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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du lundi 29 janvier 1844
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment insertion
au Moniteur des pétitions relatives
au projet de loi imposant le tabac (Rogier, Eloy de Burdinne, Nothomb, Eloy de Burdinne, de Mérode, Rogier, Nothomb, Eloy
de Burdinne, de Theux, de Foere,
d’Hoffschmidt, Rogier)
2) Motion d’ordre relative à l’expression tardive du
vote d’un membre de la chambre (Dumont, de Mérode, Delfosse, d’Hoffschmidt)
3) Projet de loi relatif à la prescription des
créances mentionnées dans l’article 64 du traité du 5 novembre 1842 (partage de
la dette belgo-hollandaise) (Mercier, Verhaegen, Malou, Mercier, Desmet, Malou,
Desmet, Verhaegen, Malou, Mercier, Vanden Eynde, Mercier, de Theux, Mercier, Vanden Eynde)
4) Projet de loi portant exemption de l’impôt sur les
vinaigres préparés avec des matières soumises à l’accise
(Moniteur belge n°30, du 30 janvier 1844)
(Présidence
de M. Liedts)
M.
de Renesse procède à l’appel nominal à 1 heure et 1/4.
M.
Dedecker lit
le procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est adoptée.
M.
de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
«
Le sieur Seraphin-Louis Lemahieu, négociant à Bruxelles, né à Houpeline
(France), demande la naturalisation ordinaire. »
-
Renvoi à M. le ministre de la justice.
_______________________
«
Le sieur Lefebvre, maître de poste à Bruxelles, prie la chambre de s’occuper du
projet de loi sur la poste aux chevaux. »
«
Même demande des sieurs Janssens, Simons, maître de poste à Tirlemont, et
Roels, maître de poste à Termonde. »
-
Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
_______________________
« Les
cultivateurs de la commune de Bleret présentent des observations contre le
projet de loi sur les céréales. »
« Mêmes
observations des cultivateurs et propriétaires de Vlytingen, Hees, Kall et
Mheer, Herk-la-Ville, Ophoven, du canton de Nandrin, des habitants d’Incourt,
Opprebais, de Pietrebais, Chapelle-St.-Laurent, d’Attenhoven, Ovenvinden,
Neerwinden, Neerlanden, Laer, Opitter, Maeseyk. »
-
Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi sur les
céréales.
« La
chambre de commerce et des fabriques d’Anvers présente des observations contre
le projet de loi sur les tabacs. »
« Mêmes
observations du conseil communal de Leeuwergen. »
-
Renvoi à la section centrale qui sera chargée d’examiner le projet de loi.
M.
Rogier. -
Messieurs, je demande l’impression au Moniteur
des observations présentées par la chambre de commerce d’Anvers contre le
projet sur les tabacs.
M.
Eloy de Burdinne. - Si la chambre adopte en principe l’insertion au Moniteur des pétitions pour ou contre le
projet de loi sur les tabacs, je demanderai à mon tour que toutes les pétitions
qui ont été transmises contre le projet de loi sur les céréales soient aussi
insérées au Moniteur.
M.
Rogier. - Il
s’agit en ce moment de la loi des tabacs. Si l’honorable M. Eloy de Burdinne a
une observation à faire sur les céréales, il la fera après que la chambre aura
statué sur la mienne. J’insiste sur l’insertion au Moniteur.
D’abord,
cette marche est conforme à tous nos antécédents ; il s’agit d’une question commerciale,
industrielle et agricole très importante. Le projet de loi sur les tabacs a été
présenté à la chambre sans enquête aucune. M. le ministre des finances a eu
sein de déclarer qu’il n’avait pas consulté les chambres de commerce et les
commissions d’agriculture, parce qu’il était certain que ce projet n’aurait pas
reçu leur approbation.
M.
le ministre de l’intérieur contre l’avis de son collègue…
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je demande la parole.
M.
Rogier. - Je
le répète, M. le ministre de l’intérieur, contre l’avis de son collègue du
département des finances, s’est engagé à demander les observations des chambres
de commerce et des commissions d’agriculture. Celles de la chambre de commerce
d’Anvers viennent d’arriver. Je demande qu’elles soient insérées au Moniteur. C’est une marche que nous
avons constamment suivie pour des intérêts beaucoup moins importants.
M. Rodenbach. - Oui ! oui ! on ne s’y
oppose pas.
M.
Rogier. - Si
la chambre s’y refusait, je dis que dans aucune autre question, vous ne seriez
en droit à l’avenir de demander une pareille publicité. Vous ne pourrez pas
faire que ce projet de loi n’agite profondément le pays. Empêcher maintenant
l’insertion de ces observations dans le journal officiel, ce serait poser un
acte sans antécédents, et qui semblerait avoir pour but d’empêcher cette
opinion de se faire jour, si même il n’annonçait, de la part de certains
membres, la crainte d’être éclairés.
La question est-elle, oui ou non, une question de la plus
haute importance ? Avait-on consulté les chambres de commerce et les
commissions d’agriculture ? Non. On a dit que les avis de ces corps viendraient
à la chambre, sans même qu’on les provoquât ; les observations arrivent, et vous
ne voulez pas qu’elles soient publiées.
Soyez
donc conséquents avec vous-mêmes. N’ayez pas peur des lumières. Laissez les
opinions pour ou contre s’exprimer franchement. Je n’aurais jamais vu pour ma
part un pareil déni de justice. J’espère que l’opinion de l’honorable M. Eloy
de Burdinne ne sera pas celle de la chambre. Quand la chambre aura statué sur
ma proposition, qu’il fasse telle proposition qu’il voudra pour les pétitions
concernant le projet de loi sur les céréales, je l’appuierai peut-être, mais
terminons d’abord l’affaire des tabacs.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, j’ai interrompu l’honorable préopinant
pour lui déclarer que ce n’était pas contre l’avis de M. le ministre des
finances que j’ai annoncé que les chambres de commerce et les commissions
d’agriculture seront consultées, en ce sens qu’on donnerait surabondamment avis
à ces corps de la présentation, déjà connue de tout le monde, du projet de loi
sur les tabacs.
M.
le ministre des finances s’est borné à déclarer qu’il n’avait pas cru devoir
consulter à l’avance les chambres de commerce et les commissions d’agriculture
sur le projet de loi qu’il élaborait, Mais autre chose est de consulter à
l’avance les chambres de commerce sur un projet qu’on élabore, et recevoir de
ces corps des renseignements, lorsque le projet est déjà élaboré et présenté.
Cette conduite n’est nullement contradictoire.
M.
Eloy de Burdinne. - Messieurs, je suis d’avis, avec l’honorable M. Rogier,
que la question sur les tabacs est d’une haute importance ; mais si la chambre
ordonne l’impression dans le Moniteur
des avis des chambres de commerce, des commissions d’agriculture et des
députations permanentes des conseils provinciaux sur la question des tabacs,
vous devez admettre cette mesure pour toutes les propositions de loi qui seront
faites par le gouvernement et sur lesquelles on désirera que ces diverses
autorités soient consultées.
Mais,
je vous le demande, messieurs, si vous adoptiez en principe l’insertion de
toutes ces observations, le Moniteur
deviendrait tellement volumineux qu’on ne s’y reconnaîtrait plus.
L’honorable
M. Rogier vous a dit que sa proposition était conforme à tous les précédents de
la chambre.
Pour ma part, je ne pense pas que cela soit conforme aux
précédents posés par la chambre, car je ferai remarquer à l’honorable
préopinant que lorsqu’il s’est agi de la question des céréales, en 1834, on n’a
inséré dans le Moniteur aucun
rapport, soit des commissions d’agriculture, soit des chambres de commerce,
soit des députations permanentes des conseils provinciaux. Il y a plus : nous
avons eu la plus grande peine à obtenir la communication des avis de ces
différents rapports, et cette communication même ne nous a été faite que
lorsque la chambre avait abordé la discussion du projet de loi, et ce ne fut
pas sans peine que nous nous les sommes procurés.
Il
y a autre chose. Je ne suis pas moins grand partisan des lumières que
l’honorable M. Rogier ; j’aime comme lui que des questions de cette importance obtiennent
tous les éclaircissements désirables. Or, les observations de la chambre de
commerce d’Anvers ne pourraient-elles pas être renvoyées à la section centrale
chargée d’examiner le projet de loi présente par le gouvernement sur les
tabacs, comme on renverra à cette section centrale les avis des autres chambres
de commerce et des commissions d’agriculture ?
En
conséquence, je ne puis donner mon assentiment à ce que l’avis de la chambre de
commerce d’Anvers soit inséré dans le Moniteur,
à moins qu’on n’adopte en principe que toutes les pétitions qui sont adressées
à la chambre soient insérées au Moniteur.
La chambre ne peut pas avoir deux poids et deux mesures.
M.
de Mérode. -
Je n’ai pas peur des lumières tant pour la question des tabacs que pour toute
autre question. Si l’insertion au Moniteur
des observations de la chambre de commerce d’Anvers pouvait nous fournir
des lumières, je ne demanderais pas mieux que cette insertion eût lieu ; mais
je crains qu’en continuant à procéder de cette manière nous n’ayons ainsi un Moniteur immense, qui, au lieu de nous fournir
des lumières, deviendra pour nous d’une obscurité inextricable.
Chaque
fois qu’un projet de loi important est soumis à la chambre, nous sommes inondés
d’observations, de mémoires, de brochures de toute espèce. Il en a été ainsi,
lorsque nous nous sommes occupés de la loi sur les sucres. Là toutes ces pièces
devaient être insérées dans le Moniteur
; la feuille officielle deviendrait un dédale dont il nous serait impossible de
sortir. Si nous voulons nous éclairer, nous ne manquerons pas de moyens pour
cela. D’ailleurs, les membres de la chambre qui partagent l’avis de la chambre
de commerce d’Anvers ne se feront pas faute de développer les arguments que
cette chambre nous a présentés. Moi, de mon côte, si on me fournit de bonnes
raisons en faveur du projet de loi déposé par le ministère, comme je désire des
voies et moyens pour les services publics, je donnerai mon assentiment à la
loi. Mais, je le répète, je ne vois aucune nécessité d’insérer au Moniteur toutes les pièces que nous
recevrons sur cette question. Elles seront renvoyées à la section centrale qui
fera un rapport, et d’ailleurs il ne manquera pas de membres dans l’assemblée
qui s’empareront pour les faire valoir, des arguments exposés dans ces pièces.
Je ne doute pas que tous nous ne soyons parfaitement instruits de tout ce qui
se rattache à cette question.
M. le président. - Je dois rappeler à la
chambre que, dans la séance du 25 de ce mois, l’honorable M. Cogels avait
proposé de faire insérer au Moniteur
une pétition relative aux tabacs. La chambre n’a pas accueilli cette
proposition.
M.
Rogier. - M.
le président vient de rappeler un antécédent qui concerne une pétition sur la
même question. Mais je ferai observer qu’il ne s’agissait pas là d’observations
transmises par le premier corps commercial du pays. (Interruption.) Oui, le premier corps commercial du pays, je crois
pouvoir appeler ainsi la chambre qui représente le commerce d’Anvers.
Je
ne demande pas que tout ce qui nous sera adressé sur cette question soit inséré
au Moniteur ; mais je pense que la
chambre peut faire choix entre les documents qui lui seront envoyés pour en
ordonner l’impression. On craint de charger outre mesure les colonnes du Moniteur, mais s’il nous donne en ce
moment, et je ne le trouve pas mauvais, toutes les séances de la chambre
française, c’est bien le moins qu’il instruise le pays de ses propres intérêts
et de ses propres affaires.
L’honorable
M. de Mérode dit qu’il n’a pas besoin de lire les observations des chambres de
commerce et des commissions d’agriculture pour s’éclairer.
M.
de Mérode. -
Je n’ai pas dit cela !
M.
Rogier. - Où
voulez-vous vous éclairer alors ? Une seule pièce manuscrite ne peut pas servir
à 96 membres. Le moyen d’exciter davantage, d’irriter l’opinion qui veut se
produire, ce serait de l’arrêter en quelque sorte dans sa voie naturelle.
Je
ne demande pas au reste l’insertion au Moniteur
de toutes les pétitions, mais seulement des observations des chambres de
commerce et des commissions d’agriculture. Chaque fois qu’on en annoncera j’en
demanderai l’insertion, et j’espère que la chambre n’entrera pas dans cette
voie nouvelle, d’étouffer les éclaircissements qui lui seraient adressés.
Maintenant
je répondrai en peu de mots à M. le ministre de l’intérieur et à M. Eloy. M. le
ministre de l’intérieur prétend qu’il est d’accord avec M. le ministre des
finances. Soit ; mais il n’en est pas moins vrai que M. le ministre des
finances s’était opposé à ce qu’on consultât les chambres de commerce et les commissions
d’agriculture. M. le ministre de l’intérieur, par un de ces expédients qui lui
sont familiers, a dit qu’il ne les consulterait pas, mais qu’il prendrait leur
avis.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ce sont là des insinuations dont vous êtes très
prodigue !
M.
Rogier. - Je
ne fais pas d’insinuation ; mes attaques sont toujours très directes ; je vous
attaque très directement comme étant en contradiction avec M. le ministre des
finances et avec vous-même ; mais peu importe, le ministre des finances
s’est-il, oui ou non, opposé à ce qu’on consultât les chambres de commerce et
les commissions d’agriculture ?...
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - A ce qu’on suspendît l’examen en sections !
M.
Rogier. - Il
s’y est opposé par le motif que ces corps consultatifs enverraient un avis
contraire au projet.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - C’est ce que j’expliquerai ; je demande la parole.
M.
Rogier. - Vous
ne l’expliquerez pas d’une manière satisfaisante.
Quant
à ce qu’a dit l’honorable M. Eloy de Burdinne, je suis fâché de devoir remonter
avec lui à 1834. Il prétend que je n’ai pas fourni alors les documents produits
par les chambres de commerce et les commissions d’agriculture sur la loi des
céréales. C’est une erreur. En 1834, j’ai proposé d’ajourner la discussion de
la loi précisément, parce que les chambres de commerce et les commissions
d’agriculture n’avaient pas été consultées. Loin de m’être opposé à ce qu’on
insérât leur avis au Moniteur, je me
suis fortement opposé à ce que l’on discutât, avant de les avoir entendues.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, M. le ministre des finances, interpellé
par plusieurs membres, a déclaré qu’il n’avait pas consulté à l’avance les
chambres de commerce et les commissions d’agriculture, parce qu’il voulait
librement élaborer son projet. Voilà ce qui s’est d’abord passé. Le projet
étant présenté, une motion d’ordre a été faite tendant à ce que tout examen
préparatoire en sections fût suspendu et que les chambres de commerce et les
commissions d’agriculture fussent consultées, de manière que tout examen eût
été impossible jusqu’à ce que le dernier avis se fût trouvé déposé sur le
bureau.
C’est
à cette proposition de suspension de l’examen préparatoire en sections, que mon
collègue des finances et moi nous nous sommes tous les deux opposés.
Alors
est arrivé ce que l’honorable préopinant veut bien appeler un expédient. J’ai
dit : Craignez-vous de ne pas recevoir les avis des chambres de commerce et des
commissions d’agriculture ? Soyez sans inquiétudes, ces avis vous arriveront
spontanément. Cependant je consens à faire davantage, à annoncer à ces corps ce
qu’ils savent déjà, qu’un projet est présente à la chambre sur tel objet et
qu’ils peuvent transmettre leurs observations à la chambre, soit par
l’intermédiaire du président, soit par l’intermédiaire du ministre de
l’intérieur ; c’est le ministre qui est le plus en rapport avec les chambres de
commerce et les commissions d’agriculture. Voilà la proposition que j’ai faite
; elle n’était nullement en contradiction avec ce qu’avait dit mon collègue le
ministre des finances. Nous nous étions opposés à la motion d’après laquelle il
y aurait eu suspension de tout examen préparatoire. C’est la marche que j’ai
indiquée qu’on suit maintenant.
Je demande si on ne peut pas s’en rapporter au bureau qui
pourrait insérer les pétitions les plus importantes sur les tabacs et les
céréales, afin que la même chose ne se trouve pas plusieurs fois reproduite.
Nous avons vu insérer des pétitions conçues dans des termes presque identiques.
On pourrait donc s’en rapporter au bureau pour faire un choix. Il n’est pas
nécessaire que ce choix soit fait dès aujourd’hui.
Vous
appellerez peut-être cela encore un expédient.
M.
Desmet. - J’appuie la proposition de M. le ministre de l’intérieur et je
renonce à la parole.
M.
Eloy de Burdinne. - J’avais demandé la parole pour rétablir un fait sur
lequel la mémoire de l’honorable M. Rogier est en défaut ; l’honorable membre a
dit qu’il avait demandé l’ajournement de la discussion, pour avoir les
renseignements des chambres de commerce et des commissions d’agriculture. Je
ferai remarquer qu’au moment où j’ai fait ma proposition, la chambre a ordonné
le renvoi aux commissions d’agriculture et aux chambres de commerce, et que je
fis alors cette observation : pourvu qu’on ne la renvoie pas aux kalendes
grecques.
M.
de Theux. - Si
on veut laisser au bureau le choix des pétitions qui devront être publiées,
j’appuierai cette proposition, parce que la question des tabacs est une
question très grave sur laquelle il importe que chacun puisse lire les
observations présentées à la chambre, les méditer et se former une opinion
avant la discussion du projet de loi. Ce que je demanderai, c’est que le bureau
puisse faire insérer dans un même Moniteur,
toutes les pétitions sur cet objet, afin de n’être pas obligé de recourir à une
série de numéros pour lire ces documents, ce qui est très fatigant pour ceux
qui veulent les consulter. Je demande qu’il en soit de même pour les pétitions
relatives aux céréales.
Après
avoir inséré les pétitions principales, on pourrait mentionnés succinctement
celles qui seraient dans le même sens.
M.
de Foere. -
Messieurs, je ne m’oppose pas à l’insertion au Moniteur de la pétition de la chambre de commerce d’Anvers ; mais
je prie la chambre de remarquer qu’il s’agit de poser un précédent. Il va
pleuvoir des pétitions sur le projet de loi relatif au tabac. De tous les
points du pays vous recevrez des pétitions et des mémoires sur cet objet. Si
vous autorisez l’insertion au Moniteur
de la pétition pour laquelle l’insertion est demandée, il faudra voter aussi
pour cette insertion de toutes les autres pétitions qui vous seront adressées
sur le même objet. Il convient que vous soyez conséquents avec vous-mêmes.
Je
n’admets pas l’espèce d’exception favorable à la chambre de commerce d’Anvers
que l’honorable M. Rogier a fait valoir. Il a dit que cette chambre de commerce
est le premier corps commercial du pays. J’ai examiné les documents émanés de
cette chambre du commerce depuis 12 ou 14 ans et envoyés à la chambre des
représentants, et j’ai remarqué qu’à des dates successives, ce corps a émis quelquefois
des opinions différentes et même quelquefois des opinions opposées sur les
mêmes questions.
Je
pense, d’ailleurs, que les autres chambres de commerce du pays méritent la même
confiance à l’égard de la question des droits à imposer sur le tabac et qu’au
surplus il ne convient pas de blesser ici leurs justes susceptibilités.
M.
d’Hoffschmidt.
- Il me semble que dans cette matière il serait peut-être dangereux d’adopter
la marche qu’on propose, qui tendrait à faire insérer des pétitions et mémoires
très nombreux au Moniteur. Cependant
je désire vivement, en ce qui me concerne, avoir connaissance de ces mémoires
des chambres de commerce et des commissions d’agriculture. Il me semble que la
meilleure marche à suivre serait de les faire imprimer et annexer au projet de
loi. Quant aux pétitions, qui seront très nombreuses, je ne pense pas qu’on doive
en ordonner l’impression. Je ne pense pas non plus qu’il convienne de charger
le bureau de faire un choix, ce serait constituer le bureau en commission
d’examen de documents et le charger en même temps d’une chose très difficile.
Quant
à moi, je désire que tous les documents envoyés par les chambres de commerce et
les commissions d’agriculture soient imprimés et annexés au projet de loi sur
les tabacs. Quant aux pétitions, à moins qu’il y en ait d’extrêmement
importantes, de nature à jeter une grande lumière sur la question, je pense
qu’il ne faut pas les imprimer, en égard au grand nombre qui devra nous être
adressé sur cette matière.
-
La proposition de M. le ministre de l’intérieur est adoptée.
M.
Rogier. - Je
demande que ma proposition soit mise aux voix.
M. le président. - Il est évident que le
bureau ordonnera l’insertion au Moniteur
des observations de la chambre de commerce d’Anvers.
M.
Rogier. - M.
le président peut-il m’en donner l’assurance ?
M. le président. - Non ; car je ne puis
personnifier en moi le bureau. Mais il ne me paraît pas douteux que le bureau,
considérant cette pétition comme l’une des principales, en ordonne l’insertion
au Moniteur.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - C’est évident.
M.
Rogier. - Je
n’insiste plus.
______________________
« Le
sieur Ange Delaveleye, ingénieur à Bruxelles, fait hommage à la chambre de deux
exemplaires de son mémoire sur l’exploitation des chemins de fer belges. »
- Dépôt
à la bibliothèque.
M.
Dumont.
- J’espère que la chambre voudra bien me permettre de m’expliquer sur ce que
j’étais absent lors du vote du budget de l’intérieur. J’avais quitté la
chambre, vendredi, avant la clôture de la séance. J’ignorais que la séance de
samedi eût été fixée à 10 heures. J’ai eu beaucoup de regret lorsque je suis
arrivé à midi et demi de voir que tout était terminé. Si j’avais assisté à la
séance, je me serais abstenu par les motifs qu’a exprimés l’honorable M.
d’Hoffschmidt.
M.
de Mérode. -
Cela ne se peut pas ; on ne doit pas exprimer de vote quand le vote de la
chambre est consommé. Dernièrement encore, la chambre s’est prononcée en ce
sens dans une circonstance à peu près analogue, qui concernait l’honorable M.
d’Hoffschmidt. Quand la chambre a émis un vote et qu’on n’assistait pas à la
séance, on n’a pas le droit de dire : « Si j’y avais assisté, j’aurais
voté dans tel ou tel sens. »
Je
ne fais pas cette observation parce que l’honorable M, Dumont a exprimé une
opinion contraire à la mienne, mais parce que cela est contraire aux principes.
L’honorable M. Dumont peut expliquer que c’est malgré lui qu’il n’a pas assisté
à la séance, qu’il ne s’est pas absenté avec intention au moment du vote du
budget de l’intérieur, mais il ne peut dire dans quel sens il aurait voté.
M.
Delfosse. -
L’honorable M. de Mérode vient de proclamer un principe que je ne puis
admettre. Il ne veut pas qu’un membre puisse dire : J’aurais voté dans tel ou
tel sens, si j’avais assisté à la séance.
Mais
c’est une atteinte portée à la liberté individuelle. Evidemment j’ai le droit
(et personne ne peut m’empêcher de l’exercer) de dire comment j’aurais voté, si
j’avais assisté à la séance.
M. le président. - Il est évident que
législativement, ce vote est comme non avenu.
M.
d’Hoffschmidt.
- Je ferai remarquer que la discussion est oiseuse, en ce qui concerne
l’honorable M. Dumont, puisqu’il a exprime son opinion. Mais je ne puis
partager l’opinion exprimée en principe par l’honorable M. de Mérode. C’est à
la chambre à décider si elle veut ou si elle de veut pas qu’un membre déclare
comment il aurait voté.
L’honorable
membre a dit que la chambre s’est prononcée dans un cas analogue qui me
concernait. Je dois faire remarquer que le cas n’était pas analogue. Après
avoir voté dans un sens, j’avais demandé que mon vote fût rectifié. Mais
l’honorable M. Dumont n’a pas demandé que son vote fût ajouté à ceux qui ont
été émis ; il est venu seulement exprimer sa pensée. Il me semble qu’il est toujours
libre à un membre de la chambre de venir exprimer sa pensée avec franchise sur
un acte d’une aussi haute importance.
-
Cet incident n’a pas de suite.
PROJET DE LOI RELATIF A LA
PRESCRIPTION DES CREANCES MENTIONNEES DANS L’ARTICLE 64 DU TRAITE DU 5 NOVEMBRE
1842
Discussion générale
M. le président. - La discussion est
ouverte sur l’ensemble du projet de loi. La parole est à M. le ministre des
finances.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Je crois devoir faire remarquer d’abord à la chambre qu’en
principe le gouvernement est d’accord avec la proposition qui vous est soumise
par la section centrale, c’est-à-dire, qu’il ne s’agit pas de relever de la
déchéance aucune créance qui en serait atteinte. L’exposé des motifs du projet
de loi ne laisse aucun doute à cet égard ; je me permettrai d’en citer un
passage :
« Dans
cet état de choses, dit l’exposé des motifs, il n’existe pas aujourd’hui de
prescription légale applicable aux créances qui, n’était ni prescrites ni
frappées de déchéance à l’époque du 1er octobre 1830, sont admissibles dans la
liquidation actuellement ouverte. »
Il
est donc évident que le gouvernement n’a eu en vue que les créances qui ne sont
pas frappées de déchéance. D’ailleurs, il n’est question que de celles-là dans
l’art. 64 du traité du 5 novembre.
Toutefois,
j’admets qu’il y a une distinction à établir entre les engagères et les autres
créances ; relativement aux engagères, aucun terme fatal n’a été fixé jusqu’à
ce jour ; il importe donc d’en établir un ; j’adopte par conséquent l’article
premier du projet de la section centrale.
Mais
nous avons pensé qu’il était nécessaire que les intéressés adressassent au
gouvernement de nouvelles réclamations pour les autres créances. C’est dans ce
but que différents avis ont été précédemment mis dans le Moniteur et d’autres journaux. La plupart des intéressés, par suite
de ces appels, se sont adressés de nouveau au gouvernement pour rappeler leurs
anciennes réclamations. Cette mesure a été jugée utile, d’abord parce qu’il est
possible que toutes les pièces ne nous soient pas communiquées par le
gouvernement des Pays-Bas, que certains dossiers soient égarés ; il importe
d’ailleurs que la liquidation ne se prolonge pas indéfiniment. Il en sera
ainsi, cependant, si vous ne fixez pas un délai pour la présentation de celles
qui se rapportent à des créances qui, par une circonstance quelconque, ne nous
sont pas connues.
C’est
dans ce but que je proposerai un nouvel article ainsi conçu :
« Art.
2. Les réclamations relatives aux créances des autres catégories dont il est
fait mention à l’art. 64 du traité conclu avec les Pays-Bas le 5 novembre 1842,
pour les liquidations desquelles les parties se sont pourvues en temps utiles,
devront être produites avant le terme fixé à l’article précédent. »
J’ajouterai
qu’en proposant cette disposition, nous nous conformons aux précédents.
Toujours, quand un gouvernement est substitué à une autre pour la liquidation
d’anciennes créances, ce gouvernement exige de nouvelles réclamations.
J’insiste sur cette considération, que, pour ne pas prolonger
indéfiniment les opérations de liquidation, il importe de fixer un délai.
La
section centrale a fait une observation sur l’art. 2 du projet du gouvernement
; elle a cru que cet article était inutile, parce que les dispositions de la
loi du 17 février 1818 ne sont pas abrogées. Cela serait vrai si cette loi
concernait toutes les créances qu’il s’agit aujourd’hui de liquider ; il n’en
est pas ainsi, car elle ne s’applique point aux créances dites françaises. Il
paraît convenable de déterminer pour ces liquidations le même temps que pour
les autres.
Quant
à l’art. 3 du projet de la section centrale, je puis m’y rallier.
Je
ferai sur l’art. 1er du projet de la section centrale une seule observation,
c’est qu’il faudrait substituer aux mots « être formées » ceux « avoir été
formées, » afin que ceux qui ont déjà adressé des réclamations au ministère des
finances ne soient pas obligés d’en former de nouvelles.
M. Verhaegen. - Le projet qui nous est
soumis est plus important qu’on pourrait le croire au premier abord. Je me
propose donc de vous soumettre quelques observations que je crois
indispensables ; je prierai l’honorable rapporteur de vouloir bien les méditer
et de voir ensuite s’il n’y a pas lieu à apporter quelques modifications à son
travail.
Si
je comprends bien, la section centrale admet une prescription de cinq mois pour
les bordereaux qui seront délivrés par la commission de liquidation ; elle
admet une prescription très courte (elle ne sera que de cinq mois, si toutefois
encore la loi est votée immédiatement) pour les réclamations du chef des
engagères dont la convention du 5 mars 1828 entre les Pays-Bas et l’Autriche a
stipulé la liquidation ; enfin elle admet une semblable prescription pour les
certificats de liquidation ou certificats de rentes arriérées délivrés aux
intéressés avant le 1er octobre 1830, et non prescrits à cette époque.
C’est,
messieurs, sur ces prescriptions très courtes que je fixe surtout votre
attention. Après cinq mois, toutes les créances dont il est mention dans le
projet, quelque légitimes qu’elles soient, seront perdues, et peut-être même
voudrait-on comprendre dans la disposition les créances appartenant à des
mineurs, à des interdits !!
Prenons-y
garde : la chose est grave ! Quand la loi sera publiée, il est vrai que
tout le inonde sera censé la connaître, mais ce n’est qu’une présomption légale
et de là à la connaissance réelle, il y a une grande différence.
Dira-t-on
qu’il reste fort peu de ces créances non encore liquidées ? Ce n’est pas une
raison pour faire une mauvaise loi. Quant à moi, je ne peux pas admettre des
prescriptions aussi courtes, je voudrais laisser au moins le délai d’un an,
tout en informant les intéressés par des affiches.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - On peut laisser ce soin au gouvernement.
M. Verhaegen. - On ne peut rien laisser
à l’arbitraire, tout doit être déterminé par la loi.
Maintenant
les prescriptions que le projet admet courront-elles contre les mineurs et les
interdits ? Si telle est l’intention de la section centrale, il faut le dire
d’une manière explicite.
M.
Malou, rapporteur. - Pas du tout.
M. Verhaegen. - L’honorable M. Malou dit
non. Mais d’après le principe général écrit dans l’art. 2252 du code civil, les
prescriptions ne courent pas contre les mineurs et les interdits ; ce n’est que
pour quelques prescriptions particulières mentionnées dans un chapitre spécial,
que l’art. 2278 fait exception, et appliquera-t-on cette exception à des
prescriptions pour lesquelles elle n’a pas été faite ?
Si
l’on jugeait à propos d’admettre à cet égard une disposition additionnelle, je
ne m’y opposerais pas ; mais je voudrais alors que le terme fût plus long ; je
proposerai celui d’un an.
Maintenant,
dans l’intention du gouvernement et de la section centrale, on maintient la loi
de 1818, quant aux bordereaux à délivrer par la commission de liquidation, et
d’après cette loi la prescription est de cinq ans. C’est encore une exception
que l’on fait au droit commun, car, en règle générale, la prescription serait
de 30 ans.
Je
me demande s’il est bien de l’intérêt du gouvernement de réduire la
prescription de 30 à 5 ans. Je comprends qu’il avait utilité d’exiger des
réclamations immédiates pour les anciens bordereaux ; il fallait savoir à quoi
s’en tenir ; mais pour les bordereaux à délivrer par la commission actuelle,
quel intérêt à l’Etat à forcer les créanciers de retirer leurs fonds dans un
délai de 5 ans, des fonds dont le trésor pourrait jouir pendant plusieurs
années encore ?
M.
Malou, rapporteur. - Ce ne serait pas sans intérêt.
M. Verhaegen. - Où cela est-il écrit ?
M.
Malou, rapporteur. - Dans la loi de 1818.
M. Verhaegen. - La loi de 1818 est-elle
applicable à ce point de vue ? j’en doute.
En
terminant, je demanderai à M. le ministre des finances où en sont les
opérations de la commission, si ses travaux avancent. Car si, d’une part, il
s’agit des intérêts du gouvernement, il faut bien aussi soigner les intérêts
des créanciers. Si les travaux de la commission étaient tellement nombreux
qu’elle ne pût en finir dans le délai qui a été fixé, il faudrait prendre
d’autres mesures ; il n’en coûterait pas d’avantage de nommer une seconde
commission, que de proroger les pouvoirs de celle qui existe.
Je
bornerai là pour le moment mes observations. Je verrai plus tard s’il y a lieu
de présenter d’autres considérations.
M.
Malou, rapporteur. - Messieurs, la section centrale a cru devoir changer le
projet du gouvernement, non pas qu’elle pensât que l’intention du gouvernement
ait été de relever de la déchéance ceux qui l’avaient encourue avant 1830, mais
parce qu’il lui a paru qu’il y avait entre l’exposé des motifs et le texte du
projet une espèce de contradiction, en ce sens que le texte du projet,
considéré isolément, tendait à faire croire ou pouvait laisser croire que les
créanciers déchus du droit de réclamer auraient été relevés de cette déchéance par
suite de la loi nouvelle.
Quel
est, messieurs, le but de la présentation de ce projet de loi ? Quel est le
point de vue auquel le gouvernement et la chambre doivent se placer pour la
discussion ?
Reportons-nous,
messieurs, à l’origine de l’obligation de
Diverses
liquidations n’étaient pas achevées lorsque la révolution est survenue. Dans
les négociations d’Utrecht, le gouvernement belge a soutenu que l’obligation du
pays consistait exclusivement à payer cinq millions de rentes, et que par conséquent,
cette liquidation devait être achevée au compte de
Ce
système, messieurs, a été admis. Mais on a bientôt reconnu l’impossibilité de faire
achever cette liquidation par une commission mixte, et on a reconnu aussi qu’il
eût été extrêmement fâcheux pour nos nationaux d’avoir à débattre leurs droits
devant une autorité hollandaise, ou même, pour une catégorie de créances, pour
les liquidations dites françaises, devant une commission mixte. De là l’origine
de l’arrangement à forfait conclu par l’art. 64 du traité du novembre 1842.
Ainsi
l’art. 64 du traité a donné aux créanciers belges, pour débiteur, le trésor
belge, et ce débiteur est obligé d’achever la liquidation d’après les règles
posées avant le 1er octobre 1830. Il me semble que ce principe résout plusieurs
objections présentées par l’honorable M. Verhaegen. Si, en effet, il ne s’agit
que d’achever une liquidation commencée avant 1830, il est évident que nous ne
pouvons point toucher à la loi de 1818 ; il est évident que nous ne devons pas
innover, que nous devons laisser subsister la législation spéciale. En
modifiant cette législation, nous ferions, pour certains créanciers, ce que nous
ne ferions point pour d’autres ; or nous devons maintenir, entre tous les
créanciers dont le droit est le même, une parfaite égalité de position. Le
gouvernement a expressément déclaré à la section centrale chargée de l’examen
du traité qu’il ne s’agissait en aucune manière d’innover.
Ainsi,
messieurs, la loi nouvelle n’a d’autre but que de combler une lacune ; cette
lacune résulte des faits nouveaux qui se sont passés depuis que la liquidation
a été interrompue. En quoi consiste cette lacune ? Elle consiste d’abord en ce
que, pour une des cinq catégories qui font l’objet de l’art. 64, il n’a pas été
établi par une loi un délai fatal pour réclamer. L’art. 1er du projet de la
section centrale a pour objet d’accorder jusqu’à la fin du semestre courant le
droit de former des réclamations, du chef des engagères qui font l’objet de la
convention de 1818. On a cru, messieurs, qu’il était inutile de disposer à
l’égard des réclamations du chef des autres catégories, précisément parce que
le délai dans lequel ces réclamations pouvaient être faites était expiré depuis
plusieurs années.
Le
gouvernement ne paraît pas être de cet avis, car tout à l’heure M. le ministre
des finances a proposé un deuxième paragraphe à l’article 1er, lequel suppose
que tous les créanciers indistinctement, dont les créances n’étaient pas
liquidées au 1er octobre 1830, doivent, sous peine de déchéance, dans un délai
déterminé, former une réclamation. C’est là, messieurs, une innovation très
grave et qui me paraît inutile. Je dis que cette innovation est très grave :
qu’arriverait-il, en effet ? Que les créanciers qui ont réclamé dans le délai
utile, dont les titres sont entre les mains du gouvernement belge, et qui sont
encore aujourd’hui en instance devant la commission belge ; il arriverait,
dis-je, que ces créanciers perdraient leurs droits s’ils n’accomplissaient pas
dans un délai très court des formalités que, d’après la législation antérieure,
ils ont dû croire inutiles.
Je
dis, en second lien, que cette innovation n’est pas nécessaire. En effet, le
gouvernement belge, en se substituant au gouvernement hollandais, a stipulé que
toutes les pièces relatives à la liquidation, lui seraient remises. La
commission instituée par suite du traite de 1842 succède aux droits des
anciennes commissions néerlandaises de liquidation et de conversion ; elle
prend les affaires dans l’état où ces anciennes commissions les ont laissées.Il
est donc tout à fait inutile de demander à ceux qui, en temps utile, ont saisi
les autorités compétentes, qu’ils fassent de nouvelles réclamations pour
conserver leurs droits.
Ainsi,
messieurs, se trouve résolue l’objection que M. le ministre tirait de ce que le
gouvernement hollandais pourrait ne pas remettre les pièces, de ce que les
pièces seraient égarées.
Jusqu’à
présent, messieurs, j’ai parlé exclusivement des réclamations ; je viens
maintenant aux objections faites par l’honorable M. Verhaegen en ce qui touche
les certificats ou les bordereaux émis avant 1830. Et d’abord j’expliquerai les
motifs qui ont porté la section centrale à supprimer le mot bordereau. Ce mot ne se trouve dans
aucune loi, dans aucun traité. Pour la plupart des catégories les bordereaux ne
sont pas des titres, ce n’est que pour les rentes dites françaises que l’on
pourrait avoir désigné sous le nom de bordereaux, les titres qui s’émettaient
et que les créanciers devaient produire pour l’inscription ; mais il me paraît
évident que si la loi établit un délai pour présenter les certificats de
liquidation, les bordereaux émis par les liquidations françaises se trouveront
compris sous cette expression. Quant aux autres catégories de certificats, émis
ou à émettre à l’avenir, les règles établies suffisent, sauf un seul point. Ces
règles, d abord, en voici l’expose succinct :
La
commission de liquidation émettait des certificats indiquant la rente tiercée ;
c’était là le titre qui devait être retiré par les intéressés à la direction du
grand-livre de la dette publique. Ce titre n’avait force et valeur que pendant
cinq ans. Sur ce point encore, messieurs, aucune innovation n’est nécessaire,
aucune ne pourrait se justifier, car, je le dis encore, si vous substituiez
aujourd’hui, par exemple, la prescription de 30 ans à celle de 5 ans, vous
donneriez une position beaucoup plus favorable aux créanciers qui seront
liquidés à l’avenir qu’à ceux qui ont été liquidés par les anciennes
commissions néerlandaises.
Ces
distinctions me paraissent avoir été imparfaitement saisies par l’honorable
préopinant. Déjà, d’après la loi de 1818, il n’y avait pour les réclamations qu’un
délai de 3 mois ; aujourd’hui il s’agit d’accorder un délai de 4 ou 5 mois pour
des réclamations de même nature, et à l’égard de créanciers dont la position
est singulièrement changée ; alors, en effet, le délai n’était que de 3 mois ;
depuis la loi, au contraire, on a fait un appel à tous les moyens de publicité
dont on a pu disposer, et, à trois reprises différentes, on a provoqué les
réclamations. Ainsi, pour les engagères, le gouvernement des Pays Bas a fait
une instruction ; il a invité les gouverneurs et tous les intéressés à produire
leurs réclamations ; ainsi, à la suite du traité de 1839, on a fait un appel de
la même nature ; cet appel a été fait une troisième fois, en 1843, après
l’adoption du traite de 1842. Si donc on se reporte aux précédents, si on se
rappelle ces faits que je viens d’indiquer, il me paraît évident que, pour les
réclamations à faire, un délai de 4 ou 5 mois est plus que suffisant.
Quant
aux titres émis, messieurs, nous laissons intacte la législation antérieure au
1er octobre 1830 ; seulement la section centrale a pensé qu’il était équitable,
et en quelque sorte nécessaire d’admettre une exception pour les certificats
émis pendant le mois d’octobre 1825. Au 1er octobre 1830 les certificats émis
pendant le mois d’octobre 1825 avaient tout au plus un mois à courir ; il en
est qui n’avaient plus qu’un ou deux jours. Il faut donc accorder au créanciers
de cette catégorie un délai moral pour présenter leurs titres à l’inscription,
et certainement un délai d’un mois n’est pas trop long.
L’honorable
M. Verhaegen a demandé si ces prescriptions courent contre les mineurs et les
interdits, si l’on peut ici appliquer l’article 2278 du code civil. Ce sont là
des questions dont la section centrale ne s’est point occupée, et dont elle ne
devait pas s’occuper. Les anciennes commissions dans le cours de leurs travaux,
ont sans doute rencontré ces questions, je pourrai même dire que la commission
belge et les obligations du trésor belge en a rencontré quelques-unes. La
jurisprudence doit être formée à cet égard, mais d’après les principes mêmes
qui établissent aujourd’hui la compétence de la commission belge, il me semble
que nous ne pouvons point ici résoudre ces questions à l’égard des créanciers
qui seront liquidés à l’avenir. S’il fallait discuter ce point, il ne serait
pas difficile d’établir que dans ces matières toute spéciales, la minorité ne
suspend point la prescription. J’ai peut-être tort, messieurs, de me servir ici
du mot prescription, car en
liquidation il n’y a point, à proprement parler de prescription, il y a des
déchéances, c’est-à-dire que l’on ne considère le droit comme acquis que
lorsque les formalités exigées par la loi ont été remplies dans un délai
déterminé, sans examiner quelles sont les causes du non-accomplissement de ces
formalités. Quoi qu’il en soit, je le répète encore, il me paraît que la
section centrale n’avait pas à s’occuper, que la chambre n’a pas à s’occuper de
ces questions, qui doivent ère résolues d’après les antécédents, d’après les
principes généraux relatifs à la liquidation.
«
Quel intérêt, demande encore l’honorable préopinant, quel intérêt peut-il y
avoir à borner à 5 années la force la valeur des certificats qui seront émis à
l’avenir ? » Mais d’abord il y a ce motif que j’ai déjà plus d’une fois indiqué,
qu’il faut maintenir l’égalité entre tous les créanciers. En second lieu,
j’indiquerai, pour faire ressortir cet intérêt, quelles sont les dispositions
de la loi de 1818.
Le
gouvernement des Pays-Bas avait ressuscité en quelque sorte les anciennes dettes
belges, parce qu’en Hollande, après la restauration, on avait fait revivre
l’ancienne dette qui avait été méconnue. Une mesure d’équité fut donc prise à
l’égard des provinces méridionales, parce que l’on avait pris pour les
provinces septentrionales une mesure peut-être un peu plus qu’équitable.
En
prenant ce point de départ, l’on a donné cours aux intérêts, à partir de
l’époque où le gouvernement précédent avait pris possession des provinces
méridionales du royaume des Pays-Bas, c’est-à -dire, à partir du 1er janvier
1815. Ces intérêts courent jusqu’au premier jour du semestre pendant lequel le
certificat a été émis. Ils cessent et reprennent cours, non plus sur la rente
originaire tiercée, mais sur la rente qui doit être inscrite à partir du premier
jour du semestre pendant lequel le certificat a été présenté à l’inscription.
Ainsi, lors de l’émission, le titre est mis à la disposition
du créancier, qui a 5 ans, pour le présenter à l’inscription. S’il le présente
dans le même semestre, il donne immédiatement cours aux intérêts ; s’il laisse
écouler 5 années sans le présenter, il perd non seulement les intérêts, mais il
perd le droit de réclamer le capital lui-même.
Qu’arriverait-il
donc si l’on accordait un délai de 30 années ? C’est qu’on pourrait retenir
indéfiniment les titres, et que les obligations du trésor ne seraient point
connues. Après un espace de plus de 5 années, des créanciers plus favorisés que
d’autres présenteraient des certificats qui, d’après la loi de 1818, devraient
être considérés comme prescrits.
Il
me reste une dernière observation à faire.
Dans
le discours que M. le ministre des finances a prononcé tout à l’heure, il a
omis, sans doute involontairement, de parler de l’art. 2 du projet de la
section centrale. En terminant, je crois donc devoir demander à M. le ministre
s’il adhère également à cet article.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Messieurs, d’après les explications qu’a données
l’honorable rapporteur sur la portée de l’article 2 qui, dans son esprit,
comporte également les bordereaux des créances dites françaises, je puis me
rallier à cet article.
L’honorable
préopinant a fait à cette occasion des observations sur la disposition
additionnelle que j’ai proposée tout à l’heure, à l’égard des créances autres
que les engagères, qui ne sont pas frappées de prescription ; l’honorable
rapporteur pense que ce serait une question bien grave, que celle de savoir
s’il y a lieu de poser un délai fatal pour la présentation de nouvelles
réclamations relatives aux créances que la déchéance n’a pas atteinte.
Il
serait peut-être possible de restreindre la mesure proposée ; on ne peut
contester qu’il est possible que des dossiers relatifs à certaines créances non
frappées de prescription soient égarés et n’aient pas été remis au gouvernement
belge. Si les intéressés ne sont pas rendus attentifs à une pareille éventualité, il peut résulter pour eux un préjudice, puisqu’après
la dissolution de la commission, il n’existera plus d’autorité pour connaître
de leurs réclamations ; ainsi, je pense que, sans astreindre tous les
intéressés à produire de nouvelles réclamations, la chambre pourrait adopter l’article
dont je vais lui donner lecture. Cet article aurait simplement pour objet de
rendre chacun attentif à ses intérêts, et en même temps de ne pas prolonger
indéfiniment la liquidation.
L’honorable
M. Verhaegen demandait tout à l’heure, à quelle époque on peut espérer que
cette liquidation soit terminée. Je lui répondrai que la commission imprime une
grande activité à ses travaux, qui, je pense, pourront être achevés avant la
fin de l’année.
Voici
le nouvel article 2 que j’ai l’honneur de proposer à la chambre :
«
Art. 2. Aucune réclamation relative aux créances des autres catégories dont il
est fait mention à l’art. 64 du traité conclu avec les Pays-Bas, le 5 novembre
1842, pour la liquidation desquelles les partis se sont pourvus en temps utile,
ne sera admise après le terme fixé à l’article précédent. »
M.
Desmet. - Messieurs, je crois qu’il aurait été plus facile de voter le projet
de loi en discussion si nous avions eu connaissance des travaux de la
commission de liquidation. Nous ignorons les bases du système qu’on a adopté
pour la liquidation. D’après ce que vient de dire l’honorable rapporteur, il
semble que l’on se propose de se conformer aux errements des précédentes
liquidations ; je veux parler de la liquidation de 1818. Il peut arriver
cependant que des oublis aient eu lieu. Si je saisis bien la pensée de
l’article 64 du traité du 5 novembre 1842, non seulement on veut atteindre les
créances déjà liquidées, mais même celles qu’on aurait omises. Il s’agit ici
des créances à charge de l’Etat belge.
Mais il y a une autre catégorie de créances, c’est celle des
engagères auxquelles cette loi n’est pas applicable. On ne sait pas encore
comment on va liquider ces engagères. Cependant ces créances forment une
catégorie tout à fait spéciale. Vous savez, messieurs, que les engagères
étaient une dette purement hollandaise, au profit des créanciers belges. On
sait aussi qu’en 1828 le roi de Hollande a touché un capital pour éteindre
cette dette.
Eh
bien, à l’heure qu’il est, on ignore encore comment on liquidera cette dette ;
on ne sait pas si l’on paiera les intérêts.
Il
y a plus encore : d’après le rapport de la section centrale, on admettrait
uniquement à la liquidation les personnes qui ont réclamé du chef des
engagères.
Je
répète que si nous avions eu connaissance des travaux de la commission, nous
aurions pu voter la loi avec une parfaite entente. Mais en l’absence de ces
renseignements, je demanderai M. le rapporteur comment on liquidera les
engagères, et si on paiera les intérêts, Je demanderai aussi si les personnes
qui n’auront pas réclamé, ne seront point comprises dans la liquidation.
M.
Malou, rapporteur. - Messieurs, la modification que M. le ministre des
finances a introduite dans le paragraphe additionnel à l’art. premier écarte
l’objection que j’avais faite. Il est bien entendu maintenant que celui qui a
fait une réclamation avant 1830 n’a pas besoin d’en former une nouvelle avant
le premier juillet
Il
me reste répondre aux observations que vient de présenter l’honorable M.
Desmet,
En
ce qui concerne les engagères, la section centrale a posé deux questions :
Y
a-t-il eu avant 1830 un délai fatal pour réclamer de ce chef ?
Y
a-t-il une base déterminée pour liquider les engagères ?
A
la première question, le gouvernement a répondu qu’il n’y avait aucun délai
fatal ; la section centrale a reconnu qu’il en était ainsi, et que par
conséquent il y avait lieu à établir un tel délai.
Pour
les engagères, qui font l’objet de la convention de 1828, l’on peut donc encore
réclamer utilement jusqu’au 30 juin 1844 ; ceux qui oublieront de réclamer
devront s’imputer à eux-mêmes les suites de leur négligence ; ils seront
déchus, après de ce délai, du droit de réclamer.
Quant
à la question de savoir d’après quelles bases on liquidera les engagères, le
gouvernement a fait connaître à la section centrale que, d’après les protocoles
qui avaient précédé la convention de 1828, l’intention du gouvernement des
Pays-Bas était d’appliquer aux engagères la loi du 9 février 1818, et c’est en
effet cette loi dont il est fait mention dans l’art. 64 du traité du 5 novembre
1842. En présence de la réponse du gouvernement, ainsi que du texte de l’art.
64 du traité, la section centrale a cru inutile d’insérer dans la loi des
dispositions nouvelles.
Quel sera le résultat, pour les titulaires des anciennes
engagères, de la liquidation faite d’après la loi du 9 février 1818 ? On devra
tiercer les engagères, on devra donner aux titulaires un tiers en dette active,
et deux tiers en dette différée, ou, pour mieux dire, en une valeur égale à
celle de la dette différée.
Depuis
quelle époque bonifiera-t-or, les intérêts ? Depuis le 1er janvier 1815
jusqu’au premier jour du semestre pendant lequel les certificats seront émis.
En d’autres termes, les porteurs des créances dites engagères seront assimilés
complètement aux porteurs des titres de l’ancienne dette constituée dans les
ci-devant provinces méridionales. Ces créances remontent à la même époque ;
elles ont traversé les mêmes vicissitudes, elles ont été méconnues et
ressuscitées ensuite ; on leur appliquera les dispositions relatives à toutes
les créances qui sont de la même nature que les engagères.
Telle
est la conséquence nécessaire, ce me semble, de la disposition qui a été
insérée dans le traite du 5 novembre 1842.
M.
Desmet. - Messieurs, ce que je viens de dire l’a été très à propos, car vous
venez d’entendre, par la bouche de M. le rapporteur, qui est en même temps un
des membres de la commission de liquidation, de quelle manière la liquidation
des engagères se fera ; il vient de vous dire que les créances dites engagères
seront liquidées de la même manière que l’ont été celles qui font l’objet de la
loi de 1818, il vient de vous déclarer que ces créances le seront sur le pied
de cette loi. Cependant, messieurs, il y a une grande différence entre les
diverses catégories de dettes à payer ; celles comprises dans la loi de 1818
sont les dettes qui étaient à charge de nos anciennes provinces belges ; elles
étaient, on pourrait dire, des dettes à charge de l’Etat belge ; elles étaient
celles que le gouvernement français n’avait pas voulu reconnaître entièrement
et prendre à sa charge ; elles n’avaient seulement été reconnues, par le roi
des Pays-Bas, que par le motif que les dettes des mêmes catégories l’avaient
déjà été et soumises à une liquidation en Hollande, et cela comme nous le
savons tous, au profit de la caisse même du roi.
Tandis
que les engagères étaient une dette, non pas à la charge de l’Etat belge, mais
uniquement à la charge de la personne de l’empereur d’Autriche, au commencement
du siècle dernier, sous le règne impérial de Charles VI, le souverain qui avait
besoin d’argent pour entretenir ses troupes, s’adressa aux magistrats
municipaux de plusieurs villes du pays et leur emprunta divers capitaux, qui
furent garantis par lui seul, aussi bien pour les capitaux que pour les
intérêts ; cc sont ces emprunts faits par l’empereur d’Autriche qui forment les
créances dites engagères.
Par
le traité de Campo-Formio, ces créances restèrent à la charge de l’empereur
d’Autriche, et ceci fut positivement stipulé ; d’ailleurs l’empereur d’Autriche
ne contesta jamais cette dette, il l’a reconnut tellement, que par la
négociation de 1828, qui eut lieu entre lui et le roi des Pays-Bas, il remit au
roi des Pays-Bas un capital qui devait servir pour payer la dette totale des
engagères ; de cette manière, la maison d’Autriche se déchargea complètement de
cette dette et la mit à charge de notre souverain d’alors.
Ainsi, cette dette était une dette personnelle à charge du
roi des Pays-Bas, et de la manière que la négociation avait lieu, elle ne
comprenait pas seulement les capitaux prêtés, mais aussi les intérêts qui
restaient à payer.
Vous
sentez donc, messieurs, que cette créance des engagères fait une catégorie
toute particulière et que certainement elle ne peut pas être comparée dans la
liquidation qu’a fait subir aux autres dettes la loi de 1818. J’ose même dire
que ce serait une injustice, si on appliquait aux créanciers des engagères le
système de liquidation de la loi de 1818. L’empereur d Autriche avait remis au
roi des Pays-Bas les capitaux nécessaires pour acquitter aussi bien les
arrérages des intérêts que les capitaux des engagères, il est donc juste et
équitable qu’on remette aux créanciers ce que l’on avait reçu pour eux. Je
pense donc que la commission de liquidation aura égard au droit des engagistes,
qu’ils seront totalement payés et qu’aucun des engagistes ne sera omis ; c’est
pour ce dernier motif que j’insiste pour que l’on prenne des moyens pour que le
terme fatal aux réclamations soit suffisamment connu dans tout le pays.
M. Verhaegen. - Messieurs, je n’entrerai
pas dans des considérations sur le fond des prétentions ; elles ont été
appréciées par la section centrale, et l’on vient de donner à cet égard des
éclaircissements qui me paraissent suffisants ; mais je dois insister sur la
déchéance telle qu’elle a été proposée ; j’insiste, parce que nous sortons des
principes sur la matière, et que nous allons faire quelque chose d’exorbitant.
Le
terme, quoi qu’en dise l’honorable M. Malou, est beaucoup trop court.
D’ailleurs, ce terme de la manière dont il a été fixé, donne lieu à un vague
qu’il est impossible de dissiper. On fixe dans votre loi l’époque du 1er
juillet 1844.
Sait-on
quand la loi sera parfaite, quand elle sera promulguée ? Le sénat peut y
introduire des amendements ; et alors qu’arrivera-t-il ?
Il
faut fixer un terme en prenant un point de départ. Quant à moi, je prends pour
point de départ la promulgation de la loi. En vain l’honorable M. Malou dit
qu’il ne s’agit que de déchéance, qu’une déchéance n’est pas une prescription.
Les mots n’ont aucune importance, car la déchéance et la prescription nous
amènent au même résultat. Dire qu’il y aura déchéance contre le créancier, si
pour le terme fixé il ne s’est pas présenté, c’est dire qu’il y a prescription
; déchéance et prescription sont bien synonymes.
Encore une fois les prescriptions établies par le projet de
loi seront-elles applicables aux mineurs et aux interdits ?
Nous
n’avons pas à nous occuper de cela, dit M. le rapporteur, la commission fixera
sa jurisprudence. Mais en vertu de quoi ? Si la loi est contraire ou si elle
n’en dit rien, j’ai assez de confiance dans les lumières de la commission pour
être convaincu qu’elle n’appliquera pas de prescription. Certes on ne va pas
lui donner une latitude telle qu’elle pourra se mettre en opposition directe
avec les principes généraux. Sa jurisprudence ne peut qu’être conforme à la
loi.
La
législature ne doit pas tourner les difficultés mais les rencontrer. La
difficulté qui se présente, elle doit la résoudre d’une manière explicite.
Veut-elle
que la déchéance soit encourue par les mineurs et les interdits, qu’elle le
dise. Mon amendement aura pour but de lever tout doute.
M.
Malou, rapporteur. - Messieurs, d’après les amendements proposés par
l’honorable M. Verhaegen, deux questions se présentent. D’abord, faut-il
établir un autre terme pour former les réclamations ? En second lieu faut-il
s’occuper des questions relatives aux mineurs et aux interdits. Je ferai
remarquer qu’en fixant dans la loi même un terme, on définit mieux ce terme, on
appelle mieux l’attention sur l’époque où les intéressés ne pourront plus agir
utilement. S’il était à prévoir que la loi ne peut être adoptée que dans quelques
mois, il vaudrait mieux sans doute faire courir le délai à partir de la
promulgation de la loi ; mais cela n’est pas à présumer. D’un autre côté, si le
sénat introduit un amendement, la loi nous reviendra, et nous verrons alors
s’il y a lieu d’établir un autre terme que le 1er juillet. Dans tous les cas,
nous devons voter la loi en prenant pour point de départ la supposition qu’elle
sera admise par le sénat.
Quant
à la question de savoir si la prescription ou déchéance peut atteindre les
mineurs et les interdits, je ferai observer de nouveau qu’il s’agit d’achever
les liquidations d’après les règles tracées avant 1830 ; que c’est là une des
mille questions qui naîtront dans le cours des travaux de la commission belge,
et que la chambre ne doit pas poser de règles nouvelles.
Il est un dernier point sur lequel je dois m’expliquer. On
s’est demandé s’il fallait ordonner dans la loi même une publication
extraordinaire. Je pense que cela ne doit pas être prescrit par la loi. Quelle
est, en effet, la présomption qu’il faudrait admettre pour adopter l’amendement
proposé ? Il faudrait supposer que toutes les lois ne sont pas connues. Or, la
seule présomption admissible, c’est que les lois sont connues toutes par la
publicité ordinaire qu’elles reçoivent.
Il
y a, à ce sujet, un antécédent. Quand on a discuté la loi sur le renouvellement
des inscriptions hypothécaires, qui touchait à des intérêts si graves, qui
embrassait un si grand nombre de faits, on a demandé s’il fallait insérer dans
la loi l’obligation pour le gouvernement de publier cette loi de telle ou telle
manière. Apres une discussion, assez longue, si mes souvenirs sont exacts, il a
été reconnu qu’il fallait se borner, comme la section centrale le propose
aujourd’hui, à recommander ce point à l’attention du gouvernement.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Je partage entièrement l’opinion émise par l’honorable
rapporteur dans sa réponse à l’honorable M. Verhaegen. J’ajouterai un
renseignement de fait ; c’est que les réclamations ont été provoquées depuis
longtemps, à différentes reprises. La loi que nous discutons, en faisant un
nouvel appel aux intéressés, ne fera que reproduire les publications faites,
plusieurs fois à la même fin, par le gouvernement dans le Moniteur ; il est d’ailleurs à peu près certain que toutes les
réclamations sont connues. Avant 1830, elles ont été produites au gouvernement
des Pays-Bas. Il n’est pas à croire qu’il en reste encore dont nous n’ayons pas
eu connaissance. Voilà les renseignements de fait que j’ai pensé devoir donner
et qui sont de nature a tranquilliser sur les effets qu’on craint du terme fixé
dans l’art. 1er du projet.
-
La discussion générale est close.
Discussion des articles
«
Art. 1er. Toutes réclamations du chef des engagères dont la convention du 5
mars 1828 entre les Pays-Bas et l’Autriche a stipulé la liquidation devront,
sous peine de déchéance, être formées avant le 1er juillet 1844, soit auprès du
ministre des finances, soit auprès de la commission instituée par l’arrêté
royal du 12 avril 1843 (Bulletin officiel, n°280). »
-
Ce paragraphe est adopté avec le changement de rédaction proposé par M. le
ministre des finances et consistant à dire : « avoir été formées, » au
lieu de « être formées. »
L’amendement
de M. Verhaegen, consistant à dire au lieu de « être formées avant le 1er
juillet 1844, etc., » « dans l’année à dater de la promulgation de la
présente loi, laquelle se fera dans la forme ordinaire et par affiches » est
mis aux voix. L’épreuve est douteuse ; elle est renouvelée. L’amendement n’est
pas adopté.
M. le président. - Je mettrai maintenant
aux voix la nouvelle disposition proposée par M. le ministre des finances et
qui formerait le deuxième paragraphe de l’art. 1er.
M.
de Theux. - Il
est bien entendu que c’est un amendement, et qu’il y aura un deuxième vote.
M.
Vanden Eynde. - Je demanderai à M. le ministre des finances s’il entend, par cette
disposition, prononcer une nouvelle déchéance.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Nullement.
M.
Vanden Eynde. - Alors l’article est inutile.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - J’ai indiqué tout à l’heure le but de cette proposition.
J’ai dit que le gouvernement pouvait ne pas être saisi de toutes les
réclamations, que dans ce cas, il ne dépendrait pas de lui de liquider.
Maintenant nous rendons attentifs ceux qui peuvent supposer que leurs pièces ne
sont pas parvenues au gouvernement qui serait par cela même dans
l’impossibilité de liquider leurs créances avant la dissolution de la
commission.
M.
Vanden Eynde. - L’article signifie sans doute quelque chose. Pour signifier quelque
chose, il doit dire si ceux qui se sont conformés à la loi existante, seront ou
non admis à faire valoir leurs droits auprès de la commission, sans avoir à
former une réclamation nouvelle.
S’il
n’y sont pas admis, il y a une dérogation à un droit acquis. Par conséquent la
disposition est funeste aux parties. J’ajouterai qu’elle est inutile pour le
trésor.
M.
de Theux. -
S’il ne s’agit que de donner un avis aux intéressés, M. le ministre pourrait le
faire insérer dans le Moniteur, sans
qu’il fût nécessaire d’adopter une disposition qui pourrait être une source
d’embarras.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - L’intention du gouvernement est de liquider promptement
toutes les créances et de mettre fin aux travaux de la commission. Le
gouvernement est saisi de presque toutes les réclamations ; il se pourrait que
quelques-unes ne nous eussent pas été communiquées par le gouvernement des
Pays-Bas. Il s’agit d’établir une prescription pour ces créances ; à défaut de
semblable disposition, il faudrait perpétuer la commission qui, d’après le
traité, doit connaître de toutes les recherches relatives aux anciennes
créances.
M.
de Theux. -
Maintenant que M. le ministre des finances s’est expliqué, et que nous voyons
qu’il ne s’agit pas d’un simple avertissement, mais d’un terme de prescription,
je demanderai qu’il y ait un second vote, si la proposition est adoptée, parce
que plusieurs membres n’en comprennent pas toute la portée.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Je ne trouve aucun inconvénient à ce que la loi soit
soumise à un second vote.
M.
Vanden Eynde. - Je crois qu’il faut examiner la disposition sous ce point de vue que,
par une convention postérieure, deux gouvernements ne peuvent enlever un droit
acquis. C’est toute la question ; mais elle et très grave. C’est cette
proposition que M. le ministre des finances veut faire admettre.
-
La disposition proposée par M. le ministre des finances est adoptée ; elle
forme le 2ème § de l’art. 1er.
L’ensemble
de l’art. 1er est mis aux voix et adopté.
Articles
2 et 3
«
Art. 2. Tous certificats de liquidation ou certificats de rentes arriérées délivrés
aux intéressés avant le 1er octobre 1830, et non prescrits à cette époque,
devront être remis dans le même délai, sous peine de déchéance, soit au
ministre des finances, soit à la même commission. »
-
Adopté.
«
Art. 3. Auront force et valeur pendant un mois, à dater du jour où ils seront
déclarés admis en liquidation à la charge de
-
Adopté.
Article 4
M. le président. - La chambre a maintenant
à statuer sur l’art. 4, présenté par M. Verhaegen.
M. Verhaegen. - Cet article n’a plus de
but, je ne l’avais présenté que dans l’intérêt des mineurs et des interdits. Je
crois que le délai de prescription est trop court, et dès lors je renonce à
l’ensemble.
-
La chambre fixe le second vote à mercredi.
PROJET DE LOI PORTANT EXEMPTION DE L’IMPOT SUR LES
VINAIGRES PREPARES AVEC DES MATIERES SOUMISES A L’ACCISE
Aucun
membre ne demandant la parole, la discussion générale est close.
La
chambre passe au vote des articles.
Articles
1 à 3
«Art.
1er. Par modification à la loi du 2 août 1822, Journal officiel n° 32, sont
exempts de l’impôt les vinaigriers de la troisième classe qui n’emploient,
comme éléments principaux de fabrication, que des matières soumises à l’accise.
Ils demeurent, toutefois, assujettis aux obligations, et aux formalités
prescrites par ladite loi relativement aux déclarations et à la surveillance
des travaux. «
-
Adopté.
« Art.
2. Les comptes des vinaigriers, auxquels l’article précédent est applicable,
seront déchargés du montant des termes de crédit non échus à l’époque où la
présente loi sera obligatoire. »
-
Adopté.
«
Art. 3. La présente loi sera exécutoire le lendemain de sa promulgation.»
-
Adopté.
La
chambre n’étant plus en nombre, le vote sur l’ensemble de ce projet de loi est
remis à demain.
La
séance est levée à 4 heures.