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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 5
avril 1843
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2)
Rapports sur des pétitions relatives aux droits d’entrée sur plusieurs céréales
(Zoude, Rodenbach, Osy, Dumortier, Osy,
Nothomb, Eloy de Burdinne, Zoude, Osy), aux droits d’entrée sur les
draps de laine et/ou union douanière avec la France (Zoude,
Lys, Osy, Dumortier,
de Mérode, Demonceau, Delehaye, Dubus (aîné), Delehaye, Nothomb, de Foere, Savart-Martel)
2)
Rapports sur des demandes en naturalisation
3)
Projet de loi tendant à accorder au département de la guerre un
crédit pour l’apurement de créances arriérées
4)
Projet de loi ouvrant un crédit supplémentaire au budget du département des
finances pour l’exercice 1843, visant à assurer la bonne exécution de la loi
sur les sucres
5)
Projet de loi ouvrant un crédit supplémentaire au budget du département de la
marine pour 1843, pour la construction de bateaux pilotes dans l’Escaut (Hye-Hoys, Osy, de
Briey)
6)
Projet de loi portant un crédit destiné à solder les dépenses d’exploitation de
la British-Queen (Lys, de Briey, Osy, Lys,
Rogier, Nothomb, Osy,
Pirmez, de Mérode, Rogier, Nothomb)
(Moniteur
belge n°96, du 6 avril 1843)
(Présidence de M.
Dubus (aîné))
M. de Renesse fait l’appel nominal à 1 heure.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est
approuvée.
M. de Renesse analyse les pétitions suivantes :
PIECES ADRESSEES A
« Plusieurs
cabaretiers et cafetiers de la ville de Tournay demandent que les mesures
métriques en étain coulées une fois vérifiées et poinçonnées, ne soient plus
assujetties à un repoinçonnage annuel. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
_________________________
« Le sieur Caprés,
sous-brigadier des douanes à Heyst, né à Ditzum (Prusse), demande la naturalisation. »
- Renvoi au ministre de la justice.
_________________________
« Le sieur Vincent, ancien musicien gagiste, né à
Fresnes (France), demande la naturalisation. »
- Renvoi au ministre de la justice.
_________________________
M. Mercier informe la chambre qu’une indisposition l’empêche d’assister à la séance.
- Pris pour notification.
M. Zoude, rapporteur. - Vous avez renvoyé à la section centrale, comme commission spéciale, la
pétition de plusieurs actionnaires de la société anonyme des moulins à vapeur
de Bruxelles. J’ai l’honneur de vous présenter son rapport :
Pour bien apprécier l’importance de cette pétition,
il suffira à votre commission de rappeler les motifs que M. le ministre a fait
valoir à l’appui de son projet sur les droits qu’il a proposés à l’entrée de
l’orge et du riz.
« Ces dispositions, dit-il, favorables au trésor,
ont encore pour but de favoriser, dans le pays, l’exploitation d’une nouvelle
industrie, le perlage de l’orge ainsi que l’écossage et le glaçage du riz. »
Quant à l’orge, l’avantage en est tel que
Pour le riz, c’est chose autrement importante, parce
qu’en favorisant son arrivage dans un état brut, il fournira à notre marine un
grand article d’encombrement qui deviendra important pour notre commerce
transatlantique ; car pour obtenir les 4 millions de riz écossé que notre pays
consomme, il faut une importation de 7 millions de riz brut, que nos navires
iront chercher à la source, au lieu d’être les tributaires de nos voisins,
auxquels nous payons le fret et le prix d’une main-d’œuvre assez considérable.
C’est dans l’attente de faire jouir le pays de ces
divers avantages, que les pétitionnaires ont fait construire, à grands frais,
un établissement qu’il leur importe de voir bientôt en activité.
Votre commission appuie la
demande des pétitionnaires et aurait vivement sollicité la prompte discussion
de la loi sur les droits d’entrée, si la chambre n’eût été à la veille de clore
ses travaux. Mais le gouvernement a toute latitude pour faire jouir les
pétitionnaires de l’objet de leur demande, la loi de 1822 lui en accorde la
faculté pendant l’absence des chambres.
Votre commission a l’honneur de vous proposer le
renvoi de cette pétition à M. le ministre de l’intérieur.
M. Rodenbach. -
Messieurs, j’appuierai les conclusions que vient de proposer le rapporteur,
d’autant plus que c’est une industrie nouvelle qui est digne d’être protégée
par le gouvernement. Elle existe en Hollande, en Angleterre et en France. Cela
doit augmenter le travail de nos ouvriers. J’appuie également la demande de M.
le rapporteur, qu’en vertu de la loi de 1822, le gouvernement prenne des
mesures de protection pour le travail national. Je pense qu’en attendant la
discussion de la loi sur les droits d’entrée, le gouvernement peut, en vertu de
cette loi de 1822, augmenter les droits d’entrée sur une foule d’articles. Il
faut assurer à notre industrie le marché intérieur. L’espoir de conclure des
traités avec les puissances étrangères, s’éloignant de plus en plus, il est
urgent de prendre des mesures dans l’intérêt de notre industrie.
M. Osy. - J’appuie également le renvoi proposé ; mais je demanderai s’il ne
serait pas temps de présenter un projet de loi définitif sur les céréales. Nous
sommes toujours dans le provisoire. Je prie M. le ministre de nous dire s’il a
l’intention de nous présenter à la prochaine session un projet de loi
définitif.
M. Dumortier. - L’honorable préopinant est dans l’erreur quand il dit qu’il n’y a pas
de loi sur les céréales. Nous en avons une qui a été votée après de longues
discussions, et qui continue à être en vigueur. Chaque mois, elle reçoit son
exécution dans la publication des tarifs qui sont la conséquence du tarif
général adopté par le parlement.
Je ne pense pas qu’il faille
détruire cette loi pour favoriser le commerce, car je ne veux pas favoriser le
commerce aux dépens de l’agriculture. Je regarderais une loi nouvelle
détruisant les avantages dont jouit l’agriculture sur l’importation des grains
étrangers, avantages qui ne sont pas considérables, car le peuple n’en souffre
pas ; je regarderais, dis-je, une loi semblable comme un malheur pour le pays.
Nous avons combattu en 1834 et 1835 le système qu’on voudrait reproduire
aujourd’hui, et la loi que nous avons adoptée a reçu l’assentiment général à
l’exception, peut-être, de quelques négociants d’Anvers. Nous devons nous en
tenir là. Une autre loi a été présentée par le ministère précédent. Jusqu’à
présent elle est restée dans les cartons, si quelqu’un veut en demander la
discussion, je ne m’y oppose pas.
M. Osy. - Je sais que nous avons une loi sur les céréales. Le ministère précédent
a présenté un nouveau projet. Je demande si le ministère actuel maintient ce
projet. Dans le système actuel le droit d’entrée sur le seigle n’est pas en
rapport avec le droit sur le froment : On avait réduit le droit sur le seigle
aussi longtemps que le froment serait libre à l’entrée ; mars, huit jours après
l’entrée du froment n’était plus libre et le seigle payait le droit en
proportion de celui du froment. Je demande si le ministère se propose de
maintenir le système actuel ou de demander la discussion du projet présenté par
le cabinet précédent.
M. le ministre de l’intérieur
(M. Nothomb) - L’opinion du gouvernement ne peut
être douteuse, pour l’honorable préopinant, puisqu’il vient de rappeler ce que
j’ai dit dans la discussion du mois de décembre dernier ; à propos de quelques
mesures transitoires je reconnus qu’il y avait lieu de soumettre à une révision
quelques dispositions de la loi de 1834. La chambre est saisie d’un projet de
loi qui lui a été présenté par mon honorable prédécesseur. M. Liedts. Ce projet
existe, il n’a pas été retiré ; je regrette que les travaux de la chambre n’en
aient pas permis l’examen en sections, Je ne me prononce pas sur les détails du
projet ; je me borne à des considérations générales ; je dis qu’il y a lieu de
faire quelques changements à la loi de 1834, je ne puis pas aller plus loin. Je
n’en ai pas dit davantage en décembre dernier.
M. Eloy de Burdinne. - Je crois qu’il y a quelque chose à faire mais je ne pense pas que la
révision qu’on pourrait faire de la loi de 1834 soit de nature à satisfaire
l’honorable préopinant. Car cette loi est la moins favorable à l’agriculture.
Voulez-vous une loi dont on ait pu apprécier les résultats ? Adoptez la loi
française, voilà une loi qui nous convient comme à
M. Zoude. - Vous avez renvoyé à la même commission la pétition des fabricants,
filateurs et imprimeurs de tissus de laines réclamant une protection pour leur
industrie.
M. Osy. - L’honorable M. Eloy de Burdinne me parle comme si je ne représentais
ici que les intérêts d’Anvers et du commerce. Je suis député de
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
__________________________
M. Zoude, rapporteur. - Après quelques observations sur les illusions du système commercial
dont nous nous sommes bercés quelque temps, les pétitionnaires, filateurs et
fabricants de tissus de laine appellent la sollicitude de la chambre sur la
nécessité de défendre nos marchés contre son envahissement par les produits
étrangers,
Déjà, sur une pétition de même nature de la part du
commerce de Verviers, la commission d’industrie, par l’organe de M. Desmet,
avait fait un rapport sur l’importance de ces fabrications, la nécessité de les
protéger et les moyens protecteurs à employer.
De son côté, M. le ministre de l’intérieur, dans les
audiences qu’il a accordées à ces industriels, n’a pas hésité à reconnaître
avec eux que le seul remède à apporter à leurs souffrances était la majoration
des droits à l’entrée.
Pouvait-il en être autrement en présence des tarifs
des pays voisins ?
En Angleterre, malgré le système moins restrictif
adopté naguère, le droit est de 15 à 20 p. c. à la valeur, auquel,
croyons-nous, s’ajoutent encore le droit différentiel et celui de liquidation
en douane.
Dans les Etats de
En France, non seulement les fils et tissus de laine
sont généralement prohibés, mais une prime est accordée à l’exportation, et
cette prime équivaut au droit d’entrée en Belgique, droit qui n’est que de 5 à
7 p.c. !
Cependant en élevant notre tarif à l’égal de celui
de nos voisins, c’est l’agriculture que nous protégeons, puisque la toison de
nos moutons fournit la majeure partie de la matière première de cette
industrie.
C’est le travail national que nous protégeons,
tandis que, dans le système actuel, c’est la main-d’œuvre étrangère que nous
salarions, et ce salaire s’applique à une fabrication d’objets dont
l’importation, suivant les relevés officiels, s’élève de 14 à 16 millions de
francs, valeur déclarée à la douane, et qui n’est réelle que du côté de la
France, car elle sert de régulateur à la prime, mais qui doit être élevé d’un
tiers sur toutes les autres provenances.
C’est dans un tel état de choses qu’un homme d’Etat
dit à la tribune de France que nous étouffons,
parce qu’il y a inégalité entre nos productions et nos consommations.
En 1830, on avait déjà dit à cette même tribune que
nous étouffions et que nous devions périr sous le poids de nos produits. Ces
paroles ont été répétées alors dans cette enceinte, comme un avertissement sur
ce que nous avions à faire pour échapper au péril qui nous menaçait ; mais ces
paroles n’eurent pas d’écho, parce que les questions politiques absorbaient
sans doute alors toute notre attention.
Cependant, ce qu’a dit M. Guizot est vrai nous
étouffons, mais c’est sous la masse des produits étrangers qui nous oppresse.
Donnons-nous de l’air, imitons nos voisins, déblayons notre marché et tout ce
qui l’obstrue, assurons-le à nos producteurs ; il suffira à plusieurs branches
d’industrie, d’abord à celle qui nous occupe ; il suffira encore à l’importante
manufacture cotonnière et à quelques autres, qui n’échappent pas à la sagacité
du gouvernement.
Que nous est-il arrivé avec notre système libéral ?
C’est qu’après avoir fait des sacrifices réels, nous avons reçu en échange des
promesses qu’on n’a pas réalisées, qu’on ne réalisera pas.
Il est arrivé que nous ne pouvons plus faire des
traités de commerce, parce qu’il faudrait des compensations aux concessions que
nous aurions à demander ; or, nous n’avons plus rien à concéder, et des
sacrifices gratuits, les nations n’en font pas ; à nous seuls il était réservé
d’en faire ; notre ignorance et notre bonne foi sont notre excuse.
Cependant, messieurs, la sécurité de l’Etat exige
que nous nous occupions de la classe ouvrière ; celle qui est sans travail est
déjà nombreuse, elle s’accroît tous les jours, à mesure que nos établissements
industriels déclinent, et nos chemins de fer bientôt terminés, le nombre en
augmentera de la manière la plus inquiétante pour le pays.
Nous adjurons le gouvernement de
prévenir les maux dont l’avenir nous menace, mais la session étant près de
finir, on ne peut plus y parer par des lois ; toutefois, il lui reste la voie
des ordonnances royales dont il a déjà fait un heureux essai : nous sommes dans
la confiance qu’il en usera encore et qu’il portera sa sollicitude vers les
industries les plus souffrantes. Nous lui signalons, en premier lieu, celle qui
nous occupe, les fontes de fer et les glaces du bel établissement d’Oignies et
autres dont les besoins sont pressants. Une élévation du tarif est notre seule
planche de salut. Votre commission a l’honneur de vous proposer le renvoi de
cette pétition à MM. les ministres de l’intérieur et des finances.
M. Lys. - Je viens appuyer les conclusions de l’honorable rapporteur. Je viens
renouveler mes plaintes, et j’y suis autorisé par le silence que garde le
gouvernement.
Les ressources lui manquent, il est à la recherche
de la matière imposable, et depuis trois ans nous lui indiquons l’augmentation
de l’impôt sur les fils et tissus de laine étrangers, qui pourrait lui produire
annuellement en plus 4 à 5 cent mille francs.
Nous avons fait un bien triste essai, messieurs, en
adoptant un régime libéral de douanes, malgré les tarifs prohibitifs des Etats
qui nous environnent. Il en est résulté que nous avons été exploités par
l’industrie étrangère.
Au lieu d’assurer une protection suffisante à
l’industrie nationale le gouvernement s’est mis à la recherche de traités de
commerce, mais nous n’avons rien obtenu, et la raison en est simple : un traité
de commerce est un échange de concessions, et nous n’avons plus à en faire.
L’étranger a lieu d’être pleinement satisfait de sa position.
Vous en avez eu une preuve complète ; lorsqu’il
s’est agi de l’industrie linière, nous avons dû prendre sur nos impôts
intérieurs les concessions à faire à la France en échange.
Voilà le résultat de la grande faute qui a été
commise en 1838. Nous avons alors fait des concessions gratuites. Nous avons
été généreux, espérant réciprocité. Nous avons poussé la générosité jusqu’à
l’absurdité ; et en effet, messieurs, la France maintenait la prohibition sur
nos draps et tissus de laine, et nous avions la bonhomie, pour ne pas dire la sottise,
de laisser entrer chez nous les produits similaires, moyennant un simple droit.
La France maintient cette prohibition depuis cinq
ans, et nous sommes assez dupes de laisser les choses dans le même état.
La liberté de commerce est une chose fort belle et
fort désirable, mais un petit Etat comme
Le gouvernement ouvrira-t-il enfin les yeux sur la
situation de notre industrie ?
Les paroles prononcées à la chambre des pairs de
France par le ministre des affaires étrangères sont-elles assez claires, assez
précises ?
Le gouvernement français, dit le ministre, n’a pas
cherché l’union douanière avec
J’admets volontiers, messieurs, et j’en sais gré au
gouvernement belge, que ce soit
Mais M. le ministre de France se trompe étrangement
sur les causes de la situation de l’industrie en Belgique. Elle a de la peine à
vivre, dit ce ministre, parce qu’elle étouffe dans son intérieur, entre
l’inégalité de sa production et de sa consommation.
M. le ministre de France se trompe !
La cause de la gêne réside en ce que
Dans cette situation le marché belge est inondé de
fabricats étrangers.
Mais que le gouvernement belge prenne exemple sur
celui de France, qu’il traite une bonne fois l’étranger comme celui-ci le
traite, qu’il admette un système de réciprocité, qu’il prohibe celui qui le
prohibe, qu’il élève son tarif de douane à la hauteur de celui de ses voisins,
qu’il prenne comme eux les mêmes précautions contre la fraude, et il pourra
dire comme le ministre de France :
Appeler les plus grands industries de
Si
A son commerce de vin et de soierie se seraient
associés les fabricants de fils et tissus de laine, les ouvrages de cuir, de
bois, de cuivre et de bronze, les instruments de musique, la coutellerie, la
mercerie, la quincaillerie, la carrosserie, les tapis, les meubles,
l’orfèvrerie et les ouvrages d’or et d’argent, les glaces, les papiers de
tenture, etc. ; tous ces objets ne sont soumis aujourd’hui, à leur entrée en
Belgique, qu’à des droits minimes et équivalant, pour la plupart, à un taux
réel de 4 à 5 p. c.
Ce ne serait plus
Pour le prouver, messieurs, je vous ai déjà parié à
plusieurs reprises de l’une des principales industries de
Ainsi, messieurs, c’est par notre faute, c’est par
la faute du gouvernement que cette industrie est en souffrance.
Son projet de loi sur les droits d’entrée n’apporte
aucun remède, il ne concerne que les fers et les tabacs.
Comment se fait-il donc que le gouvernement n’ait
aucun égard aux réclamations qui lui sont adressées depuis si longtemps et que
nous lui avons si souvent rappelées.
Espérons, messieurs, que le ministère de France lui
aura fait ouvrir les yeux et que le tarif, à cet égard, sera rectifié d’après
nos vœux et même dans l’intérêt du trésor.
Pourquoi clore la session, quand il y a tant de
choses utiles et même nécessaires à faire ?
Serait-ce à cause des prochaines élections, mais les
élus de la nation n’ont nul besoin chez eux avant le mois de juin. C’est aux
électeurs à juger si leur mandat a été convenablement rempli.
Il y a urgence, messieurs, le marché intérieur est
notre principale ressource. Admettons le principe de la réciprocité, réprimons
la fraude, et
Vous pourrez alors conclure des traités, vous
pourrez parvenir à l’union douanière. La France verra que cette union est dans
son intérêt tout autant que dans le nôtre.
Et si, contre toute attente, la session est close
sans que la législature ait porté remède à notre tarif, il restera au
gouvernement d’user du pouvoir lui délégué par l’art. 9 de la loi générale.
Il a promis au sénat d’en user
pour l’industrie métallurgique ; il en usera aussi, je l’espère, pour
l’industrie drapière. Le temps presse, messieurs, des mesures ne peuvent plus
être ajournées ; il y va de l’existence de nombreuses populations ouvrières que
les fabricants ne peuvent nourrir qu’autant que les produits manufacturiers ne
restent pas invendus. Le défaut de travail réduit au désespoir, et, vous le
savez, la faim est une bien mauvaise conseillère. Prenez garde, MM. les
ministres, qu’on ne vous reproche un jour de vous être laissé couvrir de
décorations et d’avoir laisse accablé le peuple de misère.
M. Osy. - Messieurs, comme moi, vous aurez vu avec déplaisir les paroles
prononcées à la chambre des pairs de France par M. le ministre des affaires
étrangetés. Voici ce qu’il disait à propos de
« Et, à cette occasion, je dirai un mot de la
question de l’union douanière franco-belge. On nous a représentés comme ayant
élevé nous-même cette question, comme l’ayant cherchée, comme n’ayant prévu
aucune de ses difficultés intérieures et extérieures, et puis, sur l’apparition
inattendue de ses difficultés, comme ayant abandonné le projet dans lequel nous
nous étions imprudemment engagés.
« Rien de semblable. Le gouvernement français
n’a pas cherché l’union douanière avec
« L’honorable duc d’Harcourt s’étonnait tout à
l’heure à cette tribune de nos égards pour ce qu’il appelle des intérêts privés
dans une pareille question.
« Messieurs, les plus grandes industries de la
France, des intérêts privés ! le travail national, la
sécurité, l’activité du travail national, un intérêt privé ! Mais il n’est pas
un intérêt public plus grand que ceux-là, plus sacré, et c’est le premier
devoir du gouvernement de les ménager. Et lors même qu’il serait contraint un
jour de leur demander des concessions, ce serait avec une extrême réserve et
les transitions les plus douces.
« Non, non, nous n’avons pas agi légèrement, nous ne
nous sommes pas imprudemment engagés dans cette question ; nous ne l’avons pas
été chercher, nous n’irons jamais la chercher ; elle se produit d’elle-même à
nos portes, elle nous presse, elle nous assiège malgré nous.
« Et savez-vous pourquoi ? Parce que, dans sa situation
actuelle,
Messieurs, d’après les paroles
prononcées par M. Guizot, il faut croire qu’on induit en erreur ou la chambre
belge ou la chambre française. Pendant la dernière session, comme pendant
celle-ci, à toutes nos interpellations, on a toujours répondu : Nous sommes en
négociation avec la France, ne prenons aucune mesure qui pourrait l’indisposer
; attendons. Aujourd’hui, il est clair que nous ne pouvons pas espérer d’union
douanière. La France n’en veut pas et nous nous jetons aux genoux de
M. Dumortier. - Je n’ai jamais beaucoup compté sur l’union douanière avec
Vous le voyez donc bien, messieurs, si, en 1838,
nous avions conservé les mesures qui étaient alors en vigueur contre la fraude,
nous aurions été dans une position superbe pour demander des concessions justes
et légitimes, en échange des modifications que l’on demandait à notre tarif dans
son intérêt. Cela est tellement vrai, que relativement aux objets dont il est
question maintenant, relativement aux tissus de laine, nous avons, mon
honorable ami M. Demonceau et moi, soutenu qu’il fallait des droits plus élevés
sur l’introduction des tissus de laine ; on en a parlé bien des fois dans cette
enceinte, et il est très fâcheux que cette question n’ait pas reçu une solution
favorable ; je vous citerai particulièrement les tapis de Tournay ; il est un
fait certain, c’est que les tapis français payent à l’entrée en Belgique un
droit moins élevé que ne l’est la prime de sortie des tapis en France ; de
manière que le fabricant de tapis français vient vendre ses produits en
Belgique à meilleur marché que sur le marche français ; notre industrie, loin
d’être protégée, est lésée par notre tarification, Dans un pareil état de
choses, il est nécessaire de venir au secours de l’industrie ; ce que je viens
de dire s’applique à la plupart des autres tissus de laine. L’industrie des
tissus de laine devrait avoir en Belgique un immense avenir, et pourquoi ?
parce que dans notre climat froid et humide, les étoffes de laine sont le
porter habituel de toute la population, la consommation que nous faisons des
étoffes de coton n’est pas comparable à ce qui se consomme dans le midi de la
France ; mais nous consommons en revanche beaucoup plus d’étoffe de laine que
les autres parties méridionales de l’Europe ; et ce sont ces étoffes qui
subissent de la manière la plus vive la concurrence des produits étrangers sur notre
marché ; c’est là un non-sens, puisque cette industrie pourrait prendre sans
cela une grande activité ; il faut qu’elle soit même bien vivace et assise sur
des bases bien solides pour avoir pu lutter dans des circonstances aussi
défavorables.
Il est donc indispensable de revenir à la
proposition que nous avions faite en 1838, proposition qu’on a combattue et
qu’il faut admettre aujourd’hui ; je désire que la pétition qui est déposée sur
le bureau obtienne l’appui de cette assemblée, et que l’on comprendre que le
jour est venu d’assurer à notre industrie la consommation du marché intérieur ;
car si nous continuons à recevoir des masses de produits manufacturés étrangers, et à ne livrer que des produits bruts, nous détruisons
le travail de nos ouvriers, et nous arrivons avec toutes ces belles théories de
liberté du commerce, à ruiner le pays ; car jeter les yeux sur la balance
commerciale, et vous verrez qu’elle est en notre défaveur. D’où vient que le
numéraire est aussi rare en Belgique ; cela tient à la balance commerciale ; et
à la dette que nous devons payer à
M. de Mérode. - Messieurs, on a parlé du discours prononce par M. Guizot à la chambre
des députés ; il a peint
On a, en outre, parlé de l’union douanière avec
On a établi en Allemagne l’union douanière ;
j’applaudis beaucoup à cette combinaison, puisqu’elle fait cesser pour ce grand
pays les luttes intérieures, Mais si l’Allemagne a pu fonder l’union douanière,
pourquoi les nations qui parlent la langue française, qui ont les mêmes
institutions politiques ne pourraient-elles pas s’entendre et ajouter une autre
diminution des douanes qui divisent l’Europe. Je souhaite infiniment qu’un
pareil résultat soit obtenu.
Si nous y parvenions, nos finances reprendraient une
situation excellente, nous aurions un revenu très considérable du sucre, du
tabac, du café, et nous pourrions subvenir à toutes les dépenses que l’on
réclame du trésor. Vous savez combien vous avez de travaux à faire encore dans
l’intérêt des diverses provinces, et nous sommes sans cesse arrêtés par
l’insuffisance de nos recettes, parce que nous ne tirons que peu ou rien des
objets qui sont susceptibles de fournir des ressources au trésor avec l’union
douanière, il nous serait facile de recevoir notre part dans la masse des
recettes de l’association, et nous serions ainsi à même de satisfaire à tous
nos besoins.
M. Mast de Vries. - Nous aurions aussi les pantalons garances.
M. de Mérode. - J’entends dire que ce serait une réunion politique ; cependant, messieurs,
J’ai tout lieu de croire que ceux
qui ne veulent pas en France de cette mesure, la représentent exprès comme
devant amener une réunion politique. C’est une tactique de leur part pour
l’empêcher ; ce sont des intérêts privés qui mettent en avant l’opinion que la
France doit vouloir la fusion douanière pour arriver à l’union complète. Un pareil
langage est en effet de nature à rendre l’Europe attentive à exciter son
opposition, mais ceux qui désirent véritablement la suppression des barrières,
qui gênent tant les relations commerciales de
J’ai indiqué sommairement les motifs pour lesquels
je ne crois pas aux conséquences qu’on prétend devoir découler d’une simple
alliance industrielle. Je me contenterai de ces observations.
M. Demonceau. - L’honorable comte de Mérode a porté la question sur un autre terrain ;
il ne s’agit pas aujourd’hui de savoir s’il convient de contracter une union
douanière avec
M. de Mérode. - Je demande à ajouter deux mots : J’ai oublié de dire qu’en attendant
une union douanière, je suis d’avis qu’il faut aux produits du pays le marché
intérieur. J’ai commencé à parler dans ce sens, et si je ne l’ai pas répété,
c’est que j’avais déjà exprimé cette idée si souvent que je croyais inutile de
le faire encore.
M. Demonceau. - Il m’avait bien semblé que l’honorable comte de Mérode avait oublié de
nous dire ses conclusions. Nous voilà à peu près d’accord. Mais pour voter dans
la question actuellement en discussion, il me suffira de vous rappeler que la
France prohibe les tissus de laines similaires aux nôtres. Eh bien ! Jetez les
yeux sur le tableau des importations et des exportations, vous verrez que la
France qui prohibe tous les tissus belges, inonde
En 1838, j’avais fait la proposition de frapper d’un
droit uniforme tous les tissus étrangers, mais à cette époque la question
n’était pas comprise comme elle l’est maintenant. Vous savez, messieurs, avec
quelle persistance je réclamais alors le système que l’on désire aujourd’hui,
mais on crut que je demandais trop, et cependant je ne demandais qu’un droit
protecteur, égal à celui qui était admis par l’association douanière allemande,
c’est-à-dire un droit de 10 à p.c. ; on nous accorda ce droit sur une certaine
partie de tissus. Eh bien, j’en appelle maintenant au gouvernement lui-même.
Cette partie des tissus qui a obtenu une protection
raisonnable a résisté à la concurrence étrangère ; mais la partie des tissus
qui n’a obtenu qu’une protection insignifiante n’a pu se soutenir. C’est un
fait qui est aujourd’hui évident, que nous recevons plus de tissus de laine
étrangère que nous n’exportons des nôtres.
Ainsi, si le gouvernement parvenait à nous donner
une loi qui garantirait à nos industriels le marché intérieur, ils pourraient
doubler à peu près leur production. Car nous recevons, année commune, pour 15
millions environ de tissus de laine, et nous n’en exportons pas pour une valeur
supérieure.
L’association des douanes allemande, messieurs, a
parfaitement compris qu’elle ne devait pas aussi légèrement recevoir les
produits étrangers, et c’est ainsi que dernièrement, au lieu de se contenter du
droit de 250 fr. dont étaient frappés les tissus légers qui, chez nous, ne sont
frappés que d’un droit de 180 fr. elle n’a pas balancé à le porter à au-delà de
350 francs. C’est, m’a-t-on assuré, en représailles contre la France qu’elle a
agi ainsi.
En 1838, messieurs, nous avions adopté pour base le
système prussien, parce que ce système était le plus modéré de tous. Eh bien !
aujourd’hui les industriels belges ne demandent au gouvernement qu’un droit de
250 frs., aussi bien sur les tissus légers que sur les
tissus pesants. Je crois, quant à moi, que cette protection ne serait même plus
suffisante, parce que les droits étant établis au poids, les tissus légers
rapporteraient un droit moins élevé que les draps et tissus similaires.
Je voudrais donc voir, messieurs, adopter par
Messieurs, la pétition sur
laquelle on vient de vous faire rapport est de la plus haute importance. et
comme il paraît que nous sommes à la veille de nous séparer et que je crois
avoir lu quelque part que le gouvernement trouvait dans la loi de 1822 les
moyens, en l’absence des chambres, de pourvoir aux besoins réclamés par
l’industrie, je ne finirai pas sans demander au gouvernement s’il croit que
cette loi lui donne le droit de satisfaire aux justes réclamations de
l’industrie, en ce qui concerne les tissus de laine. J’aurais préféré que l’on
nous présentât un projet, projet qui, présenté assez à temps, aurait pu être
discuté avant la fin de la session ; mais puisque la chose ne paraît plus
possible, j’espère que le gouvernement, pour tranquilliser les industriels du
pays, voudra bien répondre à mon interpellation.
M. Delehaye. - Messieurs, il est toujours très sage pour un gouvernement comme pour un
particulier, de chercher à profiter, pour la suite, des fautes commises ; pour
ma part, depuis quatre ans que je siège dans cette enceinte, j’ai eu souvent
l’occasion de vous dire que de toutes les négociations que nous avions
entamées, de tous les traités que nous avions conclus, il ne résulterait pour
J’admets la plupart des observations qui ont été
faites par les honorables préopinants touchant la réunion douanière avec la
France, pour ce qui concerne les mesures qu’ils ont proposées, je ne puis
encore cette fois croire à l’efficacité qu’on leur attribue.
On vous a dit qu’il fallait adopter le système de
l’Allemagne. Le dernier orateur que vous avez entendu croit qu’il faut adopter
le système prussien.
Messieurs, je crois qu’il faut établir vos droits de
douane de manière à balancer les avantages qu’accorderaient des pays à ceux de
leurs produits qui sont importés chez vous. C’est ainsi que, comme l’a dit
l’honorable M. Dumortier, la France accordant une prime d’exportation pour ses
tissus de laine, il est juste que
Mais voici un inconvénient qui peut résulter d’une
pareille mesure : c’est que vous allez voir la fraude inonder le pays de
marchandises étrangères, si ce droit est trop élevé. Lorsque nous avons discuté
le projet de loi tendant à réprimer la fraude en matière de douane, j’avais, ainsi
que quelques autres honorables membres, proposé une mesure pour parer à cet
inconvénient ; cette mesure, vous l’avez repoussée. Cependant, nous avions, mes
honorables amis et moi, la conviction que dans cette mesure de douane résidait
l’intérêt futur de l’industrie en Belgique. Vous l’avez repoussée, et, par une
singulière anomalie, vous demandez aujourd’hui une majoration de droits. Mais
ne savez-vous pas qu’une majoration de droit est un appât à la fraude ?
Messieurs, on a demandé, et, si je ne me trompe,
c’est le premier orateur que vous avez entendu, où en étaient nos négociations
avec la France ? Le silence de M. le ministre des affaires étrangères me donne
lieu de croire que ces négociations sont rompues. Eh bien ! j’en
félicite le pays ; je serais fort heureux d’apprendre que nos négociations avec
la France sont rompues.
La France, messieurs, s’est réellement trompée sur
la situation de
Messieurs, on vous a parlé dernièrement des mesures
prises par le département de la guerre en France concernant l’emploi des toiles
belges dans la confection des habillements pour l’armée. Je crois, quant à moi,
que le gouvernement français avait le droit d’exiger que les toiles françaises
fussent exclusivement employées aux besoins de l’armée ; mais il aurait fallu
prévoir cette circonstance dans les négociations qui ont amené votre convention
avec
Mais puisque nous avons commis la faute, il faut
tâcher de la réparer.
Il y avait, je crois, un motif suffisant pour
dénoncer le traité fait avec la France, par l’interprétation qu’on lui donnait
dans ce pays. Messieurs, la rédaction du traité, touchant l’exportation des
fils belges, était clair. Cela n’a pas empêché que le gouvernement français ne
l’interprétât d’une manière nuisible à nos intérêts. C’est ainsi que, si dans
une pacotille de fil, la douane trouve un seul écheveau qui tombe dans une
catégorie frappée de droits favorables aux intérêts du trésor français, toute
la pacotille est frappée comme si elle était entièrement de la même qualité que
cet écheveau.
Je dis que c’est là une atteinte portée au traité ;
et, je le répète, j’aurais voulu que le gouvernement profitât de l’occasion
pour déclarer le traité non avenu.
Le gouvernement a eu une autre occasion ; lors de la
discussion de ce traité, un honorable député de Bruxelles, M. Verhaegen, avait
parlé de l’importation des vins en bouteille. Il avait demandé si le droit se
paierait non seulement sur le vin, mais aussi sur les bouteilles, et le
gouvernement était d’accord avec l’honorable membre pour l’affirmative. M. le
ministre des affaires étrangères l’a déclaré à plusieurs reprises. Dans mon
opinion, le gouvernement se trompait ; mais puisque tel était son avis, je
devais croire que le gouvernement exigerait que le traité fût ainsi exécuté.
Cependant il n’en est rien ; on ne paie pas de droits sur les bouteilles.
C’était encore là une circonstance dont le gouvernement pouvait s’emparer pour
exiger de la France d’autres concessions.
Messieurs, je vous ai dit que je félicitais le pays
de ce que nos négociations avec la France étaient interrompues, et en voici la
raison :
Nous voyons que presque chaque jour l’industrie
française adresse des pétitions à la chambre des députés pour demander l’union
douanière. Dans mon opinion il est impossible, si le gouvernement et la
législature belge prennent à cœur les intérêts du pays, que la France ne soit
pas obligée dans quelque temps de solliciter elle-même l’union douanière. J’ai
la conviction que si nous prenons à l’égard de l’industrie française les
mesures que nous devrions prendre et si nous empêchons la fraude, ce serait le
gouvernement français qui, poussé par l’industrie, viendrait faire les
premières démarches.
Messieurs, je ne veux pas de la réunion politique
avec la France, et si l’union politique devait résulter de l’union douanière,
je serais le premier à repousser celle-ci. Je veux pour
Cette réunion douanière, messieurs, nous assurerait
des avantages, mais elle en assurerait aussi à
Dans l’état actuel des choses, nous n’obtiendrons
rien, parce que nous n’avons plus davantage à accorder ; c’est par des rigueurs
que nous pourrons vaincre ses répugnances.
Quant à la pétition, messieurs,
qui nous occupe et qui demande que le gouvernement veuille bien hausser les
droits sur les tissus de laine, je l’appuie également. Mais si le gouvernement
veut réellement le bien-être de notre industrie, que non seulement il augmente
les droits sur l’importation étrangère, mais qu’il avise aussi aux mesures à
prendre vis-à-vis la fraude.
Ainsi, messieurs, deux mesures sont indispensables ;
droits élevés sur l’importation en produits étrangers, et mesures vraiment
répressives de la fraude à l’intérieur.
M. Dubus (aîné). - Je viens aussi messieurs, appuyer la
pétition sur laquelle il vous a été fait rapport, et je dirai un mot en réponse
aux observations de l’honorable préopinant, qui paraît considérer une
majoration de droits sur les tissus de laine comme devant favoriser la fraude,
et cela parce qu’on n’a pas adopté dans la loi, sur la répression de la fraude,
les mesures acerbes qu’il aurait voulu faire introduire dans la loi.
Messieurs, je crois que l’on n’a pas rendu justice à
l’administration de la douane en Belgique ; on n’a pas fait assez attention que
le service de la douane, tel qu’il est organisé en Belgique, a fait à notre
trésor une recette de plus de 12 millions. En réunissant les divers droits
d’entrée dont la perception est assurée par le service de la douane, on arrive
à une recette de 12 millions. Et la plupart de ces droits sont assez élevés ;
il y a des droits de 10, de 12, de 15 p. c. qui sont perçus, Je pense qu’en
présence d’un pareil état de choses on a dit à tort que l’élévation d’un droit
de 5 p. c. à 10 ou 15 p. c. ouvrirait nécessairement la porte à la fraude.
Messieurs, le droit sur les tissus de laine est à
peine, en moyenne, de 5 à 6 p.c., sans tenir compte de la prime d’exportation
qui se paie dans un pays voisin. Or, un droit de 5 à 6 p. c. est décidément
inférieur à celui qui protège les autres industries du pays. Cependant vous
devez à l’industrie des tissus de laine une protection égale à celle que vous
accordez à d’autres industries. Vous avez établi en faveur de l’industrie des
tissus de lin, par exemple, un droit très élevé, un droit égal à celui du tarif
français ; vous n’avez pas craint de favoriser par là la fraude.
Je ne connais pas, messieurs, que l’on puisse
délibérer encore sur la question qui nous est soumise par la pétition ; si l’on
a pu hésiter la première fois que la question a été portée devant la chambre,
on ne le peut plus maintenant, que la nécessité d’établir un droit plus élevé a
été démontré si souvent sans que l’on ait donné une seule réponse suffisante
aux raisons présentées en faveur de l’augmentation du droit. Il est donc temps
d’accorder à l’industrie des tissus de laine la protection qu’elle a droit
d’exiger.
J’insiste sur l’interpellation
qui a été faite au gouvernement, par mon honorable ami, M. Demonceau ; je
désire savoir si le gouvernement croit trouver dans la législation en vigueur
le moyen de prendre des mesures en faveur de l’industrie dont il s agit, dans
l’intervalle des sessions.
M. Delehaye. - Messieurs, je n’ai pas combattu l’opinion émise par plusieurs orateurs,
qu’il faut augmenter les droits sur les tissus de laine ; j’ai demandé, au
contraire, que le gouvernement usât de la faculté que lui donne la loi de 1822,
d’augmenter, en l’absence des chambres, les droits d’entrée sur les produits
étrangers quelconques. Seulement j’ai ajouté que si notre système douanier
était réformé, une semblable augmentation serait beaucoup plus efficace ; je
soutiens que si l’on empêchait la fraude, les douanes, qui rapportent
maintenant 12 millions, rapporteraient au-delà de 20 millions.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, deux honorables
membres ont demandé si le gouvernement pense que, dans l’intervalle des
sessions, il peut faire usage de l’art. 9 de la loi de 1822. Il est impossible
de répondre à cette question autrement que d’une manière générale. Le ministère
actuel est le premier qui ait fait usage de cet article, et l’usage qu’il en a
fait a été en quelque sorte validé par la chambre, de sorte qu’il ne peut plus
y avoir de doute sur le droit du gouvernement en cette matière. Néanmoins, il
est impossible que le gouvernement dise que, dans tel ou tel cas, il fera usage
de ce droit ; c’est une question de responsabilité pour le gouvernement, et le
gouvernement doit se décider d’après les circonstances.
M. de Foere. - L’honorable ministre de l’intérieur vient de vous dire, messieurs, que
l’application de l’art. 9 de la loi de 1822 dépend des circonstances. C’est
maintenant un fait constaté que tous les ministres nous ont constamment fait la
même réponse. Depuis dix ans, toutes les fois que des membres de cette chambre,
d’accord avec tous les pays, ont demandé que le gouvernement adoptât un système
plus protecteur de l’industrie belge, les différents ministères qui se sont
succédé ont toujours répondu d’une manière évasive ; ils ont toujours dit
qu’ils étaient en négociations et que dès lors, ils ne pouvaient pas encore
adopter les propositions que l’on faisait dans cette enceinte. Il est bien
constaté maintenant, d’après tous les orateurs que vous venez d’entendre, que
la chambre entière veut un système plus favorable à l’industrie nationale ; il
est bien constaté aussi que c’est là l’opinion générale de tout le pays ;
eh bien, messieurs, si le ministère peut maintenir un système, contrairement à
l’opinion de la chambre et du pays, je dis que nous ne sommes plus dans les
éléments d’un gouvernement constitutionnel, dans lequel ce sont toujours les
chambres et le pays qui indiquent au ministère la direction politique qu’il
doit suivre. Constamment, on nous oppose des termes moyens, des fins de
non-recevoir, et c’est ainsi que le pays est toujours traité dans la même voie
; si cela ne change pas, je ne puis réellement répondre des conséquences d’un
semblable état de choses.
Je désirerais donc que M. le
ministre de l’intérieur voulût bien répondre d’une manière plus positive, plus
catégorique aux interpellations qui lui ont été faites. Je désirerais savoir si
le pays doit rester plus longtemps dans la position malheureuse dans laquelle
il se trouve, et sous le rapport de son commerce et sous le rapport de son
industrie.
M. Savart-Martel. - Je
dois appuyer la requête soumise à la chambre. Je n’entrerai pas en ce moment
dans de grands détails, car il ne s’agit encore que d’adresser la demande au
ministre. Oui, messieurs, il est de vérité qu’à Tournay les tissus, et
notamment les tapis français se vendent à un prix inférieur aux prix d’achat en
France ; ce fait est de notoriété publique. C’est une ruine pour nos
fabricants, il est temps d’y mettre fin.
M. le ministre vient de nous déclarer qu’il croyait
trouver dans la loi de 1822, le pouvoir accordé au gouvernement de faire droit
à nos justes plaintes, je prends à profit cet aveu, et comme tous les orateurs
qui ont été entendus abondent dans le sens de la requête, je dois espérer que
le gouvernement faisant usage de son droit, l’appliquera en faveur des
pétitionnaires, sinon une loi deviendrait nécessaire.
- Les conclusions de la commission sont mises aux
voix et adoptées.
RAPPORTS
SUR DES DEMANDES EN NATURALISATION
M. Maertens dépose 46 rapports sur des demandes en naturalisation ordinaire.
- La chambre en ordonne l’impression et la distribution.
PROJET
DE LOI TENDANT A ACCORDER AU DEPARTEMENT DE
M. le président. - L’ordre du jour appelle la discussion d’un projet de crédit pour
l’apurement de créances arriérées au département de la guerre.
Le gouvernement se rallie-t-il au projet de la
commission ?
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - Oui, M. le président.
- La chambre adopte successivement, sans discussion,
les divers articles du tableau annexé au projet, et qui est ainsi conçu :
(Ce tableau
n’est pas repris dans la présente version numérisée.)
Les deux articles du projet de loi sont également
adoptés sans discussion, dans les termes suivants :
« Art. 1er. Il est ouvert an département de la
guerre un crédit de quatre-vingt-seize mille huit cent cinquante-neuf francs
soixante-quatorze centimes (96,859 fr. 74 c.), applicable au payement des
créances arriérées qui sont détaillées dans le tableau annexé à la présente
loi. »
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le
lendemain de sa promulgation. »
Il est passé à l’appel nominal sur l’ensemble du
projet de loi qui est adopté à l’unanimité des 63 membres qui ont pris part au
vote.
En conséquence, la loi sera transmise au sénat.
Ont répondu à l’appel : MM. Brabant, Coghen,
Coppieters, de Behr, Dechamps, de Florisone, de Foere, de
PROJET
DE LOI OUVRANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT DES FINANCES
POUR L’EXERCICE 1843, VISANT A ASSURER
M. le président. - Ce projet est ainsi conçu :
« Article unique. Il est ouvert au ministère
des finances un crédit supplémentaire de quarante mille francs (fr. 40,000),
sous l’article 3 du chap. III du budget de ce département, pour l’exercice
1843, aux fins d’assurer le service de surveillance des fabriques de sucre.
- Personne ne demandant la parole, il est passé à
l’appel nominal pour le vote de l’article unique du projet. La loi est adoptée
à l’unanimité des 63 membres qui ont pris part au vote. Elle sera transmise au
sénat.
PROJET DE LOI OUVRANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE
M. le président. - Ce projet est ainsi conçu :
« Article unique. Un crédit de cent trente-cinq
mille francs (fr. 135,000) est ouvert au ministère des affaires étrangères
(marine), pour la construction de quatre bateaux pilotes destinés au service de
la station des bouches de l’Escaut.
M. Hye-Hoys. - Messieurs, j’appuie volontiers la demande que le gouvernement nous fait
d’un crédit extraordinaire pour le développement du système de pilotage qui
sera très favorable à nos ports de mer et au commerce ; car, à défaut de
pilotes réguliers dans
Par une augmentation de service
résultant d’un plus grand nombre de bateaux et pilotes, le pilotage belge est
presque certain d’enlever tous les navires aux pilotes hollandais, et
d’augmenter la confiance des capitaines, en même temps que la recette de
l’administration qui doit donner un revenu notable au trésor.
Les sommes employées, messieurs, pour ce service,
produiront un grand intérêt ; on ne peut donc hésiter à accorder ce crédit
extraordinaire.
M. Osy. - Messieurs, je demanderai si l’intention du gouvernement est de se
borner à faire construire de simples bâtiments pilotes. Le dernier bâtiment de
ce genre qui a été construit ressemble plus à un yacht qu’à un simple bâtiment
pilote.
D’après les données que nous avons obtenues des
personnes qui sont constructeurs et armateurs de navires, je crois que les prix
qu’on nous a indiqués sont trop élevés ; je ne demanderai pas de réduction,
parce que je crois que c’est l’intention de M. le ministre des affaires
étrangères de faire construire ces navires par concurrence et par publicité. Si
telle est son intention je voterai le crédit global qui est pétitionné.
Je demanderai maintenant une
explication à M. le ministre des affaires étrangères. Je vois qu’on réclame
pour les quatre navires une somme assez forte pour le lest. Je prierai M. le
ministre de me dire si les navires qui ont été mis hors de service et démolis
n’avaient pas de lest dont on pût faire emploi dans les navires à construire.
Il doit y avoir également à la fonderie de Liége assez de fer inutile pour
recevoir cette destination.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - Je rassurerai d’abord l’honorable
préopinant sur les intentions qu’il paraît supposer au gouvernement. La pensée
du ministre est assurément que les bateaux pilotes qu’il demande soient
construits avec toute l’économie désirable et ne diffèrent que le moins
possible du prix de revient de ceux qui existent déjà. Quant au bateau pilote
qui a été construit en dernier lieu et que l’honorable préopinant a
pompeusement comparé à un yacht, je ne sais quelle circonstance a pu lui faire
faire une semblable comparaison : ce bateau est un bateau pilote comme les
autres. Seulement il s’y trouve une cabine un peu plus convenable, et l’on
comprendra facilement le motif de cette distinction.
En effet, ce bateau devait servir à relever les
bouées et à transporter les inspecteurs du pilotage, lorsqu’un sinistre a lieu
dans le cours et vers les bouches de l’Escaut (voyage qui dure souvent
plusieurs jours), il est nécessaire que ces fonctionnaires puissent trouver
dans leur bateau un abri contre les mauvais temps. J’ajouterai, au reste, que
l’ameublement de cette cabine a été fourni par ces inspecteurs mêmes.
L’honorable préopinant croit qu’il serait possible
de construire des bateaux pilotes à des prix moins élevés que ceux qui sont
indiqués dans la note que j’ai fournie à la section centrale ; mes prix ont été
basés sur les renseignements que j’ai fait prendre, et je les crois conformes
aux prix actuels. Si cependant une réduction était possible, certes je
m’empresserais de la faire.
Toutefois, je ne puis m’engager et je ne m’engage
pas à faire construire les bateaux pilotes par concurrence. Ce système, dont je
ne nie pas d’ailleurs les avantages, peut aussi, en certain cas, n’être pas
sans inconvénient, surtout lorsque les personnes qui doivent prendre part au
marché à conclure, sont en petit nombre et que l’on ne peut leur créer aucune
concurrence.
Quant au lest et à la possibilité d’employer le fer
de rebut de la fonderie de Liége pour remplir cet objet, cette proposition peut
mériter d’être prise en considération, et je pourrai m’entendre avec M. le
ministre de la guerre, dans le cas où elle serait praticable et que des fers
inutiles et convenables existassent réellement en quantité suffisante.
- Personne ne demandant plus la parole, la chambre
passe à l’appel nominal pour le vote du projet de loi. La loi est adoptée à
l’unanimité des 59 membres qui ont pris part au vote. Elle sera transmis au sénat.
M. le président. - La section centrale propose de porter le crédit à 91 mille francs, sauf
à porter en recettes les sommes à recouvrer.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) déclare se rallier à cette proposition.
M. Lys. - Je demande la parole pour faire observer que j’ai trouvé une omission
dans le rapport de la section centrale. Ce ne sont pas seulement plusieurs
sections qui ont exprimé le regret que les crédits votés aient été dépassés,
alors surtout que les chambres étaient réunies, et qu’après un deuxième voyage
on prévoyait qu’il ne resterait pas assez de fonds pour en effectuer un troisième
; c’est aussi la section centrale, à l’unanimité, qui a exprimé ce regret. Si
le ministre s’était présenté alors pour avoir un crédit supplémentaire,
j’aurais voté pour son admission. On avait tellement discrédité ce steamer, que
deux voyages ne suffisaient pas pour le réhabiliter. Puisque c’étaient des
voyages d’essai, il devenait nécessaire de tenter un troisième voyage, afin de
savoir à quoi s’en tenir.
Je dois dire que les trois voyages ne présentent pas
seulement une perte de 318,508 fr. 12 c., mais bien une perte de 670,000 fr ;
j’en trouve la preuve dans le procès-verbal d’une séance du conseil général de
navigation du 29 novembre 1842. Les pertes essuyées sont établies comme suit :
Subside du gouvernement pour les frais occasionnés
pour le service : fr. 300,000
Intérêts du capital (en effet, vous devez compter
les intérêts du capital d’achat) : fr. 90,000
Détérioration du navire à raison de 10 p.c. (on ne
peut pas supposer qu’un navire semblable dure plus de dix ans) : fr. 180,000
Risques d’assurances (le navire
n’étant pas assuré, le gouvernement court les chances d’en faire la perte
totale, et en conséquence on doit compter la prime comme dépense faite) : fr.
100,000
Eu additionnant ces sommes, vous trouverez fr.
670,000.
Avec de pareils calculs, il devient impossible de
continuer une pareille entreprise.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - Il
semblerait résulter du discours de l’honorable préopinant, que j’aurais
présenté à la chambre des données inexactes sur la dépense résultant de
l’exploitation de
L’honorable membre trouve un reproche, adressé au
ministre, dans le parti qu’il a pris de faire le troisième voyage. La section
centrale, ainsi qu’il me le rappelle, en faisait mention avant lui. Je crois,
messieurs, que ma justification est facile. Il me suffira de reporter la
chambre à la page 147 du rapport, elle verra dans la séance du conseil-général
du 26 juillet 1842, l’état des dépenses qui avaient eu lieu jusqu’alors ; le
montant des dépenses après le premier voyage était de 118,000 fr. D’un autre
côté, le chiffre de l’avoir se composait 1° des fonds disponibles à Anvers et à
Bruxelles, se montant à 111,725, et 2° des valeurs en magasin à 109,000 fr. et
3° et les produits divers à 10,000 fr., de sorte que l’acte fait s’élevait de
230 à 240 mille fr.
Eh bien, je pense qu’aucun ministre, quelque timide
qu’on puisse le supposer, en présence de chiffres semblables, n’eut hésité à
faire un troisième voyage. J’ajouterai que les comptes exacts ne nous étaient
pas encore parvenus, et ne pouvaient pas l’être, que près du quart des dépenses
portées au premier voyage, étaient antérieures à ce voyage et que l’on ne
pouvait prévoir plusieurs des dépenses que l’on a été obligées de faire dans le
troisième voyage. J’ajouterai, au reste, que dans le cas même où les données
que je possédais, m’eussent laissé moins d’espoir encore de n’être pas obligé
de recourir à une demande de crédit, je n’aurais probablement pas reculé devant
la responsabilité d’un troisième voyage. Il y allait, selon moi, de la dignité
du pays de ne pas abandonner ainsi un troisième voyage, une exploitation sur
laquelle l’attention de l’Europe avait été appelée, et dont le succès pouvait
avoir une si heureuse influence sur notre commerce et notre industrie.
Indépendamment de ces motifs, nous aurions été soumis, en renonçant au voyage,
à des restitutions onéreuses, et à des
demandes en dommages-intérêts difficiles à apprécier à présent.
Une partie des marchandises à
exporter était arrivée à Anvers, une autre était en route, il eût fallu les
renvoyer aux expéditeurs, payer l’arrivée, le retour et, sans doute, des
dédommagements et d’autres frais encore. Il en eût été de même pour les
passagers. En pareille circonstance, il n’y avait pas à hésiter. Le ministère
n’a pas cru devoir le faire et sa manière de voir a été partagée,, ainsi que vous l’avez vu par la lecture du procès-verbal
du 27 juillet par les membres du conseil-général, qui avait pris spontanément
l’initiative de la résolution.
M. Osy. - J’ai établi aussi simplement que possible la situation. Les comptes ne
donnant pas les dépenses par voyages, j’ai dû réunir toutes les sommes et
prendre une moyenne. Le premier voyage avait coûté 110 mille francs, Comme on
connaissait les recettes, on pouvait prévoir que l’excédant de la somme en
caisse, après le deuxième voyage, ne monterait qu’à environ 36 mille fr. Vous
savez que, connaissant ce résultat au mois d’août, j’ai interpellé le ministère
pour savoir s’il avait assez de fonds pour faire un troisième voyage. On a
répondu que ce n’était pas à l’ordre du jour, et qu’on n’avait pas de compte à
nous rendre. On n’avait pas demandé les fonds nécessaires pour ce troisième
voyage, quoique les chambres fussent assemblées. Voilà le regret qu’a exprimé
la section centrale.
Le ministre dit qu’il ne croyait
pas en avoir besoin. Cependant les résultats connus ne lui laissaient que 36
mille francs disponibles, et il savait aussi bien que nous, que ce serait
insuffisant peur effectuer un troisième voyage. Voilà l’irrégularité que la section
centrale vous signale.
M. Lys. - Ce que vient de dire l’honorable préopinant, me dispense d’une partie
de ma réplique. Je dirai à M. le ministre que ce n’est pas moi seul, mais la
section centrale à l’unanimité qui a exprimé les regrets que j’ai annoncés. Je
n’ai nullement entendu que M. le ministre ait rien voulu cacher à la chambre,
car c’est dans les pièces distribuées que j’ai puisé ces détails. M. le
ministre dit dans son exposé que les pertes essuyées s’élèvent à 318,518 fr. 12
c. ; j’ai cru qu’il était de mon devoir de démontrer à la chambre que ce
n’était pas seulement 318,000 francs mais 670,000 fr. que l’on a perdus ; et
encore ne faut-il pas compter la marine royale qui a été employée à
l’exploitation de
M. Rogier. - Je demanderai un moment d’attention à la chambre, j’ai quelques
observations importantes à lui présenter.
Messieurs, sans vouloir renouveler les discussions
relatives à
Quelques faits suffiront pour le démontrer.
D’abord, messieurs, je reconnais que diverses
circonstances indépendantes de la volonté du gouvernement ont nui à
l’entreprise. Nous avions pour but d’établir des relations suivies en
marchandises et en voyageurs, avec les Etats-Unis. Une crise des plus
malheureuses coïncide avec l’ouverture de ce service ; toutes relations, en
quelque sorte, ont été interrompues entre les Etats-Unis et le continent ; ce
qui est arrive pour
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Qui est ministre de la marine.
M. Rogier. - Et cela sous quel prétexte ? Sous le prétexte que M. le ministre des
affaires étrangères fournissait des hommes de la marine à
Dès lors, on a pu croire que M. le ministre de
l’intérieur n’avait pas de confiance dans cette entreprise, et, en effet, nous
ne le voyons pas paraître dans les premiers moments de l’exploitation ; mais il
paraît dans des circonstances assez significatives.
Des deux administrateurs, l’un qui était plus
particulièrement chargé de la partie commerciale de l’entreprise, avait donné
sa démission, je ne sais pour quel motif, ou plutôt, je sais trop pour quel
motif, mais je n’ai pas besoin de le faire connaître à la chambre ; restait
donc un seul des deux administrateurs ; il demanda de faire le premier voyage avec
Ce n’est pas tout. M le ministre intervient encore ;
il déclare que tout le charbon nécessaire à l’exploitation de
Messieurs, ce n’est rien encore ; vous allez voir
quelle habileté merveilleuse M. le ministre de l’intérieur a déployée dans
toute cette affaire.
Ces cinq navires transportant du charbon belge à
New-York, aux frais de
Ce n’est pas tout. Comme
Le rapport de M. Dedecker mentionne les marchandises
diverses expédiées par navires chargés du transport des charbons ; et d’abord
remarquez que les départs de
Sur le Zéphyr, on a chargé cinq caisses de poil de
lapin, 75 caisses de bière, du drap, des armes, et la preuve que tout n’était
pas marchandises lourdes, un paquet de diamant ; assurément
Sur le navire Maria, il y a eu des armes, des draps,
etc. ; j’épargne à la chambre le détail des divers chargements.
Voilà, messieurs, par quels avantages signalés on a
favorisé les premiers voyages de la malheureuse British-Queen : Eh bien malgré
cette concurrence fatale que le gouvernement faisait à sa propre entreprise, je
ne sais dans quel intérêt elle fit encore assez honorablement ses affaires, et
si outre de fortes dépenses extraordinaires, elle n’avait pas eu à payer, à ses
concurrents, un surcroît de dépense pour le transport des charbons, si on ne
l’avait pas privée de recettes assurées, non seulement on n’aurait pas été
obligé de demander de nouveaux crédits, mais on aurait pu faire un quatrième
voyage avec le crédit de 250,000 fr.
On comprend, messieurs, et cela n’est pas une
manière équitable de raisonner, on comprend dans les frais des voyages de
M. Osy. - Je demande la parole. Voyez-en la note.
M. Rogier. - Je l’ai consultée ; je la prends dans le rapport même du ministre ;
j’ai beaucoup de confiance dans les détails authentiques.
M. Osy, rapporteur. - J’ai plus de confiance dans la cour des comptes.
M. Rogier. - On compte, dans les frais d’exploitation de
Il y a encore beaucoup d’autres frais généraux
antérieurs aux voyages et qui ne peuvent être imputés sur les dépenses de ces
voyages. Il y a aussi des frais d’annonces très considérables ; ces frais se
sont élevés, en Angleterre, à plusieurs mille fr. ; en France ils ont aussi été
fort élevés. Ces frais sont encore indépendants du premier voyage. Ils auraient
dû se renouveler sans doute, mais ils ne se seraient plus élevés à des sommes
aussi considérables.
Messieurs,
On a été vaincu sur ce point ; on a été obligé de
reconnaître, malgré les prédictions, qu’elle pouvait tenir la mer, qu’elle
était d’excellente construction.
M. de Mérode. - Il y avait des chevilles grosses comme le bras enlevées.
M. Rogier. - Je ne sais qui a appris cela l’honorable comte de Mérode. Au surplus,
si l’honorable membre était au courant de ce qui se passe sur mer, il saurait
que dans les mauvais temps, cela arrive très souvent. Je ferais au besoin, sur
l’état de
Messieurs, on fait faire à ce navire un voyage
extraordinaire aux îles Açores, pour fuir la tempête. Ce voyage extraordinaire
a encore coûté 15 à 20,000 fr. Il a fallu acheter du charbon pour 20,000 fr.,
faire d’autres dépenses. C’est encore là une circonstance qui ne se
reproduirait plus dans d’autres voyages.
En résumé, je dis que sans la concurrence que le
gouvernement a faite à sa propre entreprise, nous aurions eu beaucoup plus de
recettes. Car les voyageurs et les marchandises qui sont partis avec les
bateaux à charbon, seraient partis, en forte proportion du moins, avec
Quant à l’avenir l’honorable rapporteur de la
section centrale propose simplement de vendre le navire ; M. le ministre des
affaires étrangères et de la marine ne dit pas non, et sans doute, M. le
ministre de l’intérieur a déjà dit oui, ce qui me fait croire que le navire
sera vendu.
Messieurs, je regrette de ne pas avoir eu le temps
de mieux me préparer ; car il y a encore beaucoup de choses à dire.
Malheureusement l’objet a été mis à l’ordre du jour à l’improviste ; nous ne
devions pas nous attendre à ce qui s’est passé hier. Mais je dis que la chambre
n’est pas encore suffisamment éclairée pour prendre un parti quant à
On aurait pu, c’est mon opinion, si l’on ne voulait
pas de l’entreprise, se dispenser d’acquérir
Maintenant, à la suite de celte mauvaise
administration, qu’y a-t-il à faire ? Faut-il, sous l’impression de résultats
qui ne sont pas déplorables, mais qui ne sont pas non plus avantageux, je le
reconnais, décider qu’on vendra
Dans tous les cas, j’espère que
le gouvernement, puisqu’on lui fournit des fonds pour 1843, ne s’engagera pas
pour 1844, ne dira pas dès maintenant qu’il veut se défaire du navire. Car, si
même il voulait le vendre, la seule prudence lui commanderait de cacher ses
intentions, S’il s’oblige dès maintenant à vendre, il est certain que tous les
acquéreurs le sachant sous l’influence d’une contrainte, lui feront de bien
mauvaises conditions. Je ne pense donc pas que le gouvernement puisse prendre
un pareil engagement.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne veux pas non plus
renouveler l’ancienne discussion ; je ne veux pas même rechercher quel peut
avoir été le but de certaines insinuations de l’honorable préopinant.
M. Rogier. - Je suis fâché de vous interrompre ; mais je dois dire que je n’ai pas
fait d’insinuation. Je crois que mes accusations ont été très directes ; elles
ont pour but de démontrer que l’affaire de
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Vous avez été plus loin ; vous
avez supposé que c’était en quelque sorte à dessein que l’on avait fait échouer
l’entreprise,
M. Rogier. - Je n’ai pas dit cela.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - C’est ainsi qu’on aurait pu le
supposer.
M. Rogier. - Répondez directement à ce que j’ai dit.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je réponds directement ; mais
j’aurais désiré que l’honorable préopinant eût découvert le fond de sa pensée.
Si l’on veut résumer le discours de l’honorable préopinant, en voici le sens
véritable : le ministre de l’intérieur, n’ayant aucune sympathie pour cette
entreprise, a fait son possible pour la faire échouer. Voilà le sens du
discours de l’honorable membre, si l’on veut rechercher le but de certaines
insinuations, ou, si on l’aime mieux de certaines accusations. Mais laissons
toutes ces questions personnelles et voyons les faits.
C’est le ministre de l’intérieur qui a présenté à la
chambre le projet de loi relatif à la navigation transatlantique ; c’est le
ministre ayant dans ses attributions la marine, qui a exploité le navire
Mais la raison en est extrêmement simple ; elle
résulte de la force des choses, et l’honorable préopinant aurait reconnu les
motifs du changement, s’il avait voulu s’attacher aux faits.
Pourquoi le ministre de l’intérieur, en 1840, a-t-il
saisi la chambre du projet de loi ? Mais c’est qu’à cette époque il s’agissait,
de la part du gouvernement, d’intervenir à l’aide d’un subside. Une société en
dehors du gouvernement devait se former, et celui-ci se bornait à fournir un
subside à cette société. Dès lors évidemment c’était le ministre de l’intérieur
qui devait fournir sur son budget le subside à la société exploitant
Mais la position est venue à changer. Ce n’est plus
une société recevant un subside, qui exploite, mais c’est le gouvernement
lui-même, et cela à l’aide de la marine royale. Est-ce que l’entreprise devait
encore rester entre les mains du ministre de l’intérieur ? Mais évidemment non
il y aurait eu des conflits continuels.
Il est donc évident que du moment où l’intervention
du gouvernement ne consistait plus à fournir un subside à une compagnie formée
en dehors du gouvernement, que du moment que celui-ci exploitait directement,
c’était le ministre de la marine qui devait être chargé de cette exploitation.
Et, en effet, quand le ministre, chargé de la direction du département de la
marine s’est adressé à moi pour que l’entreprise passât entièrement dans son
administration, je n’ai rien eu à objecter. Je ne pouvais pas dire à mon
collègue le ministre de la marine : J’entends exploiter avec vos agents.
C’aurait été lui dire en un mot : Je veux avoir dans mes attributions
l’administration de la marine.
Vous voyez donc combien il est facile d’expliquer ce
fait du passage de cette affaire d’un ministère à l’autre. Ce fait est
extrêmement simple ; il tient au changement survenu dans la situation,
changement que l’on ne peut pas méconnaître.
L’honorable préopinant nous a signalé plusieurs
faits dus, selon lui, au ministre de l’intérieur et qui ont discrédité
l’entreprise. Le premier de ces faits est une affaire toute personnelle, c’est
la défense faite à l’administrateur de se rendre aux Etats-Unis sur
« Le gouvernement s’est fait concurrence à
lui-même, et, de plus, en se servant de charbon belge, il a augmenté
démesurément les frais de l’exploitation de
M. Rogier. - Il ne fallait pas le faire au détriment de
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Du moment que je reconnais
avec vous qu’il faut déduire des frais d’exploitation, la différence qu’il y a
entre le prix du charbon belge, et le prix de celui que l’on aurait pu obtenir
à New-York, du moment que je vous fais concession, vous devez reconnaître avec
moi, que l’on a bien fait de prendre cette mesure, c’est maintenant un fait
acquis que le charbon belge peut servir à la navigation transatlantique.
L’honorable préopinant prétend que le gouvernement
s’est fait concurrence à lui-même parce que les navires, chargés du transport
du charbon, ont transporté en même temps des émigrants et des marchandises. On
pouvait espérer que ces navires ne transporteraient que des marchandises
pondéreuses que
Mais le gouvernement se serait fait une concurrence
plus directe encore parce que les navires chargés de transporter aux Etats-Unis
le charbon nécessaire à
Un membre. - Cela peut encore être.
M. le ministre de l’intérieur
(M. Nothomb) - On dit que cela peut encore être : je
réponds en citant le rapport des hommes pratiques. On nous a démontré qu’il
fallait renoncer à l’une ou à l’autre classe de voyageurs ; que si nous
voulions transporter les émigrants allemands qui se rendent aux Etats-Unis il
fallait renoncer alors aux voyageurs appartenant aux classes élevées et qui
paient cher, notamment à ceux qui nous attendaient de l’Angleterre.
M. Hye-Hoys. - La même chose existe en Angleterre.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - On nous a dit : « Vous
avez à opter : voulez-vous transporter les émigrants allemands, alors, vous
devez renoncer aux voyageurs appartenant aux classes élevées ; voulez-vous
transporter les voyageurs appartenant aux classes élevées, alors vous devez
renoncer aux émigrants allemands. » Voilà, messieurs, l’alternative dans
laquelle nous nous trouvions placés, et dès que nous avions opté pour les
voyageurs appartenant aux classes élevées de la société, pour les voyageurs qui
paient cher, quel intérêt avions-nous à défendre aux navires chargés de
transporter les émigrants allemands, auxquels
Ainsi, messieurs, le tort que le gouvernement s’est
fait à lui-même dans l’exploitation de
Maintenant l’entreprise de
D’un autre côté, ceux qui voudront juger
l’entreprise d’une manière moins favorable, diront qu’il faut ajouter aux frais
d’exploitation l’emploi des officiers de la marine belge, et la dépense à
laquelle ils ont donné lieu. Quoi qu’il en soit, le gouvernement avait à faire
connaître tous les détails ; ces détails ont été donnés, on peut les étudier,
et le gouvernement verra ce qu’il y a ultérieurement à faire.
Je me félicite avec l’honorable
préopinant que bien des prédictions sinistres aient été démenties.
M. Osy. - Je pense avec l’honorable M. Rogier, qu’il est quelques dépenses
portées pour l’exploitation qui auraient dû figurer au budget de 1841 ; mais
ces dépenses sont très peu importantes.
La section centrale avait demandé à M. le ministre
des affaires étrangères de fournir la note des dépenses faites pour le navire,
après son arrivée à Anvers, et avant son premier voyage. Cette note n’a pu nous
arriver assez à temps pour être insérée dans le rapport ; mais je me suis rendu
à la cour des comptes, où j’ai appris que le montant de la dépense imputée de
ce chef sur le crédit de 400,000 fr. du budget de 1841 est de 175,124 fr.
M. Pirmez. - Messieurs, selon moi, nous devons abandonner la récrimination,
relativement au passé de
Je crois qu’à l’heure d’aujourd’hui les opérations
de
Le résultat des opérations de
Il en est de même de toutes les choses dont s’occupe
le gouvernement... .
M. Lebeau. - Et les chemins de fer ?
M. Pirmez. - Oui, mais les chemins de fer, vous ne voyez pour pas aussi facilement
le résultat que pour
On a dit que des attaques injustes avaient été
dirigées contre
On a prétendu que les adversaires de
Maintenant je crois que nous ne
devons pas engager le gouvernement à recommencer une opération si onéreuse pour
le trésor public ; la chambre devrait faire entendre au gouvernement qu’elle
désire qu’il se défasse de
M. de Mérode. - Messieurs, ce qui prouve combien cette opération de la navigation
transatlantique était inutile, c’est l’observation de M. le ministre de
l’intérieur, que les navires américaines retournant sur lest pouvaient
transporter des marchandises. On ne conçoit pas pourquoi on faisait faire des
voyages exprès pour transporter ce qui pouvait être mis à bord de navires de
retour.
Messieurs, on a en quelque sorte attaqué le
capitaine du navire ; parce qu’il était allé aux Açores ; il n’est pas allé aux
Açores par ordre du gouvernement ; mais il y est allé, parce que la tempête l’y
a forcé, et que s’il ne s’y était pas rendu, il aurait probablement péri. Je
suis allé à bord de
Quand on a vu une seule fois une machine telle que
Il y a une observation de l’honorable M. Rogier qui
se trouve fondée, c’est la critique qu’il a faite du transport des charbons
belges à New-York pour le retour du navire. Je trouve que c’est montrer une
sympathie outrée pour nos houillères que d’imaginer de transporter le charbon
jusqu’à New-York, tandis qu’on pouvait avoir dans ce pays le charbon à bien
meilleur compte pour le voyage de retour.
Aujourd’hui, l’opération de
J’ai ouï dire que le navire était
beaucoup trop long, mais qu’on pourrait le raccourcir, et qu’alors il serait
plus facile de le diriger et qu’il serait moins exposé aux dangers des
tempêtes. Je pense qu’on peut en tirer parti, qu’il y a quelque chose à en
faire. Du reste, il ne faut pas croire que ce qu’on peut dire ici soit de
nature à tromper les personnes disposées à l’acheter ; si elles ont des moyens
de le mettre en œuvre utilement, elles le prendront ; sinon elles le
laisseront. Tout ce que nous affirmons à ce sujet dans cette enceinte
n’influencera pas les amateurs, qui n’agiront que d’après leur propre examen.
M. Rogier. - La dernière de mes observations que l’honorable préopinant a trouvée
fondée est mon objection principale. J’ai démontré comment, par cette
concurrence qu’il s’était faite, le gouvernement avait paralysé les heureux
effets de l’entreprise, et augmenté outre mesure les frais d’exploitation. M.
le ministre de l’intérieur a dit qu’il avait voulu faire l’expérience du
charbon belge. Mais, comme l’a dit l’honorable préopinant, cette expérience, il
fallait la faire pour le voyage d’aller, mais non pour le retour, et, dans
aucun cas, ce ne devait être aux dépens de
Je regrette qu’aucun des ministres n’ait fait
ressortir d’autres avantages qu’a présentés l’exploitation de
M. le ministre a nié que le conseil d’administration
ait demandé l’envoi de l’administrateur aux Etats-Unis ; il a même soutenu que
le conseil avait été d’avis que l’administrateur devait rester à Anvers. Je lis
page 132 du rapport de M. le ministre des affaires étrangères :
« Le conseil décide en définitive d’écrire à M. le
ministre pour qu’il autorise M. Lejeune à se rendre à New-York, à bord du
steamer British-Queen. »
M. de Mérode a pris la défense d’une personne que je
n’ai pas attaquée. J’ai signalé le voyage aux Açores, comme ayant entraîné des
frais considérables, frais qui n’étaient pas de nature à se reproduire, car il
était tout à fait extraordinaire d’aller jusqu’aux Açores, au lieu de venir
directement sur Anvers. M. de Mérode pense que le navire aurait péri, s’il
n’avait pas fait ce détour. J’avoue que je n’ai pas une confiance illimitée dans
les connaissances maritimes de l’honorable membre ; quoi qu’il en soit, il
n’est pas moins vrai que ce voyage a entraîné une dépense de plus de 20 mille
francs à charge de
M. Osy. - On n’avait plus de charbon.
M. Rogier. - Il fallait donc dire alors que c’était pour s’approvisionner, et non
pour éviter la tempête.
M. de Mérode dit que le navire le Président a péri, parce qu’il n’a pas
été aussi aux Açores. Le public ne s’attendait pas sans doute à apprendre de M.
de Mérode cette nouvelle du Président.
M. de Mérode. - Je n’ai pas dit cela.
M. Rogier. - Ma dernière observation est celle-ci :
Quant à moi, je ne puis conseiller au gouvernement
de suivre l’espèce d’injonction que lui fait la section centrale de vendre ce
navire. Nous sommes à la veille d’établir des relations suivies avec
l’Allemagne an moyen des eaux intérieures et surtout de nos chemins de fer ; je
demande si c’est le moment de fermer une voie de communications de cette
importance avec les Etats-Unis, voie pour laquelle les chambres ont consenti à
faire une dépense annuelle de 400,000 fr. pendant 14 ans.
J’espère que cette discussion
n’est pas épuisée, que nous aurons encore occasion de revenir sur l’importance
de relations transatlantiques. Il y a deux heures on se plaignait de manquer de
débouchés ; je ne comprends pas qu’en pareille situation on songe à se fermer
un débouché qui peut devenir si précieux, Je pense donc que le gouvernement
fera bien de ne pas s’associer aux intentions de la section centrale.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je crois avec l’honorable préopinant,
que l’entreprise présente plusieurs résultats heureux qu’on méconnaît
complètement. J’en ai cité un ; il est constaté maintenant que le charbon belge
peut servir à la navigation transatlantique. D’autres avantages résultent des
essais qui ont été faits. Ils sont énumérés dans le rapport à la dernière page.
Je me permets d’y renvoyer l’honorable membre.
C’est la marine belge qui a fait le service du
navire. C’est, je crois, encore quelque chose que d’avoir prouvé que la marine
belge est capable de voyages de ce genre.
L’honorable membre maintient son reproche quant à
l’envoi de charbons belges à New-York pour le service de
Je dis que toute l’objection vient à cesser quand on
vous accorde qu’il faut déduire la différence de la dépense du montant des
frais d’exploitation. Vous soutenez qu’il y aurait économie si vous aviez pris
en partie aux Etats-Unis le charbon nécessaire, c’est-à-dire si vous aviez fait
des commandes en Angleterre, pour avoir les charbons à votre disposition à New-York .. (on me dit y a des
approvisionnements, mais n’importe, ce n’est pas sûr) ; vous n’auriez pas pu
donner l’exemple de commandes de charbons en Angleterre par le gouvernement
belge, pour avoir du charbon à New-York. Passons là-dessus. On m’accordera
qu’on aurait pu employer du charbon belge pour aller d’Anvers aux Etats-Unis le
charbon anglais n’aurait été employé que pour le retour ; l’économie n’aurait
été alors que de 30 à 40 mille francs.
Quant à la concurrence que le gouvernement s’est
faite en laissant prendre les émigrants pour les navires chargés de charbon et
en laissant transporter certaines marchandises, j’ai déjà démontré à quoi elle
se réduisait. Il ne pouvait pas prendre les émigrants, j’en ai expliqué la
cause ; quant aux marchandises, s’il avait interdit ces navires de s’en
charger, les particuliers les auraient portées à d’autres navires qui partaient
sur lest d’Anvers.
Je crois, je le répète, que l’entreprise n’est pas
encore définitivement jugée, qu’il faut examiner tous les détails des comptes.
Et le gouvernement déclare qu’il n’a pas de résolution définitivement prise en
ce qui la concerne. (La clôture ! La
clôture !)
- La clôture est prononcée.
« Article unique. Un crédit de 91,000 francs est
ouvert au département des affaires étrangères (marine) pour solder les dépenses
occasionnées par l’exploitation du service transatlantique de navigation à
vapeur pendant l’exercice 1842. »
Il est procédé à l’appel nominal.
Le projet est adopté à l’unanimité des 48 membres
qui ont répondu à l’appel.
Ce sont : MM. Coghen, Coppieters, de Behr, Dedecker,
Delehaye, de Meer de Moorsel, de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de
Potter, Deprey, de Renesse, de Roo, Desmaisières, de Terbecq, Dubus (aîné),
Dumont, Fallon, Fleussu, Hye-Hoys, Jonet, Kervyn, Lebeau, Lys, Maertens, Mast
de Vries, Meeus, Morel- Danheel, Nothomb, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rogier,
Scheyven, Sigart, Simons, Smits, Trentesaux, Troye, Vanden Eynde, Vandensteen,
van Hoobrouck, van Volxem, Verhaegen, Zoude et Raikem.
La séance est levée à 4 heures 1/2.