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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 5 mars 1844
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre,
notamment pétition relative à la construction d’une route de Tongres à Visé (Simons)
2) Rapport sur une pétition
relative aux droits d’entrée sur les ardoises. Révision générale du tarif des
douanes (Desmet), droits d’entrée sur les vins (Osy), révision générale du tarif des douanes (Nothomb), commission « de Foere » et révision
générale du tarif (Rodenbach, de
Garcia, Eloy de Burdinne, Desmet,
Zoude, Nothomb, d’Hoffschmidt, Eloy de Burdinne),
droits d’entrée sur les vins (Nothomb, Osy,
Dumortier, Nothomb, Savart-Martel, Mercier, Desmet, Simons)
3) Projet de loi portant des
crédits supplémentaires au budget du département de l’intérieur (jurys d’examen
universitaire, état-civil, fonds d’agriculture)
4) Projet de loi portant des
crédits supplémentaires au budget du département de la marine
5) Projet de loi interprétatif de
l’article 334 du code pénal. Formation du comité secret
(Moniteur
belge n°66, du 6 mars 1844)
(Présidence de M.
Liedts.)
M. Huveners procède à l’appel nominal à 2 heures et 1/4. La séance est ouverte.
M. Scheyven lit le procès-verbal de la séance précédente dont la rédaction est
adoptée.
M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Charles-Louis Rack, receveur des
contributions directes et accises à Wouwen, né en
France, demande la naturalisation. »
« Même demande du sieur François Faige,
négociant à Bruxelles, né à Megève (Savoie). »
Renvoi au ministre de la justice.
_________________________
« Le sieur Plevoets,
ancien maître tailleur au 3ème régiment d’artillerie, qui a été démissionné de
son emploi, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir une
indemnité. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen
du budget de la guerre.
_________________________
« Plusieurs habitants de Fontaine-l’Evêque
présentent de observations contre le projet de loi sur les céréales. »
- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le
projet de loi sur les céréales.
« Les membres du conseil communal de Roclenge demandent la construction d’une route de Tongres à
Visé. »
M. Simons. - Messieurs, dans la séance du
21 février dernier, sur une interpellation faite par mon honorable ami, M. le
comte de Renesse, M. le ministre des travaux publics nous a appris qu’il avait
donné des ordres aux ingénieurs en chef des provinces de Liège et de Limbourg,
à l’effet de faire les études préliminaires de la route demandée par la
pétition dont on vient de nous présenter l’analyse. Comme ces messieurs se sont
déjà occupés de cette affaire, d’après les renseignements que nous avons
obtenus, je crois qu’il conviendrait de renvoyer directement la pétition à M.
le ministre des travaux publics.
La pétition contient des renseignements utiles dont
le département des travaux publics pourra faire son profit. D’ailleurs, la même
chose a eu lieu dans d’autres circonstances, et je crois qu’il n’y a aucun
inconvénient à admettre le renvoi direct à M. le ministre des travaux publics,
que j’ai l’honneur de proposer à la chambre.
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
_________________________
Par dépêche, en date du 2 mars, M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) adresse à la chambre une note explicative concernant la réclamation de la
députation permanente du conseil provincial du Hainaut au sujet des transports
et convois militaires.
- Dépôt au bureau des renseignements.
_________________________
M. Dedecker demande un congé de deux jours.
- Accordé.
_________________________
M. Huveners donne lecture de la lettre suivante :
« M. le président,
« Frappé subitement dans une affection des plus
chères par la perte d’une sœur, je vous prie de demander pour moi à la chambre
un congé de 15 jours.
« Agréez, etc.
« (Signé) De Brouckere. »
- Ce congé est accordé.
M. Zoude, rapporteur. - Messieurs, vous avez renvoyé à la commission d’industrie, avec demande
d’un prompt rapport, une pétition des propriétaires des ardoisières du
Luxembourg qui demandent une augmentation de droits d’entrée sur les ardoises
étrangères. Je vais avoir l’honneur de vous faire ce rapport.
Plusieurs membres. - L’impression.
M. Desmet. - Messieurs, la commission d’industrie vous a déjà présenté plusieurs
rapports par lesquels elle vous faisait des propositions, tendant à améliorer
notre tarif des douanes ; il y a quelques jours, il s’agissait des pianos,
maintenant il s’agit des ardoises ; le premier de ces objets avait été mis à
l’ordre du jour, mais lorsqu’il s’est agi d’en aborder la discussion, M. le
ministre de l’intérieur a demandé que cette discussion fût renvoyée à l’examen
général du tarif, qui a été fixé après Pâques. Vous savez comme moi, messieurs,
que la révision du tarif est un travail de très longue haleine, et je crains
fortement que, si l’on veut faire tout à la fois, nous n’obtenions aucun
résultat dans la session actuelle.
Cependant il y a urgence pour beaucoup d’articles,
qui sont très mal tarifés. J’ignore si M. le ministre de l’intérieur se propose
de nous présenter quelques lois spéciales ou s’il entend qu’on fasse une révision
générale du tarif ; dans ce dernier cas, il est certain que la session se
passera sans que nous ayons pris une mesure quelconque. Cependant, jusqu’à
présent, nous avons beaucoup fait pour l’étranger. Je vous rappellerai la
mesure qui favorise le transit du bétail et qui n’est pas encore retirée ; je
vous citerai la convention faite avec l’Allemagne qui, heureusement, n’a pas
été renouvelée ; je vous citerai encore la convention avec la France relative
aux vins et aux étoffes de soie ; un an après la conclusion de cette convention
le ministère a envoyé une circulaire d’après laquelle on laisse entrer les vins
de France par
D’après ces considérations, je demande, messieurs,
que la chambre veuille discuter les divers projets qui lui ont été présentés
par la commission d’industrie et ne pas les renvoyer après Pâques. Car, je le
dis encore, je crains fortement qu’en remettant toutes ces propositions, comme
le demande le ministre de l’intérieur, jusqu’après Pâques, nous n’obtenions
rien en faveur de notre industrie et du travail national.
M. Osy. - Messieurs, par la loi du 6 août 1842, vous avez sanctionné la
convention faite avec la France le 18 juillet précédent. Cette convention
réduit les droits d’importation sur les vins de France, soit que l’importation
ait lieu par terre, soit qu’elle se fasse par mer. Jusqu’au mois de septembre
1843, le gouvernement a cru que cette convention ne pouvait pas s’appliquer aux
vins venant de
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je persiste à
croire que nous devons rester conséquents avec nous-mêmes, que nous devons
avoir une discussion d’ensemble sur le système commercial et industriel. M. le
rapporteur de votre commission d’enquête a déposé la deuxième partie de son
travail, les conclusions industrielles ; à la suite de la discussion de ces
conclusions nous verrons ce que nous avons à faire à l’égard de tous les
projets de révision du tarif qui nous ont été présentés. Le gouvernement désire
avant tout que cette discussion d’ensemble ait lieu, et je puis réitérer
l’engagement que tous les éclaircissements nécessaires seront donnés à la
chambre, soit en séance publique, soit en comité général. Je continue donc à
demander, comme je l’ai fait pour d’autres lois spéciales de douane, l’ajournement
jusques après la discussion générale dont le jour a été fixé ; ou plutôt je
demande que rien ne soit décidé en ce moment.
Nous avons plusieurs projets de
lois relatifs au tarif des douanes, nous en avons qui concernent les glaces les
pianos, les ardoises ; toutes ces questions pourront être résolues
convenablement, lorsque nous nous serons occupés du système commercial et
industriel en général. Nous ne pouvons pas procéder autrement ; si aujourd’hui
vous mettez à l’ordre du jour la question des ardoises, vous mettrez en même
temps à l’ordre du jour toute la question douanière, vous aurez par
anticipation la discussion générale. Il faut attendre cette discussion générale
; c’est sérieusement qu’elle a été mise à l’ordre du jour, et il ne faut pas
anticiper sur cette discussion qui est d’ailleurs très prochaine.
M. Rodenbach. - M.
le ministre dit que lorsque nous aurons discuté les conclusions de la
commission d’enquête, nous pourrons nous occuper utilement des projets tendant
à protéger les différentes industries du pays. M. le ministre a déjà dû
s’occuper de ces questions ; est-ce une révision générale du tarif qu’il s’agit
de faire ? Mais, comme l’a fort bien dit l’honorable M. Desmet, ce serait là un
travail qui durerait un an ou deux, ce serait une discussion immense. Cependant
plusieurs industries ont besoin d’une protection efficace et immédiate ; ces
industries ne peuvent pas attendre. Il y a dans le tarif, relativement à
quelques-unes de ces industries, des anomalies, des choses absurdes et
ridicules, qui demandent sans retard une révision.
Je pense que lorsque nous aurons discuté la question
des droits différentiels, il faudra améliorer partiellement et successivement
nos lois de douane ; il faudra accorder au plus tôt une protection efficace aux
industries qui ont le plus besoin de cette protection. Si l’on veut tout
renvoyer à une révision générale, il se passera encore deux ou trois ans sans
que nous fassions quelque chose, et, en attendant, nous verrons périr nos
industries.
M. de
Garcia. - Il est impossible, messieurs, d’adopter un autre
mode que celui qui est proposé par M. le ministre de l’intérieur. Nous sommes
saisis d’une masse de projets de lois qui ont pour objet de protéger
différentes industries ; à quelle industrie donnerez-vous la préférence, si
vous discutez séparément ces divers projets ? Quant à moi, je demanderai la
priorité pour les projets qui intéressent la province de Namur ; d’autres membres
réclameront évidemment la priorité pour d’autres projets ; que ferez-vous dans
ce conflit ? Nous sommes saisis, par exemple, d’une proposition concernant les
bois étrangers et d’une proposition relative aux cuivres ; voilà des objets qui
intéressent la province de Namur ; eh bien, si vous voulez mettre à l’ordre du
jour le projet relatif aux ardoises, je demanderai la préférence pour les
projets concernant les bois étrangers et les cuivres. Je dis que vous ne pouvez
vous occuper de ces questions que lorsque vous aurez discuté les conclusions du
rapport de la commission d’enquête ; lorsque vous aurez discuté ces
conclusions, vous pourrez statuer sur les points les plus urgents, soit que
vous les examiniez dans leur ensemble, soit que vous les abordiez séparément.
M. Eloy de
Burdinne. - Je crois, messieurs, que la question
est très importante ; l’industrie demande protection ; cette protection, il est
urgent de la lui accorder ; cependant si vous renvoyez après Pâques la
discussion des différents projets tendant à accorder des protections à diverses
industries, il est évident que ce sera un renvoi aux calendes grecques ; si
vous voulez renvoyer la chose à une révision générale du tarif des douanes,
révision que je réclame depuis longtemps, il est évident que vous ne ferez
rien. Je ne puis donc partager l’opinion de l’honorable M. de Garcia, qu’il
faut faire tout à la fois ; je pense qu’il faut faire d’abord ce qui est le
plus urgent, ensuite ce qui l’est moins ; de cette manière nous ferons
successivement droit à toutes les réclamations, et c’est ce que nous devons
faire ; nous devons protéger toutes les industries du pays, sans en excepter
aucune.
Je prie donc la chambre de ne pas décider qu’elle
renvoie la discussion des projets dont il s’agit à la discussion générale des
conclusions du rapport de la commission d’enquête.
M. Desmet. - Je partage tout à fait l’opinion de M. Eloy de Burdinne, que
l’ajournement proposé serait un véritable renvoi aux calendes grecques. Je
pensais que le gouvernement aurait fait des propositions ; mais d’après ce que
vient de dire M. le ministre de l’intérieur, il voudrait que l’on discutât
avant tout les conclusions du rapport de la commission d’enquête. Or, je pense
que la commission d’enquête n’a pas même présenté de conclusions en ce qui
concerne la révision du tarif des douanes, de sorte qu’en discutant le rapport
de la commission d’enquête, nous ne nous occuperons réellement que des droits
différentiels. Je désirerais savoir si le gouvernement a l’intention de nous
faire des propositions tendant à accorder à diverses industries la protection
dont ces industries ont besoin. Dans tous les cas, je pense, messieurs, que si
vous voulez protéger vos industries, si vous voulez procurer du travail aux
ouvriers, vous ne devez pas renvoyer la discussion après Pâques.
M. Zoude, rapporteur
de la commission d’enquête pour la partie industrielle. - Je dois rappeler que j’ai eu l’honneur d’annoncer que la commission
d’enquête ne proposait pas de conclusions à l’égard de l’industrie ; elle a
constaté seulement la situation des différentes branches de l’industrie ; elle
signale les causes du malaise qu’elles éprouvent ; la chambre verra quel remède
il y aura à y apporter.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Messieurs, la chambre a fixé la discussion de la politique commerciale et
industrielle du pays. Vous êtes saisis, entre autres, d’un projet de loi
relatif au système des droits différentiels. Je demande que cette idée continue
à dominer toutes les questions spéciales. Quand la question de principe aura
reçu une solution, nous verrons ce qu’il y aura à faire pour chacune des
questions spéciales. Je demande donc qu’on n’anticipe pas sur cette discussion
générale. D’ailleurs, je ne propose pas un long délai ; un mois à peine nous
sépare du jour où cette discussion doit avoir lieu.
M.
d’Hoffschmidt. - Je demanderai que dès aujourd’hui il
soit décidé que le rapport et les conclusions de la commission seront mis à
l’ordre du jour immédiatement après qu’il aura été statué sur le rapport de la
commission d’enquête. Je crois effectivement qu’il y aurait des inconvénients à
discuter maintenant les questions spéciales avant la question de principe.
D’ailleurs, le moment fixé pour la discussion des conclusions de la commission
d’enquête n’est plus éloigné que d’un mois, comme vient de le faire observer M.
le ministre de l’intérieur,
M. Eloy de Burdinne. - Je désire répondre quelques mots à l’honorable ministre de l’intérieur.
M. le ministre de l’intérieur ne veut pas qu’on entame les questions spéciales,
relatives à la protection de l’industrie, avant que la chambre ait statué sur
le système des droits différentiels.
Sans doute les droits différentiels ont quelques
rapports avec ces questions spéciales ; mais cependant M. 1e ministre de
l’intérieur n’est pas conséquent avec ses actes, car M. le ministre nous a
proposé une modification à apporter à une loi de douane, je veux parler de la
loi sur les céréales, Or, il ne demande pas que ce projet modificatif soit
discuté après les droits différentiels. Si l’on peut s’occuper de modifications
au tarif des douanes sur certains points, on peut le faire également pour
d’autres points, alors surtout que l’intérêt du pays exige impérieusement qu’on
s’occupe de l’industrie nationale.
Depuis longtemps je vous ai fait remarquer,
messieurs, que nous négligeons trop ce grave intérêt, que généralement
l’étranger vient sar nos marchés, en concurrence avec les producteurs belges,
et qu’avec un pareil système, nous ruinerons le pays ; oui, messieurs, bientôt
nous serons en présence d’une masse de malheureux sans ouvrage. Les Flandres
peuvent déjà nous donner l’échantillon de ce qui nous arrivera plus tard, si
nous persévérons plus longtemps dans un système aussi désastreux. L’unique
moyen de conjurer un pareil avenir, c’est de favoriser efficacement l’industrie
du pays.
- La proposition de M. le
ministre de l’intérieur, tendant à ne fixer l’ordre du jour de l’objet dont il
s’agit qu’après la discussion des conclusions de la commission d’enquête sur
les droits différentiels, est mise aux voix et adoptée.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je désire donner
quelques explications sur le fait qui vient d’être signalé par l’honorable M.
Osy.
Messieurs, par la convention du 16 juillet,
L’honorable M. Osy vous a dit que, par un ordre de
service, en date du 13 septembre dernier, il a été reconnu que cette faveur devait
aussi s’appliquer aux vins de France entrant par la frontière hollandaise ;
l’honorable membre trouve que cette application est contraire à la convention.
Messieurs, il n’en est rien ; la convention n’a pas
exclu les vins de France qui entrent par une autre frontière de terre que la
frontière que j’appellerai franco-belge ; cette faveur s’étend aux tuiles de
France, par quelque frontière qu’ils entrent, du moment que ce sont des vins de
France ; il faut qu’il soit constaté que ce sont réellement des vins de France
; or, de l’aveu de toutes les parties, la convention, doit être entendue dans
ce sens.
M. Osy. - Lorsque le gouvernement a mis à exécution la loi du 6 août 1842, il l’a
entendue comme je l’explique, puisque, pendant un an, il n’a pas appliqué la
loi aux vins français venant de
M. Dumortier. - Lorsque j’ai demandé la parole, je voulais faire remarquer que rien ne
vous garantissait que les vins qui venaient de Hollande, fussent des vins
français proprement dits ; car beaucoup de personnes ignorent qu’en Hollande on
fabrique des vins de Bordeaux avec des raisins secs, du bois de Campêche et un
peu de sucre. (On rit.) Il y a en
Hollande beaucoup de maisons de commerce sur les portes desquelles il est écrit
: ici on fabrique du vin.
Et maintenant, je vous le demande, est-ce là
réellement ce qu’on a voulu par la loi de 1842 ? A-t-on voulu que des vins
frelatés, fabriqués, des vins de Jésus, par exemple, puissent nous venir par
les frontières de
Il n’y a donc pas de motif pour
étendre le privilège que nous avons accordé. Le privilège est déjà très onéreux
pour le trésor public. Vous savez qu’il a fait perdre un million de revenu à
Je pense, avec l’honorable M. Osy, qu’on devrait se
borner à exempter du droit plus élevé les vins qui arrivent par la frontière de
terre et la frontière de mer de France. Sinon, on causerait un second et grave
préjudice à
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je dirai d’abord à la chambre
que l’importation de vins de France, qui se fait par la frontière hollandaise,
est très peu considérable. Il est fort peu de Belges qui s’adressent à des
maisons hollandaises, pour avoir des vins de France.
Les deux honorables préopinants auraient du moins dû
se mettre d’accord dans leurs objections. Selon l’honorable M. Osy, c’est une
nouvelle concession que l’on a faite à
Il est très vrai que, pendant une année, il y a eu
doute sur l’interprétation de la convention, mais on s’est assuré que, d’après
le texte et l’esprit de la convention, la réduction doit s’appliquer aux vins
de France, soit qu’ils viennent directement de France, soit qu’ils fassent un
circuit par un autre pays. La convention ne distingue pas, et la partie qui a
contracté avec nous a trouvé que cette interprétation de la convention ne lui
portait aucun préjudice. Il est évident qu’ici le gouvernement français avait
le droit d’être entendu ; c’est avec ce gouvernement que nous avons traité, il
fallait donc consulter le gouvernement français sur le sens de la convention.
D’un autre côté, il s’est trouvé
que le sens donné par le gouvernement français à la convention n’était pas
contraire au sens qu’y donnait le gouvernement des Pays-Bas, nous n’avons dès
lors vu aucun inconvénient à faire droit aux réclamations du gouvernement des
Pays-Bas.
Du reste, je le répète, il s’agit ici d’un intérêt
insignifiant ; l’importation des vins français par la frontière hollandaise est
fort minime ; il n’y avait donc pas lieu à repousser les réclamations du
gouvernement des Pays-Bas. Il est inutile de créer des griefs contre nous de la
part des gouvernements étrangers pour des objets d’une importance tout à fait
secondaire. Or, je ne puis assez le dire, l’introduction des vins de France qui
se fait par la frontière hollandaise est très peu importante.
M. Savart-Martel. - La
circonstance que l’importation, dont plainte, serait plus ou moins considérable
me touche peu, puisqu’il s’agit ici de l’interprétation d’une convention
bilatérale.
Nous faisons beaucoup pour la France qui ne fait
rien pour nous.
Le meilleur moyen d’interpréter une convention, c’est
l’exécution qui y est donnée spontanément et dans le premier moment ; or, le
gouvernement est en aveu que, pendant la première année au moins, la loi a été
entendue et exécutée dans le sens que réclame notre honorable collègue, M. Osy.
Cette interprétation est donc présumée l’interprétation légale.
L’interprétation nouvelle nuit au commerce belge, je
ne vois pas pourquoi nous l’admettrions.
Il est connu qu’on fabrique en Hollande du prétendu
vin de France, boisson frelatée, dont nous n’avons aucun besoin, et qui ne peut
que nuire à la santé publique.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - On a déjà fait observer que le traité ne fait pas de distinction de
frontières, qu’il porte, d’une manière générale, que les vins d’origine
française sont admis au droit réduit. Il s’agit donc uniquement de savoir si
les vins qui entrent par la frontière hollandaise sont ou non d’origine
française. Les ordres ont été donnés pour constater l’origine des vins qu’on
présente à la frontière. Nous ne devons pas craindre que certains vins
fabriqués en Hollande soient introduits en Belgique, car ils ne sont pas dans
le goût de nos consommateurs ; ceux-ci ne les accepteraient pas. En outre, les
agents de l’administration sont chargés de vérifier si les
vins sont purs et de bonne qualité. II ne s’agit pas d’ailleurs ici de vins
venant de
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Et qui, le plus souvent, sont
pris dans les entrepôts d’Anvers.
M. Desmet. - Les réclamations dont il s’agit viennent des marchands de Liége. M. le
ministre disait tout à l’heure que l’objet de cette réclamation était bien
minime. Je ne le trouve pas si minime, car l’introduction des vins par la
frontière hollandaise n’est pas de moins de 1300 hectolitres et de 14,000
bouteilles. On sait que
Ainsi vous avez diminué de 25 p.
c. le droit d’accise sur les vins de France, et maintenant vous appliquez cette
réduction aux vins venant de
M. Simons. - Comme j’ai fait des démarches
pour qu’en faveur de quelques marchands de vin de la ville de Maestricht, le
traité reçût l’application contre laquelle on réclame, je crois devoir prendre
la parole pour défendre la disposition qui a été prise. Il s’agit d’une
interprétation d’une convention ; or, si on veut l’examiner, on verra que le
traité ne détermine pas la frontière par laquelle les vins français peuvent
être introduits pour jouir de la réduction de droit consentie par le traité.
L’honorable M. Savart a dit que jusqu’ici le traité avait été interprété en ce
sens, que pour jouir de la réduction, les vins français devaient entrer par la
frontière de France, ou par la frontière de mer en venant de France. C’est
l’inverse qui a eu lieu. Dès l’origine, le traité avait été entendu et exécuté
comme on le fait maintenant, c’est-à-dire qu’on pouvait faire l’importation de
vins de France par la frontière limbourgeoise. Mais sur les instances de
quelques marchands de Liége, comme c’est encore sur leur réclamation que le
débat actuel a lieu, le gouvernement a restreint l’interprétation du traité et
défendu momentanément l’importation par la frontière limbourgeoise. Des
réclamations ont été faites par la France, qui a intérêt à ce qu’on
n’introduise pas des vins étrangers comme vins français. C’est la France
elle-même qui a réclamé. Il s’agit d’un traité clair, car on ne limite pas
l’importation à la frontière de France, mais on accorde la réduction de droit à
tous les vins français, par quelque frontière qu’ils soient introduits.
Vous avez dans la ville de Maestricht quelques
marchands de vin qui, depuis nombre d’années, fournissent la partie du Limbourg
restée à
Je répète, en terminant, que le traité ne parle pas
de frontière ; c’est un prétexte qu’on met en avant pour détruire le commerce
de quelques négociants de Maestricht qui exploitent une clientèle depuis nombre
d’années. J’ajouterai que les vins falsifiés ne valent pas le droit à
l’importation, même avec la réduction.
M. le président. - Aucune proposition n’étant
faite, nous passons à l’ordre du jour.
PROJET DE LOI PORTANT DES CREDITS
SUPPLEMENTAIRES AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR
M. le ministre des finances (M. Mercier) - J’ai l’honneur de présenter un projet de loi tendant à accorder des crédits
supplémentaires au département de l’intérieur. Je vais donner lecture du texte
du projet :
« Art. 1er. L’article 2 du chap. XVII du budget
du département de l’intérieur pour l’exercice 1843 (frais des jurys d’examen
pour les grades académiques) est majoré d’une somme de trente-neuf mille cent
vingt-sept francs soixante-seize centimes. »
« Art. 2. L’article unique du chap. IX du budget du
même département, pour l’exercice de 1842 (fonds d’agriculture) est majoré
d’une somme de cent quatre-vingt-huit mille francs. »
« Art. 3. Il est alloué au même département un
premier crédit de trente mille francs pour subvenir aux frais de confection des
tables décennales des actes de l’état-civil, pour la période de 1833 à 1842, en
exécution du décret du 20 juillet 1807 et des articles 69 et 70 de la loi
provinciale.
« Cette somme formera l’article unique du chap. XXI
du budget de 1844. »
« Art. 4. Il est ouvert au département susdit
un crédit supplémentaire de vingt-neuf mille trois cent seize francs
trente-huit centimes pour l’acquit de diverses dépenses restant à liquider, et
qui sont détaillées dans le tableau annexé à la présente loi.
« Cette allocation formera le chap. XXII du
même budget. »
Je ferai observer que cette dépense avait été prévue
dans la situation du trésor, que j’ai eu l’honneur de soumettre à la chambre.
M. le président. - Il est donné acte à M. le
ministre de la présentation du projet de loi dont il vient de donner lecture.
Ce projet et les motifs qui l’accompagnent seront imprimés et distribués aux
membres, et renvoyé à l’examen de sections.
PROJET DE LOI PORTANT DES CREDITS
SUPPLEMENTAIRES AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE
M. le ministre des finances (M. Mercier) - J’ai encore à présenter à la chambre un projet de loi tendant à accorder
des crédits supplémentaires au département des affaires étrangères.
Ce projet est ainsi conçu :
« Art. 1er. Il sera transféré de l’art. 1er à l’art.
2 du chapitre IV du budget de la marine, exercice 1843, une somme de trois
mille douze francs vingt deux centimes.
« Art. 2. Il est ouvert au département des affaires
étrangères (marine) un crédit supplémentaire
« A. De quarante-sept mille quatre cent
soixante-onze francs neuf centimes dont est majoré l’art. 2 du chapitre IV du
budget de la marine pour l’exercice 1843.
« B. De sept mille trois cent trente-un francs
trente-trois centimes dont est majoré l’art. 3 du môme chapitre.
« Ensemble cinquante-quatre mille huit cent deux
francs quarante- deux centimes. »
M. le président. - Il est donné acte à M. le
ministre de la présentation du projet dont il vient de donner lecture. Ce
projet et les motifs qui l’accompagnent seront imprimés et distribués aux
membres et renvoyés à l’examen des sections.
PROJET DE LOI INTERPRETATIF DE
L’ARTICLE 334 DU CODE PENAL
M. le président. - Nous passerons maintenant à
l’objet de l’ordre du jour, la continuation de la discussion du projet de loi
interprétatif de l’art. 334 du code pénal. Conformément à une décision prise à
la dernière séance, je déclare que la chambre va se constituer en comité
secret, et en conséquence, les tribunes seront évacuées.
- A 4 heures et 1/2 la séance est rendue publique.
Il est procédé au vote par appel nominal sur le
projet présenté par la commission.
52 membres sont présents.
35 adoptent,
14 rejettent.
3 s’abstiennent.
En conséquence, le projet est adopté.
On voté l’adoption : MM. de Meester,
de Roo, de Saegher, de Tornaco,
Devaux, de Villegas, Donny, Fleussu, Henot, Jonet, Lange, Lebeau, Lesoinne, Lys, Meeus, Orts, Osy,
Pirmez, Pirson, Rogier, Savart, Scheyven, Sigart, Thyrion,
Troye, Van Cutsem, Vandensteen, Verwilghen, Castiau,
de Baillet, de Corswarem, de Garcia de
On voté le rejet : MM. (Erratum Moniteur belge n°67, du 7 mars 1844 :) d’Anethan, de Mérode, de Sécus, Desmet, Goblet, Huveners,
Lejeune, Mercier, Nothomb, Simons, Vanden Eynde, Brabant, Dechamps et de Foere.
MM. Dumortier, Rodenbach et Cogels se sont abstenus
; ils sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Dumortier. - Messieurs, en principe je penche en faveur de l’opinion de M. le
ministre de la justice ; cependant, je dois le dire, on a présenté dans la
discussion des objections excessivement graves contre cette opinion. J’ai donc
cru devoir m’abstenir, d’autant plus qu’il s’agit d’une loi d’interprétation
qui peut avoir un effet rétroactif.
M. Rodenbach. - La
cour de cassation a jugé quatre fois noir, les cours d’appel ont jugé quatre
fois blanc ; quand j’ai vu cette différence d’opinion parmi des jurisconsultes
aussi distingués, moi qui ne suis pas jurisconsulte, j’ai cru devoir
m’abstenir.
M. Cogels. - Je n’ai pas osé me prononcer sur une question sur laquelle les plus
habiles jurisconsultes, sur laquelle les cours du royaume n’ont pu se mettre
d’accord.
Je sais que l’art. 28 de la constitution me donne le
droit de concourir à l’interprétation des lois, mais c’est un droit dont, en
cette circonstance, j’ai cru ne pas devoir user.
Je me suis abstenu avec d’autant moins de regret que
le vote que la chambre vient d’émettre ne résout pas la question et que si le
dissentiment qui existe entre les cours du royaume s’établit entre les pouvoirs
dont le concours est nécessaire à la promulgation des lois, il y aura dans la
jurisprudence une lacune qu’il sera impossible de combler.
- La séance est levée à 5 heures.