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Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
(notamment : pétition relative au maintien de l’embranchement de la vallée
du Thiria au chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse (Pirmez))
2) Présentation d’un rapport (Projet
de loi contenant demande d’un crédit de 300 mille francs pour la substitution
d’une tranchée à ciel ouvert au double tunnel de Cumptich) (Mast de
Vries, de Garcia, de La Coste, de Garcia)
3) Présentation d’un rapport de pétition sur un projet de loi relatif aux droits d’entrée sur les foins (Manilius)
4) Projet de budget du ministère de l’intérieur pour l’année 1845. Discussion des Chapitres
a)
Chapitre XX – Lettres, sciences et arts. Situation de la direction des lettres,
sciences et beaux-arts ; responsabilité des fonctionnaires non rétribués (Rogier,
Nothomb, Dumortier, de Mérode, Rogier, Nothomb, Dumortier, Rogier, Nothomb) ;
publications de
b) Chapitre XXI. Frais de confection des tables décennales des actes de l’état civil
c) Chapitre XXII. Dépenses imprévues et travaux extraordinaires
d) Chapitre XV – Légion d’honneur et croix de Fer. Opportunité d’entamer une discussion sur les droits des légionnaires (Fallon, de Brouckere, Savart-Martel, Lys, de Garcia, Delfosse, Dubus (aîné), Savart-Martel, de Garcia, Nothomb, Fallon, Delfosse, de Mérode) ; pensions aux décorés de la croix de Fer ainsi qu’à leurs veuves et orphelins (Dumortier, Nothomb, Rodenbach, de Brouckere, Dumortier, Nothomb, Dumortier, de Brouckere, Nothomb, Brabant, Nothomb, Rodenbach)
e) Chapitre IV - Frais de l’administration dans les provinces. Palais provincial de Liége (Maertens, Nothomb)
5) Présentation de deux projets de lois relatifs 1°) à un arrangement d’après lequel une parcelle du territoire de la commune de … a été réunie à la ville de Louvain par suite de l’établissement du chemin de fer ; 2°) aux vices rédhibitoires lors de la vente d’animaux domestiques
(page 863) (Présidence de M. Liedts)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à midi et quart.
M. Huveners donne lecture du procès-verbal de
la dernière séance dont la rédaction est approuvée.
Pièces adressées à
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
« Le
sieur Frédéric Baillieu, enseigne de vaisseau, né à Anvers, de parents
français, demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au
ministre de la justice.
_________________
« le
sieur Luder Wieting, second de navire de commerce à Anvers, né à Vegesack,
demande la naturalisation ordinaire. »
- Même
renvoi.
_________________
« Plusieurs
propriétaires et cultivateurs dans la commune de Sirault, demandent des
modifications à la loi sur les céréales. »
- Renvoi à
la section centrale qui sera chargée d’examiner le projet de loi sur les
céréales.
_________________
« Plusieurs
membres du conseil communal de Sugny demandent que les habitants de cette
commune soient autorisés à porter de France au quart du droit d’entrée la
quantité de céréales nécessaire à leur consommation. »
- Même
renvoi.
_________________
« Les
sieurs Bulens, Incolle et Deschamps présentent un mémoire qui a pour objet la
réunion des trois stations du chemin de fer, et la formation d’une grande foire
annuelle et prient la chambre de faire examiner ces projets. »
- Renvoi à
la commission des pétitions.
_________________
« Le
sieur Laman, propriétaire et maître de carrières à Quevast, demande la révision
des péages sur les canaux et rivières et la révision des péages sur le canal de
Charleroy, dans le parcours de Clabbeek à Bruxelles. »
- Même
renvoi.
__________________
« Le sieur Puissant demande qu’on maintienne l’embranchement de la
vallée du Thiria qui, dans le tracé primitif du chemin de fer de
l’Entre-Sambre-et-Meuse, arrivait jusqu’à Morialmé. »
M. Pirmez –
Messieurs, cette pétition est de notre ancien collègue M. Puissant. Elle a
rapport au chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Je demanderai qu’elle soit
renvoyée à la section centrale qui sera chargée de l’examen du projet de loi
relatif à l’exécution de divers travaux publics. Si la chambre voulait bien le
permettre, j’en demanderais également l’insertion au Moniteur.
- Cette
double proposition est adoptée.
__________________
« Les
sieurs Jacques Delry, Faessen et autres membres de l’association des bateliers
de
- Renvoi à
la section centrale chargée de l’examen du projet de loi de crédits et de concession
pour l’exécution de divers travaux publics.
__________________
« Les
sieurs Splingard et comp. demandent la concession de deux chemins de fer dans
l’Entre-Sambre-et-Meuse : l’un de Couillet à Oret, l’autre de Florennes à
Moulin. »
- Même
renvoi.
Présentation d’un
rapport (projet de loi contenant demande d’un crédit de 300 mille francs pour
M. Mast de Vries – J’ai l’honneur
de déposer le rapport de la commission spéciale qui a été chargée de l’examen
du projet de loi contenant demande d’un crédit de 300 mille francs pour la
substitution d’une tranchée à ciel ouvert au double tunnel de Cumptich.
Plusieurs membres – La
lecture.
M. Mast de Vries donne lecture de ce rapport.
M. de La Coste – Ne pourrait-on pas mettre la discussion de ce
projet entre les deux votes du budget de l’intérieur ?
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Cette
discussion peut durer assez longtemps. Le sénat est convoqué pour lundi ;
il convient que le budget de l’intérieur se trouve transmis au sénat et imprimé
pour lundi. Il me semble donc qu’il faudrait mettre le projet relatif au tunnel
de Cumptich à l’ordre du jour après le vote définitif du budget de l’intérieur.
M. de La Coste – Immédiatement après.
M.
de Garcia – Messieurs, je sens tout l’importance du projet
qui nous est soumis par le gouvernement, à l’occasion de l’accident arrivé au
tunnel de Cumptich, et c’est précisément parce que j’en sens l’importance que
je désire que cette question soit examinée avec maturité. Je ne veux pas
entraîner la nation dans des frais inutiles, et cela pourrait arriver si l’on
discutait le projet dont il s’agit sous l’influence de la crainte et de la peur
dans laquelle on semble se trouver. Si l’on votait ce projet sous une influence
semblable et avec précipitation, on pourrait exposer le pays à des dépenses
inutiles. Je m’explique. Si le rapport qui sera fait à la suite de l’enquête
que la chambre pourra ordonner démontrait que l’ancien tunnel présente toutes
les garanties de sécurité qu’offrent les autres tunnels du pays, et c’est ce
que constate déjà le rapport de M. le ministre des travaux publics, je voterais
contre la dépense proposée.
En effet,
si vous déclarez que le tunnel de Cumptich, par cela seul que c’est un tunnel,
présente des dangers, alors vous vous exposez à devoir démolir tous les tunnels
qui se trouvent sur les autres voies, ou bien, contrairement à ce que vous
proposez, loin de tarir les inquiétudes nuisibles à l’exploitation du chemin de
fer, vous les ferez naître sur toutes les lignes où se rencontrent des
tunnels ; je ne voudrais donc pas que la question fût décidée avec
précipitation. Je le répète, messieurs, il faut prendre garde de s’exposer à
jeter la défiance sur toutes les lignes où il existe des tunnels, à peine de se
jeter dans des dépenses énormes pour la nation. (Interruption.) Ne m’interrompez pas, car vous ne pouvez sortir du
dilemme suivant : de deux choses l’une, ou bien le tunnel de Cumptich,
comme les autres tunnels, peut présenter toutes les garanties, et alors il ne
faut pas le supprimer ni le remplacer par une voie nouvelle
très-dispendieuse ; ou bien les tunnels en général ne présentent pas ces
garanties, et alors il faut les démolir tous. Vous voyez ainsi, messieurs, à
quelles dépenses vous pouvez vous exposer par une résolution prise à la légère
et sous certaines influences.
M. de La Coste – Si
l’honorable M. de Garcia vient bien m’entendre un instant, il reconnaîtra, je
l’espère, que l’objection qu’il élève ne doit pas nous arrêter.
L’honorable
M. de Garcia parle d’une enquête qui pourrait être ordonnée. Mais elle
existe ; nous la jugerons. Il peut y avoir lieu à une autre enquête sur
les cause de l’accident, je l’ai moi-même provoquée. Cela pourra amener une
autre discussion.
Mais quant
à l’état du tunnel, il a été constaté avec tous les soins possibles par le
ministre qui s’est rendu sur les lieux, par les rapports des ingénieurs. Nous
l’avons vu par les pièces ; nous le verrons par la discussion.
L’honorable
M. de Garcia veut éviter des frais au trésor. Mais qu’il songe que chaque
retard constitue une perte pour le trésor, parce qu’il empêche la réalisation
des produits du chemin de fer.
Aussi, dans
l’intérêt du trésor, il ne fait sans doute pas une résolution précipitée ;
mais il ne fait pas de lenteurs inutiles.
L’affaire
est parfaitement instruite. L’honorable M. de Garcia pourra faire valoir tous
les arguments qu’il vient de présenter, quand nous discuterons la question au
fond. Il pourra voter contre la proposition s’il ne trouve pas ses apaisements
dans les motifs qu’on fera valoir.
Mais je
pense qu’il n’y a aucun motif pour différer la discussion. Dans l’intérêt du
trésor, il y a, au contraire, des motifs très-pressants pour qu’elle ait lieu
sans délai.
M.
de Garcia – L’honorable collègue qui vient de parler a
dit : « Si M. de Garcia avait lu le rapport, il verrait d’une manière
positive qu’au point de vue de la solidité des travaux, une enquête est
parfaite et achevée. » Je ne contredis pas ce fait. Mais résulte-t-il du
rapport de M. le ministre que les réparations achevées au tunnel de Cumptich,
ce tunnel ne présentera pas les mêmes garanties que tous les autres ?
C’est que, selon moi, ce rapport n’établit pas, il est vrai, que la chambre
peut n’avoir pas une confiance entière dans les ingénieurs de l’Etat. Que nous
reste-t-il à faire alors ? Ce sera de faire porter l’enquête que la
chambre se propose d’ordonner, non-seulement sur les travaux d’exécution de
l’ancien tunnel, mais encore sur la solidité et les garanties que pourra offrir
ce tunnel avec les réparations qui y sont opérées.
Quant à ce
qu’a dit l’honorable député de Louvain, qu’en reculant la discussion de la loi,
on empêcherait de livrer de suite les lignes à une circulation régulière, si
mes renseignements sont exacts, d’ici à vingt jours, le tunnel sera rétabli, et
présenterait toutes les conditions de solidité désirables.
Ainsi, en
retardant la discussion et en attendant l’accomplissement de certains faits, le
but que se propose notre honorable collègue, c’est-à-dire qu’on rétablisse le
plus tôt possible la circulation sur le chemin de fer, n’est entravé en aucune
manière. Loin de là, il sera, ou il peut être mieux atteint : il pourra
même se faire qu’en différant la discussion on atteigne un but complet et
définitif, qui nous soustrairait aux dépenses considérables qui résulteront du
changement de l’ancienne voie.
Par ces
motifs, je demande que le projet de loi dont il s’agit ne soit pas discuté
avant quinze jours.
- La
chambre, consultée, met le projet de loi à l’ordre du jour après la discussion
du budget de l’intérieur.
Présentation
d’un rapport de pétition sur un projet de loi relatif aux droits d’entrée sur
les foins
(page 864) M. Manilius –
Messieurs, j’ai l’honneur de vous faire le rapport sur la question relative aux
droits d’entrée sur les foins, provoquée par des pétitions d’Anvers, de Walhem,
de Merxem et de Hasselt, que vous nous avez renvoyées avec demande d’un prompt
rapport.
Les
pétitionnaires s’attachent à démontrer que le prix des foins sont baissés de 40
à 50 p.c. au grand préjudice des cultivateurs de ces herbages qui livrent leurs
produits à la consommation intérieure, et cela par suite de l’énorme
introduction de ces produits étrangers.
Déjà, en
1837 ; votre commission d’industrie a été saisie de cette question, et
elle vous proposa alors un droit protecteur de 5 fr. par 1,000 kil., afin de
modifier celui de 53 centimes, qui n’était établi et considéré par l’ancien royaume
des Pays-Bas que pour un simple droit de balance.
D’après les
avis des commissions d’agriculture et des députations permanentes des
provinces, que le gouvernement nous a fait parvenir et que nous annexons ici,
l’on remarquera que cinq commissions d’agriculture se prononcent pour une
augmentation de droits d’entrée, ainsi que quatre députations permanentes.
Celles des commissions ou députations qui ne se prononcent pas pour une
augmentation sont aussi celles qui souffrent le moins des introductions.
Dans la
province d’Anvers, d’où nous est arrivé le plus de pétitions, on est d’avis que
le droit à élever doit rester modéré et différentiel pour les arrivages par
bateaux ou par voitures.
La province
de Brabant se prononce pour un droit de 10 fr. par 1,000 kilog., mais comme
mesure temporaire.
Les
provinces de
Les
pétitionnaires demandent :
1° par une
pétition datée d’Anvers, 20 juin 1844, un droit de 25 fr. ;
2° une
datée de Waelhem, 11 juin 1844, un droit de 10 fr. ;
3° une
datée de Merxem, 20 juin 1844, un droit de 25 fr. ;
Le tout par
1,000 kilog.
Votre
commission, messieurs, a envisagé ces demandes comme fondées en principe, mais
exagérées quant aux chiffres du droit, considérant qu’un droit de 5 fr. par
1,000 kil., que vous avez voté en 1841, avec l’exception pour les parties
détachées du Limbourg et du Luxembourg, n’a su obtenir les suffrages de l’autre
chambre.
Elle a donc
conclu à vous proposer un droit différentiel de 4 fr. par 1,000 kil. à l’entrée
par voie navigable, et 2 fr. par voie de terre avec exception pour les parties
cédées du Limbourg et du Luxembouirg, et 10 c. pour droit à la sortie.
Un droit
aussi modéré ne saurait nuire ni aux pays qui nous livrent ces fourrages, ni
aux cultivateurs qui s’occupent de l’élève du bétail, ni aux entrepreneurs de
fourrage. Ce ne serait qu’une compensation pour la propriété en prairie, elle
aussi, assujettie à un impôt parfois même peu élevé, par le fait de la contribution
foncière, qui doit se répartir sur les plus de revient de tous les produits du
sol.
La
commission a donc l’honneur de vous proposer le projet de loi suivant et
conclut, pour les pétitions, au dépôt sur le bureau pendant la discussion. (Nous donnerons ce projet de loi.)
- Ce
rapport sera imprimé et discuté. La chambre fixera ultérieurement le jour de la
discussion.
_____________
M. Van Cutsem, au nom de la commission des naturalisations,
présente les rapports sur les demandes en naturalisation des sieurs Edmond et
Prosper Plaideau de Menin.
- Ces
rapports seront imprimés et distribués. La chambre fixera ultérieurement le
jour de la prise en considération.
Motion d’ordre
M. de Mérode –
Messieurs, tout à l’heure on vous a présenté l’analyse d’une pétition relative
à la réduction des péages sur les canaux. Elle a pour but de demander des
facilités pour le transport des pierres destinées au pavage.
Je demande
que la commission des pétitions soit invitée à faire un prompt rapport sur
cette pétition qui est signée par M. Laman.
- Cette
proposition est adoptée.
Discussion des chapitres
Chapitre XX – Lettres, sciences et arts
Discussion générale
M. le président – La discussion continue sur le chap. XX.
La parole est à M. Rogier.
M. Rogier – Messieurs, j’ai présenté hier les observations que je voulais faire. Je dois cependant un mot de réponse à l’honorable M. Dumortier, qui a pris la défense de différents établissements que je n’avais pas attaqués. Je ne puis, messieurs, admettre la doctrine que l’honorable M Dumortier a émise, relativement aux fonctionnaires non salariés. Il nous a dit que si toutes les fonctions étaient remplies par des employés non salariés, ce serait tant mieux pour le trésor. Je dis, moi, que ce serait tant pis pour l’administration et, par suite, pour le trésor. Je diffère donc complètement d’opinion avec l’honorable M. Dumortier. Si l’on veut une bonne administration, elle doit être entre les mains de fonctionnaires salariés et responsables.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je ne vais pas non plus aussi loin que l’honorable M. Dumortier. Il ne s’agit pas ici de créer un système.
Il se trouve qu’il y a au ministère de l’intérieur un seul fonctionnaire non-salarié. Je regrette beaucoup qu’on ait jugé à propos de mettre en cause cet homme si honorable. On savait parfaitement bien qu’il m’était impossible de suivre mes adversaires sur ce terrain. J’ai dû même, bien à regret, m’abstenir, en quelque sorte, de prendre la défense de cette personne. Sans cela, je donnerais l’exemple des discussions personnelles ; je poserais de fâcheux précédents en acceptant ces discussions auxquelles on me provoque.
M. Dumortier – Je ne sais, messieurs, ce que veut dire M. le ministre de l'intérieur, lorsqu’il fait observer qu’il ne s’agit pas de créer un système. Je n’ai rien voulu ériger en système. J’ai dit simplement que lorsqu’il se trouvait des personnes qui se dévouaient à la chose publique sans salaire, nous devions leur en savoir gré, et je pense que la chambre partage mon avis. Libre à chacun d’avoir une opinion en cette matière ; mais, quant à moi, je ne puis qu’admirer le dévouement partout où il se trouve. Or, il y a du dévouement de la part d’un homme qui consent à rendre ses services au pays, à faire partie d’une administration, sans grever le trésor public
Il n’y a donc pas là de système.
Je ne veux pas ériger ce système, qu’il ne faut pas rétribuer les fonctionnaires publics ; mais je le répète, si un fonctionnaire public, plein de zèle, de dévouement et de capacité, veut bien renoncer à son traitement, loin de lui en faire un crime, il faut l’en remercier.
M. de Mérode – Je conviens que si les emplois étaient gratuits, peut-être l’administration ne serait pas assez bien suivie. Mais il y a certains services auxquels des fonctions gratuites peuvent être appliquées. Ainsi, en ce qui concerne les beaux-arts, les monuments, chacun sait qu’il y a des personnes qui ont un goût spécial pour ces objets, qui s’y portent avez zèle, et qui, ayant une position de fortune indépendante, ne désirent pas recevoir un traitement, pour exercer ces fonctions. Il me semble qu’il y a là une exception que chacun doit admettre
M. Rogier – Messieurs, je ne puis admettre la doctrine de l’honorable M. Dumortier et celle de l’honorable M. de Mérode. S’il s’agit de certaines fonctions plutôt honorifiques qu’administratives et qu’il se rencontre dans le pays des hommes dévoués, et qu’une position de fortune indépendante, qui consentent à les remplir gratis, je pourrais être de l’avis de ces deux honorables membres ; mais pour une administration difficile et compliquée, qui doit rendre compte, chaque jour et à chaque heure, de ses actes au ministre, je dis que des fonctions remplies par des employés amateurs, courent grand risque d’être mal remplies ; je ne veux entrer dans aucun détail ; car je le répète, par cela même que le fonctionnaire ne reçoit pas de traitement sur les fonds de l’Etat, il n’a pas de compte à rendre ; c’est là un grand vice. Le ministre n’a pas d’action sur lui (Dénégation sur quelques bancs) ou tout au moins il n’a pas la même action sur lui, reconnaissez-le de bonne foi.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je dirai simplement que ce fonctionnaire est vis-à-vis du ministre dans la même position que s’il était salarié. S’il s’absente, c’est en vertu d’un congé que je lui donne, après avoir pris les précautions nécessaires pour que le service ne souffre pas. Mais, je dois le dire, jamais je n’ai assisté à une semblable discussion ; c’est une véritable inquisition de personnes ; jamais, non jamais, ; je n’ai vu discuter de cette manière les questions d’administration et de personnes.
M. Dumortier – Messieurs, je regrette vivement que de semblables reproches s’adressent à un homme qui, dans les fonctions qu’il remplit, fait preuve de tant de dévouement, de tant de capacité et d’intelligence. On vient nous demander : ce fonctionnaire se rend-il régulièrement à son poste ? mais les honorables membres qui font cette demande, doivent savoir aussi bien que moi que le fonctionnaire dont il s’agit, garde la chambre et le lit depuis plusieurs mois. Les pièces à traiter sont envoyées chez lui ; les artistes et les littérateurs qui ont avec cet honorable fonctionnaire des rapports tout au moins aussi agréables qu’avec aucun de ses prédécesseurs, et qui savent qu’une indisposition l’empêche de venir au ministère, vont le trouver chez lui quand ils ont à lui parler d’affaires qui les intéressent. D’ailleurs, il y a dans la division des arts et des sciences un jeune homme très-distingué, M. Eugène Vanderbelen, qui remplir parfaitement les fonctions de chef de bureau.
Je le répète, il est impossible de trouver une personne qui ait plus de sympathie pour les beaux-arts que l’honorable comte de Beaufort, et qui ait des connaissances plus variées en matière d’art. Je suis vraiment peiné de voit l’honorable M. Rogier qui porte tant d’intérêt aux arts, adresser à ce fonctionnaire des reproches qui, dans la position de santé où celui-ci se trouve, touchent en quelque sorte à l’inhumanité.
M. Rogier – Je n’ai certes pas l’intention d’adresser un reproche à un fonctionnaire malade. J’ai raisonné surtout en principe, j’aurais pu aller plus loin . J’ai dit qu’un ancien chef de bureau, qui est devenu greffier du conseil des mines, n’a pas été remplacé…
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il a été remplacé.
M. Rogier – Soit ; mais enfin la direction si importante des beaux-arts, des lettres et des sciences n’en demeure pas moins mal organisée au ministère de l’intérieur ; et le système que l’on y suit tend à introduire un grand relâchement dans cette branche si importante de l’administration.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – J’ai interrompu l’honorable membre, car on va de détail et détail, je ne sais où l’on s’arrêtera ; je l’ai interrompu pour lui dire que lorsque le chef du bureau des arts a quitté le ministère, il a été remplacé par un employé que j’ai jugé digne du titre de chef de bureau. Veut-on maintenant discuter les titres de cet employé aux fonctions de chef de bureau ? Il me semble qu’on en est là.
Je dis qu’il n’y a pas relâchement au ministère de l’intérieur, notamment en ce qui concerne les établissements qui en dépendent ; je dirais, au contraire, s’il m’était permis d’entrer dans les détails, que j’ai fait des efforts (page 865) qu’on n’avait pas faits avant moi, pour arriver à beaucoup plus de régularité, à beaucoup plus d’activité dans certaines administrations…
M. Rogier – Je maintiens tout ce que j’ai dit hier.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je maintiens tout ce que je dis à mon tour. Mais on m’attire sur un terrain où je suis dans l’impossibilité de me placer.
- La discussion générale sur le chap. XX est close. On passe aux articles.
« Art. 1. Lettre et sciences : fr. 189,000.
Charge extraordinaire : fr. 12,000. »
M. Dumortier – J’ai vu avec regret qu’il y avait une réduction de 2,000 fr. faite sur le crédit destiné à la commission d’histoire. Vous le savez, messieurs, cette commission a fait un grand nombre de publications qui intéressent au plus haut degré l’histoire nationale : l’archiviste général du royaume, envoyé en Espagne, en est revenu récemment, en apportant avec lui une collection volumineuse de lettres de Charles-Quint et de Philippe II. Ces lettres, qui présentent un haut intérêt pour notre histoire, devront sans doute être publiées ; mais comment pourra-t-on faire face aux frais de cette publication, si l’on réduit le chiffre alloué à la commission d’histoire. Cette collection formera au moins 6 volumes in-4°.
Je demanderai donc que le chiffre soit rétabli au taux de celui qui a été alloué l’année dernière. Je pense que M. le ministre de l'intérieur ne s’opposera pas à ma proposition ; je propose de porter le chiffre de 12,000 fr. à 14,000 fr.
Je voudrais aussi que M. le ministre de l'intérieur distribuât à un plus grand nombre de personnes les documents publiés par la commission royale d’histoire. Ces documents se tirent à 500 exemplaires. Il doit en rester 300 à 350 dans les magasins du ministère. Je voudrais qu’on utilisât ces exemplaires : on pourrait les envoyer aux membres des chambres, comme on leur envoie les Bulletins, et à leur tour les membres des chambres pourraient les communiquer aux personnes qui s’occupent d’études historiques et qui auraient ainsi à leur portée les meilleures sources de notre histoire nationale.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, voici la marche qui a été suivie par mes prédécesseurs et que j’ai maintenue pour la distribution des publications de la commission royale d’histoire. On ne dispose d’aucun exemplaire sans consulter la commission. La commission, je dois le dire, ne partage pas l’opinion de l’honorable préopinant ; elle est, au contraire, d’avis qu’il faut se montrer moins large que jamais dans cette distribution ; elle m’a prié, dans ces derniers temps, de lui adresser le moins de demandes possible. Je ne veux pas nommer les personnes à qui j’ai refusé ces publications, sans même en référer à la commission royale d’histoire. Du reste, je m’entendrai avec la commission pour savoir si l’on peut aller plus loin dans la distribution.
L’honorable membre propose de reporter à 14,000 fr. le chiffre de 12,000. Remarquez bien qu’il ne s’agit pas ici d’un article du budget ; il s’agit d’une subdivision d’article. Si la commission d’histoire a besoin de 14,000 fr., elle les demandera au ministre, et j’espère pouvoir, en ce cas, lui donner le supplément de 2,000 fr. sur l’ensemble de l’article.
Je ne voudrais pas, par ce vote complémentaire de deux mille francs, consacrer le principe que les 14 mille francs sont invariablement acquis comme dotation à la commission d’histoire. Je ne puis pas adopter ce précédent. Si la commission d’histoire a besoin de deux mille francs de plus, elle me le fera connaître, je ferai en sorte de les lui accorder.
M. Dumortier – Je crois qu’il serait difficile de trouver sur l’ensemble de
l’article la somme dont il s’agit, parce que tous les littera ont des
applications spéciales. Ainsi, irez-vous retrancher à l’Observatoire de
Bruxelles, aux encouragements pour les lettres et les sciences, à la bibliothèque
Royale ou au Musée Royal d’histoire naturelle ? La chambre a fait des
espèces de dotations pour les établissements scientifiques de
La littérature n’est pas trop encouragée ; si vous allez encore réduire les petits encouragements qu’on peut lui donner, que deviendra-t-elle ? Il serait à désirer que le chiffre de l’année dernière fût reproduit, parce qu’il est impossible que les grandes publications se fassent avec le chiffre réduit qu’on propose. Les documents de Simoneau seuls ont une immense importance ; ils formeront au moins six volumes, peut-être dix. Je vous demande si vous pouvez publier cela avec 12 mille fr. ? Chaque volume coûte trois à quatre mille francs. Trois ou quatre colis sont à l’impression. Il sera impossible que la commission, qui a des devoirs à remplir envers la chambre et le pays, s’en acquitte, si on ne met pas à sa disposition les fonds nécessaires. Je demande la division. Quand nous en serons à ce littera, je proposerai une augmentation de 2 mille fr.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je regrette, j’ai des raisons particulières de regretter que cette discussion se prolonge. L’honorable membre demande le rétablissement des deux mille francs, d’abord parce que cela forme une espèce de dotation mise à la disposition de la commission d’histoire. C’est ce que je ne puis admettre, c’est ce que la cour des comptes n’admet pas. Je crois que les 12 mille fr. peuvent suffire ; s’ils ne suffisaient pas, je chercherais sur l’ensemble de l’article la somme qui pourrait manquer. On appuie l’augmentation par deux motifs, c’est que la commission publierait les documents rapportés d’Espagne par l’archiviste général.
Je ne vois pas d’inconvénient à ce que cette publication soit considérée comme faisant partie de la collection de la commission d’histoire ; tout ce qui sera de nature à faire honneur à la commission d’histoire sera vu par moi avec plaisir ; mais s’il est décidé que les documents rapportés d’Espagne, qui formeront au moins six volumes, font partie des publications de la commission d’histoire, ces deux mille francs ne suffiront pas. Au reste, cette publication n’est pas aussi prochaine que l’honorable membre paraît le croire. Il y a d’abord une question très-grave à résoudre : faut-il traduire ces documents ?
M. Dumortier – Certainement !
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’honorable membre dit : oui ; je suis assez de son avis ; il faudra pour cela beaucoup de temps et même d’argent. L’argent, encore une fois, je ne le trouverai pas sur les deux mille francs qu’il propose. J’engage l’honorable membre à renoncer à sa demande et à se contenter des explications que j’ai données, de l’assurance que je réitère ; si les douze mille francs ne suffisent pas, je ferai en sorte de trouver ce qui manquerait sur l’ensemble de l’article.
M. Dumortier – D’après ces explications, je n’insiste pas.
- L’article, tel qu’il est proposé par le gouvernement, est adopté.
« Art. 2. Frais d’administration (personnel : fr. 23,750. »
La section centrale propose une réduction de 2,400 fr.
M. le président – Le gouvernement se rallie-t-il à cette proposition.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Vous vous rappelez que dans les budgets précédents figurait une somme pour le classement des archives allemandes ; cette somme était de 2,400 fr. Il s’est élevé une question au sujet de la loi des pensions. On s’est demandé si cette personne devait contribuer à la caisse des veuves et des orphelins, et être considérée comme employé de l’Etat. Je pense qu’il est équitable de résoudre la question affirmativement. Pour qu’il n’y ait pas de doute, j’ai proposé de réunir la somme de 2,400 fr. qu’elle touchait, aux frais d’administration des archives du royaume. De cette manière, la position de cet employé sera régularisée. Voilà quel a été mon but en demandant la réunion de cette allocation spéciale à l’article général.
- Le chiffre proposé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.
« Article 3. matériel : fr.
2,600. »
- Adopté.
« Art.
4. Frais de publication des inventaires des archives : fr. 4,000. »
- Adopté.
« Art.
5. Archives de l’Etat dans les provinces : frais de recouvrement de
documents provenant des archives tombés dans des mains privées ; frais de
copies de documents concernant l’histoire nationale. : fr. 15,000. »
M. Dumortier – Je dois renouveler, à l’occasion de cet
article, une observation que je fais depuis plusieurs années, relativement à un
objet auquel je tiens beaucoup ; je veux parler des archives de l’ancienne
secrétairerie d’Etat de
Voilà,
messieurs, ce que stipulait en termes exprès l’article 13 du traité de
Campo-Formio. Le traité de Lunéville renfermait la même disposition, une partie
notable des archives de
Le traité
de Paris a encore ordonné la restitution des archives ; le traité des 24
articles prescrit également la restitution des archives respectives ; cela
se met d’ailleurs dans tous les traités. Mais jamais l’Autriche n’a rendu à
Depuis
plusieurs années, j’ai adressé au gouvernement les demandes les plus formelles
de faire des démarches incessantes pour que ces articles des traités fussent
exécutés. Par suite de ces traités, de dettes de l’Autriche sont tombées à
notre charge ; nous les payons ; l’Autriche devra bien nous rendre
les papiers qu’elle devait nous restituer, aux termes du traité de Campo-Formio.
Je sais bien que quelques démarches on été faites par le gouvernement, mais je
doute qu’on ait mis dans cette affaire toute l’activité désirable. Car je suis
convaincu que M. de Metternich, qui en 1792 prit part à l’enlèvement de nos
archives, ne pourrait pas se refuser à les rendre, si la réclamation lui était
adressée. Je demande donc que le gouvernement insiste fortement pour obtenir
ces archives, qui sont très-importantes pour nous. Je ne vois pas quel intérêt
peut avoir l’Autriche à vouloir garder les archives du Conseil d’Etat, les
chartes de Flandre et de Brabant.
Qu’est que
l’Autriche a de commun avec
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je puis
déclarer à la chambre que le gouvernement a mis de l’activité et de
l’insistance dans la réclamation dont il s’agit. Mais l’honorable préopinant
lui-même vous a fait apercevoir la difficulté.
Il y a une
distinction à faire dans les documents qui tiennent à l’administration et ceux
qui tiennent à l’existence, à l’histoire de la dynastie qui peut avoir régné
sur un pays. Cette distinction est surtout importante quand (page 866) on se reporte à l’époque où
les Etats étaient considérés comme des biens patrimoniaux.
Voilà la
question qui s’est présentée entre le gouvernement autrichien et le
gouvernement belge.
Nous avons
fait des démarches, nous en ferons encore, mais vous voyez vous-mêmes quels
sont les obstacles que nous rencontrons.
M. Dumortier – Je comprends fort bien que l’on
fasse naître des difficultés en Autriche ; comme on voulait garder des
archives, on a dû chercher quelque moyen pour appuyer une pareille
prétention ; mais, je le répète, les archives du conseil d’Etat ne sont
pas plus des archives appartenant à la maison d’Autriche que les archives du
conseil d’Etat de l’empire ne pourraient appartenir à la famille Bonaparte. Ce
ne sont pas là des archives de famille, ce sont des archives appartenant au
domaine public, ce sont des archives qui concernent exclusivement les affaires
du pays. Il y a même les chartes originales du Brabant et des Flandres. De quel
droit l’Autriche peut-elle venir prétendre que ces chartes lui
appartiennent ? Sont-ce là des archives de famille ? L’Autriche a
possédé les domaines de Flandre et de Brabant par suite de successions. Mais
Eh bien, il
en est tout à fait de même des prétentions de l’Autriche. Mais il y a des
maisons d’Allemagne qui pourraient également former des réclamations de cette
nature. Le grand-duc de Hesse, par exemple, pourrait venir dire que les chartes
du Brabant lui appartiennent, parce qu’il descend des ducs de Brabant.
Il y a,
messieurs, une grande distinction à faire entre des archives de famille, des
correspondances particulières, secrètes, entre les souverains, relativement à
leurs affaires privées, et des archives d’Etat, des archives qui concernaient
nos affaires et qui n’avaient aucun rapport aux affaires de l’Allemagne, aux
affaires de l’Autriche.
Je dis donc
que la prétention de l’Autriche n’est nullement fondée, et je suis convaincu
que le gouvernement, en insistant sérieusement, obtiendra un résultat
favorable. Je sais bien que les agents diplomatiques, dans les pays étrangers,
aiment à s’éviter des embarras pour des objets qu’ils envisagent comme
secondaires ; mais nous ne devons pas nous arrêter devant de pareilles
considérations. Il importe, avant tout, que
M.
Desmet – Messieurs, vous connaissez tous la carte de Ferraris ; mais il en
a été fait deux exemplaires sur une grande échelle, dont l’un était destiné à
la cour de Vienne, et l’autre au gouvernement belge. Ces deux exemplaires se
trouvent en Autriche ; on les appelle la carte topographique. J’insiste
pour que le gouvernement réclame l’un de ces exemplaires qui revient à
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – On a aussi réclamé cette carte. On ne l’a pas
obtenue.
- Le
chiffre de 15,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Art. 6. Location de la maison servant
de succursale au dépôt général des archives de l’Etat : fr. 3,500. »
- Adopté.
« Art.
7. Beaux-Arts : fr. 231,000. »
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je désire
que la chambre accorde le chiffre demandé par le gouvernement. C’est sur ce
chiffre qu’il faut prélever, entre autres, la dépense des deux Conservatoires,
qui sont l’un et l’autre des institutions de l’Etat, le Conservatoire de
Bruxelles et celui de Liége.
Le
Conservatoire de Liége jouit aujourd’hui d’un subside de l’Etat de 12,000 fr.
L’allocation a été portée à ce chiffre en 1842, sur ma proposition. Il y avait
autrefois 10,000 fr. La ville et la province de Liége allouent des subsides qui
forment une somme beaucoup plus considérable que le subside de l’Etat.
Cependant cet établissement est considéré comme établissement de l’Etat ;
le gouvernement fait, comme à Bruxelles, les nominations.
On a projeté
à Liége une réorganisation de cet établissement. C’était à la fin de décembre
1844, à une époque où l’on aurait pu supposer le budget de l’intérieur voté,
quand j’ai reçu les nouvelles propositions de la commission administrative du
Conservatoire de Liége. D’après ce projet, il faudrait une augmentation de
7,500 fr. c’est-à-dire que le subside de l’Etat serait porté à 19,500 fr. je ne
crois pas devoir me prononcer sur cette réorganisation que je n’ai pas été à
même d’examiner mûrement.
Je crois
cependant qu’il conviendrait de faire quelque chose de plus, en 1845, pour le
Conservatoire de Liége.
Je me
propose donc d’allouer une augmentation à cet établissement sur l’ensemble de
l’article, sauf à décider ultérieurement quelle sera la somme demandée pour 1846.
Me
proposant de trouver sur l’ensemble de l’article une augmentation pour le
Conservatoire de Liége, je demande qu’on ne réduise pas l’article de 6,000 fr.
comme le propose la section centrale. Ce n’est pas à dire qu’on alloue 6,000
fr. de plus au Conservatoire de Liège. Je ne me propose pas d’allouer cette
somme en 1845. On allouerait 2 ou 3 mille fr., on s’entendra sur la
réorganisation définitive Il faudra un arrêté royal qui approuve les nouveaux
statuts. Nous verrons quelles sommes nous devrons demander pour 1846.
Ainsi l’on
procédera régulièrement, tout en mettant le gouvernement à même d’allouer une
certaine somme dès 1845.
M. Delfosse – D’après les explications que M. le ministre
de l'intérieur vient de donner, je voterai pour l’augmentation de 6,000 fr.
contre laquelle je me serais prononcé sans cela. Je ne vois pas, en effet,
pourquoi on accorderait une augmentation de 6,000 fr. au Conservatoire de
Bruxelles, déjà si favorablement traité, alors qu’on ne ferait rien pour le
Conservatoire de Liége, qui n’a qu’un subside médiocre insignifiant, si on le
compare aux sacrifices que la ville et la province s’imposent pour cet
établissement.
Le
Conservatoire de Liége a été créé en même temps que celui de Bruxelles ;
dans le principe, il jouissait de la même protection. Peu à peu on a augmenté
le subside du Conservatoire de Bruxelles, et les choses en sont venues à ce
point que le Conservatoire de Liège ne reçoit pas maintenant le tiers du
subside accordé au Conservatoire de Bruxelles.
Il faut
convenir que c’est là une inégalité que rien ne peut justifier.
J’avoue que
j’en cherche en vain la cause. Est-ce que, par hasard, le Conservatoire de
Liége ne formerait pas des artistes aussi distingués que celui de Bruxelles
personne n’oserait le soutenir. N’est-ce pas un élève du Conservatoire de Liége
qui a obtenu le 1er prix de composition musicale ?
Et c’est
alors qu’il existe une inégalité aussi choquante, dont nous avons tant à nous plaindre,
que l’on voudrait la rendre plus choquante encore en donnant six mille francs
de plus au Conservatoire de Bruxelles, tandis que le subside du Conservatoire
de Liége resterait stationnaire.
Je félicite
M. le ministre de l'intérieur d’être revenu à de meilleurs sentiments, et
j’aime à croire qu’il sentira la convenance et la justice de faire pour le
Conservatoire de Liége même plus qu’il ne vient d’annoncer.
M. Rodenbach – Je ne m’oppose pas à l’augmentation
de subside dont il s’agit pour le conservatoire de Liége. Mais il faut convenir
que pour le Conservatoire de la capitale, le subside doit être infiniment plus
considérable.
La patrie
de Grétry a droit sans doute à ce que l’Etat encourage chez elle l’art musical.
Cependant je citerai l’exemple de la ville de Gand qui pourvoit seule à tous
les frais de son Conservatoire.
Je ferai
remarquer que le Conservatoire de Bruxelles est un établissement qui honore le
pays, et qui est utile au pays tout entier. Une foule de jeunes gens de toutes
nos provinces viennent y étudier et se font ainsi une carrière ; vous le
savez, les plus célèbres instrumentistes de notre époque, les plus grand
violonistes notamment, ceux aux succès de qui toutes les capitales de l’Europe
ont applaudi, et qui ont trouvé en Amérique de nouveaux triomphes, sont des
Belges, sont des élèves du Conservatoire de Bruxelles.
Ne croyez
pas cependant que les professeurs soient trop payés ; une dame professeur
de piano n’a qu’un traitement de 300 fr. ; ce n’est certes pas
considérable.
Par les
motifs que je viens d’indiquer, je voterai l’augmentation de 6,000 francs
demandée.
M.
Maertens, rapporteur – La section centrale n’a pas proposé une réduction
sur l’article « Beaux-Arts » ; mais elle a refusé une
augmentation demandée par M. le ministre sur cet article.
La question
est celle-ci : Il y a un chiffre global porté comme encouragement pour les
beaux-arts. Il y a un littera : « Conservatoire de Bruxelles ».
M. le ministre de l'intérieur, dans les développements du budget, expose que,
depuis quelques années, le Conservatoire de Bruxelles reçoit sur le chiffre
global des « Beaux-arts » une augmentation qui s’élève déjà à 6,000 fr.,
il déclare que cette augmentation doit être conservée, et à cette fin il
propose de porter de 39,000 à 45,000 fr. l’allocation pour le Conservatoire de
Bruxelles ; mais, en même temps, il maintient pour les encouragements aux
beaux-arts le même chiffre que celui qui a été voté l’année dernière. Il y a
donc en réalité une augmentation de 6,000 fr.
La section
centrale a répondu à M. le ministre que, s’il croyait nécessaire de maintenir
la majoration de 6,000 fr. pour le Conservatoire de Bruxelles, il pouvait le
prendre sur le chiffre global, sur lequel il les avait imputés jusqu’à présent.
Les
explications que M. le ministre vient de donner prouvent que la section
centrale avait raison ; car aujourd’hui il ne demande plus cette
augmentation pour le Conservatoire de Bruxelles ; il veut en accorder une
au Conservatoire de Liége.
La
questions se réduit donc maintenant à savoir quel est le supplément qu’il
convient d’accorder au Conservatoire de Liége, qui jouit déjà aujourd’hui d’un
subside de 12,000 fr. Il serait à désirer que M. le ministre s’expliquât
positivement sur ce point.
M. Rodenbach – C’est comme cela que je l’entends.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Ces 6,000
fr. que je persiste à demander ne sont pas destinés au Conservatoire de Liége.
Le
Conservatoire de Bruxelles continuera à recevoir ce qu’il touchait les années
précédentes, c’est-à-dire le subside ordinaire, plus les 6,000 fr. qu’on
prélève depuis fort longtemps sur le fonds global. Que demandons-nous pour le
Conservatoire de Liége ? Que l’on puisse prélever pour cet établissement
en 1845 une somme de 2 ou 3 mille fr.
La
commission administrative de ce Conservatoire a arrêté un projet de
réorganisation qui après examen sera approuvé, s’il y a lieu, par arrêté royal.
Nous saurons alors définitivement ce qu’il faudra porter au budget de 1846, si
les 19,500 fr. que réclame la commission administrative doivent figurer au
budget de l’Etat, ou si la ville et la province ne doivent pas y contribuer
pour une certaine somme.
M.
Delfosse – La ville donne 15,000 fr. et les bâtiments.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je le
sais ; je ne conteste pas que ce ne soit déjà beaucoup.
(page 867) M. Fleussu – Lorsque le Conservatoire royal de
Bruxelles reçoit un subside de l’Etat de 45,000 francs, il est fort étrange que
M. le ministre de l'intérieur ne puisse pas, dès à présent, déclarer qu’il se
propose d’accorder au Conservatoire de Liége une augmentation de 7,200 francs,
ce qui ne porterait le chiffre de son subside qu’à 19,200 francs.
Vous savez que les deux établissements ont été
créés par le même arrêté, qu’une dotation de 4,000 florins a été affectée à
chacun de ces établissements, que les villes devaient venir en aide au
gouvernement par un subside de même importance, et de plus fournir les locaux
nécessaires.
Voilà
quelle était la convention entre le gouvernement précédente et les
villes : c’était un véritable contrat.
Je ferai
remarquer à l’honorable M. Rodenbach que les conservatoires des Bruxelles et de
Liége ne sont pas dans la même position que ceux que les autres villes ont pu
établir, parce que, pour ces derniers, il n’y a pas obligation
contractée ; les autres villes peuvent abandonner leurs conservatoires,
tandis que les villes de Liége et de Bruxelles sont obligées de conserver les
leurs. Ce sont des Conservatoires royaux, des établissements appartenant à
l’Etat, pour lesquels les villes fournissent des subsides.
Les deux
conservatoires, comme l’a dit l’honorable M. Delfosse, ont été mis sur le même
pied pendant nombre d’années, c’est-à-dire qu’ils recevaient 4,000 fl. du
gouvernement et 4,000 fl. de la ville. Le Conservatoire de Bruxelles, parut, à
l’époque de la révolution, tombé dans une espèce de léthargie, on n’entendait
pas parler de lui. Mais il s’est réveillé pour réclamer des privilèges. Dès
1832, sans doute, comme l’a dit l’honorable M. Rodenbach, parce que c’est un
établissement de la capitale, il a réclamé des privilèges ; ils ont été
faibles d’abord ; ils ont passé inaperçus. La chambre n’a pas fixé son
attention sur de faibles augmentations. Mais le Conservatoire et le
gouvernement se sont enhardis : d’année en année, on a demandé des subsides
beaucoup plus élevés, jusqu’au point qu’en 1838, le Conservatoire de Bruxelles
recevait 20,000 fr., tandis que celui de Liége était réduit à 10,000 fr.
Quand je
suis rentré à la chambre, j’ai fait entendre ma voix le plus haut que j’ai pu
pour signaler cet abus. Ma voix n’a pas été écoutée. C’a été un nouvel
encouragement pour le Conservatoire de Bruxelles ; car en 1839, il n’y
avait encore qu’une différence de moitié entre les deux Conservatoires royaux.
Maintenant, comme le faisait observer l’honorable M Delfosse, le Conservatoire
de Liége ne reçoit pas le tiers du subside de celui de Bruxelles.
Mais, de
grâce, pourquoi ce privilège pour le Conservatoire royal de Bruxelles ?
est-ce que, par hasard, il se signale par plus de succès que le Conservatoire de
Liége ? mais il en est tout autrement. Voyez tous les orchestres
non-seulement en Belgique, mais même en France, vous y trouverez des artistes
distingués sortis du Conservatoire de liége.
Le
Conservatoire royal de Liége, messieurs, a produit de nombreux artistes, et des
artistes remarquables. Ai-je besoin de vous signaler les Prum, les Massart, les
frères Franck, les Laurent et tant d’autres artistes qui font briller le nom
belge à l’étranger ?
J’ai
entendu l’honorable M. Rodenbach vous dire : Il faut faire davantage pour
le Conservatoire de Bruxelles, parce que les jeunes gens viennent surtout
étudier dans la capitale. Mais, messieurs, beaucoup de jeunes gens viennent
aussi étudier à Liége, et s’y font une carrière brillante. Dans le concours
général qui a eu lieu, d’où sont sortis
les lauréats ? Est-ce du Conservatoire de Bruxelles ? Non, messieurs,
les Soubre et les Ledent appartiennent au Conservatoire de liége.
Rien donc
ne justifie les préférences que l’on a accordées jusqu’à présent au
Conservatoire de Bruxelles. Il est évident, messieurs, que la dépense pour les
professeurs et pour les frais d’établissement est la même à Liége qu’à
Bruxelles ; dès lors, pourquoi faut-il que l’on donne 45,000 fr. à
Bruxelles et que l’on ne donne, jusqu’à présent, que 12,000 fr. à Liége ?
Il me
semble, messieurs, que puisque M. le ministre de l'intérieur a à sa disposition
une somme de 6,000 fr. il ferait bien de donner dès aujourd’hui quelques
encouragements au Conservatoire de musique de Liège car, je dois le dire, on se
demandait avec une certaine inquiétude quelles étaient les intentions du
gouvernement à l’égard du Conservatoire de Liége. On se demandait si, après
l’expiration du terme pour lequel le Conservatoire royal de Liége, a été
établi, l’intention du gouvernement n’était pas de n’avoir qu’un Conservatoire
qui serait à Bruxelles et de déposséder ainsi la patrie de Grétry de son
Conservatoire de musique.
Messieurs,
dans la pensée de l’ancien gouvernement, qui ne voulait qu’un seul
Conservatoire, c’était à Liége qu’il devait être établi. Mais, comme
Je dis, messieurs,
que d’après ces considérations, et aussi pour rendre quelque confiance aux
administrateurs du Conservatoire de Liége, le ministère ferait bien de se
prononcer plus ouvertement qu’il ne le fait ; car s’il donne des promesses
pour 1846, 1845 ne doit pas rester entièrement stérile. Il est certain, et M.
le ministre de l'intérieur le sait, que le budget du Conservatoire de Liége
s’élève à la somme de 40,800 fr. La ville, qui ne devait intervenir dans cette
dépenses que pour huit mille et quelques cents francs (4,000 florins),
intervient pour 15,000 fr. Elle a bâti un local, fait des dépenses
considérables. Elle a senti que le Conservatoire était abandonné par l’Etat,
elle devait faire des efforts pour ne pas le laisser tomber. La province qui ne
devait rien (car je ne crois pas que la province du Brabant donne un subside
pour le Conservatoire de Bruxelles), la province, dis-je, est venue en aide à
la ville ; elle donne 3,600 fr.
Messieurs, le budget du Conservatoire de Liége
s’élève à 40,800 francs. Cependant, si vous examinez les chiffres des
traitements des professeurs, vous verriez qu’aucun d’eux n’est trop
élevé : outre le subside de 12,000 fr. qu’a jusqu’ici donné le
gouvernement, il restera encore à pourvoir à une dépense de 7,000 et des cents
francs…
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – C’est le
nouveau budget qui s’élève à 40,800 francs.
M. Fleussu – Oui,
celui de 1845.
Si votre
intention est réellement de soutenir le Conservatoire royal de Liége, je ne
vois pas pourquoi vous voulez le laisser dans l’incertitude jusqu’en 1846. Vous
connaissez le budget de 1845, il ne faut pas que l’établissement languisse
pendant cette année pour reprendre une certaine vigueur en 1846.
M.
de Mérode – Messieurs, l’inconvénient d’avoir deux
Conservatoires, c’est qu’il faut faire des sacrifices beaucoup plus
considérables.
Je ne sais
s’il valait mieux établir un Conservatoire dans la patrie de Grétry qu’à
Bruxelles ; mais il me semble qu’il aurait fallu se borner à un seul
Conservatoire ; nous n’aurions pas eu alors ces réclamations qui
augmentent continuellement d’importance. Car à mesure qu’on ajoute aux frais de
l’un des établissements, l’autre veut aussi des augmentations.
Je ne sais,
messieurs, si ce qu’on accorde de plus au Conservatoire de Bruxelles fait tort
à celui de Liége. Je ne le crois pas. Mais plutôt que de voter sans cesse de
nouveaux subsides, il me semble qu’il faudrait de contenter d’un seul
Conservatoire qui serait placé soit à Liége, soit à Bruxelles.
M.
Desmet – Messieurs, j’appuie l’augmentation de 6,000 fr. qui vous est demandée,
et je ne m’opposerai pas non plus à ce que M. le ministre de l'intérieur prenne
des fonds sur l’article général, pour augmenter le subside au Conservatoire de
Liége.
Cependant,
messieurs, il faut distinguer. Il y a un certaine différence entre le
Conservatoire de Bruxelles et celui de Liège, non pas quant au mérite des deux
Conservatoires ; mais un fait existe, c’est que c’est surtout à Bruxelles
que les jeunes gens de toutes les parties du pays se rendent pour s’instruire
dans l’art musical.
Il est
vrai, messieurs, que la ville de Liége fait de grands sacrifices pour son
Conservatoire.
Je voudrais
que la ville de Bruxelles en fît de même ; car je crois qu’elle ne fait
rien pour son Conservatoire. (Oui !
oui !) Ce qu’il y a de certain, c’est que le Conservatoire n’a pas de
salle pour donner ses concerts. Je trouve que la ville devrait en mettre un à
sa disposition.
Je serait
donc favorable, messieurs, à tout ce qui sera fait pour le Conservatoire de
Bruxelles. Je puis dire que c’est la première école musicale de l’Europe. Nous
en sommes redevable à son illustre chef, qui est une sommité européenne en fait
de musique. Je crois que nous devons faire ce que juge utile ce savant, qui a
déjà formé tant d’excellents élèves.
Messieurs,
il n’y a pas, je puis le dire, un orchestre meilleur que celui du Conservatoire
de Bruxelles ; qu’on aille à Vienne, à Paris, on n’y trouvera pas une
réunion de musiciens aussi remarquable.
Je crois
donc qu’il faut voter l’augmentation qui vous est demandée. Peut-être même, si
nous ne devions pas viser à l’économie, faudrait-il faire plus. Car la plupart
des professeurs sont très-peu payés. Il y a des sommités musicales qui ne
reçoivent que 6 à 700 francs pour donner tous les jours des leçons. C’est
réellement trop peu.
- La
discussion est close.
Le chiffre
de 231,000 fr. proposé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.
Article 8
« Art.
8. Exposition nationale et triennale des beaux-arts : fr. 20,000. »
- Adopté
« Art.
9. Monument de la place des martyrs : fr. 2,000. »
M. de Mérode – A l’égard
des monuments, j’ai un désir à exprimer publiquement, messieurs. C’est qu’on y
mette des inscriptions qui apprennent quelque chose à la postérité.
Lorsque je
lis sur le monument de la place St-Michel, en grosses lettres,
« Patria », je suppose un étranger venant en Belgique dans un siècle
seulement, et je me demande ce qu’il apprendra par ce laconique ultra-vulgaire
à l’égard des faits historiques que doit rappeler l’édifice monument de 1830.
Sur le
piédestal de la statue du général Belliard, je vois pour renseignement son nom,
sa qualité, ni date du jour ni du lieu de sa naissance. Puis, « il fut à
Castiglione, à Héliopolis, à Austerlitz, à
(page 868) Malheureusement l’inscription
dont je parle est insignifiante et nulle, autant que l’homme auquel elle
s’applique a été saillant.
Aussi, plus
d’une fois, j’ai entendu demander pourquoi a-t-on élevé une statue à
Belliard ? Et cependant, quand un pays dresse une statue sur une place
publique, il faut savoir quel en est le motif : un tel honneur devant être
rare, très-soigneusement ménagé et son but parfaitement compris de tous ceux
qui lisent l’instruction explicative.
J’ajoute
qu’étant l’un des souscripteurs pour le monument, je ne vois jamais sans
impatience que j’aie concouru à rendre l’honneur le plus insigne à la personne
nommée Belliard, qui fut, on ne sait comment, si l’on consulte l’inscription, à
Castiglione, à Heliopolis, à Austerlitz, à
J’espère
donc que M. le ministre de l'intérieur voudra bien corriger le plus tôt
possible les conceptions de style lapidaire que je me garde bien de lui
attribuer ; car elles donnent lieu de croire que si le ciseau de nos
artistes sait tailler les formes matérielles des figures monumentales, nos
plumes sont trop inhabiles pour expliquer ce qu’elles signifient.
M. Rodenbach – Messieurs, il y a quelques années,
nous avons voté des fonds pour l’érection d’un monument à la mémoire du
chanoine Triest, un des amis de l’humanité les plus célèbres de
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je pense
que dans très-peu de temps, ce monument sera achevé et placé.
- L’article
est mis aux voix et adopté.
« Art.
10. Troisième septième pour l’exécution de la statue équestre de Godefroid de
bouillon : fr. 12,500. »
- Adopté.
« Art.
11. Monuments à élever aux hommes illustres de
M. Dumortier – Messieurs, je dois renouveler ici une
observation que j’ai déjà eu l’honneur de présenter à l’assemblée, non point
contre le crédit demandé, mais sur l’emploi de ce crédit ; dans une de nos
principales villes on se propose d’ériger une statue à un homme qui n’est guère
connu que comme ayant porté les armes contre son pays. Or, je le demande,
est-ce là un titre pour qu’on lui élève une statue. Mais il me semble que ce
seul fait suffirait pour qu’on n’élevât point une statue au plus grand génie du
monde. J’ai déjà exprimé le voeu que cette statue fût remplacée par celle de
quelque grand citoyen appartenant à la ville à laquelle je fais allusion et qui
certes, ne manque pas de grands hommes. Je crois que la statue n’est point
encore faite et je viens de nouveau réitérer la demande que j’ai faite à cet
égard au gouvernement. Je déplorerais toujours que l’Etat intervînt par des
subsides ou même laissât faire les villes lorsqu’il s’agit d’élever des statues
à des hommes qui ont porté les armes contre
M. Rodenbach – Je me joins à l’honorable
préopinant. Si réellement la statue de Simon Stevin n’est pas encore achevée,
je voudrais qu’on la remplaçât par une autre. Il est vrai que Simon Stevin est
un célèbre mathématicien, qu’il est l’inventeur du calcul décimal, mais comme
le dit l’honorable préopinant, il a porté les armes contre sa patrie ; le
fait est certain, et dès lors on ne doit pas lui élever une statue.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il s’agit
d’un homme remarquable comme mathématicien. C’est à ce titre que la ville de
Bruges a cru devoir lui élever une statue. C’est la ville qui a pris
l’initiative ; il y a déjà un nombre d’années elle s’est adressée au
gouvernement pour obtenir un subside, et ce subside a été accordé, je pense,
sur les fonds généraux ; car la somme spéciale que nous discutons en ce
moment ne figurait pas encore au budget.
Néanmoins,
je me suis, depuis lors, adressé à l’administration communale, je lui ai
demandé si l’on ne pourrait pas substituer une autre statue à celle de Simon
Stevin, non pas que j’eusse contre ce mathématicien précisément le même grief
que l’honorable M. Dumortier qui est, je pense, un peu trop rigoureux. (Interruption).
J’aurais
voulu que la ville de Bruges érigeât une statue, par exemple, à Baudouin de
Constantinople. J’en ai fait la proposition, mais on m’a dit que c’était trop
tard. Je ne pouvais pas faire davantage, les fonds étaient accordés.
Je crois,
du reste, qu’on peut élever une statue à Simon Stevin considéré comme
mathématicien. J’espère que Baudouin de Constantinople aura son tour. Je
regrette qu’il vienne en deuxième ligne, mais il aura son tour à Bruges ou
ailleurs.
M. Dumortier – Messieurs, je regrette que M. le
ministre ne soit point aussi rigoureux que moi ; car cette question est
après tout, une question d’honneur national. C’est un fait certain, que Simon
Stevin était à la tête de l’artillerie qui se battait contre nous.
Un membre – Contre
les Espagnols.
M. Dumortier – Ce n’étaient point des Espagnols qui se
battaient à Nieuport contre le prince d’Orange, c’étaient des Belges. C’était
contre nos légions que Simon Stevin dirigeait le feu de ses batteries. Eh bien,
je dis qu’il est déplorable de voir élever des statues à des hommes qui
portaient les armes contre leurs concitoyens. J’aime beaucoup qu’on érige des
statues aux grands hommes de
M. Devaux – Messieurs, la ville de Bruges, en
érigeant une statue à Simon Stevin, a voulu honorer la mémoire de l’un des
grands et des premiers mathématiciens que signale l’histoire de la science
moderne. Ce n’est point à un homme politique qu’elle a voulu rendre cet
hommage. Elle ne s’est point préoccupée de la biographie politique de celui
dont l’illustration repose sur de tout autres titres.
Je
n’examinerai ni le côté moral des luttes qu’on a rappelées, ni la position des
émigrés, le plus ou moins de légitimité que pouvaient avoir à leurs yeux, leurs
voeux et leur but. Il y a des époques, il ne faut pas l’oublier, où, pour
beaucoup d’hommes, le devoir politique est obscur ; où beaucoup cherchent
en quelque sorte de quel côté est la patrie. Il y eut beaucoup de belges
patriotes, même sous le règne d’Albert et d’Isabelle, qui pensaient que
Dans le
fait cité par l’honorable M. Dumortier il ne s’agissait pas de
Il ne faut
pas perdre de vue que, dans les tristes luttes de ce temps, une foule
d’honorables familles belges avaient émigré en Hollande, que des mesures
atroces les avaient chassées du territoire belge. Je ne veux pas dire que
quelques-unes d’entre elles ont eu raison de désirer le succès des armes
espagnoles et de s’associer aux efforts des Hollandais. Mais il est
très-difficile de porter un jugement absolu sur une position aussi obscure et
sur des événements si éloignés.
Je crois
que la ville de Bruges n’est pas coupable pour n’avoir pas voulu se souvenir
qu’il y a deux siècles, tous ses enfants avaient le malheur de n’être pas dans
les mêmes rangs, et n’avoir vu dans Simon Stevin que le mathématicien célèbre
dont le mérite scientifique est établi de la manière la plus incontestable, et
dont, à ce titre, elle a droit d’être fière.
M. Rodenbach – Il n’en est pas moins vrai qu’il a porté les
armes contre son pays.
M. Dumortier – J’ai déjà parlé deux fois sur cette
question, mais je désire pouvoir présenter encore quelques observations.
- La
chambre autorise M. Dumortier à parler une troisième fois.
M. Dumortier – Il y a, messieurs, une très-grande différence
entre la question de savoir si le gouvernement doit laisser faire une ville qui
veut ériger une statue à un grand homme, et la question de savoir si le
gouvernement doit accorder un subside pour l’érection de cette statue. Ce que
je regrette surtout, c’est que le gouvernement ait donné un subside pour aider
la ville de Bruges à élever une statue à Simon Stevin. Par cela même que le
gouvernement accorde un subside, il doit en contrôler l’emploi, et il ne devait
pas accorder un subside pour élever une statue à un homme qui a servi dans les
rangs des ennemis de
L’honorable
député de Bruges vient de dire qu’il s’agit d’une question historique obscure,
qu’à l’époque où les faits se sont passés, bien des patriotes belges ont
abandonné leur pays pour aller servir dans les rangs hollandais.
Eh bien,
messieurs, je dirai à l’honorable membre, que
Quant au
projet de fédération dont l’honorable membre a parlé, c’est une (page 869) affaire qui a eu lieu plus tard, mais à
l’époque où Simon Stevin servait dans l’armée du prince d’Orange, il portait
les armes contre son pays, il combattait
Est-ce donc
là un titre pour avoir une statue ? Pouvons-nous, nous députés de la
nation, sanctionner l’érection d’une pareille statue ? Loin de moi la
volonté d’émettre un semblable vote ; je me regarderais comme ayant manqué
à mon mandat, si je laissais passer sous silence des faits de ce genre. Je suis
partisan des statues à élever aux grands hommes, et heureusement
Des membres – Etes-vous
d’avis d’élever des statues aux comtes d’Egmont et de Horn ?
M. Dumortier – Sans doute ; voulez-vous confondre par
hasard le comte d’Egmont qui, à la tête des belges, combattait à Gravelines et
à St-Quentin ; voulez-vous le confondre avec celui qui a porté les armes
contre sa patrie ? Ce serait un outrage à sa mémoire. Le comte d’Egmont ne
voulait pas du despotisme de l’Espagne, et il avait raison.
La
différence qu’il y a entre d’Egmont et Simon Stevin, c’est que d’Egmont a versé
son sang pour la liberté de
Je le
déclare, cette question m’a toujours beaucoup touché. Si la statue de Simon
Stevin n’est pas faite, j’insiste vivement pour que le gouvernement engage la
ville de Bruges à renoncer à l’érection de cette statue. La ville de Bruges ne
manque pas de grands citoyens ; elle peut, dans la haute politique, élever
une statue, soit à Philippe le Bon, soit à Baudouin, soit même aux divers
membres de la maison de Bourgogne ; dans les arts, elle peut élever une
statue aux frères Van Eyck…
Un membre – Il en
existe déjà une.
M. Dumortier – Voilà des célébrités qui méritent de figurer
sur nos places publiques. Mais, pour mon compte, je verrais avec infiniment de
regret qu’on élevât sur une place publique d’une de nos principales cités une
statue à un homme qui n’est connu dans le monde scientifique que par des œuvres
militaires, que pour avoir porté les armes contre sa patrie.
Ce qu’on a
dit de l’illustration de Simon Stevin est, je dois le dire, un peu
exagéré : Simon Stevin n’a pas eu dans les mathématiques une réputation
aussi colossale qu’on le prétend. Eût-il d’ailleurs une réputation, eût-il été
un Newton, nous aurions toujours à examiner avant d’élever une statue à cet
homme, s’il n’y a pas dans sa vie politique des circonstances qui le rendent
indigne de cet honneur. Elever une statue à un homme qui a porté les armes
contre sa patrie, ne serait-ce pas encourager la trahison ? Les statues
doivent être réservées aux grands hommes dont le patriotisme a toujours été pur
et sans tâche.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) –
L’honorable préopinant vient nous dire que Simon Stevin est connu comme
militaire. C’est là une erreur : son rôle dans l’armée hollandaise était
complètement inconnu. On le connaissait comme mathématicien. Je dis que la
partie restée obscure, presque inconnue de sa vie, comprend les faits qu’on lui
reproche ; mais sa véritable gloire était très connue : c’était son
génie comme mathématicien, et c’est à ce titre que la ville de Bruges a voulu
lui ériger une statue. C’est par là que son nom avait de la popularité à
Bruges.
Voilà le
point de vue auquel la ville de Bruges s’est placée, et en se plaçant à ce
point de vue, je dis qu’on ne doit pas critiquer aussi sévèrement que le fait
l’honorable membre, la conduite du conseil communal de Bruges. Le gouvernement,
dit-il, aurait dû laisser faire et ne pas intervenir. Je réponds que, si le
gouvernement est coupable en intervenant, il aurait dû faire plus que s’abstenir ;
il aurait du recourir à tous les moyens pour empêcher le conseil communal de
Bruges d’ériger une statue au mathématicien Simon Stevin.
L’honorable
membre nous a cité d’autres personnages auxquels des statues pourraient être
élevées. Il a cité, entre autres, Philippe le Bon ; il veut bien élever
une statue à Philippe le Bon ; c’est donc à condition que sur les bords de
M. Dumortier – Philippe le Bon ne portait pas les armes
contre son pays, il combattait à la tête des Belges.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Vous
voyez dans quelle discussion nous allons entrer. Il m’a suffi de faire
remarquer cette espèce d’inconséquence de l’honorable membre ; il consent
à être indulgent envers le monarque, qu’il soit un peu indulgent envers le
mathématicien.
M.
de Brouckere – Messieurs, je ne crois pas le céder à
l’honorable M. Dumortier, en fait de patriotisme ; mais je dois déclarer
que je ne partage pas du tout sa manière de voir. L’honorable M. Dumortier a
traité Simon Stevin, comme si Simon Stevin eût été un traître, c’est même
l’expression dont il s’est servi. Or, Simon Stevin ne mérite pas une semblable
qualification.
Il est
très-vrai qu’il a porté les armes contre
Avant
d’aller plus loin, je rappellerai une époque qui n’est pas très-éloignée de
nous, l’époque de 1815. Est-ce que l’honorable M. Dumortier va appeler traîtres
à leur patrie tous les hommes qui figuraient dans l’armée de Napoléon en
1815 ?
M. Dumortier – Il ne s’agit pas de cela.
M. de Brouckere – Pardon,
ma comparaison est parfaitement juste.
En 1815,
beaucoup de Belges figuraient dans l’armée de Napoléon et sont venus à Waterloo
se battre contre
Il est donc
certain qu’il y a des circonstances où l’un peut être entraîné à se battre
contre son pays, sans devoir pour cela être considéré comme un traître.
On me dit
même, à ma droite, que l’honorable général Belliard auquel on a élevé une
statue à Bruxelles, s’est battu contre
L’honorable
M. Dumortier dit que Simon Stevin peut être un grand homme, mais que c’est en
Hollande qu’on devrait lui élever une statue. Pour ma part, je serais désolé
que d’autres nations s’appropriassent les gloires de
L’honorable
M. Dumortier vous a dit que la ville de Bruges aurait mieux fait d’élever une
statue à van Eyck. Je suis charmé de pouvoir dire à l’honorable membre que la
ville de Bruges a été au-devant de ses désirs : sur la place de l’hôtel du
gouvernement à Bruges, a été érigée une statue à Van Eyck.
Quant à ce
qui regarde Philippe le Bon, je ne m’oppose pas à ce qu’on lui érige une statue
en Belgique, parce que Philippe le Bon peut être considéré comme un grand
homme. Mais si l’honorable M Dumortier veut faire un appel à ses souvenirs
historiques, il se rappellera que Philippe le Bon a porté les armes contre les
Belges et qu’il a fait subir à la ville de Liége des humiliations plus grandes
que jamais vainqueur n’a fait subir à un vaincu…
M. Dumortier – Liége n’appartenait pas alors à
M. de Brouckere – L’observation
de l’honorable M. Dumortier n’est pas juste : Il dit : « Liége
n’était pas la patrie de Philippe le Bon. » Mais il n’en est pas moins
vrai qu’il a porté les armes contre des Belges. Je ne lui en fais pas un crime…
Un membre – Turenne a
porté les armes contre les Flamands du département du Nord, qui sont Français
aujourd’hui…
M. de Brouckere – Cela
vient à l’appui de ce que je dis : Turenne n’en est pas moins un grand
homme, et l’on peut très-bien porter les armes contre des compatriotes dans
certaines circonstances politiques, et ne pas être un traître pour cela.
M. Devaux – Mon intention n’est pas de vous
engager à prononcer ici un jugement quelconque sur le fait qu’on vient de
reprocher au savant Brugeois ; il est possible que si j’avais vécu à cette
époque, j’eusse été du parti de ces hommes qui crurent que, pour délivrer
Mais
n’oublions pas, qu’il y a des époques où les devoirs politiques sont, jusqu’à
un certain point, obscurs, et où les hommes doivent être traités avec une
certaine indulgence. Ces circonstances se sont représentées de nos jours ;
on vous parlait tout à l’heure du général Belliard, à qui on élève une statue
et qui peut-être combattait à Waterloo, contre nous. Le général Belliard était
Français. Mais nous avons dans le pays des hommes très-estimés qui se sont
battus à Waterloo dans les rangs de l’armée française ; si ces hommes
venaient à se distinguer, à acquérir une illustration littéraire ou scientifique,
serait-ce une raison pour que, dans deux ou trois siècles, on refusât de
reconnaître leur mérite et d’en consacrer le souvenir. Nous ne sommes pas même
si rigoureux envers les contemporains. Nous faisons la part des difficultés des
temps et des positions. M. le ministre de la guerre, je crois, a été dans le
cas dont je viens de parler ; peut-être d’autres ministres encore qui
l’ont précédé…
M. de Brouckere – Il a été
blessé à Waterloo.
M.
Devaux – Au moment de la révolution de 1830, la
position des militaires belges dans l’armée hollandaise n’était-elle pas aussi
très-difficile ?
Si parmi
les émigrés français il se trouvait des hommes ayant porté très-haut la gloire
littéraire et scientifique de leur pays,
La ville de
Bruges, après deux siècles, n’a-t-elle pu faire la même chose en faveur d’une
illustration brugeoise. Gouvernée par l’étranger, la ville de (page 870) Bruges pouvait ne pas
s’inquiéter des antécédents politiques très-peu marquants de Simon Stevin et
rendre un hommage à son mérite scientifique.
On ne s’est
pas toujours montré aussi sévère.
Il y a eu
une proposition pour élever une statue à l’archiduc Charles de Lorraine.
Quelles qu’aient été les excellentes qualités de ce prince, il m’a toujours
paru que
La ville de
Bruges, elle n’a fait que rendre hommage au mérité d’un de ses enfants.
Des membres – Aux
voix ! aux voix !
M. Maertens – Je ne
prolongerai pas cette discussion ; je ne répondrai pas aux attaques peu
bienveillantes, je pourrais dire exagérées, dont a été l’objet le grand citoyen
auquel la ville de Bruges veut élever un monument ; je devrais pour cela
entrer dans une question d’histoire très-controversée et sur laquelle, du
reste, on ne serait pas, je pense, très-disposé à partager l’avis de
l’honorable M. Dumortier. Ce que je dirai à l’honorable membre, c’est que ses
contemporains lui ont toujours conservé leur estime, c’est que ses compatriotes
ont toujours honoré sa mémoire.
Ce n’est
pas aujourd’hui la première fois que les Brugeois songent à Simon Stevin ;
il existe à Bruges une place publique qui n’a jamais porté d’autre nom que le
sien, et c’est sur cette même place que sera élevée la statue destinée à
éterniser sa mémoire.
Vous le
voyez donc, Bruges, de tout temps, a voulu honorer ce grand mathématicien,
inventeur du calcul décimal ; Bruges a toujours été fière d’avoir donné le
jour à cet homme distingué. Et les Brugeois certes ne sont pas moins patriotes,
pas moins amis de leur patrie que l’honorable membre. Le témoignage de
vénération qu’ils continuent de donner à Simon Stevin est une protestation
éclatante contre les attaques peu fondées dont sa mémoire a été l’objet de la
part de M. Dumortier, que des historiens, présentant les événements à leur
point de vue, ont nécessairement trompé sur son compte.
Des membres – Aux
voix ! aux voix !
M. de Mérode – Je ne
considère pas Simon Stevin comme un traître, mais Simon Stevin a fait beaucoup
de mal à
M. de Theux – On a dit qu’on a voulu ériger une statue
au duc Charles de Lorraine. Messieurs, en érigeant cette statue, on n’a pas eu
en vue d’honorer un étranger, mais de perpétuer le souvenir d’une
administration extrêmement populaire. Le duc Charles, gouverneur des Pays-Bas
avait laissé des souvenirs d’une administration tellement bienveillante, qu’on
s’était empressé de lui ériger une statue sur
- L’article
11 est mis aux voix et adopté.
« Art.
12. Subsides aux villes et aux communes dont les ressources sont insuffisantes
pour la conservation des monuments, et commission royale des monuments :
fr. 36,000. »
- Adopté.
« Art.
unique. Complément des frais de confection des tables décennales des actes de
l’état civil, pour la période de 1833 à 1842, en exécution du décret du 20
juillet 1807, et des articles 69 et 70 de la loi provinciale : fr.
25,000. »
- Adopté.
« Article
unique. Dépenses imprévues et travaux extraordinaires : fr. 18,000. »
- Adopté.
Chapitre XV – Légion d’honneur et croix
de Fer
M. le président – Nous
revenons au chapitre XV relatif aux légionnaires qui a été ajourné et sur
lequel M. de Brouckere a proposé un amendement sous-amendé par M. Dumortier.
M. de
Brouckere propose de rédiger comme suit l’article unique du chapitre XV :
« Article
unique. Dotations en faveur des légionnaires décorés avant le 30 mars 1814,
moyennant désistement par eux de toute prétention pour les années antérieurs à
1845, de veuves de légionnaires peu favorisées de la fortune, et pension de 100
francs par personne aux décorés de la croix de fer non pensionnés d’autre chef
, qui sont dans le besoin. »
Et de
porter le chiffre à 118,000 fr. au lieu de 80,000 fr.
Après les
mots : « Non pensionnés d’un autre chef », M. Dumortier propose
d’ajouter : « Ou a leurs veuves ou orphelins peu favorisés de la
fortune. »
Et
d’augmenter le crédit d’une somme de 20,000 fr.
M. Fallon – Je
demande la parole pour une motion d’ordre.
Messieurs,
avant d’aborder l’amendement qui nous est proposé et d’entamer une discussion
qui nous conduirait fort loin, il est une question à résoudre, c’est celle de
savoir si la chambre permettra cette discussion. Après des débats sérieux, la
chambre a décidé que la question des légionnaires ne serait pas traitée
incidemment par voie d’amendement au budget. Il y a sur ce point chose jugée.
Je
répéterai ici une observation que j’ai présentée dans une séance
précédente : les motifs de cette décision ont été que la question
soulevait des difficultés trop sérieuses et trop importantes pour pouvoir la
traiter incidemment.
Il serait
étonnant qu’aujourd’hui que l’amendement de l’honorable M. de Brouckere nous
propose ni plus ni moins que de passer condamnation du chef principal des
prétentions des légionnaires, la chambre vînt déclarer que la question n’a plus
la même importance.
En effet,
si l’amendement était adopté, la chambre porterait chaque année au budget, à
partir du premier janvier de cette année et jusqu’à extinction, le chiffre
nécessaire pour payer intégralement le traitement des légionnaires de tout
rang, de tout grade et de toute position, sans aucune distinction , de manière
qu’il ne resterait plus à la discussion du projet de loi sur la matière que la
simple question des arriérés qui pourraient être réclamés par les héritiers des
légionnaires décédés.
Je sais que
la chambre est omnipotente ; je sais ce que vaut, en présence de cette
omnipotence, l’exception de la chose jugée. Aussi je me hâte de reconnaître
qu’il appartient à la chambre de révoquer ses décisions quand elle le trouve
convenable. Mais s’il est une circonstance où il est convenable que la chambre
ne revienne pas sur sa décision, c’est le cas actuel. En effet, il serait par
trop étrange qu’après avoir décidé formellement que la question ne serait pas
discutée incidemment au budget, après avoir décidé qu’elle serait l’objet d’une
instruction et d’une discussion spéciale, qu’après avoir exigé de l’auteur de
l’amendement de le convertir en projet de loi, qu’après avoir pris le projet en
considération, l’avoir renvoyé à l’examen des sections et reçu un rapport de la
section centrale, qu’après avoir ouvert une longue discussion renouvelée, à
plusieurs reprises, sur ce rapport, discussion qui détermina la chambre à
exiger un supplément d’instruction sur le point de droit, qu’après avoir nommé
une commission spéciale à cette fin ; il serait, dis-je, par trop étrange
que la chambre revînt tout à coup sur ses pas, et, sans égard qu’il existe un
projet de loi, complètement instruit, déciderait aujourd’hui précisément le
contraire de ce qu’elle aurait décidé précédemment, tandis qu’aujourd’hui que
ce projet peut être livré sur-le-champ à la discussion, il y aurait bien plus
de motifs qu’il n’en existait alors pour prendre et confirmer la même décision.
S’imagine-t-on,
peut-être, qu’en présentant l’amendement de l’honorable M. de Brouckere au
point de vue de l’équité seulement, on ne lui donne qu’une portée purement
accidentelle, sans rien préjuger, quant au point de droit, quant au principal
des prétentions ? C’est là une erreur qui saute aux yeux du moins
clairvoyant.
Il suffit,
pour s’en convaincre, de se demander quels seraient les effets de l’amendement
de de l’honorable M de Brouckere ? L’adoption de cet amendement,
messieurs, c’est la mise complète à néant du projet sur la matière.
L’amendement
ne parle pas, à la vérité, de l’arriéré qui pourrait être réclamé par les
héritiers des légionnaires décédés, sans doute, pour laisser quelque chose à la
discussion du projet de loi ; car sans cela, il ne lui resterait
absolument rien.
J’ai dit
que c’était une erreur de penser qu’on pouvait restreindre la discussion de
l’amendement de l’honorable M. de Brouckere dans les limites d’une simple
question d’équité. En effet, il n’y a rien de plus arbitraire, de plus
élastique que les limites de l’équité dans son application. Il existe
d’ailleurs une telle affinité entre le droit, la justice et l’équité, qu’il est
impossible de toucher à l’un, sans toucher à l’autre. De manière que ce qui
peut paraître très-équitable aux uns, en faveur de telle ou telle classe de
légionnaires, pourrait paraître très-injuste envers ceux qui devraient payer,
envers les contribuables dont il n’est pas moins de notre devoir de sauvegarder
les droits et les intérêts.
S’il est dû
quelque chose aux légionnaires, c’est en définitive le trésor qui en sera
constitué le débiteur. Or, en bonne règle de justice et d’équité, le débiteur
doit rester entièrement libre dans le choix de ses moyens. Il n’est pas permis
de restreindre la défense dans des limites qui pourraient lui être
préjudiciables. Or, veuillez y faire attention messieurs, depuis le rapport de votre commission
spéciale sur le mérite des prétentions des légionnaires, des requêtes, des
mémoires, des objections sont parvenus à la chambre, en opposition à ses
conclusions. Vous ne pouvez pas permettre que le trésor reste sous les
préventions et les impressions que ces objections peuvent avoir produites.
Il faut que
le trésor, soit ici, soit en dehors de cette enceinte, si la question était
portée devant les tribunaux, puisse trouver un défenseur. La tâche de répondre à
ces objections est imposée à votre rapporteur. Cette tâche je la remplirai. Je
la remplirai dans le cas même où, contre mon attente, la question préalable que
je propose ne sera pas adoptée.
Il ne faut
pas se le dissimuler, si l’on ne détruit pas ces impressions par une discussion
à toute fin, les intérêts du trésor seront évidemment compromis dans une
discussion improvisée sur la question d’équité seulement.
Pour moi,
messieurs, et je ne doute pas que plusieurs de mes honorables collègues
partagent à cet égard mon opinion ; pour moi, messieurs, la question
d’équité est inséparable de la question en point de droit. Je ne pourrais
traiter l’une sans traiter l’autre. La raison en est fort simple : c’est
que (page 871) je devrais
nécessairement argumenter de la question de droit pour fixer les limites que,
dans tous les cas, il faudrait imposer à l’équité.
Ce n’est
qu’ainsi que je pourrais espérer de pouvoir démontrer à la chambre 1° que
l’amendement que propose l’honorable M. de Brouckere n’est nullement conforme
aux règles de l’équité ; 2° qu’on a fait déjà une très-large part à
l’équité, en allouant la somme qui est portée au budget depuis douze ans ;
3° notamment que le premier amendement qu’avait proposé d’abord l’honorable M.
de Brouckere, et qui est resté acquis à la discussion du projet de loi, était
plus conforme à l’équité que celui qu’il propose maintenant.
En effet,
ce premier amendement avait tout au moins le mérité de ne pas confondre les
titres à la munificence, à la générosité nationale. Par cet amendement,
l’honorable M de Brouckere établissait une juste distinction. Il proposait de
n’allouer la rétribution qu’à une classe seulement de légionnaires, aux membres
militaires seulement ne jouissant pas, à charge du trésor, d’un traitement ou
pension excédant 1,200 fr.
Ce n’est
qu’ainsi qu’il me serait possible de démontrer avec espoir de succès, qu’il y
aurait injustice à ne pas faire de distinction entre les services militaires et
les services purement civils, entre le prix du sang versé pour le pays et le
prix de la faveur et que, dans tous les cas, il y aurait exagération à
prétendre que les légionnaires belges fussent mieux traités en Belgique que les
légionnaires français n’ont été et ne sont traités en France.
Il est une
dernière considération qui doit fixer votre attention et celle du gouvernement,
et j’espère qu’en cette circonstance, le gouvernement s’empressera de
m’appuyer ; c’est que dans le conflit entre les intérêts privés et les
intérêts généraux du pays, ce sont les intérêts généraux qui ont un droit
incontestable à la priorité dans les moments de la chambre ; or nous
sommes saisis en ce moment de plusieurs projets de loi des plus importants et
des plus urgents. En supposant que nous puissions aborder sur-le-champ le
budget des travaux publics et les autres projets de loi qui s’y rattachent, il
est fort douteux que nous puissions avoir terminé avant les vacances de Pâques.
Après ces
vacances, qu’arrivera-t-il de projets de loi non moins importants ? Je ne
signalerai pas les projets de loi relatifs à l’organisation de l’armée et de
notre régime financier ? je l’ignore. Mais, dans tous les cas, c’est un
motif, ce me semble, pour ajourner toute autre discussion.
C’est par
ces considérations que je propose la question préalable sur l’amendement de
l’honorable M. de Brouckere, en ce sens que je propose de renvoyer cet
amendement à la discussion du projet de loi sur la matière, et pour que la
discussion ne fût pas retardée, quand elle viendra à l’ordre du jour, je
demanderai à M. le ministre de l'intérieur (c’est même indispensable pour
discuter la question au point de vue de l’équité) de vouloir bien remettre à la
chambre l’état des légionnaires qui profitent de l’allocation portée au budget,
et secondement la liste des légionnaires qui ne figurent pas dans cet état, en
faisant la distinction entre les légionnaires militaires et civils, et ceux qui
jouissent de traitement ou pension quelconque à charge du trésor.
M.
le président – La discussion est ouverte sur la proposition
de question préalable.
M. de Brouckere –
Messieurs, je suis assez embarrassé. L’honorable M. Fallon demande la parole
pour une motion d’ordre, et cette motion d’ordre a pour objet la question
préalable, c’est-à-dire de décider qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur ma
proposition, et cependant l’honorable M. Fallon s’étend très-longuement en
considérations contre la proposition elle-même. Car l’honorable membre, pendant
tout le temps qu’il a parlé, n’a pas fait autre chose que traiter la question
du fond.
Si je vais
suivre l’honorable M Fallon, qu’en résulte-t-il ? C’est que la question
préalable tombe elle-même. Car après que j’aurai parlé, nécessairement un des
membres de la chambre qui partage l’opinion de l’honorable préopinant me
répondra, un troisième voudra répliquer, et voilà la discussion établie. Elle
durera plusieurs jours, et que finira-t-on pas mettre aux voix ? La
question préalable. Mieux vaut sans doute discuter le fond, si telle est la
marche que l’on doit suivre.
Mais je
dois le dire, l’honorable M Fallon a employé un excellent moyen pour faire
prévaloir son opinion, et je m’attends à ce qu’elle prévaudra. Et quel est ce
moyen ? C’est que, tandis que moi, je désirerais que l’on s’occupât
uniquement de la question de savoir si, par un acte de générosité national (je
n’emploierai pas le mot d’équité, puisque l’honorable M. Fallon n’en veut pas),
on ajouterait 38,000 fr. aux 80,000 que nous votons chaque année, l’honorable
préopinant dit : je n’y consentirai pas, et quoi que vous fassiez, si la
question préalable est rejetée, je traiterai la question du fond ; je la
traiterai très-longuement ; j’entraînerai la chambre dans une discussion
de plusieurs jours, et le résultat sera que je ferai ajourner des projets beaucoup
plus importants.
Voilà à
l’aide de quel moyen l’honorable M. Fallon va faire rejeter ma proposition.
Je ne me
fais pas illusion. Car moi-même, je recule devant une discussion sur le point
de droit. Je sais parfaitement bien, et je l’ai dit dans une précédente séance,
que la question de droit est une question sur laquelle nous pouvons parler
pendant très-longtemps. Mon opinion, à moi, est bien formelle. Elle est celle
que j’ai professée lorsque j’étais, dans la commission que la chambre avait
chargée d’examiner cette question, le collègue de l’honorable M. Fallon. Je
suis intimement convaincu que les légionnaires n’ont aucune espèce de droit à
la rente qu’ils touchaient avant 1814. Mais si l’honorable M Fallon est bien
décidé à forcer en quelque sorte la chambre à traiter cette question, je le
répète, nous allons être entraînés dans une très-longue discussion.
Je
voudrais, messieurs, et ceux qui repousseront la question préalable, doivent
voter dans ce sens, je voudrais que toute espèce de discussion sur la question
de droit fût ajournée et qu’il fut bien entendu qu’en votant les 38,000 fr., la
chambre ne reconnaît aucune espèce de droit aux légionnaires et qu’elle ne
s’engage nullement en ce qui concerne le passé. Je consens d’avance à toute
modification que l’on pourrait proposer sur ce point dans la rédaction de mon
amendement.
Messieurs,
ne vous le dissimulez pas ; voter la question préalable, c’est décider que
nous ne discuterons jamais le projet relatif aux légionnaires. Et en effet,
messieurs, il y a, si ma mémoire est bonne, mais j’aime mieux m’en rapporter à
celle de l’honorable M. Fallon, sept ou huit ans que le rapport vous est fait.
M. Fallon – Il a été
fait en 1835.
M. de Brouckere – Il y a
donc dix ans. Ce rapport a déjà été imprimé trois fois. Quelles raisons y
a-t-il de croire, après des retards aussi longs, que, dans un délai quelconque,
nous allons entamer cette discussion. Plus on traîne, messieurs, plus on
l’éloigne, et plus il y a lieu de croire que la chambre ne l’abordera jamais.
Voyez
cependant, messieurs, où vous êtes entraînés. L’honorable M. Fallon reconnaît
lui-même qu’il est une classe de légionnaires qu’il faudrait payer dès à
présent pour être équitable ; ce sont ceux qui étaient compris dans mon
premier amendement.
M. Fallon – J’ai dit
que celui-là était plus raisonnable que le dernier.
M. de Brouckere – J’avais
compris que l’honorable M. Fallon trouvait mon premier amendement raisonnable,
mais d’après son explication, il trouve seulement qu’il est moins déraisonnable
que celui que je présente aujourd’hui.
Il n’en
reste pas moi vrai, messieurs, que les considérations dans lesquelles je viens
d’entrer, sont justes : c’est qu’adopter la question préalable proposée
par l’honorable M. Fallon, c’est déclarer que la chambre ne fera plus rien en
faveur des légionnaires ; tandis qu’au contraire, si vous voulez ouvrir la
discussion et si la chambre veut exprimer le désir qu’on s’en tienne à la
question d’équité ; qu’on n’en discute aucune autre, nous pourrons prendre
une décision au bout d’une heure.
Je persiste
donc à demander que la chambre veuille bien s’occuper de la proposition que je
lui ai soumise et qu’elle veuille par conséquent rejeter la question préalable.
M. Savart-Martel – Je suis
du nombre de ceux qui ont demandé maintenant qu’on s’occupât enfin des
légionnaires de l’empire. On a déclaré positivement qu’on viderait leurs prétentions
lors du budget de l’intérieur., art. 14.
Arrivant à
cet article, on a décidé qu’on s’en occuperait à la fin du budget. Arrivant à
la fin de ce budget, on demande un ajournement. Je ne conçois rien à cette
tactique, car la décision de la chambre doit être une vérité.
Depuis
1835, le rapport a été fait ; l’affaire est instruite, pourquoi donc
reculer encore ?
Les
légionnaires de l’Empire ont déjà passé la moitié du terme ordinaire de la vie
de l’homme ; veut-on donc attendre, pour statuer sur leurs demandes, qu’il
ne nous reste d’eux que de glorieux souvenirs ?
La position
que nous leur faisons, par nos ajournements réitérés, est cruelle et vexatoire.
Rejeter
leurs prétentions, si vous les croyez non fondées ; mais enfin, faites
justice.
Quant à moi,
je suis prêt à traiter cette question sous toutes ses faces ; et mes
collègues, qui sont ici depuis grand nombre d’années, se trouvent, je doit le
croire, tout au moins aussi instruits que moi.
Ne laissons
pas croire, hors de cette enceinte, qu’il y a mauvaise volonté. J’insiste
fortement sur le rejet de l’ajournement.
M.
le président – La parole est à M. Lys, sur la question
préalable.
M. Lys – Lorsque
j’ai demandé la parole, je ne croyais pas la demander sur la question
préalable. Je me bornerai donc à dire que, lorsque dans la discussion général
du budget, il s’est agi des décorés de
En agissant
de cette manière, comme vous l’a dit l’honorable M. de Brouckere, vous ne
discuterez jamais la question de savoir s’il sera payé quelque chose aux
membres de
Remarquez
cependant, messieurs, qu’il y a trente ans que vous ne les payez pas, et que
voilà dix ans qu’un rapport vous est fait sur la question. Je crois aussi que
vous ne discuterez pas de sitôt la question du fonds ; mais remarquez-le
bien, ce n’est qu’un vote de générosité que l’on vous demande aujourd’hui.
Messieurs,
comme je viens de vous le dire, il y a trente ans que les légionnaires
réclament. Ils sont donc tous âgés d’au moins 60 ans. Pour que vous attendiez
encore pour discuter leurs réclamations, pour que la mort les décime chaque
année, vous n’aurez plus à voter que sur des cadavres.
Vous
accordez des subsides aux industries. Vous avez dernièrement, encore voté
180,000 fr. pour les tisserands des Flandres, et je ne blâme pas ces
allocations : au contraire, je les approuve. Mais, après cela, pouvez-vous
refuser une malheureuse somme annuelle de 38,000 fr. pour des personnes qui ont
versé leur sang pour la patrie ? Evidemment, messieurs, on ne devrait pas
se refuser à une pareille demande, alors surtout que vous posez aux
légionnaires la condition de la renonciation à l’arriéré. Car vous ne payerez
que ceux qui abandonneront toute prétention pour les années écoulées, (page 872) et je ne crois pas,
messieurs, que chez bien des militaires vous rencontriez de grandes difficultés
à cet égard. En général, le militaire vit au jour le jour ; il se
dira : Si j’avais reçu dans le temps, je l’aurais dépensé, tenons-nous en
au courant. Voilà, messieurs, ce que vous rencontrerez chez les
militaires ; ils sont naturellement généreux, ils ne tiendront pas
beaucoup à un objet sur lequel ils ne comptent guère.
Je dis donc
que, pour agir non-seulement avec générosité, mais avec équité, vous ne pouvez
refuser de voter aujourd’hui la faible somme de 38,000 fr. Et qu’on en vienne
pas dire : Cela peut nuire à l’Etat devant les tribunaux, car vous ne
reconnaîtrez pas la dette, vous ne payez qu’à titre de générosité. Après une
pareille déclaration, nulle crainte de voir les intérêts généraux compromis.
M.
de Garcia – Messieurs, dans une précédente séance, j’ai
aussi manifesté l’opinion qu’il serait très-difficle de traiter incidemment la
question des légionnaires. Cependant, messieurs, en présence des considérations
qui vous ont été présentées, et dans la crainte où je suis que nous ajournions
indéfiniment la discussion sur les prétentions qui, selon moi, reposent sur
l’équité, si pas sur le strict droit, j’avoue franchement que j’aurai de la
peine à appuyer la question préalable.
D’un autre
côté cependant, il est une observation que vous a faite l’honorable M Fallon et
qui mérite d’être prise en considération ; c’est qu’en votant une somme au
budget, vous ne faites qu’une loi annale et que dès lors vous ne fixez
réellement pas le sort des légionnaires. Chaque année la question des
légionnaires peut se représenter, parce que en réalité le budget n’est qu’une
loi annale susceptible, par sa nature, de variations incessantes.
Si, au
contraire, vous fixez le sort des légionnaires par une loi, la question serait
résolue définitivement. Si donc j’entrevoyais le moment de pouvoir s’occuper
d’une semblable loi, je n’hésiterais pas à appuyer la proposition de
l’honorable M Fallon. Je le ferais avec d’autant plus de plaisir et de
conviction, que la proposition de l’honorable M de Brouckere ne tend qu’à faire
poser à la chambre un acte de munificence nationale, que je trouve
excessivement étroit et peu en rapport avec la grandeur des titres que peuvent
invoquer les légionnaires de l’Empire. Il se peut, messieurs, qu’en droit
rigoureux, nous ne devions rien aux légionnaires ; mais nous avons envers
eux une dette nationale, une dette d’honneur, qui est aussi sacrée que celui
qui reposerait sur le droit strict.
On peut à
la vérité opposer aux légionnaires la déchéance de leurs droits, résultant de
la chute de l’Empire. Mais en équité peut-on avoir recours à ces moyens ?
Quant à moi, ce n’est pas ma manière de voir et j’appuierai toujours les
subsides qui nous seront demandés pour payer au moins une partie de la dette
dont il s’agit, dette sacrée à mes yeux.
Un membre – Vous
discutez le fond.
M.
de Garcia – Mais il est impossible de traiter la question
préalable sans dire en même temps quelque chose du fond. M. Fallon, lui-même, a
parlé sur le fond ; comment voulez-vous que je lui réponde, si je ne puis
pas également toucher à la question du fond ? Dès lors veuillez me laisser
présenter toutes les considérations qui se rattachent à la proposition de
l’honorable membre.
L’honorable
M. Fallon a présenté une autre observation que je trouve encore fort juste, au
point de vue de la question préalable : c’est que, pour examiner la
question d’équité, la question de munificence nationale, il faut en quelque
sorte apprécier le point de droit. Eh bien, messieurs, pouvons-nous le faire
incidemment, cet examen ? je ne le pense pas. Nous pourrions tout au plus,
pardonnez-moi l’expression, nous pourrions faire un coup-rompu, et en cela nous
servirions encore peut-être très-utilement les intérêts sacrés des
légionnaires. Dans cet état, et quoique bien convaincu que les légionnaires
seraient maltraités, je déclare que si l’on pouvait adopter un libellé tel que
la question se trouvât définitivement résolue, qu’elle ne se reproduisît pas à
chaque discussion du budget, j’appuierais l’amendement de l’honorable M. de
Brouckere, mais à la condition que l’amendement ne concernât que les
légionnaires militaires ; car je considère les légionnaires civils comme
ayant obtenu leur décoration en considération des fonctions qu’ils ont occupés.
C’est ainsi que tous les maires de l’Empire, dans les villes d’une population
de 30,000 âmes, avaient droit à la décoration de
Si donc
l’honorable M. de Brouckere n’applique son amendement qu’aux légionnaires, et
s’il veut le libeller dans le ce sens que le droit des légionnaires fût
définitivement reconnu, alors je me rallierais à cet amendement, afin de faire
au moins justice prompte, s’il est impossible de faire justice complète.
M. Delfosse – Messieurs, la question de droit me
paraît douteuse. Il y a de bonnes raisons à donner, en droit, contre les
légionnaires ; il y a, d’un autre côté, de bonnes raisons à donner en leur
faveur ; aussi l’avis de la commission dont l’honorable M. Fallon a été
l’organe, n’a-t-il prévalu qu’à la majorité des voix. Ce doute, joint aux considérations
d’équité que personne ne saurait contester, m’engagerait à aller plus loin que
l’honorable M de Brouckere, je voudrais une espèce de transaction.
Je voudrais
que l’on payât, à l’avenir, la pension des légionnaires, comme l’honorable M.
de Brouckere le propose ; je voudrais, en outre, les accorder quelque
chose sur l’arriéré, par exemple cinq années ; les légionnaires ne doivent
pas être (erratum, p. 888) victimes
de la lenteur que la chambre a mise à l’examen de leur réclamation, quelles
qu’aient été d’ailleurs les causes de cette lenteur. Je regarderais un plus
long retard comme une espèce de déni de justice, et c’est ce qui m’empêchera de
me rallier à la question préalable. Voilà plus de douze ans que la chambre est
saisie d’une proposition.
Il est
temps, il est plus que temps qu’on s’en occupe ; n’oublions pas que la
plupart des légionnaires sont âgés ; n’attendons pas, pour prendre une
résolution, qu’il n’en reste plus un seul.
M.
Dubus (aîné) – Messieurs, je viens appuyer la motion de
l’honorable M. Fallon, qui n’est pas la question préalable proprement dite,
mais qui tend à faire ajourner la discussion de l’amendement de M. de Brouckere
jusqu’au moment où l’on examinera le projet de loi spécial relatif aux légionnaires.
Je crois, messieurs, que cela est tout à fait rationnel. On dit que voter cette
motion ce serait un déni de justice, que depuis longtemps les légionnaires
réclament et que la chambre est en demeure de faire droit à leurs réclamations.
Mais, messieurs, je vous prie de remarquer qu’il y a déjà plus de 9 ans qu’un
rapport a été fait à la chambre, rapport qui a été imprimé et distribué, et
dans lequel il est établi que les légionnaires n’ont aucun droit. Où dont est alors le déni de
justice ? Je dirai plus ; il y a trente ans que les tribunaux sont
ouverts aux réclamations des
légionnaires, et, cependant, pas une seule action n’a été intentée, par un seul
légionnaire ne s’est adressé aux tribunaux. Pendant les 15 ans qu’a duré le
règne du roi Guillaume, les légionnaires n’on pas même réclamé
administrativement. C’est seulement depuis notre révolution qu’ils ont adressé
des réclamations à la chambre. Et l’on viendra, après cela, parler de déni de
justice, alors qu’il a été fait un rapport dans lequel les questions sont
traitées d’une manière approfondie, et que ce rapport a été imprimé et
distribué ! Ceux qui s’intéressent aux légionnaires pouvaient demander la
discussion du rapport de M. Fallon. S’ils ne l’ont pas fait, quel en est le
motif ? C’est que apparemment, ils pensaient qu’ils ne parviendraient pas
à combattre avec succès les conclusions de ce rapport ; voilà pourquoi le
rapport n’a pas été discuté. Ainsi, vous voyez, messieurs, qu’il n’y a point de
déni de justice : le rapport est là, et, quand on le voudra, il sera
discuté.
Mais on
voudrait, messieurs, laisser de côté ce rapport et mettre en avant une
prétendue équité, c’est-à-dire que même en supposant que le trésor ne dût rien,
on voudrait que, par des motifs tout à fait arbitraires d’équité, vous
condamniez le trésor à payer ce qu’il ne doit pas, que vous condamniez les
contribuables à payer ce qui n’est point une dette de l’Etat. Voilà en peu de
mots ce que l’on fait lorsque l’on veut, comme dans le cas actuel, faire tout à
fait abstraction de la question de droit.
Il y avait
autre chose, messieurs, qu’une question d’équité ; il y avait une question
d’humanité. Celle-là était toute puissante pour la chambre et la chambre y a
donné une solution. Le crédit que vous votez chaque année au budget, ce crédit
y a été porté pour satisfaire la question d’humanité. Quant à la question
d’équité, il est impossible de la résoudre si vous ne prenez en considération
les motifs de droit qui peuvent militer pour ou contre les réclamations des
légionnaires. C’est seulement d’après la nature de ces motifs que vous serez
mis à même d’apprécier la question de prétendue équité, mais si vous faites
abstraction des questions de droit, par cela même vous faites abstraction des
questions d’équité.
En effet,
messieurs, à moins qu’on ne démontre par des motifs puisés dans la question de
droit elle-même que l’équité est ici véritablement engagée, j’aurai peine à
comprendre qu’il puisse y avoir équité à condamner l’Etat à payer ce qu’il ne
doit pas, et à payer cela à qui ? A des personnes qui vivent dans une
grande aisance et même dans l’opulence. Si l’on admet de pareilles
considérations d’équité, abstraction faite de toute moyen de droit, mais,
messieurs, il y a une foule d’autres réclamants qui arriveront et qui feront valoir
des motifs tout aussi puissants ! Après les révolutions qui se sont
succédé dans ce pays depuis 50 ans et plus, il y a eu bien d’autres pertes
éprouvées, pertes pour les réparations desquelles militent des motifs d’équité
bien plus puissants et auxquels vous ne pourrez pas résister sans injustice, si
vous avez admis les réclamations des légionnaires.
Il ne faut
donc pas s’engager dans une pareille voie, alors que la question d’humanité est
sauve. Vous ne devez pas admettre à la légère de prétendus motifs d’équité. Il
faut examiner toute la question, il faut la discuter à fond. Ce n’est qu’à la
suite de cette discussion que vous pourrez vous prononcer sur la prétendue
question d’équité. Sinon, je le répète, vous recevrez une foule d’autres
demandes également fondées sur l’équité, et il y aura des motifs plus puissants
pour y faire droit.
Messieurs,
chacun envisage les questions d’équité à sa manière. C’est ainsi que j’ai
entendu tout à l’heure un honorable membre exprimer l’opinion qu’il était
équitable de n’avoir aucun égard aux déchéances prononcées par les lois ou
arrêtés, parce que, malgré ces déchéances, aux yeux de cet honorable membre, la
dette subsiste, et que l’honneur de l’Etat est même engagé à ce qu’elle soit
payée. Mais, messieurs, si une pareille doctrine était admise, on irait
extrêmement loin. Remarquez que tout le système de notre dette publique repose
sur des questions de déchéances, et si vous admettiez la thèse dont je viens de
parler, vous verriez revivre une foule de réclamations qui sont maintenant
écartées par la commission chargée de la répartition des sommes obtenues
d’après le traité avec
Vous voyez,
messieurs, combien un pareil système est dangereux ; mais ce qui ne
présente point de danger, c’est d’examiner à fond toutes les questions de
droit, et d’apprécier ensuite la question d’équité d’après l’opinion qu’on se
sera faite sur les questions de droit.
J’insiste
donc de toutes mes forces, messieurs, pour l’adoption de la motion de
l’honorable M Fallon.
M. Savart-Martel –
Messieurs, je n’entrerai pas dans la question du fond. C’est précisément parce que
depuis neuf ans un rapport vous a été fait, pare que nous sommes saisis de
toutes les pièces, parce que l’on a eu le temps de se former une opinion, c’est
précisément pour cela que vous pouvez, ce me semble, discuter la question. Il y
a deux points à examiner : le point de droit et la question de convenance.
Quant à moi, je crois que (page 873)
pendant le temps que nous venons de consacrer à la discussion de la motion de
M. Fallon, nous aurions déjà vidé le point de droit. Nous sommes précisément
dans la position de deux plaideurs qui plaident longuement pour savoir s’ils
plaideront.
Le point de
droit ne me semble pas difficile à résoudre : il est certain que si vous
admettez les déchéances prononcées par le traité, vous reconnaîtrez, sans
peine, que d’après le traité de 1839 et la convention de 1842, la question se
trouve réduite à une question d’équité. Eh bien, messieurs, il y a une foule de
motifs d’équité qui militent en faveur des légionnaires, mais ces motifs, je ne
puis pas les exposer maintenant, puisque je suis forcé de me renfermer dans
l’examen de la proposition de M. Fallon. Je voudrais cependant que l’on ne
repoussât pas ces motifs avant que nous ayons pu les faire valoir.
On vous a
dit, messieurs, que les légionnaires auxquels nous nous intéressons, vivent
dans une grande opulence. Peut-être ai-je eu tort de ne pas donner lecture de
l’amendement que je me propose de présenter. D’abord cet amendement ne
s’appliquerait qu’aux militaires or, il n’y a guère de légionnaires militaires
qui vivent dans l’opulence ; il y en a tout au plus une douzaine qui se
trouvent dans une position favorable.
On dit que
depuis trente ans les légionnaires ont pu s’adresser aux tribunaux et qu’ils ne
l’ont pas fait. J’espère, messieurs, qu’ils ne le feront jamais ; mais la
circonstance qu’ils ne se sont pas adressés aux tribunaux devrait, ce me
semble, nous engager à statuer enfin sur leurs réclamations.
Remarquez,
messieurs, que, par suite du traité avec
Je
désirerais diviser comme suit l’article unique du chapitre XV :
« Art.
1er . Dotation à partir du 1er janvier 1845, en faveur
des anciens militaires légionnaires décorés avant le 30 mars 1814, la
législature ayant reconnu qu’il ne serait fourni aucune allocation
antérieure : fr. 70,000.
« Art.
2. Pensions de cent francs aux décorés de la croix de Fer, non pensionnés d’autre
chef, et qui sont dans le besoin, ou à leurs veuves et orphelins peu favorisés
de la fortune : fr . 40,000. »
M.
de Garcia – Je n’ai pris la parole que pour répondre
quelques mots à l’honorable membre. Dubus. L’honorable membre m’a mal compris,
ou je me suis mal exprimé.
Pour
établir la différence qu’il y a entre une obligation de strict droit et une
obligation d’équité, j’ai parlé de déchéance. Si j’ai parlé de la déchéance,
résultant d’un cas de force majeure, de l’invasion de 1814, je n’ai pas eu
l’intention de détruire le principe admis dans tous les gouvernements, à savoir
qu’on ne pouvait revenir des déchéances prononcées par les lois ; j’ai
voulu seulement faire comprendre par là ce qui constituait la différence entre
une obligation de strict droit et une obligation d’équité.
La
déchéance sous laquelle se trouvent les légionnaires n’est pas une déchéance
ordinaire, c’est, comme je viens de le dire, une déchéance résultant d’un cas
de force majeure, c’est-à-dire de l’invasion de l’empire par des armées
étrangères. Eh bien, à ce point de vue, on ne peut refuser le subside
pétitionné par les légionnaires, et je pense qu’on doit, en équité, venir à
leur secours, et leur accorder ce qu’ils touchaient, à titre de légionnaires.
Qu’on
n’oublie pas ce que constituait la décoration de
Voilà les
seules observations que j’avais à présenter, en réponse à l’honorable M. Dubus.
L’honorable membre a supposé à tort que je voulais détruire un principe
conservateur de l’état social ; il a prétendu que je voulais que l’Etat
payât en équité les sommes dont il ne serait plus débiteur, par suite de la
déchéance. J’ai été bien loin de soutenir un pareil principe et je dois
protester contre la supposition d’une semblable pensée. Il y a des déchéances
légales que doivent s’imposer les intéressés ; mais les légionnaires de l’Empire
ne se sont jamais trouvés sous le poids des déchéances de cette nature. Au
contraire, et à ces titres, leurs droits sont encore plus sacrés ; ils ont
avec intrépidité et jusqu’au dernier moment, défendu le sol de la patrie contre
l’invasion et les baïonnettes ennemies. En équité il faut donc leur payer ce
qu’ils n’ont gagné qu’au prix de leur sang et en exposant leur vie…
Un membre – Qu’est-ce
que c’est que l’équité ?
M.
de Garcia – Je suis fâché que vous ne la connaissiez pas.
Un exemple vous la fera connaître ; si vous me deviez 10 mille francs et
que la prescription vous fût acquise, l’équité vous fera un devoir de me payer.
La position des légionnaires est plus favorable.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) –
Messieurs, nous venons de nous livrer à une discussion tout à fait
préliminaire, mais qui doit suffire pour nous démontrer que si nous abordons
résolument le fond, nous en aurons pour quelques jours. J’avoue que dès lors je
me trouve dans le même embarras dont plusieurs honorables préopinants nous ont
rendu compte. Je désirerais autant que personne que cette question vînt à
disparaître, mais je crois qu’il est impossible de la faire disparaître dans ce
moment par une résolution quelconque.
Le sénat
s’est ajourné à lundi, il attend le budget de l’intérieur. Nous touchons à la
fin du deuxième mois de l’année, et le département de l’intérieur n’a pas de
fonds à sa disposition, car j’ai cru, pour la régularité de la comptabilité, ne
pas devoir demander de crédits provisoires.
On a
déclaré qu’il était impossible de séparer la question de droit de la question
d’équité ou d’humanité, et dès lors, je suis effrayé de la discussion qu’on
nous annonce et qui certes se prolongerait au-delà d’une semaine.
Un membre – Nous
irions avec cette discussion jusqu’à la fin de la semaine prochaine.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Un
honorable membre vous a dit avec raison que nous avons déjà fait quelque chose
au point de vue de l’équité, ou si l’on veut, de l’humanité.
En effet,
on a porté au budget une pension en faveur des légionnaires dans le besoin,
avant même de s’occuper des décorés de la croix de Fer. Les légionnaires de
l’Empire ont eu la priorité ; c’est seulement en 1842 que sur ma
proposition on a porté au budget une somme pour les décorés de la croix de Fer
qui sont dans le besoin.
La pension
de 250 fr. a été accordée à 164 légionnaires. On a été même plus loin, j’en ai
déjà fait la remarque, que les décrets institutifs de
Les décorés
de la croix de Fer ont obtenu seulement une pension de 100 francs ; on les
a assimilés aux soldats décorés de l’ordre de Léopold.
Cette
pension a été accordée à 292 décorés de la croix de Fer ; ce qui fait
29,200 fr. Donc 50,800 fr. pour les légionnaires qui on reçu une pension de 250
fr. ansi que le tableau des 49 veuves des légionnaires qui ont reçu une pension
de 200 fr. ; je désire cependant que ces pièces ne reçoivent pas de
publicité.
Comme les
légionnaires ont obtenu la priorité sur les décorés de la croix de Fer, les
veuves des légionnaires ont eu, à leur tour, la priorité sur les veuves des
décorés de la croix de Fer, car ce n’est que cette année que l’honorable M.
Dumortier vous a proposé de faire pour les veuves des décorés de la croix de
Fer ce qu’on a fait pour les veuves des légionnaires.
L’honorable
membre a supposé que, pour donner cette extension à la loi du budget, il fallait
20,000 fr. je puis déclarer à la chambre que, d’après les calculs approximatifs
auxquels j’ai pu me livrer depuis le jour où la chambre a ajourné la discussion
du chapitre XV, une somme de 10,000 francs suffirait.
M.
Fallon – Messieurs, je n’ai entendu aucune
considération qui puisse me déterminer à me relâcher de la proposition dont
j’ai saisi la chambre. Je ne conçois pas cette prétention de vouloir que les
légionnaires belges soient mieux traités ici que les légionnaires français ne
sont traités en France.
Or, on a
saisi la chambre des députés de France, dan la séance du 7 février, d’une
proposition tendant à assurer les droits, non reconnus encore, des
légionnaires ; ce qui a déterminé le ministère à présenter lui-même un projet
de loi, qui a été déposé dans la séance du 18 de ce mois.
La position
des légionnaires n’est donc pas encore fixée en France. Si l’on en excepte les
simples chevaliers qui en 1830 ont obtenu le traitement entier de 250 fr., au
lieu de la moitié qu’on leur avait payée jusque-là, aucun dignitaire de l’ordre
n’y a reçu un sou depuis 30 ans.
Et ici l’on
va jusqu’à prétendre que
D’un autre
côté, il ne faut pas exagérer les élans de la munificence nationale ; il
est facile de se livrer à ces élans, aux dépens du contribuable.
Si l’on
veut s’apitoyer sur le sort des légionnaires, qu’on s’apitoie aussi sur celui
des fonctionnaires belges de l’Empire qui, par suite des événements de 1815,
ont perdu le traitement attaché aux fonctions qu’ils exerçaient.
C’est
absolument la même position ; un événement politique a fait perdre aux
légionnaires le traitement qu’ils touchaient , comme un événement politique à
fait perdre le leur aux fonctionnaires belges de l’Empire.
On dit
qu’on n’abordera jamais la discussion du projet de loi. Mais à qui la faute, si
l’on n’entame pas l’examen de la question ? Comme on la déjà fait
observer, le rapport de votre commission spéciale est déposé depuis l’année
1835. Si le projet de loi n’a pas été mis à l’ordre du jour, c’est qu’on n’a
pas insisté ; mais on pourra profiter du premier moment pour le mettre à
l’ordre du jour et on le discutera. Faut-il pour des intérêts particuliers, pour
venir au secours de personnes qui jouissent déjà d’une certaine (page 874) fortune, négliger les
intérêts généraux du pays ? Ce serait déraisonnable.
M. Delfosse – L’honorable M. Fallon a empiété sur
la discussion du fond, il a cherché à dissimuler les sympathies de la chambre
pour les légionnaires par des comparaisons dont je ne puis admettre
l’exactitude.
Je ne puis
admettre que les légionnaires belges auraient moins de titre à notre
sollicitude que les légionnaires français à celle de leur gouvernement. Les
légionnaires belges, en servant
Je ne puis
non plus admettre la comparaison que l’honorable M. Fallon a faite entre les
légionnaires et les fonctionnaires qui ont perdu leur emploi par suite des
événements politiques. Ce n’est pas avec les fonctionnaires en activité de
service, c’est avec les fonctionnaires pensionnés qu’il aurait fallu les
comparer ; or, les pensions ont survécu aux événements politiques.
Messieurs,
je n’insisterai pas pour la discussion actuelle de l’amendement de l’honorable
M. de Brouckere, si j’étais convaincu, si l’on me donnait l’assurance que la
chambre s’occupera des légionnaires dans la présente session. Mais je suis convaincu, du contraire, je suis
convaincu que si la question préalable est adoptée, la question sera renvoyée à
une autre session.
Il est
très-probable que la session sera close dans quelque temps ; MM. les
ministres n’aiment pas que les chambres soient réunies à l’approche des
élections, cela les gêne, cela peut nuire à certaines intrigues
électorales ; le bruit court même que l’intention de MM. les ministres
serait de clore la session à Pâques. Si ce bruit est une calomnie, je donne à
MM. les ministres l’occasion de se justifier. (On rit.)
M.
de Mérode – Il est impossible de s’occuper de la question
préalable sans parler de la question d’équité, sans parler du fond.
Certainement la révolution de
Il y a une
foule d’individus qui sont dans la gêne et qui ont aussi des droits à faire
valoir du chef d’équité ; nous serions obligés d’entrer dans la discussion
de ces droits. En conséquence, il me semble que nous devons ajourner cette
discussion d’autant plus que nous avons une foule de choses plus importantes à
décider.
M. le président – Je vais mettre
la proposition d’ajournement aux voix.
L’appel
nominal étant demandé, il est procédé à cette opération.
En voici le
résultat :
68 membres
répondent à l’appel.
40 membres
disent, oui.
28 membres
disent, non.
En
conséquence, l’ajournement est adopté.
Ont répondu
non : MM. de Brouckere, de Garcia, Delfosse, de Secus, Desmaisières, de
Tornaco, Devaux, de Villegas, Donny, Dumortier, Duvivier, Jadot, Lange,
Lesoinne, Lys, Maertens, Manilius, Meeus, Orts, Osy, Pirson, Rogier, Savart,
Sigart, Verhaegen, Vilain XIIII, Zoude et Coghen.
Ont répondu
oui : MM. Dechamps, de Corswarem, de Florisone, de Foere, de
_________________
M.
le président – Il reste l’amendement de M. Dumortier, qui est
relatif aux veuves et orphelins des pensionnés de la croix de Fer.
M. Dumortier – Je demande la parole.
Messieurs,
tout à l’heure, en parlant des légionnaires, M. le ministre de l'intérieur a
fait remarquer qu’une somme de dix mille francs suffirait pour donner une
faible pension aux veuves des décorés de septembre, mais M. le ministre n’a pas
compris toute la portée de ma proposition. Je ne voulais pas me borner à donner
un subside aux veuves des décorés de septembre, mais pouvoir étendre la somme
minime que touchent les décorés eux-mêmes. Vous venez d’entendre que leur
subside n’est que de 29 mille francs. Il y a 290 décorés touchant chacun 100
fr. par an. Le nombre de blessés a été considérable, et parmi eux il en est
beaucoup qui, par défaut de forme, par suite de réclamations tardives, n’ont
pas pu obtenir la croix de Fer à laquelle ils avaient droit. Cependant un grand
nombre ont obtenu des subsides sur le fonds spécial. Si je suis bien informé,
le fonds spécial doit être à peu près épuisé. Ce fonds ne pouvait pas toujours
durer, il avait été formé de souscriptions de dons patriotiques, il est
maintenant presque épuisé. Il serait à désirer que nous prissions des mesures,
pour que les braves qui ont versé leur sang pour nous faire ce que nous sommes,
à qui nous devons notre existence politique, ne fussent pas privés des secours
qu’ils ont droit d’attendre de la munificence nationale. Quand on accorde des
subsides considérables pour payer les attachés à des décorations obtenues avant
le gouvernement actuel, on peut montrer quelque générosité envers les braves
qui ont versé leur sang pour la patrie. Le gouvernement ferait fort bien de demander
un subside pour la continuation des secours accordés jusqu’ici sur le fonds
spécial pour ne pas se trouver au dépourvu quand ce fonds sera épuisé.
Le chiffre
que j’ai proposé est loin d’être trop élevé, je crois au contraire que chacun
doit le trouver plutôt insignifiant. Tout à l’heure on a cité
J’ai
signalé des faits ; il y a des orphelins qui, après avoir perdu leur père
à la suite de leurs blessures, se trouvent dans la plus affreuse misère, sont
réduits à aller mendier !
Y a–t-il
des dépenses plus sacrées pour
Il serait
vraiment à déplorer qu’on abandonnât ceux qui se sont sacrifiés pour notre
indépendance, quand
Je ne pense
pas que ma proposition rencontre d’opposition ; j’attendrai les
observations qui pourront être faites sur la rédaction, je reprendrai la parole
si c’est nécessaire.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il est
vrai que le fonds spécial sera épuisé vers la fin de cette année. Aussi le
gouvernement se propose-t-il de vous demander, l’année prochaine une somme pour
les secours à accorder aux blessés de septembre, en 1846, et peut-être pour le
déficit de 1845. il faudra de 25 à 30 mille fr. pour 1846.
Il s’agit
des veuves et des orphelins des décorés de septembre. Il ne faut pas confondre
les blessés et les décorés. La question est celle-ci : Voulez-vous faire
pour les veuves des décorés de septembre ce que vous avez fait pour les veuves
des légionnaires de l’Empire ?
M. Dumortier – Elles n’ont aucun droit.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il ne
s’agit pas de droit. Vous votez depuis plusieurs années une somme pour les
veuves des légionnaires de l’Empire. Le précédent est posé en faveur des veuves
de légionnaires. La question est de savoir si vous l’appliquerez aux veuves des
décorés de septembre.
M. de Theux – Quelle est la somme
nécessaire ?
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – 10,000
fr. je propose cette somme avec le nouveau libellé.
M. Rodenbach – M. le ministre de l'intérieur vient
de dire que le fonds spécial des blessés de septembre suffirait aux besoins
jusque vers la fin de l’année. Mais, si j’en crois les renseignements que j’ai
reçus, le fonds serait épuisé. J’appuie donc les observations de l’honorable M.
Dumortier. Pour y faire droit, on pourrait changer le libellé.
J’appuie la
proposition d’accorder une pension de 100 fr. aux veuves et aux orphelins de
décorés de la croix de Fer. Puisqu’on a accordé une pension aux veuves des
légionnaires de l’Empire, je ne vois pas pourquoi l’on n’en accorderait pas
une, à plus forte raison, aux veuves de ces citoyens qui ont versé leur sang
pour la cause de notre indépendance, qui ont reçu au Parc, le baptême de sang.
M.
de Brouckere – Je ferai remarquer que M. le ministre de
l'intérieur déclare que 10,000 fr. suffisent à tous les besoins prévus. (Dénégations de la part de M. Dumortier).
Il vous a
dit que le fonds spécial irait probablement jusqu’à la fin de l’année, mais que
pour 1846 il ferait un rapport sur l’état du fonds spécial et qu’ensuite il
demanderait sans doute une allocation de 25 à 30,000 fr.
Une telle
déclaration est entièrement satisfaisante, parce que, en supposant même que le
fonds spécial ne suffît pas pour tous les besoins de 1845, nous pourrions,
après avoir reçu tous les renseignements dont nous aurons besoin pour voter en
connaissance de cause, allouer non-seulement les fonds nécessaires pour 1846,
mais encore ce qui pourrait manquer en 1845 ; tandis qu’aujourd’hui nous
voterions une somme quelconque, sans savoir quels sont les besoins, sans savoir
si elle suffit, ou si elle n’est pas trop forte.
En de
telles matières nous devons nous en rapporter à la sollicitude du gouvernement
et nous borner a allouer la somme qu’il demande.
M. Dumortier – L’honorable préopinant est
complètement dans l’erreur : il a mal compris M. le ministre de
l'intérieur. Il prétend que le ministre considère les 10,000 fr. comme
suffisants, mais pour qui ? Pour les veuves et orphelins des décorés, et
il n’accorde pas une pension de plus aux décorés. Or j’en connais et par
centaines qui sont dans une position affreuse. Je ne suis pas hostile aux pensions
des légionnaires ; mais j’aurais voulu qu’on n’accordât pas de pension aux
veuves de légionnaires ; car, sous l’Empire, elles n’y avaient pas droit. Plutôt que
d’accorder de telles pensions, il faudrait, ce me semble, pensionner ceux qui
après avoir combattu pour l’affranchissement de
Je le
répète, je connais un grand nombre de décorés qui sont dans une position
affreuse. Ils ne peuvent rien obtenir ni sur le fonds du budget qui est
insuffisant, ni sur le fonds spécial, qui n’est pas destiné aux décorés.
Je propose
de porter le chiffre à 20,000 fr. ; car il est déplorable de voir l’abandon
où on laisse ceux qui, en 1830, ont versé leur sang pour la patrie. Sous le
gouvernement provisoire, on les trouvait bons pour verser leur sang afin de
nous donner une patrie. Aujourd’hui, on les oublie !
J’insiste
pour que le chiffre soit élevé à 20,000 fr. J’espère que cette proposition sera
adoptée ; sinon on pourrait dire pour nous ce qu’on dit pour
(page 875) Mais j’espère qu’il n’en est
pas ainsi. J’espère que vous ferez quelque chose pour les hommes de la
révolution.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je
remercie l’honorable membre d’avoir appelé l’attention de la chambre sur
l’époque très-prochaine où le fonds spécial des blessés de septembre sera
épuisé. Il faudra alors proposer au budget une somme destinée à suppléer à ce
fonds ; ce sera environ 30,000 fr. C’est-à-dire, que depuis quelques
années, on prélève annuellement sur le fonds spécial 30,000 fr., qui sont
donnés comme secours aux blessés de septembre.
Il ne faut
pas confondre cette question avec celle des veuves et orphelins des décorés de
septembre.
J’aura
l’honneur de déclarer de nouveau à la chambre que pour donner une pension de
100 fr. aux veuves et aux orphelins des décorés de septembre, 10,000 fr.
d’après un calcul approximatif, pourront suffire.
M. Dumortier – Vous ne ferez rien pour les décorés.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je ferai
ce que l’on fait depuis plusieurs années.
Que
l’honorable membre me laisse expliquer ce que le gouvernement demande.
La libellé
de l’article du budget porte : « Pensions de 100 fr. par personne aux
décorés, de la croix de fer, non pensionnées d’autre chef qui sont dans le besoin. »
Remarquez
qu’il faut deux conditions : Etre dans le besoin, et ne pas être pensionné
d’autre chef. Mais il se trouve qu’il y a des décorés de la croix de Fer qui
sont pensionnés d’autre chef, qui ont des pensions de 2, 3, 400 fr. On ne peut
leur accorder la pension nouvelle de 100 fr. L’honorable membre demande que
cette condition ne soit plus exigée. (Dénégations
de la part de M. Dumortier.)
Les décorés
de la croix de Fer, qui se sont plaints à M. Dumortier étaient pensionnés
d’autre chef. (Dénégations de la part de
M. Dumortier.)
La chambre
veut-elle être moins rigide ? veut-elle que la pension de 100 fr. soit
accordée à ceux qui ont une pension inférieure à 300 fr. ? (Dénégations.) S’il en est ainsi, il
faudrait changer le libellé du budget.
Je pense
qu’il faut faire pour les veuves et orphelins des décorés de septembre ce qu’on
a fait pour les veuves des légionnaires de l’Empire. Je demande à ce titre
10,000 fr. de plus.
M. Dumortier – Je suis peiné de ce que M. le
ministre de l'intérieur dénature entièrement ce que j’ai dit. Je n’ai fait
aucune allusion à des décorés de la croix de Fer pensionnés d’un autre chef.
J’ai dit et je répète qu’il y a des centaines de décorés qui ne touchent ni la
pension de 100 fr., ni une pension d’un autre chef et qui sont dans la dernière
misère. C’est là pour le pays une dette sacrée ; or le chiffre de 10,000
fr. est destiné aux pensions des veuves et orphelins ; mais il ne permet
pas d’accorder une seule pension de plus à un décoré. C’est pour cela que je
propose une augmentation.
M.
de Brouckere – La première fois que l’honorable M. Dumortier
m’a répondu, il l’a fait, comme si j’avais cherché à combattre sa proposition en
faveur de ceux qui, en 1830, ont exposé leurs jours pour la cause de la
révolution et qui aujourd’hui se trouvent dans une position nécessiteuse. Mais
je m’en suis bien expliqué. Je dis que nous devons faire tout ce que le
gouvernement demande, et ne pas aller au-delà. Il demande 10,000 fr de plus. Je
les vote.
Le
gouvernement nous annonce que l’année prochaine, il demandera une allocation
assez forte pour suppléer au fonds spécial. Je déclare d’avance que je voterai
la somme qu’il demandera. Mais il y a une autre question que soulève
l’honorable M. Dumortier, et il vient de s’expliquer plus catégoriquement.
D’abord, il veut que l’on donne des pensions aux veuves et aux orphelins des
décorés de la croix de Fer, qui sont dans une position fâcheuse. M. le ministre
dit : c’est fort bien, il me faut pour cela 10,000 fr. Nous allons voter
ces 10,000 francs, j’en suis convaincu. Quant à moi, je les voterai avec grand
plaisir. Mais l’honorable M. Dumortier ajoute : Il faut voter encore
10,000 fr. Pourquoi ? pour donner de nouvelles pensions à des décorés de
la croix de Fer qui n’ont pu en obtenir.
M. Dumortier – A cause de l’exiguïté du subside.
M. de Brouckere –
Remarquez-le bien, messieurs, parce que les fonds alloués ne permettaient pas
de leur en accorder. Eh bien, je le demande, quel est celui qui peut nous dire
si le fait est vrai, si ce n’est M. le ministre de l'intérieur ?
M. Dumortier – Il ne le conteste pas.
M.
de Brouckere – Permettez, M. Dumortier, je demande à M. le
ministre de l'intérieur de bien vouloir répondre à ceci : Y a-t-il des
décorés de la croix de Fer qui tombent sous le libellé de l’article en
discussion et à qui l’on a dû refuser des pensions ?
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Non.
M. Dumortier – Il y a en a beaucoup.
M. de Brouckere – M. le
ministre de l'intérieur répond catégoriquement non.
M. Dumortier – J’en ai vu plusieurs.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) –
Envoyez-les moi.
M. de Brouckere – Il en
résulterait (car l’honorable M. Dumortier m’interrompt toujours) qu’on
s’adresse à lui, au lieu de s’adresser au ministre. Voilà toute la conséquence
que je dois en tirer. Mais prenez le fait pour vrai, M. le ministre de
l'intérieur vous dit : avec la somme que vous m’allouez chaque année et
10,000 fr. que vous allez y ajouter, tous les décorés de la croix de Fer qui se
trouvent dans les conditions du libellé de l’article en discussion, et toutes
les veuves et les orphelins des décorés qui sont dans le besoin, recevront la
pension que vous leur destinez. Messieurs, que demandez-vous de plus ? Je
suis prêt à voter toutes les sommes dont M. le ministre de l'intérieur pourra
faire un emploi convenable, et un emploi conforme aux vœux de la chambre. Mais
ne trouvez-vous pas qu’il y a quelque chose de bizarre à jeter 10,000 fr. à la
tête du ministre, alors qu’il vous dit qu’il n’en a pas besoin ?
Voilà
pourquoi je pense, messieurs, que nous devons nous borner à voter
l’augmentation de 10,000 fr. et attendre le rapport que M. le ministre nous a
promis pour l’année prochaine, avant de voter des sommes plus fortes.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) –
Messieurs, il y aura un second vote ; je pourrais alors donner de nouveaux
renseignements à la chambre. Il y a plus ; je ne croyais pas que l’on
s’occuperait di fonds spécial. Je pourrai, d’ici au second vote, vous dire
quand le fonds spécial sera épuisé, et s’il m’était démontré qu’il le sera
avant la fin de l’année, vers septembre prochain, par exemple, je proposerais
un article spécial qui pourrait être libellé : « Supplément au fonds
spécial destiné à être employé à l’époque de l’épuisement de ce fonds. »
dès lors, tout le monde sera rassuré même pour cette année.
Je donnerai
ces éclaircissements à la chambre d’ici au second vote.
M. Dumortier – Qu’on laisse alors le chiffre en suspens.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – C’est inutile.
Un amendement est un chiffre en suspens, même quand il est voté.
- La
clôture est demandée, et mise aux voix.
L’épreuve
étant douteuse, la discussion continue.
M.
Brabant – Messieurs, je crois que le libellé de l’article en discussion est
beaucoup trop rigoureux à l’égard des décorés de la croix de Fer.
Je ne veux
pas étendre la pension de 100 fr. à ceux qui sont déjà pensionnés d’autre
chef ; mais je crois qu’en exigeant qu’il soit constaté qu’ils sont dans
le besoin, on a été trop loin. Il y a une quantité de petits artisans,
d’ouvriers ayant un salaire modique, qui sont décorés de la croix de Fer. C’est
cette classe, messieurs, qui a particulièrement versé son sang pour
l’indépendance nationale ; et ceux qui ont eu le courage de s’exposer
alors pour la liberté de leur pays, sont trop fiers pour faire constater leur
état de misère. C’est cependant ce que semble exiger le libellé de l’article.
Je voudrais
donc que l’on se bornât, à l’égard des décorés de la croix de Fer, à la
stipulation établie par les légionnaires, c’est-à-dire que l’on donnât la
pension à ceux qui sont peu favorisés de la fortune. Ceux qui sont à l’aise
parmi eux, messieurs, savent que le principe d’économie a été l’un des grands
motifs du mouvement national, et ils ne viendront pas faire valoir des
prétentions de nature à surcharger le trésor.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je
propose, bien qu’il y ait répétition, que l’on se serve des mêmes termes pour
les décorés de la croix de Fer que pour les légionnaires et que l’on
dise : « et pensions de 100 francs par personne aux décorés de la
croix de Fer non pensionnés d’autre chef, qui sont peu favorisés de la
fortune. »
D’ici au
second vote, je dirai si la somme de 90,000 francs est suffisante ou non, avec
cette nouvelle rédaction qui sembla offrir plus de latitude.
M. Rodenbach – Messieurs, je demanderai s’il est
bien juste de donner une pension de 250 fr. aux légionnaires et de 200 fr. à
leurs veuves, tandis qu’on ne donne qu’une pension de 100 fr. à ceux qui ont
versé leur sang pour la révolution. Il me semble qu’il y a là une contradiction
frappante. Les légionnaires ont-ils donc plus de droit à la munificence
nationale, que ceux qui ont combattu pour l’indépendance du pays ?
Cela ne me
paraît pas juste, messieurs, et je crois que M. le ministre de l'intérieur
devrait prendre cette observation en considération.
- La
discussion est close.
L’amendement
de M. le ministre de l'intérieur tendant à remplacer les mots « qui sont
dans le besoin », par ceux-ci « peu favorisés de la fortune »
est adopté.
M. le président – M.
Dumortier a proposé par amendement d’ajouter après les mots « non
pensionné d’un autre chef » ceux-ci : « ou à leurs veuves ou
orphelins peu favorisés de la fortune. »
M. Dumortier – On pourrait dire : « à leurs veuves,
et secours aux orphelins. »
M. le président – La
rédaction pourra être modifiée au second vote.
-
L’amendement de M. Dumortier est mis aux voix et adopté.
Le chiffre
de 100 mille francs, proposé par M. Dumortier, est ensuite mis aux voix ;
il n’est pas adopté.
Le chiffre
de 90 mille francs, demandé par M. le ministre de l'intérieur, est adopté.
Chapitre IV - Frais de l’administration dans les provinces
M. Maertens, rapporteur –
Messieurs, nous sommes arrivés à la fin de la discussion du budget de
l’intérieur. Mais avant de terminer, je dois dire à la chambre que nous avons
commis une omission dans le crédit alloué pour l’administration de la province
de Liége.
Primitivement,
il était demandé pour cette province une somme de 125,330 fr. M le ministre a
fait parvenir à la section centrale une double demande supplémentaire :
une demande supplémentaire de 30,000 francs comme crédit extraordinaire, et une
demande de 3,000 fr. comme crédit ordinaire devant à l’avenir figurer au
budget. Les 30,000 francs étaient destinés à l’appropriation et à l’ameublement
de l’hôtel du gouvernement.
Vous savez,
messieurs, que l’ancien gouvernement de Liége habitait son propre hôtel et que
le mobilier de cet hôtel lui appartenait également. Lorsque son successeur est
arrivé, il n’y avait ni habitation ni mobilier. Il a donc fallu dépenser 30,000
fr. pour l’appropriation d’un hôtel et pour l’achat d’un mobilier. Cette somme
vous l’avez votée.
(page 876) L’entretien du local et du
mobilier nécessite une dépense annuelle de 3,000 fr. Cette augmentation que
vous avez aussi votée, figure au littera E comme charge permanente ; ce
littera est porté de 13 à 16,000 fr.
Mais il
reste un autre littera qui se trouve en blanc au budget ; c’est celui qui
porte : « Loyer des locaux pour le gouvernement, etc. » Jusqu’à
ce jour aucune somme n’a figuré de ce chef au budget de l’intérieur, parce que,
comme je viens de le dire, le précédent gouverneur occupait son propre hôtel.
Mais comme aujourd’hui un hôtel a dû être loué, le loyer de cet hôtel, qui est
de 3,000 fr.doit nécessairement figurer au budget. Il faudra donc porter 3,000
fr. au littera D, « loyer des locaux pour le gouverneur », et le
chiffre voté devra être augmenté de cette somme.
C’est la
proposition que je soumets à la chambre. J’ai cru devoir la lui faire avant
qu’elle ne terminât l’examen du budget.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je
remercie l’honorable rapporteur d’avoir bien voulu vous rendre compte de ce
fait. Il s’agit d’un oubli. On n’a pas demandé la somme nécessaire pour le
loyer de l’hôtel habité par le gouverneur.
- La
chambre décide qu’elle passera immédiatement à la discussion de l’augmentation
de 3,000 fr. proposée à l’article 6 du chapitre IV.
Personne ne
demandant plus la parole, cette augmentation est mise aux voix et adoptée.
Fixation de l’ordre du
jour du lendemain
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je ne
sais ce qu’il y a à l’ordre du jour pour demain, mais je sais qu’on pourra, ce soir,
vous distribuer le budget de l’intérieur. Il n’y a que trois amendements. La
chambre jugera peut-être convenable de fixer le second vote à demain.
M. le ministre des travaux
publics (M. Dechamps) – La chambre a décidé qu’elle s’occuperait après
le budget de l’intérieur du projet de loi relatif au tunnel de Cumptich. On
pourrait mettre cet objet à l’ordre du jour de samedi.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Le vote
définitif du budget de l’intérieur n’entraînera probablement pas une longue
discussion ; il n’y a que trois articles qui présentent des amendements.
Si ce vote définitif était fixé à demain, ne pourrait-on s’occuper ensuite d’un
rapport de pétitions et notamment du rapport sur les pétitions qui sont
relatives à la question huîtrière ? je voudrais donner à cet égard
quelques explications à la chambre, car il est certains intérêts qu’il faut
rassurer, et je désirerais faire connaître l’opinion du gouvernement sur cette
question.
M.
Osy – Je proposerai à la chambre de mettre à l’ordre
du jour de demain le règlement des comptes de 1830, 1831 et 1832. Je crois que
cet objet ne vous prendrait pas une heure. Une fois ces comptes réglés, nous
pourrions successivement nous occuper de ceux des années suivantes, et ainsi
les choses rentreraient dans l’ordre. Voilà 13 années dont les comptes sont
clos, et nous n’avons pas encore examiné aucun de ces comptes.
M. le président – Ainsi,
l’ordre du jour de la séance de demain serait fixé de la manière
suivante : 1° Vote définitif du budget de l’intérieur ; 2° rapport
sur des pétitions, et notamment sur celles qui concernent la question
huîtrière ; 3° règlement des comptes de 1830, 1831 et 1832. (Assentiment.)
Présentation de projets de lois
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) présente 1° un projet de loi tendant à approuver un arrangement d’après
lequel une parcelle du territoire de la commune de … a été réunie à la ville de
Louvain par suite de l’établissement du chemin de fer ; 2° un projet de
loi concernant les vices rédhibitoires qui se présentent dans les ventes
d’animaux domestiques.
- La
chambre ordonne l’impression et la distribution de ces projets et les renvoie à
l’examen de deux commissions qui seront nommées par le bureau.
La séance
est levée à 4 heures ¾.