Accueil Séances
plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note
d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 9 janvier 1844
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative aux droits d’entrée
sur le tabac (Eloy de Burdinne) et sur les pianos (Desmet), renseignement sur les céréales (Eloy
de Burdinne)
2)
Projet de loi portant le projet de loi
du département de la justice pour l’exercice 1844. Discussion des articles.
Régime des prisons (d’Anethan),
procédure civile et juges de paix (de Corswarem), palais de justice de Gand (d’Anethan, Malou,
Savart-Martel, d’Anethan, de Man d’Attenrode, Malou, de Saegher,
Donny, de Theux, d’Anethan, Desmaisières), aide à un avoué par suite de la
suppression du tribunal de Saint-Hubert (Zoude, de Mérode, d’Anethan,
Savart-Martel, de Garcia)
(Moniteur
belge n°10, du 10 janvier 1844)
(Présidence de M. Liedts)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à 1 heure et 1/2.
- La séance est ouverte.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en
est approuvée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la
chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Des fabricants de vinaigre
artificiel de la ville d’Anvers prient la chambre de statuer sur leur demande tendant
à supprimer le droit d’accise sur les vinaigres fabriques dans le pays. »
« Le sieur Cammaert,
décoré de la croix de fer prie la chambre de lui faire obtenir la décoration de
l’ordre de Léopold. »
« Les cabaretiers et débitants
de boissons de Lierde-St-Martin demandent
l’abrogation de la loi du 18 mars 1838, relative à un impôt de consommation sur
les boissons distillées. »
« Les habitants du hameau de Hamerenne dépendant de la commune de Rochefort, demandent
qu’une loi les autorise à partager des biens communaux non boisés. »
« Les sieurs Bourdeaux
et Lecomte, pharmaciens du canton d’Ellezelle
demandent qu’une loi défende aux médecins et officiers de santé de vendre des
médicaments.»
- Ces pétitions sont renvoyées à la
commission des pétitions.
______________________
Le sieur Aernouts,
sous-lieutenant au 6ème de ligne, né à Cassel (France), prie la chambre de
statuer sur sa demande en naturalisation. »
- Renvoi à la commission des
naturalisations.
_______________________
« Plusieurs propriétaires et
cultivateurs de la commune d’Ordingen (Limbourg)
présentent des observations coutre le projet de loi sur les céréales. »
« Mêmes observations de plusieurs
propriétaires et cultivateurs du canton de Perwelz
(Namur) et des communes de Branchon, Jandrain, Jandremouille, Ligny,
St.-Amand, Bourlau, Ouffet,
Ocquiet, Bende, Warzée, Oneux, Bousin,
Ville-en-Hesbaye, Faviers, Boneffe,
Romillies et autres communes de la province de Liège.
»
- Renvoi à la section centrale
chargée d’examiner le projet de loi.
_______________________
« Le sieur Pierre Corbisier
demande la place de bibliothécaire de la chambre. »
« Même demande du sieur van Langendonck, ancien directeur d’hôpital militaire. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
_______________________
« Le sieur Vessels,
marchand de bois, demande une réduction des droits d’entrée sur les bois de
chêne venant du Rhin. »
- Renvoi la commission d’industrie.
_______________________
« Le sieur Barbière demande un
subside pour la publication d’un ouvrage. »
- Renvoi à la commission des
pétitions.
« Les cultivateurs de la commune de Recken demandent une majoration des droits d’entrée sur les
tabacs en feuilles. »
M. Eloy de Burdinne. - Cette question est, selon moi, très importante. Je demande le renvoi
de la pétition à la commission d’industrie, avec demande d’un prompt rapport.
- Le renvoi est ordonné.
_______________________
« Le conseil communal d’Andenne
demande des mesures de protection pour l’industrie faïencière. »
- Renvoi à la commission d’industrie.
_______________________
« Le sieur de Henrieu
prie la chambre de statuer sur sa demande tendant à lui faire obtenir la
mouture des grains nécessaires à la consommation de la garnison
d’Anvers. »
- Renvoi à la commission d’industrie.
« Plusieurs facteurs de pianos
demandent une augmentation de droits d’entrée sur les pianos. »
M. Desmet. - Cet objet est très important. Il s’agit de protéger le travail national
et d’augmenter le budget des voies et moyens. Je propose le renvoi de la
pétition à la commission d’industrie, avec demande d’un prompt rapport.
- Ce renvoi est ordonné.
_______________________
Messages du sénat faisant connaître
qu’il a adopté les projets de loi suivants :
« Budget des voies et moyens
pour l’exercice 1844.
« Budget du département des
affaires étrangères, même exercice.
« Budget du département de la marine,
même exercice.
« Projet de loi prorogeant jusqu’au
31 décembre 1844, la loi du 30 juin 1842, concernant la réduction des péages
sur les canaux et rivières de l’Etat.
« Projet de loi de crédit
provisoire de 4 millions, concernant le département de la guerre, exercice
1844.
« Projet de loi sur l’entrée de
l’orge et du seigle.
« Projet de loi de crédit provisoire
de 2.002,524 francs concernant le département des travaux publies, exercice
1844.
« Budget de la dette publique et
des dotations, exercice 1844.
« Projet de loi sur le sel. »
- Pris pour notification.
_______________________
Messages du sénat faisant connaître
qu’il a pris en considération plusieurs demandes de naturalisation ordinaire.
- Renvoi à la commission des
naturalisations.
_______________________
Dépêche de M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb), transmettant des explications sur la pétition du sieur Raimond Stas,
qui se plaint d’avoir été privé injustement de la pension civique de 365 fr.
- Dépôt au bureau des renseignements.
_______________________
Dépêche du même accompagnant l’envoi
de 97 exemplaires d’un document statistique sur le mouvement de l’état-civil
pendant l’année 1841.
- Dépôt à la bibliothèque et
distribution aux membres.
Dépêche du même transmettant un
tableau résumant, par province et pour tout le royaume, les résultats de la
récolte des céréales et d’autres produits ruraux pendant l’année 1843, plus une
ampliation de la circulaire adressée aux gouverneurs des provinces pour réunir
ces renseignements, et une analyse des avis des corps et autorités consultés.
- Sur la proposition de M. Eloy de Burdinne, la chambre ordonne l’impression et la distribution de ce document.
_______________________
Mine Van Langendrack
fait hommage à la chambre d’un recueil de poésies, AUBEPINES.
- Dépôt à la bibliothèque.
_______________________
M. Lejeune, M. Morel-Danheel et M. de Villegas s’excusent de ne pouvoir assister à la séance de ce jour.
Amendement
du gouvernement
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) - J’ai un amendement à proposer au chap. X.
Aux termes de l’art. 69 (n° 3) de la
loi provinciale, les provinces sont chargées des réparations d’entretien des
prisons autres que les prisons centrales et les maisons de passage. Le
gouvernement s’est chargé, pour 1844, de cet entretien qui incombait aux
provinces et ce, moyennant un abonnement que les provinces ont contracté,
lequel, calculé sur la moyenne de la dépense occasionnée par cet objet pendant
les dernières années, s’élève à 19,608 francs. Il sera donc nécessaire d’augmenter le chap. 10 de cette
somme qui sera recouvrée sur les provinces et versée au trésor de l’Etat.
Cette modification est avantageuse,
en ce que l’Etat qui est chargé des grosses réparations sera chargé aussi des
réparations d’entretien, et qu’ainsi il n’y aura plus de conflit entre le
gouvernement et les provinces.
L’amendement est ainsi conçu :
« Art. 6. Réparation
d’entretien, conformément au n° 3° de l’article 69 de la loi provinciale, à
charge de remboursement par les provinces qui ont contracté un abonnement,
19,608 fr. »
Je demande le renvoi de cet
amendement à la section centrale.
- Le renvoi de l’amendement à la
section centrale est ordonné.
Discussion des articles
Chapitre premier. - Administration centrale
Articles
1 à 5
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000 »
« Art. 2. Traitements des fonctionnaires, employés et gens de service :
fr. 159,000 »
« Art. 3. Matériel : fr. 20.000 »
« Art. 4. Frais d’impression de recueils statistiques : fr. 3,500 »
« Art. 5. Frais de route et de séjour : fr. 6,000 »
- Ces articles sont adoptés sans discussion
Chapitre II. - Ordre judiciaire
Articles
1 à 5
« Art. 1er. Cour de cassation. Personnel : fr. 233,800 »
« Art. 2. Cour de cassation. Matériel : fr. 10,500 »
« Art. 3. Cour d’appel. Personnel : fr. 542,720 »
« Art. 4. Cours d’appel. Matériel : fr. 4,000 »
« Art. 5. Tribunaux de première instance et de commerce : fr.
839,830 »
- Ces articles sont adoptés sans discussion.
« Art. 6. Justices de paix et tribunaux de police : fr. 282,120 »
M. de Corswarem. - Messieurs, ainsi que la section centrale,
j’appelle de tous mes vœux le moment où le traitement des juges de paix sera
rendu digne de la position que ces magistrats doivent occuper dans la société
et digne des services qu’ils doivent lui rendre.
Mais en souhaitant cette amélioration dans leur position, je souhaite
aussi que tous comprennent leurs devoirs et s’en acquittent au plus grand
avantage des justiciables. Aujourd’hui, il en est quelques-uns, en très petit
nombre, fort heureusement, qui me paraissent ne pas en agir ainsi, aussi
souvent qu’ils le pourraient.
L’art. 13 de la loi du 25 mars 1841, sur la compétence en matière
civile, porte :
« Dans toutes les causes, autres que celles où il y aurait péril en
la demeure et celles dans lesquelles le défendeur serait domicilie hors du
canton ou des cantons de la même ville, le juge de paix pourra interdire aux
huissiers de la résidence de donner aucune citation en justice, sans qu’au
préalable il n’ait appelé, sans frais, les parties devant lui. »
Jamais aucune loi, concernant la procédure, n’a contenu de disposition
plus bienfaisante, plus vraiment heureuse.
La manière dont l’immense majorité des juges de paix usent de la faculté
d’appeler les parties sans frais devant eux est un véritable bienfait public.
Le nombre de dissensions auxquelles ils ont mis fin de cette manière et
les frais que, par là, ils ont épargnés aux justiciables, sont vraiment
étonnants.
Mais, par malheur, tous les juges de paix n’usent pas de cette faculté ;
il y en a même qui refusent d’en user, même lorsqu’une des parties le demande,
uniquement parce que, par là, ils craignent d’enlever leurs moyens de
subsistance aux huissiers et greffiers.
La loi n’oblige pas les juges de paix à faire comparaître les parties
sans frais, elle les autorise seulement à le faire ; ce n’est pas une
obligation qu’elle leur a imposée, c’est une latitude qu’elle leur a accordée ;
on ne peut donc forcer aucun juge de paix à faire comparaître les parties sans
frais.
Mais, comme il me paraît que la justice doit être rendue de manière à ce
qu’il y ait le moins de frais possible pour les justiciables, et non le plus de
frais possible pour le profil des huissiers et greffiers, je prendrai la
liberté de prier M. le ministre de la justice de vouloir engager les juges de
paix à faire comparaître les parties sans frais, chaque fois qu’une d’elles le
demandera.
Si l’introduction de cette disposition de la loi du 25 mars 1841 cause
une perte réelle aux greffiers, je ne m’opposerai pas à ce qu’on y ait égard
par la loi promise sur les traitements des fonctionnaires de l’ordre
judiciaire.
- L’art. 6 est mis aux voix et adopté.
Chapitre III. - Justice militaire
Articles
1 à 3
« Art. 1er. Haute cour militaire. Personnel : fr. 63,320 »
« Art. 2. Haute cour militaire. Matériel : fr. 5,000 »
« Art. 3. Auditeurs militaires et prévôts : fr. 41,253. »
- Ces articles sont adoptés sans discussion.
Chapitre IV. - Frais de justice
Articles
1 et 2
« Art. 1er. Frais d’instruction et d’exécution : fr. 679,000 »
« Art. 2. Indemnité pour le greffier de la cour de cassation, à charge
de délivrer gratis toutes les expéditions ou écritures, réclamées par le
procureur général et les administrations publiques : fr. 1,000 »
- Ces articles sont adoptés sans discussion.
Chapitre V.
Article
unique (projet du gouvernement)
« Article unique. Construction, réparations et loyer de locaux :
fr. 115,000 »
Articles 1 et 2 (projet de la section centrale
« Art. 1er. Constructions, réparations et loyer de locaux : fr.
65,000 »
« Art. 2. Supplément de subside à verser dans la caisse communale
de Gand, à cause de la construction du palais de justice, à charge pour la province
de fournir pareille somme : fr. 50,000. »
- L’art. 1er est mis aux voix et adopté.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) - La
section centrale a proposé une modification à la demande que j’avais faite. Le
gouvernement avait demandé, sans condition, 50,000 fr. comme supplément de
subside pour achever le palais de justice de Gand. La section centrale a mis à
cette allocation la condition que la province fournirait pareille somme.
J’aurais préféré qu’on ne mît pas cette condition. Néanmoins, je ne m’opposerai
pas à l’amendement de la section centrale ; car mon intention a toujours été
d’employer mes bons offices auprès de l’administration provinciale de
Je me rallie donc à l’amendement de la
section centrale.
M. Malou. - Je désirerais avoir une explication sur
la portée de cet article. Je demanderai s’il s’agit d’un subside unique, ou si
la législature doit être considérée comme engagée jusqu’à concurrence des
200,000 fr. réclamés par le conseil communal de Gand. Je ferai remarquer en
outre qu’il est assez inusité de subordonner le vote d’un crédit par la
législature au vote d’un crédit déjà rejeté par le conseil provincial. Il
s’agit d’une libéralité. Il est inusité, il est même en quelque sorte étrange
que l’on subordonne sa libéralité à celle d’autrui. Plus la législature
accorderait à l’administration communale de Gand, moins celle-ci aurait besoin
d’avoir recours à la générosité du conseil provincial.
Je demande donc si le subside est unique, et je fais observer que, dans
mon opinion, il n’y’a pas lieu de maintenir la condition du concours de la province.
M. le président. - La
parole est à M. de Man d’Attenrode.
M. de Man d’Attenrode. - Je désire
auparavant que M. le rapporteur veuille bien répondre à l’interpellation de
l’honorable préopinant.
M. Savart-Martel, rapporteur. - Le
budget est annuel ; donc, dans mon opinion, la chambre ne se lierait ici que
pour 1844.
Par la suite, si les mêmes raisons subsistent, il se peut que la chambre
continue le subside, mais elle n’y sera point engagée.
Quoique la ville de Gand me paraisse, rigoureusement parlant,
n’avoir pas à la charge de l’Etat un droit positif pour le supplément dont
s’agit, l’équité protège cependant sa demande. Ces motifs d’équité sont
expliqués amplement dans le rapport et justifiés par les pièces jointes. Je me
dispenserai de les développer ici, puisque les pièces ont été imprimées.
Messieurs, la ville de Gand dirige ses finances avec beaucoup d’ordre et
de sagesse ; Gand possède une des administrations modèles.
Son octroi est déjà fort élevé ; c’est, je
crois, l’un des plus onéreux. Lui refuser la subvention pétitionnée, serait la
mettre dans l’impossibilité d’achever un monument utile à la ville, mais utile
aussi à l’Etat et à la province.
Quant à la condition proposée de n’allouer le subside que dans le cas où
la province fournirait aussi pareille somme, la section centrale l’a crue
nécessaire, ne fût-ce que pour engager la province à fournir pareille somme
pour son contingent, et à revenir ainsi sur une première décision.
Enfin, la section centrale a cru qu’erreur étant intervenue dans
l’évaluation des constructions à faire, il ne serait pas convenable que l’Etat
profitât de cette erreur.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) -
Messieurs, je répondrai, à mon tour, à l’interpellation de l’honorable M.
Malou, que je n’entends contracter aucune espèce d’engagement pour les
exercices prochains. Comme vous l’a dit l’honorable M. Savart, les budgets
étant votés annuellement, le vote de cette année ne doit avoir aucune influence
sur celui de l’année prochaine. Si dans un an l’autorité communale de Gand
justifie qu’il lui est impossible de continuer la construction de son palais de
justice à l’aide des subsides qui lui ont été alloués, je verrai ce qu’il y
aura à faire et ce que je devrai vous proposer.
J’ai moi-même exprimé mes regrets, relativement à l’amendement de la
section centrale ; j’aurais préféré qu’on n’eût pas imposé l’obligation du vote
d’un subside par la province, et qu’on n’eût pas subordonné à ce vote
l’allocation votée par la législature. Mais il n’y a pourtant rien d’insolite à
ce qui vous est proposé par la section centrale ; c’est ce qui se pratique tous
les jours.
Lorsque le gouvernement accorde des subsides pour les édifices destinés
au culte, toujours il exige que la province contribue pour une part ; c’est ce
qui a lieu aussi, comme me le fait observer M. le ministre de l’intérieur, pour
les monuments. Déjà, par la loi du 2 juin 1838, l’obligation, pour la province,
de concourir à certaines dépenses a été établie ; de manière que ce principe se
trouve déjà législativement consacré.
Je crois devoir maintenant vous expliquer, en peu de mots, les motifs
pour lesquels le gouvernement a cru devoir vous demander un subside de 50,000
francs pour aider à l’achèvement du palais de justice de Gand.
Lorsque la cour d’appel de Gand a été établie par la loi de 1832, aucun
local n’était disposé pour la recevoir. Les autorités judiciaires ont été tant
bien que mal placées dans l’hôtel de ville, que l’administration communale de
Gand leur a généreusement prêté.
Le premier président de la cour et le procureur-général ont de suite réclamé pour obtenir un local convenable ; ils
se sont à plusieurs reprises adressés au gouvernement.
Le gouvernement, à son tour, s’est adressé à l’administration communale
de Gand, et lui a demandé ce qu’elle voudrait faire pour aider à fournir un
local, ou plutôt pour procurer un terrain sur lequel le palais pourrait être construit. L’administration communale a fait plusieurs
propositions. Par les premières elle offrait uniquement de donner gratis le
terrain sur lequel le palais de justice serait construit, et c’est à la suite
de cette proposition qu’une négociation s’est engagée entre gouvernement, la
province et la commune.
Par suite de cette négociation, une seconde proposition a été faite par
l’administration communale de Gand ; elle a offert de céder le terrain de la
plaine des Récollets, où est maintenant construit le palais de justice, si, de
leur côté, l’Etat et la province lui cédaient les bâtiments où se trouvaient le
tribunal de première instance et le tribunal de commerce, et de plus elle a
consenti à contribuer pour un quart dans la dépense totale que devrait coûter
la construction du palais.
A la suite de cette offre, on engagea la régence de Gand à faire faire
un plan ; ce plan fut fait, et un devis fut également préparé.
Ce devis montait à la somme de 820,000 fr. Le devis ainsi que le plan
furent communiqués au gouvernement, qui les soumit à la commission des
monuments. Quelques observations furent faites par cette commission et adoptées
par l’architecte de la ville de Gand, ainsi que par l’administration communale.
A la suite de cet examen, la ville s’engagea à bâtir le palais de justice
moyennant un subside de 300,000 francs qui lui serait accordé par l’Etat, et un
subside égal qui lui serait accordé par la province.
L’Etat demanda alors à la ville, avant de faire liquider le subside
voté, un devis détaillé de la dépense à laquelle monterait la construction du
palais de justice. La régence répondit qu’il lui était impossible de fournir ce
devis détaillé, attendu que le terrain sur lequel le palais devait être
construit, était encore encombré d’autres constructions, et qu’on ne pouvait
ainsi faire les opérations nécessaires pour obtenir un devis exact et détaillé
; que néanmoins, elle s’était de nouveau adressée à l’architecte, et que celui-ci,
s’appuyant aussi sur l’avis de la commission des monuments, avait affirme que
le devis ne dépasserait pas 820,000 fr. La ville alors éleva, par précaution,
cette somme à 900,000 fr., et bien qu’elle n’eût pu fournir un devis et qu’elle
en eût fait connaître les motifs, le gouvernement consentit à prendre part à la
dépense pour une somme de 300,000 fr.
Mais ce palais, qui était évalué à 900,000 fr., coûtera une somme de
beaucoup supérieure.
D’après les derniers documents qui ont été fournis par M. le gouverneur
de la Flandre orientale, le montant des adjudications faites avec
l’autorisation de l’autorité provinciale, s’élève à 1,066,68
fr.
Le montant des adjudications encore à faire est évalué à 209,518 fr.
Total, 1,276,205 fr.
Par conséquent, il y a une différence de 376,215 fr. C’est cette somme pour
le payement de laquelle l’autorité communale demande un subside.
Messieurs, en strict droit, il me paraît évident que l’autorité
communale de Gand s’étant engagée de la manière la plus formelle à construire
le palais de justice avec les subsides alloues par le gouvernement et la
province, ne peut rien exiger ; mais il me paraît, d’un autre côté, que,
d’après les principes de l’équité, sa demande ne peut être refusée. D’après les
explications dans lesquelles je viens d’entrer, on voit, en effet, que l’erreur
commise par la ville de Gand, ne peut pas, à bonne justice, lui être imputée,
puisqu’elle a été motivée par des déclarations souvent réitérées de son
architecte, déclarations confirmées par la commission des monuments à laquelle
avaient été soumis le plan et le devis.
Le gouvernement a été dans la même erreur que la ville de Gand. Car,
s’il ne l’avait pas partagé, évidemment lui, qui est le tuteur des intérêts des
villes, n’aurait pas toléré que la ville de Gand s’engageât dans une dépense
aussi considérable.
Il est de plus à remarquer que la ville de Gand était, d’après la loi,
tenue à des obligations peu étendues. Elle ne doit fournir de locaux que pour
les tribunaux de simple police et pour les justices de paix. Or, il s’agissait
de faire un palais de justice pour le tribunal de première instance, pour le
tribunal de commerce, pour la cour d’assises et pour la cour d’appel, ce qui
constituait une charge pour la province et pour l’Etat.
La ville de Gand a consenti à donner un terrain évalué à 584,000 fr.
elle fera en outre une dépense d’au-delà de 500,000 fr. Il paraît donc
équitable que la province et l’Etat viennent à son secours et ne le fassent pas
souffrir des erreurs involontaires qu’elle a pu commettre, et qui, je le
répète, ne sont pas imputables à elle seule.
En allouant cette année 50,000 fr et en supposant un nouveau subside
accordé l’année prochaine, la part de l’Etat sera d’environ 400,000 francs. Si
la ville de Gand n’avait rien voulu faire, si la province n’avait rien fait non
plus, l’Etat aurait néanmoins dû faire construire à Gand un bâtiment convenable
pour la cour d’appel, il aurait dû acheter un terrain, et tout cela aurait
coûté au-delà 400,000 fr.
Il me semble donc, messieurs, que lors qu’on
l’envisage sous le point de vue de l’équité, la question doit être tranchée en
faveur de la ville de Gand, et j’espère que la chambre n’hésitera pas à voter
le crédit demandé, crédit qui est indispensable â l’achèvement d’un monument
des plus remarquables.
La cour d’appel de Gand est logée maintenant d’une manière très peu
convenable, elle se trouve dans des bâtiments qui lui ont été abandonnés
gratuitement par la ville depuis 1832. Depuis cette époque la régence de Gand
aurait été en droit de demander un loyer assez considérable, du chef des locaux
occupés par la cour d’appel et par la cour d’assises ; elle n’en a rien fait.
Il me semble qu’on doit aussi lui tenir compte de la manière généreuse dont
elle s’est conduite dans cette circonstance.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, par
sa délibération du 16 mars 1836, le conseil communal de la ville de Gand prit
l’engagement formel de se charger de la construction d’un palais de justice,
moyennant des subsides de l’Etat et de la province, subsides qui se sont élevés
à 600,000 fr.
Pour vous convaincre combien cet engagement a été formel, pour vous
convaincre jusqu’à quel point le conseil communal s’est rendu responsable de
cette construction, quelle qu’en dût être la dépense, pour vous convaincre qu’il
a agi avec toute connaissance de cause, il est essentiel que vous me permettiez
d’arrêter un instant votre attention sur cette délibération, base de toute
cette affaire.
Dès le début de la séance du 16 mars, un membre du conseil municipal
souleva sagement une question préjudicielle, importante, qui aurait dû être
mieux accueillie ; ce membre fit observer qu’il serait nécessaire (je cite
textuellement le passage de sa délibération), qu’il serait nécessaire, avant de
prendre l’engagement de construire ledit palais au moyen des subsides offerts
par l’Etat et la province, d’avoir sous les yeux un devis détaillé de la
dépense à faire, afin que le conseil pût s’assurer que la dépense n’excéderait
pas 900,000 fr. Il fait la motion d’adopter le rapport, moyennant d’y ajouter
cette modification.
Mais aussitôt un autre membre répliqua : « que le conseil a déjà
fait l’offre de se charger des dépenses de construction de ce palais, moyennant
un subside de 300,000 fr. de l’Etat et d’un pareil subside de la province, outre
l’abandon du bâtiment du tribunal civil ; qu’il ne s’agit actuellement que de
décider, si on acceptera ou non l’une ou l’autre des offres mentionnées dans la
lettre du comité de conservation ; que la proposition tend à remettre le tout
en question, et à ajourner pour plusieurs mois l’exécution de cette
construction, qui intéresse entièrement la ville. »
La motion faite au début de la discussion ayant été mise aux voix elle
est rejetée par 19 voix contre 4.
En conséquence, dit la délibération, la ville se chargera de la
construction d’un palais de justice, conformément aux conditions stipulées,
etc.
Ainsi vous le voyez, messieurs, la grande majorité du conseil municipal
n’a pas voulu connaître, ou plutôt faire connaître ce que coûterait le projet
du palais de justice ; il lui suffisait qu’elle pût disposer des 600,000 fr. de
subsides pour que la construction du palais de justice fût mise à la charge de
la ville de Gand, pour qu’elle en fît son affaire, pour qu’en un mot elle en
prît la responsabilité.
Peu après, le gouverneur de la province, par lettre du 21 avril, informa
le conseil communal que le gouvernement était disposé à traiter concernant la
construction du palais de justice d’après les bases posées dans la lettre des
bourgmestre et échevins, sauf une légère modification concernant l’usage des
locaux destinés aux assises judiciaires ; et ce haut fonctionnaire terminait en
informant que M. le ministre de la justice attendait les plans et devis
détaillés.
Les bases principales étaient les suivantes :
La ville de Gand devenait propriétaire du monument à construire, à
charge d’affecter à perpétuité l’usage de certains corps judiciaires les locaux
qui leur étaient destinés ; l’exécution des travaux était confiée à l’autorité
municipale ; elle devait avoir lieu sur des devis et des conditions à soumettre
à l’autorité provinciale ; la réception des matériaux se faisait par des
commissaires nommés par le gouvernement, la province et la ville. Ces trois
autorités avaient la faculté de surveiller les travaux, mais l’Etat et la
province ne pouvaient se mêler de la direction des travaux ; la réception
devait s’effectuer par les trois parties intéressées, etc.
Le conseil, en adoptant la légère modification concernant l’usage des
locaux, fit la réponse suivante quant à la remise des plans et devis :
« Il sera impossible de les envoyer, par le motif que le terrain
devant être entièrement déblayé et les anciennes constructions du couvent des
ci-devant Récollets démolies, avant que l’architecte puisse, avec connaissance de
cause, prendre ses dispositions pour l’assiette des fondations, il ne pourra
s’occuper du devis de cet ouvrage qu’après l’exécution de ces travaux ; qu’en
outre l’intention du conseil est de procéder à la construction par devis et
adjudications séparées... l’expérience ayant démontre que ce mode de
construction est le plus favorable sous le rapport de l’économie et de la bonne
exécution des travaux.
Cette réponse inexplicable, conforme d’ailleurs au système qui avait
fait rejeter la motion, faite au conseil, sur la nécessité d’avoir un devis
détaillé ; cette réponse absurde, dont le gouvernement a paru se contenter,
puisqu’il n’a plus insisté pour connaître officiellement le chiffre des
dépenses de cette construction, cette réponse ne peut s’expliquer que d’une
manière : c’est qu’un devis détaillé eût fait connaître dans quelles dépenses
exorbitantes on s’engageait, c’est que la connaissance de ces dépenses eût fait
rejeter les plans dont l’amour-propre, la vanité locale voulaient a tout prix
l’exécution. On savait fort bien que 900,000 fr. étaient insuffisants, et l’on
songea que le plus sûr moyen d’assurer l’exécution, c’était de commencer les
travaux, les yeux fermés, quant aux dépenses ; qu’une fois les travaux terminés
ou presque terminés, on trouverait bien moyen de les faire payer, au moins en
partie, par le trésor public, que le parlement, si facile à voter des dépenses
d’intérêt local, voterait bien encore l’excédant inévitable !
Le 14 juin suivant, le comité provincial, sans exiger la production préalable
des devis détaillés, se contentant sans doute de la réponse de la ville de
Gand, que j’ai mentionnée plus haut, accepta les propositions du conseil
communal, et un arrêté royal accorda un subside de 300,000 fr., se basant sur
les clauses et conditions du conseil communal et du comité provincial, et rien
de plus, quant aux devis, ne fut exigé. La ville de Gand se chargeait de la
construction du palais de justice, elle en devenait propriétaire ; l’exécution
des travaux était confiée à la ville sur des devis à soumettre à l’approbation
de l’autorité provinciale. Le gouvernement veillait à la réception des
matériaux, il pouvait même surveiller la bonne exécution, mais il ne pouvait se
mêler de la direction.
Le gouvernement ayant pris des mesures pour limiter ses subsides, il
crut sans doute n’avoir plus d’autre mission à remplir que celle de surveiller
le bon emploi de ses subsides, car il abdiquait toute quote-part dans la
direction ; et comme l’autorité municipale se l’était réservée à elle seule,
elle put diriger les travaux comme elle l’entendit, alors surtout qu’elle
n’était pas circonscrite dans les limites d’un devis.
Ainsi donc la ville de Gand s’est chargée, à ses risques et périls,
moyennant des subsides convenus, de la construction d’un palais, dont son
conseil n’a pas voulu connaître le devis ; le gouvernement a accordé des
subsides et a autorisé la ville de Gand à s’engager dans cette entreprise sans
exiger la production préalable d’un devis, qui doit être la base de toute
entreprise semblable.
Le gouvernement a cru avoir rempli sa mission en posant des limites à
l’intervention de l’Etat, quant aux subsides ; cependant la tutelle qu’il a à
exercer sur les intérêts communaux aurait dû lui faire pousser son intervention
plus loin, il n’aurait pas dû laisser la ville de Gand se hasarder dans cette
entreprise, sans lui poser des limites ; ce qui se passe aujourd’hui justifie
suffisamment l’opinion que je viens d’émettre.
Aussi que voyons-nous ? l’autorité municipale a si bien dirigé les
travaux à elle seule, comme elle l’a voulu, et sans devis détaillé, qu’elle
vient nous déclarer un excédant de dépenses de 691,931 fr. dont elle nous prie
tout simplement de nous charger pour un tiers, et cela sous peine de voir les
travaux de construction restés inachevés.
On nous demande de nouveaux subsides, que nous ne pouvons refuser sans
blesser la justice, car la ville de Gand ne saurait être responsable, elle ne
saurait devenir victime d’une erreur qui n’est pas de son fait qu’elle, pas
plus que l’Etat et la province n’ont pu ni prévoir, ni deviner, etc. ; qu’il
serait contraire à la dignité, à la délicatesse du gouvernement, de vouloir
faire profit, au préjudice de la ville, d’une méprise manifeste commise par un
architecte, et que dans l’espèce, cela serait d’autant plus injuste, que cet
artiste n’a pas travaillé pour elle seule et sous sa direction exclusive, etc.
Mais qui donc s’est obstiné à ne pas vouloir de devis estimatif des
dépenses ? à vouloir marcher dans les ténèbres ? ce n’est, à coup sûr, pas le gouvernement. Qui est-ce qui
s’est réservé la direction exclusive des travaux, afin de les mener où ils en
sont aujourd’hui ? Ce n’est pas le gouvernement. Qui est-ce qui a pris la
responsabilité de l’exécution d’un palais de justice moyennant des subsides de
600,000 fr. ? ce n’est pas le gouvernement. Qui est-ce
qui a manqué à ses engagements ? ce n’est certes pas
le gouvernement.
Et nous entendrons dire, pour remercier, sans doute, la législature des premiers
subsides qu’elle a votés, que nous ne pouvons en refuser de nouveaux sans
commettre une injustice ! c’est ce que je ne puis
admettre.
L’on nous dit qu’on n’a pu prévoir les dépenses, ni les deviner ; mais
il est clair qu’on n’a pas voulu les prévoir ; on s’est trompé, parce qu’on a
voulu se tromper ; et on a voulu se tromper, parce qu’on s’est fié à la
faiblesse d’un gouvernement qui, comme le disait notre honorable collègue M. de
Mérode, le 25 août 1842 : « en finances, ruine l’Etat par des ménagements
pour toutes les exigences auxquelles il accorde la dilapidation des ressources
publiques sans oser en même temps demander et vouloir des impôts équivalents
aux dépenses, que l’importunité leur arrache. »
Eh bien, quant à moi, je ne le suivrai pas dans cette voie, N’avons-nous
pas vu, il y a peu de semaines, le gouvernement lutter contre le retour à
l’Etat d’un domaine public, parce qu’une province trouvait bon de continuer à
jouir de ses produits, et ne l’accepter qu’avec un amendement défavorable au trésor
public ; et quand il s’agit d’une dépense qui ne peut être que le résultat
d’une intrigue dont le pouvoir actuel a été la dupe, on vient nous la proposer.
Je suis d’ailleurs fondé à me refuser à cette dépense, car nos recettes, nos
voies et moyens ne balancent pas nos dépenses, et je suis décidé à rejeter
toutes celles qui ne sont pas nécessaires à assurer la marche du gouvernement.
J’ajouterai une dernière considération lors de la discussion générale du
budget en discussion, on nous a fait le tableau le plus hideux de l’état moral
de nos prisons ; qu’y a-t-on répondu ? C’est que le seul moyen de travailler
efficacement à l’amélioration des condamnés, c’est de les isoler ; mais que
malheureusement cette mesure d’isolement coûterait des sommes considérables,
qu’on ne sait où chercher. La question de la moralisation des détenus est donc
une question d’argent ; et c’est quand on n’a pas de quoi chercher à atténuer
le mal qui mine la société, qu’on nous propose des dépenses qu’en dernière
analyse, n’ont d’autre résultat que les embellissements d’une grande et riche
cité ; quant à moi, je le répète, je ne puis m’associer à cette dépense dans
les circonstances où nous sommes.
Ce que vient de dire l’honorable ministre de
la justice fortifie encore le parti que je crois devoir prendre : on ne nous
demande que 50,000 francs pour l’exercice courant ; il n’y a pas d’engagement
pour combler le reste du déficit, nous dit-on, mais vous pouvez compter,
messieurs, que si nous votons la somme proposée par le gouvernement, pour la
présente année, ce sera une espèce d’engagement indirect pour voter les autres
sommes nécessaires pour terminer le palais de justice commencé ; le refus d’y
contribuer de la part de la province n’est pas de bon augure ; je le répète, si
nous accordons 50,000 francs cette année, il est positif que nous serons
obligés de voter encore 200,000 francs, au moins les années suivantes, car dans
la supposition que la province accorde un tiers, nous aurons encore à en
accorder au moins 230,000 fr. pour faire la part à laquelle on nous a taxés, ce
qui fera 530,000 fr. avec les sommes déjà accordées.
M. le président. - Voici un
amendement qui vient d’être déposé par M. Malou.
« Art. 2. Subside unique pour l’achèvement du palais de justice de
Gand : fr. 50,000 fr. »
La parole est à M. Malou pour développer cet amendement.
M. Malou. - Messieurs, lorsque j’ai soumis tout à
l’heure à M. le ministre de la justice la question de savoir s’il s’agissait de
voter un subside unique ou de prendre une espèce d’engagement pour les années
suivantes, j’étais surtout préoccupé de l’état de nos finances. Nous sommes
tous d’accord qu’il faut introduire dans nos dépenses toute l’économie
possible. Je désire que, d’accord sur ce principe général, nous le soyons
également dans les détails, et c’est pour en faire une application que je
propose de restreindre cette dépense dans des limites raisonnables.
Il y a, messieurs, un autre principe en jeu. En 1836, le gouvernement a
fait avec une ville un contrat à forfait dans le sens le plus absolu. C’est ce
qui résulte de toutes les pièces qui nous ont été remises. Il faut des motifs
très graves pour se départir d’un semblable contrat, sans cela la législature
ne saurait jamais à quoi elle s’engage en votant des subsides pour des travaux
qui doivent être exécutés à forfait par des provinces ou par des communes.
Il est un point non moins important que les explications données
jusqu’ici n’ont pas éclairci. Il paraît que des plans avaient été faits, qu’un
devis sommaire avait été dressé, mais, ainsi que l’honorable M. de Man l’a fait
remarquer, la régence a expressément rejeté la demande de subordonner son
engagement de construire le palais de justice à la production d’un devis
détaillé, raisonné, entièrement satisfaisant. L’on ne nous dit point si les
plans qui avaient été faits ont été suivis, et j’ai lieu de croire qu’ils ont
été modifiés dans l’exécution.
Je demanderai des explications à cet égard. Si en effet, moyennant les
subsides qui lui ont été accordés, la ville de Gand s’est chargée de construire
le palais de justice à forfait, et si des changements apportés aux plans, en
dehors de l’action du gouvernement, ont entraîné une augmentation considérable
de dépenses, il est évident qu’en équité même la ville de Gand ne pourrait rien
réclamer du gouvernement.
On paraît concevoir des craintes sur l’achèvement du palais de justice
de Gand. Je crois, messieurs, que ces craintes ne sont pas fondées. Le palais
de justice de Gand est, pour ainsi dire, achevé ; la bonne administration
financière de la ville de Gand et le respect que cette ville a pour ses
engagements, nous sont des gages certains que le palais de justice sera achevé.
La ville de Gand a pris, en effet, un engagement formel, et je ne puis croire
qu’à défaut d’une somme plus ou moins forte, elle voulût arrêter les travaux.
Je propose, messieurs, de dire « subside
unique, » et à cet égard je rappellerai un précédent. Lorsqu’il s’est agi
du petit séminaire de Saint-Trond, on a demandé comme je le demande
aujourd’hui, si le subside réclamé serait un subside unique, et sur la réponse
négative du gouvernement, on a proposé d’accorder le crédit à titre de subside
unique, certainement, un pareil vote n’engage pas la législature à proprement
parler, mais un pareil vote est une démonstration des intentions de la chambre
: elle dit au gouvernement : « je consens à voter telle somme, mais je ne
veux pas aller au-delà ; ainsi, l’année prochaine vous ne reproduirez plus la
demande d’un semblable crédit. » Que résulterait-il, au contraire, de
l’adoption de la proposition de la section centrale, surtout après les
explications qui ont été données ?
Il en résulterait qu’il y aurait préjugé en faveur du vote d’un nouveau
crédit au budget de l’année prochaine. C’est, messieurs, ce que je n’ai pas
voulu. Dans les circonstances que j’ai rapidement rappelées à la chambre. Je
crois qu’il y a lieu, tout au plus, à accorder une somme de 50,000 fr. comme
subside unique, en considération des grandes dépenses qui ont été faites pour
la construction de ce palais.
M. de Saegher. - Messieurs, je viens avec une conviction
profonde développer les motifs que j’ai fait valoir, dans la section centrale,
en faveur de l’allocation portée au budget pour le palais de justice de Gand.
Ces motifs ayant prévalu dans la section centrale, j’ose espérer d’être assez
heureux pour les voir adopter également par la chambre.
Qu’il me soit permis, messieurs, de faire connaître d’abord quelques
faits et quelques circonstances qui se rattachent à cette affaire et qui
réfuteront, j’espère, les assertions produites par les honorables préopinants.
Par lettre en date du 24 décembre 1833, M. le premier président de la
cour d’appel de Gaud s’adressa à M. le ministre de la justice, à l’effet
d’obtenir la construction d’un palais de justice qui était devenu indispensable
à Gand. Dans sa lettre, M. le premier président fit connaître à M. le ministre
que si le gouvernement voulait concéder, dans le palais de justice à construire,
un local destiné à la bourse de commerce, la ville de Gand s’engagerait
probablement très volontiers à céder gratuitement un vaste terrain qu’elle
possédait sur l’emplacement des anciens Récollets. Il ajouta que peut-être la
ville de Gand consentirait, en outre, à contribuer au moins pour une somme
modique dans la construction du palais de justice. Le 7 janvier suivant, M. le
ministre de l’intérieur s’adressa au gouverneur de la province, en lui faisant
connaître les circonstances relatées dans la lettre du premier président, et en
priant le gouverneur de vouloir entrer en relations avec l’administration de la
ville, à l’effet de savoir à quelles conditions la ville de Gand voudrait céder
son terrain de la plaine des Récollets. En même temps, le ministre de
l’intérieur priait le gouverneur de vouloir lui donner un devis ou état
estimatif de la dépense approximative à faire pour la construction du palais de
justice. Le gouverneur crut devoir s’adresser, à cet effet, à la régence de
Gand. Celle-ci fit un rapport dans lequel elle indiqua simplement, et par forme
de consultation, quels étaient les terrains les plus propres à servir
d’emplacement au palais de justice. A la fin de ce rapport, la régence offrit
au gouverneur de faire dresser par l’architecte de la ville un devis estimatif
de la dépense à faire.
Vous voyez, messieurs, qu’ici l’initiative a été prise par le
gouvernement. C’est le gouvernement qui, par l’intermédiaire du gouverneur de
la province, s’est adressé à la régence de Gand, à l’effet l’obtenir un plan et
un devis estimatif. Alors il ne s’agissait pas, messieurs, de faire contribuer
la ville de Gand pour une somme beaucoup plus forte que celle pour laquelle
contribueraient les parties intéressées à la construction du palais, alors il
s’agissait uniquement d’amener la ville à céder gratuitement son terrain de la
plaine des Récollets, et à contribuer, s’il était possible, pour une somme
modique dans les frais de construction.
Messieurs, c’est donc au gouverneur que le gouvernement s’est adressé pour
obtenir le devis estimatif, et c’est officieusement, comme toutes les pièces en
font foi, que la ville de Gand a offert de faire dresser un plan pour la
construction du palais de justice.
Je tiens, messieurs, à faire cette remarque, parce que ce plan dressé
par l’architecte de la ville de Gand, mais demandé par le gouvernement, est la
source de l’erreur dont on veut faire peser aujourd’hui toutes les conséquences
sur la ville de Gand.
Le plan ayant été dressé par l’architecte de la ville, fut soumis au conseil
en séance du 25 janvier 1835. D’après le devis, les frais de l’exécution de ce
plan devaient s’élever à la somme de 820,000 fr. Le conseil délibéra ensuite
sur la part pour laquelle la ville contribuerait dans la dépense, dans la
supposition que le Palais de justice serait construit conformément au plan,
c’est-à-dire qu’il comprendrait non seulement des locaux pour la cour d’appel,
mais encore des locaux pour le tribunal de première instance, pour la bourse de
commerce, pour la chambre de commerce et pour le tribunal de simple police.
La ville alors, majorant ses premières propositions, offrit d’abord de
céder son terrain, à la condition qu’on cédât l’ancien local du tribunal civil
; elle offrit, en second lieu, de contribuer pour un quart dans la dépense
totale qui serait nécessaire pour la construction du palais de justice.
Messieurs, je dois appeler votre attention sur le considérant qui motive
la délibération dont il s’agit, voici ce que porte en substance ce considérant
:
« Considérant que la ville de Gand doit contribuer dans la construction
d’un palais de justice, à raison de l’établissement d’une bourse de commerce et
du tribunal de police ; la province, à raison des locaux qu’elle doit fournir
pour la cour d’assises, les tribunaux civil et de commerce ; l’Etat, à raison
des locaux pour la cour d’appel des deux provinces… »
Ici, vous le remarquerez, messieurs, se révèle déjà l’esprit qui a
présidé à toutes les négociations entre la ville de Gand, l’Etat et la
province, Chaque partie devait contribuer dans les frais de construction à
raison des obligations qui lui incombaient pour les locaux à fournir par elle.
Dans toutes les correspondances, dans toutes les négociations qui ont eu
lieu, c’est cet esprit qui a constamment dominé.
La délibération que je viens de rappeler fut envoyée à M, le ministre de
l’intérieur, ainsi que tous les plans et coupés du palais, et le devis global
de la dépense.
M. le ministre de l’intérieur soumit cette délibération à la commission
des monuments, qui s’occupa de cet objet le 30 et le 31 mars 1835.
La commission fit des changements notables au plan. L’ensemble de ces
changements s’élevait à une somme d’au-delà de 250,000 francs.
Et cependant, dans la réunion de la commission des monuments,
l’architecte, qui faisait partie de cette commission, déclara que ces
changements n’augmenteraient pas les frais de la construction. Cette
déclaration fut acceptée par la commission sans la moindre objection.
Comment l’architecte a-t-il été amené à faire cette déclaration ?
Comment la commission a-t-elle pu croire que les changements notables qu’elle
avait exigés n’augmenteraient pas les dépenses ? C’est ce que nous ignorons,
c’est ce que nous ne devons pas examiner en ce moment. Ce qu’il importe de
constater, c’est que la commission a fait au plan des changements, sans
indiquer qu’un surcroît de dépenses serait nécessaire de ce chef, sans même
faire connaître à la ville les changements qu’elle avait apportés au plan, et
cependant il ne s’agissait pas alors de faire un contrat à forfait, il ne
s’agissait que d’arrêter un plan qui devait servir de base aux négociations à
ouvrir entre l’Etat, la province et la ville.
Au mois d’août 1835, M. le ministre de la justice fit un voyage à Gand,
et ce fut à la suite des conférences qu’il eut dans cette ville, que ce haut
fonctionnaire offrit de faire contribuer l’Etat dans la dépense totale pour
300,000 francs, soit pour plus d’un tiers.
Cette offre fut ratifiée postérieurement par la chambre, alors que la
ville de Gand n’offrait qu’un quart. Il suffit de consulter le rapport de la
section centrale de cette époque, pour se convaincre que la ville de Gand
n’offrait qu’un quart de la dépense totale. Et cependant la chambre, comme le
gouvernement, offrit de contribuer pour une somme de 300,000 fr. dans les
dépenses évaluées à 820,000 francs. Il est donc évident que l’intention du
gouvernement et de la chambre était de contribuer au moins pour un tiers de la
dépense.
L’offre faite par M. le ministre de la justice est ratifiée par les
chambres fut acceptée par le conseil communal de Gand dans une séance du 2 mars
1836.
Il sera utile, messieurs, de vous faire connaître le rapport préalable à
cette acceptation, rapport fait par une commission spéciale nommée au sein du
conseil communal de Gand.
Ce rapport fait remarquer en premier lieu : que les locaux à fournir par
l’Etat doivent prendre plus d’un tiers de la totalité du bâtiment ; qu’il est
donc juste que l’Etat contribue au moins pour un tiers ; en second lieu, que la
province devant également contribuer à raison des locaux destinés aux tribunaux
civil et de commerce, il est juste qu’elle intervienne aussi dans la dépense
pour un tiers ; en troisième lieu, que le nouveaux locaux, quant à la ville de
Gand, ne lui sont pas absolument indispensables ; que cependant la ville est
disposée accepter l’offre faite par le gouvernement.
Ainsi, messieurs, il résulte de ce rapport que l’intention évidente de
la régence de Gand, en acceptant le subside de l’Etat et de la province, était
de contribuer au maximum pour un tiers, dans la pensée que l’Etat et la
province contribueraient également, chacun de son côté, pour un tiers du
chiffre total de la dépense.
Par sa résolution du 16 mars 1836, la ville de Gand accepta
définitivement la construction du palais de justice dans les termes suivants :
« La ville de Gand prend l’engagement de faire construire, à ses frais,
un palais de justice, conforme aux plans approuvés par l’Etat, la province et
la ville et qui seront signés, ne varientur. »
Le 29 mars suivant, la section centrale prit une nouvelle résolution,
portant en substance que l’exécution des travaux de construction, confiés à la
ville de Gand, aura lieu d’après le devis et les conditions à soumettre à
l’autorité provinciale ; que la réception des travaux sera faite par trois
commissaires que nommeraient les trois parties intéressées ; que l’Etat et la
province pourront faire surveiller les travaux.
Ainsi, d’après toutes les circonstances que nous venons d’énumérer, et
notamment d’après les conditions dont je viens de donner communication, il est
patent que l’intention de toutes les parties était de contribuer, chacune, pour
un tiers.
Les constructions furent commencées en 1837. On procéda par devis
séparés qui tous furent soumis à la députation provinciale et approuvés par
elle. C’est seulement alors qu’on s’aperçut et qu’on peut s’apercevoir de
l’erreur grave qui avait été commise par l’architecte et par la commission des
monuments.
Voila, messieurs, les faits dans toute leur simplicité.
Maintenant, la question que la chambre est appelée à résoudre, est celle
de savoir par qui doit être supporté l’excédant de la dépense. Et-ce par la
ville de Gand seule ? Est-ce par les trois parties contractantes, auxquelles
incombait primitivement l’obligation de construire en commun un palais de
justice ?
Messieurs, je n’examinerai pas la question sous le rapport du strict
droit. Je n’invoquerai pas la disposition de l’art. 1156 du code civil d’après
lequel on doit, dans les conventions, rechercher quelle a été la commune
intention des parties contractantes, plutôt que de s’attacher au sens littéral
des termes.
Je pourrais peut-être le faire, avec quelque avantage, et à cet égard,
je ne suis nullement d’accord avec M. le ministre de la justice ; je pourrais
peut-être soutenir que l’intention des parties contractantes est évidente,
qu’il est manifeste que dans l’esprit de toutes les parties, chacune d’elles
devait contribuer pour un tiers, et que la ville de Gand a été simplement
chargée de l’exécution des travaux. Mais j’aime mieux m’adresser ici à l’équité
de la chambre.
Messieurs, l’équité, ainsi que vous l’a dit un honorable orateur dans
une occasion récente, c’est la seule loi des assemblées législatives, c’est le
cri de la conscience et de la raison. C’est cette équité que nous venons
invoquer devant vous.
D’abord, quelles étaient les obligations primitives de chacune des
parties ? L’Etat devait fournir, sans exception, tous les locaux nécessaires à
la cour d’appel des deux Flandres ; la province devait fournir généralement
tous les locaux nécessaires au tribunal de première instance, plus un local
pour le tribunal de commerce et un local pour la tenue des séances de la cour
d’assises.
Ainsi, en justice comme en équité, la ville de Gand ne devait pas même
fournir un tiers des bâtiments du palais de justice de Gand. Aussi croyons-nous
avoir démontré que l’intention de toutes les parties, jusqu’à la fin des
négociations, a été que chacune d’elles contribuait également pour un tiers
dans la dépense. Pourquoi donc ne plus suivre cette intention manifeste, quand
il est reconnu qu’il y a erreur ?
Parce que, dit-on, et c’est l’honorable M. de Man qui a fait cette
objection, parce que la ville de Gand a traité à forfait, parce qu’on peut lui
opposer un contrat en due forme, parce que la ville s’est légalement engagée et
qu’elle ne peut pas se soustraire à ses obligations.
Veuillez faire attention, messieurs, qu’en employant de semblables
arguments, on invoque contre la ville de Gand les règles rigoureuses du strict
droit. Mais dans les circonstances actuelles, je vous le demande avec
confiance, cela est-il bien équitable ? Non, sans doute car la ville de Gand a
accepté la convention, parce que, dans sa pensée comme dans la pensée des
autres parties contractantes, les constructions ne devaient coûter que 820 à
900 mille francs. Si elle avait cru que les dépenses pussent aller au-delà,
elle n’aurait pas signé le contrat qu’on vient lui opposer aujourd’hui. Encore
une fois, pensez-vous qu’il soit conforme à l’équité que la ville de Gand supporte
seule le résultat d’une erreur manifeste ? oui, je
m’empresse de le reconnaître, si l’erreur provient d’une faute grave commise
par la ville, si c’est à elle qu’on peut imputer la faute d’où résulte
l’excédant de dépenses à faire pour la construction du palais de justice de
Gand.
Examinons donc encore ce point.
D’abord, il est incontestable que, dans toute cette affaire, la ville de
Gand a été de bonne foi ; il est évident que les magistrats de la ville n’ont
su que lorsque les travaux étaient commencés depuis longtemps, qu’il existait
une erreur grave dans le devis qui leur avait été présenté. On a voulu mettre
ce fait en doute. Pour vous le prouver, il me suffira de vous faire remarquer
que ce devis n’avait pas été seulement examiné par l’architecte de la ville,
mais qu’il avait été soumis à un grand nombre d’architectes du royaume et à la
commission des monuments publics, établie à Bruxelles. Vous en avez la preuve
dans un rapport qui a été fait à la chambre par M. le ministre de la justice au
sujet de la construction d’un palais de justice à Bruxelles.
Voici ce que nous trouvons dans ce rapport :
« Cependant, je dois ajouter que, dans ma pensée, ce plan n’est pas
définitif. Il y a toute nécessité d’avoir un palais qui satisfasse aux besoins
des divers corps judiciaires ; mais l’intérêt des arts et de la capitale exige
que le plan de ce monument soit soumis l’examen de tous les hommes spéciaux, de
tous les artistes. C’est ce qui a eu lieu lorsqu’il s’est agi de bâtir un
palais de justice à Gand ; le premier plan vous a été communiqué ; il a été
soumis ensuite à tous les architectes rivaux de l’auteur du plan, à la
commission placée près du ministère de l’intérieur, dite commission des
monuments. Des modifications ont été introduites dans le plan par cette
commission pour l’embellissement de l’édifice. Je me propose d’en agir de même
pour le palais de justice dont il s’agit aujourd’hui. »
Ainsi, voilà ce plan qui cependant contenait des erreurs, qui a été
soumis à tous les architectes rivaux de l’auteur et à la commission des
monuments ; les erreurs n’ont pas été découvertes par ces hommes de l’art,
elles n’ont pas été signalées à la ville de Gand, et on voudrait la rendre
responsable de ces erreurs.
Messieurs, nous disons que la ville de Gand ne peut pas être seule
responsable de cette erreur, puisque l’erreur a été commise par l’architecte
Roulant, qui, dans cette circonstance, n’était pas l’architecte de la ville,
mais l’architecte des trois parties auxquelles incombait la construction du
palais de justice. Pour en avoir la preuve, vous n’avez qu’à vous reporter aux
premières négociations, desquelles il résulte que c’est à la demande du
gouvernement que le plan avait été fait, et que ce plan devait servir de base
aux négociations. Donc ici l’architecte n’a pas agi au nom de la ville seule.
J’invoque de plus la circonstance que je vous ai fait connaître tout à l’heure,
que ce plan a été soumis à la commission des monuments ; c’est cette commission
qui a fait des changements au plan, et cependant n’a fait connaître aucune des
modifications à l’administration de la ville. Comment voulez-vous que la ville
de Gand seule soit responsable d’une omission faite par une commission
gouvernementale ? Enfin l’erreur est commune aux trois parties. En effet, vous
avez vu par la résolution du 29 mars, que l’Etat et la province avaient le
droit de surveiller, d’examiner, d’approuver les devis ; qu’ils devaient
procéder à l’examen et à la réception des travaux. Ainsi l’Etat comme la
province, devait s’enquérir des erreurs qui pouvaient exister. De tout ce que
nous venons de dire, nous croyons pouvoir dire que l’erreur a été commune aux
trois administrations. Et puisque l’intention des trois administrations était
de contribuer chacune pour un tiers dans le devis s’élevant à 900 mille fr.,
que telles étaient d’ailleurs leurs obligations ; ces obligations doivent
rester les mêmes quant à l’excédant de la dépense.
Venons maintenant à une considération
d’équité d’un autre ordre. La chambre accorderait-elle trop en allouant encore
le subside porte au budget ? Non, sans doute, car les bâtiments à fournir par
l’Etat et par la province occupent au moins les 5/6 de la totalité des
constructions. Il ne serait donc pas équitable de charger la ville des deux
tiers de la dépense totale, tandis qu’elle n’occuperait qu’un cinquième de la
totalité des constructions.
Je me résume : une convention a été conclue entre la ville, la province
et l’Etat. Par cette convention la ville s’est chargée de la construction d’un
bâtiment dont la dépense incombait aux trois parties ; cette convention avait
pour base un devis global s’élevant à 900 mille francs. Dans ce devis une
erreur a été commise, qui ne peut être imputée à aucune des trois parties ; il
est donc équitable que chacune d’elles en supporte sa part. J’ai la ferme
confiance que telle sera la résolution de la chambre.
M. Donny. -
Messieurs, M. le ministre de la justice a dit que si la ville de Gand ne peut
pas réclamer le subside porté au budget comme un droit, elle peut du moins le
réclamer comme un acte d’équité. L’honorable rapporteur de la section centrale
vous a tenu le même langage. L’affaire, présentée de cette manière, se réunit
donc à une simple question d’équité. Il est vrai que l’honorable M. de Man
s’est placé sur autre terrain ; laissant complètement à l’écart le point de vue
d’équité, il ne s’est occupé que d’une question de droit, et celle-là, il l’a
résolue contre la régence de Gand ; mais je ne suivrai pas l’honorable membre
sur ce terrain. Cela me paraît inutile, car je crois qu’il suffit de démontrer
qu’en équité l’Etat doit fournir la somme portée au budget. Il me sera très
facile de faire cette démonstration, et de la faire en peu de mots.
Quand on nous a demandé pour la première fois un crédit pour la
construction d’un palais de justice à Gand, on nous a présenté un chiffre de
900 mille francs comme le montant maximum des dépenses à faire. A cette époque,
ce chiffre était adopté par tout le monde, et quoi qu’en pense M. de Man, le
soutien, qui était adopté de bonne foi par toutes les parties intéressées. Pour
la province de la Flandre orientale comme pour le gouvernement, pour la régence
de Gand comme pour la province, 900 mille fr. étaient alors le maximum auquel
devait s’élever la dépense et ce chiffre aussi a été la base du vote émis par
la législature.
Lorsque nous avons eu à voter sur ce crédit, nous nous sommes demandé si
l’Etat devait intervenir dans cette dépense, et pour quelle somme. La première
question était facile à résoudre. L’édifice à construire devait remplir des
obligations positives de l’Etat, de la province et de la ville. Dès lors,
c’était pour le gouvernement un devoir d’intervenir dans la dépense. Quant à la
question de quotité, nous l’avons résolue en ce sens, que l’Etat aurait
contribué pour 300,000 fr. ; et pourquoi 300,000 fr., ni plus ni moins ? mais évidemment parce que 300,000 fr. forment le tiers de
900,000 fr. Si le devis ou plutôt l’évaluation (car nous n’avons pas eu de
devis) s’était élevée à 600,000 francs, certes nous n’aurions pas alloué
300,000 fr., mais 200,000 francs, et si, au contraire, l’évaluation primitive
s’était alors élevée à 1,200,000 francs, nous aurions voté 400,000 fr., je n’en
fais pas le moindre doute. Il est possible, qu’effrayés par l’élévation du
chiffre, quelques-uns de nos honorables collègues eussent voté contre le
crédit. Mais il se serait toujours trouvé dans cette enceinte une majorité
suffisante pour voter 400,000 fr. Ce qui me le fait croire, c’est l’accueil que
la proposition a rencontré dans toutes les sections, à la section centrale et
dans cette enceinte, où pas une voix ne s’est élevée pour contester le crédit
ou pour présenter la moindre observation contre cette allocution.
Ce qui me le fait croire encore, c’est que la chambre est juste, et que
les obligations que l’édifice était destiné à remplir concernant l’Etat pour un
tiers au moins, il était de toute justice que le tiers au moins de la dépense
fût mis à la charge de l’Etat.
Ce qui me le fait croire enfin, c’est que peu de temps après, et dans
une occasion analogue, il s’est trouvé dans cette enceinte une majorité qui a
voté non pas le tiers, mais les deux tiers d’une dépense s’élevant non pas à 1,200,000 fr,, mais à 3 millions. Je veux parler du palais de
justice de Bruxelles. Et je vous ferai remarquer qu’à l’occasion du palais de
justice de Bruxelles, il s’est passé un fait assez singulier : Lorsqu’on a
voulu construire ce palais, les représentants de l’Etat, de la province du
Brabant et de la ville de Bruxelles se sont réunis en assemblée pour arrêter la
quotité que chacun des trois corps intéressés devait supporter dans la dépense.
Cette assemblée a trouvé qu’il était équitable que l’Etat intervînt dans
la dépense pour les trois sixièmes, la province pour deux sixièmes et la ville
de Bruxelles pour le dernier sixième. La province a trouvé que deux sixièmes
étaient une part trop forte ; elle a refusé de ratifier ce qui avait été fait
par ses représentants, et n’a pris à son compte qu’un seul sixième. Qu’est-il
arrivé ? Le sixième que la province a refusé de supporter a-t-il été mis à la
charge de la régence de Bruxelles ? Non, messieurs. Ce sixième a-t-il du moins
été réparti proportionnellement entre les trois corps intéressés ? Non,
messieurs. Le gouvernement a pris seul à sa charge le sixième que la province a refus de payer, et la grande majorité de la chambre a, par
son vote, applaudi à la mesure prise par le gouvernement.
Vous le voyez, il s’est trouvé dans cette enceinte une majorité pour
voter en faveur de la ville de Bruxelles plus que ne voulait l’équité. J’ai,
dès lors, le droit de penser qu’il s’y serait trouvé également une majorité
pour voter ce que l’équité commandait de mettre à la charge de l’Etat, lorsqu’il
s’agissait de la régence de Gand.
Mais l’honorable M. de Man, et après lui l’honorable M. Malou, ont paru
croire que si la dépense s’est élevée de 900,000 à 1,200,000
fr. environ, c’est par suite d’une faute ou d’une négligence de la régence de
Gand.
Je ne sais s’il y a eu faute ou négligence de la part de quelqu’un ou
s’il y a eu simplement erreur ; mais ce que je sais, c’est que soit qu’il y ait
eu erreur, soit qu’il y ait eu faute ou négligence, la conséquence de l’erreur,
de la faute ou de la négligence doit retomber, d’après l’équité, en grande
partie sur l’Etat. Je vais le prouver. Vous vous rappelez que lorsqu’il s’est
agi de voter un premier subside pour le palais de justice de Gand, on nous a
dit que les ingénieurs de l’Etat vérifieraient le devis de construction, et que
ces mêmes ingénieurs en surveilleraient ensuite l’exécution. Si donc le devis
primitif a été mal fait, ou si, étant bien fait, il a été mal exécuté, la faute
en est tout autant à l’Etat, qui devait vérifier le devis et en surveiller
l’exécution, qu’elle peut être attribuée à la province ou à la ville.
L’honorable M. Malou a présenté un amendement dont l’effet principal
serait de réduire la part contributive de l’Etat, dans l’excédant de la
dépense, à un sixième, au lieu d’un tiers que l’équité commande de mettre à sa
charge. Cet amendement, je le repousse, par la raison très simple qu’il ne
satisfait pas à ce qu’exige l’équité. S’il est équitable, ainsi que je crois
l’avoir démontré, que l’Etat supporte un tiers de l’excédant de la dépense, ce
n’est pas en allouant un sixième que nous pourrions satisfaire à ce qu’exige
l’équité. Je ne veux pas d’une demi-justice, il ne faut pas être équitable à
demi.
M. le président. - La
parole est à M. Desmaisières.
M. Desmaisières. - L’honorable M.
de Theux a demandé la parole : comme deux orateurs qui ont la même opinion que
moi viennent de parler, je renonce pour le moment à la parole.
M. de Theux. -
Malgré toutes les raisons qui ont été alléguées pour prouver à la chambre que
le gouvernement était engagé pour un tiers dans la dépense totale du palais de
justice de Gand, je demeure convaincu qu’il n’en est rien.
Dans mon opinion, c’est un contrat à forfait conclu entre le
gouvernement, la régence et la province. En effet si le gouvernement avait eu
l’intention de s’engager pour un tiers de la dépense, on aurait porté au budget
300,000 fr., comme tiers présumé de la dépense ; mais on n’aurait pas porté au
budget une somme unique de 300,000 francs. D’ailleurs, ce qui vient à l’appui
de mon opinion, c’est ce qui s’est passé dans le conseil provincial de la
Flandre orientale. Le conseil avait accordé un subside de 300,000 francs. Mais
lorsque la régence de Gand s’est adressée à lui pour obtenir un supplément de
subside, il l’a repoussé furieusement, pensant que les obligations de la
province étaient remplies au moyen d’un subside de 300,000 fr. Il ne faut pas
d’ailleurs perdre de vue que c’est la régence de Gand qui fait construire le
palais de justice, que c’est une propriété communale ; en effet, si la cour
d’appel de Gand était supprimée, la libre disposition du local appartiendrait à
la régence.
La régence s’est chargée de construire le palais de justice, moyennant
un subside de 300,000 francs de l’Etat et un de pareille somme de la province.
Dès lors nous pouvons, en toute sûreté, écarter de ce débat toutes les
contestations de droit. Il ne reste plus qu’un concours volontaire que la
législature peut accorder ou refuser.
Pour moi, je ne m’oppose pas à ce qu’on alloue le subside de 50,000
francs, tel qu’il est proposé, bien entendu que la province devra également
accorder un pareil subside.
Je ferai remarquer à l’assemblée qu’il n’y a rien d’exorbitant dans
cette condition, qui a été également faite lorsqu’on a porté 300,000 francs au
budget de l’Etat, pour la construction du palais de justice. Ainsi, en
maintenant la condition proposée par la section centrale, nous restons dans les
termes primitifs du contrat.
Le motif qui me porte d’autant plus à insister pour le maintien de cette
condition, c’est que le conseil de la Flandre orientale doit être bien disposé
pour le chef-lieu de la province, et s’il persistait à refuser ce subside,
malgré le vote de la chambre, c’est qu’il aurait la conviction que le subside
n’était pas nécessaire, ou au moins qu’il n’est pas suffisamment motivé ; car
le palais de justice étant dans l’intérêt provincial autant que dans l’intérêt
général il serait, à mon avis, contraire à toute justice que le gouvernement
accordât tout le subside, et que la province restât à l’écart.
Ce serait le moyen de faire affluer vers le gouvernement et vers les
chambres des réclamations d’autant plus énergiques que la province serait
dorénavant exempte de toute contribution à la dépense, et que l’on voudrait
faire rejeter sur le pays seul une dépense qui doit, au moins en partie,
incomber également à la province, aux termes du contrat primitif.
Ainsi, messieurs, je ne pourrais voter pour l’amendement proposé par
l’honorable M. Malou, qu’autant que l’on maintienne également la proposition
faite par la section centrale du concours de la province. Dans ce sens,
messieurs, on aurait la garantie absolue, que moyennant le chiffre de 50,000
fr. la législature serait dorénavant débarrassée de toute espèce de
réclamation.
Je n’en dirai pas davantage sur cette question, car je crois que les
opinions doivent être suffisamment formées.
J’ajouterai cependant une seule considération. On a fait valoir le prix
élevé du terrain qui a été cédé par la ville de Gand pour la construction du
palais de justice. Mais il faut remarquer que c’était là une des conditions du
contrat primitif, et que la régence n’ignorait en aucune manière la valeur du
terrain dont elle faisait la concession. Mais cette concession, qu’on a tant
vantée, n’a pas l’importance qu’on lui donne. Car le terrain dont il s’agit,
constituait une place publique et n’était propre qu’à recevoir un édifice qui
pût servir d’ornement, tel que le palais de justice.
M. le président. - M. de
Theux, proposez-vous un amendement ?
M. de Theux. - Si la
proposition d’accorder un subside unique était admise, je demanderais également
le maintien de la condition proposée par la section centrale. C’est donc une
proposition subsidiaire que je fais.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) -
Messieurs, je dois combattre l’amendement de l’honorable M. Malou, qui veut que
le subside que je demande pour la construction du palais de justice de Gand
soit déclaré subside unique. Comme vous l’a dit l’honorable M. Donny, c’est ici
une question d’équité, et il ne faut pas être juste à demi.
Maintenant, ou l’amendement de l’honorable M. Malou est parfaitement
inutile et dès lors il ne doit pas être voté, ou le but que son auteur a en vue
doit le faire rejeter.
En effet, messieurs, cet amendement est inutile, s’il ne doit pas lier
la législature future, et s’il devait au contraire la lier, il ne pourrait être
adopté ; on ne peut savoir, en effet, quelles sont les circonstances que se
présenteront l’année prochaine : on ne peut savoir dans quelle position se
trouvera la ville de Gand, et il me semble qu’il ne faut pas préjuger les
questions que pourra soulever une demande ultérieure de subside. Si l’année
prochaine, d’après les travaux exécutés et la position dans laquelle la ville
de Gand justifiera qu’elle se trouve, il y a lieu de demander un nouveau
subside, je ne puis prendre l’engagement de ne pas le faire. La question se
représentera intacte ; on l’examinera, et les membres de la chambre qui
croiront qu’il n’y a pas lieu d’accorder un nouveau subside voteront contre ;
il n’est pas nécessaire pour cela que l’on décide que c’est le dernier subside
que l’on croit pouvoir accorder pour la construction du palais de justice de
Gand.
La province interviendra dans la dépense ; c’est une condition à
laquelle le gouvernement se soumet en adoptant l’amendement de la section centrale
; de cette manière il est répondu au désir de l’honorable M. de Theux.
En exposant les motifs sur lesquels le gouvernement fondait sa demande,
j’ai reconnu et je reconnais encore qu’en strict droit la ville de Gand ne peut
rien prétendre, je reconnais qu’il y a eu un véritable forfait, que la ville de
Gand s’était engagée à bâtir le palais de justice à l’aide des deux subsides de
la province et l’Etat. Mais je me demande si l’on doit traiter la ville de Gand
agissant vis-à-vis du gouvernement et de la province comme on traiterait deux
particuliers débattant devant la justice les conséquences d’un contrat à
forfait qu’ils auraient fait ensemble. Evidemment, messieurs, la position du
gouvernement vis-à-vis de la ville, dont il est chargé de surveiller les
intérêts, qu’il doit empêcher de s’engager dans des dépenses inutiles ou
exagérées, n’est pas la même que celle des deux particuliers débattant leurs
intérêts devant un tribunat civil, qui, tous deux, maîtres de leurs droits,
n’ont aucune surveillance à exercer ou à subir.
Il me semble donc qu’on ne peut appliquer ici les règles du strict
droit, les règles sévères du contrat à forfait, mais bien, comme vous l’a dit
l’honorable M. Donny, des principes d’équité. Ces principes d’équité militent
évidemment en faveur de la ville de Gand, d’après la manière dont les choses se
sont passées. Tout a été dit à cet égard ; j’avais commencé par faire connaître
la marche de la négociation ; les orateurs qui m’ont succédé ont mis la chambre
à même d’en connaître tous les détails et de savoir de quelle manière les
engagements ont été contractés et par la ville et par l’Etat ; je n’ai rien a ajouter à ces explications.
L’honorable M. de Man vous a dit qu’alors que l’on prétendait que la
construction du palais de justice de Gand ne devait coûter que 900,000 fr., on
savait déjà que cette somme serait dépassée. Je ne sais pas où l’honorable M.
de Man a pu puiser cette conviction ; ce qu’il a dit à cet égard est une pure
allégation que je dois repousser de toutes mes forces, et dans l’intérêt de la
dignité du gouvernement, et dans l’intérêt de la dignité de la ville de Gand.
La ville de Gand a demandé un plan, a demandé un devis ; ce plan, ce
devis lui ont été fournis ; ils ont été soumis ensuite à une commission
d’architectes, et d’après l’opinion de cette commission, la ville de Gand a dû
avoir, comme le gouvernement l’a eu aussi, pleine confiance dans les
évaluations des hommes de l’art ; je dirai plus, la ville de Gand par excès de
prudence, a même porté une somme de 80,000 francs au-delà des prévisions de son
architecte. Il avait affirmé que le palais de justice ne devait coûter que
820,000 francs, et la ville a élevé cette somme à 900,000 francs.
Elle a pensé que, comme cela arrive fréquemment, les devis pouvaient
être dépassés. Mais elle a pu croire, en présence des déclarations réitérées et
de son architecte et des personnes composant la commission de monuments,
qu’elle satisfaisait à toutes les règles de prudence en majorant les devis de
80,000 fr.
J’ai dit, messieurs, qu’il fallait tenir compte à la ville de Gand des
sacrifices qu’elle avait faits, et parmi ces sacrifices j’ai cite le terrain
qu’elle avait accordé gratuitement, terrain évalué à une somme de 580,000 fr.
L’honorable M. de Theux a trouvé que ce sacrifice n’était pas aussi
important qu’on l’avait prétendu, parce que ce terrain, dit-il, ne pouvait
servir que pour une place ou pour y élever un monument. Messieurs, toutes les
personnes qui connaissent la ville de Gand savent que le terrain sur lequel le
palais a été construit était un emplacement qui pouvait servir à la
construction de maisons particulières, qu’on pouvait le vendre d’une manière
fort avantageuse et en obtenir une somme considérable ; de manière que ce que
j’ai dit d’un sacrifice d’une somme de 580,000 fr. est très exact. Cet
emplacement n’était pas une place publique ; c’était l’ancien couvent des
Récollets ; il se trouve dans une des meilleures situations de la ville ; des
rues très larges y aboutissent ; on aurait donc pu obtenir un prix fort élevé
de ce terrain.
On a demandé, messieurs, si les plans n’avaient pas été changés, et on a
dit (je pense que c’est l’honorable M. Malou) que si les plans ont été changés,
ils l’ont été sans que le gouvernement intervienne dans ces changements ou les
approuve, que conséquemment le gouvernement ne doit pas donner une somme
quelconque, parce que le changement de ces plans aurait augmenté la dépense.
Messieurs, les seuls changements qui aient été faits aux plans, sont
ceux qui ont été indiqués par la commission des monuments, et ces changements
ont été approuvés par le gouvernement. Après cette adoption, aucun changement
ultérieur n’a eu lieu. Je dois ajouter que les travaux qui s’exécutaient
étaient surveillés, non seulement par des personnes qui avaient reçu cette
mission de l’autorité communale, mais encore par des personnes qui avaient reçu
cette mission de la part du gouvernement et de la part de la province, de
manière que le gouvernement avait la faculté de donner à ses surveillants
telles instructions qu’il jugeait convenable, pour qu’on ne s’écartât pas des
plans primitifs. Mais rien n’établit qu’on s’en soit écarté, aucune plainte n’a
été faite de ce chef au gouvernement par ses surveillants, la province n’en a
pas reçu d’avantage.
On a parlé de la dépense énorme ; on a dit
que cette dépense s’élèverait à plus de 600,000 fr. au-delà de la somme que
l’on présumait devoir suffire pour la construction dont il est question.
L’honorable M. de Man a enflé ce chiffre, en se servant de ceux indiqués par
l’autorité communale de Gand, sans tenir compte de ce que j’avais dit lorsque
j’avais établi de quelle somme était réellement dépassée celle indiquée aux
devis primitifs. Ce n’est pas une somme de 600,000 fr., mais seulement une
somme de 376,000 fr. dont le devis primitif est dépassée. De manière qu’il ne
s’agira jamais pour le gouvernement de donner une somme d’au-delà de 200,000
fr., comme le suppose l’honorable M. de Man.
Je pense, messieurs, à l’aide de ces considérations, avoir suffisamment
justifié la demande que je fais, et les motifs pour lesquels je crois devoir me
rallier à l’amendement proposé par la section centrale.
M. Desmaisières. - Je regrette,
messieurs, qu’il soit échappé à l’un de nos honorables adversaires le mot
« d’intrigue, » qu’il a semblé mettre à charge de la régence de la ville
de Gand. Il n’y a eu dans cette affaire (les pièces nombreuses et extrêmement
détaillées qui se trouvent annexées au rapport de la section centrale le
prouvent) que bonne foi de la part de tout le monde.
Messieurs, quelle a toujours été la partie la plus intéressée à la
construction du palais de justice de Gand ? C’est la partie qui, à raison de
cela même qu’elle était la plus intéressée, a pris l’initiative, c’est l’Etat.
Car, messieurs, dans le palais de justice qui se construit actuellement à Gand,
on prépare à la vérité des locaux pour le tribunal de première instance, pour
le tribunal de commerce et pour la cour d’assises, qui sont des charges
provinciales ; on y prépare aussi des locaux pour la bourse de commerce et pour
le tribunal de simple police, ce qui forme des charges communales, mais la
partie principale de l’édifice, celle qui exige le caractère monumental que la
commission des monuments a voulu qu’il y fût donné, c’est la cour d’appel, qui
est à la charge de l’Etat.
La province, messieurs, avait des locaux très convenables qui sont
actuellement occupés par les tribunaux de commerce et de première instance. La
province n’était donc pas fortement intéressée à ce que le nouveau palais de
justice fût construit. La ville, de son côté, a des locaux très convenables
pour le tribunal de simple police et pour la bourse de commerce, car il y a à
l’hôtel de ville de Gand une salle qu’on appelle la Salle du grand vestibule, qui est immense et qui, déjà sous le
gouvernement français, servait à la bourse de commerce, Vous voyez donc,
messieurs, que véritablement c’est l’Etat qui est le plus intéresse à la
construction du palais de justice de Gand.
Eh bien, messieurs, la ville de Gand a cependant voulu se montrer
généreuse sur la demande qui lui en avait été faite par le gouvernement, elle a
consenti tout d’abord à céder son terrain de la plaine des Récollets, sur
lequel on bâtit le palais de justice. Ce terrain vaut au-delà d’un demi-million,
en le calculant à un prix beaucoup moins élevé que celui auquel la ville de
Gand a vendu d’autres terrains situés dans le voisinage, car elle a vendu ces
terrains-là à raison de 225 francs le mètre carré, et pour arriver à la somme
de plus d’un demi-million ; je n’évalue le terrain sur lequel on construit
le palais de justice qu’à 60 francs le mètre carré.
Je ne viens pas messieurs, contester que la ville de Gand s’est chargée à forfait de la construction du palais de
justice. Oui, il y a eu offre, et engagement à forfait de la part de la ville
de Gand ; cela résulte des délibérations du conseil communal des 2 et 16 mars
1836, et de celles qui les ont suivies. Toutefois, messieurs, je dois faire
remarquer que la régence de Gand n’a pris cet engagement à forfait qu’après que
la législature avait déjà accordé la somme de 300,000 fr.
En effet, le premier crédit de 100,000 fr. voté comme tiers de ce
subside, figure au budget de 1836, qui a été adopté par les chambres au
commencement de cet exercice ou à la fin de 1835 ; ce qui est certain, c’est
que dès le 5 février 1836, M. le ministre de la justice informait la régence de
Gand que la législature avait accordé le subside de 300,000 fr. et qu’elle en
avait porté le premier tiers au budget de 1836. Or, comme je l’ai dit tout à
l’heure, la régence de Gand ne s’est chargée de la construction du palais de
justice que dans ses délibérations du mois de mars. L’engagement pris à cet
égard par la ville de Gand est donc postérieur au vote, par la législature, du
subside de 300,000 fr., et ce subside a été alloué sans que ni le ministère, ni
la section centrale n’ait parlé de forfait à imposer à la ville de Gand.
Ici, messieurs, je dois encore faire remarquer que de toutes les
explications données par M. le ministre de la justice de cette époque et par la
section centrale qui a fait rapport sur le budget de 1836, que de toutes ces
explications il résulte que la dépense totale du palais de justice n’était
évaluée qu’à une somme de 820,000 fr., et que, par conséquent, la législature,
en accordant un subside de 300,000 fr., a reconnu que l’Etat devait contribuer
pour plus d’un tiers dans la dépense.
Maintenant, messieurs, c’est à la suite de longues négociations qui ont
eu lieu plutôt entre la province et la ville de Gand qu’entre le gouvernement
et la ville de Gand, c’est à la suite de ces longues négociations que la ville
de Gand a été portée à se charger de la construction du palais de justice
moyennant un subside de 300,000 fr. à fournir par la province et un subside de pareille
somme à fournir par l’Etat. Je dis que les négociations qui ont amené ce
résultat ont été suivies bien plutôt entre la province et la ville de Gand
qu’entre l’Etat et la ville de Gand ; l’Etat n’est venu ensuite que souscrire,
en quelque sorte, à une convention qui avait été faite entre la province et la
ville.
Ainsi qu’on vous l’a déjà dit plusieurs fois, messieurs (et je ne
m’étendrai pas longuement sur ce point), ainsi qu’on vous l’a déjà dit,
l’erreur qui a été commise dans l’évaluation de la dépense, n’est nullement
imputable à la régence de Gand ; cette erreur est le fait du gouvernement,
puisque c’est la commission des monuments qui a provoqué les changements dont
il est résulté une augmentation de dépenses. On dira peut-être : « La ville
ne devait pas admettre ce chiffre de 900,000 francs, comme formant le total des
dépenses à faire pour la construction du palais de justice. » Mais, messieurs,
la ville pouvait-elle faire autrement, lorsqu’une commission composée
d’architectes, d’hommes de l’art, avait évalué la dépense totale, non pas à
900,000 francs, mais à 820,000 fr. C’est la régence qui a élevé ce chiffre de
80,000 fr., c’est-à-dire du dixième. La régence a donc été plus prudente que la
commission des monuments, qui, encore une fois, est une commission du
gouvernement.
Cependant, messieurs, on voudrait faire peser sur la ville de Gand
toutes les conséquences de l’erreur commise par cette commission. Je le demande, serait-ce là un acte de justice ? Serait-ce la
de l’équité ? Evidemment non. Ce serait d’autant plus injuste, comme l’a très
bien fait remarquer M. le ministre de la justice, que la loi communale, d’un
bout à l’autre établit le gouvernement tuteur légal des intérêts des communes.
Ce serais donc ici le cas d’un tuteur qui profiterait d’une erreur qu’il aurait
commise lui-même, et ce au préjudice de son pupille.
On a dit : « Mais le palais de justice devient une propriété de la
ville de Gand. » Ce sont là, messieurs, des propriétés onéreuses sous tous
les rapports, et si l’Etat avait dû, comme cela lui incombait, construire à lui
seul un palais pour la cour d’appel, il aurait été propriétaire de ce palais,
mais tout ce qui en serait résulté, c’est qu’il aurait dû supporter tous les
frais d’entretien et de réparations qui seront maintenant à la charge exclusive
de la ville de Gand.
Je crois, messieurs, avoir suffisamment démontré qu’il y aurait iniquité
à refuser le subside qui est demandé pour la construction du palais de Gand.
Quant aux questions soulevées par l’amendement de la section centrale et par
celui de l’honorable M. Malou, j’aurais voulu tout au moins, comme M. le
ministre de la justice, que la question fût restée entière, tant à l’égard de
la province qu’en ce qui concerne le point de savoir si un nouveau subside sera
accordé l’année prochaine. Cependant si la chambre en décidait autrement, force
me serait bien de me rallier à l’amendement de la section centrale, Quant à
l’amendement de M. Malou, je dois le repousser de tous mes efforts, car il
repousse à l’avance toute demande de nouveau subside, et je pense, je le
répète, que sous ce rapport la chambre ne doit tout au moins pas se lier
d’avance.
- La clôture est demandée et prononcée.
L’amendement de M. Malou est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
La proposition de la section centrale est adoptée.
Chapitre VI. - Bulletin officiel et Moniteur
Articles
1 à 3
« Art. 1. Impression du Bulletin Officiel : fr. 23,500 »
« Art. 2. Impression du Moniteur : fr. 70,000 »
« Art. 3. Abonnement au Bulletin des arrêts de la cour de cassation
: fr. 2,800 »
- Ces articles sont adoptés sans discussion.
Chapitre VII. - Pensions et secours
Article
1
« Art. 1er. Pensions : fr. 10,000 »
- Cet article est adopté sans discussion.
« Art. 2. Secours à des magistrats ou à des veuves et enfants
mineurs de magistrats, qui, sans avoir droit à une pension, ont des titres à un
secours par suite d’une position malheureuse : fr. 10,000 »
M. le président. - M. Zoude a
déposé un amendement ainsi conçu :
« Je propose de majorer de 500 fr. l’art. 2 du chap. VII du budget
de la justice. »
M. Zoude ayant dû s’absenter, il a prié M. de Mérode d’appuyer son
amendement ; si M. de Mérode fait cet amendement sien, je pourrais lui donner
la parole pour le développer.
M. de Mérode. - Je le
fais mien.
M. le président. - La parole est à
M. de Mérode.
M. de Mérode. -
Messieurs, le tribunal de St.-Hubert a été supprimé par suite de circonstances
tout à fait exceptionnelles. Les personnes dont l’existence était fondée sur ce
tribunal se trouvent donc dans une situation qui mérite les égards de la
chambre. Heureusement il en est fort peu qui soient privées des moyens les plus
essentiels d’existence. Celui en faveur duquel je fais en ce moment un appel à
la bienveillance de la chambre est un avoué de ce tribunal. C’est un homme déjà
âgé et qui ne peut plus se placer ailleurs. Il me semble qu’il serait à propos
de lui accorder jusqu’à sa mort un subside annuel de 300 fr. ; j’insiste donc
pour qu’on adopte la proposition de l’honorable M. Zoude, et qu’on majore de
300 fr. le crédit actuellement en discussion.
M. le président. - Je dois faire
remarquer que le chiffre primitif était de 10,000 fr., et qu’à la section
centrale le chiffre a été porté à 12,000 fr. sur la proposition du
gouvernement.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) - L’article
en discussion ne concerne que les magistrats. Je ne pense pas qu’il puisse être
applicable à la personne dont parle l’honorable M. de Mérode.
M. de Mérode. - Il me
semble que dans la circonstance présente on pourrait assimiler à un magistrat
un employé d’un tribunal qu’on a supprimé. C’est une position exceptionnelle
qui ne se représentera pas d’ici à longtemps.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) - La
cour des comptes ne liquiderait pas. Il est évident qu’on ne peut pas
considérer la personne dont on parle comme une espèce de magistrat, cela n’est
pas possible. (On rit.)
M. de Mérode. - Qu’on
veuille bien alors indiquer un autre moyen de donner suite à la proposition.
M. Savart-Martel, rapporteur. - La
section centrale a fait un rapport sur une pétition de la personne même dont il
s’agit. La chambre pourra prendre une décision sur la proposition, lorsqu’elle
discutera le rapport de la section centrale. (C’est cela !)
M. de Garcia. -
Messieurs, il est évident qu’un avoué ne peut en aucune manière être assimilé à
un magistrat, mais il est un moyen de faire droit à la proposition de
l’honorable M. de Mérode, c’est celui que vient d’indiquer l’honorable
préopinant. La personne à laquelle on a fait allusion nous a adressé une
pétition qui fera l’objet d’une décision spéciale de la part de la chambre. La
chambre alors sera libre d’accorder une pension à cet ancien employé, si elle
juge qu’un pareil précédent soit suffisamment justifié par l’âge avancé de la
personne et par la suppression du tribunal qui lui procurait des moyens d’existence.
D’après ces considérations, je crois que la proposition de l’honorable
M. de Mérode, telle qu’elle est actuellement formulée, ne peut être accueillie.
M. de Mérode. - Je me
rallie à la proposition de M. Savart.
- L’art. 2 du chap. VII est mis aux voix et adopté avec le chiffre de
12,000 fr.
Article
3
« Art. 3. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d’employés
dépendant du ministère de la justice, se trouvant dans le même cas que
ci-dessus : fr. 3,000 »
- Adopté sans discussion.
La chambre remet à demain la suite de la discussion des articles du
budget de la justice.
La séance est levée à 4 heures et demie.