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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 10 mars 1845

(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)

(page 1051) (Présidence de M. d’Hoffschmidt)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Huveners fait l’appel nominal à une heure un quart.

M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Dendal, frappé de cécité complète et incurable, par suite de l’ophtalmie qu’il a contractée au service militaire, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir une pension ».

- M. Castiau propose le renvoi de cette requête à la commission des pétitions, avec demande d’un prompt rapport.

Cette proposition est adoptée.


« Le conseil communal de Sibret demande la construction de la route de St-Hubert à Bastogne par Sibret ».

- Même renvoi.


« Les membres de l’administration communale et du bureau de bienfaisance de Fontaine-l’Evêque, et plusieurs propriétaires et négociants établis dans cette ville, demandent qu’une pension alimentaire soit accordée aux nommés Hippolyte et Louis Hublart et Désirée Lagneau, frappés de cécité complète et incurable, par suite de l’ophtalmie, que leur a communiquée leur fils et frère François Hublart, milicien congédié du service, comme atteint de cette maladie »

- Sur la proposition de M. Castiau, cette pétition est renvoyée à la commission des pétitions, avec demande d’un prompt rapport.


« Le conseil communal de Wautjier-Braine demande, que les deux cantons de Nivelles ne soient pas réunis, et que le chef-lieu du deuxième canton soit transféré à Braine-Laleud ».

- Renvoi à la commission chargée d’examiner les projets de loi sur la circonscription cantonale.


« Plusieurs cultivateurs de Vincent prient la chambre d’adopter la proposition de loi sur les céréales, et de les affranchir, en attendant, de la contribution sur les terres labourables ».

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée de l’examen du projet de loi sur les céréales.


« Plusieurs propriétaires et cultivateurs de Baudour demandent des modifications à la loi du 31 juillet 1834, sur les céréales ».

Même demande des propriétaires et cultivateurs de Herchies.

- Même renvoi.


« Plusieurs cultivateurs d’Autre-Eglise prient la chambre de modifier la législation sur les céréales »

« Même demande des propriétaires et cultivateurs de Jandrain-Jandrenouille, Perwez, Limelette, Dion-le-Mont, Rix-en-Sart, Corbaix, Nivelles, Plancenoit ; Opain, Baulers, Genappe, Bousval, Lathuy, Marbais, Jodoigne-Souveraine, Loupoigne, Baisy-Thy, Sart-Dame-Avelines, Vieux-Genappe, Thines, Thilly, Chapelle St.-Lambert, Nil-St.Vincent, St.-Martin, St.-Géry, Noville-sur-Mehaigne, Walhain-St.-Paul, St.-Jean, Geest, Ceroux-Mousty, Lahulpe, Mont-St.-Guibert, Folx-les-Caves, Gentinnes, Mellery, Bossut, Gottichain, Corroy-le-Grand, Thorembais-St.-Trond, Bonlez, Tourinnes-St.-Lambert, Pietrebais-Chapelle-St.-Laurent, Orbais, Jauche, Verginal-Samme, Beauvechain, Waterloo, Cortil-Noirmont, Globais, Jodoigne, Biez, Maransart, Couture-St.-Germain, Quénast, Hevillers, Longueville, Tourinnes-la-Grosse, Mont-St.-André, Dongelberg, Archennes, Lillois-Witterzée, Ophain, Braine-l’Alleud, Grand-Rozière, Hottomont, Incourt, Bornival, Giez, Genval, Roux-Miroir, Thorembais-les-Beguines, Houtain et Chastres. ».

- Même renvoi.


« Plusieurs brasseurs à Anvers présentent des observations contre la proposition sur les céréales »

- Même renvoi.


« Les producteurs de fonte et de fer du bassin de Charleroy demandent que la fonte et le fer soient substitués au bois dans le parachèvement de l’entrepôt d’Anvers. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur la pétition du sieur Marcellis.

Projet de loi autorisant l'acquisition de biens enclavés dans le domaine de Tervueren

Rapport de la section centrale

M. Kervyn présente le rapport de la section centrale qui a été chargée de l’examen du projet de loi relatif à l’acquisition de plusieurs parties de biens enclavés dans le domaine de Tervueren.

Ce rapport sera imprimé et distribué. La chambre fixera ultérieurement le jour de la discussion du projet.

Projet de loi autorisant l'aliénation de biens domaniaux

Rapport de la section centrale

M. Kervyn dépose ensuite le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi tendant à autoriser l’aliénation de biens domaniaux.

M. de Garcia – Messieurs, ce projet est relatif à l’exécution d’une loi générale ; il s’agit de vendre des biens domaniaux pour amortir des bons du trésor. Cette mesure me semble urgente, parce que l’intérêt bien entendu du pays exige l’amortissement de la dette flottante. Je demanderai à la chambre de décider que ce projet sera discuté à la suite des objets qui sont déjà à l’ordre du jour.

- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.

Rapport sur une pétition

M. Zoude – Messieurs, la commission des pétitions m’a chargé de vous faire rapport sur une pétition des bateliers naviguant sur les canaux de Mons et d’Antoing, qui demandent la restitution des sommes qu’ils ont dû payer du chef du jaugeage de leurs bâtiments.

La gravité de l’accusation portée à charge des employés du jaugeage sur les canaux de Mons et d’Antoing a déterminé votre commission à s’entourer de renseignements pour s’assurer si les faits reprochés le sont avec fondement.

Les renseignements, elle les a puisés à une bonne source, et il en résulte qu’au lieu de 600 bateaux environ qui, au dire des pétitionnaires, auraient été arrêtés plusieurs jours à Saint-Ghislain en attendant que l’opération du jaugeage fût faite, il n’en a été jaugé ou rejaugé pendant l’espace de 13 mois, c’est-à-dire du 1er janvier 1844 au 1er février 1845, qu’un nombre de 432 ; enfin que 203 l’ont été à la demande des bateliers eux-mêmes, parce que leurs procès-verbaux de jaugeage étaient antérieurs à 1827 ; que dans le nombre encore de 432 sont compris 134 bateaux construits ou reconstruits à neuf.

Qu’il est donc bien inexact de dire que cette opération a coûté 9,000 fr. puisque le chiffre représentait la totalité des 600 bateaux prétendument rejaugés à raison de 15 fr. l’un. Que d’ailleurs le jaugeur ne reçoit que cinq fr., dont il doit déduire 1 fr. 80 pour les timbres, en sorte qu’il ne lui reste par bateau que 3 fr. 20. Quant aux échelles et clous de repère, ils ont été l’objet d’une adjudication faite à la diligence de la députation des états provinciaux du Hainaut, en sorte que le jaugeur n’y a aucune participation.

Nous devons encore signaler une autre erreur, c’est que, suivant les pétitionnaires, le commissaire du gouvernement aurait ordonné au jaugeur d’opérer avec rigueur, et que cependant il n’aurait rencontré que des différences légères de 5 à 6 tonneaux ; mais il conste du registre du jaugeur qui nous a été produit, que sur un nombre de 103 bateaux rejaugés du 1er juillet 1844 au 1er février 1845, il a été constaté un excédant de 1,534 tonneaux, c’est une moyenne de 15 tonneaux. On en trouve sur lesquels l’erreur a été de 58, 55, 54, 37, 31, 25, 24 tonneaux et ainsi de suite.

Je vous propose le dépôt de cette pétition au bureau des renseignements.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.

Motions d’ordre

Négligences constatées dans les textes officiels et le compte-rendu parlementaire du Moniteur belge

M. de Man d’Attenrode – Il y a quelques jours, messieurs, j’ai attiré votre attention sur la négligence avec laquelle le Moniteur est rédigé. Je me figurais qu’après cette leçon, nous aurions remarqué une amélioration dans la rédaction et dans la correction du journal officiel. Il me paraît que je me suis trompé. Pour vous le prouver, je vais citer les fautes que j’ai remarquées dans le numéro d’hier.

A la page 563, 1er colonne, il est dit que M. Caels, père, distillateur à Lembecq, membre du conseil provincial, est nommé membre du jury chargé de décerner les primes au concours institué entre les propriétaires de bestiaux qui seront exposés en vente à Bruxelles. Tout le monde sait qu’il s’agit ici de la nomination de M. Claes de Lembecq, tout le monde connaît parfaitement M. Claes de Lembecq. Cette faute est donc des plus grossières.

A la page 564, on dit qu’à l’ouverture de la séance du conseil communal, M. Heyvaert-Pauwels, démissionnaire, a été installé et a prêté serment. C’est une chose assez extraordinaire ! Inutile de dire qu’il s’agit de M. Ranwet, qui a été nommé en remplacement de M. Heyvaert-Pauwels.

Maintenant, à la page 567, il s’agit du programme de l’université de Bruxelles, et M. Van de Weyer, ambassadeur à Londres, y est porté comme professeur honoraire de géographie (On rit beaucoup).

Si je retourne ensuite la page, je trouve : « Clinique interne (à St-Jean) . . . honoraire. » Il n’y a pas de nom.

Messieurs, il est temps réellement que le gouvernement prenne des mesures pour que le Moniteur soit rédigé avec plus de soin, car la négligence avec laquelle il est composé n’est plus tolérable. Le Moniteur est un document officiel qui doit trouver place dans toutes les bibliothèques. Pour justifier son titre, il devrait être exact et correct ; mais il n’est, en réalité, qu’un tissu d’inexactitudes, qui nécessitent de continuelles rectifications. On devrait l’intituler l’ERRATUM OFFICIEL ; car ce n’est pas là un Moniteur ; cette publication ne mérite pas ce nom.

Messieurs, je ne terminerai pas, sans me rendre l’organe de plaintes que nous avons tous faites. La plupart de ceux d’entre nous qui parlent à la chambre sont obligés de se rendre au Moniteur pour revoir la copie ou l’épreuve de leurs discours. Il est impossible de se soustraire à cette obligation (page 1052) pénible. Eh bien, pour arriver au bureau, il faut, messieurs, vous le savez comme moi, traverser une cour noire comme un four, où l’on risque de se casser le cou. On y remarque une lanterne sans huile ; elle ne répand, par conséquent, aucune lumière. On prétend que l’huile est employée à toute autre usage qu’à éclairer les représentants.

On arrive, à grand-peine, dans une pièce très-sale, dégoûtante même, où l’on trouve avec peine de l’encre et quelques débris de mauvaises plumes. Je ne parle pas de sable ou de pains à cacheter ; c’est là un luxe inconnu.

Quand on s’occupe d’un travail tel que la révision de discours prononcés dans cette chambre, on a besoin d’une bibliothèque ; il se trouve, en effet, dans le bureau un meuble au haut duquel est écrit le mot BIBLIOTHEQUE. Mais ce meuble est fermé ; et d’ailleurs, il est vide.

Messieurs, nous payons fort cher le Moniteur, nous ne refusons rien de ce qui est nécessaire pour le faire marcher convenablement. Il faut que le gouvernement ait quelques égards pour les membres de cette chambre. Je dis que ce qui se passe au Moniteur constitue un manque d’égards envers la représentation du pays ; je demande que cela cesse ; je pense que la chambre sera de mon avis.

- Ces paroles, souvent interrompues par des rires d’adhésion, sont accueillies par des marques nombreuses d’approbation.

Rigueur des contrôleurs de la douane

M. Lys – Depuis quelques temps, des mesures pour prévenir la fraude ont été prises, par le département des finances. Ces mesures ont donné lieu à des plaintes nombreuses et fondées de la part des cultivateurs du district de Verviers. On assujettit les habitants de la campagne à des formalités gênantes pour le transport de leur produits au marché. On les met pour ainsi dire dans l’impossibilité d’opérer ces transports. On a exhumé ces formalités d’une loi ancienne, formalités qui jusqu’à présent n’avaient jamais été exigées ; on pouvait dès lors les considérer comme tombées en désuétude ; elles n’auraient d’autre résultat que de provoquer un mécontentement général. Je crois que des plaintes à ce sujet sont déjà parvenues au département des finances. Je présume que M. le ministre aura donné les ordres nécessaires pour qu’il y soit fait droit.

Je répète que ces formalités sont inutiles, ne sont nullement propres à éviter la fraude ; elles causent de la gêne, des entraves, c’est là tout le fruit que le gouvernement en retirera.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – L’honorable membre a raison lorsqu’il présume que le département des finances s’est occupé de cet objet. Des instructions ont été données récemment ; de nouveaux renseignements ont été demandés. Je pense que l’on parviendra à concilier tous les intérêts, c’est –à-dire l’intérêt du producteur belge avec les nécessités de la répression de la fraude.

Projet de loi portant le budget du département des travaux publics de l’exercice 1845

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ponts et Chaussées; canaux, rivières et polders; ports et côtes; bâtiments civils; personnel des ponts et chaussées

Section II. Service des canaux et rivières, des bacs et bateaux de passage et des polders
Article 30

La chambre est parvenue à la sect. Il du chapitre II, Ponts et chaussées et service du canal de la Campine (1er section).

« Art. 30. Service du canal de la Campine. Travaux d’entretien des terrassements et des ouvrages d’art :

« Chiffre proposé par le gouvernement : fr. 10,000.

« Chiffre proposé par la section centrale : fr 5,000. »

M. Jadot – Avant de termine le chapitre II, dans lequel se trouvent compris les canaux et rivières, je prierai M. le ministre des travaux publics de vouloir bien me dire où on en est en ce moment l’instance engagée entre la société du Luxembourg, concessionnaire du canal de Meuse et Moselle, et le gouvernement.

Je pense que le gouvernement pourrait amener cette affaire à bonne fin au moyen d’une transaction à laquelle cette société a toujours paru disposée.

On parle de voter de nouvelles millions pour des travaux dont la nécessité est très-contestable et on laisse inachevés des travaux urgents dont dépend la prospérité du Luxembourg.

J’appelle l’attention du gouvernement sur cet objet ; il serait bien à désirer qu’il trouvât moyen de nous faire jouir enfin d’un canal qui aurait été livré à la navigation en 1831, sans les événements de cette époque.

(M. Vilain XIIII remplace M. d’Hoffschmidt au fauteuil.)

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – L’honorable M. Jadot me demande à quoi en est l’affaire relative au canal de Meuse et Moselle.

Messieurs, la chambre sait que la société du canal de Meuse et Moselle a été condamnée, par un arrêt de la cour d’appel de Bruxelles, à parachever l’exécution du canal : il lui a été accordé un délai de quatre ans pour terminer ces travaux. Ces quatre années doivent courir à partir de la signification de l’arrêt. Cette signification a eu lieu, si ma mémoire est fidèle, vers le mois d’avril de l’année passée.

Depuis lors, messieurs, la société a pris son recours en cassation. Comme le recours en cassation n’est pas suspensif, le gouvernement a examiné la question de savoir s’il n’a pas le droit de mettre la société en demeure pour la forcer à commencer l’exécution des travaux à laquelle elle a été condamnée. Car enfin ces quatre années ne lui ont pas été accordées par la cour dans le but de s’abstenir, mais dans le but de travailler et d’exécuter les travaux. Mais, d’après les conseils de l’avocat du gouvernement, le temps qui s’est passé depuis la signification de l’arrêt n’est pas assez long encore pour avoir l’espérance d’obtenir de la cour une décision dans ce sens. Le gouvernement examinera, lorsque le temps sera arrivé de demander à la cour d’ordonner la mise à exécution des travaux d’autoriser le gouvernement à les exécuter d’office aux frais des concessionnaires.

M. Jadot – Je prierai M. le ministre des travaux publics de nous dire si des propositions de transaction n’ont pas été faites par la société, ou si ces propositions sont telles que le gouvernement croie ne pas devoir les accepter.

Je crois que si le gouvernement avait voulu, au lieu de poursuivre le procès, entrer en arrangement, il y a longtemps que l’affaire serait arrangée. Car il paraît que la société a fait des propositions qu’on m’a dit très-acceptables.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – La société, par cela seul qu’elle a pris son recours en cassation, a déclaré qu’elle n’était pas disposée à une transaction.

Si la société avait été disposée à transiger, elle aurait dû faire ses propositions au gouvernement.

Du reste, le gouvernement examinera les propositions que la société pourra faire.

M. Jadot – Je croyais qu’elles étaient faites depuis longtemps.

M. de Garcia – Messieurs, l’utilité du canal de Meuse et Moselle est incontestable dans l’intérêt du Luxembourg et de Liége, et même de la province de Namur. La construction de ce canal devait s’opérer aux frais d’une association.

Le gouvernement a gagné le procès qui lui était suscité à cet égard ; la société, aujourd’hui, se trouve sous le poids d’un arrêt qui la condamne à exécuter ces travaux, sous peine de les voir faire, à ses frais, par le gouvernement.

A la vérité, le ministre observe que, si d’un côté il a été fait des propositions d’arrangement et de transaction, d’un autre côté, la société s’est pourvue en cassation contre l’arrêt qui la condamne.

Dans cette position, quelle doit être la conduite du gouvernement pour mener cette affaire à bonne fin ? C’est, selon moi, de presser la décision de la justice pour connaître la diligence qu’on apporte à cet objet. Je demanderai à M. le ministre depuis quelle époque la cour de cassation est saisie du pourvoi contre l’arrêt existant au profit du gouvernement, et je terminerai en le conviant de porter toute son attention pour qu’un canal d’une utilité aussi prononcée que celui de Meuse et Moselle, puisse prochainement être mi à exécution.

M. d’Hoffschmidt – Messieurs, je regrette que la voie de transaction n’ait pas été adoptée pour amener la reprise des travaux du canal de Meuse et Moselle. M. le ministre des travaux publics, dans la réponse qu’il a faite à la section centrale, est convenu qu’une transaction avec la société concessionnaire serait le meilleur moyen d’amener la reprise des travaux ; mais il a ajouté que des propositions de cette nature devraient venir de la société.

Je crois, messieurs, qu’une proposition d’arrangement aurait pu être discrètement faite par le gouvernement ; du moins autrefois on l’avait jugé ainsi. En 1833, l’honorable M. Rogier, qui était alors ministre de l’intérieur et des travaux publics, avait entamé une négociation avec la société du canal de Meuse et Moselle, dans le but d’amener la reprise des travaux.

Cette négociation fut continuée par l’honorable M. de Theux, lorsqu’il vint à la tête du département de l’intérieur. Si elle n’a pas produit de résultat, c’est parce qu’alors les circonstances politiques étaient telles que la société ne pouvait pas reprendre les travaux, aussi longtemps que le sort du territoire que doit traverser le canal n’était pas définitivement fixé. C’est la réponse que l’administrateur dirigeant de la société a faite à M. le ministre de l’intérieur de cette époque ; il ne se refusait pas à la continuation des travaux, mais il disait qu’aussi longtemps que le sort du Luxembourg ne serait pas politiquement fixé, il lui était impossible de les reprendre, et on conçoit, en effet, que lorsque nous étions dans un état d’hostilité vis-à-vis de la Hollande, lorsque la Belgique n’était pas encore reconnue par les puissances européennes, lorsqu’enfin le sort du Luxembourg n’était pas définitivement fixé, il n’était guère possible à la société de se livrer à des travaux qui doivent traverser toute cette province.

Mais depuis lors, ces circonstances ont complètement cessé ; par suite du traité du 19 avril 1839, le sort du territoire est définitivement fixé, et, par conséquent, l’obstacle qui s’opposait à la reprise des travaux, a disparu. Je m’étonne donc que, depuis le traité du 19 avril 1839, aucune négociation n’ait été entamée avec la société pour l’engager à reprendre l’œuvre qu’elle avait si bien commencée.

Il me semble, messieurs, qu’une semblable négociation amènerait nécessairement un résultat. Tous les intérêts engagés dans la question militent en faveur de la reprise des travaux : l’intérêt de la Belgique d’abord, représentée par les provinces de Liége et de Luxembourg, puis celui du grand-duché de Luxembourg.

En effet, on est en droit d’attendre, à cet égard, la meilleure volonté possible du gouvernement néerlandais ; nous avons eu une preuve de ce bon vouloir dans une convention qui a été adoptée, en 1842, entre les deux gouvernements pour faciliter la continuation de ces mêmes travaux. Je sais, d’ailleurs, que toutes les autorités du grand-duché de Luxembourg ne demandent pas mieux que d’aider le gouvernement belge à amener l’achèvement d’une communication aussi éminemment utile aux deux pays.

L’intérêt de la société concessionnaire doit le pousser également à ne pas laisser constamment improductifs les travaux déjà considérables qu’elle a fait pour ce canal. Près de 3 millions de francs ont été dépensés pour l’exécution du canal de Meuse à Moselle, et aussi longtemps que le canal ne sera pas achevé, il est évident que ces sommes considérables resteront complètement improductives. Je ne vois pas quel intérêt la société elle-même aurait à prolonger un débat judiciaire qui, en définitive, doit toujours amener la même situation

(page 1053) Il me semble donc que si le gouvernement entamait une nouvelle correspondance avec la société, s’il faisait une proposition acceptable, la société devrait s’empresser d’adhérer, et ce serait le meilleur moyen d’amener l’achèvement d’une des entreprises les plus utiles qu’on puisse exécuter en Belgique.

M. Orts – Messieurs, pour qui connaît la procédure en cassation, il n’est pas possible d’avoir le moindre doute sur une prompte solution de cette affaire. Le pourvoi a été déposé au greffe, les significations ont été faites. Le premier président ordonne de répondre dans les deux mois, et qui doit répondre ? C’est le gouvernement. Il peut anticiper sur les deux mois, il peut répondre et faire signifier de suite sa réponse. La cause est alors mise en rapport, et comme cette affaire est très-urgente de sa nature, et que la cour de cassation est trop pénétrée de ses devoirs pour ne pas y mettre toute la diligence possible, je suis persuadé que l’affaire pourrait être vidée en cassation avant trois ou quatre mois.

Dans cet état de choses, il me paraît essentiel de ne pas se hâter d’entrer dans un arrangement définitif avec la société ; il vaut mieux, selon moi, attendre que le pourvoi soit vidé.

M. de Garcia – Les observations que vient de présenter l’honorable M. Orts, sont parfaitement exactes ; mais c’est précisément pour cela que j’ai demandé au gouvernement depuis quelle époque la cour de cassation était saisie de l’affaire. Je désire donc que le gouvernement réponde à l’interpellation que je lui ai adressé sur ce point.

L’honorable M. d’Hoffschmidt a fait allusion à des propositions d’arrangement sous le ministère de l’honorable M. Rogier. Je conçois des propositions d’arrangement, alors qu’on n’a pas un arrêt pour soi ; mais le gouvernement a gagné son procès, la position est donc changée ; le gouvernement, armé d’un droit et d’un titre aussi puissant, encourrait des reproches fondés s’il acceptait des propositions de transaction, qui ne peuvent plus avoir la valeur qu’elles avaient avant l’arrêt rendu à son profit, et si dans une position aussi favorable il s’exposait à sacrifier les intérêts de l’Etat. Pourtant j’insiste de nouveau pour que M. le ministre veuille faire connaître depuis quelle époque la cour de cassation est saisie du pourvoi en cassation dont il s’agit ; je désire ainsi savoir si le gouvernement a fait toutes les diligences nécessaires pour conduire l’exécution du canal de Meuse et Moselle à sa réalisation.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, je ne pourrais dire de mémoire depuis quelle époque précise la société a pris son recours en cassation, mais j’ai reçu, il y a peu de temps, une lettre de l’avocat du gouvernement, M. Allard, qui m’a fait connaître à quel point en était l’affaire ; le mémoire a été remis, et le gouvernement fait toutes les diligences nécessaires pour que la cour de cassation soit à même de se prononcer dans le plus bref délai possible. Comme l’a dit l’honorable M. de Garcia, le gouvernement est bien plus fort, maintenant qu’il a pour lui un arrêt et, si une négociation doit intervenir, le gouvernement, armé de son droit, a bien plus de chances pour la conduire à bonne fin.

M. d’Hoffschmidt – Messieurs, si le procès existant entre l’Etat et la société doit être terminé dans quelques mois, comme vient de le dire l’honorable M. Orts, je n’insiste pas dans ce moment pour que le gouvernement entame une nouvelle négociation avec la société. Je conçois que sa position est aujourd’hui infiniment meilleure qu’elle ne l’était en 1833 et en 1834 ; mais je continue à penser que pour l’achèvement d’une semblable entreprise le concours du gouvernement et de la société serait le moyen le plus efficace auquel on pût recourir.

Du reste, je le répète, je n’insiste pas. Si j’ai fait ces observations, c’est que la question est pendante devant les tribunaux, non pas depuis quelques mois, mais depuis 1837, et que le gouvernement n’avait fait depuis cette époque aucune proposition pour amener, par voie de transaction, la reprise des travaux.

Je me borne donc pour le moment à appeler toute la sollicitude de M. le ministre des travaux publics sur cet objet, afin que dès que la cour de cassation aura prononcé, il soit pris une décision définitive.

- Personne ne demandant plus la parole, l’art 32. (devenu l’art. 30) est mis aux voies et adopté.

Article 33

« Art. 33 (devenu l’art. 31). Service du canal de la Campine. Personnel : fr. 4,200 »

- Adopté.

Article 32

« Art. 34 (devenu l’art. 32). Service de bacs et bateaux de passage. Entretien et confection des bacs et de leurs dépendances : fr. 20,000. »

- Adopté

- M. d’Hoffschmidt reprend place au fauteuil.

Article 33

« Art. 35 (devenu l’art. 33). Service des polders. Subside à la direction du polder de Lillo : fr. 5,000.

« Travaux aux digues de la partie non réendiguée du polder de Lillo : fr. 20,000. »

M. Huveners – Messieurs, la loi du 9 avril 1844 a autorisé le gouvernement à réendiguer le polder du Lillo, mais aux termes de l’article 2, le gouvernement était tenu, dans le cours de la session suivante, de rendre compte aux chambres des sommes que le trésor public est en droit de recouvrer des propriétaires, par suite des réserves exprimées aux diverses lois relatives aux réendiguements des polders. Ces réserves ont été formulées de cette manière : « Le concours des propriétaires sera réglé ultérieurement s’il y a lieu ».

Je demanderai à M. le ministre des travaux publics s’il sera bientôt à même de nous fournir le rapport dont il s’agit. La présentation de ce rapport est d’autant plus nécessaire, qu’il aura pour effet, si la question est décidée contre le trésor, de tranquilliser les propriétaires eux-mêmes qui sont incessamment sous le coup des réserves insérées à leurs charges dans les lois dont je viens de parler ; ces réserves déprécient nécessairement leurs propriétés.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – La chambre sait que par suite des sinistres qui ont eu lieu, les payement qui devaient être effectuées, en 1845, pour le réendiguement du polder de Lillo, ne pourront être opérés qu’en 1846. Pour ce motif le gouvernement n’a pas été mis à même de proposer un chiffre au budget, et dès lors, l’achèvement des travaux ne devant avoir lieu que l’année prochaine, le gouvernement a cru qu’il pourrait ajourner jusqu’à la session prochaine le rapport dont vient de parler l’honorable M. Huveneers.

M. Huveners – Je me déclare satisfait de la réponse de M. le ministre des travaux publics. Mon interpellation tend seulement à ce que la question de droit soit examinée par le gouvernement. Vous savez, messieurs, que lors de la discussion de la loi, il a été soutenu que les propriétaires devaient faire réendiguer les polders à leurs frais ; le gouvernement n’étant pas de cet avis, la question est restée en suspens

- L’art. 35 (devenu l’art. 33) est mis aux voix et adopté.

Article 34

« Art. 36 (devenu art. 34). Service des polders. Personnel : fr. 1,000 »

- Adopté.

Section III. Ports d’Ostende et de Nieuport. côte de Blankenberghe
Articles 35 à 37

« Art. 37 (devenu l’art. 35). Port d'Ostende Entretien de l’avant-port (43,452 50)

« Entretien de l’arrière-port et des écluses de Slykens : fr. 4,139 17.

« Construction de deux triangles en charpente le long de la rive droite de l’avant-port, entre l’estocade d’est et l’écluse militaire : fr. 3,700.

« Renouvellement du quai contre le côté gauche du front aval de l’écluse du bassin de commerce : fr. 6,000

« Total : fr. 57,364 67 »

- Adopté.

Article 36

« Art. 38 (devenu l’art. 36). Port de NieuportTravaux d’entretien : fr. 17,666 67 »

- Adopté

Article 37

« Art. 39 (devenu l’art. 37). Côte de Blankenberge. Travaux d’entretien : fr. 79,900.

« Prolongement en mer de la jetée entre Wenduyne et le fortin de Blankenberge : fr. 7,790 49 »

- Adopté.

Section IV. Bâtiments civils
Article 40

« Art. 42 (devenu l’art. 40) Entretien et réparations des palais, hôtels, édifices et monuments de l’Etat : fr. 52,600 »

M. Osy – Vous vous rappelez qu’en 1842, vous avez voté une somme de 1,500 mille francs pour l’entrepôt d’Anvers. Ce crédit n’est passé qu’à une faible majorité. Dans le cours de cette session, nous avons été saisis de plusieurs pétitions du sieur Marcellis, ayant pour objet d’engager le gouvernement de substituer le fer au bois dans la construction de l’entrepôt d’Anvers. L’honorable M. Pirmez a fait un rapport sur cette pétition qui a été renvoyée à M. le ministre des travaux publics. Je pense que c’est à l’occasion du vote de l’article des bâtiments civils que nous devons nous occuper de cette pétition et statuer sur son objet.

M. le président – Le renvoi n’a pas été prononcé ; il n’a pas été statué sur les conclusions de ce rapport

M. Osy – Raison de plus pour statuer en ce moment sur ces conclusions, car le résultat de la discussion sera que, si le gouvernement ou un membre trouve le projet de M. Marcellis exécutable, on pourra proposer un crédit au budget pour couvrir l’excédant de dépenses qui en résultera

Plusieurs membres – Les conclusions sur cette pétition sont à l’ordre du jour après le budget des travaux publics.

M. Osy – Mais si quelques membres trouvent que la proposition de M. Marcellis est avantageuse, c’est au budget qu’on devrait proposer le crédit nécessaire.

D’ailleurs, il m’est permis, ce me semble, à propos des bâtiments civils, de parler de la construction de l’entrepôt d’Anvers. On a fait l’entreprise des charpentes et bois de construction, l’adjudication a été faite et approuvée par le gouvernement. Depuis que les plans de M. Marcellis ont surgi, l’entrepreneur ne fait pas ses approvisionnements, dans l’espoir que l’entrepreneur de Liége lui donnera une indemnité de 100 ou 200,000 fr. Il réaliserait ainsi son bénéfice sans peine et sans courir de chance. Mais cela ne fait les affaires ni du commerce, ni du trésor. Les 1,500,000 francs que (page 1054) vous avez votés restent improductifs, le gouvernement les a dans ses caisses, il ne peut en tirer aucun intérêt.

Je demanderai au gouvernement quelle est son opinion sur la proposition de M. Marcellis. Si le gouvernement ou une partie de la chambre trouvait avantageux de substituer le fer au bois dans la construction de l’entrepôt d’Anvers, il faudrait proposer un crédit supplémentaire de 5 à 600 mille francs. Il est urgent de décider cette question, car si la chambre ou le gouvernement ne se prononçait pas en faveur de la proposition de l’entrepreneur de Liége, l’entrepreneur d’Anvers ferait ses approvisionnement de bois, car aussi la belle saison on continuera les travaux de maçonnerie et on s’occupera en même temps des charpentes. C’est dans cette occasion que nous devons prendre une décision. Si le gouvernement veut faire exécuter le cahier de charges, je n’ai rien à dire, mais s’il veut y substituer le projet de M. Marcellis ou qu’un membre en fasse la proposition, je me réserve de prendre la parole pour la combattre.

Je trouverai inutile d’entamer une discussion à cet égard, si le gouvernement se tient au cahier des charges et si aucun membre ne fait de proposition contraire.

M. Fleussu – Je ne pense pas qu’il y ait lieu de discuter en ce moment les conclusions présentées par la commission sur la pétition du sieur Marcellis. A cette pétition se sont joints plusieurs mémoires que nous avons plus ou moins perdus de vue, ainsi que le rapport fort étendu qui nous a été fait, rapport qui contient des renseignements qu’il est bon de se remettre en mémoire. Ce qu’on dit de l’urgence de reprendre les travaux pourrait être pris en considération, si nous demandions le renvoi de la discussion à une époque éloignée ; mais nous proposons de la remettre après le budget des travaux publics. La discussion de ce budget sera bientôt terminé, et immédiatement après, nous pourrons nous occuper de la pétition de M. Marcellis. Personne ne sera pris au dépourvu. C’est une question grave ; je me propose de présenter quelques observations à l’appui de la pétition. Quelques membres sont dans la même disposition que moi ; personne n’est prévenu, on compte au contraire sur ce que cet objet a été mis à l’ordre du jour, après le budget des travaux publics. Je demande que cette décision de la chambre soit maintenue.

M. Osy – Tout ce que je demande, c’est que le gouvernement fasse connaître son opinion, car voilà trois ans que le crédit est voté et on ne fait rien. L’entreprise de la charpente est faite depuis six mois, et l’entrepreneur, dans l’espoir de recevoir, comme je le disais tout à l’heure, 100 ou 200,000 francs de l’entrepreneur de Liége, ne fait pas ses approvisionnements. Le moment de commencer les travaux va arriver ; il faut que toute incertitude cesse sur la question de savoir si on veut ou non donner la préférence au fer sur le bois.

Je n’entrerai pas dans la discussion, si le gouvernement ou quelque membre ne se prononce pas en faveur du système proposé par M. Marcellis. Tout le monde a lu le rapport de l’honorable M. Pirmez sur les pétitions de cet entrepreneur ; la question a été assez étudiée : le pour et le contre ont été insérés dans tous les journaux, on peut prendre une décision en connaissance de cause.

Nous sommes obligés depuis quatre ans de louer des magasins pour en faire des entrepôts fictifs. C’est une perte pour le trésor, car si l’entrepôt était construit, on ne louerait plus de magasins et le trésor percevrait le produit de l’entrepôt. C’est le moment de s’occuper de cet objet. Je désire qu’il y ait une décision quelconque.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – La discussion du rapport de M. Pirmez ayant été remise après le budget des travaux publics, je ne suis pas même muni des renseignements qui pourraient être nécessaires à la discussion. Je dois déclarer à l’honorable préopinant que le gouvernement n’a pas changé de position ; il avait une loi à exécuter, la loi de 1842, qui alloue une somme de 1,500 mille francs pour la construction de l’entrepôt d’Anvers. J’ai approuvé les plans généraux, une adjudication a eu lieu, et cette adjudication a été approuvée ; ces faits sont posés. Lorsque les réclamations de M. Marcellis ont été examinées par le gouvernement, après les avis obtenus de la chambre de commerce d’Anvers, de la commission mixte de l’entrepôt, j’ai fait connaître à M. l’inspecteur-général, à l’entrepreneur et à M. Marcellis, que la proposition ne me paraissait pas susceptible d’être favorablement accueillie, qu’on devait s’en tenir au cahier des charges de l’entrepôt. C’est là la position que le gouvernement a prise jusqu’ici. J’attendrai la discussion qui aura lieu ; le gouvernement fera connaître les motifs sur lesquels il appuie la conduite qu’il a tenue.

M. Delfosse – Je désire, comme M. Fleussu, que la chambre, se conformant à son ordre du jour, ne s’occupe de la pétition de M. Marcellis qu’après le vote du budget de travaux publics.

Je serai peut-être amené à prendre part à la discussion qui aura lieu sur cette pétition ; cela dépendra des explications qui seront données, mais je dois en ce moment assister à une séance de la commission d’enquête qui est convoquée pour un objet très-urgent.

Personne ne prévoyait qu’il serait question de cette pétition aujourd’hui. Nous n’avons pas apporté les pièces.

M. le président – D’après le procès-verbal de la séance du 13 février que j’ai sous les yeux, la chambre a renvoyé la décision, sur les conclusions présentées par la commission relativement à la pétition du sieur Marcellis, à la discussion du budget des travaux publics. M. Fleussu propose de la remettre après le vote du budget. Je dois consulter la chambre.

M. Osy – Je ne m’oppose pas, messieurs, à ce que cette question soit discutée à la fin ou à la suite du budget ; mais, comme j’ai eu l’honneur de le dire, tout doit se résumer dans une fin de non-recevoir ou dans le vote d’une augmentation de crédit de 600 et autant de mille francs. Si vous décidez que la fonte devra être substituée au bois dans l’achèvement de l’entrepôt d’Anvers, vous devrez augmenter le crédit demandé pour les bâtiments civils de plus de 600,000 fr. Eh bien, si l’on n’est pas préparé aujourd’hui à discuter cette question, je proposerai, pour mettre tout le monde d’accord, d’ajourner la section des bâtiments civils jusqu’à la fin du budget. Alors M. le ministre pourra être muni de toutes les pièces ; les honorables membres qui désirent que le fer soit substitué au bois pourront appuyer la proposition de M. Marcellis et nous qui ne voulons pas de l’emploi du fer, nous dirons pourquoi nous préférons le bois.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, je ne m’oppose pas à ce que demande l’honorable M. Osy ; mais je ferai remarquer à l’honorable membre que si quelqu’un proposait de voter 5 ou 600,000 fr., pour l’objet dont il s’agit, cette somme ne formerait pas une majoration du chiffre demandé au budget pour les bâtiments civils ; ce serait une augmentation de la somme de 17 millions compris dans l’emprunt de 1842 ; ce serait un crédit spécial précisément comme celui qui a été voté pour le souterrain de Cumptich. On pourrait donc sans inconvénient fixer la discussion de cette question immédiatement après le budget et voter dès à présent les articles relatifs aux bâtiments civils.

M. Fleussu – Je me rallie à la proposition de Osy.

M. David – Il me paraît, messieurs, qu’il faudrait examiner la proposition de M. Marcellis dans la discussion générale du chemin de fer ; car il est plusieurs constructions du chemin de fer à l’égard desquelles la proposition de M. Marcellis pourrait être prise en considération. Je demanderai dans tous les cas à pouvoir présenter dans la discussion de cette proposition les considérations que j’aurai à faire valoir en ce qui concerne l’application du système de M. Marcellis aux constructions du chemin de fer.

Plusieurs membres : Oui, oui.

M. Pirmez – J’entends parler de la proposition de M. Marcellis ; mais je ferai remarquer qu’il ne peut avoir de proposition de M. Marcellis. Ce pétitionnaire demande que l’entrepôt d’Anvers soit construit en fonte dans quelques-une de ses parties ; mais pour que la chambre puisse délibérer sur ce point, il faut que cette proposition soit faite ou par M. le ministre des travaux publics ou par un membre de la chambre. Jusque là, ce qui est soumis à la chambre, c’est le rapport de la commission d’industrie qui conclut au renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics.

M. Fleussu – Messieurs, je n’ai pas compris la pétition de M. Marcellis comme la comprend l’honorable rapporteur. Sans doute M. Marcellis ne fait pas de proposition, il ne peut pas en faire, car nous ne pouvons pas être saisis d’une proposition par une personne étrangère à cette chambre ; mais M. Marcellis demande que la chambre donne une impulsion, qu’elle engage le gouvernement à substituer la fonte au bois dans la construction de l’entrepôt d’Anvers ; il demande qu’un membre de la chambre prenne l’initiative d’une proposition dans le sens des observations qu’il a présentées. Maintenant la discussion amènera peut-être l’un ou l’autre membre de la chambre, ou le gouvernement lui-même à proposer non pas une somme de 600,000 francs comme le pense l’honorable M. Osy, mais, par exemple, une somme de 100 à 130 mille francs à allouer pendant trois années successives, pour substituer la fonte au bois dans la construction de l’entrepôt d’Anvers. Voilà comment on pourrait être amené à prendre une décision sur le fond même de la pétition de M. Marcellis.

M. Desmet – Messieurs, la proposition de la commission d’industrie est bien claire. Le pétitionnaire demande que la chambre insiste auprès du gouvernement pour que le cahier des charges relatif aux travaux de l’entrepôt d’Anvers soit modifié dans ce sens, qu’au lieu du bois du Nord on doive employer du fer ; il demande en second lieu qu’il soit, lui, déclaré adjudicataire. Dans cet état de choses, qu’a fait la commission d’industrie ? Elle a dit qu’elle n’était pas compétente pour décider une semblable question, qu’elle ne pouvait se transformer en un corps d’ingénieurs pour dire au gouvernement que dans les travaux de l’entrepôt d’Anvers, le bois doit être remplacé par le fer. Remarquez-le, messieurs, ce n’est pas en thèse générale que M. Marcellis demande la substitution du fer au bois ; il ne la demande que pour l’entrepôt d’Anvers. Il n’est donc pas étonnant que la commission d’industrie se soit déclarée incompétente.

M. Pirmez – Quand j’ai dit qu’il ne peut y avoir de proposition de M. Marcellis, j’ai entendu parler d’une proposition sur laquelle on puisse délibérer et voter. Je n’ai certainement pas voulu dire que M. Marcellis ne demande rien ; mais j’ai voulu dire que la chambre n’est saisie d’aucune proposition formelle, si ce n’est le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics.

M. David – Messieurs, je ferai remarquer que la question s’est élargie depuis que M. Marcellis a adressé sa pétition ; qu’elle a pris des proportions très-grandes. Vous avez vu en effet que la sidérurgie belge est intervenue. Je verrais avec un plaisir extrême la chambre saisie de cette question ; je voudrais la lui voir décider ainsi que bien d’autres questions du même genre, sur lesquelles elle entendra sans doute se prononcer. Je veux parler de l’emploi du fer dans les constructions faites par le gouvernement, celles du chemin de fer, par exemple, et j’espère que la chambre me permettra de présenter quelques considérations à cet égard dans la discussion du rapport sur la pétition de M. Marcellis.

M. Coghen – Je vous proposerais, messieurs, de fixer la discussion de cette question à la fin du budget. Alors, si la demande de M. Marcellis est accueillie favorablement, on pourra encore introduire dans le budget même la somme qui serait nécessaire, et je trouverai cela beaucoup plus régulier que tous ces crédits supplémentaires qui embarrassent toujours la comptabilité.

D’ici à la fin du budget tous les membres auront le temps d’examiner la question et on la discuterait alors à l’occasion des articles relatifs aux bâtiments civils qui seraient ajournée jusqu’à ce moment.

- La chambre décide qu’elle discutera les articles relatifs aux bâtiments civils à la fin de la discussion du budget, et qu’elle examinera en même temps le rapport de la commission sur la pétition de M. Marcellis.

Section V. Personnel des ponts et chaussées
Article 42

« Art. 42. A. Traitement des ingénieurs et conducteurs, frais de bureau et de déplacement, indemnités et dépenses éventuelles : fr. 445,800

« B. Frais du jury d’examen de l’école de génie civil – Voyage des élèves : fr. 6,000

« Total : fr. 451,800 »

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – La section centrale a fait observer qu’un transfert de fr. 3,000 a eu lieu du budget de la justice au budget du département des travaux publics, parce que la cour des comptes a refusé d’imputer sur le budget de la justice le traitement de l’ingénieur en chef Roget, chargé de l’inspection des prisons. Une proposition a été faite par le gouvernement au budget de la justice, et le transfert a été opéré.

Depuis la présentation du budget de la justice, la cour des comptes a poussé plus loin ses observations : elle s’oppose à l’imputation sur le budget de la justice de 6,000 fr., montant des traitements des surveillants des prisons, qui font partie du corps des ponts et chaussées. Cet homme figurant au budget de la justice, le transfert n’a pu être opéré.

Je fais cette observation, afin d’éviter les difficultés de comptabilité qui pourraient être faites par la cour des comptes.

- L’art. 42 est mis aux voix et adopté.

Chapitre III. Chemin de fer et postes

Discussion générale

La chambre passe à la discussion sur l’ensemble du chap. IlI, Chemins de fer et Postes

(page 1067) M. de La Coste –Je n’ai pu assister à la discussion générale de ce budget. Je demande donc un peu d’indulgence, si une partie de es observations eût paru à quelques honorables membres, plus à sa place dans la discussion générale, que dans le débat qui s’ouvre maintenant.

Je commencerai par revenir sur une question que j’ai soulevée à l’occasion de la concession du chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse, mais sur laquelle je n’ai pas insisté pour ne pas entraver la décision de cette affaire. J'ai alors témoigné mon regret de ce que, dans cette occasion, le gouvernement ne s’est pas réservé le moyen d’abréger la durée de la concession soit par l’effet de la concurrence, soit par la stipulation de la faculté de rachat ; il est bien entendu qu’un tel rachat ne pourrait avoir lieu qu’avec l’approbation du pouvoir législatif. M. le ministre a répondu qu’il n’y avait jamais lieu à une clause semblable, lorsque le gouvernement n’entrait pour rien dans la dépense.

Comme cette question est grave, comme il s’agit d’un système nouveau, je me permettrai de déclarer que je ne puis admettre cette doctrine dans un sens aussi absolu. J’admets qu’il est des concessions où une clause de cette nature n’est pas nécessaire ni même utile. Mais je ne pense pas qu’il faille consacrer d’une manière absolue le système contraire.

Il peur en être ainsi en Angleterre, où tout est laissé à l’industrie particulière, où l’action du gouvernement est très-bornée, où une foule d’institutions qui dans notre pays sont considérées comme gouvernementales, sont tout à fait libres, où les académies, les institutions scientifiques, les routes sont livrées à l’impulsion, à l’industrie privée. Mais en Belgique, au contraire, où les voies de communications sont considérées comme faisant partie du domaine public, une concession est une sorte d’aliénation. Il y a donc intérêt à rendre la concession aussi courte que possible, à laisser au gouvernement la faculté de rachat. Puisqu’enfin une concession est subordonnée à la sanction de l’autorité publique, il est du devoir de ceux qui ont le pouvoir d’y rendre la position du gouvernement aussi avantageuse que possible sans aller jusqu’à décourager des entreprises utiles.

Si je fais cette observation, ce n’est nullement dans des vues défavorables aux concessions.

Après que j’ai rempli ce que je considère comme un devoir dans l’intérêt public, je forme des vœux dans l’intérêt des localités qui m’ont envoyé ici, pour que la chambre vous soit en matière de concession aussi facile, aussi libérale que possible, puisque c’est de concessions que j’attends la réalisation des entreprises qui peuvent rendre à ces localités ce qu’elles ont perdu d’activité et de vie.

En présence du mouvement des capitaux qui se portent vers les chemins de fer, il m’a paru utile de faire de cette tribune un appel à l’esprit d’association en faveur des entreprises auxquelles j’ai fait allusion ; de faire en même temps un appel au gouvernement pour que, de son côté, il se montre aussi disposé à favoriser l’élan de l’esprit d’association relativement à ces entreprises que pour des travaux que vous avez déjà approuvés ou que probablement vous approuverez d’ici à peu de temps.

Je ne veux me livrer à aucune exagération ; et ce que je vais dire est dit ailleurs avec beaucoup plus de force. A mes yeux, dans ma conviction, les localités dont je plaide la cause ont autant de droits à des compensations que Namur, que le Luxembourg qui a obtenu 2 millions pour des routes, que la Meuse qui obtiendra plusieurs millions pour un canal latéral. Une sorte de fatalité semble avoir pesé sur nous. Le chemin de fer lui-même, ceci n’est pas une accusation contre cette grande entreprise nationale, mais doit être pris en considération pour apprécie la situation des localités dont je parle, le chemin de fer n’a pas été pour nous une chose heureuse. Sans doute, puisqu’il devait exister, nous avons à nous féliciter qu’il passe à Louvain et à Tirlemont. Mais dans tout ce qui a suivi ; il y a eu pour nous une succession de mécomptes. D’abord la direction donnée au chemin de fer ne nous met en relation avec la capitale que par un long détour, qui en atténue l’utilité tandis qu’il double le canal de Louvain, ce qui en diminue les avantages et les produits.

L’administration communale de Louvain, avec grande raison, ce me semble, sollicitait l’établissement de la station dans l’intérieur de la ville. Mais, contre l’intérêt de celle-ci, contre l’intérêt du chemin de fer lui-même, la station a été placée à une grande distance du centre de cette vaste cité. Je dis contre l’intérêt du chemin de fer, car certainement les revenus s’en ressentent.

Il y avait des relations commerciales extrêmement importantes et fort anciennes entre Louvain et Namur. Pour maintenir et étendre ces relations deux concessions se présentaient : une pour le chemin de fer de Tirlemont sur Namur, une concession pour un chemin de fer de Louvain sur Jemeppe. Eh bien, ces concessions, on n’en a pas voulu, on les a écartées.

Mais on nous offrait une compensation. La loi a décrété un embranchement sur Namur ; et de toutes les discussions, il résultait qu’il s’agissait d’un embranchement dans cette direction. Cependant peu de temps après la loi, la direction a été changée par arrêté ; il n’a plus été question du chemin de fer de Tirlemont sur Namur ; on a pris la direction de Charleroy.

Je ne veux pas dire qu’il ne fût très-utile d’avoir un chemin de fer sur Charleroy ; mais à coup sûr, il était très malheureux que la création de ce chemin de fer privât Tirlemont et Louvain de cette voie intéressante de communication qui aurait conservé les communications entre Louvain et les bords de la Sambre. Et il faut le dire, dans cette occasion, tous les arguments ont été démentis par l’expérience ; je ne dis pas les arguments qu’on a employés en faveur de Charleroy, mais les arguments qu’on a employés contre les deux tracés de Louvain et de Tirlemont vers la Sambre. Ainsi on a prétendu qu’il fallait des plans inclinés, et il n’y avait que des pentes qu’on ne regarde plus aujourd’hui comme un obstacle. On a dit que les relations qui subsistaient entre Louvain et Namur ne seraient pas diminuées. Il n’y a qu’à voir le produit des barrières pour juger si cette prédiction s’est accomplie.

Après cela, messieurs, il nous restait encore une promesse. Dans toutes ces occasions, l’opinion des ingénieurs l’a emportée sur les intérêts de notre arrondissement. Mais il nous restait une promesse en faveur de laquelle nous avions les propositions des ingénieurs, le chemin de Hasselt à Weyer qui était dès lors projeté devait bifurquer sur Hasselt et sur Diest. Maintenant il se reproduit, et il ne s’agit plus de cette bifurcation ; il s’éloigne même de Weyer, pour une misérable économie de 100,000 fr.

Voilà encore une espérance détruite, une promesse non réalisée. Ainsi, d’année en année, notre situation vient s’aggraver. Elle s’aggrave encore maintenant par les projets qui faciliteront la navigation de la Meuse. Certes ce n’est pas une raison pour les repousser. Mais il est certains que Louvain avait des relations de commerce très-étendues avec Liége et que ces relations diminuent à mesure que Liége en a de plus directes, en même temps que celles de Namur s’évanouissent.

J’avoue, messieurs, que dans les travaux que le gouvernement va entreprendre au Demer, nous devons reconnaître un véritable bienfait. Je ne veux pas du tout en déprécier la valeur. Mais au fait, et nous ne pouvons en conscience trouver ici une compensation. Il n’y aurait une compensation pour Diest que si le canal s’effectuait. Mais jusqu’ici nous ne voyons qu’une promesse de mise en concession, ce qui a coup sûr ne coûte pas grand-chose au gouvernement.

Pour revenir à Louvain, messieurs, ne croyez pas que ce soit un commerce sans importance que celui dont je prends la défense. Certainement Louvain ne peut pas entrer en rivalité avec nos grandes villes de commerce. Mais bien que le commerce de Louvain ait perdu notablement par les raisons que je viens de vous indiquer, vous voyez, dans le dernier travail de M. le ministre des travaux publics, que Louvain a le cinquième rang parmi les villes de la Belgique sous le rapport des recettes du chemin de fer.

Messieurs, pour rétablir ces relations si regrettées avec Namur, avec les bords de la Sambre, il s’offre trois moyens.

Il y aurait un chemin de fer qui a été projeté par un ingénieur et qui se dirigerait sur Jemeppe. Il semblait même qu’il y aurait incessamment une proposition formelle de concession relativement à ce chemin de fer.

D’un autre côté, quoique je ne le sache point encore positivement, il paraît que Louvain donnerait la préférence à un canal qui suivrait la vallée de la Dyle et se mettrait en relation avec celle de la Sambre par la vallée de l’Orneau.

Enfin, il y a le chemin de fer de Tirlemont dont j’ai déjà parlé et que, peut-être au point de vue de l’intérêt de l’administration, on a trop négligé, on a trop abandonné. Car enfin si ce chemin atteignait également bien le but principal qu’on se propose, l’Etat y trouverait différents avantages ; il y trouverait l’avantage d’un parcours bien plus considérable sur son propre chemin de fer. Il en tirerait encore cet avantage que le chemin de fer de Tirlemont à Namur serait en relation avec le chemin de fer du Limbourg. Lorsque ce plan primitif existait dans son entier et que le chemin de fer du Limbourg se présentait, en rapport avec celui de Tirlemont à Namur, et avec la bifurcation sur Diest, il avait une toute autre signification, une toute autre importance, et maintenant les intérêts sont tellement changés que ceux qui, si ce projet subsistait dans son intégrité, auraient appuyé la proposition qui est faite actuellement, seront peut-être dans la nécessité de la combattre.

Messieurs, je ne prends pas parti entre ces différents projets ; cela n’est même pas possible, dans l’état actuel des choses. Ce que je désire, ce que je demande, c’est que d’abord M. le ministre des travaux publics apporte, comme je l’ai dit, à l’examen de ces projets, le même zèle qu’il a mis pour l’examen des propositions qui se réalisent maintenant et qu’on a cru longtemps chimériques ; qu’il leur accorde la même protection ; qu’il ne trouve pas là des objections qu’on n’a pas trouvées ailleurs ; que toutes les faveurs qui, dans les autres concessions seront consenties, puissent être également consenties dans celles-là. Je demande également que ces différents projets soient examinés comparativement, qu’on en compare et les difficultés d’exécution et les avantages pour les différentes localités et pour le pays, et enfin la possibilité de les réaliser.

(page 1055) M. Osy – Messieurs, je partage l’opinion de l’honorable M. de La Coste, qu’il est à regretter que Louvain ne fût pas relié à Namur par un chemin de fer ; mais on ne pouvait pas laisser à l’écart une localité aussi intéressante que Charleroy, et dès lors il fallait bien donner la préférence à la direction qui a été adoptée. Maintenant que le grand réseau de nos chemins de fer est achevé, le gouvernement doit faire tout ce qui dépend de lui pour engager soit des sociétés belges, soit des sociétés étrangères, à construire des chemins de fer par concession. J’ai déjà donné mon assentiment au projet relatif au chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse ; mais ici l’économie ne consiste pas à toucher des écus, l’économie consiste dans la durée de la concession. On a vu en France adjuger un chemin de fer moyennant une concession de 25 ans, alors que la loi avait fixé le maximum de la durée de la concession à 45 ans. Voilà la véritable économie pour le pays, c’est que le chemin de fer devienne le plus tôt possible la propriété de l’Etat. Cela peut s’obtenir de la concurrence, et j’engage dès lors le gouvernement à très faire tous ses efforts pour obtenir plusieurs demandes en concession.

M. de La Coste a exprimé le regret que le chemin de fer de Louvain n’allât pas directement à la capitale. Il a perdu de vue que lorsqu’on a créé le chemin de fer, on a eu pour but de relier l’Escaut au Rhin ; il eût été contraire à ce but de détourner le chemin de fer par la capitale. Je crois que l’on a bien fait de préférer la ligne la plus directe qui a été adoptée.

Messieurs, j’ai principalement demandé la parole pour me plaindre des retards que le gouvernement apporte, involontairement, je veux le croire, à l’expédition des marchandises. Pendant tout l’hiver, il paraît qu’en moyenne les marchandises ont mis près de trois semaines pour aller d’Anvers à Cologne. Notre matériel n’est peut-être pas suffisant, mais indépendamment de cela, il sert plus à l’étranger qu’à nous-mêmes. Notre matériel ne sert pas seulement pour transporter les marchandises à Aix-la-Chapelle et Cologne, mais, arrivé là, il y sert encore de magasin. Le président de la société belge-rhénane m’a assuré qu’il existe une convention avec le gouvernement belge, d’après laquelle, les waggons peuvent rester à Cologne pendant six jours et que passé les six jours, on peut les y retenir encore moyennant une indemnité signifiante pour chaque jour au-delà de six. C’est là la véritable cause des retards dont nous nous plaignions et cette cause n’agit pas seulement sur la ligne de l’Est mais elle exerce encore une influence sur la ligne du Midi. Les honorables députés du Hainaut ont en effet, signalé la disette de matériel qui existe sur cette ligne. Si un pareil arrangement existe réellement, il faut que le gouvernement se hâte de faire une nouvelle convention, et de stipuler que les waggons doivent revenir au bout de deux fois 24 heures.

Si nous ne mettons pas beaucoup d’activité dans les expéditions, le chemin, au lieu d’être productif, finira par présenter de la perte. Vous avez vu, messieurs, ce qui se passe : non-seulement les puissances riveraines du Rhin ont aboli le droit du Rhin, mais le gouvernement hollandais promet maintenant à toutes ces puissances de supprimer l’octroi du Rhin. Il a même soumis aux états-généraux un projet de loi, d’après lequel il aurait la faculté de réduire le droit de transit. Tout cela, messieurs, dans le but de tirer autant que possible sur le Rhin le transport des marchandises. La Hollande fait tous les efforts pour reprendre le marché des denrées coloniales, même de celles provenant des colonies autres que Java. Déjà plusieurs chargements de sucre qui étaient destinés à Anvers pour aller de là en transit vers le Rhin, ont reçu la direction de se rendre à Rotterdam, parce que l’encombrement est tel à Anvers, qu’on ne peut plus compter sur l’expédition.

C’est là, messieurs, un objet extrêmement important, et M. le ministre des travaux publics doit le prendre en très-sérieuse considération. Il faut absolument qu’il fasse avec la société rhénane une convention plus favorable à la célérité des transports. Il pourra d’autant mieux le faire que la convention actuelle n’est faite que pour un certain terme, à l’expiration duquel le gouvernement est dégagé.

La semaine dernière, messieurs, j’ai demandé à M. le ministre où nous en étions avec le nouveau tarif à fixer avec la société rhénane pour le transport des marchandises. M. le ministre nous a dit que sous peu l’on tomberait d’accord à cet égard. Mais, messieurs, c’est depuis le mois d’octobre qu’on nous tient ce langage. Je suis persuadé que le gouvernement, et surtout l’honorable M. Dechamps, fait tout ce qui est en lui pour en venir à un arrangement convenable avec la société rhénane ; mais le grand mal, c’est que nous ne faisons pas assez valoir le grand intérêt que nous avons dans cette société. Nous y avons mis quatre millions, je voudrais que le gouvernement divisât ces quatre millions de manière à avoir beaucoup plus d’influence dans les assemblées des actionnaires. Je sais bien que le gouvernement me répondra que celui qui est en opposition avec la plupart des actionnaires, a rendu de grands services à la société, qu’il lui a procuré des fonds pour faire la double voie. C’est peut-être là une affaire avantageuse pour lui en même temps qu’elle a été avantageuse pour la société.

Dans tous les cas, le gouvernement belge n’a pas assez d’influence dans la société ; il pourrait, avec ses 4,000 actions, avoir 50 voix, et je crois qu’il doit en profiter et ne pas se laisser traîner à la remorque par des intérêts contraires à ceux de la société. J’engage le gouvernement à examiner avec la plus grande attention ce que les statuts portent à cet égard, et à faire en sorte qu’il soit convenablement représenté dans les réunions des actionnaires.

M. de La Coste – Je n’ai pas entendu en ce moment-ci critiquer la direction qui a été donnée au chemin de fer entre la capitale et la ville de Louvain, mais j’ai voulu faire sentir les résultats sur la position commerciale.

M. Maertens – Je profite de cette discussion pour signaler à M. le ministre des travaux publics un inconvénient grave qui s’est présenté dernièrement sur une de nos lignes de chemins de fer, et qui a causé un retard considérable sur plusieurs autres lignes. J’indiquerai en même temps le moyen de prévenir le retour d’un inconvénient semblable.

D’Ostende à Gand, par le chemin de fer, il y a une distance de douze fortes lieues. La station de Bruges, qui se trouve entre ces deux points extrêmes, possédait autrefois tout le matériel nécessaire. Cette station, comme vous le savez, messieurs, a coûté une somme très-forte, et la ville de Bruges elle-même y a contribué pour 500,000 fr. Depuis quelques temps, tout le matériel a été transféré à la station d’Ostende, et aujourd’hui, depuis Ostende, jusqu’à Gand, il n’y a plus une seule locomotive dans aucune de nos stations.

Il en est résulté dernièrement un inconvénient très grave. Le convoi partant d’Ostende à 3 heures de l’après-dîner est arrivé vers 4 heures à la station de Bloemendael, lorsque le piston de la machine se rompit. Bloemendael est à égale distance d’Ostende et de Gand, c’est-à-dire à 6 fortes lieues et de l’une et de l’autre de ces deux villes ; mais Bloemendael n’est qu’à 2 lieues de Bruges, et s’il y avait encore eu au moins une locomotive de réserve à la station de Bruges, au bout d’une demi-heure ou de trois quarts d’heure la locomotive de secours eût été arrivée à Bloemendael, et le retard eût été peu sensible ; mais maintenant le signal a dû être transmis à la station de Gand, et il n’y est arrivé qu’entre 5 et 6 heures ; il a fallu ensuite que la locomotive de secours fit 6 lieues pour aller chercher le convoi qui était arrêté à Bloemendael. Il en est résulté que le convoi d’Ostende, qui devait arriver à Gand à 5 heures de l’après-dîner, n’y est arrivé qu’à 8 heures et demie du soir ; il en est résulté de plus un retard semblable pour tous les convois qui devaient attendre le convoi d’Ostende. C’est ainsi que nous, qui devions aller à Bruges (l’honorable M. de Foere pourra le dire comme moi), nous n’y sommes arrivés qu’à 10 heures du soir, tandis que nous aurions dû y être rendus à 7 heures, et les voyageurs pour Ostende ne seront parvenus à leur destination que vers onze heures.

La station de Gand était comble ; c’était un vendredi, jour de marché, il y avait une masse de voyageurs. Les convois de Lille et de Tournay aussi ne sont sortis de la gare de Gand qu’à 8 heures 1/2 , et ils seront probablement arrivés aussi vers minuit. Ceux qui devait aller à Anvers, à Louvain, à Tirlemont ont été rendus à la gare de Malines vers 11 heures. Là, il a fallu préparer des convois spéciaux, tous les convois ordinaires étant partis. Dieu sait quand ceux-là auront atteint leur destination !

Il faisait ce jour-là excessivement froid. C’était peine à voir ces malheureux voyageurs qui attendaient sur des waggons ouverts pendant trois heures consécutives le moyen de pouvoir partir. Ils étaient, pour ainsi dire, gelés. D’un autre côté, messieurs, vous concevez aussi les inquiétudes que devaient éprouver toutes les personnes qui attendaient des voyageurs par l’un ou l’autre de ces convois.

J’ai signalé le mal ; je vais maintenant indiquer le remède. Comme je vous l’ai dit, messieurs, on est venu prendre toutes nos locomotives pour les transférer à la station d’Ostende. Il y en a maintenant là quatre ou cinq, avec un personnel de vingt ou vingt-cinq employés. Que l’on place dans la station de Bruges, qui possède les locaux nécessaires, une de ces locomotives (page 1056), avec deux ou trois personnes, et à l’avenir, lorsqu’un pareil accident se présente, il n’y aura qu’un retard d’une demi-heure ou d’une heure tout au plus.

Je pense qu’il aura suffi de signaler cet inconvénient à M. le ministre des travaux publics, pour qu’il satisfasse à notre désir, qui est d’avoir au moins une locomotive et deux ou trois employés dans la station de Bruges.

(page 1068) M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Messieurs, je pense que le moment n’est pas venu de discuter à fond la question extrêmement grave qui a été soulevée par les honorables MM. de la Coste et Osy, je veux parler du mode d’adjudication pour les entreprises de travaux publics. On a déjà effleuré cette question lors de la discussion du projet de loi portant concession du chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse ; lorsque nous discuterons le projet de chemin de fer à Jurbise et celui de Hasselt, cette question sera probablement reproduite, et je pourrai alors présenter des observations, en réponse à celles des honorables membres.

L’honorable M. de la Coste a renouvelé une plainte qu’il avait déjà produite, sur la direction qui a été donnée au chemin de fer destiné à relier Namur au réseau général. J’ai trouvé ce fait accompli lorsque je suis entré aux affaires ; je ne veux donc pas discuter les motifs qui ont dirigé le gouvernement dans la décision qu’il a prise. Je ferai observer cependant que le résultat principal qu’on voulait obtenir par la direction de Braine-le-Comte par Charleroy vers Namur, a été obtenu.

En effet, la ligne de Namur entre pour une part considérable dans l’extension du transport des marchandises, et surtout des marchandises de roulage. Et cela devait être, puisque ce chemin de fer a relié au réseau général un des centres les plus industriels du royaume, celui de Charleroy.

L’honorable M. de la Coste a parlé d’un double projet, qui tendrait à rattacher Louvain à la Sambre, par Jemeppe, soit au moyen d’un chemin de fer, soit au moyen d’un canal. L’honorable membre sait que des études ont été poursuivies relativement à ces deux projets. Une demande en concession a été faite par M. Tarte, mais jusqu’à présent j’ignore si les capitaux ont été réalisés pour donner à cette demande en concession le sérieux qu’elle doit avoir.

(page 1069) Relativement au projet auquel la ville de Louvain sembler donner la préférence, une question très-grave se présente : si ce canal devait être construit aux frais du gouvernement, le gouvernement aurait à étudier la question de savoir jusqu’à quel point ce canal ne viendrait pas anéantir la plus grande partie des revenus du canal de Charleroy par la concurrence qu’il lui ferait. Ce canal ne formerait-il pas ainsi double emploi ? Si ce travail doit être exécuté par concession, j’attendrai qu’une demande en concession me soit faite avant de l’examiner.

L’honorable M. de la Coste ne doit pas oublier qu’au budget de 1845 il est proposé une somme de près de 200,000 fr., destinée à des travaux à exécuter dans le bassin du Rupel qui, comme l’honorable membre l’a fait remarquer dans une séance précédente, forme à peu près le tiers du territoire du royaume. Une première somme de 114,000 fr. figure au budget pour travaux extraordinaires au Rupel, et ces 114,000 fr. forment le premier quart de la somme nécessaire à l’exécution complète de ces travaux. Une autre somme de 80,000 fr. sera également affectée à l’une de nos plus importantes voies navigables, à la Meuse.

Je fais cette observation dans le but de montrer que le gouvernement ne perd pas de vue les intérêts considérables qui se rattachent aux localités dont l’honorable membres a pris si chaudement la défense.

L’honorable M. Osy est revenu sur une observation qu’il avait déjà émise. Il s’est plaint des retards qui avaient été apportés aux transports entre Anvers et Cologne. Il les a attribués, d’une part, à l’insuffisance de matériel, et d’autre part, aux résultats de la convention qui a été conclue entre l’administration rhénane et l’administration belge des travaux publics, relativement au matériel que l’administration rhénane nous emprunte, mais qu’elle nous emprunte dans un intérêt belge. En effet, il faut absolument que les transports entre Cologne et Anvers se fasse sans transbordement. Ainsi, il est nécessaire que notre matériel desserve la ligne de Cologne.

D’abord, je partage l’opinion de l’honorable membre, relativement à l’insuffisance de notre matériel ; le gouvernement a présenté un projet de loi destiné à augmenter ce matériel. Il ne faut pas oublier non plus que l’hiver a été très-rigoureux et que par des temps de neige et de gelées les convois doivent être fractionnés sur le chemin de la Vesdre où l’on rencontre des pentes très-fortes. On a dû constamment réduire de moitié le nombre de voitures par convoi.

De là des retards très-considérables, surtout pour le convoi des marchandises.

D’un autre côté, à cause même de la rigueur de l’hiver, il a fallu, pendant la fermeture des canaux, transporter par le chemin de fer une masse considérable de houille pour subvenir aux besoins urgents d’un grand nombre de localités du pays. Ainsi, l’administration a dû répartir son matériel, de manière à suffire aussi aux exigences de la ligne du Midi, et les réclamations qui viennent encore d’être renouvelées prouvent qu’on n’a pas pu y satisfaire.

Messieurs, il est vrai que d’après la convention qui a été passée entre le ministre des travaux publics et l'administration rhénane, les waggons qui se rendent sur le territoire prussien, ont six jours de délai, non pas pour le déchargement à Cologne, mais à partir du moment où le waggon passe la frontière jusqu’à celui où il franchit de nouveau la frontière au retour. Mais ces six jours ont paru nécessaires. Veuillez, messieurs, ne pas oublier que, d’après les règlements de la douane prussienne, il était défendu, lorsque la convention a été conclue, de circuler avant six heures du matin et après 9 heures du soir.

Le chemin rhénan n’est qu’à simple voie, ce qui rend impossible en général l’arrivée en un jour des convois jusqu’à Cologne. Ainsi, les convois qui partent même de Verviers l’après-dînée doivent passer la nuit à Aix-la-Chapelle. Par cette circonstance, les convois perdent 12 à 15 heures.

D’un autre côté, d’après la loi prussienne, il n’y a pas de transport sur le chemin de fer les dimanches et les jours fériés, et l’on a calculé que cela amenait une interruption de 108 jours par an. Ainsi, lorsqu’il y a un dimanche et un jour férie qui se suivent, on arrive à des retards de plusieurs jours. Si vous combinez ces causes de retard avec le fait de la lenteur des transports sur une simple voie, on comprendrait que ce délai de six jours n’était pas exagéré. Messieurs, le gouvernement a compris combien il était fâcheux que ce long retard existât. Ainsi, le gouvernement a obtenu de l’administration prussienne qu’elle consentît à laisser passer les convois avant six heures du matin et après 9 heures du soir.

D’un autre côté, cet état de choses cessera en partie, lorsque la construction des stations de Verviers et de Cologne sera achevée, et surtout lorsque sera construit l’embranchement qui doit relier la station de Cologne à l’entrepôt libre.

Le gouvernement a obtenu aussi que l’administration rhénane renonçât à interdire la circulation des convois, les dimanche et jours fériés, sauf les jours de quelques grandes fêtes réservées. Dès lors des modifications à la convention deviennent maintenant possibles, tandis qu’elles l’étaient peu, alors que toutes ces mesures dont nous avons obtenu l’abolition existaient. J’espère que lorsqu’il s’agira sous peu de modifier la convention, l’administration rhénane consentira à n’admettre que le nombre de jours suffisants pour opérer le chargement et le déchargement à Cologne ; j’ajouterai que la cause de la lenteur apportée au déchargement des waggons à Cologne, ne provient pas de l’administration rhénane. Cette administration ne se sert pas, comme l’a dit l’honorable M. Osy, de notre matériel comme magasin. Lorsque les convois de waggons arrivent à Cologne, ils sont remis immédiatement entre les mains de la douane ; c’est à la douane qu’il incombe de les faire décharger. Or, je dois le dire, le gouvernement belge n’a qu’à se louer de la manière bienveillante dont la douane prussienne accomplit les formalités indiquées par les lois et règlements. Cependant il est vrai que depuis quelques temps on a déchargé moins de waggons par jour qu’on ne faisait auparavant ; on était parvenu à décharger 40 ou 50 waggons par jour, tandis que dans ces derniers temps on n’en a déchargé que 15 ou 20.

On avait signalé comme cause de ces retards l’ordre qu’avait donné l’administration prussienne, d’exiger que chaque destinataire fût présent au déchargement des marchandises, et comme sur un seul waggon, il y avait des marchandises pour plusieurs destinataires, des retards inévitables avaient lieu, mais on m’a fait savoir la cause du retard provenant aussi de tentatives de fraude qui avaient été commises. J’aime à croire que ces tentatives de fraude ont été faites à l’insu des expéditeurs, mais le fait est qu’elles ont éveillé l’attention de l’administration prussienne qui se montre plus sévère depuis quelque temps. Je pense donc que les retards apportées au déchargement doivent être attribués en partie aux abus qu’on a signalés, et en même temps à la négligence des expéditeurs, de remplir toutes les formalités de déclarations.

Du reste, dans la négociation tendant à apporter des modifications au tarif du chemin de fer belgo-rhénan, nous sommes tombés d’accord sur plusieurs points importants. Une réduction notable sera apportée pour le transport des sucres. En effet, ils semblaient depuis quelques temps reprendre la voie de la Hollande ; il était de l’intérêt de la Belgique et de la société rhénane de faire des tentatives pour reconquérir ces transports. Je pense que pour le transport des fonds de Liége en destination du Rhin, on réduira le tarif de 20 p.c. pour les attirer au chemin de fer rhénan.

L’honorable M. Maertens s’est plaint de ce que l’administration avait transféré de Bruges à Ostende la remise de locomotives qui forme l’atelier de petites réparations. Il est d’un bon système d’exploitation de ne pas multiplier les remises et les ateliers, parce que ce serait multiplier les dépenses inutilement. Il est de l’intérêt d’une bonne administration d’allonger le parcours des locomotives au lieu de le réduire. A mesure que le chemin de fer a été construit, qu’une section a été ouverte, il a fallu construire une remise et un atelier de réparation au point où l’on était arrivé. C’est ainsi qu’on avait établi une remise et un atelier à Bruges et à Mons quand les chemins de fer atteignirent ces localités, mais lorsqu’il fut porté au delà, toujours l’administration a supprimé la remise et l’atelier de réparations pour les transporter à l’extrémité de la ligne. Il fallait indispensablement établir à Ostende une remise de locomotives, car sans cela, après l’arrivée du convoi la locomotive aurait dû revenir à la station de Bruges, ce qui eût été une manœuvre dispendieuse. La remise de Mons a été transférée à Quiévrain comme celle de Bruges à Ostende. C’est dans l’intérêt d’une bonne exploitation.

Je reconnais qu’en cas d’accident, les voyageurs ont quelque peu à souffrir quand la locomotive de réserve est à un endroit éloigné. Mais cet inconvénient ne peut pas contre-balancer les frais sans utilité de la multiplicité des remises. En divisant les remises et les ateliers, vous multipliez le personnel ; il vous faut deux chefs d’atelier, car le chef de l’atelier de Bruges ne pourrait suffire.

Il y aurait augmentation de personnel et moins d’unité dans l’administration.

(page 1056) M. David – N’ayant pu que jeter un coup d’œil extrêmement rapide sur le volumineux compte tenu des opérations du chemin de fer pour l’année 1844, qui malheureusement ne nous a été distribué que lorsque la discussion du budget du ministère des travaux publics était déjà très-avancée et qui nous sera par conséquent de très-peu d’utilité pour cette année, je n’aurai que peu d’observations à soumettre à la chambre, et que je recommanderai à l’attention de M. le ministre des travaux publics.

J’ai trouvé effectivement dans ce compte-rendu le mouvement des transports et des recettes par station et par destination. Ces tableaux sont des documents précieux qui nous serviront à reconnaître le mouvement réel des transports qui s’est effectué sur chacune des sections de notre chemin de fer ; mais on sent que ce dépouillement est impossible pour le moment, ce compte-rendu arrivant trop tardivement. Mais si je dois remercier M. le ministre des travaux publics pour ce que ces tableaux par destination ont de complet et de satisfaisant, je regrette de nouveau de devoir revenir sur mes demandes réitérées et restées jusqu’ici sans réponse concernant le tableau du nombre et du mouvement des convois sur chacune des sections : c’est-à-dire, le nombre de convois qui ont circulé tant en allant qu’en revenant sur chacune des sections.

La chambre et M. le ministre comprendront qu’il est tout à fait inutile de se donner la peine de rechercher quel est le transport réel de voyageurs et de marchandises qui ont circulé sur ces mêmes sections.

C’est, chacun le comprendra, de la comparaison de ces deux résultats que l’on pourra déduire la preuve matérielle, la preuve mathématique du degré d’utilité du parcours des convois. Encore une fois, quel intérêt peut donc avoir l’administration du chemin de fer à dissimuler, à cacher au ministre, à la chambre, cette clef de renseignement si indispensable ? Je vais de nouveau indiquer la forme du tableau, aussi bien que je le puis, la forme du tableau que je désire et que je demande depuis si longtemps, espérant que M. le ministre voudra bien enfin faire donner les ordres nécessaires pour que l’administration le remplisse et en donne de semblables ou de plus précis, si elle en trouve le moyen. Je désire qu’un même tableau nous soit fourni pour les exercices précédents, pour 1841, 42 , 43 et 44, les comptes rendus de ces exercices renfermant tous les tableaux du mouvement des transports à destination.

Je n’ai pas non plus trouvé une grande amélioration dans les renseignements fournis sur le magasin central, mais nous avons tout lieu d’espérer que la mise à exécution de l’arrêté organique de l’administration centrale du chemin de fer au département, mettra M. le ministre plus à même de fournir des renseignements plus explicites à cet égard.

Nous devons également attendre la vérification des recettes et de la statistique, qui se tiendra au département, un ensemble de résultats en dépenses, en recettes et en produits, beaucoup plus clair et plus concluant que ce que l’on nous a fourni jusqu’à présent.

Sous le rapport des résultats obtenus, je ferai d’abord remarquer à la chambre que si je m’appuie sur les chiffres donnés par M. le ministre des travaux publics dans le compte rendu de 1844, on trouve qu’à la date du 31 décembre 1844, la dépense de construction s’élevait à la somme de 144,746,774 60.

Or, l’intérêt de ce capital compté seulement pour emprunt et tous frais quelconques, à 5 p.c., et pour l’année serait de ci 7,237,338 76.

Ajoutant au montant des intérêts du capital d’établissement le montant des dépenses d’exploitation, et en supposant qu’il ne nous sera plus demandé de crédit supplémentaire pour 1844, savoir 3,765,430 80.

On obtient pour les dépenses de 1844 à couvrir par le revenu du chemin de fer, une somme de 13,002,769 50.

Et cependant la recette totale du chemin de fer ne figure au compte tendu que pour la somme de 11,230,493 31.

D’où pour 1844 un déficit de 1,772,276 19.

Ce qui revient à dire que l’intérêt du capital d’établissement employé à nos chemins de fer a produit, toute dépense d’exploitation déduite, 3,77 p.c. soit 3 ¾ p.c., ce qui, selon moi, est déjà un résultat extrêmement satisfaisant, (je vois avec plaisir que M. le ministre des travaux publics me fasse un signe adhésif) surtout si l’on considère que ce capital d’établissement, qui rend déjà un si bel intérêt, transporte les hommes et les choses à moitié prix des frais de transports antérieurs et quatre fois plus rapidement ; qu’il alimente notre métallurgie, nos houillères, nos minières, nos carrières, notre commerce, notre exportation, notre transit, notre agriculture même.

M. Eloy de Burdinne fait un signe négatif.

M. David – Je m’aperçois que l’honorable M. Eloy de Burdinne conteste mon assertion. Messieurs, ce n’est pas le moment d’entrer au fond d’une discussion sur l’agriculture, mais j’invoque ici l’opinion de toute la chambre sur les services que rend le chemin de fer à l’agriculture, sans compter l’armée d’employés et d’ouvriers que le chemin de fer subsistante par ses propres ressources, et tout cela indépendamment des 3 ¾ p.c. d’intérêt du capital d’établissement. Il serait à désirer, messieurs, que tout l’argent qui sort des mains du contribuable pour entrer dans les caisses de l’Etat produisit un aussi magnifique résultat.

Comment donc se fait-il que le compte-rendu n’expose pas ce beau et consolant résultat ? résultat obtenu malgré toutes les imperfections de l’exploitation, malgré l’application d’un tarif compliqué, capricieux et quelquefois même indéchiffrable pour le transport des marchandises. Que n’a-t-on donc pas le droit d’attendre de l’avenir de nos chemins de fer mieux réglementés, marchant avec économie, avec prévenance pour le commerce, comme le ferait une société concessionnaire, comme devrait le faire par devoir l’administration de l’Etat, ce qui malheureusement, je regrette de devoir le dire, n’a pas eu lieu jusqu’à ce jour. Les plaintes du commerce en font foi.

Je reviendrai dans la suite de la discussion, aux divers articles relatifs aux chemins de fer, sur lesquels je compte présenter des observations.

M. Pirmez – M. le ministre des travaux publics a répondu aux plaintes qu’on lui a adressées contre le manque de waggons pour expédier les houilles du Hainaut, qu’il aurait demandé un crédit pour augmenter le matériel du chemin de fer. En attendant le vote de ce crédit, je le prie de tâcher d’envoyer un peu plus de waggons aux houillères dont l’exploitation souffre du défaut de moyens de transport pour leurs expéditions.

(p. 1069) M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – L’honorable M. David a signalé quelques lacunes dans le compte-rendu. Il reconnaîtra cependant que c’est un des plus complets qui aient été publiés jusqu’à présent. Je ferai observer que le département des travaux publics n’a pas eu jusqu’ici à l’administration centrale un bureau de statistique ; de sorte que les comptes-rendus n’ont pas pu comprendre tous les détails qu’il aurait fallu y insérer pour les rendre complets. L’honorable membre a trouvé le renseignement principal qu’il avait demandé, c’était le mouvement des transports par stations de départ et de destination. Il voudra bien remarquer qu’en combinant ces mouvements avec le parcours des convois, le nombre de lieues parcourues, on pouvait arriver aux déductions que l’honorable M. David voulait chercher, c’est-à-dire la composition même des convois. Du reste, d’après l’arrêté du 1er mars un bureau central de statistiques sera institué au département des travaux publics ; et je crois que dans le prochain compte-rendu il faudra revenir sur certaines lacunes des comptes rendus précédents, et les renfermer comme récapitulation dans un cadre uniforme.

J’irai plus loin. Je pense, messieurs, que le nouveau bureau de statistique devra réunir plus tard les documents nécessaires pour déterminer le mouvement des transports non-seulement par station de destination, mais par nature de marchandises, au moins pour les marchandises de grand transport. Mon intention est même d’étendre les attributions de ce bureau de statistique, lorsqu’il aura été entièrement organisé, au mouvement sur les routes, les canaux et les rivières. De cette manière, le département des travaux publics pourra présenter des renseignements statistiques complets sur tout le mouvement commercial intérieur du pays.

L’honorable M. David a présenté quelques chiffres qui prouvent que les résultats de l’exploitation de chemin de fer sont satisfaisants, plus satisfaisants qu’on ne semblait pouvoir l’espérer il y a quelques années, puisque les recettes forment maintenant 4 p.c.. a peu près du capital utilisé. Il s’est plaint, messieurs, de ce que le gouvernement n’avait pas fait connaître ces résultats dans le compte-rendu, et n’avait pas ainsi contribué à faire cesser certaines préventions qui existent encore dans quelques esprits relativement à (page 1070) l’avenir du chemin de fer. Messieurs, l’honorable membre n’a pas lu probablement avec toute l’attention désirable le compte-rendu présenté. Car à la page 45 il trouvera les mêmes calculs que ceux qu’il nous a signalés.

Je ne lirai pas tous les éléments de ces calculs, mais voici la conclusion du compte-rendu :

« Le produit net et direct de l’exploitation du chemin de fer en 1844 étant de 5,465,062 fr. 51 c., représente un revenu de 3 89/100, soit près de 4 p.c. du capital utilisé. En tenant compte du produit des objets trouvés, locations d’herbages, terrains, etc., ainsi que de la somme dépensée pour le service des dépêches, on trouve que le produit net du chemin de fer en 1844, dépasse 4 p.c. du capital moyen utilisé. »

Messieurs, effectivement, lorsqu’on veut se rendre compte des résultats généraux du chemin de fer, le moyen de les apprécier, c’est d’étudier le mouvement des transports, les recettes opérées, les dépenses d’exploitation effectuées pour subvenir à ces transports, et surtout la balance financière, c’est-à-dire l’excédant des recettes sur les dépenses. Eh bien, messieurs, à tous ces points de vue, le compte-rendu le prouve, les résultats du chemin de fer sont en voie d’amélioration et de progrès.

Les transports des marchandises de roulage, qui ont pris surtout une grande extension, se sont élevés à 520,000 tonnes en 1844. Ils n’avaient été que de 339,000 tonnes en 1843 et de 194,000 tonnes en 1842.

L’organisation du service des marchandises n’a eu lieu qu’en 1837. En 1840, les marchandises n’entraient que pour 24 p.c. dans le total des produits. Elles y entrent à peu près pour moitié en 1844.

Quant à la recette qui n’était en 1843 que de 9 millions à peu près, elle est montée en 1844 à 11,230,493 fr., c’est-à-dire qu’il y a augmentation de 2,236,000 fr. et excédant de 630,000 fr. sur les prévisions des voies et moyens de 1844.

La recette par lieue exploitée, qui n’était que de 93,000 fr. environ en 1843, s’est élevée à 100,451 fr. en 1844.

J’ai déjà fait connaître à la chambre que si les produits augmentent, les dépenses d’exploitation diminuent dans une proportion analogue.

Ainsi, la dépense par lieue parcourue n’a été que de fr. 11-60, tandis qu’elle était de fr. 14-59 en 1843 et de fr. 15-67 en 1841. Ce fait démontre que des économies et des améliorations notables ont été apportées dans le service de l’exploitation.

Mais, messieurs, la balance financière, l’excédant des recettes sur les dépenses présente un résultat plus satisfaisant encore, et c’est là le « criterium » d’après lequel vous devez juger l’exploitation du chemin de fer. Ainsi, cet excédant n’était, en 1843, que de 3,517,825 fr. ; il n’était, en 1841, que de 1,872,507 fr. Il est, en 1844, de 5,465,062 fr., c’est-à-dire qu’il correspond à près de 4 p.c. du capital employé.

L’excédant par lieue de parcours, entre les recettes et les dépenses, qui n’était que de fr. 5-42 en 1841 est de fr. 11-60 en 1844, c’est-à-dire que cet excédant a doublé en quatre ans.

Messieurs, ce sont là des résultats tels, qu’il est à prévoir que peu de temps suffira pour que le chemin de fer puisse réellement couvrir l’intérêt du capital emprunté.

Je sais que pendant quelques années encore nous aurons à subir quelques dépenses anormales, celles pour le renouvellement des billes et des rails et pour le renouvellement d’une partie du matériel. Pendant quelques années encore, on devra porter au budget des sommes qui ne peuvent être comprises dans les dépenses ordinaires. Mais quand nous serons entrés dans un état normal d’exploitation, la situation financière du chemin de fer dépassera vraisemblablement les prévisions. Lorsque les chemins de fer en France seront exécutés, lorsque nous serons rattachés au réseau français et au réseau de l’Allemagne qui tend à se compléter de Berlin jusqu’à Vienne, lorsque nous toucherons au railway de l’Angleterre par nos paquebots à vapeur, placés comme nous le sommes au confluent de tous les chemins de fer européens, il est impossible de prévoir jusqu’où pourront monter les recettes de notre railway. Je considère donc l’avenir de notre chemin de fer comme assuré, et toutes les craintes qu’avaient conçues quelques esprits, ont reçu le démenti de l’expérience.

(p. 1084) M. de La Coste –Je pense que d’ici très-peu de temps l’administration municipale de Louvain sera à même de faire une proposition au gouvernement, relativement à l’objet que j’ai traité. Il serait donc prématuré pour le moment de discuter cette question, et de s’occuper du projet que présentera l’administration municipale de Louvain, projet que je ne connais pas encore ; mais je désire que ce projet soit examiné sans prévention défavorable. Certes, je ne m’opposerai pas à ce qu’on examine avec toute l’attention possible quelles pourraient être les conséquences du projet, qui sera présenté sur le revenu du canal de Charleroy, mais j’espère que cette objection n’aura pas plus de force en cette occasion que dans d’autres, où elle n’a point arrêté le gouvernement.

En effet, est-ce que le chemin de fer de Jurbise n’est pas parallèle au canal de Mons à Condé, au canal d’Antoing, est-ce que le chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse n’est pas parallèle à la Meuse ? est-ce que l’objection n’a pas été soulevée dans la discussion relative à la concession de ce chemin de fer ? Est-ce qu’il n’influe pas sur les revenus de la Sambre ? est-ce que le chemin de fer qui longera la Meuse n’aura pas d’influence sur les revenus que la Meuse rapporte à l’Etat. Il y a une foule de cas semblables. Dans la discussion relative au chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse, M. le ministre des travaux publics a bien voulu citer lui-même des exemples à l’appui de mon observation, il a dit que c’était le cas du chemin de fer concédé dans le pays de Waes. J’espère donc que ce qui vient d’être dit par M. le ministre, ne laissera pas d’impression désagréable, et, que lui-même se défende des préventions hostiles qui pourront surgir autour de lui et que nous avons malheureusement rencontrées dans tout ce qui a été proposé dans l’intérêt des localités dont je suis ici le défenseur naturel.

(page 1056) M. Osy – Je commencerai par remercier M. le ministre des renseignements qu’il nous a donnés sur les mesures qu’il a prises pour accélérer le transport des marchandises. Mais elles ne me paraissent pas tout à fait satisfaisantes, et je pense que M. le ministre sera obligé de revoir la convention, et je l’engage à tâcher d’y apporter toutes les modifications possibles, afin que les expéditions n’éprouvent plus de retard. La ligne du Midi, le Hainaut a demandé, je pense, plus de matériel qu’il n’en a besoin pendant l’été, parce que le transport de la houille se fait alors en grande partie par voie d’eau.

Je crois que dans le compte-rendu de 1845, M. le ministre aurait pu joindre les services que le chemin de fer rend à toutes les branches de l’industrie, faire figurer toutes les marchandises transportées dans l’intérêt du commerce, de l’agriculture et de l’industrie, les transports des produits de l’industrie nationale et ceux des produits de l’industrie étrangère. On aurait eu ainsi un compte normal.

Je pense que M. le ministre pourrait bien donner des ordres pour qu’on tint ces comptes jour par jour ; de cette manière, à la fin de l'année, on pourrait donner des tableaux exacts des services rendus par le chemin de fer, car le chemin de fer rend aussi des services à l’agriculture. (Interruption.)

Comme il y a contestation à cet égard, je crois que M. le ministre pourra, au moyen de ces tableaux, convaincre tout le monde l’année prochaine.

Je lui demanderai s’il a fixé son attention sur la note jointe au rapport de la section centrale. C’est une note que j’ai cru nécessaire d’y faire insérer dans l’intérêt du commerce. Toutes les marchandises que nous exportons des ports de mer vers le Rhin, n’ont pas besoin de passer par l’intermédiaire d’un commissionnaire à la frontière ; la douane prussienne les convoie, tandis que pour celles qu’on expédie du Rhin vers nos ports de mer, nous sommes obligés d’avoir un commissionnaire à Verviers, et quand les marchandises ne sont pas en quantité assez considérable pour compléter un waggon de 4 mille à 4 mille 500 kil., on nous les fait attendre, parce que les commissionnaires ont un avantage à prendre un waggon complet ; ils obtiennent une réduction. L’intérêt du commissionnaire est contraire à celui du commerce.

Je prie M. le ministre d’examiner s’il n’y aurait pas moyen d’accorder au commerce en Belgique les avantages qu’il obtient de l’administration prussienne dans les provinces du Rhin.

(page 1070) M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, l’honorable M. Osy a attiré mon attention sur la note qu’il avait fait insérer dans le rapport de la section centrale. L’honorable membre a fat remarquer en effet que la douane prussienne permettait l’expédition directe du lieu d’origine au lieu de destination sans nécessiter de déclaration et une visite à la frontière ; il y a convoyage depuis Cologne jusqu’à Anvers. Il demande pourquoi le gouvernement n’a pas pris de semblables mesures pour l’expédition des villes belges vers l’Allemagne.

Messieurs, le département des travaux publics est en pourparlers depuis quelques temps avec le département des finances pour prendre de commun accord des mesures de ce genre qui sont nécessitées par les besoins du commerce ; et je puis annoncer que nous sommes à peu près d’accord sur le règlement de cette question. Ainsi, dans les principales villes du pays, il y aura, en attendant que les stations puissent être reliées aux entrepôts publics par des embranchements de chemin de fer, il y aura dans les stations des entrepôts auxiliaires. Les marchandises de l’Allemagne pourront être expédiées directement sur ces entrepôts auxiliaires sans nécessiter de déclarations et de visites aux frontières. Je pense que sous peu de temps une décision interviendra.

(page 1056) M. Coghen –Messieurs, j’ai demandé la parole pour joindre mes réclamations à celles de quelques honorables membres, quant à l’insuffisance du matériel du chemin de fer. Il en résulte que les établissements les plus importants du pays sont obligés de stater les affaires ; il en est même qui ont dû stater le travail. On est obligé dans quelques établissements de prendre en location, à un taux très-onéreux, des waggons, afin de pouvoir faire les transports exigés, il est vrai, par les rigueurs de la saison.

Je crois, messieurs, que surtout la ligne vers Namur est trop négligée à cet égard ; je crois qu’il y a des préférences, commandées peut-être par des nécessités d’autrefois. Mais je puis assurer que de grands établissements sont dans un état de souffrance par suite du manque de moyens de transport.

M. le ministre des travaux publics vient de nous donner les détails, consignés dans le rapport qu’il a fait, quant aux résultats du chemin de fer. Jamais, messieurs, je n’ai désespéré de ce grand travail ; jamais je n’ai cru qu’il fut possible que les capitaux que nous y avons employés, ne produisissent pas un bon résultat. Nous n’en sommes pas encore au point où notre chemin de fer doit atteindre ; je pense qu’il produira un jour au-delà de l’intérêt que nous avons cru au commencement possible d’en atteindre, c’est-à-dire 5 p.c., et même l’amortissement.

Malgré ces brillants succès assurés, le pays qui a engagé de forts capitaux, qui a fait des emprunts considérables, s’est épouvanté en quelque (page 1057) sorte des engagements qu’il a contractés ; et aujourd’hui on abandonne à l’industrie particulière la construction de chemins de fer d’une grande importance. J’applaudis, messieurs, à ce système. J’ai voté avec empressement pour le chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse ; je voterai encore pour d’autres concessions. Toutefois il est des lignes qui sont d’une nature telle que je crois que le gouvernement ne peut s’en dessaisir. Ainsi je dirai que, selon moi, le chemin de fer de Tournay à Jurbise, et la section de Hasselt sont des dépendances du grand réseau qui appartient à l’Etat, et que je pense qu’on ne doit pas en abandonner la construction à l’industrie particulière, mais que le gouvernement doit le faire lui-même.

Messieurs, je dois, dans l’intérêt de la sécurité publique, dans l’intérêt de la sécurité des voyageurs, appeler l’attention du gouvernement sur un fait que peut amener un jour ou l’autre une catastrophe effroyable.

Entre Mons et Quiévrain, les chemins de fer construits par les sociétés particulières, dans l’intérêt des transports économiques de combustible vers les points d’embarquement, passent à niveau sur le chemin de fer de l’Etat. Le gouvernement a ordonné beaucoup de mesures de précaution. Mais quand nous voyons des transports tirés par des locomotives, composés quelquefois de 60 waggons chargés de charbon, et traînés avec plus ou moins de rapidité sur une pente vers le canal, il y a réellement lieu de s’effrayer. Si un accident arrivait, nous aurions à regretter une catastrophe des plus épouvantables. Il n’y a pas seulement un chemin, mais plusieurs chemins de fer entre Mons et Quiévrain, qui traversent la ligne de l’Etat.

Dans l’intérêt de la sûreté publique, j’appelle l’attention du gouvernement sur ce point, parce que les dangers qu’on court sont de tous les instants.

M. Maertens – J’ai quelques mots à dire en réponse aux observations qui m’ont été faites par M. le ministre des travaux publics. Je crois que M. le ministre doit m’avoir mal compris. Je n’ai point demandé qu’il y eût deux ateliers de travail, un à Bruges et un autre à Ostende. ; par conséquent ma demande ne pourrait pas entraîner, comme M. le ministre le suppose, une augmentation de dépense pour le personnel des ateliers ; il ne faudrait donc pas, comme M. le ministre le dit, un second chef d’atelier. Tout ce que je demande, c’est que des locomotives qui se trouvent maintenant dans la station d’Ostende, une seule soit transférée dans celle de Bruges, avec le personnel y nécessaire, composé de deux ou trois personnes, qui seraient également prises parmi le personnel actuellement attaché à la station d’Ostende. L’atelier resterait là où il doit être dans l’intérêt du service ; la locomotive placée dans la station de Bruges, serait, en cas de réparation, envoyés à l’atelier d’Ostende ; le personnel resterait le même et il n’en résulterait aucune nouvelle charge pour le trésor. J’engage M. le ministre à examiner la réclamation que j’ai l’honneur de lui soumettre, et je pense qu’il sera convaincu comme moi, qu’en y faisant droit, il assurera la régularité de la marche des convois et évitera le retour de l’inconvénient que je lui ai signalé en prenant la première fois la parole (Le ministre fait un signe de tête approbatif).

M. Eloy de Burdinne – Messieurs, je ne m’attendais nullement à prendre la parole dans la discussion qui nous occupe. Mais j’ai un mot à répondre à deux honorables préopinants qui ont avancé que l’agriculture retirerait beaucoup d’avantages de la construction du chemin de fer.

J’aurais été loin de prendre la parole, messieurs, si j’avais pu prévoir que les orateurs qui m’ont précédé avaient certaine intention de demander que le chemin de fer fût cédé, et d’engager le public à prendre des actions sur le chemin de fer. Je ne contrarierais nullement les honorables défenseurs du commerce qui s’en tirent beaucoup mieux lorsqu’il s’agit de leurs intérêts, que moi, quand je soutiens les intérêts des personnes qui m’ont envoyé ici.

L’honorable M. David vous a dit que le chemin de fer rapportait 3 ¾ pour cent du capital employé à sa construction. Mais je ferai remarquer à l’honorable M. David qu’il y a quatre ans on disait dans cette enceinte que le chemin de fer avait coûté 160 millions, et qu’alors j’ai soumis à la chambre des calculs d’où il résultait que, pour obtenir ces 160 millions employés à la construction du chemin de fer, on avait, si ma mémoire est fidèle, dépensé 202 millions, parce qu’on avait contracté des emprunts en-dessous du pair, qu’on avait payé des commissions, et en outre des intérêts par participation.

Il est donc inexact de dire que le chemin de fer n’a coûté que l’argent employé à sa construction ; il a coûté la dépense qu’on a dû faire pour se procurer les capitaux nécessaires.

Messieurs, depuis 1840 on a singulièrement augmenté le capital employé pour la construction des chemins de fer. Et ne croyez pas que vous êtes au terme de la dépense. Vous en êtes bien éloignés. Voyez ce qu’on vous demande encore aujourd’hui. D’ailleurs comptez-vous pour rien les désastres ? Mais au bout de dix ans un tunnel s’écroule, et il en résultera une dépense d’un à deux millions. Il faut encore ajouter ce capital au premier. Peut-être aurez-vous malheureusement d’un moment à l’autre la fonte des neige des Ardennes ; et qui vous répond que votre chemin de fer de la Vesdre ne sera pas dégradé au point d’entraîner encore l’Etat dans une dépense de 10 à 15 millions. Personne ne peut répondre que cet événement n’arrivera pas.

Mais le chemin de fer est un avantage pour l’agriculture, disent les défenseurs du commerce. En quoi, s’il vous plaît, l’agriculture retire-t-elle des avantages du chemin de fer ? est-ce parce que quelques industriels peuvent amener à moins de frais leurs bêtes grasses au marché de Bruxelles ? Non, messieurs.

Cet avantage est pour une industrie qui à la vérité se rattache jusqu’à un certain point à l’agriculture, mais qui n’est pas directement l’agriculture.

Les chemins vicinaux empierrés et les grandes communications, voilà ce qu’il faut à l’agriculture.

Le cultivateur qui vend son blé à un spéculateur à la station du chemin de fer, le vend moins cher que quand il vendait directement au consommateur de la ville. Il avait de plus alors l’avantage de rapporter de la ville des engrais.

Qu’est-ce que gagne l’agriculture au chemin de fer ? Le droit de combler le déficit de plusieurs millions que présente chaque année le chemin de fer car elle paye les treize seizième des impôts.

Il y aurait un moyen de tout concilier, ce serait de faire payer au chemin de fer, conformément à la loi, le capital employé à sa construction et aux frais. Il suffirait pour cela de réduire de 24 à 12 millions l’avantage que le chemin de fer fait aux voyageurs, et de réduire de 40 à 20 p.c. l’avantage fait au commerce quant au prix du transport des marchandises.

On a parlé du retard du transport des marchandises par le chemin de fer de Cologne. Ce retard tient, je pense, à l’insuffisance du matériel de la société rhénane.

La Hollande, messieurs, fera toujours des sacrifices pour conserver le marché de l’Allemagne, et déjà, si les eaux intérieures de la Hollande n’avaient pas été gelées, vous n’auriez pas eu tant de transports que vous en avez, et vous ne manqueriez pas de matériel.

Nous sommes loin, messieurs, d’avoir dépensé toutes les sommes qui seront nécessaires pour parachever le chemin de fer. L’honorable ministre des travaux publics vient nous dire que pendant quelques temps encore nous serions appelés à voter des capitaux. Eh bien, je suis convaincu que lorsque vous aurez entièrement terminé notre chemin de fer, la dépense s’en élèvera à 300 millions de fr. Or, 300 millions de francs, à 5 p.c. font bien un intérêt de 15 millions, ajouter à cela les 5 millions pour les frais d’administration et d’entretien ordinaire, et vous aurez 20 millions . Eh bien, je vous prédis que le chemin de fer ne rapportera jamais 20 millions par an. C’est cependant ce qu’il faudrait obtenir pour que le chemin de fer couvrît la rente.

Ensuite, messieurs, s’il survenait une perturbation en Europe, nos chemins de fer que seraient-ils ? Vous devriez en servir la rente, vous devriez payer vos employés ; et alors que la construction du chemin de fer a froissé tant d’intérêts, a détruit tant d’industries, en moins d’un mois vous verriez disparaître le chemin de fer ; billes et rails, tout serait enlevé.

Ah ! messieurs, je n’aurais pas fait ressortir tous ces graves inconvénients si j’avais pu soupçonner que l’intention de M. David fût de proposer au gouvernement de mettre le chemin de fer en actions. Si j’avais pu supposer qu’il fût question d’un semblable projet, je me serais bien gardé de signaler toutes les erreurs dans lesquelles on est tombé relativement au chemin de fer.

Je ne me prononcerai pas, messieurs, sur les chemins de fer qu’on demande à construire en concession. C’est une question qui doit être mûrement examinée ; mais je crains une chose, c’est que tous ces chemins de fer ne nuisent considérablement au chemin de fer de Namur à Liége, et le chemin de fer de Tournay à Jurbise ne portent un grand préjudice au chemin de fer de l’Etat. Ainsi, quand le chemin de fer de Jurbise sera construit, le commerce français abandonnera complètement la ligne de Courtray ; il y aura une voie bien plus directe pour arriver en Allemagne.

Sans doute, messieurs, le chemin de fer a fait beaucoup de bien, mais c’est plutôt au commerce étranger qu’à celui du pays. Ce sont les étrangers qui profitent de notre chemin de fer. Autrefois lorsqu’une famille anglaise quelque peu nombreuse, traversait la Belgique pour aller en Allemagne, il lui en coûtait mille francs ; aujourd’hui d’Ostende à Aix la Chapelle, la même famille ne dépense plus que 300 francs. Voilà cependant sur chaque famille anglaise qui traverse la Belgique, une perte nette de 700 francs. Voilà un exemple des avantages que le chemin de fer a procurés au pays.

Je bornerai là mes observations.

- La séance est levée à 4 heures ¾.