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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 14 mai 1844
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre,
notamment pétitions relatives à l’impôt sur le sel (Osy) et
à une pension militaire (Lange)
2) Rapport sur des pétitions relatives à
la pension d’un ancien gouverneur de province (de Liedekerke-Beaufort), (Delfosse, Delehaye) à une
ancienne créance du département de la guerre et à l’instruction primaire
3) Projet de loi ouvrant un crédit
supplémentaires au budget du département des affaires étrangères pour frais de
pilotage (Cogels)
4) Motion d’ordre relative aux pensions
des anciens officiers des Indes orientales (de Garcia,
Fallon, de Garcia, Nothomb, Rodenbach, Delfosse, de Garcia)
5) Motion d’ordre relative à l’usage de
la langue flamande dans l’administration (Verhaegen, d’Anethan, Verhaegen)
6) Conclusions de la commission
d’enquête parlementaire (commission « de Foere ») et système des
droits différentiels. Politique commerciale du gouvernement ((+industrie du
coton) Manilius et Cogels, Meeus, Donny), proposition d’ajourner
la discussion des droits différentiels et/ou renvoi au gouvernement des
conclusions relatives à la question industrielle (de La
Coste, Nothomb, Delfosse, Nothomb, de Haerne,
Cogels, Nothomb, Dumortier, Nothomb, de Brouckere, Nothomb, Dumortier, Nothomb, Lys, Cogels, Meeus,
Nothomb, Delehaye, Desmet, Nothomb, Lys,
Cogels, Nothomb, Delehaye, Nothomb, Dumortier, Nothomb)
(Moniteur
belge n°136, du 15 mai 1844)
(Présidence de M. Liedts.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et quart,
M. Dedecker donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction
en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
« Le sieur William Wood,
blanchisseur, teinturier et apprêteur à Botgerhout,
demande que le sel dont il a besoin pour son industrie, soit exempté de l’impôt
établi par la loi sur le sel. »
M. Osy. - Lors de la discussion du projet de loi sur le sel au sénat, M. le
ministre des finances a promis d’examiner la question de l’exemption à accorder
sur le sel à différentes industries ; je demande que la commission des
pétitions soit invitée à faire un prompt rapport sur cette pétition pour
qu’ensuite elle puisse être renvoyée à M. le ministre des finances.
- Cette proposition est adoptée.
« Le sieur Senault,
officier de douanes en retraite, demande une augmentation de pension ou sa mise
en activité de service. »
M. Lange. - Messieurs, je connais la pétition dont on vient de faire l’analyse,
ainsi que les pièces qui l’accompagnent. Cette affaire me paraît assez sérieuse
et assez urgente. Je demanderai donc que la commission des pétitions soit
invitée à nous faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
_________________________
« Le conseil communal d’Anvers prie la chambre
de rejeter le projet de loi sur les tabacs. »
- Dépôt sur le bureau pendant la
discussion du projet de loi.
_________________________
« Plusieurs constructeurs de navires,
fabricants et négociants à Boom, prient la chambre d’adopter le projet de loi
sur les droits différentiels. »
- Dépôt sur le bureau pendant la
discussion des conclusions de l’enquête parlementaire.
_________________________
M. d’Elhoungne informe la chambre qu’une indisposition l’empêche d’assister aux
séances.
- Pris pour information.
M. de Chimay, rapporteur. - Messieurs, votre commission m’a chargé de vous présenter son
rapport, sur la pétition, par laquelle, le comte de Liedekerke-Beaufort, ancien
gouverneur de Liége, vous demande une augmentation de pension.
Les titres que le
pétitionnaire produit à l’appui de sa requête, sont nombreux et nous paraissent
incontestables. Il a bien et longtemps servi l’Etat. Son grand âge, les pertes
qu’il a éprouvées, par suite de son emploi de gouverneur, les attestations
honorables du gouvernement des Pays-Bas, tout semble mériter au comte de
Liedekerke votre bienveillante entremise.
Votre commission croit qu’il y aurait
justice à élever la pension du pétitionnaire,
Elle espère, messieurs, que vous vous
associerez à sa manière de voir, en renvoyant la pétition du comte de
Liedekerke à M. le ministre de l’intérieur.
M. Delfosse. - Je crois qu’il serait bon d’ajouter : avec demande d’explications.
M. Delehaye. - Oui, mais sans les considérants.
- Les conclusions de la commission,
modifiées comme le propose M Delfosse, sont adoptées.
________________________
M. de Chimay, rapporteur. - Le sieur Mainvault réclame l’intervention
de la chambre afin d’obtenir le payement de ses fournitures et avances pour la
confection des ouvrages de fortifications de la place d’Ath.
Messieurs, votre commission, chargée
d’examiner la requête du sieur Mainvault, a dû
rechercher les causes nombreuses des fins de non-recevoir qui lui ont été
opposées depuis 1830.
Toutes sont basées sur ce fait, que
les pertes essuyées par le pétitionnaire du chef de ses entreprises de travaux
aux fortifications d’Ath, résultent de banqueroutes, et ne lui donnent, en
conséquence, aucun droit à l’indemnité qu’il réclame de l’Etat. Le sieur Mainvault avait déjà fait une première réclamation au mois
de mai 1830. La révolution vint en retarder l’examen. En 1839, il voulut se
rendre dans les Pays-Bas pour y faire valoir ses droits ; mais sa pétition,
déposée au greffe de la chambre, avec de nombreuses et importantes pièces à
l’appui, s’était égarée, et force lui fut de renoncer à son projet. Repoussé de
toutes parts, complètement ruiné, pour répondre à ses engagements, le sieur Mainvault s’adresse de nouveau à la chambre. Il allègue,
d’une part, qu’un sieur Leleux, son associé, et placé
dans des conditions parfaitement identiques, a été indemnisé ; de l’autre, il
affirme que le refus des différentes autorités à son égard résulte d’une erreur
matérielle, car il ne réclame pas, assure-t-il, les 43,000 fr. que lui a
enlevés la faillite de son entrepreneur, mais bien une somme de 25,000 fr.
résultant de fournitures et d’avances faites par lui, et consacrées aux
fortifications d’Ath. Sans tenir autrement compte de la perte, malheureuse sans
doute, mais irrémédiable de documents précieux, votre commission pense
néanmoins, messieurs, que la triste situation du pétitionnaire, et les faits
qu’il allègue, méritent un nouvel et sérieux examen. Cette conviction l’engage
à vous proposer le renvoi de la pétition du sieur Mainvault
à M. le ministre de la guerre.
- Ces conclusions sont adoptées.
_________________________
M. de Chimay, rapporteur. - Le collège des bourgmestre et échevins de Dorinne
demandent une interprétation de l’art. 25 de la loi du 25 septembre 1842, quant
à la charge qui incombe à la commune en faveur de l’instruction primaire.
Cette question s’est déjà présentée
plusieurs fois ; elle soulève plusieurs difficultés assez graves. La commission
a cru que ce qu’elle avait de mieux à faire était de vous proposer le renvoi de
cette pétition à M. le ministre de l’intérieur.
- Ces conclusions sont adoptées.
PROJET DE LOI OCTROYANT UN
CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ETRANGERES POUR
FRAIS DE PILOTAGE
M. Cogels. - Messieurs, j’ai l’honneur de vous présenter le rapport de la section
centrale chargée de l’examen du projet de loi tendant à ouvrir au département
des affaires étrangères un crédit supplémentaire de 54,842 fr. 42 c. sur
l’exercice 1843, pour frais de pilotage.
M. le président. - Ce rapport sera imprimé et
distribué. A quel jour la chambre veut-elle fixer la discussion du projet ?
M. Cogels. - Messieurs, je crois que ce projet ne donnera lieu à aucune
discussion. Déjà un employé du ministère des affaires étrangères se trouve en
avances, parce qu’il a été impossible de laisser attendre les pilotes après le
payement de ce qui leur est dû par suite du pilotage des navires, etc.
Je propose, en conséquence, de fixer
la discussion de ce projet à l’ouverture de la séance de demain.
- Cette proposition est adoptée.
M. de Garcia. - Messieurs, des officiers belges qui ont fait partie de l’armée de
terre aux Indes, ont adressé à la chambre une réclamation pour obtenir le
supplément de pension que les officiers de la même catégorie ont obtenu en
Hollande. La commission des pétitions, par le rapport qu’elle vous a fait, a
demandé des explications à M. le ministre des finances. Ces explications ont
été données. Je demande que la chambre en ordonne l’impression et fixe le jour
pour la discussion de cet objet. On pourrait s’en occuper, soit après la
clôture de la discussion générale sur la question des droits différentiels,
soit après le vote sur cette question.
M. le président. - Il n’y a pas de projet de
loi.
M. de
Garcia. - Il n’y a pas de projet de loi,
c’est vrai ; mais il y a un rapport de la commission des pétitions et des
explications de M. le ministre des finances ; je demande qu’on fixe la
discussion de cet objet à un jour quelconque, le plus rapproché que possible.
M. le ministre des finances ne nous
propose pas une loi pour accorder le supplément de pension aux anciens
officiers qui le réclament ; d’autre part, il ne repousse pas non plus
formellement leur demande. Si la chambre discute cette question, M. le ministre
pourra fixer ses idées pour savoir s’il y a lieu de nous présenter un projet de
loi.
Je ne veux pas aborder le fonds dans
ce moment ; mais je crois que, d’après les considérations que je présenterai,
ii sera établi qu’il y aurait injustice manifeste, si l’on ne faisait pas droit
à la requête des pétitionnaires.
M. Fallon. - Je ne conçois pas la proposition de l’honorable membre.
La chambre a renvoyé la pétition à M.
le ministre des finances avec demande d’explications. Ces explications ont été
fournies et elles sont déposées au bureau des renseignements. Si un membre de
la chambre a une proposition à faire, il peut la présenter et alors il y aura
lieu à ouvrir une discussion ; mais tant qu’une proposition ne nous est point
faite, je ne vois pas à quoi servirait le débat que l’on veut soulever. Il me
semble qu’on n’a jamais procédé de cette manière.
M. de Garcia. - Je suis fort étonné de l’observation qui m’est faite ; car tout
récemment vous avez discuté les explications de M. le ministre des finances
relativement au transit du bétail. Il y a peu de jours encore, M. le ministre
de l’intérieur a demandé qu’on fixât le jour pour une motion d’ordre faite dans
le sens de celle que je viens de présenter à la chambre.
D’ailleurs, si l’on n’ouvre pas une
discussion sur les explications de M. le ministre, je demande ce que devient le
droit de pétition ? Dans le cas actuel, M. le ministre ne prend parti ni pour
ni contre la réclamation des anciens officiers ; dans cet état de choses, je le
demande, que devient le droit constitutionnel de pétition ?
La liquidation qui s’est faite avec
Quant à moi je ne trouve rien
d’insolite dans ma proposition. Il s’agit de donner suite à une pétition, et
certainement le droit de pétition n’est pas une chose illusoire.
Je demande donc que les explications
de M. le ministre soient discutées. Je ne puis partager toutes les
considérations que renferment ces explications. Il est possible que le
gouvernement, mieux éclairé par la discussion, prenne l’initiative de présenter
un projet de loi pour accorder à ces anciens officiers le supplément de pension
qu’ils réclament. Je ne reculerai pas, quant à moi, devant la présentation
d’une proposition de loi ; mais c’est là une marche que je regarde comme très
fâcheuse et que je serai toujours très contrarié de suivre, parce que, selon
moi, c’est le gouvernement qui doit nous présenter les projets de loi. Le droit
d’initiative que nous donne la constitution pour la présentation des projets de
loi, est une exception à la règle générale, dont selon moi, la législature doit
être très sobre.
Ce n’est donc pour autant que je
serais bien convaincu par la discussion, que la réclamation des pétitionnaires
est fondée, et que le gouvernement se refuserait à présenter un projet de loi,
que j’userais de mon initiative.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, il est arrivé
très souvent que des explications données par le gouvernement n’ont pas paru
satisfaisantes. Alors de deux choses l’une, on un membre de la chambre fait une
proposition, ou les pétitionnaires renouvellent leur réclamation. Et c’est
probablement ce qui arrivera ; laissez les pétitionnaires renouveler leur
requête, et vous rentrerez dans l’exercice ordinaire du droit de pétition. Mais
il est sans exemple qu’on ait ouvert une discussion sur des explications
données à la suite d’un renvoi ordonné par la chambre ; agir ainsi, ce serait
véritablement éterniser une première pétition.
Ainsi, que l’honorable M. de Garcia
fasse une proposition, ou que les pétitionnaires renouvellent leur demande.
C’est en vue de ce dernier moyen que je ne m’oppose pas, pour mon compte, à
l’insertion des explications dans le Moniteur.
Les pétitionnaires auront connaissance de ces explications, et ils les
discuteront peut-être dans une nouvelle pétition.
M. Rodenbach. - Ce que vient de dire M. le ministre me paraît très rationnel. Mais
je crois qu’il y a ici déni de justice, et qu’il faut faire droit aux
réclamations des pétitionnaires. Jusqu’à présent ces anciens officiers n’ont
reçu que les 3 cinquièmes de leur pension, et si, au lieu de revenir dans leur
pays, ils étaient restés en Hollande, ils auraient reçu leur pension entière.
Ils se sont fondés sur un arrêté du gouvernement provisoire, pour réclamer
l’intégralité de leur pension ; et, je le répète, il y aurait déni de justice à
ne pas la leur payer comme ils l’auraient reçue en Hollande.
Je suppose, messieurs, que les
pétitionnaires ne se refuseront pas à vous adresser une nouvelle requête ; ils
pourront combattre les observations de M. le ministre des finances.
Mais il y aurait un autre moyen :
l’honorable M. de Garcia pourrait, soit demain, soit tel autre jour qu’il le
jugerait à propos, adresser des interpellations à M. le ministre de la guerre
et lui demander de nouvelles explications.
M. Delfosse. - Je ne puis, messieurs, partager l’opinion de M. le ministre de
l’intérieur.
Il est bien certain qu’il peut
s’établir une discussion, à l’occasion d’un rapport de pétitions. Si cette
discussion s’ouvrait au moment où le rapport serait fait, le ministère devrait
y prendre part, donner des explications, et chaque membre pourrait lui
répondre. Mais souvent, pour donner au ministère le temps de réfléchir, on se
borne à lui renvoyer la pétition avec demande d’explications, Ces explications
données, il me paraît que la discussion peut être reprise.
Il serait étrange que, parce qu’on
aurait donné au ministère le temps de réfléchir avant de fournir des
explications, la discussion ne pourrait plus avoir lieu. C’est là une
prétention que la chambre ne doit point admettre. J’appuie donc la proposition
de l’honorable M. de Garcia.
M. de Garcia. - Messieurs, déjà M. le ministre de l’intérieur se rallie à une partie
de ma proposition, puisqu’il ne s’oppose pas à l’impression des explications de
M. le ministre des finances.
On a craint de poser un précédent
fâcheux, en laissant s’ouvrir une discussion sur des explications fournies à
l’occasion d’une pétition par le gouvernement. Quant à moi, je craindrais que,
comme vient de le faire observer l’honorable M. Delfosse, la chambre ne posât
un précèdent fâcheux, si elle rejetait ma proposition. Car ce serait réduire le
droit de pétitionnement à zéro.
Ces anciens officiers réclament
depuis 1835, et je dis qu’ils ont des droits acquis ; déjà, à cette époque,
l’honorable M. d’Huart l’a, en quelque sorte, reconnu dans une lettre qu’il a
écrite à un des pétitionnaires, et que j’ai en ma possession ; il a déclaré que
la pension qu’ils reçoivent n’est qu’une avance qui leur est faite. Je n’ai
point cette lettre sur moi, mais je m’en munirai lorsque nous aborderons le
fond.
Messieurs, si le pays ne faisait pas
droit à la réclamation des pétitionnaires, il se montrerait ingrat, il se
montrerait injuste envers ces anciens officiers qui ont préféré venir au
secours de leurs pays que de rester en Hollande, où cependant ils auraient reçu
intégralement leur pension. Il y aurait, dans une conduite semblable, je
n’hésite pas à le répéter, il y aurait une injustice révoltante, et un
véritable déni de justice. Nous avons souvent accordé des indemnités qui
étaient moins dues que celles-là.
J’insiste donc pour que les
explications de M. le ministre des finances soient imprimées et pour qu’on fixe
le jour de la discussion sur ces explications et sur la pétition.
Je le répète, il me répugne de faire
une proposition ; cependant, si le gouvernement ne parvient pas à me
convaincre, dans la discussion, qu’il n’est rien dû à ces officiers, je me
verrai forcé d’user de mon droit d’initiative.
- La chambre, consultée, décide que
la discussion des explications données par le gouvernement sur les pétitions
des officiers dont il s’agit, aura lieu après le vote du projet de loi qui est
à l’ordre du jour.
M. Verhaegen. -
Messieurs, je profite de la présence de M. le ministre de la justice pour lui
faire une interpellation.
Dans plusieurs communes dépendantes
de la conservation des hypothèques à Mons, on parle exclusivement la langue
flamande, tous les actes y sont rédigés dans cette langue, et cependant le
conservateur des hypothèques de Mons refuse de les transcrire, à moins qu’on ne
joigne une traduction en langue française.
Je pense que le conservateur des
hypothèques de Mons a évidemment tort. Dernièrement, un acte de vente, rédigé
en langue flamande, lui a été soumis pour être transcrit, et il a refusé de le
transcrire sans traduction préalable. Une sommation a été faite et on a rendu
M. le conservateur responsable de son refus. Il sera condamné par les tribunaux,
je n’en doute pas un instant ; mais il ne faut pas que les citoyens, pour une
question si simple, si claire, soient obligés à faire un procès.
Je voudrais savoir si le
gouvernement, qui a eu connaissance du refus de M. le conservateur des
hypothèques de Mons, n’a pas pris des mesures pour le faire rentrer dans son
devoir.
M. le
ministre de la justice (M. d’Anethan) - Le fait dont vient de parler l’honorable M. Verhaegen m’a été signalé
il y a quelque temps. Je me suis entendu avec M. le ministre des finances, pour
examiner ce qu’il y avait à faire dans cette occurrence. La question m’a paru
assez grave pour m’engager à consulter les procureurs généraux des différents
ressorts, à l’effet de savoir ce qui se pratique dans les divers
arrondissements. Je n’ai reçu jusqu’ici qu’un seul rapport ; je recevrai
probablement les autres dans deux ou trois jours, et alors M. le ministre des
finances et moi nous prendrons une décision, après un examen sérieux de la
question.
M. Verhaegen. -
Je remercie M. le ministre de la justice de ces premières explications ; mais
je l’engage à prendre des mesures immédiates ; car ce défaut de transcription
peut amener de graves conséquences.
Le conservateur des hypothèques de
Mons refuse de transcrire les actes flamands. Selon moi, il a tort. En vain
dirait-il qu’il ne connaît pas la langue flamande. Dans un arrondissement où il
y a des communes flamandes, si la question se réduisait là, il faudrait que le
fonctionnaire chargé de la transcription des actes connût les deux langues ;
mais l’excuse n’est pas même admissible, en fait ; car il ne s’agit que d’une
opération purement matérielle. Cet abus peut encore se commettre dans d’autres
localités, Il est donc urgent d’y porter remède. C’est évidemment une
infraction à l’art. 23 de la constitution qui dit que toutes les langues sont
facultatives en Belgique.
CONCLUSIONS
DE
Discussion générale
M. le président. - La discussion générale
continue. La parole est à M. Manilius.
M. Manilius. - Messieurs, j’ai écouté avec une attention suivie ces longs débats
sur les questions de l’enquête commerciale et industrielle.
Malgré le désir manifesté par le
gouvernement, de borner la discussion à la question des droits différentiels,
la chambre y a logiquement rattache la question industrielle.
En effet, il était difficile qu’il en
fût autrement, et ici je dois rappeler ce qui a eu lieu dans la séance d’hier.
Deux honorables orateurs, et entre
autres un honorable député de Bruxelles, ont dit qu’il n’y avait pas de
connexité entre les droits différentiels et les intérêts de l’industrie.
Mais aussitôt, l’honorable rapporteur
de la question commerciale a dit qu’il y avait corrélation entre la question
industrielle et la question des droits différentiels.
Pour mon compte, je crois réellement
qu’il y a corrélation, connexité, en ce sens que cette corrélation s’applique à
la protection à accorder à l’industrie maritime par les droits différentiels,
et à la protection à accorder à l’industrie manufacturière par un nivellement
des droits établis dans notre tarif.
En effet, le gouvernement l’a très
bien compris. Qu’a-t-il dit ? En nous présentant son article premier, il nous
annonce que c’est une modification au tarif qu’il veut faire. Voici l’article
1er, il est extrêmement court :
« Le tarif des droits de douane sera
modifié, conformément au tableau ci-après. »
Ainsi, le gouvernement ne se borne
pas aux droits différentiels, il veut une modification de tarif. Il la veut si
bien que, dans les observations qu’il a consignées dans le tableau qui nous a
été distribué, il reconnaît que les droits différentiels, tels qu’il les a
proposés, entraînent nécessairement des modifications. Ces modifications lui
sont conseillées par la chambre de commerce d’Anvers ; et c’est d’après ces
conseils, qu’il touche au tarif, au début même de la loi.
Je désire, messieurs, vous donner
lecture de l’observation contenue dans le tableau. Elle est, en effet, très
concluante pour toutes les autres branches industrielles. Voici l’observation :
« Il a paru rationnel de rendre,
conformément à la proposition de la chambre de commerce d’Anvers, le droit
d’entrée sur les meubles plus protecteur. Dans l’intérêt de nos relations
commerciales avec les contrées transatlantiques, il convient, en effet, de
faire en sorte qu’on nous amène le moins possible les bois confectionnés, en meubles
au lieu de nous les amener en nature. Il faut réserver au commerce des bois
tous ses éléments d’activité et d’échanges avec les contrées transatlantiques.
D’ailleurs, au point de vue de l’industrie, cela compensera l’augmentation des
droits sur la matière première. »
Eh bien, ce qu’on dit dans cette
note, on le rappelle à chaque occasion ; alors qu’il s’agit des cuirs ouvrés,
des crins, on se réfère à l’observation. Mais pour les indigos, pour les bois
de teinture, etc., on ne dit rien. Cette même observation aurait dû pourtant
être reproduite, et je m’étonne que la chambre de commerce d’Anvers n’ait pas
eu les mêmes égards pour les autres points comme pour ces points-ci.
Il était donc très rationnel
d’aborder l’autre question, la question industrielle. C’était après avoir
décidé celle-ci que vous pouviez résoudre la question maritime.
Messieurs, l’on nous a dit que les
nations les plus avancées sous le rapport de l’industrie maritime étaient
l’Amérique et l’Angleterre.
Je vous le demande, messieurs, est-ce
pour aller chercher les produits exotiques, que l’Amérique a formé sa marine ?
Non, messieurs, elle a construit ses bâtiments pour exporter l’abondance des
produits de son industrie agricole, pour commercer dans les parages qui lui
appartiennent, pour transporter ses propres produits, comme l’a fait
Les produits que vous voulez aller
chercher pour vous au loin, nous pouvons vous les procurer aujourd’hui avec une
facilite extrême. Ce que vous voulez en réalité, vous voulez profiter du fret.
Pour obtenir cette préférence, vous dites : « Dans un temps donné, vous
exporterez vos produits. Vous n’exporterez rien de plus. Les navires américains
nous apporteront les produits de leur sol comme par le passé, et vous profiterez
uniquement des frets qui vous seront dévolus.
Un député d’Anvers nous a dit que la
différence qu’il y avait pour l’industrie était imperceptible ; qu’il ne valait
pas la peine d’en parler. L’industrie gantoise pourrait-elle s’alarmer ? elle payait autrefois 1 fr. 70 pour sa matière première ;
aujourd’hui elle paiera encore de même. II est vrai qu’il y a une petite
exception ; elle paiera 2 fr. 25 c. pour la provenance d’entrepôt. Cette
différence sera atténuée, parce qu’ils auront les 10 p. c.,
et cela se réduit à 32 centimes.
Je réponds à cela que,
lorsqu’aujourd’hui nous faisons venir des cotons de Liverpool, nous ne payons
pas 1 fr. 70, nous avons une déduction de 10 p. c., et
quand vous nous augmenterez jusqu’à 2 fr. 25, nous ne jouirons plus des 10 p.
c., parce qu’il est dit dans la nouvelle loi, art. 2, que ces 10 p. c. ne
seront plus alloué aux articles portés dans le tableau.
Ainsi, au lieu d’avoir une différence
de 55 centimes, comme je le croyais, vous aurez une différence de 72 centimes. Mais,
dit l’honorable député d’Anvers, ainsi que M. le ministre de l’intérieur, ce
n’est qu’une bagatelle ; la plupart des cotons qui viennent d’Angleterre, sont
des cotons des Indes réputés coton anglais.
M. le ministre a surtout appuyé
là-dessus, et il a établi sa démonstration sur les cotons des Indes. Eh bien,
ce coton n’est que la sixième partie de celui qui nous vient d’Angleterre. Ce
n’est que la douzième partie des 6,000,000 que nous
consommons année commune.
Mais les autres 5/6 des trois
millions qui nous viennent d’Angleterre, seront grevés de 72 centimes.
Vous irez chercher du coton en
Amérique. Mais savez-vous de quelle manière se fait ce commerce en Amérique ?
C’est un commerce d’agriculture ; on cultive en Amérique le coton, comme nous
cultivons des produits agricoles ; la moisson se fait annuellement ; la moisson
faite, on envoie des masses de coton vers les lieux où l’on en consomme le
plus.
M. le ministre a dit qu’en Angleterre
l’on ne consomme pas 6 millions, mais 400 millions, et c’est vrai, Eh bien, là
où l’on consomme 400 millions, il y a nécessite absolue à avoir un grand
marché. Cette nécessité fait déverser tous les cotons de la récolte vers
Liverpool c’est là le grand stock de la consommation de l’Angleterre. De même
vers le Havre pour la grande consommation qu’en fait
Mais, après cette époque, ces cotons
sont livrés à la spéculation, et ils subissent, pendant 8 ou 9 mois de l’année,
des fluctuations successives qui varient de 10, 15 et 20 p. c. L’année dernière
ils ont varié jusqu’a 50 p. c. ; et ce sera dans ce
moment que vous irez en Amérique chercher des cotons ! véritablement
ce sont des chimères que vous voulez réaliser.
Ainsi, vous voyez que cet espoir de
voir un grand marché de coton à Anvers n’est pas fondé. Et ici je dois répondre
de mots à M. le ministre des travaux publics, qui caresse beaucoup cet espoir.
Vous aurez, vous dit-on, un grand
marché à Anvers. Non, messieurs, nous n’aurons jamais un marché supérieur à 6
millions, à moins que vous ne nous donniez le moyen de
consommer plus de 6 millions de kilog. de coton. En effet, s’il était supérieur à ce chiffre, vous
auriez un excédant, qu’en feriez vous ? Ce n’est rien,
dit M. le ministre, n’ai-je pas mon chemin de fer ? J’enverrai cet excédant en
Allemagne. Le chemin de fer aura beaucoup à charrier, et ses recettes
augmenteront. Je ne pense pas que, quand M. le ministre des travaux publics est
allé en Allemagne, il ait beaucoup étudie la situation de l’industrie
cotonnière ; car on n’y veut pas de filatures, on ne veut pas les protéger ; on
accorde une grande protection à la fabrication des tissus pour produire ces
tissus à meilleur compte, on veut avoir la matière première en abondance et à
bon marché. Les fabricants allemands se procurent les fils en Angleterre, où la
fabrication est montée de telle manière qu’il faudrait plus d’un quart de
siècle à
En effet, il n’y a, en Prusse, qu’une
ou deux filatures ; elles se plaignent du peu de protection qu’on leur accorde
; de jour en jour elles annoncent qu’elles vont être obligées de s’arrêter.
L’une d’elles a été établie par un industriel de Verviers, M. Grand-Ry, qui vous dira, si vous le consultez, qu’il ne peut pas
lutter contre la concurrence anglaise, parce que le gouvernement prussien ne se
soucie pas de protéger les filatures.
Vous voyez que l’accroissement du
marché d’Anvers est une espérance chimérique. Je ne sais pas pourquoi il y
aurait nécessité de donner la priorité à la protection en faveur de la marine,
mais nous n’en avons pas, de marine ; nous avons cent et quelques navires,
quand il nous en faudrait deux mille pour nous apporter ce dont nous avons
besoin.
Je pourrais dire, à mon tour, comme
on dit à l’industrie manufacturière : Commencez par construire des navires pour
concourir avec les navires américains, qu’on exerce des matelots ; qu’on mette de
l’économie dans les frais de navigation, et quand on sera en état d’entrer en
lutte, on pourra demander une protection ; pour avoir droit à une protection,
il faut d’abord être.
Je crois que nous devons commencer
par assurer à notre industrie la consommation intérieure ; quand nous aurons le
marché intérieur, si nous avons un excédant de produits, nous ferons ce que
font les Américains, les Anglais et les Français.
Je suis réellement satisfait de la
tournure que la discussion a prise ; dans la séance d’hier, on a proposé
l’ajournement. Pour moi, je ne le demande pas ; je propose seulement de
postposer le vote de la question des droits différentiels, après le vote sur la
protection que réclame l’industrie. Avant de décider ce qu’on établira dans des
cas donnés en faveur de la navigation nationale, qu’on s’occupe des intérêts de
l’industrie, notamment des manufactures d’indiennes des teintureries que vous
frapperiez en élevant les droits sur l’indigo, sur le bois de teintures, sur le
quercitron, le sumac, le coton même.
Je suis d’autant plus fondé à faire
cette proposition, que l’honorable M. Meeus a dit que, quand il y avait
surabondance de produits sur les marchés étrangers, et que ces produits étaient
jetés sur notre marché, il fallait prendre des mesures de protection en faveur
de notre industrie. A propos de quoi l’honorable membre nous tenait-il ce
langage ? A propos d’une valeur de 90 mille francs de fontes en gueuses !
C’était là un état de choses insupportable, le gouvernement devait
nécessairement intervenir, s’il ne voulait pas voir anéantir l’industrie
métallurgique du pays.
L’honorable M. Desmaisières vous a
donné des chiffres très concluants sur l’état de notre marché, relativement à
la fraude ; j’attends le rapport de M. le ministre des finances et j’ai pris un
autre terme : il y a deux faits dans la question ; ce ne sont pas seulement les
20, les 30 millions que la fraude introduit qui gênent notre industrie, mais
encore les cinq millions qui passent devant les yeux de la douane. Sur ces cinq
millions le gouvernement reçoit 7 ou 8 pour cent ou 3 pour cent, selon les
qualités. De cet état de choses, nous nous plaignons depuis douze mortelles
années ; mais le gouvernement ne s’en est pas ému le moins du monde. C’est là
cependant une question qu’il faut examiner, avant tout, celle de savoir si nous
continuerons à avoir cette concurrence qui nous a été maintenue malgré la
volonté formelle de la chambre ; car la chambre, sur la proposition des 24 membres
en faveur de l’industrie cotonnière, a compris qu’il y avait irrégularité dans
la position de l’industrie cotonnière. La chambre a dit : le tarif n’est pas
assez protecteur dans sa généralité. Voyez la discussion de 1835, n’était-ce
pas dire au gouvernement d’augmenter le tarif ? Cependant le gouvernement n’a
rien fait, il a continué à recevoir les cinq millions de produits industriels
par les bureaux de douanes et les millions importés par la fraude.
Il y a donc nécessité absolue
d’examiner la partie industrielle de la question de l’enquête, et quand vous
aurez pris une décision sur ce point, je ne m’opposerai pas à ce qu’on examine
la partie maritime. Je ne m’oppose pas à ce qu’on accorde une protection à
l’industrie maritime ; car déjà j’ai voté pour les primes qu’on a demandées
pour elle ; mais je ne veux pas laisser induire la chambre en erreur.
J’ai écouté attentivement tout ce qui
s’est dit dans cette enceinte. M. Lesoinne a dit aux industriels : Ne vous
laissez pas induire en erreur, les belles promesses qu’on vous fait seront des
déceptions.
Il leur a dit : Commencez par
travailler chez vous et ensuite autour de chez vous, et si vous avez un
excédant, tâchez de le jeter dans les pays transatlantiques ; mais poursuivez
votre marchandise par un second vous-même, par un parent ou un associé.
C’est après avoir entendu des
choses semblables que MM.de Foere, Osy et Cogels continuent à nous dire : nous
vous exporterons vos produits. Ah ! vous exporterez
nos produits ! Vous voulez tailler en grand dans notre cuir ; vous nous ferez
des comptes de retour qui ne ressembleront pas aux comptes simulés que vous
nous donnez. Nous avons reçu de ces comptes réels, nous y avons trouvé des
inventions nouvelles, nous y avons trouvé des dénominations de frais que nous
n’avions pas encore rencontrées jusque-là.
Je ne veux pas nommer l’armateur
auteur de ces inventions. Ces beaux moyens étaient protégés par le
gouvernement. Le gouvernement avait fait un large sacrifice qui équivalait bien
aux droits différentiels. Malgré cette école, on ne fait que nous répéter :
Exportez ou laissez-nous exporter vos produits. Dans un tel état de choses je
ne puis donner mon appui aux droits différentiels. Quand j’aurai vu de quelle
manière on entend traiter l’industrie manufacturière, je saurai ce que je dois
faire. Ne croyez pas, messieurs, que je suis ici mû par un sentiment d’égoïsme,
je désire qu’on donne protection à toutes les industries qui le méritent, à
l’industrie maritime comme aux autres ; mais en procédant avec prudence et modération
et surtout avec équité. J’ai dit.
M. Cogels. - J’avais demandé la parole hier, pour répondre à un honorable députe
de Bruxelles ; mais je commencerai par répondre à ce que j’ai trouvé à mon
adresse dans le discours de l’honorable préopinant. Je n’ai rien à rectifier ni
à rétracter dans ce que j’ai dit touchant la position que les droits
différentiels faisaient à l’industrie, surtout à l’industrie cotonnière.
L’honorable député de Gand a mal compris cette question dès le principe ; et je
me permettrai de dire qu’il continue à la mal comprendre. J’ai dit que les
droits différentiels établis sur les matières premières, tels que le
gouvernement les proposait, étaient en tous points favorables à l’industrie. Je
l’ai dit, je l’ai prouvé, et je le prouverai de nouveau.
L’industrie cotonnière ne pouvait
importer les cotons qu’à fr. 1-70, quel que fût le lieu de provenance et
d’importation.
Il est vrai que j’avais négligé, pour
les entrepôts d’Europe, les 17 centimes, c’est-à-dire la réduction en faveur du
pavillon national. C’est la seule erreur que j’ai commise. Mais cette
différence ne frappait que sur une parte très modique de nos importations. Nous
avons, d’après les documents qui viennent de nous être distribués, mis en consommation,
en 1843, sept millions 500 mille kilog. de coton sur lesquels cinq millions 500 mille nous ont été
importés directement des Etats-Unis et 1,500 mille des ports d’Angleterre. En admettant que ces 1,500 mille kilog.
importés des ports d’Angleterre soient tous des cotons des Etats-Unis, et par
conséquent, qu’ils soient soumis, d’après la nouvelle loi, au droit de 2 fr. 25
c., il y aurait encore a déduire, pour le pavillon
national, 22 centimes.
M. Manilius. - J’ai raisonné sur la moyenne, vous raisonnez sur l’année 1843, dont
les résultats sont dus à des causes extraordinaires que j’ai expliquées, et ne
peuvent pas servir de base pour établir des calculs. Pour faire des calculs
justes, il faut les établir sur une moyenne.
M. Cogels. - Je n’ai pas interrompu l’honorable député de Gand, je le prie de ne
pas m’interrompre ; il a choisi ses bases, il me permettra de choisir les
miennes. La moyenne n’est pas une base raisonnable ici, car il y a des
modifications qui s’introduisent d’année en année dans les importations et dans
le commerce. Vous pourrez, d’ailleurs, appliquer mon calcul à votre moyenne,
vous verrez si je suis dans le vrai.
Il y a une réduction de 22 centimes,
car la réduction subsiste pour toutes les importations où il n’y a pas de
droits différentiels, et non seulement pour les articles qui ne sont pas
mentionnés au nouveau tarif. Si vous voulez voir à la page 33 du tarif du n°290
des documents parlementaires, (erratum Moniteur
belge n°137, du 16 mai 1844 :) vous verrez que la protection est de 2
fr. 25 c. par tonneau, soit 22 1/2 p. c. par 100 kilog.
Voici quel est le résultat de
l’application du nouveau tarif. C’est qu’en supposant que tous ces cotons
soient exportés des Etats-Unis, l’industrie cotonnière souffrira un
accroissement de droit de 7,500 fr. Mais sur les importations directes des
Etats-Unis, pour le cas plus que probable où leupavillon
sera assimilé au pavillon national, il y aura une réduction de fr. 1,68, ce qui
établira un dégrèvement de 93 mille francs. Voilà la malheureuse position de
l’industrie cotonnière, on lui prend d’une part 7,500 fr., et on lui rend de
l’autre 93 mille francs.
L’honorable député de Gand est tombé
encore dans une erreur qui a été partagée par plusieurs honorables membres. On
s’efforce de rejeter toute la responsabilité des droits différentiels sur la
place et la chambre de commerce d’Anvers, qui, ainsi que j’ai eu l’honneur de
le dire, a été la dernière à les accepter, et qui a contribué à en rendre
l’application la plus modérée possible. L’honorable député de Gand aurait mieux
fait de parler de la chambre de commerce de sa propre ville et de celles des
autres villes de
L’honorable député de Gand vient
encore de nous rappeler un ancien grief contre une société qui s’était établie
à Anvers, en vue de favoriser les exportations de l’industrie, société qui
s’est établie dans un moment très malheureux, dans des circonstances très
malheureuses dont les opérations ont été malheureuses et pour elle et encore
bien plus pour les industriels qui ont recouru à son ministère. Mais il ne faut
pas en imputer la faute à cet établissement. On nous parle de comptes simulés ;
on dit que c’étaient de vrais comptes simulés ; parce que les industriels qui
ont expédié leurs produits fabriqués, n’ont pas obtenu les résultats répondant
à leur attente.
Mais, je le demande, est-ce qu’un
établissement est maître de ce qui se passe hors de chez lui ? La banque de
l’industrie (car il faut la nommer ; elle a été suffisamment désignée par
l’honorable député de Gand), quand elle dressait ces comptes simulés basés sur
les derniers prix courants des colonies, pouvait-elle prévoir que par la crise
américaine, par les importations exagérées de l’Angleterre et des autres pays,
il y aurait sur les produits de l’industrie européenne aux colonies une baisse
de 50 à 60 p. c. ? Il est malheureux pour les fabricants de Gand d’avoir fait
ces expéditions ; ils ont partagé le sort d’un établissement dont on ne
contestera ni la prudence, ni la capacité la société de commerce des Pays-Bas.
Cette société n’a pas été plus
heureuse que les fabricants de Gand ; elle a perdu dans cette crise commerciale
une somme de plus de 3 millions de florins portés à son bilan de 1841 ou 1842.
Là où la société des Pays-Bas qui était favorisée par des droits protecteurs,
parce qu’elle importait de la mère-patrie, a perdu plus de 3 millions de florins,
il n’est pas étonnant que le commerce de Gand ait aussi essuyé des pertes.
Je crois avoir suffisamment répondu à
l’honorable député de Gand. Je répondrai maintenant aux discours qui ont été
prononcés dans la séance d’hier.
Lorsque j’ai demandé la parole, pour
répondre à un honorable député de Bruxelles, il a cru que je voulais contester
ses doctrines sur la corrélation entre les importations et les exportations.
Telle n’était pas mon intention. Loin de là. Il est quelques points sur
lesquels je partage complètement l’opinion de l’honorable député de Bruxelles.
Je l’ai fait assez comprendre dans mon premier discours. J’ai ajouté que,
malgré l’influence lente et progressive que peuvent exercer les droits
différentiels sur nos exportations vers les pays transatlantiques, il ne
fallait pas en attendre ces résultats immédiats que se promettent quelques
personnes dont l’espérance est plus impatiente. Lorsque j’ai demandé la parole,
c’était pour faire observer à l’honorable membre que ce qu’il nous a dit de la
situation du Brésil, particulièrement, nous oblige, en quelque sorte, à
augmenter la protection que nous accordons à notre marine nationale.
Il faut bien se rendre compte de la
situation des affaires au Brésil, et de la situation du Brésil vis-à-vis de l’Angleterre
et de
L’Angleterre exporte au Brésil bien
plus qu’elle ne peut en recevoir, car ce sont surtout des articles de grande
valeur et de peu d’encombrement. Des lors elle est obligée de prendre une
partie de ses retours en espèces, ou en lettres de change sur l’Europe.
Mais le Brésil consommant plus de
produits de l’Angleterre, que l’Angleterre ne consomme de produits du Brésil,
il en résulte que les lettres de change sur l’Angleterre sont extrêmement
recherchées. C’est justement cette position qui rend aux armateurs et aux
négociants belges les opérations si faciles ; car rien de plus simple pour eux
que d’envoyer leur navire au Brésil sur lest, d’acheter du sucre, du café, des
cuirs, selon qu’ils présentent les plus d’avantages, et de payer ces produits
en papier sur l’Europe qui est très recherché. On fournit sur eux une traite à
deux mois de vue.
Ils reçoivent leur cargaison, et
souvent ils en ont réalisé le prix avant d’avoir payé la traite qui a été
fournie sur eux. Ce sont ces rôles que nous devons chercher à faire changer.
Déjà, ils ont changé en partie, parce que, par suite de l’expiration du traité
de l’Angleterre avec le Brésil, en novembre prochain, par suite des relations
directes que le Brésil a établies avec d’autres pays, les importations de
l’Angleterre au Brésil et les exportations du Brésil par navire anglais ont
beaucoup diminué.
C’est ce motif (outre celui que j’ai
indiqué dans mon premier discours la diminution des produits des colonies
anglaises, en même temps que les besoins de la consommation augmentaient), qui
a engagé l’Angleterre à changer son tarif.
L’honorable ministre de l’intérieur a
dit hier que le tarif anglais, tel qu’il était, était prohibitif. Cela est vrai
pour le sucre. Mais ce n’est pas exact pour le café ; car déjà on pouvait
introduire en Angleterre du café Brésil, ou du café Java, au moyen d’une
opération qui peut-être paraîtra à plusieurs honorables membres tout à fait
inintelligible. Le café importé des colonies anglaises était soumis à un droit
bien moindre que le café dit café étranger. Ainsi, avant le tarif de 1842, le
droit était comme suit :
- sur le café étranger, 1 sh. 3
pence.
- sur le café du Cap ou des Indes
orientales, 0 sh. 9 pence
- sur le café des colonies aux Indes
occidentales, 0 sh. 6 pence.
Que faisait-on ? On allait du Brésil,
et même de Rotterdam, au Cap. Je connais deux expéditions (il y en a bien
d’autres) que je pourrais signaler, de café acheté à la vente de
Dans la consommation de l’Angleterre,
qui a été en 1842, de 28 millions, 7 millions (le quart de la consommation)
sont venus du Cap de cette manière.
Pour nous, il n’y a qu’un moyen
d’importer nous-mêmes le café destiné à notre consommation, c’est de donner une
protection plus forte à notre marine, de la donner sur le fret et non pas sur
la valeur des articles. Ce que vous devez faire, c’est que vos navires aient
toujours la préférence pour les cargaisons que l’on pourrait importer du
Brésil, que le fret à payer aux Anglais soit tellement minime, qu’ils préfèrent
aller chercher ailleurs une cargaison de retour, ou revernir sur lest.
La protection résultant des
dispositions du projet du gouvernement va parfois jusqu’à 60 p. c,, quelquefois elle est de 40 p. c. Je trouve cette
protection suffisante. C’est pour cela que j’accorde la préférence au projet du
gouvernement sur les autres projets d’où résulte une protection exagérée, qui
tendrait à donner à notre marine un monopole que je crois peu politique,
surtout dans la situation actuelle de notre marine et de nos relations
commerciales.
On a parlé du change. Ses grandes
variations s’expliquent facilement, parce qu’au Brésil il y a un
papier-monnaie. Partout où il y a un papier-monnaie, il en est ainsi, parce que
le cours dépend des besoins. Lorsqu’il y a des espèces monnayées, c’est un
étalon de valeur, et les variations ne peuvent être que d’un demi ou d’un quart
dans les localités rapprochées, et d’un à un et demi dans les contrées
éloignées, parce que c’est une valeur réelle, uniforme. Mais dans tous les pays
où il y a un papier-monnaie, les variations sont considérables.
C’est ce qu’on a, vu en Autriche, en
Russie ; du temps de l’empire, en Angleterre, pendant tout le temps de la
suspension des payements de la banque en espèces. C’est alors que la liv. st. a valu jusqu’à 17 fr. Une fois que la loi
monétaire de
Ce que j’ai vu de défectueux dans
notre système actuel de droits différentiels, c’est qu’ils ont une base
uniforme qui devient très variable dans son application. En effet, la réduction
de 10 p. c. constitue une protection de 10 fr. par tonneau sur le café, de 1
fr. 70 sur le coton ; et sur les marchandises anglaises, objets dont nous ne
devons pas favoriser l’importation, une protection qui peut s’élever jusqu’à 3
ou 4 mille fr. par tonneau ; car ces objets sont de grande valeur et de peu
d’encombrement.
Voilà le vice de notre système actuel
; vice qu’il s’agit de réformer.
On nous a dit qu’il n’y avait aucune
corrélation entre la question industrielle et la question commerciale.
L’honorable député de Gand, qui a pris le premier la parole dans la discussion
d’aujourd’hui, a répété cette assertion.
J’ai déjà fait voir qu’il y avait
deux moyens de favoriser l’industrie :
1° favoriser l’introduction des
matières premières, mises à la disposition de l’industrie, à aussi bon marché
et en aussi grande abondance que possible ; 2° chercher à étendre autant que
possible nos relations avec les pays transatlantiques, afin que nous puissions,
comme d’autres nations, y établir des comptoirs, y faire connaître nos
produits, et surtout assurer mieux qu’on ne l’a fait jusqu’a présent, le
recouvrement du prix de vente.
Vous voyez donc que s’il n’y a pas là
une corrélation tout à fait directe, il y a cependant une corrélation très
positive. Personne ne saurait le nier.
Ce qu’il y a de plus grave dans les
objections de l’honorable député de Bruxelles, c’est le tort que l’on pourrait
porter à des industries existantes pour favoriser, je ne dirai pas une
industrie nouvelle, mais une industrie souffrante, une industrie qui avait reçu
autrefois chez nous, un très grand développement et à laquelle on voudrait
rendre un peu de vie, en un mot, la marine marchande.
Quant aux industries souffrantes, il
en est dont on ne peut pas attribuer le malaise à la protection qui leur a été
accordée. A l’égard de ces industries, la protection n’a pas été une cause,
elle a été une conséquence. On est venu réclamer la protection lorsque l’on a
vu que les industries dont il s agit étaient souffrantes. La véritable cause de
ces souffrances a été la surexcitation produite non par la protection, mais par
l’abus qui a été fait, pendant un certain temps, de l’esprit d’association et
par la part qu’ont prise, à cette époque, aux opérations industrielles, des
personnes qui n’entendaient absolument rien aux affaires qu’elles
entreprenaient.
Le seul moyen, messieurs, de relever
les industries dont je viens de parler, c’est de réduire les agents producteurs
dans les limites que leur assignent les besoins du pays.
Ainsi, l’on m’a dit qu’il y a
actuellement en Belgique 47 hauts-fourneaux, tandis qu’autrefois il n’y eu
avait que 16 ou 17. Eh bien, messieurs, je crois, que 47 hauts-fourneaux
produisent beaucoup au-delà, non seulement de ce qui on pourrait consommer dans
ce pays, mais encore de ce qu’ on pourrait exporter.
Je pense que 47 hauts-fourneaux, en pleine activité, produisent à peu près 150
millions de kilogrammes par an. Or chacun comprendra sans peine qu’il est
impossible de placer une masse aussi considérable de fontes. Il faudra donc que
les agents producteurs soient réduits conformément aux véritables besoins du
pays. Jusque-là on ne fera pas rentrer les industries dans leur état normal.
L honorable député de Bruxelles vous
a dit encore que les capitaux places dans l’industrie, méritaient une
protection plus grande que ceux placés dans les armements, parce que les
capitaux placés dans l’industrie sont immobilisés, tandis que les capitaux
places dans la marine sont réalisables à volonté. Ceci, messieurs, est une
grande erreur : les capitaux que l’armateur a placés dans ces navires, sont
d’une réalisation tout aussi difficile que les capitaux places dans des
établissements industriels, et lorsque l’armateur voit chômer son navire, il
n’en résulte pas seulement pour lui, une perte sèche, mais sa perte est encore
augmentée de tous les frais d’entretien.
Maintenant, messieurs, par suite de
ces considérations, qu’il a fait valoir, l’honorable député de Bruxelles nous a
soumis une proposition que j’ai peine à m’expliquer. S’il avait proposé un
ajournement pur et simple, tout en combattant cette proposition, je l’aurais
comprise. Mais nous dire : Votons le principe et reculons devant l’application,
cela est pour moi tout à fait inexplicable. Si je puis me servir d’une
comparaison triviale, ce serait à peu près comme quelqu’un qui aurait un
malade, auquel on aurait ordonné un remède et qui dirait : « Le remède est
bon, je vais l’acheter, mais je le mettrai de côteé
je n’en ferai pas usage ; je prendrai la fiole, mais je me garderai de la
déboucher. » (On rit.)
Voila, messieurs, ce que serait le
vote de principe et l’ajournement de l’application.
Je crois, messieurs, que
l’ajournement d’une question semblable serait une chose extrêmement fâcheuse.
Pour apprécier cet ajournement, il faut se faire deux demandes : La question
des droits différentiels est-elle suffisamment étudiée pour recevoir une
solution immédiate ? Y a-t-il opportunité ? Voilà ce que nous devons nous
devons nous demander. Examinons d’abord si la question est suffisamment
étudiée. Je vous le demande, messieurs, faut-il ajouter de nouveaux volumes à
tous ceux qui ont été publiés sur les droits différentiels ? Faut-il de
nouveaux débats après ceux auxquels nous venons de nous livrer pendant trois
semaines ? Faut-il une nouvelle enquête ? Faut-il une nouvelle polémique de la
presse ? Pouvons-nous recevoir sur cette question quelque idée nouvelle,
quelque lumière nouvelle ? Non, messieurs, on pourrait avoir, permettez-moi de
le dire, une confusion complète. Voilà tout ce qu’on pourrait attendre de
l’ajournement.
Quant à l’opportunité, je conçois
qu’en 1839, on s’opposait à toute modification du système commercial, parce
qu’alors notre position politique n’était pas encore nettement dessinée. Je
conçois même qu’avant 1842, on pût dire que notre position vis-à-vis de
Je pense donc, messieurs, que nous
devons terminer cette question. Si l’on est opposé aux droits différentiels, eh
bien ! qu’on les rejette. Certainement je suis loin de
désirer ce rejet ; je voterai pour des droits différentiels modérés, tels que
je les entends ; mais je préférerais encore un rejet à un ajournement.
Puisque j’ai la parole, je dirai
encore quelques mots des divers amendements qui ont été proposés ; car je ne
sais pas si, après la clôture de la discussion générale, il sera utile d’ouvrir
une discussion spéciale sur chacun de ces amendements.
Nous avons d’abord l’amendement de
l’honorable M. Mast de Vries ; cet amendement ne se rapporte à aucun article en
particulier ; c’est un système général, c’est de n’appliquer les droits
différentiels que par 5ème, d’année en année. L’amendement de l’honorable
député de Tournay rentre à peu près dans le même sens, seulement il applique
les droits par tiers. Je crois, messieurs, que lorsqu’on frappe un article de
droits nouveaux, lorsque le gouvernement, dans l’intérêt du trésor, établit des
droits dont l’industrie peut avoir à souffrir, je crois qu’alors il est bon de
procéder graduellement, de ne faire payer, la première année, que la moitié ou
le tiers du droit, la deuxième année que les trois quarts ou les deux tiers, et
ainsi de suite ; mais ici, messieurs, la question est tout autre ; car ou bien
les droits différentiels sont une faveur accordée an commerce sans qu’ils
puissent porter préjudice à personne, ou bien les droits différentiels seront
une charge pour l’industrie. Si les droits différentiels sont une charge pour
l’industrie, il ne faut pas les voter ; si au contraire c’est un avantage dont
nulle industrie ne peut être lésée, alors, vous devez chercher à jouir de cet
avantage le plus tôt possible. Agir autrement, ce serait comme si vous disiez :
« J’ai un champ et je ne veux en cultiver qu’une partie la première
année, » alors que ce champ tout entier serait susceptible de produire
pour la totalité dès le principe.
Ensuite, messieurs, vous avez
l’amendement de l’honorable M. Eloy de Burdinne qui, effectivement, est celui
qui, au premier coup d’œil, paraît le plus favorable à l’exportation des
produits de l’industrie. Mais M. le ministre de l’intérieur vous a fait voir
déjà toutes les difficultés que cet amendement présenterait dans la pratique.
Je n’y reviendrai donc pas.
Les amendements de MM. Dumortier et
Mast de Vries renferment une deuxième disposition, qui assimilerait les
importations par
Ne croyez pas, messieurs, que
je sois guidé ici par la moindre hostilité contre
Dans ce cas-là, j’aimerais beaucoup
mieux assimiler tous les entrepôts d’Europe aux entrepôts transatlantiques ;
sans cela ce serait une véritable faveur faite à la ville de Liége. Je pense
que cette ville qui, à juste titre, a fait valoir ses droits comme elle l’a
entendu, est assez juste pour ne pas réclamer en sa faveur une véritable
exception.
M. Meeus. - La proposition que je me suis permis de présenter hier à la chambre,
à la suite de l’interruption de M. le président, qui m’avait dit que, pour
parler sur, il est essentiel de
présenter un amendement, états tout à fait dans ma pensée ; mais je croyais
qu’elle aurait été faite par d’autres membres. L’ayant faite, cependant, je
dois la modifier. En effet, le principe existe, puisqu’il existe déjà une prime
de 10 p. c. en faveur du pavillon national ; dès lors je dois modifier la
rédaction de mon amendement, et dire : « l’extension du principe, »
c’est-à-dire que je propose à la chambre de voter l’extension du principe des
droits différentiels, et de remettre à la session prochaine son application.
Quoi qu’en aient dit plusieurs
orateurs, je suis partisan des droits différentiels, et je pense m’en être
expliqué hier d’une manière assez formelle pour ne pas avoir laissé de doute
dans l’esprit de ceux qui ont bien voulu me prêter quelque attention.
J’ai dit hier que je suis partisan
des droits différentiels, mais non pas au point de vouloir compromettre
d’antres intérêts, pour venir au secours de nos intérêts maritimes.
On n’a pas voulu me comprendre, ou
l’on ne m’a pas compris. Je suis obligé de m’expliquer aujourd’hui d’une
manière tout à fait catégorique, et de faire comprendre toute ma pensée.
J’espère que mes paroles seront
prudentes, et que ce que je dirai ne pourra pas nuire aux négociations que je
désire voir entamer par le gouvernement. Ce que je crains, quant à moi, entre
les nations comme entre les particuliers, ce sont les susceptibilités, les
questions d’amour-propre. Une fois entamées, elles sont extrêmement difficiles
à calmer, à écarter, disons le mot, il s’agit de
Le but de ma proposition est donc de
laisser au gouvernement le temps de négocier, et s’il ne pouvait pas traiter
avec
Si les négociations avec
Je le disais tout à l’heure, les
questions de susceptibilité nationale doivent être évitées ; elles doivent
l’être, non seulement dans un intérêt politique, mais encore quand il y a, pour
un pays, un intérêt industriel qui s’y rattache.
Ne nous y trompons pas,
Un membre. - Et 1839 !
M. Meeus. - Laissons-là 1839 ; et cherchons les meilleures pages de notre
histoire.
Plus d’une fois le congrès (j’avais
aussi l’honneur de faire partie de cette auguste assemblée), a prouvé qu’il ne
reculait pas devant des questions d’intérêt national ; il a poussé quelquefois
jusqu’à la témérité le sentiment de la dignité nationale.
Je reviens à mon sujet. Lorsque ces
questions de susceptibilité seront à l’ordre du jour, alors la question
d’intérêt matériel s’effacera, parce qu’avant tout, pour une nation comme pour
un particulier, il y a une question d’honneur, une question d’amour-propre qui
empêche de reculer.
C’est parce que, pour ma part, je
comprends ce danger, que je crois essentiel que le gouvernement soit armé de
toutes pièces, pour pouvoir épuiser toutes les convenances vis-à-vis des
nations avec lesquelles nous devons traiter ; pour pouvoir mettre toutes les
convenances de notre côté. Alors, si nous échouons, nous saurons ce que nous
avons à faire.
En votant le principe des droits
différentiels, le gouvernement et la législature auront fait assez connaître
que nous voulons sortir de la position dans laquelle nous sommes. C’est, selon
moi, ce que le gouvernement devrait désirer. Aussi, je m’étonne qu’hier M. le
ministre de l’intérieur, en répondant à une partie de mon discours, n’ait pas
seulement daigné toucher la proposition que j’avais faite.
Après ces explications bien franches,
je pense qu’il ne restera plus de doute sur ma manière de voir, quant aux
droits différentiels. Oui, j’en désire l’adoption, mais, comme je l’ai dit
hier, de manière à ne pas froisser d’autres intérêts ; et quoi qu’en aient dit
M. le ministre de l’intérieur et d’autres orateurs, je me permettrai d’ajouter
de nouveau que je ne comprends aucune corrélation entre les importations et les
exportations.
Ici je réponds à l’honorable ministre
de l’intérieur : il a cité le Brésil, en me répondant ; il a cité les relations
de l’Angleterre avec le Brésil. Si les Anglais aujourd’hui, comme il l’a fort
bien dit, y expédient leurs produits, et si, après avoir expédié ces produits,
ils prennent du café et du sucre pour les déverser sur le continent européen,
que feront les Belges, avec le système des droits différentiels ? Ils iront
chercher des marchandises anglaises, pour les exporter au Brésil ; ils
rapporteront en Belgique du café Brésil, des denrées coloniales. Qu’y aura
gagné l’industrie belge ? Si les droits différentiels sont autre chose qu’une
faveur accordée au commerce, s’ils se réduisent, à vrai dire, à une prime en
faveur de l’industrie, il faut le dire ; car si, sur les 15 ou 20 p. c. de
protection que vous accordez au commerce, vous entendez qu’il y ait pour
l’industrie une faveur de 10 ou 15 p. c., il serait
bien plus simple de donner une prime. Dans tous les cas, ce serait plus sûr ;
car les armateurs d’Anvers, quelque bons patriotes qu’ils puissent être, ne
verront, en définitive, que leurs intérêts dans leurs rapports avec le Brésil ;
ils se diront : « Les Anglais ne peuvent plus apporter les denrées
coloniales du Brésil en Belgique ; nous avons un avantage de 25 p. c. ; mais cet avantage sera bien plus grand si nous pouvons
faire en sens inverse ce que faisait l’Angleterre. (erratum Moniteur belge n°137, du 16 mai 1844 :) Elle exportait ses
produits et nous apportait des denrées coloniales. Nous allons exporter ses
produits et rapporter les denrées coloniales. Le retour nous présentant une
grande faveur, notre bénéfice sera clair et net. » Je dois donc le déclarer de
nouveau, je ne saurais voir une corrélation entre les importations et les
exportations.
Si les droits différentiels doivent
être votés en faveur de l’industrie, il faut nécessairement les établir en
prime.
Dites aux armateurs : « Si vous
exportez des produits belges, si vous sortez des ports d’Anvers, d’Ostende ou
de Bruges (que je ne veux point oublier) vous obtiendrez 15 ou 20 p. c. de
droit différentiels, ou de prime (comme vous voudrez l’appeler) », alors
nécessairement il y aura quelque chose d’efficace pour l’industrie ; mais si
vous ne faites pas cela, vous vous bornez, comme je le disais tout à l’heure, à
créer une faveur pour le commerce maritime, et moi, je le répète, je ne m’y
oppose pas, pourvu que l’on ne froisse point d’autres intérêts. C’est pour
qu’on ne froisse point d’autres intérêts que je demande que le gouvernement ait
le temps, jusqu’à la prochaine session, de faire des traités de commerce basés
sur le principe de l’extension des droits différentiels. De cette manière au
moins nous connaîtrons, avant de nous prononcer définitivement, quelles sont
les nations avec lesquelles le gouvernement sera parvenu à traiter.
Je bornerai là mes observations pour
ne point abuser des moments de la chambre. Cependant je dois quelques mots de
réponse à diverses objections qui ont été faites contre ma proposition.
D’abord l’honorable M. Rodenbach a
cru me mettre en contradiction avec moi-même, parce que, après avoir dit que
l’industrie était dans le marasme, j’avais ajouté, un instant après, que
l’industrie n’était pas aux abois. Je puis m’être trompé, mais je fais une très
grande différence entre ces deux expressions, et je pense que le Dictionnaire
de l’Académie à la main, je puis dire que ce sont deux choses entièrement
différentes.
L’honorable M. Castiau a cru devoir
répondre à une insinuation qu’il a trouvée dans ma défense, que moi je n’y ai
point trouvée et qui, dans tous les cas, n’était pas dans mes intentions.
Personne plus que moi, messieurs, ne
respecte l’esprit élevé, les sentiments élevés de l’honorable M. Castiau ;
personne plus que moi n’est convaincu que bien certainement il reculera
toujours devant toute application d’un principe, alors que cette application
pourrait mettre en danger une classe quelconque de la société. Mais lorsque
j’ai dit que le principe de la liberté illimitée du commerce n’était bon qu’en
théorie, j’ai voulu citer un exemple, et j’ai dit : Si, par exemple, on
appliquait tout à l’heure ces principes à
Il ne faut donc pas compromettre
l’existence des travailleurs, car ce serait non seulement un acte d’inhumanité,
mais encore un acte impolitique. L’honorable M. Castiau a reculé devant
l’immense catastrophe qui pourrait résulter de l’application à
L’honorable M. Castiau vous a dit :
« Mais vos droits protecteurs sont de véritables prohibitions. » Eh !
bon Dieu, qu’il y a loin d’une prohibition à vos
droits protecteurs ! Mais l’étranger vient faire concurrence aux produits de
Je pourrais, messieurs, vous
citer une foule d’autres industries, qui sont toutes dans le même cas.
Voulez-vous que je vous indique des industries nouvelles, que je vous parle des
glaces, des bronzes, de la gobeleterie ?
Eh bien ! toutes
ces industries ont à soutenir la concurrence étrangère sur notre propre marché.
Peut-on dire, après cela, que nos
droits protecteurs équivalent à des prohibitions ? Evidemment non. Je suis,
pour ma part, ennemi de la prohibition ; mais lorsque l’occasion s’en présente,
je veux parer le mal que mon voisin cherche à me faire. Comme particulier, je
ne permets pas qu’on vienne détruire ma maison, et, comme représentant de la
nation, je ne désire pas détruire la maison sociale, c’est-à-dire l’intérêt de
tout le monde. Je crois que la protection, entendue de cette manière, doit
rallier tous les esprits.
M. Donny. - Messieurs, dans une séance précédente, l’honorable M. Delfosse vous
a fait lecture d’une lettre anonyme, qui a paru produire de l’effet sur
l’esprit de quelques-uns de nos honorables collègues. M. le ministre des
travaux publics a, de son côté, donné lecture de quelques passages de l’enquête
commerciale anglaise. Il y a des membres qui attachent plus d’importance à la
lettre anonyme qu’aux passages de l’enquête. Moi, messieurs, je suis d’une
opinion entièrement contraire. Je vais vous dire pourquoi.
Dans cette discussion, les faits
doivent avoir pour nous tous beaucoup plus d’importance que les opinions. Il y
a des faits concernant le commerce transatlantique, et, dans la lettre anonyme
et dans les passages de l’enquête anglaise ; mais entre les faits qui se
trouvent dans ces deux pièces, il y a cette différence immense, que les faits
rapportés dans l’enquête anglaise ont trait au Brésil, pays avec lequel nous
avons l’espérance fondée d’établir des relations directes sous le pavillon
national ; tandis que les faits consignés dans la lettre anonyme sont relatifs
à
Messieurs, dans un discours
précédent, j’avais voulu vous donner une idée de la manière dont se font les
exportations transatlantiques à compte à demi, et je vous ai, à cet effet, posé
quelques chiffres. L’honorable M. Lesoinne vous a dit que c’était là une
opération comme on en fait dans une école de commerce.
Je répondrai à l’honorable membre que
ce que je possède de connaissances en fait de commerce maritime, je ne l’ai pas
puisé dans une école de commerce ; je n’ai jamais mis les pieds dans un
établissement de cette nature, mais une résidence de quarante ans dans le port
de mer, où je suis né, m’a donné quelques connaissances générales en fait de
commerce maritime, et lorsqu’il s’agit d’un point spécial, la chambre de
commerce d’Ostende et les armateurs de cette ville veulent bien m’accorder le
concours de leurs lumières, et c’est précisément ce qui a eu lieu dans la
discussion actuelle.
Mais, dit l’honorable membre, dans
les ports transatlantiques on ne réalise pas sa cargaison dès l’arrivée du
navire.
Messieurs, je n’ai pas soutenu qu’on
réalisât toujours, à l’arrivée du navire. Mais je suppose que l’honorable
membre ne soutiendra pas, de son côté, qu’on ne réalise jamais de cette manière
; car, s’il devait le soutenir, je lui ferais voir, pièces en main, que dans
les deux opérations dont j’ai parlé, on a réalisé très peu de temps après
l’arrivée du navire.
L’honorable M. Lys a trouvé qu’un
discours prononcé dans la séance d’hier par l’honorable M. Meeus, avait jeté de
vives lumières sur la discussion. Je suis fâché de le dire à mon honorable
voisin, mais cette assertion m’a surpris dans la bouche d’un homme dont le
jugement est aussi solide que le sien. L’honorable M. Meeus a débuté par
réclamer l’indulgence de la chambre, parce qu’il n’avait pas encore d’opinion
arrêtée sur la matière il a déclare ensuite formellement que s’il était appelé
à voter tout de suite, il devrait s’abstenir, et enfin, dans le cours du débat,
il nous a dit encore que sort esprit s’était égaré dans la discussion. Il m’est
impossible de découvrir beaucoup de lumières dans le discours prononcé par un
membre, qui se trouve dans de semblables dispositions. (On rit.)
L’honorable M. Lys vous a dit que
j’avais cité jusqu’à deux cargaisons qui avaient donné des bénéfices, et que
lui se trouvait à même d’en citer un beaucoup plus grand nombre qui avaient
donné de la perte. Je dois prier mon honorable voisin de se souvenir du terrain
sur lequel j’ai été placé : il ne faut pas qu’il combatte des chimères. Je n’ai
pas cité les deux expéditions dont j’ai parlé, pour prouver que toujours, ou
presque toujours, il y avait des bénéfices à faire. Ce n’est pas là ce que j’ai
voulu vous prouver. Qu’ai-je voulu prouver ? D’une part, que les armateurs
belges, dans leur propre intérêt, faisaient toujours des efforts pour exporter
des marchandises belges. L’ai-je démontré ? Je pense que oui.
D’autre part, j’ai voulu prouver
encore que les expéditions les mieux combinées, les expéditions les plus
heureuses, celles qui dans les ports transatlantiques, ont donné un bénéfice,
avaient cependant échoué, et devaient échouer. Pourquoi ? parce
qu’il y avait impossibilité de se procurer des retours avantageux, parce que le
système de droits différentiels, existant aujourd’hui, n’était pas assez
développé. L’ai-je prouvé ? Je pense qu’oui.
De ce double fait, à savoir, de
l’intérêt de l’armateur à charger au moment de son départ, des marchandises
belges, et de l’impossibilité d’opérer le retour d’une manière fructueuse, sans
l’établissement du système des droits différentiels, j’ai conclu qu’il était de
l’intérêt de l’industriel belge qu’on donnât plus d’extension au système
actuel, qu’on mît l’armateur à même de renouveler les opérations fructueuses
pour tous deux. Cette conclusion est-elle fondée ? Je pense qu’elle l’est.
L’honorable M. Lys vous a dit : Il
faudrait, avant tout, des sociétés de commerce ; il faudrait des comptoirs à
l’étranger ; il faudrait des négociants qui voulussent se charger d’exporter
pour leur compte, à leurs risques et périls, les marchandises des fabricants.
Cela, messieurs, est en effet
extrêmement désirable. Mais l’honorable membre n’a pas réfléchi que, dans
l’état actuel des choses, il est impossible que de semblables sociétés
s’établissent, que des comptoirs soient érigés à l’étranger, que les négociants
se chargent pour leur compte des exportations ; pourquoi ? parce
qu’il ne faut pas songer à faire des envois dans les pays transatlantiques,
lorsqu’on n’a pas des retours avantageux à rapporter en Belgique.
Je dirai maintenant quelques mots à
l’honorable M. Pirmez.
M. le ministre de l’intérieur vous a
dit que l’Angleterre envoie ses produits manufacturés au Brésil, que là elle
prend des denrées coloniales et que, ne pouvant consommer celles-ci chez elle,
elle les déverse sur notre marché. L’honorable M. Pirmez a demandé avec quoi
nous payons ces marchandises. On a répondu à l’honorable membre qu’on les
payait en écus. En effet, messieurs, l’Angleterre nous prend pour neuf millions
de marchandises, elle nous en importe directement pour 48 millions, et
indirectement, au moyen d’entrepôts flottants, peut-être encore autant, mais je
m’arrête à ce qui est importé directement. L’Angleterre, dis-je, nous importe
pour 48 millions de marchandises, et comme nous ne lui en donnons que pour neuf
millions, il est évident qu’il y à là 39 millions à solder avec des écus d’une
manière analogue. Qu’est-ce que cela fait, dit M. Pirmez ; il est indifférent
au pays qu’on paie en numéraire ou en produits. J’espère, dans l’intérêt de mon
pays, que jamais cette opinion ne prendra racine dans nos chambres. Examinons
la chose de près, en nous posant des exemples.
Supposons que l’industrie belge
achète du sel en Angleterre ; qu’elle en fasse du sulfate de soude ; qu’en y
mettant quelques substances de notre sol, elle le convertisse en verre et en
cristaux et qu’elle aille échanger ces cristaux contre des denrées coloniales
au Brésil ; cette opération, qui aura occupé notre industrie, nos ouvriers, nos
capitaux, ne sera-t elle pas meilleure que celle qui consisterait à envoyer des
écus en Angleterre pour nous procurer les mêmes marchandises que nous pouvons
aller chercher au Brésil, en échange de nos cristaux ?
Je suppose que l’industrie belge
prenne du coton brut, qu’elle en fasse du fil, puis des tissus, en leur donnant
ainsi trois ou quatre fois la valeur de leur matière première et qu’au moyen de
ces tissus, elle achète des produits des colonies : cette opération ne
sera-t-elle pas meilleure pour le pays, que si on avait acheté contre de
l’argent ces mêmes produits des colonies dans les entrepôts anglais ?
Mais, dit M. Pirmez, les écus que
vous envoyez en Angleterre ne sont-ils pas les produits de votre industrie ?
Entendons-nous, il y a une partie de notre numéraire qui est le produit de
l’industrie, mais il y a une autre partie qui est le fruit de la fortune
acquise dans les siècles précédents. La richesse du pays ne consiste pas
seulement dans les produits de l’industrie.
Pour faire voir mieux encore combien
l’opinion de l’honorable membre est peu rationnelle, supposons deux hommes
ayant chacun mille francs devant eux ; supposons que le premier convertisse son
capital en produits manufacturés d’une valeur de trois mille francs, et qu’au
moyen de ces produits il aille chercher dans les colonies pour trois mille
francs de café qu’il importe en Belgique ; supposons que l’autre, au contraire,
aille avec ses écus chercher en Angleterre pour mille francs de café. Ces deux
manières de procéder sont-elles indifférentes pour le pays ?
Je me proposais de dire quelques mots
sur l’amendement de l’honorable M. Meeus ; mais d’une part l’honorable membre a
rectifié une erreur essentielle qui s’était glissée dans la rédaction de son
amendement sur laquelle je me disposais à attirer son attention ; d’un autre
côté l’honorable M. Cogels a déjà fait voir que cet amendement n’est pas
admissible. Je puis donc terminer ici ce que je voulais avoir l’honneur de dire
à la chambre.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la
clôture de la discussion générale.
M. de La Coste. -
Je demanderai si la clôture exclut toute demande d’explications ; car si je ne
pouvais pas en obtenir, il me serait impossible de voter sur la question
d’ajournement.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je demande que la clôture
de la discussion générale soit prononcée aujourd’hui et qu’on maintienne la
marche qui a été adoptée, c’est-à-dire qu’après la clôture prononcée, on
s’occupe du rapport sur la question industrielle, et de la proposition faite
par M. Lys, de la renvoyer au ministre de l’intérieur. Après avoir statué sur
la question de renvoi, nous reprendrons la discussion sur la question qui nous
occupe en ce moment. Il est bien entendu que nous discuterons séparément les
questions de principe et les notions de sursis, et d’ajournements.
M. le président. - Je vais mettre la clôture
aux voix.
M. Dumortier. - Et la question d’ajournement !
M. le président. - La question d’ajournement
proposée par M. Meeus est liée à une question de principe. En prononçant la
clôture ; toutes les questions restent intactes.
M. Delfosse. - Si la proposition d’ajournement était pure et simple, elle devrait
être vidée préalablement ; elle serait de nature à arrêter le cours de la
discussion ; mais cette proposition n’est pas pure et simple, elle est mêlée à
une autre proposition ; l’honorable M. Meeus ne se borne pas à demander
l’ajournement ; il demande, en outre, que l’on statue d’abord sur la question
de principe, sur la question de savoir s’il y aura extension des droits
différentiels.
Il y a une autre proposition
qui a été faite par l’honorable M. Lys : c’est celle d’inviter le gouvernement
à présenter des conclusions sur le rapport de l’honorable M. Zoude. Il y a dans
cette proposition un germe d’ajournement ; car il est possible que beaucoup
d’honorables membres de cette chambre désirent ne se prononcer sur les droits
différentiels que lorsque le gouvernement aura présente les conclusions qu’on
lui demande ; il est même possible qu’ils désirent que la question industrielle
ait la priorité sur la question commerciale ; à ce point de vue il y a quelque
analogie entre la proposition de l’honorable M. Lys et celle de l’honorable M.
Meeus.
Je crois donc que la chambre
pourrait, après avoir clos la discussion générale, aborder, conformément à la
résolution prise dans une précédente séance, la proposition de l’honorable M.
Lys.
Je ne m’opposerai pas à la clôture de
la discussion générale ; je sens que la chambre doit être fatiguée ; cependant
j’aurais quelques observations à présenter en réponse à ce qui a été dit par M.
le ministre des travaux publics et par d’autres orateurs ; mais je me réserve
de les présenter ultérieurement ; j’en aurai plus d’une fois l’occasion.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - La chambre, en prononçant
la clôture de la discussion générale, ne clôt pas la discussion sur les
questions spéciales de principes, ni sur la question d’ajournement. Ainsi
l’honorable préopinant est sûr qu’il aura l’occasion de s’expliquer.
M. de Haerne. - Mon intention ne serait
pas non plus de prolonger cette discussion. Cependant, je dois appuyer
l’opinion de l’honorable M. Delfosse. Je pense que la discussion n’est pas tout
à fait épuisée, il me semble qu’il y a une lacune dans la discussion. Un
amendement a été présenté par l’honorable M. Eloy de Burdinne, dans le but de
forcer en quelque sorte les armateurs à exporter nos produits. L’honorable M.
Meeus a parlé, il y a un instant, à peu près dans le même sens. Il a dit que
dans ce cas, il y aurait corrélation entre les importations et les
exportations. Cette idée est partagée par un grand nombre de membres ; elle se
rattache à un système qui vous est très connu, et qui a été communique à la
chambre, par un honorable sénateur, M. Cassiers. J’ai eu l’honneur de vous
exposer mon opinion sur ce sujet. Ce système n’a pas été discuté. Cependant, il
est de la plus haute importance. Il se rattache aux intérêts les plus graves du
pays.
D’après plusieurs membres les droits
différentiels seront illusoires s’ils ne sont pas adoptés dans ce sens. Je
crois que la discussion jettera les plus vives lumières sur cette importante
question. Je me propose donc de présenter ce système sous la forme d’un
amendement, sauf une légère modification que j’aurai l’honneur de proposer.
J’ai cru devoir l’annoncer à la chambre, pour qu’elle juge si elle doit ou non
prononcer la clôture.
M. le président. - Il est entendu, je pense,
que la discussion n’est pas close sur l’amendement de M. Eloy de Burdinne, non
plus que sur celui annoncé par M. de Haerne. (Adhésion.)
M. Cogels. - Je voulais dire seulement que toutes ces questions se présenteront
utilement, quand nous discuterons les questions de principe. Ainsi la première
question renferme implicitement la proposition de l’honorable M. Meeus car
c’est la question de savoir si l’on étendra le système des droits différentiels
; on pourra y ajouter la question de savoir si le système des droits
différentiels sera appliqué immédiatement.
Ainsi la clôture laisse complètement
intactes toutes les questions de principe et d’application.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Rien n’est plus facile que
de proposer comme question de principe la proposition de l’honorable M. Eloy de
Burdinne. Il suffira que l’honorable M. de Haerne,
par exemple, pose cette question : Mettra-t-on formellement à la jouissance
partielle ou entière des droits différentiels comme condition l’exportation de
produits industriels belges ? Ainsi vous pouvez statuer, sous la forme d’une
question de principe, sur la proposition de l’honorable M. Eloy de Burdinne.
M. Dumortier. - La demande de clôture me paraît présenter deux questions
différentes. D’une part, adoptera-t-on l’amendement présenté par l’honorable M.
Meeus ? D’autre part, après la clôture prononcée, s’occupera-t-on de la
proposition de M. Lys, tendant au renvoi du rapport de M. Zoude au ministre de
l’intérieur ?
M. Delfosse. - C’est décidé.
M. Dumortier. - Veuillez me laisser aller jusqu’au bout.
Il me paraît que la question posée
par l’honorable M. Meeus, qui est la question d’ajournement, prime toutes les
autres. Il me sera facile de le démontrer, le règlement à la main.
M. le président. - La question dont s’occupe
l’honorable membre viendra après la clôture prononcée. Il ne s’agit pour le
moment que de la clôture.
M. Dumortier. - Je réponds à M. le ministre de l’intérieur qui a dit qu’après la
clôture prononcée, la chambre s’occuperait de la proposition de M. Lys.
M. le président. - C’est son opinion ; mais la
chambre décidera.
M. Dumortier. - Sans doute ; mais je dois pouvoir répondre au ministre.
M. le président (à M. Dumortier). - Vous avez la parole. Je désire seulement que la
discussion ne s’égare pas.
M. Dumortier. - Je dis donc que le règlement est positif, que d’après ses termes, la
question d’ajournement doit être discutée et résolue la première. Le simple bon
sens l’indique. Si l’ajournement doit être prononcé, à quoi bon discuter au
sujet du rapport de M. Zoude ? Je voterai contre l’ajournement ; mais s’il
était adopté, pourquoi discuterait-on la proposition de M. Lys ? Je dis donc
que l’ajournement doit être mis aux voix avant toute autre question.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
J’en demande pardon à M. le président, je n’ai pas exprimé une opinion. J’ai
rappelé une décision. La chambre a décidé qu’à la suite de la clôture de la
discussion générale de la question maritime et commerciale, on aborderait
immédiatement la discussion de la proposition de l’honorable M. Lys, tendant au
renvoi au gouvernement du rapport de M. Zoude, concernant les réclamations de
l’industrie, Je demande que cette décision soit maintenue.
L’honorable M. Dumortier nous fait
remarquer qu’il y aurait, selon lui, contradiction à procéder de la sorte. Si,
dit-il, vous adoptez la proposition de l’honorable M. Meeus, pourquoi vous
occuperiez-vous de la proposition de l’honorable M. Lys ? Mais parce que cette
dernière proposition porte sur une toute autre question. La motion
d’ajournement de M. Meeus porte sur la question commerciale et maritime. M.
Lys, au contraire, vous demande de vous occuper de la question industrielle.
Je demande, conformément à la
décision prise par la chambre, sans réclamation, qu’après la clôture de la
discussion générale de la question commerciale et industrielle, on s’occupe du
rapport industriel et de la proposition de M. Lys. Ensuite on reprendra la
question maritime et commerciale, en procédant par question de principe.
M. de Brouckere. - Si l’honorable M. Meeus avait demandé l’ajournement, non pas de
telle ou telle disposition, mais même de la discussion, je comprendrais que la
question d’ajournement primât toutes les autres. Mais au contraire l’honorable
membre a demandé la discussion et le vote du principe, et l’ajournement de son
application. Je ne puis concevoir une telle proposition et je voterai contre,
Quoi qu’il en soit, je pense que l’on peut mettre aux voix la clôture, et que
quand elle aura été prononcée, il faudra suivre la marche indiquée par M. le
ministre de l’intérieur, sans s’arrêter à la motion de l’honorable M. Meeus,
dont il ne pourra être question que quand le principe aura été voté.
- La clôture de la discussion générale est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - M. Lys a proposé de
renvoyer le rapport de M. Zoude sur la question industrielle à M. le ministre
de l’intérieur, avec invitation de formuler des conclusions, s’il y a lieu. Sur
la proposition de M. le ministre de l’intérieur, la chambre a fixé la
discussion de cette proposition après la discussion qui vient d’être close. La
chambre veut-elle discuter cette proposition maintenant ou après la première
question de principe : Conservera-t-on, ou étendra-t-on le système des droits différentiels
?
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je désire que l’on ne mette
pas en doute la décision qui a été prise et qu’on ouvre immédiatement la
discussion sur la proposition de M. Lys.
M. Dumortier. - Je ne puis pas comprendre l’insistance de M. le ministre de
l’intérieur à vouloir faire aborder à la chambre une discussion qui peut-être
sera inutile, ou pour mieux dire, je crois la comprendre très bien : c’est que
M. le ministre de l’intérieur ne paraît plus tenir autant à son projet que
lorsqu’il l’a présenté ; car, s’il y tenait encore autant, je ne pourrais
concevoir les motifs qui l’excitent à engager la chambre dans une discussion
qui durera peut-être dix jours et qui pourra être infructueuse et vaine. En
effet, si la proposition de l’honorable M. Meeus devait être admise, à quoi
servirait la discussion sur la proposition de l’honorable M. Lys ?
Messieurs, qu’est-ce qu’on veut ? On
veut la connexité des deux lois, et, d’un autre côté, on demande la question
préalable. Mais la question préalable prime toute discussion, et c’est ce que
dit, en termes exprès, l’art. 24 de votre règlement. « La question préalable, y
est-il dit, c’est-à-dire celle qu’il n’y a pas lieu à délibérer, la question
d’ajournement, c’est-à-dire celle qu’il y a lieu de suspendre la délibération
ou le vote pendant un temps déterminé, et les amendements sont mis aux voix
avant la proposition principale. »
Vous le voyez donc, c’est sur la
proposition de l’honorable M. Meeus que vous devez d’abord voter. La chambre
a-t-elle l’intention de continuer l’examen de la question des droits
différentiels, oui ou non ? Voila ce que vous devez d’abord décider. Si la
chambre a l’intention de continuer cet examen, nul doute qu’il faut mettre en
discussion la proposition de l’honorable M. Lys ; mais si telle n’est pas
l’intention de la chambre, je ne vois pas à quoi nous conduirait la proposition
de l’honorable M. Lys.
Un membre. - Il y a décision prise.
M. Dumortier. - On dit qu’il y a décision prise. Messieurs je respecte les décisions
de la chambre. Mais depuis qu’une décision a été prise, une autre proposition
vous a été soumise : c’est celle d’ajournement qui prime le vote sur toute
autre.
L’honorable M. Meeus propose à la
chambre de se borner à voter le principe et d’ajourner à l’an prochain la
discussion.
M. Rodenbach. -
Le principe sur quoi ?
M. Dumortier. - Je ne sais si la proposition de l’honorable M. Meeus n’a pas été
comprise ou n’a pas été lue.
M. Rodenbach. -
Elle ne parle que des droits différentiels.
M. Dumortier. - Elle demande que l’on vote seulement sur la première question : «
Etendra-t-on et complétera-t-on le régime des droits différentiels de pavillon
et de provenance existant en Belgique ? » Et après le vote de cette question,
l’honorable M. Meeus demande l’ajournement du tout (non ! non !). Que veut au contraire l’honorable M. Lys ? II veut
que l’on décide la question industrielle en même temps que la question des
droits différentiels.
M. le président. - Je ferai remarquer à
l’orateur que M. Lys se borne à proposer le renvoi du rapport de M. Zoude au
gouvernement. Jusqu’à présent la chambre n’est pas saisie d’une demande de
connexité.
M. Dumortier. - Cela ne fait rien, M. le président ; il est évident que la
proposition de l’honorable M. Lys tend à subordonner la décision sur les droits
différentiels à la décision sur la question industrielle. Je ne vois donc pas
pourquoi on veut nous faire discuter sut une question de tarification, alors
que cette question peut se trouver ensuite ajournée. Il me semble que nous
suivons une marche vraiment inconcevable de la part d’une assemblée délibérante
; nous allons nous donner en risée à la Belgique, si, après avoir discuté
pendant cinq ou six semaines, nous arrivons à un vote d’ajournement.
Je maintiens donc qu’il faut vider
d’abord la question d’ajournement. Nous verrons ensuite ce qu’il y a à faire.
Quant à moi je ne suis pas opposé à la proposition de l’honorable M. Lys ; je
lui donnerai mon assentiment si nous continuons l’examen de la question des
droits différentiels ; mais si cet examen doit être ajourné, je ne vois pas
pourquoi nous voterions la proposition de notre honorable collègue.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - L’honorable préopinant
persiste à confondre deux questions tout à fait dissemblables et qu’on a
jusqu’à présent et avec raison considérées comme distinctes.
Que veut l’honorable M. Lys ? Il veut
le renvoi du rapport de l’honorable M. Zoude, que j’appellerai un compte-rendu
de réclamations industrielles au gouvernement pour avoir soit des explications,
soit des propositions. Je vous le demande, qu’est-ce que cette proposition de
commun avec la question des droits différentiels ?
L’honorable M. Dumortier vient de
nous dire que, si l’on n’adopte pas le projet de loi sur les droits
différentiels, il votera contre la proposition de l’honorable M. Lys. J’avoue
que je n’en comprends pas la raison. L’honorable membre peut, en tout état de
choses, voter pour la proposition de l’honorable M. Lys. Seulement le
gouvernement doit expliquer devant la chambre dans quels sens il accepte le
renvoi qui sera ordonné. Ce sont ces explications que je désire vous donner.
Je ne m’attends pas à une
discussion de dix jours ; je crois que la discussion ne pourra être très
longue. Néanmoins, si l’un ou l’autre membre de la chambre veut appuyer en tout
ou en partie les réclamations dont l’honorable M. Zoude a rendu compte, il
devra être entendu.
M. le président. - Voici l’état de la question
: la chambre maintient-elle sa décision du 8 mai, tendant à accorder la
priorité dans la discussion à la proposition de l’honorable M. Lys, qui
consiste à renvoyer au gouvernement le rapport de M. Zoude sur la partie industrielle
de l’enquête, ou bien, conformément à ce que demande l’honorable M. Dumortier,
accordera-t-elle la priorité dans la discussion à la proposition de l’honorable
M. Meeus ?
M. Lys. - Messieurs, la proposition de l’honorable comte Meeus tend à vous
faire décider une question de principe, celle relative aux droits
différentiels. Or, la chambre a résolu de ne pas procéder à l’examen des
questions de principe avant d’avoir examiné ma proposition. Si vous accordiez
maintenant la priorité à la proposition de l’honorable M. Meeus, vous
reviendriez sur votre précédente décision. Il me paraît donc qu’il a lieu
d’examiner d’abord la question que j’ai posée, à savoir si le rapport fait par
l’honorable M. Zoude sera renvoyé au gouvernement pour qu’il formule des
conclusions.
M. Cogels. - Messieurs il me paraît que la chambre ne doit pas revenir sur la
décision qu’elle a prise et qui est de discuter d’abord la proposition de
l’honorable M. Lys.
Si la proposition de l’honorable M.
Meeus était une proposition d’ajournement pure et simple, ou si quelque autre
membre nous faisait une proposition de cette nature, je concevrais qu’on lui
accordât la priorité. Mats la proposition de l’honorable M. Meeus ne renferme
pas seulement la première question de principe, elle les renferme toutes ; car
dans le cas où la chambre déciderait le principe des droits différentiels, sauf
à en laisser l’application au gouvernement, il faudrait cependant qu’elle
traçât les limites dans lesquelles le gouvernement serait tenu de se renfermer.
M. Meeus. - Je demande la parole pour donner une explication à l’honorable M.
Cogels, qui me semble avoir mal compris la portée de ma proposition.
Ma proposition ne tend pas à donner
au gouvernement le droit de régler l’application des droits différentiels ;
mais à voter le principe, sauf à en
régler l’application dans la session prochaine.
- La question de savoir si l’on
maintiendra la priorité dans la discussion à la proposition de M. Lys, est mise
aux voix et adoptée.
M. le président. - La discussion est ouverte
sur la proposition de M. Lys, qui tend à renvoyer le rapport de M. Zoude, sur
la partie industrielle de l’enquête, à M. le ministre de l’intérieur avec
invitation de formuler des conclusions, s’il y a lieu.
M. le ministre de l’intérieur
(M. Nothomb) - Messieurs, on pourrait diviser le
rapport de l’honorable M. Zoude en deux parties. J’ai déjà caractérisé ce
rapport en vous disant que c’était le compte-rendu d’un certain nombre de
réclamations reçues par la commission d’enquête de la part des industriels.
Parmi ces réclamations, il y en a de
très anciennes et auxquelles il a déjà été fait droit. Je citerai l’industrie
métallurgique, les fils, tissus de lin, la passementerie, la rubanerie ; je
citerai enfin les tissus de laine ; vous êtes saisis en ce moment d’un projet
de loi sur ce point.
Il est d’autres réclamations
auxquelles il n’a pas été fait droit. Ces réclamations restent à examiner. Le
gouvernement s’engage à en faire un examen approfondi. S’il y a de ces
réclamations qu’il croit fondées, il vous soumettra des projets de loi propres
à y faire droit ; s’il en est qu’il ne croit pas fondées, il vous fera
connaître, s’il est nécessaire, les motifs qui le portent à les croire non
fondées.
Voilà, messieurs, dans quel sens nous
acceptons le renvoi du compte-rendu des réclamations industrielles. Nous ne
nous engageons pas d’une manière absolue à faire droit à toutes les
réclamations ; nous nous engageons à vous présenter en temps et lieu soit des
explications soit des propositions.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Aussitôt que possible.
J’ai toujours dit à la chambre,
messieurs, que je ne pensais pas qu’il pouvait être question d’une révision
générale du tarif ; je me suis expliqué à plusieurs reprises sur ce point. De
sorte qu’en abandonnant le système de révision générale du tarif, il y a telle
réclamation qui, considérée isolément, est susceptible d’une instruction qui
peut être terminée assez promptement.
M. Delehaye. - Messieurs, la commission d’enquête a déclaré dans le long travail
auquel elle s’est livrée, que le but réel du système des droits différentiels
qu’elle vous proposait, était l’augmentation des exportations des produits du
sol et de l’industrie ; et cependant, après avoir indiqué au pays la situation
déplorable de toutes les branches d’industrie sans en excepter une seule, elle
se borne à vous présenter quelques conclusions tendant à établir un système de
droits différentiels.
Le gouvernement, messieurs, s’est
joint à la commission d’enquête ; seulement en vous proposant des chiffres
moins élevés, il vous demande d’adopter le même système.
Le gouvernement, messieurs, vous a
fait connaître l’inutilité de ses efforts pour obtenir des concessions des
puissances voisines ; il reconnaît de plus, que le degré de prospérité auquel
d’autres pays sont parvenus, il faut ne l’attribuer, en partie, qu’aux droits
différentiels, que c’est surtout à la possession du marché intérieur qu’ils en
sont redevables.
C’est après avoir entendu ces
déclarations, tant de la part de la commission d’enquête que du gouvernement,
que l’honorable M. Lys a fait sa proposition et qu’elle a été appuyée par tous
les députés de Gand.
Messieurs, quel a été notre but ?
Quant à moi, je le déclare, je suis partisan des droits différentiels.
L’expérience nous a prouvé que l’exportation des produits de l’Europe aux Etats
Unis et dans les autres contrées transatlantiques se fait au moyen d’échanges.
On a donc eu raison de dire que si, par des droits différentiels, nous
parvenons à empêcher l’échange de fabricats européens contre des produits
exotiques, que nos rivaux en industrie viennent placer sur notre marché, nous
limiterons sa production et partant la nôtre pourra s’étendre.
Dans un pareil état de choses, nous
nous sommes demandé, mes amis et moi, si, au moyen des droits différentiels
qu’on vous propose, nous pourrions apporter une amélioration à la situation
malheureuse du commerce et de l’industrie ; nous avons dû reconnaître que
c’était impossible. Car les pays que vous ont indiqués et le gouvernement et la
commission d’enquête ne se sont pas bornés à adopter des droits différentiels
tels qu’on vous en propose. (erratum Moniteur belge
n°137, du 16 mai 1844 :) L’Angleterre ne reçoit pas les produits qui
ne proviennent pas de ses colonies. Le pavillon anglais même n’est pas admis à
les introduire. La France accorde 60 et 70 fr. de protection par tonneau pour
ses importations directes par pavillon national, et c’est en présence de ces
faits qu’on vient vous proposer un système qui tend à accorder une protection
de quelques centimes, d’un franc au plus par 100 kilog.
Nous nous sommes dit qu’un système de cette nature ne pouvait rendre que de
très faibles services à l’industrie, tandis qu’il devait compromettre
l’existence d’autres intérêts très graves, tels que ceux de la province de
Liége. On a fait valoir à cette occasion des raisons qui ont dû faire
impression sur la chambre. On a parlé des représailles que nous avions à
craindre de la part de
Quant à moi, messieurs, je ne suis
pas de ceux qui pensent que
Je sais que ce ne sont pas là les
principes qui nous ont guidés. C’est un malheur pour
Je reviens à l’objet en discussion.
Depuis la révolution, messieurs, nous avons vu tarir toutes les sources de la
richesse publique. Je me trompe, une seule existait encore et avait même pris
de l’accroissement, c’était la fabrication du tabac. C’est le seul objet que la
révolution n’avait pu atteindre. Eh bien, au moyen d’une loi, on propose de
porter le coup de mort à cette industrie.
Nous avions également d’autres
industries qui n’avaient pas été atteintes par la révolution. Mais elles sont
souffrantes ou n’existent plus et c’est toujours ou par des mesures prises par
le gouvernement et par la chambre, quelquefois, que les industriels ont été frappés.
Ce que la révolution a laissé debout nous nous sommes hâtés de l’abattre.
Voyez ce qu’est devenue la
fabrication des tulles, des bronzes, des glaces, et tant d’autres objets d’une
grande importance ; vous parlerai-je de la loi sur les sucres ? Sous prétexte
de mettre tout le monde d’accord, on a conduit la canne et la betterave au bord
de leur tombe.
Messieurs, si j’insiste sur la
présentation d’un projet de loi générale, c’est que je donnerai volontiers mon
assentiment à la mesure proposée, si elle était le complément d’un système
général de protection.
En présentant un projet d’ensemble,
le gouvernement s’assurait une majorité ; les provinces qui, aujourd’hui
, réclament parce qu’elles ont tout obtenu, se seraient jointes à nous
si, par la loi nouvelle, on leur avait accordé les droits protecteurs dont
elles sont en possession. Que font-elles ? Elles envisagent leur position comme
leur donnant des droits acquis ; le statu quo, pour elles, ne peut pas être
modifié. En vain faites-vous un appel à leur patriotisme, elles vous répondent
qu’elles ne vous demandent plus rien.
Je pense que le gouvernement aurait
dû ajourner toute mesure relative au commerce ou à l’industrie, jusqu’après la
présentation des conclusions de la commission d’enquête, c’était le moyen de
rallier tout le monde, et cette opposition, qui compromet le sort du projet, ne
se serait point produite.
Si donc, messieurs, le
gouvernement attache encore la même importance à l’adoption de son projet, ce
qui, comme l’a dit M. Dumortier, pourrait paraître douteux, je désire qu’il
présente un projet qui assure à nos industriels la possession du marché
intérieur, possession qui seule rendra efficace le système des droits
différentiels qu’on a eu raison de citer comme utile à la marine marchande.
M. Desmet. - J’appuie de toutes mes forces les observations de l’honorable
préopinant. Je demande qu’avant de voter sur les avantages à accorder au
pavillon pour les arrivages directs, le gouvernement veuille bien examiner quel
moyen il y aurait de garantir votre marché intérieur. Il faut absolument
garantir votre marché intérieur, et votre régime de douane est insuffisant.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, il s’agit, en ce
moment, de savoir si le rapport industriel sera renvoyé au gouvernement ou non,
voilà le seul point en discussion. Faut-il surseoir à l’examen de la question
commerciale et maritime ? C’est là une tout autre question qui pourra, si d’honorables
membres le jugent convenable, être soulevée plus tard, mais qui, dans ce
moment-ci, n’est pas en discussion ; cette motion-là, je la combattrai.
M. le rapporteur de la
commission d’enquête vous a rendu compte d’un grand nombre de réclamations. Parmi
ces réclamations, il y en a, sans doute, qui sont fondées. Je désirerais,
messieurs, qu’on fît ce qu’on fait ordinairement en semblable circonstance ; je
désirerais que ces réclamations fussent discutées dès à présent, par ceux des
membres de la chambre, qui connaissent les intérêts. C’est principalement dans
ce but que j’ai voulu offrir l’occasion d’une discussion avant le renvoi.
Quant au soupçon que M. Delehaye et
un autre honorable membre ont élevé contre moi, je ne veux pas le leur
renvoyer, car je pourrais à mon tour leur dire que, s’ils avaient voulu les
droits différentiels, ils auraient séparé cette question de la question
industrielle. Et, en effet, la nature des choses exige que l’une de ces
questions soit séparée de l’autre. Voilà le reproche qu’à mon tour je pourrais
adresser à ces deux honorables membres et que je ne leur adresserai pas. (On rit.)
M. Lys. - Messieurs, ma proposition tend à renvoyer au gouvernement le rapport
de l’honorable M. Zoude, pour que le gouvernement ait à formuler des
conclusions.
Il est certain que lorsque l’enquête
commerciale a été décidée, le premier besoin qu’on ressentait, c’était de venir
au secours de l’industrie. Or, comment le gouvernement a-t-il marché dans cette
circonstance ? Il est venu vous proposer des droits différentiels qui
concernent exclusivement le commerce maritime. Ainsi on néglige le premier
intérêt, l’intérêt principal, celui de l’industrie, pour s’occuper d’abord de
l’intérêt secondaire, de l’intérêt du commerce maritime.
Messieurs, si je ne m’intéressais
qu’à l’industrie de ma localité, je pourrais dire que je n’ai nullement à me
plaindre, car le gouvernement a présente une proposition pour cette industrie,
Mais ici l’intérêt gênerai seul me domine. Il n’y a plus de doute que dans
l’état actuel de l’industrie, l’établissement des droits différentiels
deviendra une charge pour elle. Vous ne pouvez former aucun doute, qu’ils
amèneront une augmentation du fret, car il y aura privilège pour la marine
marchande au détriment de l’industrie.
Il faut donc, avant tout,
messieurs, rétablir l’ordre qui aurait dû être suivi, en commençant la
discussion. L’industrie manufacturière méritait sous tous les rapports la
préférence.
Il faut donc, messieurs, commencer par la question industrielle. C’est elle qui, en
première ligne, a besoin d’aide et de protection, c’est elle qui a droit à une
amélioration de son sort. Lorsque vous aurez accordé à l’industrie la
protection qui lui est nécessaire, elle deviendra prospère, et cette prospérité
est indispensable pour que le commerce maritime puisse prospérer à son tour.
Je le répète, en faisant ma
proposition de renvoi au gouvernement, j’ai eu pour but de provoquer, de la
part de celui-ci, des conclusions, conclusions qui seraient examinées et discutées
par la chambre avant qu’elle passât au vote du projet de loi sur les droits
différentiels, Lors de la première discussion, le gouvernement lui-même avait
senti qu’il y avait quelque chose de plus à faire que ce qui existe
aujourd’hui, car M. le ministre de l’intérieur a dit alors qu’il faudrait
renvoyer le rapport de l’honorable M. Zoude, soit à la commission d’enquête,
soit au gouvernement, pour obtenir des conclusions.
M. Cogels. - Je conçois les sympathies de quelques honorables membres pour la
question industrielle ; je conçois très bien la priorité qu’ils voudraient lui
accorder sur une question pour laquelle ils n’éprouvent pas les mêmes
sympathies ; pour laquelle même ils ont une certaine hostilité ; mais je suis surpris
que ces réclamations se produisent si tardivement...
Des membres. - Nous avons réclamé dès le
premier jour.
M. Cogels. - C’était encore tardivement, car il y a quatre ans que ces
réclamations aunaient dû se produire. Lorsqu’on a institué la commission
d’enquête, on lui a confié une mission et cette mission est spécifiée dans les
propositions que la chambre a votées et que voici :
« Examiner la situation actuelle du
commerce extérieur dans ses rapports avec l’industrie et l’agriculture du
pays. »
Commerce extérieur, question
principale ; agriculture et industrie, question relative.
« S’enquérir si la législature est
insuffisante. »
Jusque-là tout est enquête,
information.
Mais voici la partie active de la
commission d’enquête, voici le système qu’elle était éventuellement chargée de
proposer à la chambre :
« En cas d’affirmative,
présenter les bases du système commercial et naval qu’il conviendrait d’établir
dans l’intérêt de la nation. »
Vous voyez donc que la commission
d’enquête n’avait aucune mission industrielle, que la question de la révision
des tarifs était une question dont elle aurait pu ne pas s’occuper. Mais
qu’est-il arrivé dans l’enquête ? c’est que la
question industrielle a dominé la question maritime ; et ainsi que l’a dit M.
le ministre de l’intérieur, l’honorable M. Zoude a fait un rapport sur des
réclamations que nous avons recueillies, et voilà tout.
Maintenant faut-il imposer au
gouvernement l’obligation de formuler des conclusions ? Mais évidement non, et
cela même dans l’intérêt des pouvoirs de la chambre. Ce serait fort bien, si
nous n’avions pas le droit d’initiative ; mais puisque la constitution nous
confère ce droit, formulons nous-mêmes des propositions, si nous le jugeons
convenable, mais ne forçons pas le gouvernement. Laissons à chacun ses
attributions. Si vous voulez des conclusions, nommez une nouvelle commission,
ou renvoyez le rapport à la commission d’enquête, avec invitation de faire une
proposition. Voilà la marche qu’il convient de suivre. Mais si l’on voulait
confondre les deux questions, ou si même seulement on voulait donner la
priorité à la question industrielle, ce serait à peu près voter l’ajournement
de la question principale de l’enquête, question qui, bien qu’elle ait une
certaine corrélation avec l’autre, ne peut cependant être discutée
simultanément. Et ici mon opinion doit exciter d’autant moins de défiance que
la chambre peut se rappeler que lorsqu’il s’est agi de la discussion du budget
des voies et moyens, j’ai moi-même engagé le gouvernement à faire ce qui a été
fait en Angleterre, à faire la révision générale du tarif pour ne pas être
obligé tous les ans de le démolir pièce à pièce, pour pouvoir présenter au
commerce un travail d’ensemble, ayant quelque chance de stabilité, qui lui
permette d’entreprendre des opérations de longue haleine. Vous voyez que, sous
quelques rapports, je partage l’opinion des membres qui demandaient la révision
générale de nos tarifs. Mais la question est assez compliquée ; il n’est pas
nécessaire d’y ajouter de nouvelles complications, car nous finirions par la
rendre inintelligible.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je suis obligé de rappeler
ce qui est en discussion. C’est le renvoi du rapport de la commission d’enquête
sur la question industrielle. Le gouvernement donnera par la suite des
explications sur les points à l’égard desquels il n’est pas d’accord avec le
rapporteur ; il fera des propositions quant aux points sur lesquels il pense
qu’il y a lieu de renforcer ce qu’on appelle le système protecteur. Voilà la
position que le gouvernement accepte ; il n’accepte pas le renvoi sans réserve
; il ne promet pas des mesures d’ensemble, une révision générale et
systématique.
Il existe une opinion dont
l’honorable M. Cogels vient de se faire l’organe, d’après laquelle il faudrait
faire la révision générale de notre tarif. Pour moi, je ne regarde un travail
semblable, ni comme nécessaire, ni comme utile ni comme prudent. Je pense qu’il
faut continuer à procéder comme nous l’avons fait jusqu’à présent et comme font
tous les peuples.
M. Cogels. - Excepté l’Angleterre.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Vous vous faites une idée
qui n’est pas exacte de ce qui se passe en Angleterre, car le tarif d’ensemble
contenant des centaines d’articles présentés, il y a deux ans, par sir R. Peel,
a déjà été changé dans plusieurs de ses dispositions et le sera encore de
session en session.
Le commerce, je le sais, voudrait un
tarif stéréotypé pour un quart de siècle, mais quoique vous fassiez, un tarif
sera toujours subordonné aux circonstances, au développement industriel du
pays, à la position que prennent les pays étrangers. Vous devez donc continuer
à procéder comme vous l’avez fait jusqu’à présent ; c’est-à-dire que d’année en
année, sans secousse et sans trop d’éclat, vous ferez des changements à votre
tarif, suivant les besoins du moment.
L’honorable M. Delehaye a bien voulu rappeler
que le gouvernement a pris des mesures protectrices pour certaines industries ;
et il a vu une imprudence dans ces mesures partielles ; il a dit : Vous avez
pris des mesures en faveur des fers et des tissus de laine ; et le jour où vous
voudriez prendre des mesures en faveur de tous, vous n’aurez plus l’appui que
vous auriez trouvé quand vous avez voulu protéger l’industrie métallurgique et
l’industrie lainière. C’est là le fond de sa pensée ; je demande pardon à
l’honorable membre de le faire connaître. Quant à moi, je n’ai pas ces
défiances, je suis convaincu que le jour où une industrie réclamera une
protection qui lui sera nécessaire, elle lui sera accordée même par les députés
des provinces auxquelles cette industrie serait étrangère. J’ai plus de
confiance que lui dans la justice de tous les membres de la chambre. Je crois,
au contraire, que si on avait présenté un travail d’ensemble sur le tarif, on
n’aurait rien obtenu, parce qu’on aurait effrayé les esprits. Je ne puis, je ne
veux pas dire toute ma pensée. Je m’en réfère aux explications que j’ai données
en comité secret. Vous ne devez pas faire de révision générale au tarif, mais
continuer à le modifier par mesures partielles et spéciales en comptant sur le
sentiment de justice qui anime les membres de cette chambre.
Je me permets donc de rappeler ce qui
est en discussion, c’est le renvoi au gouvernement du rapport sur la question
industrielle. On soulève une autre question, celle du sursis pour l’examen de
la question maritime....
Plusieurs voix. - On ne s’y oppose pas.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je sais qu’on ne s’y oppose
pas, mais je ne veux pas qu’on attache une portée exagérée à ce renvoi. Là où
le gouvernement ne trouvera pas les réclamations fondées, il donnera, s’il y a
lieu, des explications, et là où il les trouvera fondées, il fera des
propositions. Voilà la marche que suit le gouvernement depuis plusieurs années,
et qu’il continuera à suivre.
Maintenant on dira peut-être que si
le gouvernement ne fait pas de proposition, la commission d’enquête n’aura rien
fait.
Quand on a proposé la nomination de
la commission d’enquête, j’ai voté contre son institution, et si la proposition
se faisait maintenant, je voterai encore contre ; non à cause du but, mais à
cause d’un grand principe gouvernemental que j’aurais voulu voir respecter dans
cette circonstance.
Je dois déclarer cependant qu’il
serait injuste de dire que la commission d’enquête n’a rien fait pour
l’industrie. L’honorable M. Delehaye a rappelé plusieurs mesures prises par le
gouvernement. C’est peut-être à la commission d’enquête, qui a donné une
impulsion nouvelle, qu’il faut les attribuer. Par les différentes mesures
protectrices qui ont été prises depuis trois ans, le but qu’on avait en vue, en
la créant, a déjà été atteint de plus de moitié ; je parle toujours de la
partie industrielle.
M. Delehaye. - Si j’ai supposé que le gouvernement abandonnait la question
industrielle, c’est précisément parce que je voyais que le gouvernement avait
la conscience des difficultés qu’il devait rencontrer. M. le ministre de
l’intérieur vous a fait connaître les motifs pour lesquels il a protégé
certaines industries, et pour lesquels il a cru ne devoir rien faire pour d’autres.
Cependant la commission d’enquête indiquant les unes et les autres comme ayant
besoin de protection, comment se fait-il que le gouvernement, qui attache tant
d’importance à l’adoption de son projet, n’ait pas cherché, pour mieux
atteindre son but, à satisfaire ceux dont l’appui lui était nécessaire ? Les
mesures qu’il a prises n’intéressent que deux provinces, il n’a rien fait dans
l’intérêt des nombreux ouvriers des Flandres, en faveur desquels cependant la
commission d’enquête demandait également une protection.
A l’exception des manufactures
d’indiennes, les fabriques de tissu de coton ne demandent pas une grande
augmentation de tarif ; ce qu’elles demandent, c’est que le tarif soit exécuté
; elles ne sollicitent qu’une chose, c’est que la protection à laquelle vous
avez déclaré, en 1835, qu’elles avaient droit, ne soit pas illusoire. Leur
seule réclamation, c’est l’exécution de la loi.
Le gouvernement nous a promis un
rapport sur les travaux de la douane ; ce rapport, nous ne l’avons pas encore
eu.
Cependant le gouvernement nous a
demandé des augmentations de crédit pour renforcer la douane, et si mes
renseignements sont exacts, il n’a pas fait emploi des crédits qu’il a obtenus.
Ainsi, d’un côté, on dit que la
douane doit être renforcée, on demande des crédits, et quand les crédits sont
accordés, on ne s’en sert pas. C’est donc avec raison que nous nous défions du
gouvernement.
Messieurs, je suis partisan des
droits différentiels, mais je n’en veux qu’à la condition d’être en possession
du marche intérieur, car jusqu’à ce qu’il nous soit assuré, ils ne produiront
rien. Une chose digne de remarque, c’est que les pays qui ont adopté les droits
différentiels sont ceux qui ont leur marché intérieur, et les produits que ces
pays exportent, sont précisément ceux dont les similaires sont prohibés chez
eux ou frappés de droits prohibitifs. C’est ce qui a lieu chez nous : nos fers
et nos houilles ne rencontrant aucune concurrence sur notre marché, se placent
avantageusement sur les marchés étrangers.
Je demande que les industries
pour lesquelles on a réclamé une protection, telles que la fabrication des
bronzes, des tulles, celle des glaces et d’autres, ne soient pas moins bien
traitées que d’autres industries dans l’intérêt desquelles des mesures
protectrices ont été prises.
Je demande qu’on suspende la
discussion sur le système des droits différentiels jusqu’à ce que le
gouvernement nous ait présenté ses conclusions sur le rapport de M. Zoude.
Si la chambre décide que le rapport
sera renvoyé au ministre, je demanderai la suspension de la discussion jusqu’à
ce qu’il nous ait soumis ses propositions sur ce rapport.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - La marche que l’honorable
M. Delehaye aurait voulu voir suivre est celle-ci : c’est que dans le projet de
loi on aurait réuni la question des droits différentiels et la question
industrielle, la révision au moins partielle du tarif ; et probablement qu’on
ne se serait pas contenté de ceci, on serait venu dire : Nous voterons les droits
différentiels, si on veut, par un article additionnel, accorder la recherche à
l’intérieur et l’estampille. C’est là une marche complètement impossible.
M. le président. - Cette discussion est
prématurée.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je réponds à un reproche
qui a été adressé au gouvernement. La marche qu’a indiquée l’honorable
préopinant est impossible, on ne serait jamais parvenu à éclaircir une seule
question. Je crois qu’on a bien fait de discuter des questions distinctes.
La répression de la fraude a été
l’objet d’une loi spéciale qui a été votée il y a peu de temps. Si elle est
insuffisante, l’expérience le démontrera.
Ce qui m’a engagé à revenir sur cette
question, c’est le reproche que M. Delehaye a fait au gouvernement de n’avoir
pris des mesures protectrices qu’en faveur de deux provinces, d’une province
riveraine de
M. Manilius. - C’est un fait.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je conteste le fait.
L’arrêté du 14 juillet, relatif aux
tissus de laine, intéresse autant Courtrai que Verviers, et les réclamations
des habitants de Courtrai ont été au moins aussi vives que celles des habitants
de Verviers.
Il y a une autre réclamation
très surannée qui figure dans le rapport de l’honorable M. Zoude. Je voudrais
bien savoir si la loi du 25 février 1842 sur la pêche nationale a été faite
pour encourager la pêche dans
Je sais que maintenant que cette loi
est faite, on trouve que ce n’est rien. Il en sera toujours ainsi des
réclamations, quand on y aura fait droit. Aussi longtemps qu’on n’y aura pas
fait droit, on y attache une grande importance. C’est ainsi qu’on attachait une
grande importance à l’adoption d’un système protecteur de la pêche nationale.
C’est la première mesure que l’honorable préopinant a rappelée.
Je ne veux pas se laisser accréditer
l’opinion que les mesures protectrices ne sont qu’en faveur de deux où trois
provinces. Je sais parfaitement que l’industrie métallurgique n’a pas son siège
dans les Flandres. Mais on a pris des mesures en faveur de l’industrie
lainière, de l’industrie linière et de la pêche nationale ; toutes ces industries
se trouvent dans les Flandres.
M. Dumortier. - J’avais prévu que la discussion arriverait au point où elle est en
ce moment, que l’on compliquerait les difficultés de manière à faite avorter
toute espèce de proposition. Voilà ma crainte. Je crains que l’on arrive à ce
résultat. S’il ne s’agit que de voter le principe, je renonce à la parole.
Je demanderai à parler
lorsqu’on en viendra à la question de conjonction ou de disjonction.
- Le renvoi du rapport de M. Zoude à M.
le ministre de l’intérieur, pour qu’il formule des conclusions, s’il y a lieu,
est mis au voix et prononcé.
Sur la proposition de M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb), la discussion de la proposition de M. Delehaye tendant à ce que la
discussion du système des droits différentiels soit ajournée jusqu’à la
production des conclusions du gouvernement sur le rapport de M, Zoude, est
renvoyée à demain.
- La séance est levée à 4 heures.