’ai voulu prouver que les propriétés cultivées
ne doivent gagner en rien à l’établissement du canal ; et comme ceci ne forme
pas pour moi l’ombre d’un doute, j’appuierai l’amendement de l’honorable M.
Huveners, pour que les terres cultivées ne soient imposées qu’à la moitié de la
taxe à laquelle on veut assujettir les autres propriétés.
M. de Theux. - Messieurs,
j’approuverai aussi une réduction du chiffre de la redevance proposée par le
gouvernement.
Vous aurez remarqué que, d’après les calculs mêmes du gouvernement, les
redevances rapporteront 400 et quelques millions de fr. ;
c’est le quart de la dépense. D’autre part, à l’expiration du terme des
redevances, les bruyères qui vont être mises en exploitation devront être
frappées de la contribution foncière ; cette contribution vient à remplacer la
redevance fixée par le projet du gouvernement. Voila donc l’équivalent d’un
second quart.
On me répondra peut-être que cette contribution foncière ne viendra pas
augmenter le chiffre global de la contribution foncière, qu’elle opérera
seulement un dégrèvement indirect pour tous les habitants du royaume.
Telle n’est pas ma manière de voir ; je voudrais que, comme conséquence
de la canalisation et du défrichement de la Campine, le gouvernement, à
l’expiration des redevances, majorât le principe de la contribution foncière du
total de l’augmentation de contribution qui sera le résultat du défrichement
des bruyères. Il n’y aurait rien là que de juste ; ce serait un moyen pour le
gouvernement de rentrer dans une partie de ses avances. Ainsi, de ces deux
chefs, le gouvernement récupérerait la moitié des avances qu’il fera pour le
canal.
D’autre part, l’on a fait valoir avec raison, comme un grand avantage
pour le gouvernement, l’augmentation dans les droits de mutation, de
transcription et de succession. D’après les calculs qu’on a faits il y a
quelques années, on a supposé qu’en 25 ans, le gouvernement gagnait, au moyen
de ces diverses contributions, le prix total du sol foncier. Ce calcul peut au
moins être admis pour cette spécialité, parce que, comme conséquence de la
cession des bruyères par les communes, il y aura immédiatement un droit de
mutation, le gouvernement devant, d’après le projet de loi, mettre ces bruyères
dans le commerce.
Ces droits de mutation se répéteront, du moins pour une grande partie de
travaux, plusieurs fois dans le terme de 2 années. Il y aura ainsi des droits
de succession. D’après le projet du gouvernement, 3,000 hectares doivent lui
être abandonnés par les communes et les particuliers, rien que pour racheter
les redevances sur les bruyères.
Or, il n’est douteux que ces 3,000 hectares de bruyères qui seront mis
dans le commerce, ne gagnent beaucoup de valeur, par suite des dépenses que les
propriétaires feront pour le défrichement. On peut admettre que les droits de
mutation et de succession seront perçus en moyenne avec une valeur de deux
cents francs par hectare ! Le gouvernement réalisera encore de ce chef une
somme de 600,000 fr. dans les 25 ans.
Et ici, je suis très modéré, car je n’établis les droits de mutation que
sur les 3000 hectares qui seront cédés au gouvernement pour le rachat de la
taxe ; je ne parle pas des 13,000 hectares dont les communes resteront
propriétaires et dont une partie au moins pourra être mise également dans le
commerce, par suite de la valeur vénale que ces terrains vont acquérir, je ne
parle pas non plus de l’augmentation probable des droits de mutation sur les
propriétés qui sont déjà cultivées.
Il y aura aussi augmentation du droit de consommation, des droits de
patente et de la contribution personnelle ; car ce pays deviendra
nécessairement plus habité, c’est là une conséquence qui me paraît indubitable.
Vous voyez donc, messieurs, que le gouvernement ne se borne pas à faire
d’avance des fonds à la Campine, mais qu’il s’assure encore un bénéfice dans
l’avenir. Cependant, je pense qu’il doit être de principe en matière pareille
que le gouvernement fasse quelques dépenses, au profit des localités, comme
cela se fait pour la construction des routes pavées, lorsqu’elles ont pour
objet de favoriser l’agriculture. Le gouvernement doit donc se relâcher sur le
taux des redevances qu’il a réclamées, s’il veut favoriser les cultures dans la
Campine.
Jusqu’ici, messieurs, je n’ai parlé que de la ligne principale ; c’est à
raison de cette ligne que le gouvernement demande des redevances équivalant au
quart de la dépense totale. Cependant par les divers calculs que j’ai
présentés, le gouvernement arrive à être complètement remboursé de ses avances,
mais quant aux embranchements, les avantages du gouvernement seraient bien plus
considérables que ses avances ; car les embranchements devant être établis dans
des dimensions moindres, et la contribution restant la même, ce ne serait plus
à raison du quart que les propriétés privées contribueraient, mais probablement
à raison de la moitié ou des trois quarts. Dès lors, il me paraît évident que
le chiffre du gouvernement doit subir une réduction.
Je n’ai pas encore fait mention des péages sur le canal. Cependant plus
ce canal aura eu de durée, plus les péages augmenteront ; je ne dis pas que les
péages seront très considérables pendant les premières années, mais ils le
deviendront par la suite ; et cependant dès les premières années, il y aura
déjà des péages assez notables.
Messieurs, quelques membres ont combattu l’amendement proposé par
l’honorable M. Huveners qui, en admettant le chiffre proposé par la section
centrale pour les propriétés boisées et pour les bruyères, propose une
réduction de moitié pour les terrains cultivés.
Il est à remarquer que cet amendement a peu de portée pour le trésor ;
car, après les explications données par M. le ministre, à savoir que les bois
sont compris dans les terrains cultivés, tels qu’ils sont donnés à l’appui du
projet du gouvernement, il en résulterait que cette réduction sur le chiffre du
gouvernement ne serait guère que de 2,000 à 2,500 fr. Mais on me dira que si
cela est peu important pour le trésor, cela est également peu important pour
les localités. Non, messieurs, il y a une très grande différence, parce que,
pour percevoir cette somme, il faut s’adresser aux propriétaires, c’est là une
contribution directe.
Mais cette contribution est en général mal vue. La contribution sur les
bruyères est une contribution indirecte. C’est la communauté qui peut se
libérer en cédant au gouvernement à un prix convenable, une partie des bruyères
qu’elle possède, en en conservant une grande partie. Je conçois donc
l’importance que l’honorable M. Huveners attache à son amendement en ce qu’il
concerne les propriétés privées, et que d’un autre côté, il aurait très peu
d’influence quant au trésor. Je n’en dirai pas davantage, parce qu’il me semble
que tout a été dit dans cette discussion.
Par l’amendement proposé, en ne sortant pas des
bornes de la justice envers les particuliers et les communes on maintient un
concours suffisant pour déterminer l’adoption du système de canalisation
proposé.
M. Cogels, rapporteur. - Messieurs,
j’ai été surpris d’entendre l’honorable M. Simons, dire que le projet avait
rencontré partout de l’opposition et même une espèce d’hostilité. Ce reproche
ne peut pas s’adresser à la section centrale car elle n’a fait qu’exécuter la
loi, c’est-à-dire, régler l’application d’une loi qui avait été votée et
appuyée, telle qu’elle avait été proposée par les honorables membres qui viennent
s’en plaindre aujourd’hui. Tout le monde se rappellera que, lors de la
discussion de l’emprunt, le concours fut proposé par le gouvernement et par la
section centrale et qu’il n’a rencontré aucune opposition, parce qu’on sentait
fort bien que cette condition était nécessaire pour obtenir le vote du crédit.
Quant à l’importance de ce concours, de la contribution à établir, certainement
je ne m’opposerai pas à ce qu’on la réduise autant que possible. La section
centrale a proposé une réduction sur le projet du gouvernement. Si la majorité
de la chambre veut opérer une réduction ultérieure, je ne m’y opposerai pas.
Cependant, je prierai les honorables membres de ne pas aller trop loin dans
leurs propositions pour ne pas rendre ce concours illusoire.
L’honorable M. Mast de Vries a cité un passage de mon discours dont il
veut faire peser la responsabilité sur moi, et pour lequel il aurait mieux fait
de s’adresser à l’honorable membre qui siège à côté de lui. Quand j’ai parlé
des engrais, des cendres, et des produits qui emprunteraient la voie du canal,
je n’ai fait que citer les paroles de l’honorable M. Huveners qui paraît avoir
étudié la matière et que personne certainement ne supposera être hostile à la
Campine.
L’honorable M. Mast de Vries a parlé des terres cultivées qui par la
construction du canal, éprouveront une détérioration plutôt qu’une augmentation
de valeur. Si le fait existe, en votant l’art. 7 tel qu’il a été proposé par le
gouvernement, vous remédierez à tous les inconvénients ; car pour ces
circonstances extraordinaires il accorderait l’exemption du concours aux
propriétés qui, loin de recevoir une augmentation de valeur par la construction
du canal, éprouveraient une détérioration.
L’honorable M. Theux, en appuyant l’amendement
de M. Huveners, nous a dit qu’en réduisant à la moitié la contribution pour les
terres cultivées, cela ne s’étendrait pas aux bois, le ministre ayant déclaré
qu’il ne comprenait pas les bois dans les terres cultivées. J’ai cru comprendre
que M. le ministre des travaux publics avait dit le contraire, que les bois
étaient des terres cultivées. Il faudra donc, pour autant que l’amendement fût
adopté, maintenir la distinction entre les terres cultivées proprement dites et
les bois et bruyères.
M. de Theux. -
L’explication est toute simple. D’après l’amendement de M. Huveners les bois
seront formellement exceptés de la réduction.
M. Huveners avait supposé que dans le chiffre
des terrains cultivés qui figure dans un des tableaux de l’ingénieur Kummer, on
n’avait pas compris les bois. Alors la réduction s’élevait de 4 à 5 mille
francs. Mais comme M. le ministre a dit tout à l’heure que les bois étaient
compris dans ce chiffre et qu’ils y figurent pour la moitié à peu près, il en
résulte que la réduction proposée sur le chiffre de la section centrale ne
serait que de 2 mille à 2,500 francs au plus.
M. Dubus (aîné). - La
canalisation de la Campine réalisera-t-elle les avantages qu’on se promettait
en septembre dernier ? Voilà la première question à poser d’après la discussion
qui s’agite en ce moment ; car, si je ne me trompe, les avantages qu’on avait
fait sonner si haut quand il s’agissait de faire décréter cette canalisation,
sont aujourd’hui remis en question. Qu’avait-on dit pour démontrer les immenses
avantages de cette canalisation ? Quelle était pour nous la conquête d’une
demi-province ; eh ! messieurs, on vous signalait de
vastes terrains comme un désert inabordable ; on vous disait qu’il n’y avait ni
moyen de communications pour y arriver, pour y faire arriver des engrais, ni
moyen d’exportation pour les produits de la terre, et que dans de pareilles
circonstances, il était impossible de faire de défrichement, ou du moins que
les défrichements ne pouvaient être que de rares exceptions.
Aujourd’hui on vous dit que le canal que vous avez voté ne servira ni à
amener des engrais, ni à exporter des récoltes, qu’il sera sous ce double
rapport inutile. Il ne fallait pas le voter ! car vous
n’atteignez pas le but que vous vous étiez proposé. Les avantages qu’on avait
énumérés s’évanouissent, ils sont tout à fait chimériques. Ce qu’on dit
aujourd’hui est en opposition manifeste avec ce qu’on disait en septembre
dernier, alors que l’on exaltait beaucoup ce grand ouvrage non seulement comme
un moyen d’enrichir tous ses propriétaires de tous ces terrains qu’on
présentait comme un désert, mais comme un moyen d’enrichir la Belgique, à tel
point, disait-on, que la construction de ce canal amènerait une augmentation si
considérable de la valeur des propriétés, que l’Etat serait remboursé de
l’intérêt de ses avances par la seule augmentation du produit de
l’enregistrement et des droits de succession. Je vous prie de faire mentalement
un calcul et vous verrez quelle augmentation énorme de valeur devaient acquérir les propriétés pour que les droits
d’enregistrement et de succession fussent augmentés dans une proportion telle
que cette augmentation pût suffire pour couvrir l’Etat de l’intérêt de ses
avances. On disait même que cela irait beaucoup au-delà ; c’était tout
bénéfice,
Aujourd’hui, cette augmentation de valeur des propriétés s’évanouit en
quelque sorte. Aussi le concours, quant aux terres cultivées, va-t-il se
réduire à rien ! Car, après que la section centrale l’a réduit d’un cinquième,
on propose de le réduire encore de moitié ce qui revient à le réduire de 3/5.
M. Peeters. - C’est une
erreur.
M. Dubus (aîné) . - C’est incontestable.
Du chiffre proposé par le gouvernement, la section centrale retranche un
cinquième, il en reste quatre. L’amendement que j’ai sous les yeux réduit le
concours pour les propriétés cultivées à la moitié du chiffre proposé par la
section centrale. Or, la moitié de quatre est deux ; et deux plus un, dont la
section centrale a réduit le chiffre du gouvernement, font bien trois. C’est
donc bien de trois cinquièmes qu’on veut réduire le chiffre proposé par le
gouvernement. Ainsi ce que je dis est exact, on propose pour les terres
cultivées une réduction de 3/5 sur la proposition du gouvernement. C’est le
seul amendement que j’ai sous les yeux, il a été imprimé et distribué à tous
les membres, et encore en faisant cette proposition on semble faire une grâce
au trésor public, on prétend que c’est trop. Cependant ce n’est pas au hasard
que le gouvernement a fait sa proposition, il ne l’a fait qu’après s’être
entouré de tous les renseignements qu’il a pris sur les lieux. Vous ne pouvez
pas supposer que le gouvernement est venu présenter un pareil chiffre à la
légère. Où est la preuve, dit-on, que ce chiffre est équitable ? C’est qu’il
doit être la conséquence d’un grand nombre de faits constatés sur les lieux.
Mais à celui qui demande où est la preuve que le chiffre du concours proposé
est équitable, je dirai aussi où est la preuve que ce canal, contrairement à ce
que vous annonciez quand vous en demandiez à cors et à cris la construction, ne
procurera aucun avantage aux propriétés cultivées ? Est-ce que par hasard il
serait indifférent pour des propriétés cultivées d’être enfermées au milieu
d’un vaste désert sans communication avec le pays habité, ou d’être mis en
communication avec le pays habité ? Cela serait-il indifférent aux
propriétaires ?
La proposition du gouvernement consiste, pour les terres les plus
imposées, à payer 2 fr. 50 par hectare pendant 25 ans. Quel est le propriétaire
qui, ayant une propriété en quelque sorte perdue, enclavée dans un désert,
privée de toute communication, qui ne consentirait pas à payer 2 fr. 50 par
hectare pendant 25 ans, pour obtenir de faire partie du monde civilisé ? Il me
semble que c’est payer bien peu un immense avantage. Si quelque chose m’étonne,
c’est l’exiguïté du prix qu’on demande pour un avantage aussi considérable.
Du reste, j’ai fait, moi, un aperçu, en comparant les chiffres des deux
projets qui ont été imprimés ; et de cette comparaison il résulte que, dans
l’opinion des ingénieurs, il y a pour les bruyères et pour les terres
cultivées, comme résultat immédiat de la canalisation, un immense avantage, une
augmentation considérable de valeur.
J’ai remarqué qu’en septembre dernier tout le monde s’accordait à dire
que la seule espérance de voir exécuter cette canalisation, espérance fondée
sur les études que le gouvernement faisait faire dans la Campine avait déjà
doublé la valeur des bruyères et en avait porté la valeur de 25 à 50 fr. par
hectare, en moyenne. J’en conclus que la réalisation de cette espérance doit
amener une augmentation encore plus forte, car cette augmentation n’était
fondée que sur une espérance ; l’exécution, c’est la certitude ; or, on donne
beaucoup plus pour une certitude que pour une espérance ! On en trouve
d’ailleurs la preuve dans le chiffre même des deux projets.
Dans le projet de MM. Teichman et Masui on évalue à 53 hectares la quantité d’hectares de
terres cultivées, à exproprier pour l’exécution de la première section. De ces
53 hectares de terres cultivées, il y en aurait 32 de bruyères récemment mises
en culture, évaluées à 400 fr. l’hectare, 12 hectares évaluées
à 800 fr. et 9 des meilleures terres et prairies évaluées à 1,600 fr. Cela
donne un total de 36,800 fr. pour les 53 hectares, et une moyenne de 700 fr.
par hectare.
Ce premier rapport remonte à 1835.
Dans le second rapport de 1840, on suppose 60 hectares de terres
cultivées expropriés pour la construction du canal et estimés en moyenne à
1,860 fr. par hectare. Ainsi il y a une augmentation de 1,100 fr. par hectare.
Voilà un premier aperçu assez remarquable qui résulte de la comparaison
des deux devis.
Quant aux bruyères, dans le premier rapport, elles sont évaluées à 20
fr. par hectare, et dans le second elles sont évaluées à 100 fr. par hectare.
On vous a dit, en effet, qu’avant qu’il s’agît de canaliser la Campine, les bruyères
valent 20 fr. par hectare, et que leur valeur avait plus que doublée par la
seule espérance de voir la canalisation. Ainsi il y a lieu de croire, d’après
cela, que les premiers ingénieurs avaient calculé le prix d’après la valeur
avant la canalisation et que la deuxième estimation a eu lieu, en supposant la
construction du canal décrétée.
Comment ! des propriétés augmenteraient, en
moyenne, de 1,000 à 1,100 fr., et une somme de 2 fr 50 c. par hectare serait
exagéré ? Pour moi, je n’admets pas comme réelle l’augmentation qu’il y aurait
d’après la comparaison entre les deux rapports. Si elle était réelle, un
chiffre six fois plus élevé ne serait pas trop considérable. Cela est évident,
mais toujours est-il que pour des terres cultivées que je suppose ne valoir que
mille francs, et qu’on suppose privées de toute communication, de tout moyen
d’importation et d’exportation ; c’est acheter bien peu une communication aussi
importante que l’acheter par la modique somme de 35 fr.
On a produit bien d’autres observations, qui tendent à remettre en
question ce que vous avez voté. On est revenu sur l’application qu’on a
prétendu être faite ici, pour la première fois, d’une loi qu’on dit être tombée
en désuétude ; de manière qu’il serait sans exemple qu’on eût fait contribuer
les propriétés à l’exécution de travaux quelconques d’utilité publique. On a
cité le chemin de fer ; mais on a répondu à satiété qu’il n’apporte aucune
augmentation de valeur, qu’au contraire, il diminue la valeur des propriétés
qu’il traverse. Mais, dit-on, les stations ! Pour les stations, on fait
concourir les localités. Je citerai la ville de Tournay, qui a fait un
sacrifice de 300,000 fr. pour avoir une station intérieure. Tous les terrains
des stations intérieures ont été fournis au gouvernement par les villes. Je
sais qu’il n’en est pas ainsi, dans certaines capitales, où l’on a dépensé des
millions, sans faire contribuer la
ville. Mais il paraît que les capitales seules sont privilégiées au point de
vue des intérêts du trésor public.
On a aussi fait valoir que, pendant 25 ans la contribution serait
notablement plus forte que l’impôt foncier, qu’elle serait de 1 fr. à 1 fr. 75
c. par hectare. Un autre orateur a dit qu’il y aurait surtaxe. Je voudrais que,
dans ma province, les terres qui peuvent valoir 1000 fr. ne payassent que de 1
fr. à 1 fr. 75. Je vous assure que les cultivateurs ne se plaindraient pas
d’être surtaxés ; ils considéreraient cette situation comme très favorable,
comme plus favorable que la situation actuelle.
Enfin on est revenu sur le malheur de cette commune de Bocholt, qui doit
abandonner le cinquième de ses propriétés, pour se libérer de l’impôt. Mais si
la valeur des propriétés qui restent à cette commune
est doublée par la canalisation, n’est-ce pas pour elle un très grand avantage
de se libérer par le cinquième de ses propriétés ?
Mais si l’on avait adopté l’idée qui avait été mise en avant dans la
discussion de septembre, les communes auraient été bien autrement sacrifiées ;
car l’honorable M. de Theux ne faisait pas de difficulté d’accorder au
gouvernement le droit d’exproprier les communes de toutes leurs bruyères à un
kilomètre à droite et à gauche du canal. Il a dit que si cette expropriation
pouvait être inconstitutionnelle pour les propriétés privées, il la trouverait
très juste pour les communes. Les communes auraient eu à faire un sacrifice
plus fort que le cinquième de leurs propriétés, si cette idée avait été adoptée
par le gouvernement.
Je me réfère, du reste, aux observations que
j’ai présentées hier.
M. Rogier. - Je viens
appuyer l’amendement proposé par l’honorable M. Peeters, qui consiste à réduire
à une annuité de 18,000 fr. l’annuité de 30,000 fr. proposée par le
gouvernement et réduite à 24,000 fr. par la section centrale ; de sorte que M.
Peeters réduit de 6,000 fr. la proposition de la section centrale. Voilà sur
quelle somme porte le débat : Vous voyez qu’au point de vue financier il n’a
pas grande importance.
Pour ma part, fidèle au système d’économie que je persisterai à défendre
aussi longtemps que l’équilibre ne sera pas rétabli entre les recettes et les
dépenses, j aurais combattu une proposition qui aurait eu pour résultat
d’entraîner le pays dans des dépenses trop considérables eu égard à ses
ressources actuelles. Mais quand je vois qu’il s’agit d’une différence de 6,000
fr., je ne puis m’empêcher de donner mon concours à une telle proposition,
certes 6,000 f. pendant 25 ans, ce n’est pas une charge trop onéreuse pour le
trésor public.
Mais une somme annuelle de 6,000 fr. répartie surtout entre un grand
nombre de petits contribuables, peut devenir une charge très pesante.
Et vous le voyez vous-même, ce canal de la Campine qui avait été annoncé
et accueilli comme un bienfait dans cette partie du pays longtemps oubliée, ce
canal, si nous devons en croire les pétitions qui nous arrivent de cette
contrée, serait considéré comme une sorte de calamite, s’il devait être
construit aux conditions proposées par le gouvernement. Voici comment
s’explique la commune de Lommel dans une pétition contre le projet :
« Ce triste projet a porté la désolation au milieu de nos
populations et les a réduites à cette extrémité de faire des vœux pour qu’il ne
soit plus question d’une œuvre que l’intérêt national réclame depuis
longtemps. »
Ce langage n’est sans doute pas exempt d’exagération ; mais lorsqu’une
loi excite de tels sentiments de la part de ceux à qui elle semble destinée à
apporter des bienfaits, on doit supposer qu’elle présente des inconvénients
qu’il faut tâcher de faire disparaître.
Messieurs, tout ce que l’on peut dire en faveur de la canalisation de la Campine, a déjà été dit dans cette
enceinte par des orateurs très convaincus, et qui ont dû, me semble-t-il,
convaincre la majorité sur la justice de leurs réclamations, Pour ma part, j’ai
toujours considéré comme un des premiers devoirs du gouvernement et de la
chambre de chercher à amener la civilisation, la prospérité, l’abondance dans
celles de nos contrées qui manquent de pareils éléments. Je me suis dit depuis
longtemps qu’avant de songer à coloniser les pays étrangers, nous ferions bien
de songer à coloniser notre propre pays, où tant de choses restent encore à
faire.
Messieurs, nous nous donnons souvent beaucoup de peine pour chercher des
débouchés lointains, et à nos propres portes, dans notre propre pays, nos
produits ne peuvent pas pénétrer. La houille, la fonte, la chaux sont encore
choses rares dans beaucoup de nos contrées et notamment dans la Campine. Ce
n’est donc pas seulement pour la Campine que l’on plaide, quand on demande la
canalisation de cette contrée, c’est pour l’industrie du pays en général. Sans
doute, il sera avantageux à la Campine de pouvoir recevoir le fer, la houille,
la chaux ; mais il sera aussi très avantageux au producteur de fer, au producteur
de houille, au producteur de chaux, de trouver de nouveaux consommateurs dans
la Campine.
Ainsi, messieurs, l’intérêt général réclame ces travaux. L’intérêt du
fisc s’y trouve également engagé. On vous a démontré comment les droits de
mutation et d’enregistrement avaient été en s’accroissant dans la Campine
depuis qu’on avait commencé à y faire quelques travaux.
Enfin, quant à la Campine elle-même, je reconnais que les travaux qu’il
s’agit d’y exécuter lui seront fort utiles ; que les propriétés traversées par
le canal ou qui en seront voisines auront une plus grande valeur que dès lors
il est juste en principe qu’elles contribuent dans la dépense. On a longtemps
laissé dormir la loi de 1807. Cette loi renfermait un principe bon en soi,
principe en vertu duquel les propriétés, profitant d’un travail, devaient
concourir pour une part dans les frais de ce travail. Mais ce principe a été,
il faut le reconnaître, appliqué un peu tardivement chez nous. Si on veut le
populariser, si on veut le rendre acceptable, il ne faut pas qu’il entraîne des
charges trop grandes pour ceux qu’il doit atteindre.
Messieurs, je n’ai pas connaissance que les routes empierrées exécutées
aux frais de l’Etat, l’aient été avec le concours forcé des particuliers.
M. Savart-Martel. - Et les routes
provinciales ?
M. Rogier. - On a voté
deux millions en faveur du Luxembourg, et en n’a pas exigé des propriétaires
riverains une part contributive dans la dépense.
Le canal de Zammel, c’est-à-dire la canalisation
de la Grande-Nèthe, avait été promis à la province
d’Anvers, Il existe même un projet de loi qui, je pense, n’a pas été retiré ;
eh bien, dans ce projet, il n’était demandé aucun concours de la part des
propriétaires riverains.
Au surplus, déjà une partie de la contrée, dont il est question
aujourd’hui, a contribué dans une proportion très forte aux travaux qu’il
s’agit d’exécuter. La province d’Anvers a construit le canal d’Herenthals avec ses propres deniers au moyen de centimes
additionnels qui pèsent encore sur elle. L’Etat n’a rien payé, sauf un subside
d’une trentaine de mille francs pour une rectification.
A ceux donc qui disent que les contrées que doit traverser le canal,
doivent concourir à la construction, nous répondrons qu’elles y ont déjà
concouru, que les propriétaires de la province d’Anvers ont concouru pour une
somme de 800 mille fr. à la canalisation dont il s’agit. Et certes ce concours
est déjà très considérable en présence des dépenses qui doivent être faites.
Quoiqu’il en soit, messieurs, ainsi que je l’ai dit en commençant, les
différences ne sont pas grandes. Le débat ne porte que sur une somme annuelle
de 6 mille fr. à payer pendant 25 ans. Une somme de 6 mille fr. peut être
considérable pour des contrées pauvres ; pour le fisc, elle n’est absolument
rien ; elle n’est, à mon avis, pas digne de nos débats.
La somme proposée par l’honorable M. Peeters comprend le septième de la
dépense ; si l’on y joignait les 800 mille. fr. qu’a coûtés le canal d’Herenthals, et dont il faut tenir compte, on arriverait à
un tiers de toute la dépense.
Lorsqu’on a discuté l’article premier, je n’étais pas présent. Je n’ai
donc pu adresser une question à M. le ministre des travaux publies. Je
profiterai de l’occasion pour la lui poser.
Par l’article premier on décrète une première section de Bocholt à la
Pierre-Bleue, et une seconde section de la Pierre-Bleue à Herenthals.
Sur la première section il n’y aura pas d’écluse, mais sur la seconde, de la
Pierre-Bleue à Herenthals, il y aura des écluses. Dans
le rapport de M. l’inspecteur Vifquain, j’ai remarqué qu’il s’agissait de
donner à ces écluses une largeur de 2 mètres 60 cent. J’appellerai l’attention
de M. le ministre sur ce point. Lorsque nous avons exécuté le canal de Lierre à
Herenthals, tout le conseil provincial d’Anvers a
reconnu la nécessité de donner aux écluses au moins une largeur d’au moins 5
mètres, attendu la nature des produits qui doivent être transportés par ce
canal. Ainsi, pour le bois entrer autres on a reconnu
qu’une largeur inférieure à 5 mètres serait insuffisante.
Si vous donnez une largeur moindre de 5 mètres aux écluses à construire,
vous pourriez nuire considérablement aux transports, outre que vous établiriez
en quelque sorte une solution de continuité entre le canal d’Herenthals et le canal de Bois-le-Duc. Je crois qu’il faut
donner la même largeur d’écluses à toute la ligne du canal. J’appelle
l’attention de M. le ministre sur ce point.
J’appellerai encore son attention sur une observation que M. l’ingénieur
Vifquain a jetée en passant dans son rapport et qui m’a, quant à moi, beaucoup
plu ; car elle rentre jusqu’à certain point dans mes opinions. M. l’inspecteur
Vifquain, parlant d’une tranchée considérable à faire sur un point, dit que
pareil travail serait exécuté en très peu de temps, par un corps de troupes.
Il ne s’agit pas ici, messieurs, d’appliquer en grand notre armée aux
travaux publics. Mais si à l’imitation de ce qui s’est passé dans beaucoup de
pays et de ce qui se passe encore aujourd’hui en France et en Algérie on
voulait faire un essai de l’emploi de troupes aux travaux publics, je crois que
la Campine serait un terrain merveilleusement choisi pour un pareil essai. Je
crois avec M. l’inspecteur Vifquain qu’un corps de troupes peu nombreux
creuserait en peu de temps de très grands travaux dans la Campine. Je parle de
travaux de terrassements, comme ceux de la première section du canal qu’il
s’agit d’exécuter, et qui ne présentent aucune difficulté. Il n’y a pas sur
cette section de travaux d’art, il n’y a que des tranchées à faire.
L’armée, messieurs, a occupé longtemps la
Campine, on s’est plaint dans cette contrée des cantonnements, des logements
onéreux ; il ne serait peut-être pas mal que ces mêmes soldats, dont on s’est
plaint comme d’une charge, vinssent rendre quelques services à cette partie du
pays. Je ne fais du reste que signaler ce moyen ; pour qu’il fût susceptible
d’exécution il faudrait que M. le ministre des travaux publics et M. le
ministre de la guerre fussent d’accord.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, dans cette discussion l’on en est
revenu de nouveau à faire des comparaisons avec le canal de Zelzaete ; je tiens
à prouver qu’il n’y a eu ni de la part du gouvernement, ni de la part de la
chambre aucune espèce de partialité en faveur de ce canal. Ainsi que je l’ai
dit hier, dans la question du canal de Zelzaete, il s’agissait d’une
institution de valeur et non pas d’une restitution de valeur, d’une donation,
et, par conséquent, on pouvait être moins exigeant, en ce qui concernait le
concours des propriétés intéressées. Cependant, messieurs, probablement en
raison de la position des propriétaires aux eaux des terrains desquels
l’écoulement devait être rendu au moyen du canal de Zelzaete, la législature a
fait à ces propriétaires des conditions plus onéreuses que celles qu’il s’agit
de faire aux propriétés intéressées au canal de la Campine, car vous vous
rappelez, messieurs, que la chambre introduit dans le projet relatif au canal de
Zelzaete un amendement d’après lequel, si la construction du canal coûte plus
de 4 millions, les propriétés intéressées devront contribuer dans l’excédant
jusqu’à concurrence de un quart, car une semblable disposition ne se trouve pas
dans le projet actuel. Je crois, messieurs, que ces simples observations
prouvent qu’il n’y a eu aucune partialité en faveur des propriétés intéressées
au canal de Zelzaete.
Il n’y a pas de doute, du reste, messieurs, qu’en ce qui concerne la Campine,
il faut prendre en considération la situation actuelle de cette contrée,
situation qui n’est pas heureuse, mais il faut aussi tâcher d’améliorer cette
situation autant que possible, et par conséquent, il faut arriver à l’exécution
complète du système de canalisation qui doit donner à cette partie du pays de
la vie et de la prospérité.
« Mais, a-t-on dit, on n’a pas fait contribuer les communes et les
propriétés intéressées lorsque l’on a construit des routes de l’Etat. » C’est
là une erreur, messieurs, qui m’étonne chez l’honorable préopinant, car il est
arrivé très souvent que les communes et les propriétés intéressées ont
contribué à la construction de routes de l’Etat dans le Luxembourg lui-même.
Les communes et la province contribuent pour de très fortes sommes dans les
dépenses des routes à construire au moyen des deux millions qui ont été votés
en sa faveur. Cependant il s’agit là de routes de l’Etat.
L’honorable préopinant vous a cité, messieurs, la pétition de Zammel, il vous a lu un passage de cette pétition où le
projet dont nous nous occupons est traité de triste projet, de projet odieux,
etc. Les gros mots, messieurs, n’ont jamais été des raisons, et par conséquent,
je crois qu’ils ne peuvent avoir aucune influence sur nos esprits ; on aurait
donc pu se dispenser de s’en faire l’écho, mais pour vous faire juger de ce que
sera la construction du canal pour la commune de Zammel,
pour cette malheureuse commune de Zammel, je n’ai
qu’à citer les chiffres d’un tableau qui se trouve aux pages 24 et 25 du
rapport de la section centrale.
La commune de Zammel, messieurs, pourra se
libérer de toutes les annuités en cédant à l’Etat, 1,503 hectares des bruyères
qu’elle possède et alors il lui en restera 5,216 hectares qui aujourd’hui ne
valent rien ou qui du moins valent très peu de chose, qui dans tous les cas ne
rapportent rien. Eh bien, en vendant 5,216 hectares à raison de 200 fr.
seulement, et c’est là être entièrement modéré dans l’évaluation du prix vénal
après la construction du canal, cette commune acquerra un capital de 1,043,200 fr. Voilà, messieurs, dans quelle position
malheureuse la commune de Zammel se trouvera bientôt,
si le projet que nous discutons est converti en loi.
Maintenant, messieurs, je dois l’avouer, telle n’est pas la position de
toutes les communes, de toutes les propriétés, mais c’est ce que le
gouvernement a pris en considération lorsqu’il nous a présenté son projet ; en
effet le gouvernement ne devait pas le régler sur une seule commune, qui fait à
la vérité exception sous ce rapport, parce que les autres communes ne possèdent
pas autant de biens que celles-là, surtout dans les zones qui doivent profiter
plus spécialement du canal. Le gouvernement a cru être assez modéré en nous
proposant les chiffres des annuités qu’il nous a présentés dans son projet de loi.
Ces chiffres, messieurs, sont de 2 fr. 50. c. par hectare pour la première zone
;
1 fr. 75 c. pour la deuxième zone ;
1 fr. 25 c., pour la troisième zone ;
75 c. pour la quatrième zone ;
50 c. pour la cinquième zone.
La section centrale a réduit ces chiffres de 1/5, et elle a émis à
l’appui de cette réduction plusieurs considérations qui avaient jeté dans mon
esprit quelques doutes sur la question de savoir s’il ne fallait pas admettre
sa proposition. C’est pourquoi, ainsi que je l’ai dit hier, je n’avais pas cru
devoir m’expliquer de suite, à cet égard ; mais je vous ai dit aussi hier que
si l’on ne faisait pas valoir à l’appui de la proposition de la section
centrale, d’autres raisons que celles que l’on avait présentées jusque-là, je
serais forcé de maintenir les chiffres proposés par le gouvernement. Je dois
avouer, messieurs, qu’aujourd’hui l’on a fait valoir diverses considérations,
notamment les honorables MM. Simons et de Theux, qui m’ont ébranlé en ce qui
concerne la proposition de la section centrale. Il est vrai que la contrée,
connue sous le nom de Campine, est une contrée très pauvre et qui a toujours
été assez malheureuse pour ne pas pouvoir prendre part aux divers travaux
publics qui ont été exécutés dans l’intérêt général du pays. Il y a bien un
chemin de fer qui conduit à Anvers, il y a bien un chemin de fer très court
dans le Limbourg, mais ces chemins de fer ne se trouvent nullement sur le
territoire de la Campine et ne viennent pas en aide à cette partie intéressante
du pays. D’un autre côté peu de routes ont été construites dans le Limbourg et
même dans la province d’Anvers, ce qui a tenu, en ce qui concerne cette
dernière, à ce que la position financière où elle s’est trouvée par suite de la
construction du canal d’Herenthals, ne lui a pas
permis de concourir à la construction de routes dans une proportion suffisante
pour que ces routes s’exécutassent. C’est là un motif qui milite en faveur de
la partie de la Campine qui est située dans la province d’Anvers, puisque cette
province a exécuté à ses propres frais le canal d’Herentbals
qui fait suite au canal de la Campine.
Je crois, messieurs, par ces nouvelles considérations qui ont été émises
aujourd’hui, pouvoir me rallier à l’amendement de la section centrale, mais
faire plus ce serait agir contrairement aux intérêts de la Campine elle-même et
contrairement à l’intérêt général du pays. Je dis contrairement aux intérêts de
la Campine, parce que, je le répète, elle a le plus grand intérêt à ce que le
système de canalisation se complète, et que si le concours des propriétés
intéressées à la construction de la première section du canal n’était pas assez
élevé, il n’y a pas de doute que l’exécution du reste de la canalisation se
trouvât gravement compromise.
M. Peeters (contre la
clôture). - Je désirerais, messieurs, dire quelques mots en réponse au discours
de l’honorable M. Dubus, qui s’est placé sur un terrain où je voudrais le
combattre. Je n’ai pas contesté l’utilité du canal ; s’il n’était pas utile
nous n’en voudrions pas ; mais j’ai dit que le gouvernement en profiterait le
plus, et je désire le prouver. Les députés du Hainaut…. (La clôture, la clôture.)
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - Nous avons
diverses propositions. Il y a celle de la section centrale à laquelle M. le
ministre s’est rallié ; il y a ensuite deux amendements présentés, l’un par MM.
Peeters, Osy et autres membres, l’autre par M. Huveners. L’amendement de M.
Peeters diffère de la proposition de la section centrale en ce qu’il réduit
d’un quart les chiffres de cette proposition ; celui de M. Huveners diffère du
projet de la section centrale, en ce qu’il tend à établir une différence entre
les bois et bruyères et les propriétés cultivées en en réduisant de moitié la
contribution pour ces dernières propriétés. Il s’agit de savoir à laquelle de
ces propositions on donnera la priorité : commencera-t-on par le chiffre le
plus élevé ou par le plus bas ?
M. Simons. - Messieurs,
je pense qu’il faut d’abord mettre aux voix l’amendement qui s’écarte le plus
du projet du gouvernement. C’est le chiffre le plus bas, Il est vrai que
lorsqu’il s’agit des allocations proposées an budget, on commence ordinairement
par le chiffre le plus élevé ; mais pour les autres projets de loi, l’on
commence toujours par les amendements qui s’écartent le plus du projet
primitif.
M. Osy. - Il me
paraît qu’il faut mettre l’amendement de l’honorable M. Peeters le premier aux
voix ; car c’est cet amendement qui entraîne le plus grand sacrifice de la part
du gouvernement.
M. Dubus (aîné). - D’après les
précédents de la chambre, quand il s’agit de chiffres, on met toujours aux voix
le chiffre le plus élevé. Lorsque le gouvernement propose un chiffre pour une
dépense et qu’on dépose des amendements qui diminuent ce chiffre, on ne met
jamais aux voix le chiffre proposé par cet amendement, avant la proposition du
gouvernement.
- La chambre, consultée, décide qu’elle votera en premier lieu sur
l’amendement présenté par M. Peeters.
Plusieurs membres demandent l’appel nominal.
On y procède.
64 membres prennent part au vote.
28 répondent oui.
36 répondent non.
En conséquence, l’amendement n’est pas adopté.
Ont répondu oui : MM. Cogels, David, de Behr, Dechamps, de Man
d’Attenrode, de Mérode, de Nef, de Renesse, Desmet, de Theux, d’Hoffschmidt,
Dolez. Duvivier, Huveners, Jadot, Kervyn, Mast de Vries, Meeus, Orts, Osy,
Peeters, Raymaeckers, Rogier, Scheyven, Simons, Vilain XIV, Zoude et Raikem,
Ont répondu non : MM. de La Coste, Coghen, de Florisone, de Foere, de
Garcia de la Vega, Delfosse, de Meer de Moorsel, de Potter, Deprey,
de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Villegas, Savart, Dubus aîné, Dumont,
Eloy de Burdinne, Fleussu, Hye-Hoys, Jonet, Lange,
Lebeau, Liedts, Lys, Malou, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Puissant,
Rodenbach, Sigart, Smits, Troye, Van Cutsem, Vandensteen et Van Volxem.
M. le président. - Vient
maintenant la proposition de la section centrale, amendée par M. Huveners. Je
mettrai d’abord aux voix l’amendement de M. Huveners ; cet amendement reproduit
la proposition de la section centrale, sauf qu’il réduit la taxe de moitié pour
les propriétés cultivées.
Plusieurs
membres. - L’appel nominal.
On procède à l’appel nominal.
64 membres prennent part au vote.
23 répondent oui.
41 répondent non.
En conséquence l’amendement n’est pas adopté
Ont répondu oui : MM. David, de Garcia, de Man d’Attenrode, de Mérode,
de Nef, de Renesse, de Theux, d’Hoffschmidt, Dolez, Duvivier, Huveners, Jadot,
Kervyn, Liedts, Mast de Vries, Orts, Osy, Peeters, Raymaeckers, Scheyven,
Simons, Vilain XIIII et Zoude.
Ont répondu non : MM. de La Coste, Cogels, Coghen, de Behr, Dechamps, de
Florisone, de Foere, Delfosse, de Meer de Moorsel, de Potter, Deprey, de Sécus, Desmaisières. Desmet, de Terbecq, de
Villegas, Savart-Martel, Dubus (aîné), Dumont, Eloy de Burdinne, Fleussu, Hye-
Hoys, Jonet, Lange, Lebeau, Lys, Matou, Meeus,
Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Puissant, Raikem, Rodenbach, Rogier, Sigart,
Smits, Troye, Van Cutsem, Vandensteen, Van Volxem.
- L’art. 4, tel qu’il a été amendé par la section centrale, et accepté
par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.
« Art. 5. L’annuité sera due par les propriétés riveraines de chaque
section, à partir du jour où la section aura été livrée à la navigation ; elle sera
recouvrable par les mêmes moyens que les contributions directes. »
La section centrale adopte cet article.
M. Huveners propose le paragraphe additionnel suivant :
« Les annuités auxquelles sont obligés les riverains de la section de
Bocholt à la Pierre-Bleue ne seront dues qu’après l’entier achèvement de la
ligne de Bocholt à Herenthals.
M.
Huveners. - J’ai proposé ce paragraphe, parce que les propriétés riveraines de
cette section ne retireront les avantages qu’ils peuvent attendre de la
construction du canal que quand la ligne de Bocholt à Herenthals
sera entièrement achevée.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - Je ne puis admettre l’amendement proposé par
l’honorable M. Huveners. Reculer comme il le propose le commencement du
paiement des annuités jusqu’à l’achèvement de la seconde section, c’est
s’exposer à voir reculer indéfiniment l’exécution de cette seconde section ;
car ce serait créer un intérêt contraire à cette seconde section. Tous les
propriétaires intéressés dans l’exécution de la première section seraient en
effet, si l’amendement de M. Huveners était adopté, intéressés à ce que la
seconde section ne s’exécute pas, parce qu’aussi longtemps qu’elle ne s’exécutera
pas, ils n’auront rien à payer.
- L’art. 5 proposé par le gouvernement est adopté.
Le paragraphe additionnel proposé par M. Huveners n’est pas adopté.
« Art. 6. Elle sera rachetable à raison de 100 fr. de capital pour
7-10 fr. d’annuité.
« En cas de rachat, les débiteurs de l’annuité (communes ou
particuliers) auront l’option de s’acquitter, soit par un paiement en
numéraire, sois par la cession de partie de leurs propriétés, jusqu’ due
concurrence et aux prix suivants
« Propriétés de la première zone, par hect. fr. 130
« Propriétés de la deuxième zone, par hect. fr. 100
« Propriétés de la troisième zone, par hect. fr. 80
« Propriétés de la quatrième zone, par hect. fr. 60
« Propriétés de la cinquième zone, par hect. fr. 50 »
M. le président. - La section
centrale propose d’ajouter à cet article les § suivants :
« Les art. 23 et 31 de la loi du 16 septembre
1807 sont applicables aux cas spécifiés dans le présent article.
« Le gouvernement est autorisé à vendre aux enchères publiques, et
d’après le mode à régler par lui, les propriétés qui lui au.ont été cédées en
vertu du même article. »
M. Huveners propose un 3ème § ainsi conçu :
« Les communes auront la faculté de libérer les propriétés cultivées de
leurs habitants, sous l’approbation du gouvernement et de l’avis de la
députation permanente. »
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - L’article 6 a été amendé par la section
centrale de deux manières. Elle a d’abord proposé de rendre applicable aux cas
spécifiés dans cet article les articles 23 et 31 de la loi du 16 septembre
1807. En ce qui touche cet amendement, je ne me rallie qu’à une partie, à celle
relative à l’article 23. Je crois qu’à l’égard de l’article 31, il est inutile
de le rendre applicable ici. Je me rallie donc, quant à l’art. 23, mais je
pense que le paragraphe devrait être rédigé autrement. Voici comment je
proposerai de le rédiger :
« L’article 23 de la loi du 16 septembre 1807 sera appliqué par
analogie aux propriétés qui seraient grevées d’hypothèques. »
Quant au deuxième paragraphe qui autorise le
gouvernement à vendre aux enchères publiques et d’après le mode à régler par
lui les propriétés qui lui auraient été cédées en vertu de cet article, je m’y
rallie.
M. Huveners. - J’ai
suffisamment développé, dans la discussion générale, l’amendement que je
propose à l’art. 6, J’ajouterai seulement qu’il rentre complètement dans le
principe du projet, qui est de rendre à la culture les propriétés communales.
Il faut fournir aux communes l’occasion de céder ses bruyères en allégeant le
fardeau imposé aux habitants.
M. Peeters. - Je suis
assez disposé à admettre l’amendement de M. Huveners, s’il veut retrancher les
mots de leurs habitants. Il ne doit
pas pouvoir admettre que le rachat profite exclusivement aux propriétaires
habitant actuellement la commune. Je suppose deux propriétaires de terrains
cultivés, l’un habitant la commune, et l’autre ne l’habitant pas. Pour celui
qui l’habite maintenant, la commune rachèterait, au moyen d’une cession de
bruyères communales, ce qu’il devrait payer à l’Etat pour la canalisation de la
Campine. Dans quinze jours il délogerait, et il serait exempté de toute charge,
et celui qui habiterait dans une autre localité et qui viendrait se fixer dans
la commune devrait continuer à payer la charge imposée à sa propriété.
C’est une chose qu’on ne peut pas admettre. Les propriétaires habitant
actuellement la commune profiteraient des biens communaux au détriment de ceux
qui pourraient venir l’habiter plus tard.
J’appuierai l’amendement rédigé comme suit : « Les communes auront la
faculté de libérer les propriétés cultivées, situées sur leur territoire sous l’approbation
du gouvernement et de l’avis de la députation. »
C’est une faculté qu’on accorde, mais on ne doit
pas donner la faculté de se libérer d’une charge qui pèsera sur d’autres.
M. Malou. - Je ne dirai
que quelques mots sur l’amendement de l’honorable M. Huveners. Cet amendement
est contraire à tous les principes. Les propriétés communales appartiennent à
la généralité des habitants et on propose d’en dispenser au profit de quelques
habitants ; et les personnes au profit desquelles on propose d’en disposer sont
précisément celles qui sont propriétaires. Tous les habitants, même les
pauvres, sont copropriétaires des biens communaux. Je n’en dirai pas davantage.
Car il me paraît impossible que cet amendement soit admis par la chambre.
M. Cogels, rapporteur. - Je ne
m’arrêterai pas à l’amendement de M. Huveners, car il n’a pas la moindre chance
d’adoption.
Je parlerai seulement de la nouvelle rédaction
proposée par M. le ministre des travaux publics, en ce qui concerne les
hypothèques. La section centrale avait cru devoir faire mention des articles 23
et 31 de la loi de 1807, parce que l’art. 23 ne s’appliquait qu’aux marais, et
que l’art. 31 disait que les dispositions de l’art. 23 s’appliqueraient aux
expropriations pour routes et canaux. La nouvelle rédaction proposée me paraît
satisfaisante.
M.
Huveners. - Je ne fais aucune difficulté de me rallier à la rédaction de M.
Peeters. J’ai soutenu que les propriétés cultivées dans la Campine
appartenaient aux habitants des communes. Il n’y aurait plus que la question de
savoir si on doit comprendre ou non les bois Quant à moi, je pense que les bois
peuvent supporter la redevance qui leur est imposée.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) J’entends qu’on fait observer que les mots par analogie sont inutiles je ne les ai
insérés dans ma rédaction, que parce que les cas prévus par l’art. 23 de la loi
de 1807 ne sont pas identiques avec ceux prévus par la loi actuelle. Mais s’il
est entendu que l’application pourra se faire de cette manière sans que les
mots par analogie soient insérés dans
la loi, je n’ai pas d’objection ce qu’on les supprime.
- L’art. 6 est mis aux voix et adopté.
La première disposition additionnelle du projet de la section centrale
est adoptée dans les termes suivants proposés par M. le ministre des travaux
publics :
« L’art. 23 de la loi du 16 septembre 1807, sera appliqué aux
propriétés qui seront grevées d’hypothèques. »
La seconde disposition additionnelle du projet de la section centrale
est adoptée avec la substitution des mots présent
article aux mots même article.
L’amendement de M. Huveners est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
La chambre passe à l’art. 7 ainsi conçu :
« Art. 7. Le gouvernement prendra les mesure d’exécution et
arrêtera toutes les dispositions réglementaires dont la nécessité sera reconnue
pour l’application des articles qui précèdent ; il pourra, dans des cas
exceptionnels, accorder les modérations qui lui paraîtront équitables. »
M. le président. - La
discussion est ouverte sur cet article sur la proposition de la section
centrale tendant à supprimer les mots « il pourra dans des cas
exceptionnels, accorder les modérations qui lui paraîtront équitables » et sur
l’amendement présenté par M. Huveners à cet article et ajourné jusqu’à la
discussion de l’art. 7.
M. Peeters. - Je crois
que la proposition du gouvernement doit être maintenue ; car, ainsi que nous
l’avons dit dans une autre discussion, il y a quelques exceptions à faire ; car
il y a quelques propriétés qui, par la construction du canal, diminueront de
valeur. Je suppose une ferme, une exploitation, où par le creusement du canal
les bâtiments seraient séparés des terres. Là le canal aurait porté un
véritable dommage à la propriété.
Je pense donc que nous devons maintenir la
disposition du projet pour que le gouvernement, dans quelques cas, puisse
l’appliquer. Mais je ne puis adopter la proposition de l’honorable M. Huveners
; car si cette proposition était admise, je devrais proposer la même chose pour
les environs d’Herenthals ; ainsi que j’ai eu
l’honneur de vous le faire comprendre tout à l’heure, il y a probablement d’autres
localités qui peuvent faire valoir les mêmes motifs, le gouvernement doit
rester seul juge de cette affaire. La proposition de l’honorable M. Huveners,
qui tend à exempter entièrement certaines localités me paraît inadmissible. Je
voterai pour l’art. 7 du projet du gouvernement.
M. Huveners. - Je demande
qu’il soit statué sur l’art. 7, avant que mon amendement soit mis en
discussion.
M. Malou. - Le paragraphe final
de l’art 7 porte « Il (le gouvernement) pourra, dans des cas exceptionnels, accorder
les modérations qui lui paraîtront équitables. » Je pense que, quoiqu’on se
soit servi du mot modérations, on
entend que le gouvernement pourra accorder aussi un dégrèvement total, pour une
année par exemple, ou pour plusieurs années. Je reconnais qu’il peut y avoir
certaines circonstances où il serait très rigoureux d’exiger les annuités.
Cependant je suis peu disposé à adopter cette disposition. Il y a d’abord pour
moi un scrupule constitutionnel.
Il est de principe que le gouvernement n’a pas d’action pour dégrever
les particuliers qui ont une dette envers le trésor public. C’est un des
principes de notre constitution. Je sais qu’on me répondra qu’il s’agit d’un
concours à des travaux d’utilité public, qu’il ne s’agit pas d’un impôt
proprement dit, mais plutôt d’une dette civile.
Il n’en est pas moins vrai que nos institutions
financières répugnent à ce que de tels pouvoirs soient donnés au gouvernement.
J’y verrais moins d’inconvénients en fait si la part de ceux qui ne payeront
pas devait accroître la part de ceux qui payent ; mais s’il en est autrement,
le gouvernement, qui est exposé beaucoup d’obsessions, peut voir diminuer de
beaucoup le subside sur lequel il a compté. Ne serait-il pas possible de
limiter l’excédant à des cas déterminés, de dire que le gouvernement pourra
réduire la contribution, lorsqu’il serait constaté que des propriétés sont
détériorées par l’exécution du canal. Dans ce cas, l’exception serait
justifiée, parce que le principe de l’impôt, c’est l’existence d’une plus-value
pour la propriété.
M. Cogels, rapporteur. - Je n’ai pas
voté la suppression du dernier paragraphe de l’art. 7, parce que je reconnais
qu’il est des cas exceptionnels où le gouvernement devra accorder, non
seulement une modération, mais même l’exemption totale. Je n’ai pas sous les
yeux la loi du 16 septembre 1807, mais si ma mémoire est fidèle, cette loi
contient une disposition semblable ; il y est dit positivement que la loi ne sera
appliquée qu’aux propriétés qui effectivement seront reconnues avoir acquis une
plus-value. Maintenant, il est vrai que les termes du projet de loi ne sont pas
assez formels, qu’ils peuvent exposer le gouvernement à une foule d’obsessions
dont il aura de la peine à se défendre.
Par conséquent, je serais assez disposé à
adopter une rédaction, dans le sens indiqué par l’honorable M. Malou ; car
c’est là l’intention du législateur ; il a voulu affranchir de la contribution
celui dont les terres ne retirent aucun avantage des travaux exécutés et à plus
forte raison celui dont les terres sont détériorées par ces travaux. C’est ce
qui s’est fait pour les travaux du chemin de fer et pour d’autres travaux
publics, où dans les expropriations on a tenu compte de la dépréciation des
parties conservées par les propriétaires.
M. de Theux.- J’appuie
aussi la proposition du gouvernement, parce que la taxe ayant été établie d’une
manière générale, il doit y avoir quelques cas où la loi ne pourrait être
appliquée avec justice. Il faut donc laisser au gouvernement la faculté de
modérer dans certains cas la disposition de la loi.
On a déjà indiqué une disposition particulière.
L’honorable M. Huveners a proposé un amendement tendant à exempter du concours
les propriétés qui se trouvent dans le rayon de 5000 mètres du canal de
Bois-le-Duc. M. le ministre des travaux publics a dit que l’on devrait avoir
égard à cette circonstance, mais qu’on ne pouvait admettre l’exception d’une
manière générale. Je crois donc qu’il faut admettre la disposition du projet ;
on n’a pas à craindre qu’il en abuse ; on n’a pas à craindre qu’il exempte sans
motifs légitimes les propriétés qui doivent supporter la taxe.
M. Pirmez. - Si l’on
adopte la disposition du projet du gouvernement, c’est comme si la loi
n’existait pas. Vous avez déjà entendu soutenir qu’une très grande partie des
terrains ne profite nullement de la canalisation de la Campine. On sera donc
fondé à dire qu’on ne doit aucune rétribution. Ainsi la loi sera nulle. Si l’on
veut admettre une exception, je voudrais qu’elle résultât d’une disposition
postérieure, lorsqu’on aura reconnu l’inconvénient qu’il y a à rendre la loi
générale.
M.
Peeters. - Je crois, messieurs, que nous devons adopter la proposition du
gouvernement ; sinon, on devra commettre plusieurs injustices. Ainsi, je
suppose un marais qui ne pourra être desséché et qui ne produira jamais rien.
Il devra donc être obligé de contribuer à la construction du canal ? Je suppose
encore des propriétés qui seraient situées assez près du canal, mais qui
n’auraient pas de chemin pour y arriver. Vous les feriez encore coopérer à la
construction du canal, bien qu’ils n’en recevraient pas une plus-value ; je
suppose des dunes qui ne produisent ou ne pourront jamais rien produire,
d’autres terrains enfin qui se trouveront dans une position à ne pouvoir jamais
profiler du canal, et vous iriez les imposer pour la plus-value en interprétant
la loi de 1807. Cela serait une criante injustice.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, je crois devoir maintenir la proposition
du gouvernement, on vous a cité plusieurs cas, et je crois qu’il est impossible
de prévoir tous ceux qui pourront exiger d’une manière absolue que certaine
modération soit apportée dans le concours à la dépense. Cette modération ne
pourra jamais être telle qu’il en résulte un dégrèvement total pour les
propriétés intéressées en général ; mais il pourra en résulter un dégrèvement
total pour des propriétés particulières.
On ne doit d’ailleurs pas craindre les abus. Il
est certain, comme on vous le disait tout à l’heure, que le gouvernement veut
avant tout obtenir l’exécution complète du système de canalisation de la
Campine, et que, s’il allait accorder des modérations là où il n’y a pas lieu
d’en accorder, il travaillerait contre le but qu’il veut atteindre. On ne doit
donc pas craindre qu’il s’expose à des mécomptes de cette espèce.
M. Vandensteen. - Messieurs,
je ne veux faire qu’une simple observation je suis de l’avis de l’honorable M.
Pirmez, je ne suis pas opposé à ce que dans quelques circonstances on établisse
une cotisation modérée ; mais je voudrais pour cela un règlement spécial. En
effet, l’honorable M. Peeters nous a cité le fait que le canal, sur une partie
de son parcours, traverserait des localités où le terrain lui serait bien
supérieur, et il a cru qu’il n’y aurait pas lieu à les faire participer à la
dépense.
M. Peeters. - Je n’ai pas
dit cela.
M. Vandensteen. - Si mes
renseignements sont exacts, une partie du canal se trouverait beaucoup plus bas
qu’un grand nombre de propriétés. Eh bien ! si nous
adoptons la rédaction du gouvernement, qu’arrivera-t-il dans cette circonstance
? C’est que les propriétaires viendront réclamer la faveur que sollicite M. le
ministre et que la cotisation que l’on veut faire payer par les propriétés
intéressées, pourra finir par être nulle.
M. de Theux. - Messieurs,
je conviens que si l’on faisait de l’exception l’usage indiqué par l’honorable
préopinant, ce serait détruire ou s’exposer à voir détruire par l’art. 7, le
principe même de la loi. Mais un tel usage ne peut, dans mon opinion, en être
fait. La loi agit ici d’une manière exceptionnelle. Elle introduit un principe
nouveau ; elle statue, sans examen préalable, que dans un rayon de 5,000
mètres, toutes les propriétés quelconques bénéficient,
La loi de 1807, qui établit le système du concours des propriétés
intéressées à la construction d’un ouvrage, suppose une expertise préalable
pour savoir les propriétés qui en profitent. Eh bien ! je
crois que le gouvernement doit appliquer la loi d’une manière générale, et que,
quant aux exemptions, il devra être institué une commission d’expertise, qui
fera un rapport, en vertu duquel le gouvernement jugera si réellement une
propriété n’a obtenu aucun avantage de la construction du canal, L’exception
appliquée de cette manière, ne peut, à mon avis, détruire la loi ; je serais
fâché, quant à moi, que par une exception, on détruisît le principe. Je ne sais
si c’est de cette manière que M. le ministre entend exécuter la loi.
M. le ministre
des travaux publics (M. Desmaisières) - Certainement.
- L’article, tel qu’il a été proposé par le gouvernement, est mis aux
voix, il est adopté.
M. Huveners. - Par suite
de l’adoption de la proposition du gouvernement, je déclare retirer
l’amendement que j’avais propos à l’art. 2.
La chambre renvoie à demain la discussion de l’art. 8.
La séance est levée à 4 heures et demie.