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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 7 mars
1843
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2)
Demandes en naturalisation
3)
Projet de loi sur les sucres. Discussion des principes. Prime à l’exportation
(drawback) du sucre pour favoriser le commerce maritime national, taux du
rendement, montant des droits à percevoir au profit du Trésor (Delehaye, de La Coste, Smits, Dubus (aîné)), proposition de
clôture (d’Huart, Smits, de Theux, de Brouckere, d’Huart, Demonceau), prime à
l’exportation (drawback) du sucre pour favoriser le commerce maritime national,
taux du rendement, montant des droits à percevoir au profit du Trésor (d’Huart), nouvelle demande de clôture (Verhaegen),
prime à l’exportation (drawback) du sucre pour favoriser le commerce maritime
national, taux du rendement, montant des droits à percevoir au profit du Trésor
(Mercier), nouvelle demande de clôture (Dumortier, Cogels, Dumortier, de La Coste),
question de priorité des amendements (Delehaye, Smits, Verhaegen, Desmaisières, Cools, Mercier, de Brouckere, de Theux, Dubus (aîné), Eloy de Burdinne, Dumortier, de Brouckere, Rogier, Verhaegen, Rogier, Smits, Dumortier, de Theux, Dumortier, Nothomb, Cogels) (Verhaegen)
4)
Projet de loi relatif à l’établissement de bateaux
pilotes dans l’Escaut
(Moniteur
belge n°67, du 8 mars 1843)
(Présidence de M. Dubus (aîné))
M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et quart.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction
en est approuvée.
M. de Renesse présente l’analyse de la pétition suivante :
PIECES ADRESSEES A
« Les cultivateurs du canton de Herve et
des communes environnantes présentent des observations contre le projet de loi
sur la contribution personnelle. »
- Renvoi à la section centrale
chargée de l’examen de ce projet de loi.
DEMANDES
EN NATURALISATION
M. Henot et M. Lejeune déposent divers rapports sur des demandes en naturalisation.
La chambre en ordonne l’impression et
la distribution.
Discussion
des propositions relatives au rendement et aux chiffres des droits à percevoir
au profit du Trésor
M. Delehaye. - Messieurs, la chambre a manifesté hier le désir, du moins une grande
partie de ses membres, de voir mettre un terme à cette discussion. Mon
intention n’est pas de la prolonger, mais je ne puis laisser passer sans
réponse quelques faits qui ont été avancés à la dernière séance. L’honorable
député de Bruxelles, qui a parlé le dernier hier, s’est fortement attaché à un
argument concernant une demande de suppression, avec indemnité, que feraient
les extracteurs de sucre de betterave. Ce fait, avancé d’un côté et dénié de
l’autre, m’a fait faire des réflexions. Je conçois facilement que les
extracteurs de sucre de betterave repousseraient toute indemnité si on
établissait en leur faveur un monopole qu’assure un sacrifice de plusieurs
millions. Je partagerai, sous ce rapport, l’avis qui a été émis, que mieux
vaudrait pour eux être en possession du marché belge que de toucher une
indemnité quelconque.
On a beaucoup parlé sur la question
de rendement. Elle ne peut être prise en considération que pour autant que vous
admettiez le système de commerce d’exportation. S’il ne devait pas y avoir
d’exportation, la question de rendement serait inutile. Dans mon opinion, qui
dit rendement, dit commerce d’exportation. J’ai donc la persuasion intime que
la section centrale, en proposant un rendement, n’a pu vouloir réduire le commerce
du sucre à la consommation intérieure du pays. J’ai la conviction que la
section centrale veut maintenir nos exportations. Je m’adresserai donc au
rapporteur de la section centrale ; je désirerais qu’il voulût bien me dire si
pour lui les antécédents étant de quelques poids, il a pu maintenir les
propositions qu’il a faites avec la confiance que nous pourrions exporter,
alors que ni la France ni l’Angleterre n’ont pu le faire dans la position qu’on
nous fait.
Je ferai remarquer que nous ne
faisons ici rien de nouveau. Tout ce que nous faisons a été tenté par d’autres
puissances. La France avait aussi admis les exportations au moyen du rendement.
Elle n’avait réservé aucune part au trésor ; elle a continuellement augmenté le
rendement dans l’intérêt du trésor, et enfin, elle a admis un rendement si fort
qu’elle n’a plus exporté du tout.
Dans l’intérêt du sucre de betterave,
le rendement doit être élevé. Mais de là ne résulte pas qu’il faut établir un
rendement trop élevé, mais un rendement égal à celui de
Je prie M. le rapporteur de nous dire
comment
Un membre. - La France exporte 11 millions,
M. Delehaye. - La France exporte 11 millions là où elle exportait avant 50
millions. Veuillez remarquer ces circonstances : la France exportait 50
millions ; par suite du rendement qu’on y a admis, nous sommes parvenus à
exporter là où la France exportait, et si la France exporte encore, c’est
précisément parce que nous ne pouvons pas exporter assez. Indépendamment de
l’Algérie, la France exporte là où nous ne pouvons pas exporter assez.
J’ai la persuasion intime qu’il ne
peut pas entrer dans l’esprit d’un député belge de vouloir détruire le commerce
d’exportation. J’ai aussi la persuasion intime que la section centrale ne veut
pas détruire ce commerce ; cependant, si ses propositions étaient admises, ce
commerce serait anéanti ; il serait impossible d’exporter un seul kilogramme de
sucre raffiné.
Pour être bref, j’aborderai une autre
question. Dans une des dernières séances, l’honorable M. Demonceau a dit que
vous étiez favorisés contre les sucres raffinés étrangers, par un droit de 78
fr. ; mais ce droit de 78 fr. ne nous protège que contre les importations qui
se feraient avec décharge de droit, c’est-à-dire que nous sommes favorisés
contre la grande fraude.
Nous avons voulu parler de la fraude
par infiltration. Cette fraude se commet avec le sucre qui a payé le droit
d’accise. La nation qui, le droit compris, peut livrer le sucre raffiné à
meilleur compte, est la nation la plus favorisée pour faire ces infiltrations.
Nous sommes, sous ce rapport, dans une position supérieure à celle de la France
et de
Vous devez bien vous garder d’établir
des droits trop élevés, vous vous exposeriez aux infiltrations étrangères ;
d’un autre côté, un rendement trop élevé rendrait les exportations impossibles.
L’honorable M. Demonceau a fait des
calculs qui, à première vue, paraissent concluants. Voulant apprécier la
position actuelle des deux industries et celle que nous leur faisons par la
nouvelle loi, il a dit que la betterave n’aurait plus la protection dont elle
jouit.
J’ai fait, de mon côté, des calculs
analogues, et j’ai trouvé que nous améliorerions la position de la betterave
d’une manière notable.
Je vais soumettre quelques chiffres à
la chambre, il en résultera que la position du sucre de betterave est améliorée
par la loi que nous faisons. Aujourd’hui, l’impôt sur le sucre exotique produit
8 à 900 mille francs. Pour avoir un chiffre rond, prenons un million, ce qui
est favorable au sucre de betterave. Je suppose donc pour un moment que le
sucre exotique ait fourni un million, droit de douane et accise compris. Le
sucre exotique entre pour 10 millions dans la consommation, cela fait un décime
par kilogramme. Le sucre de betterave est donc favorisé d’un décime par kilog.
Quelle est la position que nous allons lui faire ? Par la proposition du
gouvernement, le sucre de betterave ne sera plus favorisé par un décime, mais
par 25 centimes à peu près. Je vais soumettre des chiffres que l’on ne pourra
contester. On pourra dire que mes calculs sont, comme on l’a déjà fait,
hérétiques mais on ne dira pas qu’ils sont inexacts. J’ai dit que le sucre de
betterave aurait une faveur de 15 centimes environ. Je vais le prouver.
Les propositions faites par le
ministre des finances supposent 18 millions d’importation de sucre exotique ; à
40 fr. les 100 kil, vous aurez 7,200000 fr. Si vous
retenez les 4/10, vous aurez 2,880,000 fr., qui
donneront 4,320,000 fr., apurables par exportation.
Cette somme représenterait 10,800,000 kil.
Il y aurait donc d’exporté 6,318,000 kilog., et on jetterait dans le commerce, pour la
consommation, 4,482,000 kil., indemnes de droit.
Voici maintenant comment calcule
l’honorable M. Demonceau pour le sucre indigène, et ses calculs sont exacts à
peu de chose près.
D’après le projet de M. le ministre
des finances, 5 millions de kil. de sucre de betterave mis en consommation,
paieraient, à raison de 22 fr. les 100 kil., 1,100,000 fr. Les 4/10 réservés au
trésor dans l’un et l’autre cas feraient 440,000 fr. qui représenteront 2
millions de kil. de sucre ; et qui, pour apurer les comptes jusqu’à concurrence
de 660,000 fr. au rendement de 50 p. c., vous
donneront une masse de 1,500,000 kil. Vous jetteriez donc sur le marché du pays
1,500,000 kil. de sucre indemne de tout droit,
auxquels il faut ajouter 2,000,000 kil., qui
constitueront ensemble la consommation intérieure de 3,500,000 kil. ; donc la betterave payera 440,000 fr. au trésor.
Or, le sucre exotique, après avoir
apuré ses comptes, après avoir joui des avantages que lui ferait la loi,
payerai 26 francs 30 cent. Le sucre de betterave, après avoir joui des mêmes
avantages, ne paierait que 12 francs 57 centimes, au lieu de 22 fr. Il y aurait
donc entre le sucre exotique et le sucre de betterave, une différence de 15
centimes environ par kil., c’est-à-dire que chaque
fois que vous consommeriez un kil. de sucre de
betterave, vous obtiendriez pour ce sucre une protection de 15 c. Je vous
demanderai si ce n’est pas là une protection assez forte.
Mais, dit l’honorable M. Demonceau,
le sucre de betterave n’est pas exportable. Est-ce parce qu’il est trop mauvais
? mais alors il n’a pas besoin de protection, pourquoi
protégerions-nous un objet qui n’est pas exportable ? Mais détrompez-vous, le
sucre de betterave est exportable, et il s’exporte. Il s’est mis aux lieu et
place du sucre exotique ; tous les avantages que nous voulons lui accorder se
réduisent à une prime de 15 centimes à peu près ; or, quand vous lui avez
accordé une protection de 15 centimes, et que vous lui réservez une immense
exportation, est-on bien fondé à dire que nous voulons la mort de la betterave
? J’ai dit précédemment, qu’il fallait indemniser la betterave, je le voulais,
parce que cela me paraissait utile ; vous avez décidé le contraire ; je
respecte votre décision quelque mal qu’elle puisse faire au commerce. Mais je
défie qui que ce soit, après avoir examiné les chiffres que j’ai posés, de ne
pas admettre qu’une prime de 15 centimes à une industrie qui s’est élevée à
l’ombre d’une loi qui n’était pas faite pour elle, ne constitue pas une faveur
assez forte.
Ce sont les dernières
observations que je ferai dans cette discussion ; la chambre dont être fatiguée
après quinze jours de débats : moi-même j’avoue que je le suis, et je finirai
en vous disant que la proposition de la section centrale doit détruire tout
commerce d’exportation ; à moins qu’on ne prouve que
M. de La Coste. - Messieurs, je comprends l’impatience que la chambre a témoignée dans
la dernière séance, et je la partage moi-même ; mais la chambre comprendra
aussi que si, contre mes habitudes, je reviens si souvent à la charge, c’est
parce que je crois remplir un devoir. Ce devoir, sous quelque rapport, m’est
pénible, car d’après mes antécédents, et d’après les paroles que vous avez
entendu prononcer par M. le ministre des finances lui-même, on doit sentir
qu’il m’eût été plus agréable de défendre les vues de cet homme d’Etat, ou tout
au moins de garder le silence. Si j’ai pris tant de part à la discussion, si je
viens demander encore pour un moment cette indulgente attention, qu’on m’a
accordée dans le cours de ces débats, et dont je remercie et ceux qui pensent
comme moi et ceux qui pensent autrement, ce n’est pas certainement un intérêt
personnel qui m’a guidé. Ce n’est pas davantage un intérêt électoral ; j’ose
croire qu’il repose pour moi sur une plus large base ; du moins j’aime à m’en
flatter. Serait-ce l’intérêt local ? Messieurs, un intérêt local m’imposait une
loi, c’était d’étudier à fond la question ; c’est de cette étude et non de cet
intérêt, qu’est née ma conviction, et c’est cette conviction que je défends.
Messieurs, au point où nous en sommes
de la discussion, il faut partir de la décision que la chambre a rendue. Un
honorable membre m’a demandé comment j’entendais cette décision ; je l’entends
dans le même sens qu’un des honorables orateurs qui ont parlé dans un sens
opposé au mien. J’entends que la chambre a décidé le maintien de la production
indigène. Nous voulons aussi, et quant à moi je veux sincèrement le maintien de
l’industrie rivale. Eh bien, messieurs, quel est l’état des choses ? Ces deux
intérêts luttent ensemble péniblement ; c’est ce que M. le ministre des
finances vous a dit dès le premier moment où nous nous sommes occupés de la question
; nos adversaires, tous les premiers, nous ont représenté la production
indigène comme ayant peine à soutenir cette lutte ; cela n’est peut-être pas
aussi vrai de la raffinerie et du commerce des sucres exotiques, car j’ai fait
voir par des chiffres, que l’une et l’autre ont fait constamment des progrès ;
mais je veux admettre, quant à moi, que les deux industries soient arrivées à
leurs dernières limites, et qu’on ne pourrait pas mettre le moindre poids dans
la balance en faveur de l’un ou de l’autre sans rendre un des intérêts dominant
et sans étouffer l’autre.
Je pense donc que, dans l’état où la
question est posée par la chambre, nous devons nous borner à faire une loi
fiscale ; il faut donner au trésor les quatre millions dont il a besoin, en atteignant
également les deux intérêts, ou les deux industries, si l’on préfère ce mot, et
en les laissant, du reste, dans leur situation relative. C’est ce que ne fait
pas le projet de M. le ministre des finances, et c’est ce qu’atteindra le
projet de la section centrale, amendé par un honorable député de Bruxelles.
Voici la conviction que j’ai et que j’espère faire passer dans l’esprit de ceux
qui veulent bien me prêter leur attention.
Comparons d’abord, messieurs, les
deux propositions sous le rapport du rendement. Suivant la loi actuelle, le
rendement moyen est de 58 1/2, et la retenue est d’un dixième. Veuillez
remarquer ceci. Le rendement se calcule par rapport à la partie qui n’est pas
soumise à la retenue. Ainsi, on ne prend pas 58 1/2 sur 100 kil. de sucre importé, mais seulement sur les 9/10. Ainsi,
suivant la loi actuelle, celui qui a importé 100 kilog. ne
doit exporter que 52 kil. 65/100 de kil.
Suivant la proposition de M.
Rodenbach, amendé par M. le ministre des finances, le rendement resterait nominalement
le même, mais il serait considérablement réduit au moyen de la retenue de 4/10.
Au lieu d’exporter 52 kil. 65/100, on n’exporterait plus que 35 kil. 10/100.
Suivant le projet de la section centrale amendé par l’honorable M. Verhaegen,
le rendement moyen serait fixé à 69 1/2 ; mais il y aurait une retenue d’un
quart, de sorte que le rendement réparti sur les 3/4 se réduirait à 52,12.
Ainsi donc le raffineur actuellement importe 100 kil. de
sucre, et il assure sa prise en charge en exportant 52 65/100. Suivant notre
proposition l’exportateur apure, moyennant l’exportation de 52 1/2 ; différence
de 53/100 de kil. en faveur du raffineur.
Il n’y aurait aucune raison
quelconque, et voilà la preuve que l’on m’a demandée dans une autre séance ; il
n’y aurait aucun motif pour que nos importations et nos exportations fussent
réduites le moins du monde ; car au contraire, elles auront encore un petit
avantage.
Mais, dira-t-on, il y aura moins de
sucre indemnes de droit : ceci n’est pas exact. Il ne faut pas se figurer que,
quand vous faites une retenue d’un dixième et que vous accordez une certaine
quantité de kil. indemnes de droits, il y ait des kil.
indemnes, et d’autres qui payent l’accise ; l’accise
se répartit sur toute la quantité mise en consommation, et de même la surcharge
qui résulte de l’exportation se répartit sur toutes les quantités que vous
verserez dans la consommation.
Maintenant donc vous continuez à
exporter 52 kilog. 1/2 ; vous garderez à votre disposition précisément la même
quantité que vous gardez actuellement, et vous répartirez la surcharge
résultant de l’exportation sur cette même quantité. Votre position reste la
même ; il n’y a aucun changement quelconque. Il ne pourrait y avoir de
changement que sous le rapport du droit ; je vais vous prouver qu’il n’en est
rien.
La retenue n’est qu’une majoration de
droits. On a dit qu’il fallait considérer qu’en France il n’y avait pas de
retenue et que chez nous il y en avait une, que cela changeait quelque chose au
rendement. Messieurs, il n’en est rien ; la retenue ne change rien au rendement
; ou plutôt elle le réduit au lieu de l’augmenter ; mais elle correspond à une
majoration de droits.
Quelle est, sous le rapport du droit,
la position actuelle ? On paie à la douane différents droits d’entrée qui, en
terme moyen, reviennent à 1 fr. 20 c. Voilà comment M. le ministre des finances
l’a toujours calculé. On paie un dixième d’accise qui revient à 3 fr. 70. On
paie donc ensemble 4 fr. 90. Maintenant, après avoir déduit 3 p. c. pour déchet
on garde à sa disposition 44 35/100 kilog. Ces 44 35/100 kilog. ne sont pas tous du sucre cristallisé, c’est du sucre, de la
cassonade et du sirop. Mais leur valeur peut s’exprimer par comparaison avec le
sucre cristallisé, prenant un kilog. de celui-ci pour
unité. Pour ne point aborder la question du rendement, et pour rendre la chose
plus facile à saisir, je prends le rendement moyen tel que l’a admis M. le
ministre des finances. Il admet 65 kilog. de sucre
cristallisé et 32 kilog. de cassonade et de sirop à
peu prés par quantités égales. Prenons donc 65 kilog. de
lumps et 32 kilog. de cassonade et de sirop. Vous
admettrez que la cassonade vaut bien deux tiers de lumps et que le sirop vaut
bien un tiers de lumps à poids égal. Ces 32 kilog. de
cassonade et de sirop équivaudront donc bien à 16 kilog. de
lumps.
Ainsi vous aurez 65 et 16 kilog., ce qui fait 81 kilog. Vous exportez 54 kilog. de lumps, il vous en reste 27. Il en résulte que vous gardez
chez vous le tiers de la valeur de votre marchandise, d’après le rendement
actuel et d’après la retenue actuelle du 1/10.
Eh bien, c’est ce tiers de la
marchandise qui paie 4 fr. 90. Multipliant donc par 3, vous avez ce que vous
payez réellement pour le produit de 100 kilog. bruts,
lorsqu’ils ont été transformés et rendus susceptibles d’être livrés à la
consommation. Vous payez donc actuellement 14 fr. 70. C’est là ce que vous
payez d’après les bases que je viens d’indiquer. Et si vous trouvez ces bases
susceptibles de contestation, admettez-les seulement comme hypothétiques ;
parce que mes autres calculs reposent sur la même base ; les petites erreurs
qui pourraient résulter d’un côte seront compensées de l’autre.
D’après la proposition ministérielle,
le droit de douane serait en dehors de la question, parce qu’on imposerait sur
le sucre indigène un droit de fabrication qui y correspondrait. L’impôt réel
serait de 4/10 de 40 fr., c’est-à-dire de 16 fr. Mais ces 16 fr. ne porteraient
plus sur un tiers de la valeur de la marchandise, parce que, comme on
n’exporterait plus que 35 kilog, vous aurez de plus 17 35/100 kilog que vous
conserveriez. Ainsi, au lieu d’exporter 1/3 et de garder 2/3, vous
n’exporteriez plus que 7/16 et vous garderiez 9/16. C’est dans cette proportion
qu’il faut calculer l’impôt ; et dans cette proportion les- 16 fr. reviennent à
28 fr. 44.
Vous voyez donc que pour une valeur
égale (je ne dis pas pour une égale quantité de kilog.), vous demandez 28 fr.
44 c,, tandis que maintenant il y a 14 fr. 70 c. ; la
différence est donc seulement de 13 fr 74 c., tandis que vous imposez un droit
de 22 francs au sucre indigène.
Revenons maintenant à la proposition
de la section centrale. Celle-ci a dû naturellement se préoccuper du changement
proposé au tarif des douanes ; on ne paierait plus, il faut bien y faire
attention, en droit de douane que 20 centimes ; car le nouveau tarif proposé
tend à réduire le droit à ce chiffre, par la protection qu’il accorde au
pavillon national. Le nouveau tarif n’est pas voté, c’est vrai, mais il peut
l’être avant que la loi en discussion ait aucun effet.
Il ne peut donc compter que 20 centimes pour droits d’entrée.
L’accise à 50 francs avec une réserve
du quart, de 25 p. c., revient à 12 fr. 50 c. Cela
fait donc 12 fr. 70 c. Ici l’exportation restant la même, la quantité que vous
gardez restant la même que sous la loi actuelle, pour connaître le droit
véritable, je dois aussi tripler. Je triple donc 12 fr. 70 c. et j’ai 38 fr.
10.
La différence donc entre le droit
qu’on paierait, suivant le projet de la section centrale amendé, et le droit
actuel, réellement perçu, serait de 23 fr. 40, tandis que le sucre indigène
paierait 25 fr. Il y aurait donc encore, d’après la proposition de la section
centrale, une petite différence de 1 fr. 60 au bénéfice du sucre exotique.
Cette petite différence pourrait compenser ce qui échapperait à l’impôt de la
part du sucre indigène. Il faut cependant bien faire attention que ce qu’on a
dit, à cet égard, de la fraude pourrait, jusqu’à un certain point, s’appliquer
également au sucre exotique ; il est certain qu’il y a des quantités de sucre
exotique qui échappent à l’impôt. Il n’est pas agréable de faire des
dénonciations, et je n’en ferai pas. Mais, si l’on veut consulter le greffe de
la cour de Bruxelles, je suis certain que l’on trouvera des procès sur ce
point. Au reste, la fraude ne doit pas se présumer.
D’ailleurs, si certaines quantités
échappent à l’impôt, cela sera compense par la gêne et les frais résultant de
l’exercice que le sucre indigène aura a supporter et
que l’intérêt rival ne supporte pas. En France, les frais et les inconvénients
de l’exercice sont les grandes difficultés contre lesquelles lutte le sucre
indigène.
Messieurs, suivant la proposition
ministérielle, le sucre indigène paierait 22 fr. de plus qu’aujourd’hui. Le
sucre exotique ne paierait que 13 fr. 26
de plus. Par conséquent il est impossible que la pondération se maintienne sur
ce pied ; il est impossible que des deux intérêts, que l’on représente comme
adossés à leur dernière limite, et à l’un desquels on met une charge
additionnelle de 22 francs, et à l’autre une charge additionnelle seulement de
13 francs 26 c., celui auquel on met la charge additionnelle la plus forte ne
succombe pas.
Mais. dira-t-on, cela sera compensé
par l’exportation du sucre indigène ; mais comment s’y prend-on pour faciliter
cette exportation ? Par un rendement de 49, au lieu de celui de 58 1/2. Eh
bien, sur les quantités qui s’exportent, par 100 kil.,
voici la différence : On exporterait à 29,40 sur les cent kilog. de sucre indigène, et 35,10 sur 100 kilog. de sucre exotique. Il y aurait donc une différence de 6
kilog. 30. Supposez que ces 6 kilog. 30 soient chargés par les raffineurs de
l’impôt ; c’est 4 à 5 centimes à repartir par kilogramme. Voyez si c’est là ce
qui peut rendre l’exportation possible.
On a dit : Pourquoi ne pourrait-on
pas exporter du sucre indigène ? Mais précisément par le motif qui vous a été
donné par ses adversaires, à cause du prix de revient. Sur le marché intérieur,
le surcroit du prix de revient est compensé par la surcharge que raffineurs
imposent au consommateur pour favoriser leurs exportations. Mais sur les
marchés extérieurs cette consommation n’existe pas.
Il est possible qu’il y ait des
exportations par substitution, comme on l’a dit plusieurs fois, ou bien
lorsqu’un fabricant est obligé de vendre à tout prix. Mais il est impossible
qu’il y ait des exportations normales et régulières. Par conséquent, messieurs,
cette exportation, qui fait toute la base de la proposition ministérielle,
n’aura pas lieu et par là même tout le projet croule ; par là même il est
évident que ce qui est derrière la proposition ministérielle, c’est la
suppression de l’industrie indigène.
Il faut que l’on se persuade bien que
la proposition de l’honorable M. Rodenbach, amendée par M. le ministre des
finances, proposition très sincère de la part de l’honorable M. Rodenbach, très
sincère de la part de M. le ministre des finances est cependant, en résultat,
la suppression déguisée et sans indemnité.
Cela est si vrai que je dirai que le
commerce ne peut accepter ce plan que comme suppression déguisée ; cela résulte
évidemment des calculs de M. le ministre des finances, Comment ! le commerce
accepterait sincèrement un plan qui réduirait d’abord l’importation des sucres
exotiques, qui est actuellement de 21 millions, à 18 1/2 millions et qui
réduirait l’exportation, qui est actuellement de 10 à 12 millions, à 7 1/2
millions. Ce n’est pas tout, le commerce sait très bien que le sucre indigène ne
s’exportera pas d’une manière normale et régulière. Il sait donc que les 6
millions de sucre que produit la fabrication indigène, resteront sur le marché.
Si donc le projet n’amène pas la suppression du sucre indigène, il réduira ses
importations et ses exportations, non pas dans la proportion que je viens
d’indiquer, mais d’un tiers, et c’est ce que le commerce ne peut ignorer.
Ainsi, messieurs, selon moi, vous
avez, d’un côté, la vérité, et, de l’autre, des illusions ; c’est entre les
deux qu’il faut choisir.
Messieurs, si un ministre, ayant jeté
sur la situation du pays à l’intérieur et à l’extérieur un vaste regard, venait
me demander le sacrifice d’une opinion individuelle sur un point subordonné et
accessoire, mais accessoire nécessaire de ses plans dont j’approuverais
l’ensemble, je ferais le sacrifice de mon opinion, et, en le faisant, je
croirais même faire acte d’indépendance ; mais ici il n’en est rien ; c’est une
question de chiffres : on veut que nous disions que 2 et 2 font 3, et moi je
réponds que 2 et 2 font 4. Je ne crois pas que par là le pouvoir soit compromis
sous aucun rapport dans tous les cas, je ne puis pas répondre autrement.
J’approuve beaucoup le ministère de ne pas avoir fait de cette question une
question de cabinet ; je suis ami de la stabilité du pouvoir, mais dans une
question comme celle-ci, je ne pourrais voter que d’après ma conviction.
J’espère aussi que le gouvernement ne
prendra pas conseil des honorables orateurs, qui sur tous les points de sa
politique se sont déclarés ses adversaires ; j’espère donc qu’il ne déclarera
pas que la proposition que nous avons faite, si elle était adoptée, ne serait
pas soumise à la sanction royale. Lorsque la chambre aura voté, le ministère
délibérera et agira ensuite sous sa responsabilité. Quant nous, nous avons à
remplir notre devoir, nous avons à nous prononcer d’après nos convictions.
On ne doit pas nous placer
entre nos convictions et les embarras du trésor. Il est pourvu à ceux-ci par le
moyen que nous proposons ; il y est pourvu beaucoup plus largement, beaucoup
plus sûrement que d’après la proposition de M. le ministre des finances,
puisque, d’après notre projet, le droit d’accise seul produirait 4 millions
deux cent mille francs, tandis que, d’après la proposition de M. le ministre
des finances, l’accise ne produirait que 3 millions et demi ; ce chiffre n’est
porté à 4 millions qu’au moyen des droits de douane, des droits d’entrée et de
sortie.
On a dit, à la vérité, que M. le
ministre des finances s’était engagé à compléter les 4 millions par de nouveaux
dixièmes. Mais M. le ministre a déclaré que cet engagement se rapportait à un
autre projet, et dès lors il n’en peut plus être question.
Je le répète, messieurs, d’après
votre proposition, il est pourvu aux embarras du trésor, et si ces embarras
subsistent après votre vote, la responsabilité n’en retombera pas sur vous.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Au point où en est venue la
discussion, il importe, messieurs, d’en rétrécir le cercle et de ramener la
question à son côté pratique. Quatre propositions différentes sont en ce moment
soumises à la chambre : la première est celle de l’honorable M. Eloy de
Burdinne, tendant à frapper le sucre exotique d’un droit de 60 francs et le
sucre indigène d’un droit de 30 fr. ; la deuxième est celle qui a été faite par
l’honorable M. Dumortier, qui veut que le droit sur les sucres soit acquis au
trésor au moment de la mise en consommation et qui ne permet l’exportation que
par raffinage en entrepôt fictif, sauf, si ce système n’était pas admis, à
accorder une prime d’exportation de 2 millions ; la troisième proposition est
celle de la section centrale, qui a pour objet de frapper le sucre colonial
d’un droit de 50 fr. et le sucre indigène d’un droit de 25 fr., et d’augmenter
le chiffre du rendement jusqu’à concurrence de 68 pour les sucres mélis et
candis et de 71 pour les sucres lumps ; enfin, la quatrième proposition est
celle de l’honorable M. Rodenbach, modifiée par le gouvernement, et qui tend à
assujettir le sucre exotique au droit de 40 fr. et le sucre indigène à celui de
22 fr., mais en laissant subsister le rendement tel qu’il est établi par la loi
actuelle. Toutefois cette proposition a pour objet de réserver au trésor 4/10
de la prise en charge, au lieu de 1/10 qui est réservé aujourd’hui.
Messieurs, j’examinerai
successivement ces différentes propositions, mais je ne m’arrêterai pas sur
celle de l’honorable M. Eloy de Burdinne, parce que la chambre semble avoir
compris qu’avec un droit aussi élevé, en présence du droit de 37 fr. qui existe
en Hollande, l’infiltration, la fraude viendrait bientôt paralyser le
recouvrement de l’impôt.
Quant à la proposition de l’honorable
M. Dumortier, je l’ai examinée sérieusement et je trouve qu’elle est
inadmissible quand on l’envisage sous le rapport pratique ; et il faut bien,
messieurs, que l’honorable membre ait reconnu l’impossibilité de la mettre à
exécution, puisque jusqu’à présent il n’a pas soumis à la chambre un projet
d’application.
M. Dumortier. - J’ai développé mon système de la manière la plus claire. C’est de
payer 100 lorsqu’on exporte 100, et de donner une prime en sus.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - On a dit, messieurs, que ce
système est facile et qu’il existe en Allemagne et en Angleterre. C’est une
erreur. Voici ce qui existe en Allemagne : comme je l’ai déjà fait remarquer,
l’Allemagne consomme nos sucres lumps, parce qu’elle ne sait pas tirer parti
des produits que donnent les sucre bruts ordinaires. Elle admet donc nos sucres
lumps comme sucres brut, en exigeant seulement qu’ils soient pilés et mélangés
avec du noir animal. Voilà tout le système allemand ; mais il n’y a point là
raffinage proprement dit, ni en entrepôt fictif, ni en entrepôt réel.
En Angleterre, messieurs, on ne peut,
en effet, raffiner pour l’exportation qu’en entrepôt, mais c’est en entrepôt
réel. Or, si vous voulez établir un pareil système en Belgique, il faudrait
commencer par faire une dépense de 10 ou 15 millions peut-être, car il y 60
raffineries en Belgique, et il faudrait bien assigner à chacune d’elles les
locaux qui leur seraient indispensables, et pour surveiller ces locaux il
faudrait au moins dix employés par raffinerie. Il s’agirait donc de nommer six
cents employés nouveaux, et comme on ne pourrait pas leur donner un salaire
moindre de 1,000 francs par an, on serait entraîné à une dépense de ce chef de
600,000 fr. par an, qui viendrait diminuer d’autant les recettes du trésor.
Maintenant, messieurs, comment ces
employés feront-ils leur exercice ? Vous dites : Si l’on exporte 100 kil., il sera accordé une décharge de 100 kil. ; on pourra donc exporter la mélasse, la cassonade, etc. ?
Mais ne voyez-vous pas qu’alors la fraude est imminente ? Car le raffineur de sucre
exotique pris en charge pour 40 fr. exportera du sucre de betteraves, qui
n’aura payé que 20 francs.
Comme je l’ai dit tout à l’heure,
messieurs, j’ai examiné la proposition sous toutes ses faces ; j’ai cherché le
côté pratique du système, et je n’ai trouvé ni dans les règlements anglais, ni
dans les règlements allemands, la moindre disposition qui puisse être appliquée
en Belgique. L’honorable M. Dumortier a également senti l’impossibilité de
formuler son système en projet de loi, car, à défaut de pouvoir trouver des
dispositions convenables, il s’est borné à nous proposer d’ouvrir un crédit de
deux millions pour l’exportation. Eh bien, messieurs, je suppose ce crédit
ouvert. Mais on exporte sur tous les points du royaume ; on exporte à Gand, on
exporte à Anvers ; comment saura-t-on si le crédit n’est pas outrepassé ?
« Mais, dira-t-on, il ne sera
fait de répartition des deux millions qu’à la fin de chaque année, et au
prorata des exportations. »
Mais, messieurs, si l’exportation est
très forte, il pourra en résulter que le négociant qui, dans l’opinion de
l’honorable M. Dumortier, devait avoir droit à une prime de 15 fr.
n’obtiendrait plus qu’une prime de 2 ou de 3 fr.
Ainsi, vous le voyez, messieurs, sous
ce point de vue la proposition est encore inexécutable, et dans tous les cas,
l’honorable membre aurait du lui-même formuler un projet de loi pour en assurer
l’exécution.
Messieurs, nous vous avons déjà
prouvé que la proposition de la section centrale anéantirait positivement tout
commerce d’exportation, ainsi que tout mouvement maritime ; qu’elle ferait
cesser nos échanges et empêcherait l’exportation de nos produits industriels.
En effet, messieurs, le sucre de betteraves vaut aujourd’hui 70 fr. ; ajoutons
à cela 3 fr. pour établir la valeur marchande, nous aurons 73 fr. ; le sucre
colonial coûte 60 fr. : ainsi, la différence est de 13 fr. Or la section
centrale propose de donner au sucre de betteraves une protection de 25 fr. ; la
différence entre 13 et 25 est de 12 fr., auxquels il faut ajouter au moins deux
francs pour les parties de sucre qui échapperont à l’impôt, car nous avons vu
qu’en France la partie qui échappe au droit est évalué du tiers au quart.
Ainsi, en disant que deux francs
échapperont à l’impôt, je reste en dessous de la vérité.
Mais une autre proportion indemne de
droit résulte de la proposition même du gouvernement, et peut également être
évaluée à 2 fr. ; cela fera donc 4 fr. ; en joignant ces 4 fr. aux autres 12
fr. de protection, nous trouvons ainsi une différence de 16 fr. Or, je le
demande, si, avec une différence de 16 fr., la concurrence du sucre exotique
est encore possible.
L’honorable M. de
Or tout le monde doit être convaincu
dans cette chambre qu’augmenter le rendement d’un côté et les retenues de
l’autre, c’est se servir, contre l’industrie du sucre exotique, d’une arme à
double tranchant. Cela est tellement vrai, messieurs, que lorsqu’en 1838 la
chambre avait, par un premier vote, augmenté le rendement, elle est revenue sur
cette augmentation, lors du deuxième vote, en accordant la préférence à la
retenue d’un dixième qui offrait quelque chose de positif au trésor.
L’honorable M. Verhaegen,
contrairement à notre opinion, a prétendu que la loi primitive d’accise sur les
sucres, lorsqu’elle a été présentée en 1822, était essentiellement fiscale,
Je crois que c’est une erreur. La loi
a été, il est vrai, présentée au public comme une loi fiscale ; mais le
gouvernement des Pays-Bas avait besoin de ne pas trop dévoiler son système ;
car si un gouvernement doit avoir certains ménagements, c’est surtout en
matière de politique commerciale. Le gouvernement des Pays-Bas voulait enlever
ce commerce à l’Angleterre, et il y est parvenu ; mais la preuve que l’idée qui
avait présidé à la rédaction de la loi n’était pas exclusivement fiscale,
résulte clairement des dispositions qui ont été prises postérieurement à
l’adoption de cette loi.
En effet, le rendement, qui avait été
fixé à 59 1/2, a été porté, par la loi du 27
décembre 1829, à 55 1/2. Et par une loi du 3 juin 1830, loi qui ne
devait être mise à exécution qu’à partir du 1er janvier 1831, ce rendement de
55 1/2 a été réduit à 53 38/100. Cette loi n’a pas été mise en vigueur en
Belgique, à cause d’événements politiques, mais elle l’a été en Hollande.
Ainsi, à des époques différentes, le
rendement a toujours été diminué en Hollande.
M. Dumortier. - Quel est le taux actuel du rendement ?
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Il est aujourd’hui un peu plus
élevé que le nôtre ; mais en Hollande, on ne retient que 5 p.c., tandis qu’en
Belgique ou retient 10 p. c. Cette différence constitue nos raffineurs en état
d’infériorité vis-à-vis des raffineurs des Pays-Bas.
Le gouvernement, a dit encore
l’honorable M. Verhaegen, avait eu le courage, par sa première proposition, de
demander la destruction du sucre indigène moyennant indemnité, mais aujourd’hui
il demande la suppression d’une manière indirecte.
Oui, messieurs, le gouvernement a eu
le courage de proposer la suppression du sucre indigène, moyennant indemnité,
et je doute que beaucoup eussent eu ce courage ; mais il n’est pas exact de
soutenir que nous voulons aujourd’hui anéantir le sucre de betterave d’une
manière détournée : nous voulons le maintien de ce sucre, nous voulons
respecter la décision de la chambre ; et comment maintenons-nous le sucre
indigène ? par une protection très large, protection
dont je vais donner les détails.
Quel est le principe qu’on doit
suivie en législation de douanes ?
Quand un produit, à l’étranger, peut être
fourni à 5 p. c. à meilleur compte que sur le marché intérieur, c’est-à-dire
quand le travail étranger produit à 5 p. c. à meilleur compte que le travail
national, il faut alors protéger le travail national par 6 ou 7 p. c., et même
plus, suivant les circonstances. Le sucre de betterave a une valeur marchande
de 73 fr., le sucre exotique de 60 fr., conséquemment une différence de 13 fr.
Appliquons le principe que je viens
de poser au sucre indigène, ce sucre devrait être protégé par une différence un
peu au-delà de 13 fr. ; or, nous proposons d’imposer le sucre indigène à 22
fr., le sucre exotique à 40 fr. ; donc une différence de 18 fr., au lieu de 13.
Mais, à ces 18 fr., il faut encore
ajouter les 2 fr. qui échapperont nécessairement à l’impôt, ainsi que les 2 fr.
dont la loi elle-même protège le sucre indigène. Voilà donc une protection de
22 francs.
Maintenant, si le fabricant produit
du premier jet des pains parfaitement cristallisés, ce qui arrive déjà, ainsi
que le prouve l’échantillon que j’ai fait déposer dans la salle des
conférences, il obtient encore un nouvel avantage de 8 à 10 fr., qui, ajoutés à
la protection réelle de 8 à 10 fr., porte le droit protecteur de 30 à 32 fr,
par 100 kilog.
Ainsi, cette protection est bien plus
élevée que celle que la section centrale a dit exister en France, Elle a
prétendu que cette protection était de 22 fr., j ai conteste ce chiffre ; j ai
établi que la protection n’est réellement que de 16 fr. 98 c, Mais comment la section centrale
a-t-elle procédé pour trouver son chiffre de 22 fr. ? Elle a compris dans la
moyenne des droits protecteurs ceux qui sont établis sur le sucre colonial
étranger ; mais de ce sucre, il ne s’en importe que peu ou point ;
l’importation, l’année dernière, ne s’est élevée qu’à environ un demi-million,
et une pareille quantité ne peut évidemment pas venir dans le cadre des calculs
; il faut donc laisser le sucre étranger en dehors, et il ne faut baser ses
calculs, me paraît-il, que sur le sucre colonial réellement fabrique en France.
Eh bien, nous trouvons qu’en France ou a importé, pour la fabrication, 20
millions de kilogrammes da sucre bourbon et 53 millions de sucre d’Amérique.
Or, c’est sur ces deux sucres qu’il doit raisonnablement se baser pour établir
la protection accordée en France au sucre de betterave.
Ainsi, le sucre bourbon est entré en
consommation pour 28 p.c. ; le sucre d’Amérique, pour 72 p. c. ; l’un des
sucres est imposé à 11-86, et l’autre à 35-64 ; donc une moyenne de 47-50.
Maintenant, pour trouver la
protection qui existe en France, il faut prendre également l’impôt qui pèse sur
le sucre indigène des différents types, et non pas d’un seul type, comme l’a
dit l’honorable M. Mercier, mais de trois types.
Il est bien vrai qu’en France on
ramène toujours le deuxième et le troisième, en résulte-t-il que tous paient le
même droit ? Non, messieurs.
Le sucre 1er type est imposé à fr. 27
50
Le sucre 2ème à fr. 30 52
Le sucre 3ème à fr. 33 55.
Si donc le fabricant présente un
sucre second type, et presque tous en produisent, ceux qui ne travaillent que
le premier type tout exception à la règle générale ; on ramènera, il est vrai,
le sucre premier type au deuxième, en ne le faisant payer que 27 fr. 50 e. mais
ce droit, veuillez le remarquer, messieurs, il le payera dans ce cas, sur 91
kil., au lieu de le payer sur 100, de manière que la mélasse, qui sera découlée
du sucre premier type, sera reprise en charge, et qu’ainsi le sucre deuxième
type aura réellement payé 30 francs 52 c. par 100 kil., et par suite 33 fr. 55
c. pour le sucre troisième type.
L’honorable M. Demonceau nous a dit
qu’il trouvait, d’après ses calculs, que le sucre de canne, loin d’être chargé
d’un droit de 40 fr., est seulement chargé d’un droit de 26 fr. 71 c.
L’honorable membre a parfaitement bien calculé ; mas il aurait dû appliquer
également ses calculs au sucre de betterave, il aurait vu qu’au lieu de 22 fr.
le droit se réduisait à 13 fr. 60 c., c’est-à-dire que les mêmes proportions
étaient maintenues.
Mais, nous dira l’honorable membre,
on n’exporte pas de sucre de betterave. Pourquoi pas ? puisque
la loi favorise l’exportation de ce sucre d’une différence de 8 kilog. ; mais
s’il était vrai qu’on n’exportât pas, le sucre serait livré à la consommation
intérieure, et le fabricant s’en trouverait encore bien, puisqu’il percevrait
le droit d’usage comme si son produit avait supporté le droit de 40 fr.
L’honorable M. Demonceau a fait
remarquer ensuite que les 22 fr. ne portent que sur 95 kilog.,
à cause des 5 kilog. de déchet, et qu’ainsi, ce droit sera 23 fr. 15 c. Faites
la même opération sur le sucre de canne, et vous trouverez que le droit de 40
francs sera, en effet, de 44 fr., de manière que les proportions seront encore
une fois conservées.
On nous dit : Mais vos
propositions nouvelles laissent subsister le système actuel. C’est-à-dire
l’épouvantable système de rendement qui grève si péniblement le trésor public.
J’ai déjà démontré que la loi avait été faite en vue de favoriser les
opérations commerciales et que si vous touchiez au système, toutes ces
opérations cesseraient d’exister ; mais, messieurs, nous faisons mieux que de
toucher an principe commercial de la loi. Nous retenons 4/10 des prises en
charge, et par là nous donnons des ressources assurées au trésor, tandis que
l’augmentation du rendement ne donne rien ou du moins ne donne rien que
d’hypothétique. J’entends dire à mes côtés que la retenue de 4/10 n’a aucune
influence sur le rendement. C’est là une erreur. La retenue fait que le
raffineur qui peut maintenant livrer 32 kilog. indemnes
de droit ne pourra plus en livrer que 19. D’où il résultera que le rendement,
au lien d’être de 58, se trouvera indirectement élevé à 70. Vous le voyez, le
système qui vous a été proposé par le gouvernement doit satisfaire à toutes les
exigences de la chambre. Il maintient les éléments d’échange et assure 4
millions de revenu au trésor, en faisant cesser tous les abus dont on se plaint
aujourd’hui.
M. Dubus (aîné). - Messieurs, la chambre veut maintenir et assurer la coexistence des
deux industries, elle ne veut en sacrifier aucune. Voilà ce que je considère
comme décidé, comme jugé. Voilà le point duquel je crois qu’il faut partir. Il
s’agit de tenir la balance égale, il s’agit de déterminer le montant de l’impôt
qui frappera l’un et l’autre sucre, de manière à ce qu’en effet vous ne
sacrifiiez pas l’une des deux industries à l’autre. Pour apprécier, d’après
cette base, les diverses propositions faites et notamment celle de l’honorable
M. Rodenbach adoptée avec une modification par M. le ministre des finances, de
laquelle je m’occuperai particulièrement, il faut, me paraît-il, prendre en
considération la situation actuelle des deux industries, et la comparer avec la
situation qui leur sera faite par l’amendement dont vous êtes saisis.
Dans la situation actuelle, je crois
que l’on peut considérer les deux industries comme pouvant coexister, comme
pouvant soutenir réciproquement la concurrence, l’une de l’autre, sur le marché
intérieur. Elles se plaignent naturellement l’une de l’autre, à cause de cette
concurrence même, mais elles parviennent cependant à soutenir la lutte, et
l’une n’anéantit pas l’autre. On peut donc considérer les conditions actuelles
comme permettant réellement aux deux industries de continuer à se faire une
légitime concurrence, Il n’y aurait rien à changer à ces conditions si
l’intérêt du trésor ne nous obligeait à prendre les mesures propres à lui
assurer l’impôt de consommation qui, aujourd’hui, lui échappe en presque
totalité, puisque nous n’en conservons qu’un dixième.
Si la situation actuelle des deux
industries leur permet de se soutenir l’une vis-à-vis de l’autre, examinons si
cet équilibre ne sera pas dérangé par celle que l’amendement de M. Rodenbach va
leur faire ? S’il résulte de cet amendement que la condition de l’une se trouve
rendue beaucoup plus mauvaise, vous devez tirer la conséquence qu’en adoptant
cet amendement vous tuez cette industrie ; les conditions n’étant plus
respectivement les mêmes, elle ne pourra plus soutenir la concurrence.
Or, quelle est la situation actuelle
des deux industries ? C’est que l’une supporte un impôt de 37,02, non compris
les droits de douane, et que l’autre ne supporte aucun impôt. Voilà donc une
protection de 37,02.
Je sais qu’on objecte que la
protection n’est pas en réalité de ce chiffre et que la prime d’exportation
réagit sur le prix des sucres livrés à la consommation. J’admets l’objection,
mais le calcul de la section centrale tient compte de cette circonstance et
établit que la protection, non compris le droit de douane, est encore
réellement de 26,02. En effet, la manière avantageuse pour le raffineur, dont
est calculé le rendement, pour la partie qu’il exporte, amène une diminution de
33 p. c. de l’impôt sur la quantité qu’il livre à la consommation, ce qui
réduirait l’impôt à 24 80. Mais depuis la retenue, du 1/10 cette diminution a
été un peu modifiée, et l’impôt ne s’est plus trouvé réduit qu’à 26 02.
Ces calculs se trouvent détaillés
dans le rapport de la section centrale, chacun de vous en a pris connaissance.
J’admets donc ces calculs, et je trouve que, dans la situation actuelle des
choses, le sucre indigène est protégé vis-à-vis du sucre exotique, par une
surtaxe qui revient en réalité 26 fr. 2 c. outre les droits de douane.
Aujourd’hui, on propose sur le sucre indigène, jusqu’ici affranchi de tout
impôt, un droit de 25 fr. il est vrai que M. le ministre la présente toujours
dans ses calculs comme ne s’élevant qu’à 22 fr. Mais je lui rappellerai que le
droit de 22 fr. n’est qu’un droit provisoire.
Je dois m’attacher au droit
définitif, puisqu’on veut dès maintenant le faire consacrer par la loi ; et
s’il est tel que l’industrie indigène ne puisse le supporter, peu m’importe
qu’il ne doive être imposé en totalité que dans trois ou quatre ans ; il reste
toujours que la proposition doit avoir pour effet de tuer le sucre indigène, si
pas aujourd’hui, au moins dans trois ou quatre ans. Je dois donc prendre en
considération, vous le droit transitoire, nous le droit définitif. Dans
quelques années, c’est bien un droit de 25 fr. qui sera établi. A ce droit de
consommation, M. le ministre ajoute un droit de fabrication de 1 fr. 20 pour
tenir lieu du droit de douane. Je ferai remarquer, pour la comparaison dont je
m’occupe maintenant, qu’aujourd’hui aucun droit semblable ne pèse sur le sucre
indigène. C’est donc une augmentation totale de charge de 26 fr. 20 c. qu’on vous propose.
Le sucre exotique le paie, me dit-on
; mais si le sucre exotique paie le droit de douane, et que l’on continue à le
lui faire supporter ; ce n’est pas, quant à lui, une aggravation de charge.
Vous chargez la condition du sucre indigène jusqu’à concurrence de 26 20,
puisque vous lui imposez une charge de 26 20, tandis qu’il ne payait rien. D’un
autre côté, vous élevez à 40 fr. le droit sur le sucre exotique. Si je prenais
ce chiffre comme celui de droits qui ne doivent subir aucune rédaction par suite
de la manœuvre des exportations, je verrais déjà que cela n’établit pour le
sucre exotique qu’une différence de 13,80 avec le sucre indigène, au lieu de
26,02.
Ainsi, sous ce rapport d’abord, vous
rendez plus mauvaise la condition du sucre indigène, jusqu’à concurrence de 12
fr. 22 c., et cela en supposant que ces deux droits de 40 fr. et de 25 fr. 20
c. ne soient pas susceptibles d’être modifiés par suite de la prime qui est le
résultat du rendement établi par la loi de 1838. Mais il n’en est pas ainsi, et
d’abord je ferai une observation, c’est que le sucre exotique continuera à
donner lieu à l’exportation, tandis que je n’ai pas l’espoir que le sucre
indigène puisse être exporté. Il en a été donné, par la section centrale, une
raison qui me paraît péremptoire, c’est que le prix de revient du sucre
indigène, tel qu’il est avoué, étant plus élevé que le prix de revient du sucre
exotique, il est évident que ces deux sucres, sur les marchés étrangers où il
n’y aura plus de droits protecteurs, ne pourront pas lutter l’un contre
l’autre. Le sucre dont le prix de revient est le moins élevé s’exportera,
l’autre ne s’exportera pas. Cette raison me paraît sans réplique.
Vous êtes obligé de soutenir le sucre
indigène sur le marché intérieur par une surtaxe ; mais cette surtaxe ne le
suivra pas sur les marchés étrangers, donc il ne pourra pas lutter, et le sucre
exotique sera seul exporté.
Le sucre exotique s’exportant seul,
c’est à l’égard de ce sucre seulement qu’agira la prime d’exportation, elle
réagira sur le droit de consommation de manière à diminuer ce droit pour la
partie qui sera consommée ; ce qui rompra l’équilibre entre les deux sucres
dans une proportion encore plus forte que celle des 12 fr. 22 cent. dont j’ai parlé tout à l’heure. S’il n’y avait réserve que
d’un dixième, comme aujourd’hui, le droit de consommation sur le sucre
exotique, par suite de la prime d’exportation que l’on propose de maintenir, se
trouverait réduit à 28 fr. 12 c. ; mais dans la circonstance où la retenue
serait de 4/10 la proposition change, et je calcule que le droit de 40 fr. se
réduira à un droit réel de 32 fr. 8 c. Ce droit réel, balancé avec le droit de
26 fr. 20 c. que vous faites peser sur le sucre indigène, n’établit plus qu’une
protection de 5 fr. 88 cent., et aujourd’hui elle est
de 26 fr. et quelques centimes.
Si vous supposez, maintenant,
contrairement à mon opinion, que les deux sucres s’exporteront, eh bien, en
faisant, quant au sucre indigène que j’ai fait pour le sucre de canne, le droit
de consommation sur le sucre indigène se réduirait à 20 francs 5 centimes.
Ajoutez-y 1 franc 20 du droit de douane que l’on fait peser sur ce sucre, cela
fera 21 francs 25 centimes qui, comparés avec les 32 fr. 18 c. que payera le
sucre exotique, établiront une protection de 10 fr. 83 c. seulement ; et c’est
là tout le maximum de protection qui résulterait de la balance de ces deux
droits ; même en supposant que les deux sucres s’exportent, ce serait une
protection de 10 fr. 83 c. substituée a une protection de 26 fr. 2 c. Je vous
prie d’apprécier si un pareil changement permettrait aux fabricants de sucre
indigène des se soutenir ; le contraire me paraît évident.
J’ai parlé du droit de douane. On
veut faire payer au sucre indigène un droit de fabrication de
Ainsi, messieurs, en comparant la
situation actuelle avec la situation que ferait l’amendement, il est évident
que vous ne pouvez pas l’adopter.
D’ailleurs, si l’on compare entre
elles les deux espèces de sucre, d’après les prix de revient, on trouvera la
même conséquence, c’est que l’amendement que je combats anéantirait l’industrie
du sucre indigène.
Quel est le prix de revient du sucre
de betterave ? J’en fais la question, parce que de jour en jour je m’aperçois
qu’on diminue ce prix de revient. Je demanderai aussi quel est le prix de
revient du sucre de canne, car M. le ministre élève aussi, de jour en jour, le
prix de revient de ce sucre.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - J’ai cité des prix courants.
M. Dubus (aîné). - Le prix de revient du sucre de betterave est, selon les
renseignements obtenus par la section centrale, de 75 à 80 fr. M. le ministre
l’a établi, les jours précédents, à 74 fr., et aujourd’hui à 73 fr. Quant au
prix de revient du sucre exotique, dans les rapports qui nous ont été
distribués, on fixait à 57 fr., à l’époque à laquelle on s’occupait du projet
de loi en section centrale, la valeur du sucre blanc et brun de
J’insiste d’abord sur ce point que ce
prix de 57 fr., je le répète, était indiqué comme le prix du sucre de Havane
blanc et brun et que le prix du sucre Manille est infiniment moindre, tellement
que la section centrale, à la page 32 de son second rapport, calculait que si
on prenait une moyenne entre le prix des sucres de Havane et des sucres de
Manille, cette moyenne ne serait plus que de 46 fr. 31 c. Je n’ai pas vérifié
ces calculs, parce que je n’en avais pas les éléments. Si donc vous prenez une
moyenne entre la valeur des sucres Havane et celle des sucres Manille, ce prix
de 57 fr. descend à 46 fr. 31 c. Cette observation est très importante ; car si
vous adoptez légèrement la base que vous présente M. le ministre, le résultat
ne sera plus qu’une véritable illusion.
Comparons toutefois le chiffre de 74
francs. Je prends 74 fr. parce que M. le ministre avait jusqu’ici indiqué ce
chiffre comme le prix de revient du sucre indigène, et je prendrai même, malgré
l’observation que je viens de faire, le prix de 57 fr. pour le prix du sucre
exotique, puisqu’il a toujours raisonné sur ce chiffre de 57 fr. Eh bien, à ce
chiffre de 74 fr., ajoutez 1 fr. 20 c. de droit de fabrication, augmentez le
prix de revient du droit de 25 fr., vous trouverez 99 fr. 20 c. D’une autre
part, au chiffre des 57 fr., si vous ajoutez le droit de 50 fr., vous ne
trouverez que 97 fr. Si vous comptez le droit réel, tel qu’il se trouvera
réduit d’après la prime d’exportation, et qui ne sera plus que de 32 fr. 8 c.,
en cas de retenue des 4/10, il ne vous restera plus que 89 fr. 10 c. à comparer
avec 99 fr. 20 c.
Examinons maintenant quelle est la
valeur intrinsèque de ces deux sucres, d’un prix de revient si différent ? Dans
le rapport de la section centrale, vous trouvez que le sucre indigène a une
valeur intrinsèque inférieure d’environ 8 fr. à celle du sucre de canne.
M. le ministre a contesté ces
évaluations. La section centrale, à la page de son second rapport que je vous
ai citée, établit, selon moi, d’une manière assez péremptoire aussi, qu’il faut
fixer à 8 et 40 francs la différence de valeur intrinsèque des deux sucres. M.
le ministre prétend qu’il n’y a que 2 fr. 58 de différence ; mais je lui dirai
que lors même qu’il n’admettrait que cette différence, il doit en tenir compte,
et c’est ce qu’il ne fait nullement.
Si vous tenez compte de ces 2 fr. 58,
la différence de 10 fr. que je vous ai fait remarquer entre les prix de revient
des deux sucres, s’élèverait à 12 fr. 58 ; et elle serait de plus de 18 fr.
selon la section centrale ; mais même en admettant les chiffres de M. le
ministre, il est évident que les prix de revient des deux sucres, d’après
l’amendement qui est proposé, ne permettraient pas encore une fois au sucre
indigène de lutter contre le sucre étranger.
A ces calculs, messieurs, on répond
que la proposition qui vous est faite assurerait au sucre indigène une
protection aussi forte que celle qu’il reçoit en France, laquelle, prétend M.
le ministre, ne serait que de 17 fr. Messieurs, quand il serait vrai que la
protection n’est en France que de 17 fr., il n’en résulterait pas que nous
devons nous borner à une protection de 17 fr., alors que les calculs démontrent
que les conditions d’existence des deux sucres demandent un chiffre plus élevé.
Je n’attache donc pas une grande valeur à cet argument tiré de la protection
accordée en France, où l’industrie du sucre de betterave est déjà très ancienne
et où elle a joui, bien plus longtemps qu’en Belgique, d’une immunité complète
et ensuite de droits modérés, période pendant laquelle les fabricants de sucre
de betterave ont pu être remboursés d’une partie de leurs frais de premier
établissement. Mais il n’en est pas ainsi en Belgique, où ces établissements
sont tous assez récents et où les fabricants n’ont pu évidemment se rembourser
d’aucuns frais semblables.
Ainsi, remarquez-le bien, messieurs,
la condition du sucre de betterave en Belgique, vu l’époque si récente de son
établissement, ne peut pas être comparée à la condition du sucre de betterave
en France. Je le répète donc, de ce qu’il n’y aurait en France qu’une
protection de 17 fr., il n’en résulterait pas que nous devons nous borner en
Belgique à une protection de 17 francs.
Mais il me paraît évident, messieurs,
que la protection, en France, est bien supérieure à 17 fr., comme la section
centrale l’a affirmé dans son rapport. Et pour combattre son assertion, on vous
présente des chiffres dont on tire des moyennes, mais des moyennes qui encore
ici donnent un résultat d’où il ne peut sortir qu’une véritable illusion.
Il y a en France sur le sucre
indigène des droits différents, selon les diverses qualités de sucre brut
produit, selon que ces sucres sont plus ou moins épurés. Mais il y a aussi en
France des droits différents sur les sucres bruts exotiques, selon que ces
sucres sont de différentes qualités. De sorte que la différence qui est faite
d’une part est en rapport avec la différence qui est faite de l’autre.
Mais en Belgique, tous les sucres
bruts étrangers entrent aux mêmes droits, et on ne parle pas de les frapper de
droits de consommation différents.
Vous devez donc prendre le sucre le
plus brut de part et d’autre, comparer les droits, et la différence fera la
véritable protection.
C’est ainsi qu’a raisonné, très
judicieusement, selon moi, la section centrale ; et elle a trouvé que la
protection, en France, était de 22 fr. Mais une protection de 22 francs
vis-à-vis de quel sucre ? Vis-à-vis d’un sucre privilégié, vis-à-vis du sucre
des colonies. Or, je vous demande si c’est contre le sucre des colonies
françaises que notre sucre indigène a à lutter. Evidemment non. Le sucre des
colonies françaises n’entre pas et ne peut pas entrer en Belgique. Ce sucre, messieurs,
est d’un prix plus élevé que le sucre étranger, et tellement que le sucre
étranger lui fait concurrence en France même, car le sucre étranger, qui est
frappé d’un droit de 60 à 95 francs les cent kilogrammes, entre en France
malgré ce droit, jusqu’à concurrence de 12 millions de kilogrammes. Les
chiffres exacts nous ont été donnés dans la séance du 2 mars par l’honorable M.
Eloy de Burdinne.
On dit : Mais ce sucre n’est pas
consommé en France, il est réexporté après raffinage. Messieurs, on ne saurait
empêcher qu’il n’y soit consommé en partie, malgré qu’en France le rendement
soit bien plus élevé qu’en Belgique, car il est en moyenne de 70 ; mais le
raffinage de ce sucre procure 95 kilog. Ainsi, quand on exporte 70 kilog. de ce sucre, on obtient la restitution des droits sur 100,
et on livre à la consommation 25 kilog. Ce sucre entre donc dans la
consommation en France.
Et n’est-ce pas de la même manière
que le sucre étranger entre dans la consommation de ce pays-ci ? N’est-ce pas
parce qu’on exporte une partie du sucre importé, et que la quantité restante
est devenue indemne de droit et alimente la consommation ?
Eh bien, si vous retranchez la
protection que l’on accorde en France au sucre indigène vis-à-vis du sucre
étranger, qui est précisément celui contre lequel nous avons à lutter en
Belgique et qui entre en France en quantité assez notable, vous trouverez
beaucoup plus de 22 fr. et même bien plus de 25 fr. Ainsi, si l’on invoquait
l’exemple de la France, il serait favorable à la proposition de la section
centrale, qui tend à établir un droit différentiel de 25 fr.
Avec cette dernière proposition, les
conditions respectives des deux sucres ne seraient pas essentiellement
changées. La protection est maintenant de 26 fr. 10. Elle ne serait plus que de
25 fr., ce qui fait une différence peu considérable ; cette différence
deviendrait toutefois encore assez sensible, si, contre mon attente, on
adoptait le rendement proposé par M. le ministre des finances ; mais elle ne
serait toutefois inférieure à celle qui existe maintenant que dans une
proportion bien moindre que l’emporterait l’amendement de l’honorable M.
Rodenbach, adopté par M. le ministre.
Mais, messieurs, ce qui doit encore
vous déterminer à admettre une protection de 25 fr. au moins, c’est,
indépendamment des motifs que je viens d’exposer, que M. le ministre des
finances lui-même avait consenti à se rallier à ces deux chiffres de 25 et de
50 fr. C’est par une lettre du 24 août 1842, qui se trouve à la page 120 du
premier rapport, qu’il en a fait la déclaration. Il aurait adopté alors les
chiffres de 25 et de 50 fr., pourvu que la section centrale renonçât à modifier
le rendement actuellement existant et dont le projet de loi proposait le
maintien.
Or, dans l’amendement que vous
propose aujourd’hui M. le ministre des finances, il conserve encore le même
rendement que dans le projet de loi ; par conséquent, il devrait aussi
maintenir les deux chiffres de 25 et de 50 fr.
Mais, me dit-on, dans le projet de
loi, il n’y avait retenue que du dixième, tandis qu’aujourd’hui on a proposé
une retenue de 4/10. Mais cette retenue de 4/10, vous la proposez aussi bien à
l’égard du sucre indigène qu’à l’égard du sucre exotique, et vous soutenez que
l’un des deux sucres est aussi exportable que l’autre. Vous avez la prétention,
sous le rapport de ces conditions, de mettre les deux sucres sur la même ligne,
et dès lors vous ne devez pas changer pour cela la proportion du droit. Que
vous reteniez 4/10 sur les deux sucres ou que vous n’en reteniez qu’un,
prouvez-moi que c’est une raison pour changer la proportion des droits sur les
deux sucres, et surtout pour la changer d’une manière aussi considérable que
vous le faites ; c’est-à-dire pour que le droit sur le sucre exotique soit
descendu de 50 à 40 fr., tandis que le droit sur le sucre indigène reste à 25
fr. Je serais bien aise qu’on m’en fît la démonstration. Quant à moi, il me
serait impossible d’arriver à un pareil résultat.
M. le ministre des finances nous
parle de la portion de sucre indigène qui échappera à l’impôt. Il faut, selon
lui, que l’on fasse la part de la fraude, que l’on prévoie la quantité qui sera
fraudée, et il nous dit qu’en France la fraude a lieu dans une proportion
considérable, proportion qui irait du tiers au quart. Je ferai remarquer
d’abord à M. le ministre que cette fraude n’a pas été du tout constatée. C’est
une simple conjecture.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - C’est le ministre qui l’a dit.
M. Dubus (aîné). - C’est le ministre qui l’a dit ; oui, mais le ministre a dit en même
temps comment il arrivait à cette conjecture, il a dit : on a déclaré en France
tant de sucre exotique, on a déclaré tant de sucre indigène, en tout, une telle
somme. Or, aujourd’hui la consommation de la France est estimée à tant ; il a
donc été fraudé autant. Voilà toute la démonstration du ministre. Et quand
a-t-il donné cette démonstration ? Quand il a voulu prouver qu’il fallait
anéantir l’industrie du sucre indigène. Il était intéressé alors à la présenter
comme une industrie qui, par la facilité qu’elle donnait à la fraude, méritait
l’arrêt de mort qu’il avait prononcé contre elle. Mais une pareille présomption
n’est pas du tout une preuve. Il reste à démontrer qu’il y a réellement du
tiers au quart de la production qui échappe à l’impôt. Quant moi, je n’en crois
rien.
Mais il y a une autre considération
sur ce point : c’est qu’on a porté, dans une ordonnance assez récente, de
nouvelles mesures pour empêcher toute fraude ; et je lis dans un mémoire de la
chambre de commerce de Lille, que ces mesures ont eu le meilleur effet, qu’il y
a maintenant une surveillance telle que la fraude est rendue presque impossible
; et M. le ministre a, je crois, profité de l’expérience qui a été faite en
France pour organiser dans son projet des mesures propres à rendre aussi la
fraude presque impossible. Il ne faut donc pas présumer, messieurs, que le
quart du sucre indigène échappera à l’impôt.
D’ailleurs, messieurs, lorsque M. le
ministre a donné, au mois d’août dernier, son adhésion aux chiffres de 50 et de
25 fr., il savait aussi bien que maintenant quelle partie pourrait échapper à
l’impôt ; et, comme on vous l’a dit, rien ne démontre qu’aucune partie du sucre
étranger n’échappe à l’impôt ; on a au contraire affirmé qu’il existe devant
les tribunaux des procès qui prouvent que le sucre étranger fraude le droit.
M. le ministre vous a dit encore,
messieurs, que l’on a découvert un procédé au moyen duquel on obtient
maintenant du sucre raffiné du premier jet dans la fabrication du sucre
indigène, et que ce sucre raffiné ne serait frappé que du droit de 25 fr. qu’il
propose, ce qui, pour le sucre parvenu à ce degré d’épuration, ferait une
différence considérable. Mais s’il en est ainsi, c’est à M. le ministre à
prendre des mesures pour garantir les intérêts du trésor. Si l’on peut ainsi,
du premier jet, fabriquer, au lieu du sucre brut, du sucre parfaitement
raffiné, que M. le ministre propose pour ce sucre raffiné un droit calculé sur
le degré de raffinage où il se trouve ; mais ce n’est pas une raison pour
établir un droit tel que ceux qui ne connaissent pas le procédé dont M. le
ministre vient de parler soient obligés de fermer leurs établissements.
Du reste, ce qu’a dit là M. le
ministre est un fait tout à fait nouveau et qui, à ce qu’il paraît, n’aurait
pas été pris en considération lorsqu’on a rédigé le projet de loi. C’est une
assertion qui jusqu’ici est dénuée de preuve.
M. le ministre a entendu parler d’un
fait, mais il n’a pas vérifié ce fait, et personne d’entre nous ne l’a vérifié
non plus. (Interruption.) Je sais
bien que l’on dit qu’il se trouve dans l’antichambre un pain fabriqué de cette
manière mais la seule inspection de ce pain de sucre ne prouve pas du tout
qu’il ait été produit par ce procédé. C’est là un fait, je le répète, tout à
fait nouveau et dont rien ne prouve l’exactitude ; or, je pense que la chambre
ne peut pas faire des lois en considération de faits qui ne sont pas certains.
Des faits de cette nature qui, j’en conviens, peuvent intéresser le trésor
public, doivent être vérifiés avant que l’on ne prenne des mesures basées sur
leur existence.
Il n’y a donc aucun motif, messieurs,
pour repousser aujourd’hui les chiffres de la section centrale, que M. le
ministre a adoptés au mois d’août 1842. Voilà, messieurs, les observations que
j’avais à vous présenter quant au chiffre des droits à établir sur les deux
sucres.
Il me reste très peu de mots à dire
en ce qui concerne le taux du rendement. Je suis toujours d’opinion que nous ne
pouvons pas maintenir le rendement tel qu’il existe aujourd’hui et tel que M.
le ministre propose de le conserver. Je crois que la loi qui frappe le sucre
brut d’un droit, frappe de ce droit tout le sucre et que, par conséquent, vous
ne pouvez pas admettre un rendement tel que, quand on a exporté une partie de
sucre, on peut livrer une autre partie considérable du même sucre à la
consommation, libre de tout droit. Si vous agissiez ainsi, messieurs, vous
feriez une part extrêmement inégale à deux industries qui doivent pouvoir
coexister dans le pays et qui coexistent, mais dont l’une ne peut se maintenir
que par une espèce de fraude. Cette fraude, messieurs, voici en quoi elle
consiste : il y a des raffineurs qui ne travaillent que pour l’exportation ; il
en est d’autres qui ne raffinent que pour la consommation intérieure ; eh bien,
avec le rendement actuel, ces derniers ne peuvent évidemment pas soutenir la
concurrence des autres, car (au moins la loi le suppose ainsi), ils paient le
droit de consommation sur tout le sucre brut qu’ils importent, tandis que ceux
qui raffinent pour l’étranger ne paient le droit que sur 58 1/2 p.c. du sucre
brut qu’ils importent. Si donc ceux qui travaillent exclusivement pour la
consommation intérieure n’employaient pas le moyen dont il est parlé dans le
rapport de la section centrale, pour profiter de la prime d’exportation, s’ils
n’employaient pas ce moyen, qui cependant est une fraude, il ne leur serait pas
même tenu compte du déchet, et ils paieraient le droit entier sur tout le sucre
brut qu’ils importent, alors que 100 kilog. de sucre brut se réduisent, par le
déchet, à 95 kilog., qui comprennent encore de la
cassonade et de la mélasse, dans une assez forte proportion. Ceux qui
travaillent pour l’exportation, au contraire, jouissent d’une déduction du chef
du déchet et de la cassonade et du sirop, qu’ils doivent, à ce qu’on prétend,
livrer à la consommation indemnes de tout droit et ils affranchissent même du
droit une partie de leur sucre raffiné. Cette différence dans les positions
rendrait toute concurrence impossible, si ceux qui travaillent pour la
consommation intérieure ne s’entendaient avec ceux qui raffinent pour
l’exportation, si ceux-ci ne prêtaient leur nom aux autres pour les faire
participer à la prime d’exportation. Or, messieurs, c’est là une véritable
fraude. C’est tellement une fraude, que dans la loi que vous avez faite en
1841, vous avez voulu y porter remède. Il résulte, en effet, de la discussion
de cette loi que vous avez pris certaines mesures par lesquelles vous croyiez
empêcher les transferts. Eh bien, messieurs, vous n’avez pas réussi à les
empêcher ; et cela est si vrai que les raffineurs qui ne travaillent que pour
la consommation intérieure, et qui, par conséquent, devraient payer au trésor
la totalité du droit, n’ont payé en réalité que le dixième réservé, tout comme
ceux qui travaillent pour l’exportation. Cette fraude, messieurs, vous ne la
ferez cesser qu’en portant le rendement à son taux normal, et c’est de ce taux
que se rapproche la proposition de la section centrale.
D’ailleurs, messieurs, je ne
comprendrais pas comment vous n’élèveriez pas le rendement, d’après les raisons
même qui ont été données pour combattre les chiffres de la section centrale.
D’après ces raisons, il y aurait toujours lieu à élever d’une manière assez
notable le chiffre du rendement ; car, lorsqu’on a fait la loi de 1838, le
rendement n’était pas, en Hollande, de 67 1/2, chiffre auquel il a été fixé par
la loi de 1840. Ainsi lorsque vous objectez que notre rendement doit être
inférieur au rendement hollandais, il n’en résulte pas que vous devez maintenir
le rendement à 57 pour les sucres raffinés proprement dits, alois qu’en
Hollande il est de 67 2/2 ; il ne résulte pas de là qu’il doive y avoir une
différence de 10 1/2 entre notre rendement et le rendement hollandais.
Je me bornerai, messieurs, à ces
observations et je voterai pour les chiffres de la section centrale,
- La clôture est demandée.
M. d’Huart. - Je vois, messieurs, que l’on est loin de s’entendre, et je désire
présenter un amendement que je crois de nature à concilier bien des exigences.
Je serai extrêmement court.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Il me semble, messieurs, qu’après
des débats aussi longs la chambre doit nécessairement en venir à adopter l’une
ou l’autre des propositions qui lui sont soumises. Admettre encore une nouvelle
proposition, c’est s’exposer à renouveler les discussions qui viennent d’avoir
lieu et à rester encore plusieurs jours sans en venir à une conclusion.
M. de Theux. - Il me semble, messieurs, qu’on ne peut pas empêcher l’honorable M.
d’Huart de déposer son amendement ; il l’a annoncé avant la demande de clôture,
et dès lors il a le droit de le déposer sur le bureau et de le développer.
M. de Brouckere. - Mais, messieurs, personne ne veut faire violence à l’honorable M.
d’Huart, ni l’empêcher de présenter son amendement, s’il s’obstine à vouloir le
déposer.
Ce que nous faisons, c’est engager
l’honorable M. d’Huart à ne pas présenter son amendement, parce qu’il est
certain qu’un amendement, arrivant à la fin de la discussion, va renouveler les
débats, qui se prolongeront de nouveau pendant plusieurs jours. C’est donc une
simple prière que nous adressons à l’honorable M. d’Huart, et il n’est
nullement dans notre intention d’empêcher cet honorable membre de présenter son
amendement, s’il le veut.
M. d’Huart. - Messieurs, je ne tiens pas à développer mon amendement, si la
chambre croit pouvoir actuellement passer au vote en parfaite connaissance de
cause et sans avoir besoin d’être saisie d’aucune nouvelle proposition ; je
ferai cependant remarquer à l’honorable préopinant que je n’ai pas montré une
grande obstination, et que je n’ai pas beaucoup entravé la discussion ; je me
suis borné jusqu’ici à écouter attentivement les orateurs ; j’ai cherché à
puiser des lumières dans les débats ; je crois être maintenant en situation
d’indiquer à la chambre un terme moyen plus propre à nous conduire au but que
celui qui est soumis et mieux applicable à la résolution définitivement prise
de maintenir la coexistence des deux industries. A l’appui de l’amendement que je
me propose de soumettre à la chambre, je désire cependant présenter de courts
développements et faire valoir quelques considérations préliminaires que je
considère comme très importantes pour le pays. La chambre jugera s’il lui
convient de m’écouter pendant quelques minutes ; je me soumettrai, sans la
moindre opposition, à sa volonté sous ce rapport.
M. Demonceau. - Messieurs, la chambre, me semble-t-il ne doit pas insister sur la
clôture. S’il est vrai que nous soyons entre deux extrêmes dans cette
circonstance, nous devons savoir bon gré à celui qui veut nous tirer de cet
embarras.
- Il n’est pas donné suite à
la demande de clôture.
M. d’Huart. - Messieurs, je suis loin d’avoir la prétention de tirer la chambre de
l’embarras où elle se trouve, mais il est à remarquer que si nous nous en
tenons aux systèmes extrêmes qui sont en ce moment en présence, nous
n’arriverons à aucun résultat.
Un grand intérêt domine toute la
question et nous ne pouvons nous dispenser d’y satisfaire : gouvernement,
représentants, tous nous sommes dans l’obligation de l’apaiser ; cet intérêt,
c’est le trésor public.
Il y a déficit du côté des recettes
dans la situation normale des budgets de l’Etat ; il y a urgence de pourvoir à
ce déficit si nous voulons que le pays continue à faire honneur à ses
obligations, qu’il continue à soutenir son crédit.
A mes yeux, il ne me paraît donc pas
possible que, si la chambre adopte dans la loi qui nous occupe des dispositions
d’où doive résulter la recette de 4 millions environ qu’on veut obtenir des
sucres ; il ne me paraît pas possible, dis-je, en entendant sainement les
intérêts du pays, que le projet soit retiré, comme le conseil en a été donné.
En effet, si le projet était retiré,
quelle serait la position du gouvernement à la veille de la discussion du
budget de la guerre ? Qu’aurait-il à opposer à des réductions équivalentes au
déficit qu’il aurait obstinément maintenu dans les ressources de l’Etat ;
offrirait-il alors en perspective vingt ou trente centimes additionnels aux
impôts directs ? Ou sait d’avance comment un tel moyen serait accueilli ici et
dans le pays.
Je dis donc qu’il doit sortir de nos
délibérations actuelles une nouvelle loi destinée à combler forte partie du
déficit existant et, par conséquent, le bien public ne me semble pas permettre
le retrait d’une loi, qu’elle satisfasse ou non l’une ou l’autre des deux
opinions qui se sont manifestées dans cette chambre, à l’égard du système de
cette loi. Il est temps, d’ailleurs, d’en finir une bonne fois et que les
intéressés sachent définitivement à quoi s’en tenir.
Maintenant, je me demande si, à
propos de cette même question, qu’on l’envisage sous toutes ses faces, comme
fiscale, industrielle et commerciale, il peut paraître convenablement possible
que M. le ministre des finances ait l’idée de se retirer, si ses vues
favorables au sucre de canne étaient totalement écartées. Je n’hésite pas à
répondre que raisonnablement cela est inadmissible.
L’intérêt fiscal, ou général, si vous
voulez, serait satisfait ; l’intérêt industriel, en ce qui concerne la
betterave, ne réclamerait plus, ce serait donc par sympathie pour les
raffineurs et les commerçants de sucre de canne, que le ministre déposerait son
portefeuille ; mais ce serait une singulière manière de servir les intérêts de
ces industriels qui méritent, je le reconnais, une protection raisonnable du
gouvernement, que de déserter le poste. Dans ce cas, toutes les exigences
constitutionnelles n’indiquent-elles pas que le remplaçant de M. Smits serait
moins favorable au sucre exotique ; et ne doit-il pas dès lors jusqu’au bout
tenir à cœur d’empêcher de plus grands préjudices envers lui ?
De ces considérations, qui se
rattachent plus intimement qu’on ne pense à l’objet en discussion, je tire pour
conclusion, messieurs, que tous, tant que nous sommes ici, nous devons, après
avoir assuré la recette qu’attend le trésor, rechercher franchement, sans
prévention, sans prédilection, les dispositions qui maintiendront relativement
les deux industries rivales sur le pied de leurs conditions d’existence
actuelles.
Messieurs, nous sommes néanmoins
libres à l’égard de ces industries, je le proclame hautement ; à sa naissance,
la betterave, pour me servir de la locution admise, a été prévenue que bientôt
elle devrait contribuer au trésor, et il a été dit et répété à la canne, qu’à
raison des progrès de son industrie et des combinaisons à l’aide desquelles la
loi existante ne répondait plus au but du législateur, celui-ci ne tarderait pas
d’approprier de nouveau la législation aux justes exigences du fisc.
Le problème à résoudre consiste donc,
surtout depuis le premier vote de la chambre, à faire coexister réellement,
sérieusement, les deux industries, et à trouver ainsi un terme moyen entre
leurs exigences contradictoires.
Me voici donc arrivé à l’amendement
que j’ai annoncé ; il est ainsi conçu :
« Le droit d’accise est fixé à
45 francs par cent kilogrammes de sucre brut de canne, et à 20 fr. les cent
kilogrammes de sucre de betterave. »
La chambre étant déjà fatiguée, je
n’entrerai pas dans des détails de chiffres que, du reste, chacun de vous peut
tirer de sa mémoire, pour prouver que la protection que je propose d’accorder
au sucre de betterave est suffisante pour faire exister cette industrie ; et
que, d’un autre côté, en maintenant le rendement tel qu’il est sur le sucre
exotique, vous lui permettez encore de faire des importations suffisantes pour
nos échanges commerciaux. La réserve de 4/10 assure d’ailleurs une recette
certaine. Je me bornerai à indiquer le résultat fiscal de l’amendement, comparé
à celui que doit produire chacun des autres amendements dont vous êtes saisis.
L’amendement de l’honorable M.
Verhaegen, combiné avec le projet de la section centrale, produirait environ 4,000,000 fr. ; en supposant que le sucre qui excéderait le
rendement fournirait exclusivement la consommation intérieure de 9 millions
kil.
D’après l’amendement de M. le
ministre des finances, amendement que je propose de sous-amender, on
obtiendrait 3,650,000 fr. ; d’après mon amendement, on
obtient 3,800,000 fr., avec un mouvement commercial égal à celui qui a été
annoncé par M. le ministre des finances, puisque je maintiens son rendement, et
que je conserve également les quatre dixièmes de retenue à payer nécessairement
au trésor public. Notez, messieurs, qu’il n’est pas question dans mes chiffres
du droit de douane, que le sucre exotique continuera seul à supporter, et qui
ainsi est une protection en faveur de la betterave dont il faut tenir compte, puisqu’il
produira près de 200,000 fr.
Je conçois l’espèce de prévention qui
s’attache à toute proposition nouvelle qui arrive à la suite d’une longue et
fatigante discussion. Je demanderai cependant que la section centrale soit
invitée à examiner cet amendement de concert avec M. le ministre des finances (non ! non !) ; je n’insiste pas, si l’on
pense que l’amendement soit suffisamment compris. Néanmoins l’examen que
j’indique, et qui serait fait en commun par la section centrale et par M. le
ministre des finances, aurait eu un but utile. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président donne lecture de l’amendement présenté par M. d’Huart.
- L’amendement est appuyé.
La clôture est demandée par plus de
10 membres.
M. Verhaegen (contre la clôture). - Messieurs, il serait dangereux de clore la
discussion. L’honorable M. d’Huart peut être convaincu, lui, que son amendement
est bon, mais je pense que l’amendement aura pour résultat la mort de
l’industrie indigène. Je demanderais, par exemple, à M. d’Huart, s’il conserve
le rendement.
M. d’Huart. - Oui.
M. Verhaegen. - Dans ce cas, c’est la ruine du sucre indigène. Il conviendrait au
moins d’entendre M. le rapporteur sur cet amendement. Alors nous renoncerions
tous à la parole.
M. le président. - S’il n’y a pas d’opposition, la parole est à M. le rapporteur,
M. Mercier, rapporteur. - Messieurs je n’abuserai pas des moments de la chambre. Je ne dirai
que quelques mots du projet du gouvernement. L’honorable M. Dubus et d’autres
honorables membres ont singulièrement abrégé la tâche que j’ai à remplir en
qualité de rapporteur.
Le projet du gouvernement est véritablement
illusoire, en ce qu’il suppose encore l’exportation du sucre indigène. Or il
est impossible qu’on en exporte, et qu’on vende au prix de 60 fr. sur les
marchés étrangers un sucre raffiné qui coûtera plus de 100 fr. en Belgique.
Si l’on n’exporte pas de sucre
exotique, le résultat du projet du gouvernement consistera dans une importation
de 14 millions de sucre exotique, et il n’y aura plus qu’une exportation de 5
millions de kil. Ce sera là un résultat dont le commerce même ne pourra être
satisfait. Les propositions de la section centrale auraient pour effet
d’introduire 19 millions 600,000 kil. de sucre exotique, si la consommation intérieure est de 15
millions, et de permettre une exportation de 9 millions 770,000 kil. Sous tous
les rapports donc ce projet serait préférable à celui qui est présenté par le
gouvernement, même dans l’intérêt du commerce d’exportation.
C’est une erreur, dit M. Cogels. Si
les exportations ont été possibles en France avec un rendement de 70 et de 73,
elles le seront, à plus forte raison en Belgique, avec un rendement inférieur
de 2 kilogr.
Pour ne pas abuser de l’attention de
la chambre, je passerai à la proposition de l’honorable M. d’Huart.
Messieurs, en abordant l’amendement
que vient de présenter M. d’Huart, je ferai remarquer d’abord qu’il repose sur
un fait que l’influence de la réserve de 4/10 serait telle qu’elle ne réduirait
pas d’une manière très considérable le droit prélevé sur le sucre à la
consommation. Je suis persuadé que si l’honorable M. d’Huart pensait que le
droit de 45 fr, fût purement nominal et ne fût réellement prélevé que pour une
réduction du tiers environ sur les consommateurs, que, par conséquent, il
entraînerait la ruine de la sucrerie indigène ; je suis persuadé qu’il
n’insisterait pas dans sa proposition. Je vais établir qu’en maintenant le
rendement à 58 1/2, le droit serait réduit dans cette proportion. J’ai, en
quelque sorte, examiné d’avance et sans la connaître la proposition de M.
d’Huart ; j’ai fait quelques calculs qui embrassent cette proposition, non pas
précisément avec les mêmes chiffres, mais avec des chiffres qui s’en
rapprochent beaucoup. Je demanderai à la chambre la permission de lui donner
communication de ces calculs qui lui feront apprécier les conséquences de la
proposition de l’honorable M. d’Huart.
La mesure de protection dont jouit le
sucre indigène, c’est le droit prélevé à la consommation ; nous sommes d’accord
avec M. le ministre des finances que ce droit est subordonné à la prime de
mévente.
Aujourd’hui, lorsque la prime de
mévente est de 33 p. c., le raffineur qui vend des
droits portés à son compte débourse, pour mille kilog. de sucre brut, une fois
le droit nominal de 37 fr. 2 c. par 100 kil, et 9 fois le droit réduit à 24 fr.
80 c., ce qui forme une moyenne de 26 fr. 2 c., non compris le droit de douane.
Qu’arrivera-t-il dans le système qui
nous est proposé, qui laisse le rendement tel qu’il est et porte seulement la
réserve à quatre dixièmes ?
Quelques membres ont prouvé que cette
réserve opérerait sur le prix des sucres le même effet qu’une augmentation de
rendement. C’est le piège le plus dangereux qui ait été tendu à l’industrie du
sucre indigène.
En voici la démonstration :
Le raffineur qui vend des droits
acquitte annuellement sa recevabilité de 37 fr. 2 c. sur les 9/10 de ses prises
en charge, moyennant une somme de 24 fr. 80 par 100 kilog. ; pour le dixième
restant, il a acquitté le droit de 37 fr. 2 c. ; de sorte que la moyenne des
droits qu’il a déboursés est de 26 fr. 2 c. ; c’est ce chiffre qui doit être
admis avec le droit de douane de 2 fr. 53 c., comme formant un droit protecteur
de 28 fr. 55 c.
Si, au lieu de 1/10, il avait été
obligé d’acquitter le droit intégral sur 4/10 des prises en charge, voici ce
qui en serait résulté :
Le raffineur aurait acquitté sa redevabilité sur les 6/10 de ses prises en charge,
moyennant une somme de 24 fr. 80 c., au lieu de 37 fr.
2 c. par 100 kil. ; pour les 4/10 restant, il aurait acquitté intégralement le
droit de 37 fr. 2 c. ; de sorte que la moyenne des droits qu’il aurait
déboursés, au lieu d’être de 26 fr. 2 e., comme dans le cas d’une simple
réserve de 1/10, aurait été de 29 fr. 69 c. (Il aurait payé sur 1,000 kil,, par
exemple, 4 fois le droit de 37 fr. 2 c. et 6 fois celui de 24 fr. 80 c., ce qui
donne une moyenne de 29 fr 69 c.). Ainsi, avec une réserve de 4/10 et au
rendement actuel, la protection qu’aurait obtenue le sucre indigène se serait
élevée de 26 fr. 2 e. à 29 fr. 69 c., non compris les droits de douane.
Appliquons cet exemple au droit de 40
fr. et supposons encore la prime de mévente de 33 p. c.,
bien que cette prime doive s’élever en raison du droit quand le rendement reste
le même.
Le droit de 40 fr. réduit de 33 p. c.
est de 26 fr. 80. Le raffineur acquittera donc 6 fois ce droit, réduit à 26 fr.
80, et 4 fois le droit de 40 francs, c’est-à-dire, un droit moyen de 32 fr. 8
c.
Le droit d’accise dont le
gouvernement propose de frapper le sucre indigène est de 22 francs ; la
protection qui lui serait laissée ne serait donc plus que de 10 fr. 8 c., au
lieu de 26 fr. 2 c., qui est la protection dont il est actuellement en
possession et qui est encore augmentée de 2 fr. 53 pour droits de douane ; le
moyen d’assurer la protection au sucre indigène est donc d’augmenter le rendement.
Et cependant M. le ministre des
finances convient que cette industrie souffre aujourd’hui ; pense-t-il lui
laisser des conditions d’existence en réduisant de 28 à 10 fr. le droit
protecteur dont elle est favorisée ? Ce n’est pas là une proposition sérieuse.
J’ai établi la même comparaison eu
supposant le droit de 50 fr. sur le sucre exotique, et celui de 25 fr. sur le
sucre indigène ; avec la même prime de mévente le raffineur acquittera 4 fois
le droit intégral de 50 fr. et 6 fois le droit réduit à 33 fr.50 ou une moyenne
de 40 fr. 10 c. ; la protection qui serait conservée au sucre indigène ne
serait donc plus que de 15 fr. 10. Eh bien, messieurs, l’effet de l’amendement
de l’honorable M. d’Huart serait à peu près le même.
Un membre. - La proportion de 20 fr. à 45 est
plus favorable que celle de 25 à 50.
M. Mercier, rapporteur. - La proportion importe peu ; c’est le chiffre de la différence des
droits qu’il faut considérer ; je déclare que le résultat de l’amendement sera
le même à peu près que celui que je viens d’indiquer ; il ne restera au sucre
indigène qu’une protection effective de 15 ou 16 fr., au lieu de celle du
minimum de 26 fr. 2 c. dont il est en possession ; cela est de toute évidence.
Il est évident que la proposition de
M. d’Huart donnerait une protection d’environ 45 fr. Et aujourd’hui, le
ministre en convient, l’industrie du sucre indigène n’est pas dans une
situation prospère ; cependant elle jouit d’une protection d’environ 28 fr.
Vous réduisez cette protection à 15 fr. : c’est l’anéantir complètement.
J’engage l’honorable membre à faire attention à ce raisonnement. Je suis
certain qu’il n’est pas dans ses intentions de prononcer l’anéantissement du
sucre indigène. Cet anéantissement résulterait pourtant de sa proposition, car
l’influence des réserves réduirait à 35 fr. le droit nominal de 45 fr.
Aujourd’hui, dans l’application, le droit est encore de 28 fr.
Voilà messieurs, ce que j’avais à dire sur cet amendement.
Plusieurs membres. -
La clôture ! la clôture !
M. Dumortier. - Je demande la parole contre la clôture.
Messieurs, je sais que la chambre est
fatiguée ; je voudrais dire deux mots pour défendre mon amendement. Depuis
trois jours on le combat, si n’y a pas d’exemple que dans le parlement on ne
permette pas à l’auteur d’un amendement de dire quelques mots pour le défendre.
Si la chambre ne veut pas m’accorder
la parole, je trouverai moyen de placer ce que j’ai à dire, quand on en viendra
à la position de la question. Je n’ai que quelques mots à dire.
M. Cogels. - Si M. Dumortier réclame la parole pour défendre son amendement, je
la réclamerai pour combattre les erreurs dans lesquelles sont tombés M. de
M. Dumortier. - Ce n’est pas pour entrer dans des calculs de chiffres, mais pour
établir que tout ce qui s’est dit jusqu’a présent
prouve qu’il faut sortir du système actuel du rendement. Je veux démontrer que
le système du rendement n’a pas été justifié. Rien n’a été dit pour prouver
qu’il fallait le continuer.
Plusieurs membres. - C’est le fond.
M. Dumortier. - J’ai à peu près dit ce que je voulais dire ; si on veut me laisser
continuer, j’aurai bientôt fini.
Je voulais dire que pour mon compte,
quand il s’agit d’un sacrifice de 6 millions…
M. le président. - Vous n’avez pas la parole sut le fond. La parole est à M. de
M. de La Coste. - Je consentirai à la clôture, si tout le monde
veut l’observer ; mais si M. Cogels veut répondre à mes chiffres, qu’il
qualifie d’erronés, je demanderai la parole pour démontrer que ses réponses
sont des erreurs.
- La clôture est mise aux voix et
prononcée.
M. le président. - Messieurs, les divers amendements et propositions mis en discussion
se rapportent à trois points : le montant du droit sur l’un et l’autre sucre,
la question du rendement, à laquelle se rapporte la proposition de M.
Dumortier, et la question relative à la retenue des dixièmes. Je rappellerai
successivement dans cet ordre les diverses propositions faites.
Quant à la fixation du droit, les
chiffres les plus élevés sont ceux proposés par M. Eloy de Burdinne. Il propose
un droit de 60 francs sur le sucre exotique et un droit de 30 fr. sur le sucre
indigène. Vient ensuite la proposition de la section centrale, qui fixe à 50
francs le droit sur le sucre exotique et à 25 fr. le droit sur le sucre
indigène ; après, vient la proposition de M. d’Huart, de fixer à 45 francs le
droit sur le sucre exotique et à 20 fr. le droit sur le sucre indigène ; enfin
le droit proposé par M. le ministre des finances, auquel s’est rallié M.
Rodenbach, qui est de 40 fr. pour le sucre exotique et 22 fr. pour le sucre
indigène, avec augmentation successive jusqu’à ce qu’il ait atteint le chiffre
de 25 fr.
Quant à la question du rendement, il
y a d’abord la disposition qui s’écarte le plus de la proposition primitive ; c’est
celle de M. Dumortier, qui supprime le rendement. Viendra ensuite la
proposition de la section centrale ; et enfin viendra celle du gouvernement.
Quant à la retenue, il y a de vastes
propositions à cet égard. M. Verhaegen propose une retenue d’un quart ; M. le
ministre propose 4/10 et la section centrale propose 1/10.
M. Mercier, rapporteur. - La section centrale se rallie à la proposition de M. Verhaegen.
M. le président. - Il y a la proposition de M. Delehaye qui réduit la retenue à 2/10.
M. Delehaye. - Je me rallie à la proposition du gouvernement, qui propose 4/10.
M. le président. - Désire-t-on commencer par la question du droit ?
M. Rogier. - On ne peut pas diviser.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Il me paraît que si on divise la
question, nous aurons encore pour longtemps à discuter. Pour simplifier les
débats et accélérer le résultat, je crois qu’il convient de voter par
propositions dans leur ensemble ; ce sont des systèmes différents. Ainsi
l’honorable M. d’Huart propose 45 fr. de droit pour le sucre exotique et 20 fr.
sur le sucre indigène. Le gouvernement propose 40 fr. sur le sucre exotique et
22 fr. sur le sucre indigène, mais avec le maintien du rendement actuel, et
avec la réserve des 4/10 de retenue. La section centrale propose 50 fr. sur le
sucre exotique et 25 fr. sur le sucre indigène, mais avec un rendement de 68
sur les mélis et les candis, et de 71 sur les lumps. Ce sont donc là des
systèmes complets.
Reste la proposition de M.
Dumortier, qui forme aussi un système distinct et également complet.
Il n’y a que la proposition de M.
Eloy de Burdinne qui porte le droit à 60 fr. sur le sucre exotique et à 30 sur
le sucre indigène, qui ne se prononce pas sur le rendement.
M. Verhaegen. - Vous vous rappellerez que dans une séance précédente j’ai eu
l’honneur de vous faire une proposition sur le mode de voter, et il serait bien
difficile d’obtenir un résultat si vous ne l’adoptez pas. J’ai cru un instant
qu’elle avait été accueillie quand je l’ai faite. Ce que propose M. le ministre
des finances ne peut avoir lieu : il veut que vous votiez sur des questions
complexes, la chose est impossible.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Ce sont des systèmes.
M. Verhaegen. - Ce sont des questions complexes, je vais vous le démontrer. Chaque
système, tel que vient de vous les présenter M. le ministre, comprend une
question complexe. J’ai proposé qu’on votât de cette manière ; qu’on examinât
chacune des questions simples dont se composent les questions complexes, et
qu’ensuite on votât sur la question complexe ; de cette manière tout le monde
sera à son aise. Je vais vous en donner un exemple.
M. d’Huart propose de porter le droit
à 45 fr. sur le sucre exotique et à 20 fr. sur le sucre indigène ; mais à côté
de cela, il maintient le rendement et la retenue des 4/10. Il pourrait se faire
que la question du rendement se subdivise encore, c’est-à-dire en rendement et
en réserve.
Il y a donc d’abord la
question du droit, ensuite celle du rendement qui se subdivise en rendement et
en réserve. Il est possible qu’on adopte la proposition de M. d’Huart en ce qui
concerne le droit ; mais quand on en viendra à la question du rendement, il
serait possible que plusieurs membres ne l’adoptassent pas sur le rendement
mais sur la réserve.
Dans la proposition de la section
centrale, il s’agira du droit et du rendement proprement dit, et de mon
amendement qui fait aussi une branche du rendement. Nous devons donc voter, en
premier lieu, sur la proposition de la section centrale que j’ai amendée, sur
le rendement proprement dit, sur la réserve et sur le droit. Dans l’ordre des
choses, il convient de commencer par le rendement, et on votera ensuite sur la
question complexe. Je crois que les choses doivent se passer comme cela ; car
sur un système complexe, il serait impossible d’énoncer un avis ; si vous
n’adoptez pas ma proposition, vous n’en sortirez pas.
M. le ministre
des travaux publics (M. Desmaisières) -
Chacun des systèmes proposés repose sur trois questions, à la vérité différentes
mais qui ont entre elles une telle corrélation qu’il est impossible de le
séparer dans le vote. Ces trois questions sont : la quotité du droit, la
retenue au profit du trésor et le rendement. Eh bien, messieurs, si l’on
admettait le mode que propose M. Verhaegen pour le vote, le mode par division,
qu’en résulterait-il ? Qu’on pourrait fort bien en définitive, n’avoir rien
fait du tout ; car lorsqu’on aurait voté chacune des questions séparément, et
qu’on se serait laissé aller, les uns par tel ou tel motif pour adopter tel
chiffre pour le droits, d’autres, tel autre droit, et lorsque de même ou aurait
adopté, par différents motifs, soit 4/10, soit un quart de retenue au profit du
trésor, soit telle ou telle proportion de rendement, il pourrait fort bien se
faire qu’il n’y eût pas ensuite de majorité pour l’adoption en entier du
système bâtard auquel on arriverait de cette manière au lieu qu’en votant sur
l’ensemble de chaque système, on arriverait de suite à un résultat. Je crois
donc qu’à moins de modifier la proposition de M, Verhaegen dans un sens moins
absolu, il est nécessaire, si l’on veut obtenir un résultat quelconque, de
procéder par système complet pour le vote, sauf à voter par division pour
chacun des systèmes proposés.
M. Cools. - Il est probable que, sur le plus grand nombre des propositions, je
partagerai l’opinion du gouvernement, et cependant je suis d’accord avec
l’honorable M. Verhaegen pour demander qu’on divise les questions. Je pourrais
m’appuyer sur le règlement pour demander la division, mais je désire vous faire
comprendre que, si l’on n’adopte pas ce mode, beaucoup de membres seront gênés
et devront s’abstenir.
Toutes les questions sont liées entre
elles jusqu’à un certain point ; toutes cependant doivent être examinées
séparément, si on veut que personne ne soit gêné dans ses votes. La première
est la quotité de l’impôt ; la seconde est celle du rendement. Je voudrais
qu’on posât cette question d’une manière simple : non pas quel sera le
rendement ? mais : élèvera-t-on ou maintiendra-t-on le
rendement ? Vous allez comprendre que sans cela je serais forcé de m’abstenir.
La question n’est plus la même
depuis que la chambre a décidé une protection différente pour les deux sucres.
Depuis lors, on peut craindre, je le conçois, de toucher au rendement.
Cependant je ne partage pas cette crainte. Je pense que la prime que le
rendement actuel assure au sucre exotique est exagérée. Mais faut-il admettre
l’élévation de rendement proposée par la section centrale ? J’aurais dit : Oui,
avec des droits égaux. Je la crois trop forte avec des droits différentiels, et
s’il fallait voter sur le chiffre de la section centrale, je devrais
m’abstenir.
Après avoir décidé la question du
rendement, viendra celle de la retenue, car la retenue ne fait pas double
emploi avec le rendement. Après avoir adopté une élévation de rendement, on
peut encore voter une retenue déterminée. Ce sera une garantie pour la rentrée
de l’impôt, et rien de plus.
En résumé, je demande qu’on vote
séparément sur les trois principes, sans cela je ne saurais pas quel vote je
dois émettre.
M. Mercier, rapporteur. - Je partage l’opinion qu’on doit voter sur chaque objet séparément,
car chacun de nous aura bien l’intelligence de combiner un système de manière à
ne pas réunir des éléments contradictoires. En votant chacun choisira le
système auquel il donnera la préférence. Il est possible qu’on donne la
préférence au droit proposé par M. d’Huart, tout en adoptant le rendement
proposé par la section centrale.
Si l’on ne pouvait examiner
que des questions complexes, personne ne pourrait se composer un système. Je
pense donc qu’il faut voter sur chaque question simple séparément. Je laisse à
la chambre à décider si l’on commencera par mettre aux voix la question du
rendement ; cela m’importe peu, pourvu que l’on vote séparément sur chaque
question.
Du reste, nous n’en sommes plus à
poser des questions comme celle dont on vient de parler : « faut-il élever
le rendement ? » Nous sommes en présence de chiffres déterminés ; ce sont
ces chiffres qu’il faut mettre aux voix.
M. de Brouckere. - Messieurs, la majorité semble être d’avis qu’il faut, autant que
possible, subdiviser la question, ce qu’elle appelle, elle, la simplifier, ce
que j’appelle, moi, la compliquer.
L’honorable M. Verhaegen nous dit que
les questions sont complexes et qu’on ne peut forcer la chambre à voter sur des
questions complexes. Mais, messieurs, chaque amendement est un système, et
diviser les amendements, c’est nous mettre hors d’état de voter avec
connaissance de cause. Car si vous allez diviser la question, vous pourrez, par
exemple, en supposant que l’on commence par le rendement, adopter un rendement
quelconque, mais qui ne sera plus en harmonie avec le chiffre de l’impôt que
nous voudrons adopter ; et après nous être contrariés sur des questions de
détail, nous pourrions fort bien arriver, nous qui voulons tous une loi, à ne
pas avoir de loi.
Mais je vais vous démontrer que vous
ne pouvez faire autrement que de voter sur des questions complexes ; car la
question de l’impôt elle-même est une question complexe ; il y a le chiffre qui
grève l’impôt du sucre de canne et le chiffre qui grève l’impôt du sucre de
betterave. Allez-vous demander la division ?
M. Verhaegen. - Pourquoi pas ?
M. de Brouckere. - Pourquoi pas ? Vous voyez jusqu’où on ira. On va même pour le droit
faire poser deux questions séparées et demander : Quel est l’impôt qui grèvera
le sucre de canne ? quel est l’impôt qui grèvera le
sucre de betterave ? Eh bien, il n’est pas possible de diviser cette question,
car il y a une telle analogie entre les deux impôts, qu’en mettre un aux voix
sans voter en même temps sur l’autre, ce n’est rien mettre aux voix.
L’honorable M. Mercier dit que chacun
de nous aura assez de bon sens pour se former un système. Sans doute, chacun se
formera un système mais il pourrait arriver que la chambre adoptât des
propositions se rapportant à cinq ou six systèmes différents ; et s’il en était
ainsi, nous pourrions finir par n’avoir aucune loi.
D’après ces considérations, je crois
que, pour procéder régulièrement, il faut voter système par système. Que l’on
mette le premier aux voix celui que l’on veut, je n’y ferai pas opposition, que
ce soit celui de la section centrale, celui du gouvernement ou celui de
l’honorable M. Dumortier, peu m’importe, pourvu qu’on ne divise pas les
systèmes.
M. le président. - La parole est à M. de Theux.
M. Dumortier. - Je la demande pour un rappel au règlement.
M. de Theux. - C’est précisément pour un rappel au règlement que je l’ai demandée.
Messieurs, on vous propose de voter
par système. Cette proposition est inadmissible, du moment où un seul membre
s’y oppose, parce que notre règlement dit en termes formels que la division est
de droit. Il suffit qu’elle soit invoquée par un seul membre. Ainsi je suppose
que l’on décide, d’après l’opinion de l’honorable M. de Brouckere, que l’on
mettra d’abord aux voix le système de la section centrale. Eh bien, je
demanderai la division.
M. de Brouckere. - Je l’admets.
M. de Theux. - Il faudra que l’on vote par division. Je dis donc que la division
est de droit, du moment qu’un seul membre la demande.
Quant à l’ordre des délibérations, il
me paraît naturellement tracé par le règlement. Il faut mettre aux voix avant
tout les propositions qui s’éloignent le plus du projet du gouvernement. Or,
quelles sont les propositions qui s’éloignent le plus du projet du gouvernement
? Ce sont évidemment toutes les propositions relatives au rendement. Car le
gouvernement veut maintenir le rendement tel qu’il est fixé par la loi
aujourd’hui en vigueur. L’honorable M. Dumortier ne veut, en aucune manière, du
système de rendement. C’est donc la proposition qui s’écarte le plus du projet
du gouvernement. Il y a ensuite la proposition de la section centrale qui
maintient le système du rendement, mais qui l’élève. C’est la seconde
proposition qui s’écarte le plus du projet ministériel.
Voilà donc les deux propositions
qu’il faudra d’abord mettre aux voix. Si elles sont écartées, il faudra alors
voter sur la hauteur du droit, sur les droits différentiels qui frapperont les
deux sucres, à commencer par la proposition de la section centrale ; viendra
ensuite celle de l’honorable M. d’Huart, et, s’il y a lieu, celle du
gouvernement.
On craint qu’il n’y ait quelque
confusion dans nos votes. Mais c’est véritablement faire injure à
l’intelligence des membres de la chambre. Comment, après quinze jours de
discussion, nous ne comprendrions pas les conséquences du vote que nous allons
émettre sur chaque question ! Mais aucun membre ne peut être embarrassé.
Indépendamment de la
disposition du règlement que j’invoque, je ferai remarquer qu’il est d’autant
plus important de commencer par voter sur le rendement, que la question du
rendement exerce une influence considérable sur celle des droits différentiels
entre les deux sucres, Car, en admettant un rendement plus élevé que celui qui
existe, on pourrait vouloir des droits différentiels moindres entre les deux
sucres ; si, au contraire, on n’admet pas un rendement plus élevé, on voudra
peut-être admettre par compensation un droit différentiel d’autant plus
considérable en faveur du sucre indigène. Vous voyez donc que tous les motifs
se réunissent pour suivre l’ordre que j’ai indiqué et qui est celui proposé par
l’honorable M. Verhaegen.
M. Dubus (aîné). -Je viens appuyer les observations de l’honorable préopinant, et d’autant
plus qu’il me paraît que la majorité de la chambre ne peut pas se former
autrement. En effet, il pourrait arriver, par exemple, que la majorité voulût
de l’amendement de la section centrale, quant au chiffre de l’impôt, avec le
rendement proposé par M. le ministre, ou qu’elle voulût de l’amendement de
l’honorable M. d’Huart, quant au chiffre de l’impôt, avec le rendement de la
section centrale. Si telle était la volonté de la majorité, elle ne pourrait
pas se prononcer du moment où vous mettriez aux voix des systèmes complexes. Il
y a donc nécessité, pour connaître ce que veut la majorité, de procéder par
division.
D’ailleurs, ainsi qu’on vous l’a dit
avec beaucoup de raison, la réclamation d’un seul membre de la chambre suffit
pour qu’il y ait nécessité de diviser. Je dirai même, messieurs, que la
constitution semble l’exiger au cas actuel. Car les dispositions sur lesquels
nous allons voter, et qui sont exprimées dans des chiffres, forment des
articles différents du projet, et la constitution veut qu’une loi soit votée
article par article.
M. Eloy de
Burdinne. - Plusieurs d’entre vous paraissent
craindre que la division que l’on réclame ne fasse perdre du temps ; je vais
vous donner un moyen d’abréger en retirant mon amendement. Mais je vous déclare
que le seul motif qui m’y détermine, ce sont les craintes exprimées par
d’honorables membres que, s’il était adopté, il ne donnât des facultés à la
fraude, ne permît les infiltrations de
M. Dumortier. - Les honorables préopinants ont déjà présenté les considérations que je
voulais faire valoir. Je me bornerai à rappeler que l’art. 25 de notre
règlement porte : « Dans les questions complexes la division est de droit
quand elle est demandée. » II doit donc être fait droit à la demande de
l’honorable M. Verhaegen.
M. de Brouckere. - Je me bornerai à dire deux mots pour vous faire comprendre que je
n’ai pas voulu engager la chambre à contrevenir au règlement. J’admets que la
division est de droit, et je n’empêche personne de la demander. Mais, dans ma
pensée, il fallait mettre un système aux voix, sauf à voter par division sur ce
système.
M. Rogier. - Messieurs, je suis convaincu que, quoique nous votions aujourd’hui,
c’est du provisoire que nous allons faire. Mais il faut bien s’entendre.
L’honorable M. de Brouckere ne
s’oppose pas à la division ; mais il demande qu’elle s’établisse sur chaque
système. Chaque système en présence est susceptible d’une division, parce qu’il
comprend trois questions. Si vous ne votez pas d’abord sur un seul système, il
n’y aura plus trois questions, mais neuf questions à mettre aux voix. Je crois
donc, avec M. le ministre, qu’il faudrait mettre aux voix chaque système, sauf
à votez par division sur les trois questions qu’il renferme. Du reste, je le
répète, je n’attache pas une grande importance aux votes que nous allons
émettre, parce que je suis convaincu que ce n’est que du provisoire.
M. Verhaegen. - Mais le mode que propose l’honorable membre nous conduirait à
n’obtenir aucun résultat. Je suppose que dans un système on entrevoie quelque
chose de bon, et quelque chose dans un autre système ; pourquoi ne pourrait-on
réunir les deux parties de ces différents systèmes pour en former un nouveau ?
Si vous ne procédez pas ainsi, vous n’aurez pas de loi sur les sucres. Je
persiste, quant à moi, à demander la division.
M. le président. -
M. Verhaegen a demandé que l’on votât d’abord sur les propositions relatives au
rendement, et M. Rogier a demandé que l’on votât sur chaque système, mais par
division. Je vais consulter la chambre sur le mode de poser la question.
M. Rogier. - Je n’ai pas fait de proposition, M. le président ; je me suis borné
à appuyer celle de M. le ministre des finances.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Il me semble, messieurs, que l’on
est d’accord. L’honorable M. de Theux a parfaitement indiqué l’ordre dans
lequel il convient de voter. Il a fait voir que c’est par la proposition de M.
Dumortier qu’il faudrait commencer, parce qu’elle s’éloigne le plus de la
proposition du gouvernement.
M. Dumortier. - Je retire ma proposition.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Il reste alors trois propositions
: celle de la section centrale, celle du gouvernement et celle de M. d’Huart ;
c’est par l’une de ces propositions qu’on peut commencer, sauf à diviser
chacune d’elles.
M. Dumortier. - Je vous avoue, messieurs, que je suis fort embarrassé, quant à ma
proposition : plusieurs de mes honorables collègues m’engagent à retirer ma
proposition ; d’autres m’engagent à la maintenir ; mon but, en faisant cette
proposition, était de faire voir à la chambre et au pays les vices du système
actuel. Je vois aujourd’hui les partisans du sucre exotique avouer que ce sucre
touche une prime du trésor ; je vois, en outre, la plupart des membres de la
chambre disposés à modifier le rendement actuel, je vois que l’on refuse de
consacrer un système qui doit tuer l’industrie du sucre indigène. Dès lors, je
crois pouvoir retirer mon amendement.
M. de Theux. - M. le ministre des finances m’a demandé quel sens j’attachais à ma
proposition ; ce sens, messieurs, est bien clair : la proposition de M.
Dumortier étant retirée, il ne reste plus, quant au rendement, que la
proposition de la section centrale. Eh bien, je demande que cette proposition,
en ce qui touche le rendement, soit mise aux voix la première, parce que c’est
évidemment celle qui s’éloigne le plus de la proposition primitive. Ensuite,
lorsque la chambre se fera prononcée sur la question du rendement elle pourra,
en ce qui concerne le chiffre des droits à établir sur les deux sucres, voter
successivement sur les diverses propositions qui sont relatives à ce chiffre,
en commençant par le droit le plus élevé. (Aux
voix, aux voix.)
M. Dumortier. - Messieurs, voter en premier lieu sur le taux du rendement, c’est
émettre un vote dont on ne connaît pas la portée ; il faut commencer par fixer
le chiffre du droit, et cela est d’autant plus nécessaire, qu’il n’y a qu’une
seule modification proposée au rendement, tandis que quatre propositions sont
faites en ce qui concerne le chiffre des droits (Aux voix, aux voix). D’ailleurs le rendement n’est qu’une
conséquence du droit, il faut donc commencer par fixer le chiffre du droit.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je suis d’autant plus
étonné des objections de l’honorable M. Dumortier, que tous ses efforts ont
tendu à faire donner la priorité à la question du rendement. La proposition a
évidemment imprimé cette direction à la discussion. Je demande maintenant que
l’on reste dans cette direction d’idées et que l’on se prononce d’abord sur le
rendement.
M. Cogels. - Je voulais faire la même observation que M. le ministre de
l’intérieur. Il n’est pas du tout exact que le rendement dépend de la quotité
du droit : la quotité du droit dépend, au contraire, du taux du rendement.
- La chambre décide qu’elle votera
d’abord sur la question du rendement.
La proposition de la section centrale
tendant à fixer le rendement à 68 et à 71, est mise aux voix par appel nominal.
81 membres sont présents.
3 s’abstiennent.
38 adoptent.
40 rejettent.
En conséquence, la proposition n’est
pas adoptée.
Ont voté l’adoption : MM. Brabant, de
Baillet, de Behr, de Florisone, de Garcia, de
Ont volé le rejet : Cogels, Coghen,
David, de Brouckere, Dedecker, de Foere, Delehaye, de Meer de Moorsel, de
Mérode, Demonceau, de Potter, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux,
Devaux, Donny, Dubus (Bernard), Henot, Hye-Hoys, Kervyn, Lebeau, Lejeune,
Liedts, Manilius, Mast de Vries, Nothomb, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rogier,
Scheyven, Smits, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Van Hoobrouck, Van Volxem,
Zoude, Raikem.
MM. Cools, d’Huart et Vandenbossche
se sont abstenus. Ils sont invités à faire connaître les motifs de leur
abstention.
M. Cools. - Je me suis abstenu, messieurs, pour les motifs que j’ai fait
connaître dans la discussion sur la position de la question.
M. d’Huart. - J’ai proposé un amendement d’après lequel le rendement actuel ne
doit pas être modifié ; cependant je préfère le système de la section centrale
à celui de M. le ministre des finances. Dans cette position, je devais
nécessairement m’abstenir, parce que je ne pouvais pas contribuer au rejet
d’une proposition que je préfère à une autre, laquelle peut encore être admise.
M. Vandenbossche. - Messieurs, je n’ai pas
voté pour le rendement proposé par la section centrale, parce que je le crois
trop élevé ; je n’ai pas voulu voté contre, parce que
je le préférerais encore au rendement proposé par le gouvernement.
M. le président. - La chambre veut-elle passer maintenant à la question du droit ? (Oui, oui.) Vous avez d’abord la
proposition de la section centrale qui propose 50 fr. pour le sucre de canne et
25 fr. pour le sucre de betterave.
Je vais mettre cette proposition aux
voix.
M. Verhaegen demande la division.
M. le président. - La division étant de droit, d’abord aux voix le chiffre de 50
francs.
Des membres. - L’appel nominal !
On procède à l’appel nominal.
81 membres y prennent part.
37 répondent oui.
41 répondent non.
En conséquence la première
disposition du projet de la section centrale n’est pas adoptée.
Ont répondu oui : MM. Brabant,
Coghen, de Baillet, de Behr, de Garcia, de
Ont
répondu non : MM. Cogels, Cools, David, de Brouckere, Dedecker, de Florisone,
de Foere, Delehaye, de Meer de Moorsel, de Mérode, Demonceau, de Potter,
Deprey, Desmaisières, Desmet. de Terbecq, de Theux, Devaux, de Villegas, d’Huart,
Donny, Dubus (Bernard), Henot, Hye-Hoys, Kervyn, Lebeau, Lejeune, Liedts,
Manilius, Mast de Vries, Nothomb, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Scheyven,
Smits, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vanhoobrouck, Van Volxem, Zoude et Raikem.
M. de La Coste. - Par suite du vote que la chambre vient d’émettre, il n’y a pas lieu
de mettre aux voix le second chiffre de 25 fr. ; le système de la section
centrale n’existe plus maintenant. (C’est
juste !)
M. le président. - S’il n’y a pas d’opposition, je vais mettre aux voix l’amendement de
M. d’Huart qui propose 45 fr. pour le sucre de canne et 20 fr. pour le sucre de
betterave.
Des membres. - L’appel nominal !
Il est procédé à l’appel nominal.
81 membres y prennent part.
45 répondent oui.
36 répondent non.
En conséquence, l’amendement est
adopté.
Ont répondu oui : MM Brabant, Coghen,
de Baillet, de Behr, de Florisone, de Garcia de
Ont répondu non : MM. Cogels, Cools,
David, de Brouckere, Dedecker, de Foere, Delehaye, de Meer de Moorsel, de
Mérode, de Potter, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, Devaux, de Villegas,
Donny, Henot, Hye-Hoys, Kervyn, Lebeau, Lejeune, Liedts, Manilius, Mast de
Vries, Nothomb, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Smits, Thienpont,
Troye, Van Cutsem, Van Hoobrouck et Van Volxem.
M. le président. - Il y a maintenant à statuer sur la retenue de 4 dixièmes. M.
Verhaegen a proposé 2 et demi dixièmes.
M. Verhaegen. - Je retire ma proposition.
- La retenue de 4/10 est mise aux
voix et adoptée.
L’ensemble des résolutions prises sur
le rendement le droit et la retenue est également adopté.
PROJET
DE LOI RELATIF À L’ETABLISSEMENT DE BATEAUX PILOTES DANS L’ESCAUT
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) -
Messieurs, lors de la discussion de mon budget, j’ai eu l’honneur de prévenir
la chambre, qu’un crédit serait nécessaire pour l’établissement de 4 bateaux
pilotes aux bouches de l’Escaut. Le Roi m’a chargé de vous présenter un projet
de loi pour cet objet.
Plusieurs membres. - L’impression !
- Il est donné acte à M. le ministre
de la présentation du projet qu’il a déposé sur le bureau. La chambre en
ordonne l’impression, la distribution et le renvoi à la section centrale qui a
examiné le budget de la marine.
La séance est levée à 4 heures 3/4
quarts.