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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 7 février 1845

(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)

(page 704) (Présidence de M. Liedts)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure.

M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners fait connaître l’analyse des pétitions suivantes.

« Le sieur Gerbaulet, cultivateur et propriétaire, à Aeltre, réclame l’intervention de la chambre pour qu’il soit fait une répartition plus équitable des contributions entre les habitants de cette commune. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les conseils communaux de Bilsen, Mopertingen, Grand-Spauwen, Petit-Spauwen, Martenslinde, Waltwilder, Hoesselt et Hoelbeek, demandent la construction du chemin de fer d’Ans à Hasselt par Tongres. »

- Renvoi à M. le ministre des travaux publics.


« Le conseil communal de Genoelselderen demande la construction du chambre d’Ans à Hasselt par Tongres. »

« Même demande du conseil communal et des commerçants, industriels etyparticuliers de Looz. »

- Même renvoi.


(page 705) « Plusieurs habitants de Renaix prient la chambre d’envoyer à Santo-Thomas une commission pour notifier à tous les Belges de la Colonie que le gouvernement cesse de servir de caution à la Société de colonisation et que le voyage gratis est assuré à ceux qui voudraient revenir en Belgique. »

« Même demande de plusieurs habitants de Bruxelles. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


M. de Sécus informe la chambre qu’une indisposition l’empêche d’assister momentanément aux discussions de l’assemblée.

- Pris pour information.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Henot dépose des rapports sur des demandes en naturalisation ordinaire.

- Ces rapports seront imprimés et distribués.

Projet de loi sur la comptabilité générale de l'Etat

Rapport de la section centrale

M. de Man d’Attenrode dépose le rapport sur le projet de loi de comptabilité.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. La chambre en fixera ultérieurement la discussion.

M. Osy – Messieurs, nous ne pouvons pas assez louer le zèle assidu de M. le rapporteur qui, en peu de temps, nous a présenté des rapports sur la comptabilité, sur l’organisation de la cour des comptes, et surtout sur la vérification des comptes de 1830, 1831, 1832 et 1833. mais il ne suffit pas que ces rapports soient faits, il est nécessaire que nous les discutions. Je demanderai que le projet de loi relatif aux comptes de 1830, 1831, 1832 et 1833 soit mis à l’ordre du jour immédiatement après l’adoption du budget des travaux publics.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l'exercice 1845

Discussion du tableau des crédits

La chambre est arrivée à l’article 11 du chapitre IV.

Chapitre IV. Frais de l’administration dans les provinces

Articles 10 et 11

« Art. 11. 1° Somme destinée à l’augmentation, à partir du 1er juillet 1845, des traitements des 39 commissaires d’arrondissements, en tenant compte de l’indemnité annuelle dite de milice, d’après les bases indiquées ci-après, avec suppression de tous avantages autres que les frais de bureau, de commis et de tournée. Il pourra y avoir 4 commissaires d’arrondissement à 6,000 francs. ; 10 à 5,250 ; 12 à 4,650 ; 13 à 4,200 : fr. 29,358.

« 2° Somme destinée à l’augmentation des frais de commis et de bureau dans les commissariats d’arrondissements, où l’insuffisance de ces émoluments a été constatée : fr : 10,000 »

La discussion continue sur cet article, ainsi que sur l’amendement qui a été développé hier par M. Eloy de Burdinne.

M. Desmet – L’honorable M. Eloy de Burdinne a fait observer hier que ce n’était pas le moment d’augmenter les traitements des fonctionnaires. Je partage son opinion à ce point de vue ; l’état financier du pays ne nous permet pas d’augmenter les traitements des fonctionnaires. Mais je dois faire remarquer à l’honorable membre qu’il ne s’agit pas ici d’augmenter, mais seulement de régulariser ; il s’agit d’ôter à ceux qui ont trop, et de donner à ceux qui n’ont pas assez, qui ont réellement trop peu et où il y a nécessité de majorer les traitements, comme nous avons fait pour les juges de paix.

Indépendamment de leur traitement fixe, les commissaires de district reçoivent une indemnité, en qualité de commissaires de milice ; il en reçoivent une autre pour les plantons ; dans la Flandre orientale, les communes leur payent encore des vacations pour la visite des chemins. D’après le projet du gouvernement, le maximum de traitement sera de 6,000 fr. Or, le commissaire de district de Gand reçoit aujourd’hui, toutes les indemnités comprises, au-delà de 6,000 fr. Ce fonctionnaire recevrait donc moins qu’il n’a aujourd’hui. Je pourrais vous citer encore d’autres commissariats où les titulaires recevraient moins qu’aujourd’hui.

Je ne puis appuyer l’amendement de l’honorable M. Eloy de Burdinne. Tous les commissaires de district auraient moins qu’ils n’ont aujourd’hui, et cependant nous sommes d’accord sur ce point, qu’il est nécessaire d’augmenter légèrement leurs traitements.

Les commissaires de district n’ont pas seulement des occupations nombreuses qui les empêchent de prendre des congés, ils ont encore à supporter des frais de représentation. Il faut cependant remarquer, messieurs que ces fonctionnaires rendent beaucoup de services au pays et qu’ils ont, comme je viens de le dire, une occupation telle qu’ils ne peuvent prendre des congés et peuvent difficilement vaquer à leurs propres affaires ; d’ailleurs il est reconnu qu’aujourd’hui il y a des commissaires qui n’ont pas plus que des huissiers des ministères.

Il est nécessaire d’établir des catégories pour le traitement des commissaires de district ; mais en attendant qu’on ait pu mieux circonscrire les districts, je crois qu’il faut s’en rapporter au gouvernement du soin d’établir ces catégories. Mais je crois que l’on peut, sans inconvénient, supprimer la première catégorie du projet du gouvernement, catégorie qui comprend quatre commissaires de district. Le traitement affecté à cette catégorie sera donné probablement aux commissaires des districts de Bruxelles, Gand, Anvers et Liége ; et cependant ce sont ces commissaires de district qui ont le moins de frais de représentation et par conséquent moins de dépenses, par la raison qu’ils résident dans les chefs-lieux de s provinces, où les gouverneurs résidants font les principaux frais de la représentation.

Je propose en conséquence de supprimer la première catégorie et de la joindre à la deuxième catégorie qui serait composée de 14 commissaires au lieu de 10, et qui deviendrait la première. Je maintiens les traitements proposés par le gouvernement à partir de la deuxième catégorie.

M. de Naeyer – Messieurs, nous voici encore une fois en présence d’une nouvelle augmentation de traitement ; il semble réellement que lorsqu’on est entré dans cette voie, il n’y a plus moyen de s’arrêter. Cependant si nous voulons que le mot « économie », qui faisait partie du programme de la révolution, ne devienne pas la chose la plus ridicule du monde, il est plus que temps d’adopter pour règle de conduite un principe qui est pratiqué par tout homme qui vient bien administrer sa fortune et qui veut apporter de l’ordre et de l’économie dans la gestion de ses affaires. Ce principe est un principe de bon sens ; il est d’une simplicité excessive : c’est qu’il ne faut jamais dépenser 100 fr., lorsqu’on peut se procurer les mêmes avantages avec la moitié de cette somme.

On nous propose d’augmenter le traitement des commissaires d’arrondissement, en ce sens que le gouvernement serait autorisé à élever le chiffre de nos dépenses d’une somme de près de 40,000 fr. par an ; ce qui équivaut à un capital d’un million et demi. L’augmentation de dépense qu’on nous propose n’est donc pas si insignifiante !

Je demanderai au gouvernement si le service des commissaires d'arrondissement est en souffrance, si le personnel tel qu’il est rétribué aujourd’hui ne présente pas des garanties suffisantes de capacité et de zèle. Je crois que la réponse du gouvernement ne sera pas douteuse ; il rendra hommage au zèle et au dévouement de ces fonctionnaires ; il devra reconnaître en même temps que, lorsqu’une place de ce genre devient vacante, il n’éprouve que l’embarras du choix ; que des personnes dignes de sa confiance se présentent en foule. Je me demande, dès lors, quel avantage on retirera de cette augmentation de traitement.

Quand les traitements des commissaires de district auront été augmentés, ces fonctionnaires, au point de vue de la chose publique, seront absolument ce qu’ils sont aujourd’hui. Leur position individuelle sera améliorée mais les services qu’ils rendent au pays seront absolument les mêmes ; il y aura une seule différence : c’est que ces services coûteront plus cher à la nation. Il y aura encore, si l’on veut, une autre différence ; c’est qu’on aura donné un nouvel aliment à cette avidité, que j’appelle déplorable, avec laquelle on recherche aujourd’hui les emplois publics. Je conviens qu’il peut exister aujourd’hui des anomalies dans la fixation des traitements des commissaires d'arrondissement ; on a cité des exemples ; je pourrais, en citer à mon tour ; mais parce que certains commissaires sont trop peu rétribués, relativement à leurs collègue, est-ce une raison d’augmenter les traitements de tous ? Il y a un moyen bien plus simple, ce serait de donner un peu plus à ceux qui n’ont pas assez, et d’ôter quelque chose à ceux qui sont trop rétribués, relativement à leurs collègues. Mais parce que certains fonctionnaires sont trop peu rétribués, procéder par une augmentation générale de traitements, c’est là une marche ruineuse pour le trésor, marche qui paraît d’ailleurs peu en harmonie avec les règles de la logique.

On a comparé, sous le rapport des traitements, les commissaires d’arrondissement aux procureurs du Roi. Mon intention n’est certainement pas de nier l’importance des attributions des commissaires d'arrondissement ; mais il me semble que cette comparaison n’est pas heureuse. Pour être admis aux fonctions de procureur du Roi, on doit remplir certaines conditions qui ne sont pas requises à l’égard des commissaires d'arrondissement. On exige que celui qui se présente pour les fonctions de procureur du Roi, soit au moins docteur en droit, et pour l’obtention de ce grade il est nécessaire de faire des sacrifices d’argent et de temps. Il faut avoir fréquenté pendant plusieurs années les cours d’une université, il faut avoir subi au moins trois examens, etc. toutes conditions qu’on n’exige pas des candidats aux places de commissaires d’arrondissement.

Il y a plus : on ne parvient à ces fonctions de procureur du Roi qu’après avoir rendu des services dans la magistrature, après avoir été pendant plusieurs années substitut ou juge de première instance. Et tous les jours il arrive que les fonctions de commissaire d'arrondissement sont données à des personnes sans antécédent dans l’administration, qui ont encore à faire leur apprentissage dans les fonctions qui leur sont confiées. Il n’y a donc pas de motif pour assimiler les commissaires d’arrondissement aux procureurs du Roi, puisque vous exigez de ceux-ci des sacrifices préalables de temps et d’argent et des conditions que vous ne demandez pas aux commissaires d’arrondissement. Je ne pense donc pas qu’il soit raisonnable de placer ces diverses catégories de fonctionnaires sur la même ligne.

Je ne trouve aucunement que l’augmentation demandée soit justifiée,. Dans tous les cas je désire qu’on nous présente, avant tout, soit une loi, soit un règlement d’administration générale pour fixer les conditions d’admission et d’avancement dans l’administration et détermine les grades. Il faut enfin que la position des fonctionnaires de l’ordre administratif ne dépende plus entièrement du bon plaisir et du caprice d’un ministre. J’ai l’intime conviction que si on faisait un règlement ou une loi organique, il y aurait possibilité de faire mieux qu’on ne fait, avec un personnel moins nombreux, et que les garanties engageraient à entrer dans ces fonctions ceux qui, aujourd’hui, montrent de la répugnance à les accepter.

M. Maertens, rapporteur – Messieurs, les propositions qui vous sont soumises sont le résultat d’un examen sérieux et approfondi, tant de la part de M. le ministre de l'intérieur que de la part de la section centrale. Plusieurs systèmes ont été passés en revue, plusieurs chiffres ont été examinés. Ce n’est qu’après avoir pesé tout avec la plus grande attention que la section centrale et le gouvernement sont tombés d’accord, pour reconnaître que le seul moyen d’améliorer convenablement la position des commissaires (page 706) d’arrondissement était d’adopter les bases et le chiffre que nous vous proposons. Aussi, quant aux bases, j’ai vu avec satisfaction qu’aucune objection n’avait été faite, que l’assemblée paraît être unanime pour les approuver.

Quant aux chiffres, l’honorable M. Desmet a démontré qu’avec un chiffre moins élevé on atteindrait un but contraire à celui qu’on se propose ; qu’au lieu d’améliorer, on empirerait la position de plusieurs de ces fonctionnaires.

Deux objections ont été faites. D’une part, on trouve le traitement qu’on proposé trop élevé ; d’autre part, on attaque la proposition parce qu’elle abandonne la classification à l’arbitraire du gouvernement. Quant au premier point, il faut, pour bien l’apprécier, tenir, avant tout, compte de la position actuelle des commissaires d'arrondissement. Aujourd’hui ces fonctionnaires touchent, outre leur traitement, une somme pour frais de bureau et de commis comme abonnement, une allocation pour plantons, une indemnité comme commissaires de milice, et quelques-uns perçoivent une rétribution des communes pour l’inspection des chemins vicinaux. Si vous réunissez ces sommes, vous verrez que celle qu’on vous demande de leur accorder ne rendra guère leur position beaucoup plus favorables qu’elle ne l’est aujourd’hui.

L’augmentation qu’on vous propose tend à dégrever les communes et les provinces et à régulariser la position de ces fonctionnaires. Maintenant quelle est la somme qu’il s’agit d’accorder aux diverses classes ? Je dois dire tout d’abord que je n’adopte pas la proposition de M. Desmet. Je pense qu’il est rigoureusement nécessaire qu’il y ait quatre commissaires de première classe.

En leur allouant une somme de six mille francs, je dirai qu’ils n’auront pas davantage que ceux de seconde classe. Je ne sais pas dans quelles localités ces commissaires à 6 mille fr. seront placés Je suppose que ce sera dans les villes les plus importantes du pays : telles que Bruxelles, Anvers, etc.

Vous savez qu’il ne leur faut pas seulement un logement pour eux et leur famille, mais un logement assez vaste pour y placer leurs bureaux.

Vous savez que dans toutes les grandes villes les loyers sont fort chers, et je ne crois pas exagérer en disant que ce loyer, pour un commissaire d’arrondissement de première classe, sera de deux mille francs au moins ; il lui restera donc un traitement net de quatre mille francs pour son travail.

Quant à ceux qui sont de deuxième classe, leur traitement sera de 5,250 fr. Dans les villes où ils seront placés, ils pourront, je suppose, avoir leur logement pour un loyer de 1,250 fr. Il leur restera donc, comme aux commissaires de première classe, 4 mille francs. Ceci justifie ce que je viens de dire contre la proposition de l’honorable M. Desmet. Si vous passez aux deux classes inférieures, leurs frais de logement et de bureau seront en raison de l’importance des localités où ils résideront et, ces frais déduits, vous verrez qu’il leur restera environ 3,500 fr. net pour leur travail.

Vous voyez donc que cette classification que le gouvernement vous propose avec la section centrale, est indispensable, si vous voulez établir les règles d’une bonne justice distributive.

Maintenant, cette rétribution, telle que je viens de l’établir, est-elle trop élevée ? Si vous prenez en considération ce que coûte la vie animale, les frais de représentation et toutes les dépenses qui incombent nécessairement à ces fonctionnaires, vous n’hésiterez pas à dire que ces traitements sont en deçà de ce qu’on devrait leur accorder. Ces fonctionnaires, dans les localités où il n’y a pas de gouverneur, sont les représentants directs du pouvoir, les premiers magistrats de l’ordre administratif. J’espère donc que, quant au quantum, il n’y aura plus de dissentiment, et que tout le monde sera d’accord pour reconnaître que les chiffres que nous avons proposés doivent être accueillis.

Quant à l’autre point, que tout est laissé à l’arbitraire du gouvernement, je pense que c’est là une erreur. Les limites tracées par la section centrale sont assez étroites pour rendre tout arbitraire impossible. Il me semble que ces limites sont telles qu’il serait impossible de faire la moindre faveur à qui que ce soit ; en effet, il ne s’agit pas d’accorder des faveurs, de placer tel ou tel commissaire dans telle ou telle position, eu égard aux élections prochaines, mais de prendre une mesure générale d’administration. Si on accordait une faveur à l’un, ce ne serait qu’en imposant une défaveur à un autre ; pour placer un commissaire dans la première ou dans la seconde classe, il faut en repousser d’autres dans les classes inférieures ; de sorte que les avantages accordés injustement aux uns seraient des désavantages pour ceux qui viendraient à être mal classés ; il y aurait donc autant de commissaires ayant des sujets de mécontentement contre le gouvernement, qu’il y en aurait qui lui seraient reconnaissants des faveurs obtenues. Ce qui aurait servi le ministère cette année, je suppose, tournerait contre lui dans deux ans.

De quoi s’agit-il, en définitive ? De 29,500 fr. pour le dernier semestre de cette année. Quand vous vous réunirez l’année prochaine, vous aurez connaissance de l’arrêté royal qui aura établi la classification pour faire l’application de cette allocation, et vous pourrez refuser la continuation de l’allocation, si la combinaison établie par cet arrêté n’est pas conforme aux règles d’une bonne justice distributive.

Nous avons vu les inconvénients qui se présentent quand le gouvernement fait connaître à l’avance ses projets de classification et de rétribution. Notre honorable président qui, il y a cinq ans, avait le portefeuille du ministère de l’intérieur, frappé de la nécessité de régulariser la position des commissaires de district, d’augmenter les uns et de diminuer les autres, avait joint un tableau indiquant quel aurait été le traitement de chaque commissaire d’arrondissement. Il a suffit que cette proposition fût connue pour exciter le mécontentement partout, pour faire surgir des réclamations en foule et pour que ces réclamations trouvassent de l’écho et que la proposition de notre honorable collègue fût rejetée. Si aujourd’hui le gouvernement venait dire : Tel commissaire d’arrondissement sera dans la première classe, tel autre dans la seconde, tel autre dans la troisième et ainsi de suite, des réclamations sans nombre vous seraient adressées ; personne ne serait content, tout le monde dans cette enceinte prendrait la défense de son commissaire et le résultat serait le rejet de la proposition. Il ne faut pas s’y exposer.

Depuis plusieurs années, on reconnaît la nécessité de régulariser la position des commissaires d'arrondissement. Il faut laisser au gouvernement le soin de faire la classification en se restreignant dans les limites, les bases que nous avions établies.

J’ai lieu de croire que tout le monde tombera d’accord pour admettre l’augmentation demandée. Je pense même que l’honorable M. Eloy de Burdinne, qui a proposé un amendement, le retirera, d’après son propre aveu ; car dans le discours qu’il a prononcé, il a dit que si nos finances étaient dans une position favorable, il ne reculerait pas devant la dépense proposée pour le second semestre de l’année, et que l’année prochaine il accorderait la somme pétitionnée aujourd’hui, si l’état du trésor le permettait. Il doit être rassuré, lui, sur l’état du trésor, il doit le trouver très prospère, puisqu’il propose de porter l’allocation pour les chemins vicinaux de 100 à 500,000 fr.

Il sait donc qu’il reste encore 400 mille fr. dans les caisses du trésor et il y a bien là de quoi accorder la somme minime demandée pour les commissaires d’arrondissement.

M. Zoude – J’appuierai la demande qui vous est faite en faveur des commissaires de district ; je l’appuierai en faisant appel aux sentiments d’équité de la chambre, qui se souviendra sans doute que depuis 1830 le traitement de ces fonctionnaires est inférieur à celui qui leur avait été alloué en 1823. Cependant la plupart des objets usuels, ceux les plus indispensables aux besoins de la vie ont depuis lors doublé de prix ; à ce renchérissement il faut en ajouter un autre, celui du travail qui est autant multiplié aujourd’hui, qu’il était simple et facile en 1823 ; il est inutile d’entrer dans le détail de ce surcroît de besogne, nous y avons concouru tous par les lois communale, provinciale, électorale, celle sur la grande et la petite voirie, et enfin par celle sur l’instruction primaire et beaucoup d’autres encore.

D’ailleurs, d’honorables membres s’en sont expliqués suffisamment et il me semble de ces explications que, pour la plupart, les fonctions de commissaire ne sont qu’honorifiques ; je dirai même que pour plusieurs il serait préférable qu’elles fussent entièrement honorifiques ; ils seraient au moins affranchi des frais de représentation que leur position exige maintenant et dont on use sans beaucoup de ménagement, comme si la représentation était chose obligée et suffisamment indemnisée.

C’est ainsi que nous avons vu deux collègues à la chambre, commissaires de district, auxquels, après avoir payé leur employés, les frais de bureau et le logement, il restait au plus un traitement de 700 fr., cependant ils satisfaisaient aux devoirs de leur position, comme si leurs émoluments avaient été en rapport avec l’importance de leurs fonctions.

Si nous portons nos regards vers les pays voisins, nous voyons qu’en France les sous-préfets sont logés aux frais de l’Etat, tandis qu’en Belgique les frais de logement absorbent généralement le tiers de leurs traitements.

En Prusse les mêmes fonctionnaires reçoivent de 1,700 à 2,000 thalers (6,500 à 7,600 fr.), et là encore, le premier commis est salarié par l’Etat.

Etablirai-je une comparaison entre diverses fonctions qui n’ont ni l’importance, ni le rang assigné aux commissaires de district ? J’y verrai qu’ils sont placés dans une position d’infériorité qu’on peut dire choquante.

En effet, il en est beaucoup dont le traitement est inférieur à celui d’un sous-lieutenant d’infanterie.

Le plus rétribué de ma province l’est moins qu’un capitaine de deuxième classe ; et les appointements d’un contrôleur de comptabilité de la dernière classe sont supérieurs à ceux dont jouissent effectivement la plupart des commissaires.

D’après ces quelques considérations, j’espère que la chambre fera accueil à la proposition du gouvernement, d’autant plus qu’elle est appuyée par la section centrale.

J’aurais bien voulu dire un mot en faveur des greffiers des états provinciaux, mais l’honorable M. d’Elhoungne, qui s’est porté le défenseur de leurs intérêts, en a tiré des conséquences contre les commissaires de district que je ne puis approuver ; c’est pourquoi je renonce à ce que je croyais devoir dire en leur faveur.

M. de Muelenaere – Depuis plusieurs années, j’ose le dire, on a généralement compris la nécessité d’améliorer la position des commissaires d'arrondissement et surtout la nécessité de régulariser cette position. Dans ce but, différentes tentatives ont été faites, mais ces tentatives n’ont pas obtenu votre sanction. Je ne pense pas qu’il soit entré dans les intentions de l’honorable député de Waremme de réduire le traitement actuel des commissaires d'arrondissement. Cependant l’adoption de son amendement aurait ce résultat de faire subir une réduction de traitement plus ou moins considérables à plusieurs commissaires d'arrondissement en exercice.

Je vais tâcher d’en donner en quelques mots la démonstration à l’honorable M. Eloy de Burdinne.

Par exemple, le traitement fixe du commissaire d’arrondissement de Mons est de fr. 2,835. Ce fonctionnaire reçoit, à titre d’indemnité pour milice : fr. 1,270 ; (page 707) planton, fr. 550. Total : fr. 4,655.

Or, comme il est probable qu’il ne serait placé que dans la deuxième catégorie, attendu qu’il n’y a que quatre commissaires d’arrondissement dans la première, il ne recevra plus, d’après l’amendement de l’honorable M. Eloy de Burdinne, que fr. 4,000.

Si, au contraire, on adopte la proposition du gouvernement, il aura une augmentation de 595 fr.

Je ne comprends pas dans mes calculs l’indemnité pour inspection des chemins vicinaux, parce qu’elle varie dans les différentes provinces, et qu’il y a même des provinces où cette indemnité n’existe pas.

Je ne tiens compte que de l’indemnité pour milice et pour planton.

Par l’adoption de l’amendement de l’honorable M. Eloy de Burdinne, le commissaire de l’arrondissement de Bruxelles, en supposant même qu’il fût placé dans la première catégorie, perdrait annuellement 226 fr.

Celui de l’arrondissement de Louvain, s’il était dans la première catégorie, perdrait 286 fr.

Si, ce qui est probable, il était placé dans la deuxième catégorie, il subirait annuellement une réduction de 1,286 fr. sur son traitement actuel.

D’après cela, il me paraît évident que l’amendement de l’honorable M. Eloy de Burdinne va même directement contre le but qu’il s’est proposé ; car je ne crois pas qu’il soit entré dans les intentions de l’honorable membre de diminuer le traitement dont jouissent maintenant les commissaires d’arrondissement.

Dans cette discussion on paraît avoir perdu de vue une disposition de la loi. C’est que si les propositions du gouvernement améliorent la position de quelques commissaires d'arrondissement, elles tendent bien plus encore à régulariser la position de ces fonctionnaires.

Jusqu’à présent il y a des commissaires d'arrondissement qui reçoivent une indemnité sur le fonds provincial ; il en est d’autres, qui reçoivent une indemnité sur le fonds communal. Je ne sais pas, messieurs, s’il est désirable que des commissaires d'arrondissement soient en partie salariés par les provinces ; mais je crois qu’il n’est pas du tout convenable que des commissaires d'arrondissement soient en partie salariés par les communes.

Les communes sont placées sous la surveillance des commissaires d'arrondissement. Dès lors il est contraire à toutes les règles d’une bonne administration que les communes soient appelées à voter annuellement dans leurs budgets une somme plus ou moins forte en faveur de ces commissaires d’arrondissement, c’est-à-dire en faveur de ceux qui doivent surveiller leur gestion et leurs actes.

D’ailleurs, messieurs, il en résulte déjà, à ce qu’il paraît, et il en résultera nécessairement de graves inconvénients, car ces sommes ne sont pas obligatoires pour les communes.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Aussi les communes refusent.

M. de Muelenaere – C’est l’observation que j’allais faire. Aucune loi n’impose ces sommes aux communes. Lors même qu’elles n’auraient pas refusé jusqu’à présent de les voter, il est possible que dans un délai très-rapproché, et M. le ministre de l'intérieur vient de nous dire qu’il en est déjà ainsi, plusieurs refuseront ces allocations. Qu’en résultera-t-il, messieurs ? C’est que dans le même arrondissement, où toutes les communes sont également placées sous la surveillance d’un magistrat supérieur, quelques-unes d’elles voteront une allocation en faveur de ce magistrat, et d’autres la rejetteront. Vous voyez qu’ainsi la position des commissaires d’arrondissement deviendrait en quelque sorte intolérable.

Je pense, messieurs, que les traitements des commissaires d'arrondissement doivent être supportés en entier par le gouvernement et qu’il faut, comme le propose la section centrale, d’accord sur ce point avec le gouvernement, faire cesser immédiatement tous les avantages, toutes les indemnités que reçoivent les commissaires d’arrondissement, soit sur les caisses provinciales, soit sur les caisses communales.

M. Eloy de Burdinne – Messieurs, avant de revenir sur mon amendement, je dois dire un mot en réponse à l’honorable rapporteur de la section centrale. Il a cherché à me mettre en contradiction avec moi-même ; il a prétendu que, dans mon discours d’hier à l’appui de mon amendement, j’avais dit que si la position financière du pays le permettait, j’adopterais les chiffres de M. le ministre de l'intérieur. Ceci est parfaitement exact ; mais je ferai remarquer à l’honorable rapporteur qu’il n’y a pas de contradictions entre ces paroles et mon autre amendement par lequel je propose de porter à 500,000 fr. le subside aux communes pour améliorer des chemins vicinaux ; parce que, lorsque je développerai ce dernier amendement, je ferai voir que l’on peut trouver, par des économies, le moyen de faire face à l’augmentation de 400,000 fr. que je propose. Je ne donnerai pas ces explications en ce moment ; ce serait anticiper sur les développements que je présenterai à l’appui de mon second amendement, et qui ne se feront point attendre, car je crois que nous aborderons dans cette séance la discussion du chapitre V du budget.

J’ai aussi un mot de réponse à adresser à l’honorable M. de Muelenaere. Cet honorable membre vous a dit qu’il ne me supposait pas l’intention de réduire les traitements actuels, et il vous a prouvé que les commissaires de l’arrondissement de Mons, de l’arrondissement de Louvain et autres, allaient subir une diminution de traitement.

Je ferai remarquer à l’honorable M. de Muelenaere que si tel ou tel commissaire d’arrondissement subit une légère réduction de traitement, ce ne sera que pour réparer une injustice commise précédemment envers un certain nombre de ces fonctionnaires qui ont moins de 2,000 francs. L’amendement que je propose établit une juste distribution des fonds globaux accordés au gouvernement pour rétribuer les commissaires de district ; d’après cette proposition, les commissaires de district qui n’avaient que 2,000 francs auraient 3,590 francs, et je crois que ce sont précisément ceux-là qui doivent le plus vous préoccuper, puisque jusqu’à présent, ils ont été traités d’une manière injuste. D’ailleurs, je m‘intéresse beaucoup plus à ceux qui reçoivent une rétribution insuffisante qu’à ceux qui touchent de gros traitements.

Au surplus, messieurs, ces augmentations de traitement sont une chose extrêmement dangereuse. Nous avons commencé par l’ordre judiciaire, il s’agit maintenant des commissaires de district, demain on viendra peut-être demander une augmentation pour MM. les gouverneurs : on trouvera que les traitements des gouverneurs ne sont pas en rapport avec ceux des commissaires d’arrondissement. On dira : Comment ! un commissaire de district a un traitement de …un gouverneur n’a qu’un traitement de …. Evidemment il y a disparate. Il faut donc augmenter le traitement des gouverneurs. Après les gouverneurs viendront les ministres, et en vérité je ne sais pas où l’on s’arrêtera. Ce qui est certain, c’est que des demandes d’augmentation de traitement surgiront de toutes parts. Or, messieurs, est-ce bien dans ce moment où nos finances, quoi qu’on en dise, sont dans une situation si peu prospère, est-ce bien dans un pareil moment qu’il faut voter continuellement de nouvelles dépenses ? L’année prochaine vous serez peut-être devant la nécessité d’adopter le système anglais, d’établir un impôt sur les revenus. Vous finirez nécessairement par en arriver là, et alors les commissaires de district, et autres fonctionnaires devront payer leur part de ce nouvel impôt, c’est-à-dire qu’on leur reprendra d’une main ce qu’on leur aura donné de l’autre.

Messieurs, autant que personne je tiens à ce que les fonctionnaires publics soient considérés, et en ce qui concerne les commissaires de district, je vous indiquerai un moyen d’augmenter leur considération. Pourquoi les appeler « commissaires » ? ne perdez pas de vue que c’est là une dénomination fort peu populaire en Belgique. On se rappelle encore que lors de la révolution française nous avions partout des commissaires, qui étaient des agents chargés par le pouvoir de pressurer les populations. En France, messieurs, il y a des préfets et des sous-préfets ; les préfets sont des gouverneurs, les sous-préfets sont des commissaires d’arrondissement ; pourquoi donc ne donnerions-nous pas à nos commissaires d’arrondissement la dénomination de « sous-gouverneurs » ? Cette dénomination sera beaucoup plus convenable et beaucoup plus populaire ; elle serait aussi plus exacte ; car les commissaires de district administrent, en effet, en leur arrondissement sous les ordres du gouverneur de la province.

Quant à la question du traitement, messieurs, je crois que ce qu’il y aurait de mieux à faire, ce serait d’accorder au gouvernement une somme globale. Il est bien des commissaires d'arrondissement qui sont inutiles, qui pourraient être réunis à d’autres ; au moyen de ces réunions, le nombre de commissaires de district serait réduit, et alors le gouvernement, ayant à sa disposition, une somme globale, pourrait mieux rétribuer ces fonctionnaires.

Un honorable membre nous a dit, messieurs, qu’il ne résulte pas de la proposition du gouvernement une augmentation du budget. Cependant, je vois bien à l’art. 11 du chapitre IV une augmentation de 17,500 fr. avec une note ainsi conçue :

« Il est notoire que le traitement de la plupart des commissaires d'arrondissement n’est en rapport ni avec la population, ni avec l’étendue de leurs arrondissements, ni pour quelques-uns d’entre eux, avec les circonstances locales qui élèvent leurs dépenses ou augmentent l’importance de leurs fonctions.Le gouvernement désire être mis à même d’établir, dès le 2e semestre 1845, les traitements de ces fonctionnaires sur une base équitable. Ces mesures, qui feront l’objet d’un arrêté général d’administration publique, comportent une dépense annuelle évaluée à 35,000 fr. »

Voilà donc bien une augmentation de 17,500 fr. pour le second semestre, c’est-à-dire de 35,000 fr. par an.

Un honorable membre a dit que dans certaines villes, à Bruxelles par exemple, le commissaire d’arrondissement doit louer à un prix élevé une maison pour son habitation et des locaux pour ses bureaux. Je ne sais pas si ce fait est bien exact. Je croyais que dans les grandes villes les commissaires d'arrondissement avaient des locaux fournis par les villes.

Des membres – Non, non.

M. Eloy de Burdinne – C’est donc là une circonstance qui doit être prise en considération par le gouvernement pour la répartition du crédit qui lui sera alloué. Mais je le répète, encore, si l’on accordait au gouvernement la somme globale que je propose de lui allouer, il pourrait, en réduisant le nombre des commissaires d'arrondissement, donner à ces fonctions des traitements fort convenables. Cette réduction sera très facile à opérer ; je suis convaincu que le nom des commissaires d'arrondissement, qui est aujourd’hui de 39, pourrait très-bien être réduit à 34 ou peut-être à 30.

Je me résume, messieurs, et je déclare que je ne puis voter aucune augmentation, ni de traitement, ni d’autres dépenses au-delà de ce qui est impérieusement nécessaire. Je n’entrerai pas maintenant dans une plus longue discussion à cet égard, mais lorsque nous examinerons mon amendement relatif aux chemins vicinaux, j’indiquerai où l’on pourra prendre les 500,000 fr. que je demande pour cet objet, sans grever le budget plus qu’il ne l’est actuellement.

M. d’Huart – Messieurs, la proposition que le gouvernement nous a soumise à l’effet d’augmenter les traitements des commissaires d'arrondissement, (page 708) a généralement été bien accueillie par les sections et surtout par la section centrale, et je vois que, dans la chambre même, cette proposition rencontre aussi un excellent accueil. En effet, messieurs, nous sommes à peu près tous d’accord pour améliorer la position des commissaires d’arrondissement ; l’honorable M. Eloy de Burdinne lui-même partage nos vues à cet égard, car, considéré d’une manière générale, son amendement ne tend qu’à réduire quelque peu les chiffres qui vous sont proposés par le gouvernement ; mais, ainsi qu’on l’a fait remarquer tout à l’heure, cet amendement a un vice fondamental qui doit le faire écarter ; c’est qu’au lieu d’améliorer la position de tous les commissaires d’arrondissement, il aurait pour effet d’empirer la position de plusieurs de ces fonctionnaires. C’est ce qui a été démontré par des chiffres positifs puisés dans les documents officiels que le gouvernement nous a communiqués. Je pense donc que l’amendement de l’honorable M. Eloy de Burdinne n’a pas de chance d’être adopté, car il ne peut entrer dans l’esprit de personne de rendre la position d’aucun des commissaires d’arrondissement plus mauvaise qu’elle ne l’est aujourd’hui alors que tout le monde trouve que cette position n’est pas ce qu’elle doit être, en raison des services que les fonctionnaires, dont il s’agit, rendent au pays.

Quand on consulte le tableau des traitements des commissaires d'arrondissement, on est véritablement étonné de voir que plusieurs de ces fonctionnaires n’ont qu’un traitement qui ne s’élève pas à 2,000 fr. ; on conçoit difficilement que des fonctionnaires de ce rang puissent être traités de la sorte. On nous a dit tantôt, messieurs, qu’un contrôleur de troisième classe des douanes est beaucoup mieux rétribué que ces commissaires d’arrondissement. Cependant il est évident que le travail des commissaires d’arrondissement et la position qu’ils doivent occuper dans le monde, sont de beaucoup supérieurs à ceux d’un contrôleur de troisième classe des douanes. On a fait encore d’autres comparaisons analogues qui, certainement, sont tout à fait décisives.

Le tableau dont je viens de parler atteste encore un autre vice dans la position actuelle faite aux commissaires d'arrondissement ; c’est que plusieurs de ceux dont les fonctions ont une importance relativement assez minime, sont mieux traités que d’autres dont les fonctions sont beaucoup plus importantes et plus laborieuses. La distribution qui a été faite jusqu’ici des fonds votés pour ces fonctionnaires n’est point du tout régulière, ni équitable, et il est urgent de porter remède à cet état de choses ; on s’explique à peine qu’on ait attendu jusqu’ici pour le faire. Il est vrai qu’en 1840 déjà une proposition vous a été soumise à cet égard ; mais on vous a expliqué suffisamment les motifs pour lesquels cette proposition n’a pas été accueillie alors. On se rappellera que ce n’a pas été parce que l’insuffisance des traitements a été contestée, que la proposition dont s’agit n’a pas été accueillie, mais seulement parce que les bases fixes sur lesquelles on s’appuyait ont fait surgir au dehors, et dans cette enceinte, des réclamations qui ont fait ajourner l’examen du fond de cette proposition.

L’augmentation proposée par le gouvernement est calculée de telle sorte que les commissaires d’arrondissement seraient rangés en quatre classes dont les traitements seraient de 4,200 à 6,000 fr. Ces chiffres, messieurs, ne paraîtront nullement exagérés, surtout si l’on considère que le maximum est principalement destiné aux commissaires d’arrondissement qui ont aujourd’hui un traitement équivalant à cette somme.

J’adopterai bien volontiers les chiffres proposés par le gouvernement, parce que je les trouve modérés et en rapport avec les services que l’on exige des commissaires d'arrondissement ; mais j’aime à penser et je ne doute aucunement que le gouvernement, dans la répartition qu’il fera d’après les bases indiquées par la section centrale, aura égard au travail des commissaires d'arrondissement, qu’il ne s’en tiendra pas à la position que ces fonctionnaires peuvent avoir aujourd’hui ; je ne doute pas, dis-je, que le travail réel qui est imposé aux commissaires d'arrondissement servira de règle pour la classification.

A ce sujet, M. Pirson vous a, dans la séance d’hier, exposé des considérations auxquelles je ne puis me rallier entièrement. Cet honorable membre vous a dit, avec raison, que le travail des commissaires d'arrondissement dépend plus essentiellement du nombre des communes que ces agents ont à administrer que de la population ; et en effet, messieurs, le travail pour l’administration des petites communes est à peu près le même que celui pour les communes populeuses. Matériellement, les intérêts partiels sont moindres ; mais en administration, il faut autant d’écritures pour traiter une affaire de 50 francs, que pour traiter une affaire de 500 francs.

Je crois donc, avec M. Pirson, qu’il est très-essentiel d’avoir égard au nombre des communes dont les commissaires d'arrondissement ont à surveiller l’administration ; je crois, en outre, qu’il faudra nécessairement tenir compte que la population des chefs-lieux et celle des villes de plus de 5,000 habitants, lesquelles, aux termes de la loi provinciale, ne sont pas sous la juridiction des commissaires d’arrondissement, et doivent être défalquées de la population, si la population est prise en sérieuse considération pour ranger ces fonctionnaires dans l’une ou l’autre des quatre classes.

Je craindrais de tomber sur des redites (car on a dit à peu près tout) si je m’étendais davantage à cet égard.

Quant aux frais d’abonnement qu’on propose d’augmenter de 10,000 fr., je donnerai également mon assentiment à cette augmentation, parce que je sais positivement que beaucoup de commissaires d'arrondissement ne peuvent, avec les frais actuels d’abonnement, rétribuer les employés et payer les frais de bureau qui leur incombent. Je ne citerai aucun nom, je pourrais cependant citer quatre ou cinq arrondissements, où les frais d’abonnement ne s’élèvent qu’à 2,000 fr. et où le commissaire d’arrondissement doit avoir trois employés. Je vous demande, quand on défalque de cette somme le traitement de trois employés, ce qui reste pour frais de bureau.

Remarquez qu’il faut aux commissaires d’arrondissement un chef de bureau qui ait de l’intelligence, de l’expérience, des capacités assez étendues ; car le commissaire d’arrondissement doit faire de fréquente tournées. Alors c’est le chef de bureau qui a la signature et qui continue l’impulsion à toutes les affaires ; le chef de bureau ne doit donc pas être un simple copiste ; ce doit être un homme d’une certaine intelligence, d’une certaine expérience. Il faut donc lui allouer un traitement d’autant plus élevé que ces employés se trouvent dans des conditions très-défavorables sous d’autres rapports ; ils n’ont près du gouvernement aucun droit à la pension. Quand ils ont été employés, pendant 20 ou 30 ans, avec un traitement de 12 ou 1,500 fr., ils se retirent sans rémunération, sans savoir comment ils pourvoiront à leur existence.

Je dis donc que les frais d’abonnement des commissaires d'arrondissement sont bien au-dessous de la réalité de la dépense. Je voterai le chiffre de 10,000 francs, qui ne me paraît nullement exagéré ; car ainsi que je l’ai dit, je pourrais citer grand nombre d’arrondissements où il est impossible, avec un abonnement montant à 2,000 francs, de payer les employés qui sont indispensables.

Je répondrai un mot à M. de Naeyer. Cet honorable collègue ne voudrait pas voir adopter cette augmentation par l’allocation pure et simple d’un chiffre dans le budget ; il voudrait qu’une loi déterminât tous les traitements. N’est-il pas évident que c’est impossible ! Comment pourrions-nous nous entendre ? Ne serait-ce pas d’ailleurs enlever au gouvernement une de ses attributions essentielles ? Il faut nécessairement qu’il ait pleine liberté d’action à l’égard des commissaires d'arrondissement. Il faudrait, a dit de plus l’honorable membre, que la loi réglât les conditions d’admission et d’avancement. Mais quel sera alors le rôle du gouvernement à l’égard de ces fonctionnaires ? Si vous ne lui laissiez pas toute latitude, si la loi établissait de telles restrictions, le pouvoir exécutif perdrait une de ses attributions constitutionnelles, et ainsi s’évanouirait la responsabilité qu’il importe de laisser peser sur lui dans l’intérêt de la bonne gestion des intérêts de l’Etat.

L’honorable M. de Naeyer a dit que l’on proposait, en définitive, d’augmenter de 70,000 fr. la dépense pour les commissaires d'arrondissement ; mais on a déjà répondu que ces 70,000 francs sont compensés en grande partie par ce que payaient les communes et les provinces, et dont il n’est pas tenu compte dans le budget. Or tout cela va disparaître : les communes et les provinces n’auront plus rien à payer aux commissaires d'arrondissement. Il était étrange qu’elles eussent à rétribuer les commissaires de district, qui sont les agents du pouvoir exécutif, et qui sont chargés de surveiller l’administration des communes. Il y avait là une anomalie que nous serons heureux de voir cesser par l’adoption de la proposition du gouvernement.

L’honorable M. Eloy de Burdinne a parlé, en dernier lieu, de contenter les commissaires d'arrondissement en changeant leur dénomination. Je doute qu’une telle mesure change utilement leur position au fond. Quant à moi, je ne crois pas qu’on ait peur, en Belgique, de cette dénomination de commissaire d’arrondissement. On y est très-habitué ; on est surtout habitué à l’administration douce et paternelle de ces fonctionnaires ; je ne crois pas qu’ils vexent jamais leurs administrés. Il n’est pas à ma connaissance que ces fonctionnaires cherchent autre chose qu’à faire le bien des communes soumises à leur administration.

M. de Saegher – Je croyais ne pas prendre la parole dans cette discussion ; mais l’amendement présenté par l’honorable M. Desmet m’engage à faire quelques observations pour le combattre. Cet amendement tend, si je ne me trompe, à confondre la première et la deuxième classes des commissariats d’arrondissement ; mais alors l’honorable auteur de la proposition ne tient compte ni de l’importance du travail ni de la position respective des commissaires d'arrondissement ; de l’importance du travail : pour s’en convaincre, il suffit de jeter les yeux sur les tableaux relatifs aux commissaires d'arrondissement, qui nous ont été distribués.

L’arrondissement de Liége, qui sera probablement un des quatre commissariats de 1er classe a 135,000 habitants et 105 communes ;

L’arrondissement de Bruxelles, 200,008 habitants et 105 communes.

L’arrondissement de Gand, 180,000 habitants et plus de 80 communes.

Or, on vous l’a démontré hier, il est évident que le travail des commissaires d'arrondissement est surtout à raison du nombre des communes et du chiffre de la population. Ce sont surtout autant d’administrations que les commissaires d'arrondissement doivent surveiller.

Cependant on voudrait mettre les commissariats de cette importance sur le même rang que d’autres commissariats d’arrondissement où il y a 25 à 50 communes et où la population est bien moindre. Il me paraît, messieurs, que cela est inadmissible.

L’honorable M. Desmet, à l’appui de son amendement, a allégué qu’il avait rencontré dans certains commissariats de deuxième classe jusqu’à six employés. Je dis, messieurs, que si l’honorable M. Desmet a rencontré six employés dans un commissariats de deuxième classe, il en a rencontré deux ou trois au moins, qui n’avaient rien ou qui avaient très-peu de chose à faire ; car il est avéré que dans un commissariat de deuxième classe, le travail peut se faire avec deux employés.

Je dis, en outre, qu’on n’a pas assez tenu compte des localités que devaient habiter les commissaires d’arrondissement. Et, en effet, il est évident que les commissaires d’arrondissement résidant dans les villes de premier ordre sont astreints à des dépenses beaucoup plus fortes que les autres. Le loyer seul des maisons, ainsi qu’on vous l’a dit, doit faire une différence d’à peu près mille francs. Car il est impossible que, dans les ville de premier ordre, un commissaire d’arrondissement habite une maison de 1,800 à 2,000 francs de loyer. Il en est de même sous (page 709) d’autres rapports, et particulièrement en ce qui concerne la vie animale. Toutes ces circonstances vous sont suffisamment connues.

Il y a encore une distinction à faire pour les commissaires de district quant aux frais de représentation. Il est certain que ces frais sont plus considérables dans les grandes villes.

Dans la séance d’hier, quelques orateurs sont tombés dans des erreurs graves. C’est ainsi que l’honorable M. de Roo est venu soutenir que le commissaire de district de Gand, par exemple, si vous adoptiez la proposition du gouvernement, aurait 11,000 fr. d’appointements, c’est-à-dire à peu près autant qu’un gouverneur. C’est là une erreur évidente, qui peut être vérifiée au moyen du tableau annexé au rapport de la section centrale.

D’après ce tableau, le traitement fixe du commissaire d’arrondissement de Gand est de 3,591 fr. ; l’abonnement de 3,917 fr. et le dédommagement comme commissaire de milice de 1,323 francs. Par l’adoption de la nouvelle proposition, cette somme de 1,323 francs sera supprimée. Quant à l’abonnement, il doit être employé à payer les employés de bureau, et je sais d’une manière positive que les employés du commissariat de Gand reçoivent au-delà de 3,000 fr. De sorte qu’à lieu d’être de 11,000 fr., le traitement se réduit à 6 ou 7,000 fr. au plus, toutes indemnités comprises.

Je crois pouvoir borner là mes observations, e je voterai contre l’amendement de l’honorable M. Desmet.

M. de Man d’Attenrode – Messieurs, il ne me semble pas nécessaire d’appuyer davantage sur la proposition faite par le gouvernement, qui tend à majorer les traitements des commissaires d'arrondissement ; la grande majorité de la chambre paraît favorable à cette proposition.

L’honorable préopinant vient de nous dire que ces traitements devaient être réglés d’après l’importance du travail. Je suis tout à fait d’accord avec lui sur ce point. Mais ce qui constitue surtout le travail réel, c’est, selon moi, le nombre des communes. Ici, je diffère d’opinion avec lui, car le député de Gand a surtout insisté sur la population.

Quant à moi, je le répète, je suis convaincu que c’est surtout le nombre des administrations communales qui compliquent les travaux des commissaires d'arrondissement…

M. Vanden Eynde – Et des paroisses.

M. de Man d’Attenrode – L’honorable collègue qui m’interrompt a tout à fait raison, le gouvernement doit prendre aussi en considération le nombre des paroisses, il devra avoir égard au nombre des cantons de milice.

J’ai dit hier, messieurs, qu’il me semblait difficile de fixer, dans cette chambre, à quelle classe appartiendra chaque arrondissement. Cette discussion, en soulevant mille prétentions, serait interminable.

Mais je vous avouerai que, d’après ce que j’ai entendu dire dans cette discussion, et particulièrement par l’honorable M. de Muelenaere, concernant l’arrondissement de Louvain, je ne suis pas sans inquiétude sur la manière dont le gouvernement compte classer les divers arrondissements.

Tout en persévérant à croire que ce classement ne peut être réglé dans cette chambre, il me semble cependant que nous pourrions jeter quelques bases qui empêcheraient l’arbitraire du gouvernement et qui l’obligeraient à classer chaque ressort d’après son importance.

Le gouvernement ne vous propose que quatre traitements de première classe. Je prévois que dans cette classe seront compris les arrondissements de Gand et d’Anvers, qui n’ont cependant, le premier que 77 communes, et le deuxième, 55 communes. Or, l’arrondissement de Louvain à 107 communes et tout me fait craindre que, bien qu’il se soit toujours trouvé dans la première classe, il ne soit rangé dans la seconde. C’est ce qui me serait impossible d’accepter.

J’ai donc, messieurs, rédigé l’amendement suivant :

« Je propose de régler les classes auxquelles appartiendront les divers commissariats d’arrondissement ainsi qu’il suit :

« Ressorts administratifs de plus de 100 communes, 1er classe.

« Ressorts administratifs de plus de 75 communes, 2e classe.

« Ressorts administratifs de plus de 50 communes, 3e classe.

« Ressorts administratifs de moins de 50 communes, 4e classe. »

J’ai encore un mot à vous dire relativement à l’inquiétude que j’ai sur le classement des commissariats d’arrondissement. Ce que je prévois, c’est que les petits arrondissements de 18, de 20, de 25 communes, emporteront presque toute la somme que nous allons voter.

Quand les traitements des sous-préfets ont été réglés, on avait pris pour première base, la population et le nombre des communes par département. Mais que va-t-il se passer aujourd’hui ? C’est que la province de la Flandre occidentale, qui n’a que 233 communes et une population rurale de 475,745 habitants, recevra au-delà de 30,000 fr., tandis que le Brabant qui compte 425,052 habitants et 326 communes, n’obtiendra que 16,500 fr. C’est là un classement qu’il m’est impossible d’admettre. Je demanderai donc que les bases que je propose soient adoptées…

M. de Brouckere – Il en résulterait que le commissariat de Dinant serait dans la première classe.

M. de Man d’Attenrode – Pourquoi pas ?

M. Eloy de Burdinne – Messieurs, je n’ai qu’un mot à dire en réponse à l’observation de l’honorable M. d’Huart.

En faisant remarquer que le nom de sous-gouverneur serait en quelque sorte un peu plus respectable aux yeux du vulgaire, je n’ai pas entendu jeter le moindre soupçon sur la conduite des commissaires de district ; je suis persuadé que, comme vous l’a dit l’honorable M. ; d’Huart ; leur conduite est à l’abri de tout reproche. Mais il n’est personne de nous qui ne se rappelle combien le nom de commissaire de district est peu populaire en Belgique.

Ceux surtout des membres de cette chambre qui sont de mon âge, doivent se rappeler que lors de l’invasion française en 1794, la Belgique a été inondée de ces commissaires, et que ceux-là étaient loin d’avoir une conduite paternelle. C’étaient des spoliateurs, des proconsuls qui vexaient non seulement la Belgique, mais la France elle-même. Le peuple a ce nom en quelque sorte en aversion, et comme le nom dont il s’agit en ce moment est le même que celui de ces commissaires anti-paternels, je voudrais faire changer cette dénomination.

M. Desmet – J’ai demandé la parole pour répondre quelques mots aux objections que quelques membres ont faites à mon amendement, de supprimer la première classe, et je commencerai par répondre à mon honorable collègue de la section centrale, M. Maertens. L’objection qu’il a présentée est celle du loyer des habitations, dans les villes où se trouvent les commissaires qui figureront dans la première classe ; mais je dois faire remarquer à l’honorable collègue que, dans quelques chefs-lieux de province, les commissaires de district ont leurs bureaux dans l’hôtel même du gouverneur, et s’il est vrai parfois que les loyers soient plus élevés dans les chefs-lieux de province, il est aussi très exact de dire que, dans ces villes, les frais de représentation d’administration incombent tout particulièrement aux gouverneurs, et que là les commissaires de district ne sont pas toujours obligés d’avoir des maisons grandement montées et à grand loyer.

L’honorable M. d’Huart a fait une autre objection à mon amendement, en disant qu’il fallait adopter le projet du gouvernement pour tâcher de conserver aux titulaires le montant des traitements dont ils jouissent actuellement ; mais je ferai observer à l’honorable M. d’Huart que c’est avec mon amendement seul que l’on pourra obtenir ce résultat. Et en suivant le projet du gouvernement, il sera difficile, je pense, de maintenir ce qu’il désire conserver. Je prévois même que le ministre sera fort embarrassé pour faire son choix des commissariats auxquels il accorderait la faveur d’être placés dans la première classe. Voici quelques exemples qui démontreront, comme je viens de le dire, que le ministre aura beaucoup d’embarras pour faire un choix qui sera à l’abri de toute critique. Je suppose que les commissaires privilégiés seront ceux de Bruxelles, Gand, Anvers et Liége ; il n’y a que le titulaire de Gand qui a en totalité plus de 6,000 fr. ; celui de Bruxelles, environ 5,200 fr., celui d’Anvers 4,450 et celui de Liége, quelque chose de plus que 4,300 fr. ; tandis que les commissaires du district de Louvain, d’Alost, etc. ont des traitements qui dépassent les 5,000 fr.

L’honorable M. de Saegher s’est aussi opposé à mon amendement ; il a objecté que s’il était adopté on ferait une injustice criante, en ne récompensant pas le travail, et que les commissaires qui dans leur district ont un plus grand nombre de communes n’auraient pas un traitement plus élevé que ceux dont le district serait composé d’un nombre moindre de communes. Mais l’honorable membre ne prend pas attention que dans ces districts les frais de bureaux sont plus élevés. C’est ainsi que les frais de bureau du commissariat de Bruxelles sont de 3,809 francs, de Gand 3,917 francs, de Liége 4,021 francs, d’Anvers 7,705 francs ; tandis que, pour un grand nombre de commissariats, le montant des frais de bureau ne dépassent pas 1,800 fr. Le surcroît de travail dont parle l’honorable M. de Saegher est donc largement payé.

Je ne pourrais pas apprécier l’amendement de l’honorable M. de Man. Ce n’est pas le nombre de communes qui composent le district, qu’on peut prendre pour base des catégories ; ce n’est pas le nombre des communes qui augmente le travail, mais bien la population, la grandeur du territoire, la multiplicité des objets à administrer, etc., etc. Nous avons dans le district d’Audenaerde une masse de communes qui n’ont qu’une population de 200 habitants, tandis que dans d’autres districts il y a des commues qui ont 12,000, 14,000 et 16,000 habitants, comme dans le pays de Waes, et ce sont celles-là qui donnent le plus de besogne. Un grand territoire occasionne certainement un surcroît de besogne, mais la population augmente aussi le travail…

M. de Man d’Attenrode – Très-peu.

M. Desmet – Je ne puis appuyer l’amendement de l’honorable membre par un autre motif que j’ai déjà fait valoir tout à l’heure, à savoir que nous ne pouvons pas fixer par une loi les traitements des commissaires d'arrondissement, du moins tant qu’on n’aura pas procédé à une nouvelle circonscription des districts. Quand nous obtiendrons une nouvelle circonscription administrative, alors la loi pourra ainsi fixer les diverses catégories de traitements ; mais nous risquons de faire un travail qui devra bientôt changer.

M. de Muelenaere – Messieurs, je ne pense pas que l’amendement de l’honorable député de Louvain soit un amendement bien sérieux ; je ne pense pas non plus qu’il ait quelque chance de succès ; car je suis persuadé que si on avait le temps d’en faire l’application à quelques arrondissements du royaume, on en aurait vu sortir les plus choquantes anomalies.

En effet, l’honorable député de Louvain ne prend pour base de la fixation des traitements qu’un seul élément : celui du nombre des communes. Je conviens avec lui que le nombre des communes peut entrer jusqu’à un certain point dans l’appréciation des motifs qui doivent faire fixer les traitements des commissaires d'arrondissement ; mais ce n’est pas le seul élément d’appréciation, ce n’est pas même l’élément principal.

Il faudrait être étranger à toute idée d’administration, pour ne pas être convaincu qu’une commune de 40 habitants, par exemple, comme il y en a dans la Flandre occidentale, donne lieu à moins d’écritures qu’une commune rurale de la même province de 9,000 à 10,000 habitants. Evidemment, il y a une différence à faire entre le travail que l’administration de chacune des communes impose au commissaire d’arrondissement.

Une autre considération, c’est l’importance des communes elles-mêmes. Une commune où il y a un commerce assez actif ; où il y a des fabriques, est d’une toute autre importance qu’une commune purement agricole, et donne infiniment plus de travail au commissaire d’arrondissement. Dès lors il est une foule de considérations qui doivent être appréciées par le gouvernement ; (page 710) et c’est d’après l’ensemble de ces considérations que le gouvernement doit procéder à la fixation des traitements.

M. le président – Voici un sous-amendement présenté par M. de Naeyer, à l’amendement proposé par M. Eloy de Burdinne.

« J’ai l’honneur de faire sous-amender la proposition de M. Eloy de Burdinne, en ce sens qu’on ne fera subir aucune réduction aux traitements des titulaires actuels. »

M. de Naeyer – Messieurs, je crois que mon sous-amendement est à peu près justifié par les observations présentées par les honorables membres qui ont combattu la proposition de M. Eloy de Burdinne. En effet, la seule objection un peu sérieuse qu’on ait faite contre cette proposition, c’est qu’il y aurait une réduction de traitement pour certains commissaires d'arrondissement. Il est facile d’obvier à cet inconvénient, en ne faisant pas subir de réductions aux titulaires actuels.

La réduction ne porterait dès lors que sur ceux qui seraient nommés à l’avenir.

Aucune objection sérieuse n’a été présentée, pour démontrer que les traitements, tels que l’honorable M. Eloy de Burdinne propose de les fixer, seraient insuffisants. D’après cette proposition, le traitement net est de 5,000 francs pour les commissaires d'arrondissement de première classe ; il me semble que c’est là un chiffre très-raisonnable, eu égard surtout à cette considération, que ces fonctions de commissaires sont fort recherchées, même par une foule de personnes qui ont de la fortune et qui les considèrent comme un moyen d’arriver à la représentation nationale.

Je trouve qu’en donnant aux commissaires de district de première classe un traitement de 5,000 francs, on traite fort bien ces fonctionnaires relativement aux procureurs du Roi, et que certes, ils n’ont pas à se plaindre. Car, je vous ai démontré tout à l’heure qu’on ne peut nullement assimiler, sous le rapport des traitements, les commissaires d'arrondissement aux procureurs au Roi.

Ces considérations me semblent justifier complètement le sous-amendement que j’ai l’honneur de présenter.

- Ce sous-amendement est appuyé ; il fera partie de la discussion.

M. de La Coste – Messieurs, je ne me dissimule pas que les observations faites par l’honorable M. de Muelenaere contre la proposition de l’honorable M. de Man ne sont pas sans quelque fondement. Le nombre des communes doit certainement être pris en considération, mais il y a encore d’autres éléments auxquels on doit avoir égard.

On a dit que la classification du gouvernement et de la section centrale n’avait donné lieu à aucune objection. Pour ma part je n’en connais pas les bases, et, par conséquent, je ne puis me prononcer sur cette classification.

Il me semble cependant que le gouvernement attache trop d’importance, sous ce rapport, au rang des grandes villes qui se trouvent dans quatre provinces. Il faut remarquer que les commissaires d'arrondissement n’ont pas de juridiction administrative sur ces villes ; qu’ils n’ont les villes dans leur ressort qu’en qualité de commissaire de milice.

Mais, messieurs, une autre objection conte la classification proposée me parait encore beaucoup plus forte.

Cette objection d’applique aussi au système d’économie de MM. Eloy de Burdinne et de Naeyer, économies qui porteraient surtout sur les traitements les plus élevés. Eh bien, messieurs, même en les portant au plus haut, les arrondissements dont les commissaires toucheront ces traitements sont encore les plus économiquement administrés.

L’arrondissement de Bruxelles, par exemple, sera administré pour 6 mille francs, tandis que la province de Luxembourg, qui est moins considérable que l’arrondissement de Bruxelles, coûte déjà pour le personnel des commissaires de district, 11 mille francs, et en coûterait 20 mille, suivant la nouvelle classification. C’est là une disparate bien remarquable que la proposition ministérielle tend à consacrer à accroître. Il me semble qu’il y aurait lieu plutôt d’améliorer le sort des commissaires de district des Flandres et du Luxembourg par des réductions successives de personnel.

Je sais, messieurs, combien il est difficile de changer un ordre de choses existant ; mais je ne puis pas considérer que nous ferons quelque chose de définitif, aussi longtemps qu’il restera une telle disproportion entre les frais d’administration des provinces, entre le Brabant et les Flandres, entre la province d’Anvers et le Limbourg et le Luxembourg. Si c’est une chose utile que les provinces soient ainsi morcelées, cet avantage doit appartenir aussi aux autres provinces. Il ne faut pas que l’Etat fasse les frais de cet avantage pour quelques provinces et non pour les autres. Ces dernières, je le veux croire, ne demandent point un changement, qui en amènerait un dans le personnel actuel de leurs commissaires de district ; mais si les places étaient vacantes, et qu’on voulût réduire les traitements comme le proposent nos honorables collègues, le morcellement pourrait être réclamé : Tirlemont, Diest, Vilvorde seraient aussi disposées à être chefs-lieux d’arrondissement que Roulers, Virton et Bastogne.

Ici se joint une considération politique qui n’est pas sans importance. Les provinces qui sont ainsi subdivisées offrent dans les places de commissaires d’arrondissement une carrière ouverte à la jeunesse de ces provinces ; c’est une pépinière d’hommes d’Etat, avantage qui est refusé au Brabant, à la province d’Anvers où les arrondissements ne sont pas subdivisés.

Un temps viendra peut-être où ces provinces voudront avoir part à cet avantage et je fais éventuellement mes réserves à cet égard ; je pense que dans cet avantage il aurait pour elle un droit rigoureux incontestable à être traitées de même que les provinces qui ont aux frais de l’Etat une administration bien plus dispendieuse.

J’éprouve, je l’avoue, quelque embarras à me prononcer entre les différents systèmes proposés. La marche que nous suivons ne me paraît pas sans inconvénient. Insérer une semblable disposition dans une loi de budget, c’est forcer la main, aux autres franchises du pouvoir législatif ; si la classification proposée, dont on ignore même les bases, ne convenait pas au sénat, il n’y aurait pas d’autre moyen que de faire un amendement au budget. L’affaire, en tout, ne me semble pas assez mûrie, et il eût été préférable, selon moi, d’en faire l’objet d’une disposition séparée. Il n’aurait pas fallu dire pour cela : tels et tels auront tant de francs, mais seulement poser les bases et indiquer une somme totale.

M. de Saegher – J’ai demandé la parole pour combattre en peu de mots l’amendement de l’honorable M. de Man. L’honorable M. de Muelenaere vous a déjà parlé d’anomalies qui résulteraient probablement de cette proposition ; or, voici quel en serait le résultat :

La première classe comprendrait les arrondissements de Louvain, Nivelles, Namur et Dinant.

La deuxième classe comprendrait ceux de Gand, Alost, Tournay, Tongres, Huy, Thuin, Waremme, Philippeville.

La troisième classe ceux de Mons, Anvers, Hasselt.

Et la quatrième classe ceux de Bruges, Courtray, Verviers, Malines.

Il me paraît que cette seule observation doit suffire pour faire tomber l’amendement.

M. de Brouckere – Messieurs, j’ai vu avec plaisir qu’en général la proposition que nous discutons a reçu un bon accueil. Il est vrai qu’elle a été l’objet de quelques observations, de quelques objections ; mais ces observations, ces objections me semblent avoir été victorieusement réfutées. Quant aux amendements, on a déjà fait justice de celui de l’honorable M. de Man.

Quand j’ai demandé la parole, je voulais faire un rapprochement comme celui que vous a présenté M. de Saegher, rapprochement qui suffit pour que l’amendement ne puisse plus avoir aucune chance de succès. Je ne pense pas que l’amendement de M. ; de Naeyer puisse non plus être accueilli par la chambre ; car voici comment le gouvernement pourrait tourner la difficulté :

L’honorable M. Eloy de Burdinne laisse subsister les quatre catégories et diminue le chiffre des appointements à allouer aux commissaires d’arrondissement des différentes catégories.

On lui représente que son amendement ne peut pas être appliqué, parce que plusieurs commissaires d’arrondissement seraient moins bien traités qu’aujourd’hui. Eh bien, dit M. de Naeyer, nous allons obvier à cet inconvénient, il sera dit qu’on ne diminuera les appointements de personne. Le gouvernement pourra tourner la difficulté. On classera dans la quatrième classe les mieux traités, et on placera les moins bien traités dans les autres classes. Tout le monde sera bien payé, mais on aura une classification absurde.

J’arrive à cette conclusion qu’il est impossible que la chambre fasse le classement. La chambre ne peut faire autre chose qu’allouer les fonds et laisser au gouvernement le soin de faire le classement.

L’honorable M. de La Coste vient de présenter une objection qui ne me paraît pas sérieuse. Il vous a dit qu’il est bien difficile de voter, dans le budget, l’augmentation que demande le gouvernement, parce que, dit-il, nous allons forcer la main aux autres branches du pouvoir législatif, au sénat, qui ne pourra pas refuser son adhésion à notre vote, sans introduire un amendement dans le budget.

D’abord, je ne vois pas d’inconvénient à ce que le sénat introduise un amendement au budget. Le vote du budget de l’intérieur serait retardé de quelques jours. Cet inconvénient n’a rien de grave. Le raisonnement de cet honorable membre peut s’appliquer à toutes les augmentations proposées au budget…

M. de La Coste – C’est une organisation nouvelle.

M. de Brouckere – Ce n’est pas du tout une organisation nouvelle. Je reprends mon raisonnement qui a été interrompu et je dis que l’objection peut s’appliquer à toutes les augmentations demandées à quelques articles que ce soit du budget ; car on pourra toujours dire avec l’honorable membre : Si vous faites un changement comparativement au budget antérieur, vous forcez la main au sénat qui devra l’adopter ou introduire un amendement au budget. Ce raisonnement ne prouve rien.

Rien n’empêche le sénat d’introduire un amendement au budget ; il en a le droit. Mais, a dit l’honorable membre en m’interrompant, c’est une organisation nouvelle. Je ne vois pas cela. Les commissaires d'arrondissement existent ; il continueront à exister ; ils sont divisés en catégorie par les appointements ; on régularisera ce qu’il y a d’irrégulier dans cette division, pour le payement de ces fonctionnaires. Il vous dit qu’il établira le classement, il vous dit à peu près quel sera ce classement, c’est n’est pas là une classification nouvelle, c’est la régularisation d’une chose irrégulière.

La discussion me parait arrivée à son terme, car on a dit, ce me semble, pour ou contre, tout ce qu’on pouvait dire sur cette question.

M. de Theux – J’ai pensé, quand il s’est agi de la révision des traitements des membres de l’ordre judiciaire, qu’il y aurait lieu de s’occuper des traitements des commissaires d'arrondissement. La proposition faite à cet égard me paraît bien accueillie par la chambre. Cependant des amendements ont été proposés. Je ne dis pas que les objections sérieuses n’aient pas été présentées relativement à la classification indiquée au budget, mais je ne vois plus d’inconvénients encore dans les amendements présentés à la chambre. Pour ma part, je pense qu’en votant le chiffre demandé, nous ne devons pas considérer le gouvernement comme lié et forcé d’adopter la classification indiquée aux développements du budget (page 711) Je crois que le ministre de l’intérieur doit tenir compte des observations qui ont été produites dans la discussion et de celles qui seront présentées au sénat et qu’il devra s’éclairer encore d’autres renseignements, de manière à rendre son ouvrage aussi parfait que possible. J’insiste sur cette expression parce que si le règlement que le gouvernement arrêtera présentait des vices notables, il y aurait de graves inconvénients à devoir réduire des traitements pour en augmenter d’autres. La conséquence probable serait qu’on demanderait un supplément d’allocation pour réparer les erreurs que le gouvernement aurait commises. J’engage donc le ministre de l’intérieur à ne pas procéder légèrement quant à la classification, à ne pas prendre, comme positive l’indication insérée au budget, mais à s’entourer de nouveaux renseignements et de nouvelles lumières.

Un honorable membre a dit qu’il fallait tenir compte de cette circonstance, que la nomination à la place de commissaire de district était une facilité pour devenir membre de cette chambre. Cette observation, je ne puis la regarder comme sérieuse ; je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s’il n’entend pas maintenir les précédents que le gouvernement lui-même a posés ? Je suppose qu’il n’est pas dans son intention d’en dévier.

Il a toujours été reconnu qu’il pouvait y avoir dans la chambre un certain nombre de commissaires d’arrondissement. D’autre part, on regarderait comme un très-grave inconvénient que la nomination à ces emplois fût pour ces fonctionnaires un moyen d’arriver à la représentation nationale ; car alors il pourrait y avoir abus. Le gouvernement a cherché sous ce rapport, un terme moyen. Je suppose que l’intention de M. le ministre de l'intérieur est de maintenir les précédents qui ont été posés.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’honorable préopinant pense que le gouvernement ne doit pas se regarder comme lié par l’indication des quatre bases que vous trouvez dans le rapport de la section centrale. Si les mêmes expressions restent insérées dans le texte de la loi, le gouvernement est lié ; or elles y seront ; c’est la proposition de la section centrale. Dès lors, le gouvernement doit régler le traitement des commissaires d’arrondissement, en se renfermant dans les limites indiquées par la loi du budget.

Si l’honorable préopinant est d’un avis contraire, il devrait demander la suppression des trois dernières lignes de l’article proposé par la section centrale (page 41, texte du projet de loi).

L’adoption d’une disposition de cette nature n’est pas sans exemple. On a souvent inséré ainsi des limites ou des bases dans le budget.

Voici ma réponse à ma première observation.

Quant à la deuxième, le gouvernement a maintenu le principe qui avait été posé relativement aux commissaires d’arrondissement. Je dirai même qu’il a été plus rigoureux ; car le nombre des commissaires d’arrondissement, membres de la chambre, a diminué. En 1837, il y en avait sept ; maintenant il n’y en a plus que quatre.

M. d’Hoffschmidt – Je crois inutile d’insister sur la nécessité d’une augmentation des traitements des commissaires d'arrondissement. Cette tâche a été suffisamment remplie par les orateurs qui m’ont précédé. Je veux seulement présenter quelques considérations sur l’application de ce principe.

Je crois que nous devons abandonner au gouvernement le soin de faire la répartition des commissaires entre les quatre classes indiquées dans le tableau du budget.

Cet objet est plutôt dans les attributions du gouvernement que dans celles du pouvoir législatif. Cette répartition dépend d’un grand nombre d’éléments divers, qui sont bien plutôt à la disposition du gouvernement qu’à la nôtre. Une classification, basée sur le nombre des communes, non-seulement serait insuffisante et vicieuse, ainsi qu’on l’a démontré, mais ne pourrait être adoptée sans les plus graves inconvénients.

Si l’on prenait uniquement le nombre des communes pour base, comme le propose l’honorable M. de Man, il faudrait aussi avoir égard aux sections. Il y a en effet, des communes qui ont jusqu’à 8 ou 10 sections ; chaque section a presque toujours un compte particulier. De sorte qu’une commune qui a dix sections donne autant de besogne que trois ou quatre communes composées d’une seule section.

Il y a d’autres éléments que le gouvernement prendra, j’espère, pour base dans sa classification. Il y a des communes qui ont des biens communaux, et des bois communaux, qui sont soumis à des droits d’affouage : ce qui constitue des sources de travail pour les commissaires d'arrondissement. Ainsi, il est évident que, pour les communes qui ont des bois communaux, des propriétés communales, le travail pour les commissaires d'arrondissement est infiniment plus considérable que pour les communes qui n’en ont pas.

Voilà une base d’appréciation que je recommande au gouvernement.

L’honorable M. de La Coste a parlé de la nécessité de supprimer certains commissaires d'arrondissement. Je crois que cette suppression, dans plusieurs de nos provinces, entraînerait beaucoup d’inconvénients.

D’abord la circonscription actuelle se lie intimement avec les dispositions de la loi électorale : on ne peut donc y toucher sans porter atteinte en même temps à la loi électorale.

Je crois que l’étendue de certains arrondissements s’opposerait aussi à une semblable mesure : ainsi, dans la province à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir, il y a des arrondissements qui ont dix lieues d’étendue : si l’on y réunit un des arrondissements voisins, il est évident que les distances seraient trop considérables pour les administrés.

Je crois, contrairement à ce qu’on a dit, que la proposition du gouvernement est tout à fait mûre, et qu’on doit saisir cette occasion d’améliorer la position de fonctionnaires évidemment trop mal rétribués.

La proposition du gouvernement n’entraîne pas d’ailleurs une dépense considérable au budget, puisqu’il ne s’agit que d’une augmentation de 58,000 fr. et de 10,000 fr. pour frais d’abonnement…

Plusieurs voix – 70,000 francs !

M. d’Hoffschmidt – Oui, mais ainsi qu’on l’a fait observer, il y a une diminution de dépense pour les provinces et pour les communes ; et cela doit venir en réalité, en déduction de la somme demandée au budget de l’intérieur.

M. Osy – Je partage l’opinion de mes honorables collègues, qu’il faut améliorer la position des commissaires d’arrondissement. Mais la section centrale propose d’allouer à ce titre 68,000 fr. tandis que le gouvernement n’avait demandé que 35 mille francs. Le gouvernement n’a pas dit sur quoi il basait cette demande.

Je crois qu’avec une meilleure répartition, le chiffre du gouvernement pourrait suffire. Je ne voterai pas le chiffre le plus élevé. Je demande sur quoi se base cette demande.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ma réponse sera extrêmement simple : c’est que, dans le premier système, on maintenait certaines indemnités ; aujourd’hui, on ne les maintient pas, on adopte un système beaucoup plus net :

Les commissaires d'arrondissement auront : 1° un traitement fixe ; 2° une somme pour abonnement. Moyennant cet abonnement, ils se chargent à forfait des frais d’écriture, de bureau, de commis.

Si vous conservez l’ancien système, d’après lequel les commissaires d'arrondissement avaient un planton à la charge des communes ou des provinces, un supplément de traitement sous le nom d’indemnités de milice, et d’autres indemnités à divers titres, supportées par les provinces ou les communes notamment pour les chemins vicinaux, il ne faudra pas accorder une augmentation aussi forte ; mais vous aurez un système bizarre.

On a voulu un système plus simple…

Un membre – C’est l’Etat qui payera.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Sans doute ; mais les provinces et les communes cesseront de payer les indemnités pour plantons et à d’autres titres. J’ai reçu l’annonce que les provinces et les communes, sachant que ces dépenses ne sont pas obligatoires, ne payeraient plus ces indemnités à l’avenir. Je suis surpris qu’elles n’aient pas pris ce parti plus tôt.

M. de Naeyer – L’honorable M. de Brouckere pense que mon sous-amendement est inadmissible, parce qu’il sera toujours possible au gouvernement de l’éluder, en ce sens que les commissaires d'arrondissement jouissant des traitements les plus élevés seront placés dans la quatrième classe et continueront de jouir du même traitement, et en ce que la faculté laissée au gouvernement d’accorder, à quatre commissaires d’arrondissement, le traitement plus élevé en faveur des commissaires d'arrondissement qui ne jouissent pas d’un traitement tellement élevé qu’il y ait lieu à réduction.

Ce serait supposer que le gouvernement ne tient aucun compte des votes de la chambre ; car ce que nous voulons, ce n’est pas accorder au gouvernement la faculté de dépenser indirectement plus que nous n’entendons lui allouer.

Je crois que dans tous les cas le gouvernement fera la répartition d’après les bases qu’il jugera le plus équitables, sans vouloir éluder le vote de la chambre. La classification se fera après l’adoption de mon amendement, comme sans cet amendement. Le gouvernement prendra la base la plus équitable : l’importation de la population et des communes ; mais, je le répète, il ne s’appliquera pas, pour éluder le vote de la chambre, à faire en sorte que ceux qui devaient être de la deuxième classe soient placés dans la quatrième pour conserver leurs traitements.

M. de Theux – Je veux faire observer que le gouvernement conservera assez de liberté d’action, même avec le libellé de la section centrale. Ce libellé est ainsi conçu : « Il pourra y avoir quatre commissaires d’arrondissement à 6,000 fr., 10 à 5,250 fr., 12 à 4, 650 fr, 13 à 4,200 fr. » Le gouvernement n’est pas tenu ; il pourra y avoir ; seulement le gouvernement ne pourra excéder les proportions indiquées.

C’est tout ce que je demande. Je désire seulement que M. le ministre de l'intérieur examine attentivement toutes les observations qui ont été faites dans la discussion, qu’il s’entoure de tous les renseignements, de manière que la répartition de la somme soit telle qu’il n’y ait pas lieu à de nouvelles réclamations et à de nouvelles demandes de fonds.

M. d’Huart – Messieurs, contrairement à ce que vient de dire l’honorable préopinant, je crois que le gouvernement sera lié par le libellé que propose la section centrale ; et, quant à moi, je désire qu’il soit lié c’est-à-dire qu’il ne puisse pas nommer plus de quatre commissaires d'arrondissement à 6,000 fr., plus de 10 à 2,250 fr., plus de 12 à 4,650 fr et plus de 13 à 4,200 fr.

M. de Theux – Nous sommes d’accord.

M. d’Huart – Car, messieurs, j’aime de savoir ce que je vote, et de cette manière, je le sais positivement. Je considère donc, quant à moi, le gouvernement comme lié dans les limites posées par la section centrale ; et je crois préférable qu’il en soit ainsi ; car s’il était loisible au gouvernement de fixer les traitements sans s’astreindre à ces limites, il tomberait inévitablement dans un dédale inextricable de réclamations de toute espèce.

L’honorable M. de Naeyer vous a dit, en défendant son amendement, que sans doute le gouvernement n’éluderait pas les intentions de la chambre. Je suis à cet égard tout à fait de son avis. Je crois que si l’amendement de l’honorable M. de Naeyer était adopté, le gouvernement l’exécuterait dans le sens que lui a donné son honorable auteur, et tel qu’il a été compris par la chambre. Mais là n’est pas la question.

(page 712) La question est de savoir si un traitement allant de 4,200 à 6,000 fr. est trop élevé pour un commissaire d’arrondissement. Or, tout ce qui vous a été dit tend à prouver que ce traitement n’est pas trop élevé et qu’il y a lieu de mettre, quant aux appointements, le commissaire d’arrondissement sur la même ligne que les procureurs du Roi.

Je dois, messieurs, un mot de réponse à l’honorable comte de Muelenaere qui a semblé faire bon marché de cette considération présentée par plusieurs honorables membres, que le nombre des communes devait être pris en considération essentielle dans la supputation des traitements des commissaires d'arrondissement. L’honorable membre paraît croire qu’il faut principalement tenir compte de la population. Je regrette, messieurs, de ne pouvoir être de son avis. Je crois, quant à moi, que le nombre des communes doit être pris en très-sérieuse considération.

Cependant, je ferai remarquer à l’honorable M. de Muelenaere que souvent une commune populeuse est beaucoup plus facile à administrer qu’une très-petite commune. La raison en est simple : c’est que, dans une commune populeuse, vous avez des hommes capables, une administration bien composée, un bon secrétaire qui traite les affaires convenablement ; tandis que, dans les petites communes, vous n’avez pas toujours des administrations bien composées, qu’il est très-difficile d’avoir un secrétaire communal convenable. Il en résulte, messieurs, que les commissaires d'arrondissement doivent quelquefois renvoyer quatre et cinq fois la même affaire à ces petites communes, qu’ils doivent même formuler les pièces dans leurs propres bureaux.

Je crois donc, messieurs, qu’une commune populeuse ne doit souvent pas donner autant de besogne qu’une petite commune. Je prie aussi mon honorable collègue de ne pas perdre de vue cette considération que les villes qui ont plus de 5,000 âmes de population, et elles forment le très-grand nombre, pas plus que le chef-lieu de l’arrondissement, ne tombent sous la juridiction des commissaires de district.

Je dis donc, messieurs, que le nombre des communes est un des éléments qui doit être pris en très-sérieuse considération dans la fixation des traitements. Mais ayant reconnu qu’il fallait aussi avoir égard au nombre des affaires, aux distances et à la population, j’engagerai l’honorable M. de Man à retirer son amendement qui me paraît trop exclusif, en ce qu’il forcerait le gouvernement à n’avoir égard qu’au nombre des communes.

M. de Man d’Attenrode – Je retire mon amendement.

M. Maertens – Messieurs, j’ai demandé la parole pour déclarer que l’intention de la section centrale est entièrement conforme à l’opinion que vient d’émettre l’honorable M. d’Huart ; c’est-à-dire que la section centrale admet que M. le ministre de l'intérieur pourra nommer quatre commissaires d’arrondissement au traitement de 6,000 fr. ; 10 à 5,250 fr. ; 12 à 4,650 fr. ; 13 à 4,200 fr. ; mais qu’il ne pourra pas dépasser ces nombres. Il pourra rester en deçà ; c’est-à-dire que si par la nouvelle combinaison qu’il adoptera, par l’examen de toutes les circonstances qui doivent être prises en considération, M. le ministre trouve que le nombre des commissaires de première, de deuxième ou de troisième classe ne doive pas être aussi élevé que celui que nous proposons, il sera libre de ne pas aller jusqu’à ce nombre.

La section centrale, messieurs, en fixant une limite en deçà de laquelle le gouvernement ne pourrait pas aller, a voulu débarrasser M. le ministre de cette masse de sollicitations qui ne manqueraient pas de s’élever, si vous ne posiez aucune base.

M. de Muelenaere – Messieurs, je n’ai que peu de mots à dire.

Les observations que j’ai eu l’honneur de faire se rapportaient à l’amendement présenté par l’honorable député de Louvain, et dans cet amendement, l’honorable membre proposait de fixer les traitements des commissaires d'arrondissement d’après une seule base : le nombre des communes de l’arrondissement.

Je suis parfaitement d’accord avec l’honorable M. d’Huart, que le nombre des communes est un des éléments qui doit être pris en considération par le gouvernement pour la fixation des traitements, mais je crois que ce n’est pas le seul élément, et selon moi, ce n’est pas l’élément principal….

M. d’Huart – A mon avis, c’est le principal.

M. de Muelenaere – On vous a dit qu’en général les petites communes donnaient, sous le rapport de l’administration, autant de travail et même plus de travail que les grandes communes. Je ne puis partager cet avis. Cela peut dépendre des provinces et des localités ; mais il est de fait que chez nous il n’en est pas ainsi.

J’ai eu l’honneur de vous dire que dans la Flandre occidentale il est des communes qui n’ont que 40 habitants : ce sont des communes, messieurs, avec lesquelles le commissaire de district n’a aucun espèce de rapport. Il y a, au contraire, des communes de 8, 9 à 10,000 âmes. Eh bien, dans ces communes, il y a un bureau de bienfaisance, il y a des hospices ; quelques-unes même ont un octroi ; il y a des usines, des fabriques de toute espèce. Vous sentez que ces communes doivent donner plus de travail aux commissaires d’arrondissement qu’une simple commune rurale, où il ne se fait qu’un simple budget par an, et un petit rôle d’abonnement qui s’élève à 2 ou 300 francs.

M. Smits – Je partage en tous points l’opinion de l’honorable M. d’Huart. Je crois, comme lui, que le nombre des communes doit être pris pour base principale d’appréciation dans le classement des commissaires d’arrondissement. Mais par communes, je n’entends pas seulement les localités qu’il est convenu de nommer ainsi, mais aussi les sections qui dépendent de ces communes. Dans le Luxembourg, par exemple, je crois aussi dans une partie de la province de Namur, une commune se compose quelquefois de 6, 8 et même 10 sections de villages. Ces sections ont toutes leur budget spécial et contribuent néanmoins pour une quote-part dans les frais d’administration générale de la commune principale ; elles sont aussi représentées dans le conseil ; mais ces sections conservent la direction exclusive de leurs biens propres, de leurs bureaux de bienfaisance, de la fabrique d’église, etc. ; de manière, messieurs, que la besogne des commissaires d'arrondissement dans le Luxembourg s’en trouve considérablement augmentée. Sous ce rapport, les commissaires d'arrondissement de cette province ont peut-être plus d’écriture de détail que les autres commissaires du royaume ; car je crois, comme M. d’Huart et cela pour les mêmes motifs que ceux qu’il a développés, qu’une commune ou section de commune de 200 âmes donne autant de travail qu’une commune de 3 ou 4 mille âmes.

- La discussion est close.

M. Eloy de Burdinne – Je me rallie au sous-amendement de M. de Naeyer.

M. le président – Je mets aux voix les chiffres du gouvernement, comme étant les plus élevés ; les voici :

« Il pourra y avoir quatre commissaires d’arrondissement à 6,000 fr. 10 à 5,250 fr. ; 12 à 4,650 fr. ; 13 à 4,200 fr. »

- Ces chiffres sont mis aux voix et adoptés.

M. le président – Voici la rédaction de l’article 11 dans son ensemble :

« Art. 11. 1° Somme destinée à l’augmentation, à partir du 1er juillet 1845, des traitements des 39 commissaires d’arrondissement, en tenant compte de l’indemnité annuelle dite de milice, d’après les bases indiquées ci-après, avec suppression de tous avantages autres que les frais de bureau, de commis et de tournée. Il pourra y avoir quatre commissaires d’arrondissement à 6,000 francs. ; 10 à 5,250 ; 12 à 4,650 ; 13 à 4,200 : fr. 29,358.

2° Somme destinée à l’augmentation des frais de commis et de bureau dans les commissariats d’arrondissements, où l’insuffisance de ces émoluments a été constatée : fr. 10,000. »

- L’ensemble de l’article est adopté.

Article 12

« Art. 12. Indemnité des membres des conseils de milice (qu’ils résident ou non au lieu où siège le conseil) et des secrétaires de ces conseils. Frais d’impression et de voyage pour la levée de la milice et l’inspection des miliciens trimestriels. Vacations des officiers de santé en matière de milice. Primes pour arrestation de réfractaires : fr. 58,340 »

- Adopté.

Chapitre V. Voirie vicinale

Article premier

« Art. 1er. Encouragement divers pour l’amélioration de la voirie vicinale : fr. 100,000. »

M. le président – La section centrale propose de porter le chiffre à 200,000 fr. ; le gouvernement se rallie à cette proposition.

M. Eloy de Burdinne a proposé un amendement tendant à porter ce chiffre à 500,000 fr.

La parole lui est accordée pour développer son amendement.

M. Eloy de Burdinne – J’ai l’honneur de proposer de porter au chapitre V : « Encouragements divers » une somme de 500,000 fr., au lieu de la somme de 100,000 fr. proposée par le gouvernement, et qui est portée à 200,000 fr. par la section centrale.

J’appuie ma proposition sur la nécessité d’améliorer la voirie vicinale en faisant remarquer que parmi des encouragements distribués aux communes, on les engage à faire de leur côté de grands efforts.

Les chemins vicinaux sont principalement utiles à l’agriculture ; mais en même temps, ils sont aussi fort utiles au commerce et à l’industrie.

L’industrie et le commerce en Belgique ne payent presque pas d’impôts, reçoivent à pleines mains du gouvernement des subsides et des encouragements. L’Etat fait de grandes dépenses en leur faveur, mais pour que cette dépense sont moins aperçue, on la dissémine dans tous les budgets. Curieux de connaître l’importance des sacrifices faits en leur faveur, je me suis livré à quelques recherches : je vous en fait part. Je vois au budget de la dette publique que l’Etat est chargé de servir les intérêt d’un capital mis à la charge de la Belgique pour l’obtention de la liberté des eaux intérieures de la Hollande :

En faveur du commerce maritime, 1ère dépense : fr. 100.000

Au budget des affaires étrangères, la somme pétitionnée est de 996,360 fr. ; environ la moitié de cette dépense est faite pour favoriser le commerce et l’industrie.

Soit la moitié, fr. 498,150

Nous avons une marine ; sa dépense est de 1,000,000 ; je serais généreux, je considérerais cette dépense comme faite seulement pour moitié en faveur du commerce, soit fr. 500,000

Chapitre XVII – Commerce.

Chambres de commerce, statistique, encouragement pour la navigation à vapeur et à voiles, primes pour construction de navires, pêche nationale : fr. 323,500

(page 713) Chapitre XVIII – Industrie.

Dépenses diverses pour le soutien et le développement de l’industrie, fr. 253,000

Chapitre XIX.

Ecoles industrielles de Gand : fr. 30,500

Ministère des finances :

Statistique industrielle : fr. 23,000

Au budget des non-valeurs et remboursement :

Remboursement des payages sur l’Escaut : fr. 800,000.

Soit dépense fixe et permanente, près de 4 millions de francs.

A cette somme de quatre millions on doit ajouter l’intérêt des capitaux employés en faveur de l’industrie et du commerce, et bien d’autres dépenses dont une partie est faite dans l’intérêt du commerce et de l’industrie.

C’est ainsi que, dans l’intention de favoriser l’industrie et le commerce, pour favoriser les raffineries de sucres, l’Etat a perdu plus de 6 millions en trois ou quatre années ; on a acheté la British-Queen que l’on a fait voyager deux fois avec des pertes considérables, et qui a constitué l’Etat dans une dépense de plus de deux millions.

Afin d’encourager l’exportation de l’industrie cotonnière, le gouvernement a donné 10 p.c. de la valeur des fabricats à des sociétés qui se chargeaient de l’exportation en faveur de l’industrie linière.

La Belgique a fait le sacrifice d’un million de droits de douane sur les vins et sur les soieries, en sus du subside lui accordé, et, par suite, pour rendre ce traité exécutable, la Belgique a dû faire une concession à la Hollande, sur l’entrée de 6 millions de kilogrammes de grains venant du Limbourg hollandais, en payant le quart du droit, soit fr. 225,000. de pertes sur les droits établis, les prix étant au-dessus de 15 francs.

Si le prix des grains était au-dessous de 15 fr. le sacrifice serait double.

Ce sacrifice n’est pas seulement supporté par le trésor, l’industrie agricole en éprouve un bien plus grand, et qui peut avoir les conséquences les plus désastreuses.

Ces 6 millions de froment, déversés sur nos marchés dans un moment où nous en fournissons plus qu’il n’en faut, peut faire tomber nos grains de 25 centimes, au moins, par hectolitre ; ce qui représente une perte pour l’agriculture.

Sur 7 millions d’hectolitres livrés sur nos marchés par nos cultivateurs, de 1,750,000 fr. en faveur du traité avec le Zollverein, on a réduit de 10 p.c. les droits d’entrée sur les grains venant par mer de la Prusse ; soit sur 100 millions de kilogrammes, que cette nation introduira chez nous de plus de fr. 37,000 au détriment du trésor qui peut faire perdre par sa concurrence au produit indigène en réduisant le produit des grains du montant de la protection, de plus de 2,000,000.

Nous avons six départements ministériels, si l’on s’occupait moins de l’industrie, si nos chemins de fer étaient administrés par des sociétés, quatre ministres suffiraient ; l’intérieur et les affaires étrangères pourraient être dirigés par un seul homme, les travaux publics par les finances ; donc économie considérable de plus de 300,000.

A ces dépenses on pourrait ajouter les travaux exécutés au port d’Ostende, les sacrifices pour obtenir la liberté de l’Escaut, les améliorations de la navigation des rivières et de certains canaux, le rachat de la Sambre canalisée et bien d’autres dépenses faites en faveur de l’industrie et du commerce.

Ajoutez le déficit du produit du chemin de fer que j’évalue au minimum de 4 à 5 millions si on y comprend les intérêts des capitaux levés pour sa construction.

On ne contestera pas que cette construction est presque entièrement dans l’intérêt du commerce et des industries manufacturières ; je m’abstiendrai de faire ressortir le tort immense fait à la propriété et au petit commerce ; si, dans mes investigations, je voulais faire ressortir toutes les dépenses supportées par l’Etat et par l’agriculture, en vue de soutenir le commerce et l’industrie manufacturière, je parviendrais à porter la dépense à plus de 10 millions annuellement à charge de l’Etat et de l’agriculture. Pour se convaincre de l’exactitude de mes calculs, il suffit de compulser les budgets, les traités et le tarif des douanes. Dans ce tarif vous y verrez que l’on frappe de droit de sortie, les laines en faveur de l’industrie drapière, les peaux fraîches en faveur de la tannerie, etc., etc., et c’est le cultivateur qui supporte ce droit ; il vend ses produits en moins qu’il ne les vendrait s’il pouvait les exporter sans droit là où il les vendrait à plus haut prix.

En récapitulant les articles de dépenses faites par l’Etat directement en faveur de l’industrie et du commerce je trouve que l’on peut en fixer le montant à fr. 3,500,00.

Et que la dépense faite indirectement peut être estimée à fr. 7,000,000

Soit tant directement qu’indirectement : fr. 10,500,000.

Vous en administrer la preuve mathématique exigerait un mémoire qui excéderait les bornes d’un discours.

Si on me conteste l’exactitude de ce que j’avance, en prétendant qu’il y a de l’exagération, je m’engage à démontrer que loin d’exagérer, je suis plutôt en dessous de la réalité qu’en dessus.

En faisant ressortir l’énorme dépense faite en faveur des industries manufacturières et du commerce, qu’on ne me suppose pas des intentions hostiles ; c’est loin de ma pensée : je veux qu’on accorde protection aux fabriques et au commerce.

Il entre dans mes intentions qu’une protection sage et bien combinée soit accordée à tous.

Mais ce que je ne veux pas, c’est le sacrifice de sa principale industrie aux exigences de quelques prétentions du commerce et d’autres branches d’industrie.

Au risque d’être taxé de toujours répéter la même chose, je terminerai par vous rappeler que de la prospérité de l’agriculture dépendent le maintien des autres industries, du commerce, et la possibilité de percevoir les impôts.

Je vous ferai remarquer qu’à chaque franc de baisse sur l’hectolitre de froment, à partir de 20 fr., l’industrie agricole est en perte de 7 millions ; sous peu, le prix sera réduit à 16 francs, ce qui portera le déficit à 28 millions.

Sur 28 millions de perte pour l’agriculture, 20 millions au moins doivent rejaillir sur les autres industries ainsi que sur le commerce ; l’Etat éprouvera à son tour un déficit de 5 à 6 millions au moins sur l’enregistrement, sur ses accises et autres impôts.

Enfin, la gêne de l’agriculture est la ruine générale. On reconnaîtra, mais trop tard, je le crains, l’exactitude de mes prévisions et de mes assertions. Comme c’est l’usage en Belgique on pensera à remédier au mal, quand il sera trop tard.

Avant de finir, j’appellerai de nouveau l’attention de nos hommes d’Etat sur la nécessité de soigner la principale industrie, l’agriculture ; en la protégeant convenablement, on parviendra à faire produire au sol belge une moitié en sus de ce qu’il produit ; la France nous en administre la preuve.

Avant cette protection elle était loin de se suffire à elle-même ; actuellement, elle produit en céréales plus qu’elle n’a besoin.

Je termine par faire remarquer, qu’en demandant 500,000 fr. pour les chemins vicinaux, je fais preuve de modération, et que cette somme est couverte par l’augmentation de l’impôt foncier pour l’exercice courant.

Lorsque nous serons arrivés au chapitre XII intitulé : « Encouragements à l’agriculture », je proposerai des réductions de dépenses qui compenseront en partie l’augmentation que je réclame par mon amendement ; en outre, je ferai remarquer que nous pourrions faire quelques économies sur plusieurs chapitres du budget.

Déjà nous avons réduit le chapitre Ier de 20,000 fr.

Enfin, d’après les dépenses que nous faisons pour le commerce et l’industrie, j’ai lieu d’espérer que la chambre ne refusera pas son vote favorable à mon amendement.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, je n’ai pas voulu me permettre d’interrompre l’honorable préopinant. Cependant j’aurais pu lui dire qu’il a un peu anticipé sur la discussion du chapitre relatif à l’agriculture. Quoi qu’il en soit, je m’attacherai spécialement à la question à laquelle je rapporte l’amendement qu’il vient de vous soumettre.

La première allocation portée au budget de l’Etat pour les chemins vicinaux date de 1841 ; elle était de 100 mille francs ; en 1842, en 1843 et en 1844, on a alloué chaque année la même somme. Au budget de 1845, le gouvernement a reproduit cette allocation de 100 mille francs ; la section centrale pense qu’il faut porter l’allocation à 200,000 francs, et le gouvernement s’est rallié à ce chiffre. Il a pu s’y rallier sans examen nouveau, parce qu’il peut déclarer dès à présent qu’en portant l’allocation à deux cents mille francs, on ne change pas le système d’intervention de l’Etat, des provinces et des communes ; mais nous devons nous demander si, en portant le crédit à 500,000 fr., comme le propose l’honorable M. Eloy de Burdinne, nous ne changerions pas tout à fait ce système d’intervention. Je vous recommande, messieurs, spécialement ce point de vue Lorsqu’en 1841, on a porté au budget la première allocation de 100 mille fr., et lorsqu’à la même époque on a voté la loi sur les chemins vicinaux, on a considéré la dépense de ces chemins comme étant, avant tout, une dépense des communes, des provinces et des riverains ; on a admis pour l’Etat une intervention que j’appellerai secondaire, exceptionnelle.

En effet, messieurs, qu’est-il arrivé depuis 1841 ? C’est que la dépense faite par les provinces, les communes et les riverains, est beaucoup plus considérable que la somme pour laquelle le gouvernement est intervenu. J’ai sous les yeux les tableaux des répartitions de 1841 et de 1842, tableaux qui ont été annexés au rapport fait par l’honorable M. Dedecker sur le budget de l’intérieur en 1842. Dans le tableau de 1841, on indique la part à supporter par les communes, les provinces et l’Etat dans la dépense des chemins vicinaux à l’égard desquels les études étaient faites et qui étaient considérés comme de grandes communications. L’Etat intervient pour 100,000 fr. ; les provinces interviennent pour 98,642 fr. 80 centimes, et on suppose que les communes interviendront pour 717,650 francs. Le tableau de 1842 indique également pour les chemins vicinaux, désignés village par village, la part contributive de l’Etat, des provinces et des communes. Là encore le gouvernement est supposé allouer à peu près 100,000 francs (la somme exacte était de 95,000 frs.) ; les provinces doivent allouer 97,027 fr., et les communes 729,000 fr.

Ainsi, messieurs, on suppose que les provinces feront une dépense à peu près égale à celle de l’Etat, et que le reste sera supporté par les communes.

Voulez-vous aujourd’hui changer ce système ? C’est là la véritable question qu’il faut se poser. Nous nous sommes ralliés au chiffre de 200,000 fr. (page 714) parce qu’avec ce chiffre le système que je viens de faire connaître sera maintenu, au moins jusqu’à un certain point.

Voici maintenant ce qui arrivera si l’allocation est portée à 200,000 fr. : l’Etat dépensera 200,000 fr, car certes le gouvernement ne gardera pas 100,000 fr. dans ses caisses. Cependant, s’il voulait être conséquent avec lui-même, voici le langage qu’il devrait tenir aux provinces : En 1841, en 1842, en 1843 et en 1844 j’ai dépensé 100,000 fr., mais à la condition que vous, provinces, vous fissiez une dépense égale ; aujourd’hui, je suis autorisé par le pouvoir législatif à dépenser 200,000 fr., mais nous serons conséquent avec nous-mêmes et vous doublerez également vos allocations.

Maintenant, messieurs, faut-il aller plus loin ? faut-il dire aux provinces, aux communes et aux propriétaires riverains : Je suis autorisé à dépenser 500,000 fr. ; mais les provinces ne feront qu’une dépense de 100,000 fr. Quant aux communes et aux propriétaires riverains, nous ignorons la part contributive que nous leur demanderions ; car il faut supposer que, dans l’esprit de l’auteur de la proposition, il s’agit de dégrever, en quelque sorte, les provinces et les communes. Il y aurait donc là, messieurs, tout un changement de système. Si nous portons l’allocation à 200,000 fr., le système ne sera pas changé, ou au moins il ne le sera pas d’une manière considérable ; mais je n’hésite pas à dire que, si le chiffre de 500,000 fr. était adopté, la dépense des chemins vicinaux ne serait plus une dépense communale et provinciale ; ce serait avant tout une dépense de l’Etat.

Je ne puis assez le répéter : on est parti de l’idée que le gouvernement n’interviendrait que d’une manière secondaire et exceptionnelle ; que les provinces interviendraient pour une part à peu près égale à la part contributive de l’Etat, et que le reste demeurerait à la charge des communes et des riverains.

Veut-on changer ce système d’intervention ? Il faut qu’on s’explique ; il faut que l’on sache où l’on va. Si l’on alloue 500,000 fr., les provinces continueront à accorder ensemble une somme d’à peu près 100,000 fr. Il en résultera que les communes seront presque dégrevées, et qu’à l’avenir l’amélioration des chemins vicinaux sera presque exclusivement à la charge de l’Etat.

Voilà, messieurs, les observations que j’ai cru de mon devoir de soumettre la chambre. Je les ai faites parce que j’ai considéré comme un devoir de les faire, car certes rien ne peut être plus agréable au gouvernement que d’avoir de grosses sommes à sa disposition. (On rit.)

L’honorable auteur de la proposition a annoncé qu’il demanderait des réductions sur le chapitre XI. Je regrette qu’il ait anticipé sur la discussion de ce chapitre ; mais il résultera peut-être des explications que je donnerai, que loin de proposer des réductions, l’honorable membre demandera des augmentations. Les explications que je donnerai sur le fonds d’agriculture détruiront, je pense, bien des erreurs. Je regrette de devoir faire à cet égard quelques observations que je considère comme anticipées, mais j’y suis amené par ce qu’a dit l’honorable M. Eloy de Burdinne.

On fait un grief au gouvernement de ne pas proposer une loi pour le rétablissement du fonds d’agriculture. Que veut-on en faisant cette demande ? Veut-on rétablir le fonds d’agriculture tel qu’il existait sous le royaume des Pays-Bas ? Mais alors, il faut renouveler la loi de janvier 1816 qui avait créé ce fonds d’agriculture à l’aide d’impositions spéciales dont on frappait l’agriculture. Je suis convaincu que lorsque j’aurai donné des explications à cet égard, personne ne voudra plus d’un fonds d’agriculture ainsi constitué. Ce que l’on voudra, c’est une allocation au budget pour subvenir à certaines dépenses, notamment aux indemnités à accorder du chef de l’abattage de bestiaux atteints de maladie. On voudra une allocation plus forte que celle qui a été portée jusqu’ici au budget et qui, chaque année, a été trouvée insuffisante, allocation qui ne serait pas couverte au moyen d’impositions spéciales, comme cela avait lieu en vertu de la loi de 1816, mais qui serait prise sur les revenus généraux de l’Etat…

M. de Man d’Attenrode – Il faudrait 600,000 frs.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il ne faudrait pas 600,000 frs. Au reste, si la chambre veut réunir à la discussion de l’article qui nous occupe les différentes questions qui concernent l’agriculture, je suis prêt à donner immédiatement des explications sur le fonds d’agriculture, mais il y aurait nécessairement confusion. L’honorable M. Eloy de Burdinne a rattaché la question de l’agriculture à celle des chemins vicinaux, et c’est ce qui m’a amené à dire un mot du fonds d’agriculture. Si la chambre croit que je doive donner maintenant les explications que j’ai à présenter à cet égard, je suis prêt à le faire, et lorsqu’elle aura entendu ces explications, elle verra s’il n’y a pas lieu à constituer un fonds d’agriculture, non pas, comme on l’a fait en 1816, mais au moyen d’une somme prise sur les revenus généraux de l’Etat.

M. Fallon (pour une motion d'ordre) – Messieurs, Il me paraît que M. le ministre de l'intérieur vient de prouver qu’il y a connexité entre les articles 1er et 2 du chapitre V et le chapitre XI. Je demande en conséquence, qu’on renvoie la discussion de l’amendement au chapitre XI.

M. Eloy de Burdinne – Il n’y a aucune connexité entre les deux chapitres : le chapitre XI intéresse spécialement l’agriculture, tandis que les subsides, demandes au chapitre V pour l’entretien des chemins vicinaux, ne le sont pas seulement dans l’intérêt de l’agriculture, mais le sont encore dans celui de l’industrie et du commerce.

M. de Garcia – Sans doute, l’entretien convenable des chemins vicinaux doit avoir une grande influence sur les améliorations agricoles. Cependant il faut convenir que la question purement agricole, à laquelle on veut renvoyer le chapitre en discussion, n’est réellement pas connexe avec celui-ci. L’agriculture, le commerce et l’industrie sont également intéressés a ce qu’il y ait de bons chemins vicinaux ; le chapitre V présente donc un caractère d’utilité générale, qui a trait, à la vérité, au développement de l’industrie agricole, mais qui a trait aussi au développement de toutes les autres branches de la richesse nationale. Dès lors je crois que cette discussion doit rester distincte, et que la rattacher et la confondre avec la discussion de l’industrie agricole, serait embrouiller les matières, et par cela même rendre leur solution plus difficile.

M. de Mérode – Je ne vois pas de connexité non plus entre les deux objets. Mais la difficulté pour moi est de savoir quels fonds on appliquera à la dépense proposée par l’honorable M. Eloy de Burdinne, et que j’approuve en principe. L’honorable membre a bien indiqué des économies, mais ces économies seront-elles faites ? Il faudrait faire de cela une proposition particulière.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je n’ai pas dit qu’il y eût connexité rigoureuse ; mais chacun de vous aura remarqué que, dans le discours qu’il a prononcé, l’honorable M. Eloy de Burdinne a rattaché la question des chemins vicinaux à la question agricole. Je n’ai pas osé le suivre sur ce terrain, et j’ai dû dire pourquoi je ne m’expliquais pas sur certains détails donc l’honorable membre vous a entretenus. En outre, l’honorable M. Eloy de Burdinne vous avait annoncé qu’il croyait qu’il y avait des réductions à faire sur les allocations affectées à l’agriculture ; je me suis permis de faire remarquer que si la situation du trésor ne s’y opposait pas, il y aurait lieu, au contraire, d’augmenter certaines de ces allocations, et notamment de constituer ce qu’on appelle le fonds d’agriculture, institution sur laquelle on a les notions les plus erronées.

M. d’Huart – Je voulais faire remarquer aussi que la connexité s’était établie, d’après le discours de l’honorable M. Eloy de Burdinne qui avait parlé de l’agriculture, à propos des chemins vicinaux, mais je crois que la discussion se compliquerait, si l’on réunissait les deux objets. Du reste, M. le ministre de l'intérieur pourra nous présenter ses observations, en réponse à l’honorable M. Eloy de Burdinne, lorsque nous arriverons au chapitre de l’agriculture. Je pense donc qu’il vaut mieux discuter isolément les deux chapitres.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je ne m’y oppose pas.

M. d’Huart – On pourrait continuer la discussion du chapitre relatif aux chemins vicinaux. Il y a à présenter sur ce chapitre des observations différentes de celles que vous a soumises l’honorable M. Eloy de Burdinne ; moi-même je me réserve de prendre la parole, pour vous exposer quelques considérations sur les chemins vicinaux.

Des membres – On est d’accord.

M. Fallon – Je retire ma motion.

- La chambre reprend la discussion du chapitre V.

M. de Saegher – M. le ministre de l'intérieur nous a fait connaître dans son discours, les résultats d’un tableau qu’on pourra consulter avec fruit pour la discussion qui aura lieu demain sur cet objet. Ce tableau était relatif aux années 1841 et 1842. Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s’il ne pourrait pas nous communiquer demain avant la séance les mêmes documents pour les années 1843 et 1844. cette communication me paraît nécessaire.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – J’avais sous les yeux les tableaux de 1841 et de 1842. Ces tableaux sont imprimés ; ils sont annexés au rapport qui a été fait sur le budget de l’intérieur par l’honorable M. Dedecker, le 8 décembre 1842 (n°44 des documents de la session). D’ici à demain je verrai si je puis avoir les tableaux de 1843 et 1844, mais les mêmes errements ont été suivis : on a notamment exigé des provinces une part contributive égale, à peu près, à celle que l’Etat allouait.

- La séance est levée à 4 heures et demie.