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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 14 mars 1845

(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)

(page 1146) (Présidence de M. Liedts)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Huveners fait l’appel nominal à une heure et quart.

M. de Man d’Attenrode lit le procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :

« Plusieurs habitants de Herstappe demandent la construction du chemin de fer d’Ans à Herstal par Tongres. »

« Même demande du conseil communal et du collège des bourgmestres et échevins de la ville de Liége. »

- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi sur le chemin de fer.


« Plusieurs propriétaires et cultivateurs de Pellaines prient la chambre d’adopter la proposition de loi sur les céréales. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée de l’examen de cette proposition.


« Le conseil communal de Joncret présente des objections contre la demande de concession de deux embranchements de chemin de fer, dont l’un de Couillet à Prêt et l’autre de Moulin à Florennes. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« L’administration communale de Bioul demande le déplacement de deux poteaux de barrière sur la route de Ligny à Dénée. »

M. Pirson – Je demande que cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions, avec demande d’un prompt rapport.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Maertens présente des rapports sur des demandes en naturalisation.

- Ces rapports seront imprimés et distribués.

Projet de loi portant le budget du département des travaux publics de l’exercice 1845

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ponts et Chaussées; canaux, rivières et polders; ports et côtes; bâtiments civils; personnel des ponts et chaussées

Section IV. Bâtiments civils
Discussion générale

M. le président – Nous sommes arrivés à la section relative aux bâtiments civils ; la discussion continue tant sur cette section que sur le rapport de la commission d’industrie concernant la pétition de M. Marcellis. Quelqu’un demande-t-il la parole ?

M. Delfosse – Messieurs, je me suis opposé hier à la clôture, parce que l’honorablet M. d'Elhoungne avait demandé la parole ; mais puisque l’honorable membre renonce à prendre part à la discussion, je ferai quelques observations.

Messieurs, nous sommes tout d’accord en théorie, nous témoignons tous dans cette enceinte les plus vives sympathies pour l’industrie métallurgique ; mais les uns se bornent à une sympathie en quelque sorte théorique, les autres voudraient que la théorie fût mise en application. Et encore ces derniers sont réduits à n’émettre qu’un vœu qui restera probablement stérile. Ils sont arrêtés par cette considération qu’il s’agit d’un acte administratif, et qu’en fait d’administration l’initiative appartient au gouvernement. Ils ne peuvent donc qu’appuyer le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics. Mais c’est ce que les adversaires de la pétition proposent aussi, et le gouvernement a donné clairement à entendre quel serait le résultat de ce renvoi.

M. le ministre des finances, inexorable cette fois et je crois que c’est la première, a prononcé hier son arrêt. Il a déclaré que l’excédant qui existait lors de la présentation du budget, se trouve épuisé par suite de divers votes de la chambre, et qu’il y aurait un déficit si l’on votait la somme nécessaire pour la substitution de la fonte au bois dans la construction de l’entrepôt d’Anvers.

Messieurs, je n’ai jamais cru à un excédant, j’ai soutenu, lors de la discussion du budget des voies et moyens, et je soutiens encore que l’excédant n’a existé que dans l’imagination de M. le ministre des finances. M. le ministre a compté sans les crédits supplémentaires qui s’élèvent pour chaque exercice à plusieurs millions. Je vois donc plus loin que M. le ministre des finances ; je crois que nos finances sont à peu près dans le même état que le ministre, c’est vous dire assez qu’elles sont délabrées. Cela ne m’empêchera pas de voter toutes les dépenses qui me paraîtront utiles et productives. C’est ainsi que je voterai tout à l’heure pour le canal de la Campine, c’est ainsi que je voterai plus tard pour d’autres travaux publics. Il y a des économies qui ruinent un pays, comme il y a des dépenses qui peuvent l’enrichir.

Et puis remarquez bien, messieurs, qu’il n’en est pas de l’état de nos finances publiques comme de l’état du ministère : nous ne pouvons pas améliorer le ministre actuel, cela ne dépend pas de nous, mais nous pouvons améliorer les finances, nous n’avons qu’à opérer des économies sur le budget de la guerre ; nous n’avons qu’à persister dans la voie où la chambre est entrée, lors du vote mémorable qui a amené la retraite du général De Liem. Si nous réduisons le budget de la guerre à 25 millions, chiffre qui a été fixé par le gouvernement lui-même pour le pied de paix, nous aurons par année un excédant de 3 millions. Je ne voudrais pas arriver à cette réduction brusquement, je voudrais y arriver peu à peu, en gardant les ménagements convenables. Eh bien, avec un excédant de 3 millions, nous pourrions faire de grandes choses, nous ne serions pas réduits à nous dire trop pauvres pour substituer la fonte au sapin dans la construction d’un entrepôt.

Chose étonnante, nous sommes venus, il y a deux ans, au secours de la ville de Bruxelles, et la ville de Bruxelles fait construire un entrepôt magnifique, un entrepôt en fonte ; et nous qui sommes venus au secours de la ville de Bruxelles, nous ne nous trouvons pas assez riches pour faire comme elle !

Ce qui me peine, messieurs, dans la résolution que le gouvernement a prise et à laquelle il paraît vouloir s’arrêter, ce n’est pas tant la résolution en elle-même que les motifs que l’on fait valoir. Si le gouvernement nous disait que les entrepreneurs actuels ne consentent à résilier leur contrat que moyennant des indemnités exorbitantes ; ou bien que les fondations ne sont pas assez solides pour supporter la fonte, je concevrais ces raisons, je les approuverais même, si elles étaient fondées en fait. Mais ce n’est pas là ce que le gouvernement nous dit ; le principal motif que le gouvernement fait valoir, c’est que l’emploi de la fonte entraînera une augmentation de dépense. Messieurs, l’emploi de la fonte entraînera toujours une augmentation de dépense. Mais cette augmentation sera compensée par d’autres avantages. Si c’est là une raison pour repousser, en cette circonstance, l’emploi de la fonte, il faudra le repousser toujours ; et alors que devient cette sollicitude tant vantée pour l’industrie métallurgique ? Vous cherchez MM. les ministres à procurer des débouchés à nos produits ; c’est très-bien, je vous approuve ; mais ce serait mieux encore, si vous donniez l’exemple, en les employant vous-même.

M. Eloy de Burdinne – Messieurs, la question qui nous occupe est très-importante. Elle doit être envisage de deux manières.

1° Est-il nécessaire de faire une dépense aussi considérable pour la construction de l’entrepôt d’Anvers ? l’Etat en a-t-il le moyen ?

2° Est-il avantageux au pays d’employer des bois étrangers dans des constructions destinées à renfermer des matières de grande valeur ?

Ce deuxième question me paraît devoir être résolue affirmativement.

Ne vaut-il pas mieux construire en fer qu’en bois l’entrepôt d’Anvers ? Telles sont les questions à résoudre. Pour mon compte, je n’hésite pas à me prononcer en faveur de l’emploi du fer au lieu du bois. Le fer, nous le produisons nous-mêmes ; la matière première est le produit de notre sol ; nos ouvriers le fabriquent. Le capital nécessaire à l’emploi de la fonte dans les constructions quoique beaucoup plus élevé, reste dans le pays, tandis que les bois étrangers employés au lieu du fer emportent des capitaux qui ne rentrent plus et sont dépensés à l’avantage du propriétaire étranger, au détriment de notre industrie et de la classe ouvrière belge principalement.

Conséquent avec mes principes, je veux accorder protection pleine et entière à toutes les industries, mais principalement à l’industrie métallurgique, la deuxième en ligne en Belgique.

Toutes les industries ont droit à notre protection, mais en première ligne nous devons classer les industries dont la matière première provient de notre sol ; en seconde ligne, les industries dont la matière première provient du sol étranger ; mais comme elles emploient l’ouvrier belge, elles ont aussi droit à nos sympathies et nous devons les protéger, mais dans une proportion moindre que la métallurgie.

En terminant, je recommande à l’attention du gouvernement l’emploi du fer en remplacement du bois, et s’il faisait la proposition de remplacer le bois par le fer, dans la construction de l’entrepôt d’Anvers, je lui donnerai un vote favorable.

M. Malou – Je crois que dans cette question il ne s’agit pas précisément de théorie. En théorie nous sommes d’accord, non pas que dans toutes les circonstances la construction en fonte soit préférable à la construction en bois, mais qu’elle peut être préférable dans certaines circonstances données. Il s’agit donc de savoir si, dans l’état actuel des choses, il est possible, il est utile de substituer la fonte au bois dans la construction de l’entrepôt d’Anvers. Pour moi, la solution négative de cette question est de la dernière évidence.

En premier lieu, il existe des contrats qui ne peuvent être résiliés que du plein gré de ceux qui les ont faits. Vous sentez que si la chambre adopte une proposition, tendant à substituer la fonte au bois, vous ferez croître démesurément les prétentions de ceux qui ont contracté avec le gouvernement. Sous ce rapport donc, la dépense est inappréciable, elle sera assurément très-forte.

Il ne fait pas croire que tout soit fait à l’entrepôt ; j’ai eu l’occasion de le visiter en détail ; j’ai vu les plans, les constructions déjà faites. Elles sont aujourd’hui à fleur de sol ; c’est-à-dire qu’on a construit tout ce qui est fondations et voûtes, qu’en un mot il ne s’agit plus que des constructions à élever sur des bases déjà établies. Ces bases ont été calculées pour (page 1147) une construction en bois. L’ingénieur distingué que la Belgique a perdu récemment m’a dit lui-même qu’il n’oserait pas garantir que l’entrepôt fût suffisamment solide, si l’on faisait de tels changements au plan. Il est donc très-probable que si le gouvernement changeait le plan, on serait entraîné à des dépenses considérables qui consisteraient soit à reconstruire, soit à fortifier ce qui existe aujourd’hui.

L’honorable M. Manilius m’a fait l’honneur de m’interrompre pour me dire qu’il faut mépriser un entrepôt qui n’a pas de fondations solides. Mais le contraire résulte de ce que je viens d’exposer à la chambre. Les fondations sont en rapport avec l’ensemble du projet. Elles sont très-solides pour une construction en bois ; elles ne le seraient pas pour une construction en fer.

Veuillez remarquer qu’il ne s’agit pas de peu de chose ; il s’agit de mettre sur ces fondations 4 millions de kilog. de fonte. Encore n’est-ce pas tout. Il y aura plus à faire, si l’on veut donner le précieux privilège de l’incombustibilité à l’entrepôt, il ne faut pas seulement employer la fonte pour le gîte ; mais l’on doit établir entre les gîtes en fonte des voûtes en maçonnerie, et mettre un carrelage au lieu d’un plancher ; dès lors le poids est immense, le poids est tel que je ne doute pas, pour mon compte, que tout ce qui a été fait ne doive être renouvelé. L’incombustibilité est sans doute une chose précieuse, mais il faut remarquer que, dans un entrepôt, ce n’est pas par les bâtiments, mais par les marchandises que le danger d’incendie existe. Et d’ailleurs, à part les bombardements et le feu du ciel, le danger d’incendie est minime. D’abord on n’admet pas dans l’entrepôt les matières susceptibles de combustion spontanée, on n’y admet pas non plus des marchandises dangereuses.

Les règlements de l’entrepôt sont d’une très grande sévérité ; on n’y entre que le jour, une police rigoureuse est établie pour qu’on n’y entre jamais avec du feu. Ce n’est donc que par événement de force majeure et par la communication du feu à la marchandise que l’incendie peut avoir lieu ; le danger n’est donc ni plus ni moins grand, que la construction soit faite avec de la fonte ou du bois. La plus grande preuve de ce que j’avance vous la trouvez dans la prime d’assurance. On s’est adressé à toutes les compagnies pour savoir s’il y aurait une différence dans la prime d’assurance selon qu’on emploierait la fonte ou le bois dans la construction. Ces compagnies ont déclaré qu’elles ne faisaient aucun différence pour les marchandises. Quant à l’assurance des bâtiments il peut y avoir une différence insignifiante.

Pour diminuer les dangers d’incendie, d’après les plans que j’ai eu sous les yeux, on a isolé au moyen de galeries en fonte les trois pavillons, de manière qu’en cas d’incendie on pourra peut-être réussir à concentrer le feu dans une partie de l’entrepôt. En présence de toutes ces considérations, il est impossible d’avoir égard au vœu exprimé par le pétitionnaire. La sympathie pour notre industrie métallurgique n’est d’ailleurs pas purement théorique à Anvers, car l’on construit à Anvers même un grand hangar qui sera entièrement en fonte.

M. Manilius – Je n’ai pas demandé la parole pour entretenir la chambre de la théorie de l’emploi du fer ou du bois dans les constructions civiles ; déjà, dans la commission, je me suis abstenu de traiter cette grande question. Mais à entendre le gouvernement, il semble que le ministère n’est pas éloigné de trancher la question en faveur du fer. C’est ainsi que je suis amené, par le dire et les actes de M. le ministre, à prendre cette conclusion que le ministre est déjà convaincu de l’utilité de bâtiments incombustibles. Je vais signaler un fait à l’appui de ce que j’avance ; c’est un fait qui prouvera que M. le ministre ne recule pas toujours devant les grandes dépenses, qu’il n’est pas toujours imbu de ces idées d’économie qu’il a fait valoir, quand il a devant lui de grands capitaux, de grandes sommes, quand il peut puiser à pleines mains dans les caisses de l’Etat. Mais quand il s’agit de demander un crédit pour une dépense utile, il n’a plus la même expansion ; quelque membre de la chambre se chargera de prendre l’initiative. Ce quelque membre n’a pas été attendu quand le ministre a acquis un grand bâtiment pour le service du chemin de fer, bâtiment construit en fonte et en briques et couvert de fer. Le ministre l’a acheté à très-bon compte ; on dit, à côté de moi, qu’il l’a eu pour rien – Non, il ne l’a pas eu pour rien ; il l’a acheté à un prix beaucoup trop élevé, en comparaison de l’emploi qu’on doit en faire ; car un hangar aurait suffi et n’aurait pas coûté le prix qu’il a donné pour un bâtiment qu’on peut appeler une fantaisie ; mais comme on avait la bourse à la main, on n’a pas reculé devant la dépense. Pour un bâtiment de l’utilité de celui-là on ne devait pas dépenser la moitié. D’abord, il y a dans la station de Malines des terrains vagues qui, d’ici à longtemps, ne seront pas utilisés ; on aurait pu y construire un bâtiment avec charpente en bois. Mais il y avait des solliciteurs ; ce n’était pas à la législature qu’on s’était adressé, c’était dans le cabinet du ministre qu’on est allé démontrer l’utilité de ce bâtiment et vanter son bon marché. On a eu assez de latitude pour faire ce qu’on appelait un hasard sans s’adresser à la législature ; sans demander si quelque membre ne voulait pas prendre l’initiative, on a fait l’acquisition. Si, au préalable, on en avait parlé, le ministre serait venu dire : C’est une si bonne acquisition, c’est un bâtiment incombustible, un bâtiment en fer ; voyez toutes les revues, voyez ce qui se passe en Angleterre, on n’y bâtit plus qu’en fer. Il aurait répété alors tout ce qu’a dit hier l’honorable M. Dubus. Aujourd’hui, il se tait ; il ne parle pas de ses vues antérieures, de celles de ses prédécesseurs. Je ne sais si c’est M. le ministre actuel qui a fait l’acquisition dont je viens de parler, mais c’est lui, au moins, qui a réglé le compte.

Lorsque j’ai demandé la parole, c’était principalement pour répondre à l’honorable M. Malou. Cet honorable membre vient de dire : C’est à tort qu’on a prétendu que les fondations étaient assez solides pour supporter des constructions en fonte ; elles ne sont pas suffisantes pour supporter les milliers de quintaux de fer dont on veut les charger. Je demanderai ce que c’est qu’un semblable entrepôt. Quand nous aurons notre grand commerce de fer que nous avons voulu nous ménager par le traité avec le Zollverein, il sera rempli de toute espèce de marchandises les plus pondéreuses, car il va devenir l’entrepôt du monde ; il sera alors chargé de bien autre chose que de sa construction ; et certainement si ce que prétend l’honorable M. Malou est vrai les fondements ne résisteront pas. Il est déplorable qu’un édifice si dispendieux et si solide en apparence, soit sans fondements suffisants.

Puisque j’ai pris la parole, je dois signaler une contradiction entre ce que disent les honorables députés d’Anvers et un honorable député d’Ypres qui habite Anvers. Cet honorable membre juge les dangers d’incendie de l’entrepôt tout différemment que l’honorable M. Osy. Selon M. Osy, le grand danger ne vient pas du bâtiment, mais des marchandises. Selon M. Malou, il n’y a pas de danger pour la marchandise, et la prime d’assurance ne diminuerait pas parce que les marchandises ne sont exposées à aucun incendie. On ne peut pénétrer dans l’entrepôt que le jour, il est interdit d’y entrer avec de la lumière, il est impossible que les marchandises prennent feu. Selon M. Osy, le danger consiste en ce que les marchandises peuvent s’enflammer spontanément. Selon M. Malou, on n’admet pas dans l’entrepôt de marchandises susceptibles de combustion spontanée. Vous voyez qu’il y a parti pris de combattre la proposition de construire en fer, n’importe par quelles raisons. Pour moi, sans me déclarer partisan de l’emploi dur fer, je veux bien qu’on expérimente cet emploi ; mais je veux que ce soit le corps des ingénieurs qui examine, fasse les essais et décide, mais je ne veux pas qu’on jette ce trouble dans leurs idées par des raisonnements qui se contredisent de tous points. Je conclus donc à témoigner le vœu que la pétition du sieur Marcellis soit renvoyée au ministre des travaux publics. Après un débat aussi solennel, à ce renvoi est attaché le désir qu’il le prenne en mûre considération. Je n’ai pas besoin de formuler de proposition à cet égard, elle est de faite toute formulée.

M. de Man d’Attenrode – On ne peut se le dissimuler, messieurs, l’adjudication en fait de travaux publics est la sauvegarde la plus assurée des intérêts de l’Etat. Maintenant que voyons-nous ? Je vois avec surprise des membres de cette chambre engager le gouvernement à déroger à cette règle salutaire ; je vous avoue que cela m’étonne, et cela me surprend d’autant plus que je suis convaincu qu’on ne pourra déroger aux contrats existants qu’aux dépens des intérêts du trésor.

Dans la séance d’hier, un membre de cette chambre nous a dit, que le pétitionnaire n’aurait pas à indemniser l’adjudicataire. Si mes renseignement sont exacts, l’indemnité ne serait pas directe, mais elle serait indirecte ; l’Etat accorderait au pétitionnaire une indemnité sans se nuire à lui-même. Dans ce moment la ville de Bruxelles fait construire un entrepôt très-vaste, où la fonte entre pour une très-grande partie. Voulez-vous savoir ce que coûte l’emploi de la fonte à la ville de Bruxelles pour cette construction. 14 fr. les 100 kilog.. Et savez-vous ce que demande le pétitionnaire? Il réclame 25 fr. pour 100 kilog., c’est plus que le double. Messieurs, il me paraît impossible d’engager le gouvernement à faire des travaux aussi onéreux pour le trésor, dans l’intérêt de quelques personnes.

On s’est beaucoup étendu sur la solidité des fondations déjà construites, sur la question de savoir si elles étaient capables de supporter le surcroît de charge, qui serait le résultat de l’emploi du fer ; quant à moi, je demanderai à M. le ministre, quel est l’avis du conseil des ponts et chaussées concernant la solidité des fondations et, dans le cas où la question serait résolue en faveur de la fonte, s’il ne serait pas nécessaire de refaire les fondations.

J’espère que cette discussion ne se prolongera pas ; nous avons des projets très-urgents à voter, nous ne savons comment y suffire, il nous reste à peine quelques jours, et nous sommes arrêtés par la pétition d’une personne ; c’est une circonstance qui me surprend et qui ne s’est pas encore présentée depuis que je fais partie de cette chambre. On propose le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics. Je m’oppose à ce renvoi parce qu’il implique une espèce d’assentiment à la proposition du pétitionnaire et je demande le dépôt au bureau des renseignements, à moins que la discussion n’indique suffisamment que le renvoi au ministre n’engage en rien le gouvernement.

M. d’Elhoungne – Messieurs, j’avais pensé que la chambre était peu disposée à prolonger cette discussion, et j’avais renoncé à mon tour de parole.

Mais après les orateurs que vous venez d’entendre, je répondrai quelques mots aux objections soulevées par la pétition de M. Marcellis.

Il est d’abord essentiel de préciser la portée du vote que nous avons à émettre. On demande le renvoi de la pétition à M. le ministre, renvoi qui sera l’expression de l’opinion de la chambre sur la convenance d’employer la fonte aux grands ouvrages d’utilité publique en général, et à l’entrepôt d’Anvers en particulier. (Dénégations.) Je pense que c’est bien là la portée du débat. Si, après ce renvoi, M. le ministre venait démontrer à la chambre qu’il n’y a plus de possibilité de déférer au vœu de la chambre, de passer à l’application du principe approuvé par elle, les choses resteraient entières. Je crois que c’est ainsi qu’il faut entendre la question. (Non ! non !)

M. Mast de Vries – Ce n’est pas ainsi que nous entendons le renvoi.

M. le président – Les conclusions du rapport sont le renvoi pur et simple de la pétition à M. le ministre des travaux publics .

M. d’Elhoungne – Messieurs, dans ma pensée, comme dans la (page 1148) pensée de mon honorable ami M. Manilius, la discussion actuelle attache au renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics l’expression d’un vœu favorable au pétitionnaire, du moins en principe. Cela est si vrai que les honorables membres qui sont contraires au pétitionnaire combattent le renvoi proposé, et demandent soit le dépôt au bureau des renseignements, soit l’ordre du jour. Au surplus, si l’on persiste à dire que le renvoi de la pétition n’a pas cette signification, il serait facile de le formuler de manière à lui donner plus de portée.

Les orateurs qui ont pris la parole contre la pétition de M. Marcellis, se sont préoccupés principalement de la question de dépense. M. le ministre des finances et l’honorable comte de Mérode se sont placés à ce point de vue ; mais ils me paraissent avoir oublié que la construction d’un entrepôt n’est pas, comme les augmentations de traitement des fonctionnaires, une dépense improductive et qui doit grever perpétuellement le budget. La construction d’un entrepôt, messieurs, est une dépense productive au contraire et temporaire. Le capital qu’on y engage doit porter intérêt et s’amortir successivement. Aussi rien n’est plus facile à expliquer en cette circonstance que l’opposition du commerce d’Anvers. S’il repousse la substitution de la fonte dans la construction du nouvel entrepôt, c’est n’est pas, je le sais bien, dans l’espoir d’un bénéfice à faire sur la livraison du bois. Ce n’est pas non plus parce qu’Anvers préfère encourager le commerce des bois étrangers plutôt que l’industrie métallurgique du pays ; nous connaissons les vives et sincères sympathies d’Anvers pour l’industrie nationale. Mais le véritable motif de son opposition, c’est qu’en augmentant d’un demi-million le capital engagé dans la construction du nouvel entrepôt, on se place dans la nécessité d’augmenter aussi dans une faible proportion les droits d’emmagasinage sur les marchandises entreposées. Cependant on ne peut éviter cette conséquence. Elle s’est produite partout. Celles de nos grandes villes qui ont construit des entrepôts de leurs propres fonds, comme Gand et Bruxelles, ne l’ont pas entendu faire autrement.

Mais toute l’augmentation de dépense dont je viens de déterminer le caractère, messieurs, ne viendra pas se résumer en une augmentation de frais pour les entrepreneurs. Il faut tenir compte des compensations qui sont réelles, qui sont considérables. En effet, la construction en fonte procure à l’Etat d’abord une économie sur les frais d’entretien et sur l’assurance des bâtiments, et écarte pour lui toute possibilité de chômage, ce qui est inappréciable. Pour le commerce, la même économie sur les frais d’assurance existe évidemment.

Les nouvelles conditions de durée, de solidité et de sécurité dans lesquelles se trouvera l’entrepôt auront pour conséquence nécessaire de faire baisser la prime d’assurance pour les marchandises entreposées. L’honorable M. Malou objecte vainement qu’on a consulté les compagnies d’assurance d’Anvers, et qu’elles ont répondu, avec un noble désintéressement, ne pas vouloir abaisser la prime d’un centime ; car il est évident qu’en diminuant les risques d’incendie, vous forcez la prime à diminuer dans la même proportion. A cet égard, il n’y a qu’à laisser faire la concurrence : elle aura bientôt ramené les compagnies anversoises à une appréciation plus exacte des faits. D’ailleurs ce qui le prouverait au besoin, c’est que la prime est aujourd’hui plus élevée pour l’entrepôt de l’Etat que pour les entrepôts particuliers. Quel est le motif de cette différence ? L’inégalité des risques auxquels les dépôts sont exposés dans ces divers établissements.

Outre l’intérêt de l’Etat, comme propriétaire, la construction en fonte du nouvel entrepôt d’Anvers présente une grande importance comme encouragement à l’industrie métallurgique. Pour mon compte, messieurs, j’applaudis à un encouragement de cette espèce beaucoup plus qu’aux avantages imaginaires que l’on a si chèrement achetés par le traité du 1er septembre avec le Zollverein. Et ceci donne à la question un côté tout nouveau. En effet, n’est-ce pas le commerce étranger principalement qui supportera les droits d’emmagasinage destinés à couvrir les intérêts et l’amortissement du capital engagé dans la construction de l’entrepôt d’Anvers ? Remarquez, messieurs, que commercialement parlant, le traité du 1er septembre réduit les relations entre la Belgique et l’Allemagne à un simple commerce d’entrepôt et de transit. Le Zollverein décrétera avant peu un pareil système commercial ; il se l’est réservé par le traité. Or, une fois les droits différentiels établis, il est évident que le Zollverein sera exclusivement approvisionné de produits coloniaux par ses propres navires qui se borneront à entreposer leurs cargaisons à Anvers, pour les faire transiter de là sur Cologne. Dès lors aussi, c’est le Zollverein qui fera principalement usage de notre entrepôt d’Anvers, à moins que le gouvernement belge n’ait pas abandonné encore l’incroyable projet de concéder au Zollverein un entrepôt spécial à Anvers, surveillé par des douaniers allemands. Ainsi, le grand encouragement que nous voudrions donner à notre industrie métallurgique, c’est le Zollverein qui en ferait les frais. Je dis, messieurs, que nous ferions-là un acte de bonne politique et de bonne administration.

Les objections qui se sont produites dans cette discussion, messieurs, n’ont rien de bien grave. L’honorable M. Malou a vu un obstacle dans les contrats existant avec les adjudicataires actuels, pour une construction en bois. Mais dans la séance d’hier, à laquelle l’honorable membre n’a pas assisté, l’honorable M. Fleussu a répondu : Que les adjudicataires actuels renonçaient volontairement à leur contrat. L’honorable M. Malou s’est effrayé ensuite de l’état des constructions déjà faites à l’entrepôt, c’est-à-dire, des fondations ; il a pensé que leur solidité ne pouvait comporter la substitution de la fonte au bois. Mais mon honorable ami, M. Manilius, a dissipé ces craintes, en faisant remarquer qu’un entrepôt destiné à recevoir des masses de marchandises d’un poids presque incalculable, devait nécessairement avoir des fondations d’une solidité à toute épreuve. On a dû y mettre un luxe de force et de solidité. C’est même le motif d’une clause très-extraordinaire insérée dans le cahier de charges de l’adjudicataire de l’entrepôt, cause que je signalerai, en passant, pour la blâmer. Vous savez, messieurs, qu’on a adjugé séparément les fondations et les bâtiments de l’entrepôt. A l’adjudicataire des bâtiments on a imposé la responsabilité des fondations qu’il n’avait pas construites. M. l’inspecteur-général des ponts et chaussées a justifié cette stipulation, en disant que la solidité extraordinaire des fondations rendait la garantie de l’entrepôt illusoire. Or, savez-vous, messieurs, ce que cette responsabilité illusoire coûte au pays ? Trente cinq, quarante mille francs, car elle a mis M. le ministre dans l’impossibilité de faire l’adjudication au soumissionnaire qui offrait le rabais le plus considérable, mais qui, par ce motif, déclinait la responsabilité des fondations.

Je reviens aux objections que rencontre la substitution de la fonte au bois dans la construction de l’entrepôt d’Anvers. Les rapports de la chambre de commerce d’Anvers et de la commission de l’entrepôt démontreront à la chambre que j’ai signalé le véritable motif de la répugnance que le projet Marcellis a soulevée à Anvers. Ainsi la chambre de commerce déclara que le commerce anversois était bien décider à ne pas payer de droits d’emmagasinage plus élevés, quelles que soient les nouvelles sécurités et les économies que lui donnerait un entrepôt incombustible. Ainsi, la commission de l’entrepôt insiste même sur la nécessité d’abaisser les droits existants, prétention facile à expliquer quand on considère qu’Anvers jouit de l’entrepôt, mais ne le paye pas de ses propres fonds comme Gand ou Bruxelles. Enfin, le croiriez-vous, messieurs, la chambre de commerce d’Anvers représente sérieusement à M. le ministre, dans le rapport, que je cite, que le Zollverein s’irriterait si l’on substituait la fonte au bois dans la construction du nouvel entrepôt, et si par suite les droits de magasinage subissaient une légère augmentation ! Je vous le demande, messieurs, le Zollverein, le Zollverein, auquel nous avons tout accordé, s’irriterait avec le commerce d’Anvers de ce que la Belgique préfère un entrepôt incombustible à tout autre.

Mais, dit-on, rendre incombustible le nouvel entrepôt est chose peu utile puisque les anciens bâtiments sont construits en bois. Je réponds par l’observation très-juste de M. Marcellus, que les anciens bâtiments étant plus exposés à l’incendie, c’est une raison déterminante de rendre incombustible le nouvel entrepôt. En effet, on pourra de cette manière concentrer dans le bâtiment incombustible les matières les plus dangereuses, et par suite la sécurité s’accroîtra même à l’égard des bâtiments construits en bois.

Quoi qu’il en soit, si cette question s’est élevée dans la chambre, la faute en est à M. le ministre des travaux publics. Alors même que l’adjudication avait eu lieu, alors qu’il avait trouvé la question engagée, comme il l’a dit, M. le ministre des travaux publics a accueilli le pétitionnaire, il l’a encouragé, il l’a provoqué en quelque sorte à poursuivre les études de son projet. Ce projet même, M. le ministre l’a soumis à une commission d’ingénieurs, qui a déclaré que l’emploi de la fonte était infiniment préférable à celui du bois, que le projet Marcellis l’emportait sur le projet actuel (Interruption.) C’est ce qui résulte des pièces que nous avons sous les yeux. D’ailleurs, M. le ministre était si peu favorable au projet du pétitionnaire, qu’il a formellement fait un appel à notre initiative lorsqu’il a donné ses explications dans la séance d’hier. Il y a donc ici une question d’équité. Il ne s’agit pas, comme l’a insinué M. de Man, de soustraire aux garanties d’une adjudication publique l’exécution du projet Marcellis. Vous savez, messieurs, par l’honorable M. Fleussu, qu’il s’agit au contraire de conserver et le principe de l’adjudication publique et toutes les garanties que le gouvernement trouvera utiles. Mais il y a dans ceci une question d’équité, car après tous les encouragements que M. le ministre a accordés au pétitionnaire, après que l’utilité de son projet a été reconnue et constatée, il serait étrange d’écarter tout à coup par une fin de non-recevoir qui existait tout aussi forte le jour où on l’a encouragé que maintenant.

Je voterai pour le renvoi de la pétition de M. Marcellis à M. le ministre des travaux publics.

M. Malou – Messieurs, le point essentiel, c’est qu’il n’y ait pas d’équivoque sur la portée du vote que nous émettrons. D’après les précédents de la chambre, si je ne me trompe, le renvoi pur et simple d’une pétition au ministre que la chose concerne, n’implique nullement un appui donné par la chambre à cette pétition. Lorsqu’on veut donner au renvoi le caractère d’un appui, on y ajoute, soit une demande d’explications, soit une autre formule qui implique que la chambre adhère à la demande. Le renvoi pur et simple n’implique ni une approbation ni une improbation.

M. Delfosse – Il y a invitation à examiner.

M. Malou – Mais à examiner librement, d’après les convictions du ministre, d’après les faits, d’après les débats ; mais les débats eux-mêmes ne donnent pas, indépendamment du vote, au renvoi pur et simple un caractère que le renvoi n’a pas par lui-même.

Voilà, messieurs, ce que je tenais à dire pour éviter toute équivoque sur le sens du vote.

Ainsi, messieurs, si d’honorables membres croient que la pétition mérite l’appui de la chambre, ils feront bien de proposer une demande d’explications, alors la chambre pourra se prononcer.

Je tiens aussi, messieurs, à rétablir ma pensée qui a été bien mal comprise par l’honorable M. Manilius. Je reconnais, comme le dit l’honorablet M. d'Elhoungne, que les fondations de l’entrepôt sont solides, très-solides, qu’il y a un luxe de solidité, si l’on veut. Mais ce luxe de solidité n’existe que pour une construction à faire d’après les plans primitifs, qui sont très convenables, qui sont dressés par les hommes les plus compétentes. Mais il s’agit de substituer au plan primitif un plan nouveau et, je le répète, la surcharge qui pourrait peser sur les fondations par suite de l’adoption de ce nouveau pan, cette surcharge est incalculable. Il ne s’agit pas seulement (page 1149) de 4 millions de kilog.. de fonte, mais il s’agit de toutes les voûtes qui doivent joindre entre elles les gîtages en fonte, et cela doit se répéter sur 5 étages.

L’entrepôt, dit l’honorable M. Manilius, sera fortement chargé. J’espère bien qu’il sera fortement chargé ; mais si l’on commence par donner aux constructions un poids tellement considérables que les hommes les plus compétents doutent que les fondations puissent le supporter, comment voulez-vous après cela mettre de fortes charges dans cet entrepôt ?

Quant à l’incombustibilité, j’ai fait deux ou trois observations ; j’ai dit que la prime d’assurance ne différerait pas, que c’était là la déclaration unanime, l’engagement unanime pris par toutes les compagnies d’assurances…

Un membre – D’Anvers

M. David – Il aurait fallu consulter les compagnies anglaises.

M. Malou – J’ai dit en second lieu, messieurs, qu’il n’y aurait pas de différence dans les conditions de sécurité ; qu’on prenait, à l’égard des marchandises déposées à l’entrepôt, toutes les précautions nécessaires, et que l’incendie ne peut guère se communiquer que par les marchandises. Il n’y avait donc pas la moindre contradiction entre les observations que j’ai faites et celles qui ont été présentées hier par l’honorable M. Osy.

Dans le discours que vous venez d’entendre, messieurs, on a fait valoir encore (et je remercie l’honorablet M. d'Elhoungne d’avoir présenté cet argument très-sérieux), on a fait valoir cette considération que le commerce doit supporter les frais de magasinage. Mais les frais de magasinage doivent être en rapport avec les frais de construction.

Si donc on augmentait les frais de construction de l’entrepôt, l’intérêt et l’amortissement devraient être supportés par le commerce. Si s’agissait seulement de savoir si tel ou tel commerçant payera quelque chose de plus, la question pourrait paraître futile : on pourrait croire que des intérêts particuliers sont seuls en jeu. Mais il n’en est pas ainsi. L’intérêt du commerce, c’est l’intérêt du pays lui-même, parce que le commerce du pays ne peut lutter avec l’étranger qu’à la condition de faire des économies et même de petites économies. Lorsqu’on cherche à ne pas augmenter les frais pour soutenir une lutte qui devient très-difficile, je crois que l’on comprendra que cette question de l’augmentation des droits d’emmagasinage est très-sérieuse.

Ce n’est donc pas tel ou tel commerçant qui couvrira le déficit ; c’est le commerce belge, c’est le pays qui pâtira de l’augmentation de dépense, non-seulement par le déboursé immédiat, mais encore parce qu’on rendra ainsi plus mauvaise les conditions de concurrence avec le commerce étranger.

On dit encore qu’il n’y a aucun obstacle dans les contrats. Je vois réellement intervenir toutes les notions de droit. Une adjudication a été faite. Il y a un contrat synallagmatique. Les adjudicataires qui ont obtenu la fourniture des bois ont droit à l’exécution de leur contrat.

Un membre – S’ils y renoncent ?

M. Malou – Ils ont droit à des dommages-intérêts.

Un membre – Mais s’ils ne les réclament pas ?

M. Malou – Mais il faut supposer la vérité, la réalité.

Un entrepreneur s’est engagé à fournir une quantité considérable de bois ; d’après le contrat qu’il a fait, il a dû compter sur un bénéfice.

Y renoncera-t-il gratuitement ? En vérité, ce n’est pas possible.

Voici d’ailleurs comment les choses se sont passées : l’auteur de la pétition avait, si je suis bien informé, un arrangement avec les entrepreneurs. Je ne sais s’il subsiste encore. Mais il est de fait que tant que les entrepreneurs de la fourniture en bois doivent s’entendre avec celui qui prétend à l’adjudication de la fonte, on ne peut pas faire une adjudication sérieuse.

Ainsi le contrat existe : il ne peut être résilié que moyennant indemnité. Cette indemnité doit être demandée par le gouvernement lui-même, si vous voulez que l’adjudication de la fonte ait un caractère sérieux.

Si toutes ces considérations n’existaient pas, je comprendrais sans peine le désir qu’on semble avoir de donner une preuve de sympathie à l’industrie métallurgique. Mais s’il est une circonstance où l’on ne doive pas avoir égard à cette considération, c’est celle où nous nous trouvons, où l’industrie métallurgique a obtenu récemment de grands avantages. Une autre circonstance qui est la suite de ces avantages, c’est que le prix des fontes est notablement augmenté. De sorte qu’en donnant suite à ce projet, la dépense évaluée à 600,000 fr. s’élèverait beaucoup plus haut.

Je pense donc que le renvoi pur et simple n’implique pas approbation.

J’espère que le gouvernement persistera dans la résolution qu’il a prise, et ne résiliera pas de gaieté de cœur le contrat qu’il a signé.

D’après le conseil, le voûtement des divers étages exigerait que les murs de façade formant culée soient augmentés en épaisseur, ou bien qu’un système d’ancrage soit jugé capable de suppléer à cette augmentation de pression.

La substitution de la maçonnerie et de la fonte aux charpentes, ajoute le conseil, devant donner un excédant considérable de poids à supporter par les fondations, il serait indispensable que l’entrepreneur définitif de la construction modifiée prit à sa charge toutes les éventualités qui pourraient naître de ce chef.

D’après cet avis du conseil des inspecteurs, il n’est pas douteux que tout au moins un doute existe pour eux relativement à la question des fondations. Je sais que M. Marcellis ne partage pas cette manière de voir. M. Marcellis croit, d’après les calculs qu’il a présentés, que les fondations actuelles suffiraient ; mais le conseil des ponts et chaussées n’a pas la même assurance.

L’honorablet M. d'Elhoungne a saisi cette occasion pour reprocher au gouvernement d’avoir exigé un forfait absolu pour la construction de l’entrepôt d’Anvers.

Messieurs, c’est précisément parce que les fondements avaient été construits antérieurement à l’adjudication, que le forfait absolu devait être consacré en toute nécessité. Le gouvernement avait en souvenir ce qui s’était passé pour le polder de Borgerveert. Il y avait eu aussi ce polder des travaux antérieurs exécutés par un premier entrepreneur. Le second entrepreneur avait accepté l’entreprise des travaux d’achèvement à forfait. Mais le forfait n’avait pas été stipulé d’une manière assez absolue, et il en est résulté que le gouvernement a été entraîné dans un procès qu’il a perdu.

Messieurs, le gouvernement devait, dans une construction aussi considérable que celle de l’entrepôt d’Anvers, s’assurer contre toutes les éventualités de l’avenir. Il fallait donc que l’entrepreneur prît à sa charge la responsabilité complète, comme forfait, des fondations elles-mêmes qu’il n’avait pas construites.

Messieurs, la raison fondamentale qui a dirigé l’opposition du commerce d’Anvers contre le projet en question, on l’a rappelé, c’est qu’il ne croit pas que l’économie qui résulterait sur la prime d’assurance compenserait les frais en plus qui pèseraient sur les marchandises, à cause de l’augmentation du tarif que le gouvernement devrait adopter proportionnellement à l’augmentation du capital nouveau.

Messieurs, je dirai à cet égard mon opinion. Si le gouvernement avait adopté l’idée d’appliquer à l’entrepôt actuel l’emploi de la fonte, il aurait préalablement dû prendre la résolution de ne pas faire supporter par le commerce les frais d’emmagasinage en rapport avec cette augmentation de capital. Je crois que pour cette construction eût l’utilité commerciale qu’elle doit avoir, l’Etat aurait dû faire ce nouveau sacrifice ; car sans ce nouveau sacrifice, il y a doute sur la question de savoir si effectivement la substitution de la fonte n’eût pas léser le plus puissant intérêt en cause, l’intérêt commercial qu’il s’agit de servir.

M. Dubus (aîné) – Messieurs, il me semble, d’après les discours qui ont été prononcés dans la précédente séance, que tout le monde est d’accord sur un point : c’est qu’il serait tout à faire désirable que la fonte pût être substituée au bois dans la construction de l’entrepôt d’Anvers ; car aucun des orateurs que vous avez entendus, n’a attaqué ce que nous avons dit sur ce point. Seulement, on s’attache à faire valoir l’impossibilité de revenir maintenant à une construction rationnelle. On prétend que les choses sont trop avancées, qu’il n’est plus possible de revenir sur la résolution prise.

Voilà, en définitive, sur quel terrain on a porté maintenant la discussion. Cette impossibilité, on ne la prouve pas, mais on dit qu’on doit la présumer.

Ainsi, on prétend que les fondations seront insuffisantes. On prétend qu’il faut présumer que l’entrepreneur ne consentira pas à la modification dont-il s’agit. Mais ces deux présomptions, messieurs, sont-elles la vérité ? Car, ainsi que l’a dit un honorable préopinant, il faut supposer la vérité. Ces présomptions n’ont leur fondement que dans l’imagination de ceux qui présument ainsi, mais pas du tout dans un jugement établi sur des bases que nous puissions apprécier.

Sans doute, si la construction que l’on réclame est devenue impossible, il ne faut plus y songer. Mais c’est précisément cette question de possibilité qui doit être l’objet d’un examen, et c’est pour cela que j’appuie le renvoi à M. le ministre, parce qu’il incombe à M. le ministre de faire procéder à cet examen et de faire constater les faits qui véritablement ne sont pas insuffisamment constatés jusqu’ici.

On dit que les fondations seraient insuffisantes, et sur ce point M. le ministre vient d’indiquer un document. Mais pour autant que j’ai bien compris ce document, il ne contient aucune solution de la question. Si le conseil des ponts et chaussées a été réellement consulté sur le point de savoir si les fondations sont suffisantes ou insuffisantes, il est constant, à mes yeux, qu’il a refusé de répondre à la question. Car il n’y a pas répondu. On lui demande si les fondations sont suffisantes ou insuffisantes. Il se borne à répondre qu’il faudra augmenter les murs en épaisseur. Eh bien, soit, il faudra augmenter les murs en épaisseur. Mais résulte-t-il de là que les fondations sont insuffisantes ? Il n’y a pas de réponse.

Ainsi, vous le voyez, le fait n’est aucunement constaté, et M. le ministre aurait dû renvoyer au conseil des ponts et chaussées, la réponse qui lui a été faite en disant que cette réponse était tout à fait incomplète, tout à fait insuffisante.

On veut faire présumer cette insuffisance en faisant ressortir et en exagérant même la différence de construction sous le rapport du poids et on passe très-rapidement sur cette considération que le poids principal que les fondations auront à supporter, est le poids des marchandises dont sera chargé l’entrepôt.

Je demanderai, messieurs, aux honorables membres qui ont prétendu établir cette impossibilité, dans quelle proportion le poids des marchandises se trouve avec le poids du bâtiment. Car voilà une proportion qu’il faudrait établir, afin que nous puissions apprécier si réellement la différence du poids des bâtiments dit être prise en considération quant à l’insuffisance des fondations.

Quant à moi, voici ce qui m’a été dit, mais je déclare que c’est un fait dont je ne puis pas juger par moi-même ; je le livre néanmoins à la discussion. Il m’a été dit, messieurs, que le poids de l’entrepôt chargé doit être considéré comme étant de 2,000 kilog. par mètre carré, tandis que la différence de poids entre la construction en fonte et la construction en bois ne peut pas même être évaluée à 200 kilog. par mètre carré, de manière qu’il n’y (page 1150) aurait pas même un dixième de différence. Maintenant, je le demande, peut-on supposer (on a mis en avant une supposition, et je puis bien répondre par une supposition contraire), peut-on supposer que ceux qui ont arrêté les plans d’un pareil édifice, auraient été assez imprudents pour construire des fondations telles qu’à un dixième près elles devinssent insuffisantes ? Quant à moi, je ne pourrais admettre une pareille supposition.

Ainsi, voilà un fait qu’il incombe à M. le ministre des travaux publics de vérifier.

Il en est de même de cette autre impossibilité qu’on a voulu faire supposer, celle que l’entrepreneur ne consentirait pas à cette modification, et s’en tiendrait à son contrat. Remarquez que l’entrepreneur a eu soin de laisser jusqu’ici les choses entières, puisque les bois ne sont pas même achetés, et ils ne sont pas achetés, précisément à cause de la question qui vous est déférée. Mais on dira que, malgré cela, il faut supposer que l’entrepreneur ne se désistera pas de son marché, quant au bois. Eh bien, je dis que ni la chambre ni le ministre ne doivent se décider d’après des suppositions, que ce sont des choses à vérifier. Ainsi, dans ces suppositions, rien ne doit vous arrêter jusqu’ici.

On oppose maintenant la question financière, le danger de rompre l’équilibre dans nos finances. Sur ce point, je vous ferai remarquer qu’on exagère toujours le résultat du parti qu’on pourrait prendre, de changer le mode de construction. On suppose qu’il en résultera nécessairement un chiffre de 600,000 fr. de plus au budget de l’année actuelle.

Il n’en est pas ainsi. Il était question de différentes hypothèses qui sont aussi toutes soumises à l’examen de M. le ministre des travaux publics : selon la première, ce ne serait plus 600,000 francs de plus qu’il faudrait, ce serait 390,000 francs seulement, ce qui fait une grande différence. Et s’il est vrai que cette dépense peut être répartie sur trois exercices, cela ne ferait qu’une différence de 130,000 fr. pour l’exercice actuel : ce qui, évidemment, ne pourrait rompre l’équilibre ; ce n’est pas, non plus, une somme de 200,000 fr., tiers des 600,000 francs qui romprait cet équilibre. Ainsi, voilà un danger qui disparaît complètement.

D’autre part on oppose que le commerce d’Anvers aurait à supporter une plus grande charge, puisqu’il faudrait que l’entrepôt payât l’intérêt de la somme dépensée. Sur ce point, et avant tout parti à prendre, on aurait à consulter l’expérience, à apprécier aussi ce que rapporte l’entrepôt d’Anvers. Dans mon opinion, plus la construction offrirait de sécurité pour les propriétaires de marchandises, plus ils seraient conviés à venir déposer leurs marchandises dans l’entrepôt.

Remarquons qu’il y a peut-être 300 entrepôts particuliers à Anvers, et qu’il faut enfin convier tous les propriétaires des marchandises déposées dans ces entrepôts particuliers, à les déposer dans le nouvel entrepôt. Si ce nouvel entrepôt a un grand succès, il rapportera alors une somme assez considérable, et peut-être dans cette supposition, ne faudrait-il pas augmenter les rétributions qui avaient été prévues jusqu’ici.

Je disais qu’il y a peut-être 300 entrepôts particuliers à Anvers ; et savez-vous quelle est la prime d’assurance pour ces entrepôts particuliers ? elle est de ¾ p.c., tandis que pour l’entrepôt construit en bois, la prime d’assurance est de 1 ½ p.c., c’est-à-dire du double.

Evidemment, si vous faites construire un entrepôt dans des conditions telles qu’il présente plus de sécurité que les entrepôts particuliers, vous obtiendrez la même réduction de prime, car je ne comprendrai pas comment il pourrait se faire que les assureurs qui consentent à assurer à ¾ p.c., lorsque les marchandises sont déposées dans les entrepôts particuliers qui sont des édifices construits en briques et en bois, ne voudraient pas assurer pour cette même prime, alors que les marchandises seraient déposées dans un édifice construit en briques et en fer, et où il n’y aurait aucune pièce de bois.

On me demande pourquoi ils ne le font pas. Ils ne le font pas aujourd’hui, parce que votre entrepôt est construit en briques et en bois, et parce qu’il y a naturellement plus de dangers dans un édifice où l’on a réuni une grande quantité de marchandises qui peuvent périr toutes dans un seul désastre, que dans un édifice où il n’y a qu’une partie de marchandises. Il y a dans un entrepôt construit tel que l’a été l’entrepôt actuel, il y a une sorte de solidarité de danger pour toutes les marchandises qui y sont déposées ; car si le feu prend dans une partie, il est probable que tout sera consumé. Il n’en est pas ainsi dans un entrepôt construit suivant le système nouveau, parce qu’alors les différentes parties de marchandises se trouvant isolées, par la brique et le fer, il est à présumer qu’un désastre sera tout à fait partiel. Ainsi, le danger est évidemment beaucoup moins grand.

Ainsi, messieurs, dans les objections qui ont été faites, il n’y a rien jusqu’ici qui doive faire impression sur vos esprits. Mais j’avoue qu’il y a des faits à vérifier, et c’est précisément pour cela qu’on propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics. D’ailleurs, c’est ici au fond une question administrative, et c’est à M. le ministre des travaux publics à se prononcer en définitive, et sous sa responsabilité. C’est pourquoi j’avais été d’opinion qu’en cas actuel, la chambre n’avait pas d’initiative à prendre. J’appuie donc le renvoi à M. le ministre des travaux publics ; je l’engage à faire constater tous les faits, à faire examiner toutes les questions, et je dis qu’il prendra son parti sous sa responsabilité.

M. de Theux – Messieurs, j’avais simplement demandé la parole, lorsque j’ai entendu un honorable préopinant combattre le renvoi de la pétition de M. Marcellis à M. le ministre des travaux publics. Une semblable décisions serait le rejet de la pétition. Je crois, avec l’honorable M. Dubus, que la question est assez importante pour que la pétition soit renvoyée à M. le ministre des travaux publics qui se livrera sans doute à un nouvel examen, par suite des observations qui ont été faites dans la présente discussion. Du reste, par ce vote, je n’entends rien préjuger. Je ne veux pas plus obliger M. le ministre des travaux publics à présenter un projet de loi en ce sens que je ne veux moi-même prendre l’initiative de la proposition. Tout ce que je demande, c’est un nouvel examen ensuite de la discussion qui vient d’avoir eu lieu.

Des membres – Aux voix ! aux voix !…

M. Manilius – Puisqu’on veut clore la discussion, je ne demanderai la parole que pour un moment ; je tiens seulement à rectifier une assertion que j’ai émise tout à l’heure. J’ai dit que M. le ministre actuel des travaux publics n’avait pas fait l’acquisition du bâtiment qui se trouve en face de la station de Malines ; mieux instruit maintenant, je déclare que c’est l’honorable M. Deschamps, comme ministre des travaux publics, qui a fait cette acquisition.

M. Delfosse - M. le ministre des travaux publics a cherché bien à tort à me mettre en contradiction avec moi-même. Il a dit comment se fait-il que M. Delfosse qui voit notre état financier sous un aspect très-sombre, vienne cependant proposer une augmentation de 600,000 fr. pour l’entrepôt d’Anvers ? Messieurs, je n’ai rien proposé du tout, je me suis borné à apprécier le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux public ; n’ai-je d’ailleurs pas indiqué un moyen très-facile d’améliorer notre état financier, et le gouvernement n’a-t-il pas reconnu lui-même, par la présentation de divers projets de loi, qu’il est certaines dépenses utiles, productives, devant lesquelles l’état de nos finances ne doit pas nous faire reculer.

Le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics signifie, dans mon opinion, que la chambre attache une grande importance à la question, qu’elle veut que la question soit mûrement et sérieusement examinée. Ce sera une marque de sympathie pour l’industrie ; ceux qui ne veulent pas le renvoi ait une signification, doivent proposer l’ordre du jour.

M. Cogels – L’honorable M. Dubus veut aujourd’hui qu’Anvers ait un entrepôt très-spacieux, très-coûteux, qui puisse répondre à tous les besoins du commerce. En 1842, il ne voulait pas la même chose car il a voté contre la loi qui nous a accordé les 1,500,000 francs pour le premier établissement. Je suis enchanté de voir ce revirement d’opinion.

M. Dubus (aîné) – Je demande la parole pour un fait personnel.

M. Cogels – Mais cela me prouve une chose : c’est qu’à cette époque, l’honorable M. Dubus ne pouvait pas mieux apprécier les besoins réels du commerce qu’il ne les apprécie aujourd’hui.

En effet, quels sont les besoins du commerce ? C’est d’avoir un entrepôt qui présente à la fois toutes les conditions de sécurité et d’économie désirables. Ce point de vue de la question a été suffisamment développé. Je ne répondrai donc qu’un mot à une seule objection d’un honorable député de Gand, parce que celle-là m’est toute spéciale. C’est la question des assurances.

On a dit qu’on s’était adressé aux compagnies d’Anvers seulement. Mais, messieurs, ceci est une supposition tout à fait gratuite et que les faits viennent démentir. Dans un entrepôt, toutes les compagnies du pays et plusieurs compagnies étrangères sont engagées. Et pourquoi s’adresse-t-on à toutes les compagnies du pays, à celles de France et même de l’Angleterre : c’est qu’il y a là des millions à assurer. Il n’existe à Anvers que trois compagnies qui n’assurent ensemble qu’un maximum d’un peu plus de 500,000 francs.

L’honorablet M. d'Elhoungne a demandé comment il se faisait que pour un entrepôt public, la prime était plus élevée que pour un entrepôt particulier.

Il y a pour cela deux motifs : d’abord, parce que dans un entrepôt public, on dépose toutes sortes de marchandises ; en second lieu, comme pour assurer les marchandises déposées dans un entrepôt public, on a besoin de toutes les compagnies, les compagnies profitent de cette circonstance pour exiger une prime plus élevée, tandis pour que les entrepôts particuliers, il existe une concurrence qui amène un système de rabais.

Maintenant, je ne m’étendrai pas davantage. Je parlerai seulement de la position de la question. Quand on viendra à voter sur les conclusions de la commission, il suffira de lire le rapport pour voir que la commission n’a pas entendu donner le moindre appui à la proposition du sieur Marcellis ; qu’au contraire, elle a reconnu que c’était une question qui n’était pas de la compétence de la chambre, mais rentrait dans les attributions du gouvernement ; et que si elle a proposé le renvoi pur et simple, c’est qu’elle voulait laisser liberté au gouvernement, sans exercer sur lui la moindre influence.

M. Dubus (aîné) – Je demande la parole pour un fait personnel, puisque l’honorable préopinant, à ma grande surprise, est venu m’opposer mon vote de 1842, comme étant en contradiction avec mes paroles d’aujourd’hui. Cependant, il ne s’est pas donné la peine de faire ressortir cette prétendue contradiction. Il y a si peu d’apparence de contradiction, que je suis étonné que l’idée ait pu venir un seul moment à un député aussi judicieux. Quelle a été la question à décider en 1842 ? Celle de savoir si l’entrepôt serait construit aux frais de la ville d’Anvers ou aux frais de l’Etat. Je me suis prononcé pour qu’il ne fût pas construit aux frais de l’Etat. Est-ce cette question qui se présente aujourd’hui ? Non ; elle a été jugée irrévocablement. Quelle est la question dont il s’agit maintenant ? C’est celle-ci : l’Etat une fois chargé de la construction, fera-t-il une construction solide ou une construction exposée à tous les dangers de l’incendie. On peut avoir été d’avis que l’Etat ne devait pas être chargé de la construction de l’entrepôt (page 1151) et dès le moment qu’il en est chargé, vouloir qu’il fasse une construction solide (La clôture ! la clôture !)

M. Rogier – J’espère que la chambre voudra bien me permettre de dire quelques mots dans cette discussion.

- La chambre est consultée.

L’épreuve est déclarée douteuse.

La discussion continue.

M. Rogier – (Le discours de l’honorable membre ayant été malheureusement égaré par l’apprenti chargé de rapporter la copie qui avait été remise à M. Rogier, nous ne pouvons le reproduire).

M. d’Elhoungne (pour un fait personnel) – Messieurs, je ne puis accepter ni les paroles trop flatteuses que l’honorable préopinant à bien voulu m’adresser, ni les reproches qu’il a cru pouvoir me faire.

Député de Gand, je croyais pouvoir plus que personne prendre part à cette discussion, sans encourir l’accusation de céder à l’influence d’un intérêt local, ou de le courtiser. Je ne sache pas, messieurs, que la Flandre orientale produise du fer ; je ne sache pas qu’elle ait des établissements métallurgiques, désireux de voir se développer l’usage de la fonte.

Si j’ai appuyé la pétition de M. Marcellis, c’est parce que j’y voyais une question d’intérêt national : c’est parce que j’ai pensé qu’il fallait dans ce cas stimuler, provoquer le gouvernement à prendre une grande et noble initiative dans la voie du progrès industriel.

Et véritablement, j’ai lieu de m’étonner que l’honorable M. Rogier, qui a le premier fait prévaloir dans le parlement belge, le principe de l’initiative gouvernementale en matière de travaux publics ; lui, le créateur de nos chemins de fer, ce grand acte d’initiative gouvernementale ; j’ai lieu de m’étonner, dis-je, que l’honorable M. Rogier vienne crier à l’invasion des intérêts privés et des sujétions de l’esprit de localité, lorsque nous convions une grande question de progrès, à savoir, l’emploi de la fonte dans la construction des monuments publics.

Je ne partage pas non plus, messieurs, la haine absurde que l’honorable M. Rogier suppose à certains membres de cette assemblée contre tous les produits de l’étranger. Ce reproche que m’a fait l’honorable préopinant, je ne puis le comprendre ; car je n’ai pas même à me confesser, ou à me repentir, comme l’honorable M. Rogier, d’avoir, dans aucune des phases de la discussion, pris la parole pour appuyer le principe des droits différentiels (On rit.)

Enfin ? messieurs, et c’est là le fait personnel qui m’a fait prendre la parole, je repousse énergiquement les intentions que l’honorable M. Rogier m’a prêtées. Il a cherché, dans le discours que j’ai prononcé tout à l’heure, je ne sais quel mobile gantois, je ne sais quel machiavélisme dont l’imputation serait odieuse, si elle n’était un jeu d’esprit. Selon l’honorable préopinant, messieurs, je chercherais à augmenter les frais de construction de l’entrepôt d’Anvers, et par cela même les frais d’emmagasinage, pour que l’entrepôt de Gand pût obtenir la préférence !

Je vous le demande, messieurs, une pareille imputation peut-elle être sérieuse ? est-ce autre chose qu’un jeu d’esprit, un entraînement de subtilité ? A-t-on le droit de révoquer en doute l’intérêt sincère que je porte à la prospérité d’Anvers ?

M. Rogier – Je répondais aux attaques que vous aviez dirigées contre le commerce d’Anvers.

M. d’Elhoungne – Je n’ai pas attaqué le commerce d’Anvers. J’ai fait remarquer, comme l’a fait hier l’honorable M. Cogels, que je n’admettais pas que la fourniture à faire du bois pour la construction de l’entrepôt fût le motif de l’opposition du commerce anversois. M. Cogels l’avait dit hier ; je l’ai répété. En cela, je n’ai point discriminé les intentions d’Anvers. Je n’ai pas plus le désir de récriminer contre Anvers que je n’ai intérêt à partager ses erreurs. Mais je ferai remarquer à l’honorable M. Rogier qu’alors même que j’aurais fait allusion aux intentions d’Anvers, alors encore l’honorable membre aurait à respecter les miennes. D’Anvers à moi, les rapports et les convenances ne sont pas les mêmes que de l’honorable membre à moi.

Je terminerai cette explication, messieurs, en répétant que j’ai pour règle de conduite de me placer toujours au point de vue de l’intérêt général. Je l’ai fait encore dans cette question ; et je l’aurais fait quand même la concurrence entre Gand et Anvers n’aurait pas été aussi complètement hors de cause qu’elle l’est en réalité.

(page 1180) M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – L’honorable M. Delfosse m’a reproché de n’avoir témoigné qu’une sympathie théorique à l’industrie des fers (Dénégations de la part de M. Delfosse.). Mais, dans cette occasion, je n’avais qu’une sympathie théorique à lui témoigner. Nul doute que le gouvernement ne doive favoriser l’emploi des métaux dans les constructions. C’est ce qu’a fait le gouvernement pour les constructions qui n’étaient pas commencées. Ainsi, pour la station commerciale d’Anvers, les ingénieurs avaient proposé la construction des hangars en charpente ; j’ai décidé qu’elle se ferait en fonte.

Ainsi encore dans les stations du chemin de fer, pour l’achèvement desquelles, j’ai demandé des fonds à la chambre, les gares couvertes seront établies en fonte.

Mais je l’ai déclaré, je n’ai pas trouvé entière la question de l’entrepôt d’Anvers. L’honorable M. Dubus me demande comment la question était engagée ; mais elle l’était par la loi votée en 1842, par l’approbation du plan, par l’adjudication que j’avais approuvée moi-même. Si une question n’est pas engagée dans de telles conditions, je ne comprends pas comment elle peut l’être.

On m’a fait des reproches en sens contraire. L’honorablet M. d'Elhoungne me reproche d’avoir trop encouragé les prétentions du pétitionnaire. La question était nouvelle, elle soulevait un grand intérêt industriel. J’ai donc cru devoir procéder à l’examen de la question avec plus d’attention qu’on ne le fait dans une circonstance ordinaire. Lorsque la question fût instruite, lorsque j’eus reçu les rapports de la chambre de commerce d’Anvers et de la commission mixte que j’avais instituée, j’ai fait connaître à M. l’inspecteur général et au pétitionnaire lui-même, que le cahier des charges serait strictement exécuté.

Ainsi, depuis le 8 octobre, le gouvernement a un parti pris, et l’a fait connaître au pétitionnaire. Nous n’avons pas encouragé outre mesure les prétentions de M. le ministre.

L’honorable ministre des finances vous l’a dit hier, la question, pour le gouvernement, est, avant tout financière. Les 600,000 fr., qu’il faudrait dépenser en totalité, ajoutés aux sommes votées depuis le budget des voies et moyens, traduiraient l’excédants qui existerait alors en un véritable déficit.

L’honorable M. Delfosse a dit que cet excédant n’existait que dans l’imagination de M. le ministre des finances, mais qu’il ne partageait pas cette illusion. Je ne comprends pas dès lors la conclusion à laquelle il arrive. Il croit à un déficit et il propose une dépense de 600,000 fr. pour rendre le déficit plus profond. L’honorable membre a dit qu’il retrouverait ces 600,000 fr. sur le budget de la guerre. C’est précisément le motif le plus puissant pour lequel le gouvernement se refuse à faire cette dépense. Le gouvernement manquerait à tous ses devoirs, s’il se présentait lors de la discussion du budget de la guerre avec un déficit financier. C’est le motif fondamental qui a déterminé le gouvernement a repoussé la dépense que l’on propose pour l’entrepôt d’Anvers.

On a demandé si j’avais consulté le corps des ingénieurs sur la question de savoir si les fondations actuelles étaient suffisantes pour supporter le poids d’un entrepôt en fonte. Oui, j’ai consulté le conseil des ponts et chaussées. Voici quel a été l’avis de ce corps.

(page 1151) J’ai déjà eu l’honneur de le dire à la chambre, je n’ai aucune hésitation dans la question qui nous occupe. J’ai procédé à un examen sérieux de cette question, parce qu’elle était grave, parce qu’elle révélait un intérêt industriel important, et la discussion actuelle prouve que le gouvernement a bien fait d’instruire cette affaire avec un soin tout particulier.

Mais, messieurs, et je réponds direction à l’interpellation qui m’a été adressée par l’honorable M. Rogier ; dès le mois d’octobre 1844, le gouvernement avait terminé l’examen nouveau auquel il s’était livré. Dès le mois d’octobre, l’entrepreneur des travaux, ayant déclaré qu’il était prêt à faire les commandes de bois, a été averti par M. l’ingénieur-général Teichman, que le gouvernement avait décidé que le cahier des charges devait être strictement exécuté et sans modification. Cette décision a été communiquée à M. Marcellis.

Ainsi, la position que le gouvernement a prise n’est pas douteuse ; il n’a donc pas manqué d’énergie dans cette occasion.

Messieurs, pour moi, j’accepte cette discussion et le renvoi de la pétition au gouvernement comme une manifestation, ainsi que vient de le dire l’honorable membre, comme une heureuse manifestation de la chambre en faveur de l’extension de l’emploi des métaux dans les constructions publiques. Du reste, pour moi, je n’avais pas besoin de cette manifestation et j’étais converti d’avance à cette idée. Mais, messieurs, au point de vue spécial de l’entrepôt d’Anvers, la position du gouvernement reste ce qu’elle est depuis l’adjudication, et le renvoi de la pétition ne la rendra pas douteuse. Il a pris son parti ; les faits sont consommés ; il ne peut plus revenir sur sa résolution.

M. le président – La parole est à M. Fallon.

M. Fallon – Je voulais parler sur la portée à donner au renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics. Mais il paraît qu’on est d’accord. Je renonce à la parole.

- La discussion est close.

Les conclusions de la commission, tendant au renvoi de la pétition de M. Marcellis à M. le ministre des travaux publics sont mises aux voix et adoptées.

M. le président – Nous reprenons les articles du budget.

Article 42

« Art. 42. Entretien et réparation des palais, édifices et monuments de l’Etat : fr. 52,600 »

M. Castiau – Je prierai la chambre de me permettre d’interrompre un instant ses travaux pour appeler son attention sur un fait digne de sa sollicitude et de celle du gouvernement. Il s’agit d’un déplorable malheur qui viendrait d’arriver sur le chemin de fer de Charleroy.

Depuis plusieurs années déjà, messieurs, des réclamations nombreuses et pressantes ont été élevées contre l’usage de waggons découverts. On a entendu qu’il y avait une véritable inhumanité à exposer les voyageurs aux intempéries des saisons, aux ardeurs de l’été, aux rigueurs de l’hiver. On a prédit qu’il résulterait de cette inhumanité des accidents et des malheurs, qu’on se contentera de déplorer quand il eût été si facile de les prévenir.

L’administration du chemin de fer est resté sourde à ces réclamations et à ces prédictions. Elle s’est renfermée dans son impassible immobilité. Elle a continué, et cela pour une misérable pensée de spéculation, à livrer les voyageurs, assez malheureux pour ne pas pouvoir payer leur place dans les diligences et les chars à banc, aux dangers d’un voyage en plein air, sans même être désarmée par les rigueurs inouïes d’un hiver qui menace de ne pas finir.

Eh bien, messieurs, les sombres prédictions qui avaient été faites se seraient réalisées : l’un de nos honorables collègues, M. de Baillet, vient de me communiquer un journal de Charleroy qui contient la confirmation de ces prévisions. Ce journal annonce qu’une pauvre femme, qu’une pauvre mère est montée avec deux enfants en bas âge dans un waggon découvert et que ces deux malheureux enfants auraient été gelés pendant le voyage !

Le fait est-il vrai ? J’aime encore à en douter, car il serait trop odieux, et l’on n’aurait pas assez d’indignation dans le cœur pour le flétrir. Je viens donc prier M. le ministre d’aller aux informations et de rassurer l’opinion si le récit du journal est inexact. Mais si le fait est réel, si le malheur est arrivé, il est de nature à faire peser une terrible accusation sur l’administration du chemin de fer. On n’attendra pas, sans doute, qu’il y ait eu de nouvelles victimes pour prendre des mesures que la prudence et l’humanité réclament depuis trop longtemps.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, je ne connais pas le fait auquel fait allusion M. Castiau. Mais je puis dire que si le fait était réel, il y aurait infraction formelle de la part des employés du chemin de fer contre une décision formelle du ministre. On n’a toléré les waggons découverts que pendant la période d’été, et l’emploi en est formellement interdit pendant la période d’hiver. Il y aurait donc eu infraction formelle de cet ordre et je saurais la punir si elle avait eu lieu, ce que je ne puis penser.

- L’art. est mis aux voix et adopté.

Article 43

« Art. 43. Constructions nouvelles et construction d’une salle et dépendances pour la tenue des séances du sénat : fr. 70,000 »

- Adopté.

Second vote, vote des articles et sur l'ensemble du projet

M. le président – Il reste à voter sur le projet de loi. Il est ainsi conçu :

« Art. 1er. Le budget des travaux publics pour l’exercice 1845 est fixé au chiffre de treize millions soixante et dix neuf mille trois cents soixante et quatorze fr. soixante et dix huit c. (13,079,374 78), conformément au tableau ci-annexé.


« Art. 2. la présente loi sera exécutoire le lendemain de sa promulgation. »

- Ces deux articles sont successivement adoptés.


La chambre décide qu’elle passera immédiatement au second vote du budget.

Les amendements admis au premier vote sont définitivement adoptés.

M. David – Messieurs, je demanderai la parole pour une motion d’ordre. Je désire faire à M. le ministre des travaux publics une observation très courte, qui a rapport au budget.

M. le président – Vous aurez la parole pour une motion d’ordre, après le vote sur l’ensemble du budget.

M. David – Si l’on vote d’abord, mes observations n’aurons plus aucune portée.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du budget.

73 membres prennent part au vote.

70 votent l’adoption

3 votent le rejet.

En conséquence, le budget est adopté. Il sera transmis au sénat.

(page 1152) Ont voté l’adoption : MM. Lange, Lejeune, Liedts, Lys, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Savart, Simons, Thienpont, Thyrion, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Van Volxem, Verwilghen, Vilain XIIII, Zoude, Brabant, Cogels, Coghen, Coppieters, David, de Baillet, de Brouckere, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, Dedecker, de Garcia de la Vega, du Haerne, de La Coste, Delehaye, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Naeyer, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de Villegas, d’Hoffschmidt, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dubus (Bernard), Dumont, Duvivier, Fallon, Goblet, Henot, Huveners et Jadot.

On voté le rejet : MM. Verhaegen, Castiau et Delfosse.

La parole est à M. David pour une motion d’ordre.

M. David – La chambre ne paraissant disposée à écouter mes observations, je lui demanderai la permission de les faire insérer au Moniteur (oui, oui) et je les recommanderai à l’attention de M. le ministre des travaux publics (voir les observations de M. David. p 1155)

Projet de loi qui réunit au territoire de la ville de Louvain, une partie du territoire de la commune de Wilsele

Rapport de la commission

M. de La Coste présente le rapport de la commission qui a été chargée d’examiner le projet relatif à la réunion à la ville de Louvain d’une petite partie du territoire de la commune de Wilsen.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. La chambre fixera ultérieurement le jour de la discussion.

projet de loi relatif a la construction du canal de turnhout

Discussion générale

M. Dubus (Albéric) – Permettez-moi, messieurs, de vous présenter quelques observations à l’appui du projet soumis à nos délibérations. Il s’agit de mettre la ville de Turnhout en communication avec le canal de la Campine au moyen d’un canal de navigation qui aura un développement de 25,500 mètres et qui coûtera, d’après l’estimation, une somme de 1,040,000 francs. Si l’on considère le rabais qui aura lieu sur ce chiffre, lors de la mise en adjudication des travaux, ainsi que le remboursement opéré par les riverains, en vertu des principes posés dans la loi du 10 février 1843, on aura la conviction que l’Etat sera loin de faire une dépense de 1,040,000 francs. Je ne m’occuperai donc pas de la question d’argent, elle me paraît peu importante en présence des sommes énormes qui ont été votées par cette assemblée depuis plusieurs années pour différents travaux d’utilité publique, dans d’autres parties du pays.

Le canal dont il s’agit est nécessaire au défrichement d’une grande partie de bruyères. Le pays lui-même est intéressé à ce défrichement, à cause des recettes que fera le trésor par suite de la mise en culture de ces bruyères. Ce canal étant l’agent principal de l’amélioration de la contrée, ce ne sera que par la voie indirecte des impôts que le gouvernement retirera l’intérêt de la mise de fonds qu’il aura faite.

Messieurs, les avantages qui doivent résulter de ce canal pour le pays en général et pour la Campine en particulier, surtout pour l’arrondissement de Turnhout, ces avantages sont considérables.

Depuis des siècles, la ville de Turnhout s’est distinguée par ses fabriques de coutils et par l’esprit commercial de ses habitants. Avant 1830 elle formait un entrepôt pour les communes du Brabant septentrional. Les événements de la révolution sont venus lui enlever ce débouché. Chef-lieu d’un arrondissement judiciaire, Turnhout avait conservé ses relations commerciales avec les principales communes de l’arrondissement ; mais actuellement ces communes étant reliées par des chaussées à d’autres villes du pays, elles ont cessé toutes relations commerciales avec la ville de Turnhout. De sorte que le commerce de cette ville est complètement anéanti ; une masse d’ouvriers se trouvent sans moyens de subsistance ; et les travaux du canal projeté seront déjà un grand bienfait qui tirera une grande partie de ces malheureux de la misère dans laquelle ils sont plongés.

Les avantages à résulter de ce canal sont immenses sous le rapport de l’agriculture, du commerce et de l’industrie. Une grande quantité de bruyères seront défrichées. Turnhout deviendra un entrepôt pour la Campine anversoise. Cette ville pourra se procurer les produits des autres provinces.

On cherche des débouchés lointains ; on veut coloniser des pays étrangers. Il me paraît beaucoup plus sage, beaucoup plus rationnel de coloniser des parties de notre propre pays, de s’y procurer, au moyen de canaux et de routes, des débouchés certains. Ainsi, les provinces de Namur, de Liége et du Hainaut trouveront, au moyen du canal de Turnhout, un débouché pour les fontes, les houilles, la chaux, les grès, les pierres bleues, les cendres, les tuiles, les briques. Toutes matières pondéreuses ne peuvent aujourd’hui arriver à Turnhout et dans les environs qu’à des prix excessifs, occasionnés par les frais considérables de transport. En retour de ces objets d’importation, la Campine exportera les bois de sapin, les graines, les semences.

Le canal sera encore une ligne de défense militaire. Il opposera aux fraudeurs une barrière infranchissable ; le nombre de douaniers pourra être réduit, et il résultera de ce chef une économie pour le trésor.

Messieurs, de toutes les contrées du pays, de toute la Campine elle-même, c’est l’arrondissement de Turnhout, et particulièrement la partie de l’arrondissement où le canal doit être construit, c’est cette partie qui a été la plus abandonnée sous le rapport des travaux publics.

L’arrondissement de Turnhout est extrêmement étendu ; il peut avoir 7 à 8 lieues de largeur sur 13 à 14 lieues de longueur ; eh bien, messieurs, sur une pareille étendue, sur une superficie territoriale de plus de 157,000 hectares, il n’existe que 9 lieues et demie de route pour une contrée qui renferme les plus belles communes du royaume, communes dont quelques-unes ont une population de 4, 5, 6, 7 et 8000 âmes. Cependant, messieurs, la Campine, et l’arrondissement de Turnhout en particulier, ont des droits acquis, des droits incontestables à la reconnaissance pour les services loyaux rendus par les habitants de cette contrée à la révolution et pour le dévouement dont ils ont fait preuve à cette époque, dévouement constaté par les nombreux drapeaux d’honneur que possèdent la plupart des communes de cet arrondissement. Le canal de Turnhout à la Pierre Bleue ne sera qu’une bien faible récompense pour la résignation avec laquelle les habitants ont supporté les logements militaires pendant six années consécutives.

Messieurs, deux communes, celle de Desschel et de Réthy ont fait opposition au canal de Turnhout. Ces deux communes contribuent déjà à la construction du canal d’Herenthals. Le canal de Turnhout ne pourra leur procurer aucun avantage, ou au moins l’avantage qu’elles en retireront sera de très-peu d’importance. Il me paraît donc juste qu’il leur soit fait une application large de l’article 7 de la loi du 10 février 1843. Aussi est-ce avec la plus vive satisfaction que j’ai vu la section centrale, d’accord avec M. le ministre des travaux publics, proposer de compléter en ce sens le projet de loi.

Je terminerai mes observations, messieurs, en invitant le gouvernement a présenter dans la session prochaine un projet de loi sur les irrigations, car, pour que les canaux de la Campine soient très-avantageux à l’agriculture, il faut que le propriétaire qui voudra se servir des eaux du canal pour l’irrigation de sa propriété, puisse obtenir le passage de ces eaux sur les terrains intermédiaires à la charge d’une juste et préalable indemnité. La chambre des députés de France, sur la proposition du député d’Angeville a voté dernièrement une loi sur les irrigations. Je crois qu’une loi semblable est aussi très-nécessaire dans notre pays.

M. de Theux – Messieurs, je ne viens pas soutenir l’utilité de la canalisation de la Campine ; elle a déjà été reconnue par la chambre, et l’accueil favorable que le projet a reçu dans les différentes sections me prouve que cette utilité est encore reconnue aujourd’hui. Mais je viens entretenir la chambre d’une proposition faite par M. l’ingénieur en chef Kummer, chargé des travaux de la canalisation de la Campine, proposition qui a été communiquée à M. le ministre des travaux publics et sur laquelle je désirerais obtenir de sa part quelques explications.

Un des principaux buts de la canalisation de la Campine a été le défrichement des bruyères. Beaucoup d’autorités ont été consultées, beaucoup d’écrits ont été publiés sur cette intéressante question ; mais, messieurs, je puis le dire, de tout ce que j’ai lu à cet égard rien ne m’a paru plus intéressant, plus utile que le rapport de l’ingénieur Kummer. Ce rapport a pour objet de démontrer combien il serait nécessaire, combien il serait facile de créer des prés artificiels sur les rives du canal ; mais pour la création de ces près l’intervention du gouvernement est nécessaire. M. Kummer a fait un projet pour l’application de ce qu’il propose, dans deux communes, dans celle de Neerpelt et d’Overpelt ; il résulte de son rapport que, moyennant une dépense de 20,000 fr., ou plutôt une avance de 20,000 fr., car le gouvernement sera facilement remboursé de cette dépense, on obtiendrait la faculté d’irrigation pour 146 hectares de bruyères, ce qui permettrait de les convertir en prés artificiels dont la valeur serait portée au bout de quatre ou cinq ans, moyennant les travaux complémentaires à faire par les propriétaires, de 80 fr., qu’ils valent aujourd’hui à leur état de bruyères, à 1500 ou même à 2000 fr. ce serait là la valeur vénale lorsque les près seraient confectionnés. Pour obtenir ce résultat, messieurs, il ne s’agit que d’établir des rigoles d’alimentation pour opérer l’irrigation de ces terrains, et en même temps, de faire des canaux d’écoulement. Il s’agit aussi de quelques ouvrages d’art, tels que des écluses, et d’opérer un nivellement en grand de cette surface. Ce premier travail, on pourrait le faire avec l’assentiment des deux communes et moyennant une convention à conclure pour assurer au gouvernement le remboursement de ses avances. Les communes vendraient ces terrains immédiatement 4 à 500 fr. et les acquéreurs feraient le surplus des travaux. Ce premier exemple donné, il n’est point douteux qu’il ne fût imité par toutes les autres communes qui possèdent des terrains sur les rives du canal ; mais, messieurs, il en résulterait que les 146 hectares dont la valeur vénale n’est aujourd’hui que de 11 à 12,000 fr., pourraient être portés moyennant les travaux à exécuter par le gouvernement, et les travaux qui seraient exclusivement exécutés par les personnes qui se rendraient adjudicataires de ces terrains ; pourraient être portés à la somme de 250 à 300,000 fr. Ce serait un moyen très-simple de donner à ces terrains le vingtuple de leur valeur actuelle.

Mais là ne se borne pas l’avantage de cette opération ; car la création des prairies facilite en même temps la création des terres arables dans la même proportion : dès lors, l’avantage que j’ai signalé peut-être considéré comme double. Il faut ajouter que les bois que l’on ferait dans les mauvais terrains, acquerraient de la valeur, par suite de l’augmentation de la population de la Campine.

Par ce moyen, nous atteindrons complètement le but que nous avons eu en (page 1153) vue en provoquant la canalisation de la Campine, et nous n’amènerons pas le résultat malheureux de convertir toutes les bruyères en bois de sapin. S’il en était ainsi, l’utilité de ce canal serait principalement commerciale, au lieu d’être aussi agricole, double destination que la chambre a entendu donner au canal, en le décrétant.

Vous voyez, messieurs, que je ne propose aucune charge pour le trésor public. Je demande seulement l’intervention du gouvernement, le travail de ses ingénieurs, l’avance d’une somme modique, à titre d’essai. Je ne fais pas de proposition à la chambre, pour demander le chambre des représentants un crédit de 20,000 fr. ; je demande uniquement que M. le ministre des travaux publics se mette d’accord avec M. le ministre de l’intérieur, et obtienne de lui, sur les fonds généraux de l’agriculture, l’avance des premiers fonds. Par là, le gouvernement, dans un an ou deux, sera à même de rendre compte de cet essai à la législature, et je ne doute pas que l’essai ne serve de prémisse, soit pour continuer le travail sur toute l’étendue du canal, soit pour proposer, au moyen d’une loi, l’établissement de wateringues, qui pourrait atteindre le même but.

Mais je crois que le premier essai, au moins, doit être fait sous les auspices du gouvernement ; et l’avance de 20,000 fr. que je réclame, est une véritable bagatelle, en présence des avantages immenses, je dirai presque incalculables, qui doivent en résulter pour le pays.

Je désirerais aussi que M. le ministre des travaux publics donnât à la chambre des explications sur le rapport qu’il a reçu de M. l’ingénieur en chef Kummer ; je lui demanderai s’il ne pense pas qu’il y a lieu d’entrer en négociation avec les deux communes, quant aux moyens d’exécution, et avec M. le ministre de l’intérieur, quant à l’allocation d’un subside sur le chapitre de l’Agriculture.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – M. le ministre de l’intérieur a attiré mon attention toute particulière sur la question des irrigations. J’ai chargé, l’année dernière, M. l’ingénieur Kummer de faire une étude spéciale de cette question dans la Campine. Cet ingénieur s’est livré à un examen approfondi de la question. Il m’a soumis, à la fin de 1844, un travail longuement motivé et appuyé sur des documents justificatifs très-détaillés.

M. Kummer partage l’avis que vient de défendre l’honorable M. de Theux, c’est que le principal moyen de fertiliser les bruyères serait la création de prairies artificielles. Il faudrait établir ces prairies artificielles partout où des irrigations seraient possibles. Mais ce travail doit être fait d’après des vues d’ensemble.

Il serait impossible de s’en rapporter aux propriétaires riverains sur le nivellement général qu’il faut adopter préalablement à toute autre opération.

M. Kummer a proposé au gouvernement, comme essai, un système d’irrigation et d’appropriation des bruyères dans les deux communes de Neerpelt et d’Overpelt. Ces bruyères ont une étendue de 170 hectares ; 146 hectares seraient fertilisés par le moyen de ces prairies artificielles.

A cet effet, il exécuterait les travaux suivants :

1° Nivellement général de terrain ;

2° Canaux d’alimentation ;

3° Prises d’eau en barrages intermédiaires ;

4° Canaux d’évacuation, fossés d’irrigation et chemins d’exploitation.

Les travaux, comme vient de le faire observer l’honorable préopinant, ne donneraient lieu qu’à une dépense de 20,000 fr. Cette dépense correspond à 137 fr. par hectare fertilisé.

L’honorable M. de Theux m’a demandé si le gouvernement était en pourparlers avec les deux communes dont il s’agit. Le gouvernement sait que ces communes consentent à mettre à sa disposition leurs bruyères communales aux conditions suivantes : c’est qu’après l’exécution des travaux, les terrains seront vendus au profit de la commune, que sur le produit de la vente, le gouvernement se ferait rembourser de ses avances. Les communes mêmes consentiraient à ce que le gouvernement obtînt une prime au delà de l’avance qu’il aurait faite ; mais je ne pense pas que le gouvernement dût faire de cette opération une spéculation commerciale ; je crois qu’il devrait se borner à exiger le remboursement de son avance.

Les travaux dont il s’agit pourraient donc être exécutés à titre d’essai dans la campagne de 1845. mais il faudrait adjuger publiquement et à forfait. J’aurai, à cet égard, à m’entendre avec M. le ministre de l’intérieur, et à lui demander l’autorisation d’employer une somme de 20,000 francs sur les fonds de l’agriculture. Cet essai étant exécuté dans le cours de l’année 1845, le gouvernement pourrait faire un rapport à la chambre pour lui faire connaître le résultat de cet essai ; alors le gouvernement et la chambre auraient à examiner s’il ne faudrait pas, comme on a tâché de le faire en France, présenter un projet de loi sur les irrigations.

M. Desmet – Messieurs, nous sommes tous d’accord sur l’utilité du canal de la Campine ; nous sommes aussi d’accord sur ce point, que le canal sera très-avantageux pour les propriétés riveraines.

Que demande l’honorable M. de Theux ? Il demande qu’on fasse à côté du canal des rigoles que nous appelons rigoles maîtresses sur les rives de l’Escaut ; par ces rigoles s’écouleront les eaux du canal dans les bas fonds, et c’est ainsi qu’on pourra pratiquer des irrigations et y faire des prairies qu’on pourra continuellement entretenir, si l’on fait un bon usage des eaux que l’on pourra tirer du canal et que l’on pourra faire écouler au besoin.

Mais je ne pense pas qu’il faille abandonner cet objet au gouvernement. Mais ce que le gouvernement devrait peut-être tâcher de faire, c’est de constituer des wateringues dans cette contrée. Je crains fort que les essais que le gouvernement ferait aux frais de l’Etat, ne fussent des essais tout à fait inutiles. Chaque contrée a des voies spéciales pour l’écoulement de ses eaux.

Il faut considérer le terrain et tâcher de connaître ce dont chaque terrain ou canton a besoin pour s’améliorer. Ceux qui ont le plus de connaissance sont les habitants, les occupants et les propriétaires. Ils savent le mieux ce qu’il faut pour améliorer un terrain, ils le savent mieux qu’un ingénieur ou un conducteur de l’Etat.

Je crois donc que les wateringues composées de propriétés, soit communales, soit privées, pourront faire ces essais, et pourront supporter cette dépense. On vous a dit que la valeur de propriétés qui ne valent que 800 fr., sera portée à 2,000 fr. par suite de l’établissement du canal, comme vient de l’avancer l’honorable M. de Theux.

Je demanderai à M. le ministre des travaux publics s’il a déjà arrêté un système de canalisation pour la Campine.

Des fonds ont été alloués, il y a deux ans, pour creuser deux sections du canal que je regarde comme le canal principal, celui de Bocholt à Herenthals ; la section de Bocholt à la Pierre-Bleue est achevée ; il n’en est pas ainsi de la section de la Pierre Bleue à Herenthals.

On veut faire des embranchements qui viendront se joindre à un canal qui n’est pas encore entièrement achevé ; c’est assez étrange, et il m’étonne que l’on opère ainsi dans les ponts et chaussées. Il me semble que l’on aurait pu attendre encore pour demander ces nouveaux embranchements, que la partie entre la Pierre Bleue et Herenthals soit entièrement achevée. Il me semble encore que le plan de la canalisation de la Campine n’est pas parfaitement conçu, ou du moins n’est pas complet, car cette canalisation n’est pas, comme on le dit toujours, pour irriguer des terres riveraines ; ce serait difficile de le croire ; mais le principal but de cette canalisation est le but commercial et agricole, c’est-à-dire pour conduire plus facilement dans la Campine les engrais, et en faire sortir les produits. Le principal canal est donc celui qui passe par Herenthals, qui entre dans le canal qui se rend vers Maestricht où il entre dans la Meuse ; et quand le canal de Liége vers Maestricht sera creusé, alors vous aurez un canal de Liége à Anvers par la Campine ; il sera fort avantageux pour le bassin de Liége ; vous avouerez, messieurs, que la ville de Liége est l’enfant chérie du gouvernement et du trésor. Mais pour compléter ces avantages, il faut que ce canal se dirige directement vers Anvers, au lieu de se diriger vers le Ruppel par les Nèthes. Il faut suivre plus ou moins le tracé du canal du Nord conçu par Napoléon. Mais quand on va encore tout faire pour cette contrée, et cela à charge du trésor, je dois demander que le gouvernement ouvre des yeux de compassion sur les malheureuses contrées qui payent toujours de fortes contributions et qui n’obtiennent jamais rien, qui souffrent toujours, qui se plaignent toujours, mais qui ne sont pas écoutées. C’est n’est pas juste, le gouvernement doit le savoir !

M. Lejeune – Le travail de M. l’ingénieur Kummer me semble présenter une grande importance. Je demanderai à M. le ministre des travaux publics s’il y aurait quelque inconvénient à le faire imprimer, afin qu’il pût servir, non-seulement à la Campine, mais à d’autres localités du pays, où l’on s’occupe aussi d’irrigations et d’écoulement. Il y a dans ce travail un examen de principes généraux qui sont applicables partout et dont on pourrait faire son profit ailleurs que dans la Campine. Je désirerais donc que ce rapport fût imprimé et distribué à tous les membres de la chambre.

Il serait difficile de se prononcer sur le cas spécial dont vient de parler l’honorable comte de Theux, sans avoir étudié les pièces et les cartes concernant cette question ; mais je suis très-charmé d’entendre les propositions qui ont été faites et je m’empresse de les appuyer sous le rapport des principes généraux.

En Belgique, il y a tout à faire sous le rapport des irrigations. Il y a beaucoup de travaux à exécuter et beaucoup de bénéfices à recueillir. Dans d’autres pays, en France surtout, on s’occupe beaucoup de l’administration de l’agriculture, d’irrigations, d’assèchements ; mais nous, jusqu’ici, malheureusement nous sommes restés sous le charme du laisser faire, du laisser aller. Il y a bien peu de temps qu’on eût mal reçu dans cette chambre, si on était venu demander l’intervention du gouvernement pour ce qui regarde les améliorations à faire à l’agriculture. Aujourd’hui il paraît que les idées sont plus favorables, que le tour de l’agriculture est venu, et que l’on veut entrer dans le cœur de ces questions.

J’appuierai de toutes mes forces les observations de l’honorable M. De Theux quant à l’essai à faire dans la Campine d’un système d’irrigation, afin d’y faire des prairies artificielles. C’est à la base de la fertilisation de cette contrée.

Je pense comme l’honorable M. De Smet, que ces travaux ne doivent se faire, en règle générale, ni par le gouvernement, ni aux frais de l’Etat. Il y aurait à de quoi effrayer la chambre ; mais il ne s’agit ici que de faire un essai, pour lequel le gouvernement ferait une avance de 20,000 francs qui lui seraient remboursés en peu de temps. J’engage le gouvernement à laisser faire cet essai dans la Campine ; s’il réussit je le considérerai comme le meilleur appui pour obtenir une bonne loi d’irrigation et un bon système d’association de wateringues qui manquent au pays et qui doivent considérablement augmenter la valeur de nos vallées. Ces wateringues ne doivent pas être tout à fait abandonnées à elles-mêmes, elles forment des associations qui doivent, il est vrai, délibérer elles-mêmes sur les travaux qu’elles ont à exécuter, mais sous un certain contrôle du gouvernement. Le gouvernement a un grand intérêt dans ces travaux, et à raison de cet intérêt il doit être représenté dans les wateringues, y exercer une action tout bienveillante dans l’intérêt des propriétaires. C’est surtout à cette intervention qu’on semble résister. Messieurs, c’est un grand tort. Il y a (page 1154) des personnes qui croient voir dans cette intervention du gouvernement une atteinte au droit de propriété. On dit que les propriétaires connaissent leurs intérêts et peuvent bien les soigner eux-mêmes. J’admets que le propriétaire connaît ses intérêts et qu’il faut le laisser agir avec la plus entière liberté, aussi longtemps qu’il le peut sans le concours d’autres propriétaires et sans passer sur la propriété voisine ; mais si le propriétaire ne peut améliorer son terrain en agissant à lui seul et uniquement sur sa propriété, s’il y a entre sa propriété et les propriétés voisines une véritable communauté d’intérêts, il faut que le gouvernement ait le droit de réunir les propriétaires en société, afin qu’ils soient mis à même de délibérer sur leurs intérêts communs, il faut que le gouvernement puisse leur donner appui et protection.

Ce n’est pas là restreindre le droit de propriété, c’est plutôt l’étendre, en mettant les propriétaires réunis en position de pouvoir faire des améliorations qu’ils sont incapables de réaliser, en agissant isolément. Cette question de wateringues, je pensais qu’elle se serait présentée seulement quand il se serait agi des projets concernant l’Escaut et la Lys. Je suis heureux de voir qu’on y songe sérieusement dans une autre contrée. J’appuie l’essai que l’on propose de faire dans la Campine, je le considère comme intéressant pour le pays tout entier.

M. de Theux – Je dois faire remarquer à la chambre que ce que je demande est moins un essai qu’un exemple qui serait donné avec l’intervention du gouvernement. Tous ceux qui connaissent la Campine savent qu’au moyen des irrigations on a la certitude de créer des prairies. C’est une chose incontestable pour ceux qui ont la moindre expérience de l’agriculture dans la Campine. Mais l’intervention du gouvernement est nécessaire, car les plans de nivellement doivent être exécutés par les ponts et chaussées, quand il s’agit de travaux à faire sur une grande échelle. D’autre part les communes ont une certaine répugnance à faire des avances de fonds dans un but d’utilité publique. Le gouvernement peut prendre l’initiative quand il est certain de récupérer ses avances. Il n’y a pas le moindre doute que la somme de 20 mille francs sera remboursée, de manière que l’Etat n’éprouverait aucune espèce de dommage.

L’exemple qui aurait réussi serait imité par tous les riverains du canal. Le gouvernement a grand intérêt à ce que les améliorations s’introduisent, car les terrains augmentant de valeur, les revenus du trésor augmenteraient aussi, non-seulement par l’impôt foncier, mais par les droits de mutation et les impôts que paieraient les populations qui viendraient s’y établir. Si des habitants riches se trouvaient dans ces localités, pas le moindre doute qu’ils ne fassent ce travail ; ce serait la plus lucrative des opérations financières. Il est dans l’intérêt des communes que le gouvernement prenne l’initiative avant que la vente par parcelles ait lieu, parce qu’alors tous les habitants pourront profiter du travail, il en résultera une aisance universelle. Rien de plus certain que l’utilité de ce travail. Le gouvernement ne devrait pas reculer devant une faible dépense pour l’exemple à donner. Si par une loi quelques règles doivent être établies pour l’écoulement des eaux, le gouvernement doit s’en occuper avant que les propriétés soient aliénées parce que les propriétaires des parcelles, quand il s’agirait de diriger les rigoles, pourraient s’opposer à ce qu’elles traversent leur propriété ou faire une spéculation au détriment de l’intérêt général. Aujourd’hui que ces propriétés appartiennent encore aux communes, elles sont dans une condition normale pour faire un exemple.

M. Mast de Vries – Messieurs, quand j’ai demandé la parole, c’était pour prier M. le ministre de faire imprimer le travail de M. Kummer. Mais l’honorable M. Lejeune a fait cette demande et a démontré l’utilité des travaux à faire dans la Campine. L’honorable M. Desmet, qui a pris la parole avant, a demandé si un travail était arrêté pour la canalisation de la Campine.

Je pense que ce travail est complet. Le canal qui doit joindre la Meuse à l’Escaut est fait jusqu’à la Pierre-Bleue ; il est en construction de la Pierre-Bleue à Herenthals ; d’Herenthals, il ira par la Nèthe canalisée à Lierre ; il se dirigera ensuite par le Ruppel à Anvers. C’est là la direction décrétée par la loi. Il ne s’agit donc pas de faire un canal allant à Anvers, mais d’aller par le Ruppel à Anvers.

L’honorable M. de Theux vient de parler d’un projet concernant deux communes dont 176 hectares pourraient être mis en prairies. Je ne m’oppose pas à laisser faire le gouvernement, mais ce n’est pas chose facile, que de faire des prairies dans la Campine. Si deux communes ont 176 hectares dont on peut faire des prairies, il y en a beaucoup dont les terrains ne pourront pas être fertilisés de cette manière, et qu’on ne pourra planter qu’en bois.

J’ai encore un mot à dire sur les wateringues. C’est une utopie que de vouloir établir des wateringues dans ces contrées ; les propriétés ne sont pas encore divisées ou elles appartiennent à des personnes qui ont si peu de connaissances, qu’établir des wateringues, ce serait ajourner pour très-longtemps les améliorations. Il faut que le gouvernement fasse par lui-même ou que quelque propriétaire riche s’en charge ; mais quant aux particuliers réunis en wateringues, ils ne feraient rien. Dans la Campine, ce n’est pas comme dans les Flandres où les terrains sont, pour la plus grande partie, à l’exception de quelques hectares situés le long du canal, jusqu’à une distance d’une lieue ou deux, qui sont susceptibles d’être mis en prairies ; la plupart doivent être transformés en bois.

Voilà les observations que j’avais à faire.

Je voudrais que le rapport de M. Kummer fût livré à l’impression. Déjà différentes personnes ont fait imprimer à leurs frais leurs travaux sur les moyens de fertiliser la Campine ; en publiant ceux de l’ingénieur Kummer, le gouvernement ne ferait pas une dépense inutile, et j’espère qu’il la fera.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je m’engage volontiers à faire imprimer le rapport de l’ingénieur Kummer. Cependant il ne me paraît pas qu’il faille faire lithographier les cartes nombreuses annexées à ce travail. Je pense qu’une seule carte générale où le tracé et la partie essentielle des plans se trouveraient indiqués serait suffisante.

Je partage tout à fait l’opinion de l’honorable comte de Theux. Je crois qu’il faut songer à reconstituer les wateringues, en les plaçant sous la haute action du gouvernement. Ici il s’agit d’un essai qu’il ne serait pas obstatif à la constitution des wateringues, et à l’exécution d’un travail plus étendu à faire dans la suite.

L’honorable M. Mast de Vries a cru que les lois de 1842 et de 1843 avaient décidé définitivement, qu’à partir d’Herenthals la jonction avec l’Escaut devait se faire par la petite Nèthe et le Ruppel. Effectivement, mon honorable prédécesseur avait semblé manifester cette intention lors de la première discussion. Cependant, sans vouloir rien préjuger sur la décision qui sera prise, je ferai remarquer que la loi déclare que le canal décrété est composé de deux sections ; la première de Bocholt à la Pierre-Bleue ; la deuxième de la Pierre-Bleue à Herenthals. Dans l’exposé des motifs de la loi, le ministre a clairement réservé cette question, ne voulant statuer que sur les deux sections indiqués dans le projet.

Je fais cette observation pour établir que rien n’a été stipulé, et que le gouvernement ne veut rien préjuger sur ce point.

M. de La Coste – J’applaudis de tout mon cœur à la sollicitude du gouvernement envers les populations de la Campine et la ville de Turnhout.

Si je ne craignais de tomber dans des redites et de fatiguer l’attention de la chambre, j’essayerais quelque comparaison, je demanderais que le gouvernement montrât la même sollicitude, la même libéralité pour des travaux qui n’ont pas moins d’importance, qui vivifieraient des parties du pays qui contribuent beaucoup plus aux charges de l’Etat. Je ne veux pas prolonger la discussion. Mais je crois devoir faire une observation qui me paraît importante. J’entends dire qu’on espère une grande réduction sur le devis. En effet, il paraît que sur ceux de la section qui est en voie d’exécution, une forte réduction a été obtenue. S’il faut s’en rapporter au bruit public, elle n’aurait pas été de moins de 400,000 fr. Je veux admettre que l’exagération de ce devis n’a été que l’effet d’une méprise ; mais je demande si c’est là une manière de procéder normale et qui puisse avoir l’approbation de la chambre.

Je crois que dans les devis on doit éviter deux inconvénients où l’on semble être quelque fois alternativement tombé : l’un est une évaluation trop basse qui induit en erreur d’abord le gouvernement, ensuite les autres branches du pouvoir législatif ; car l’on est entraîné ainsi dans des entreprises qu’on n’aborderait peut-être pas si l’on connaissait d’avance la dépense qu’elles doivent entraîner. L’autre inconvénient c’est un devis exagéré ; car le ministre, qui n’est pas obligé d’être homme de l’art, lorsqu’il voit l’adjudication amener un certain rabais, est disposé à l’approuver, à se féliciter même d’un tel résultat. Cependant si le devis est exagéré, l’adjudication, quoiqu’il y ait rabais, n’en est pas moins quelquefois excessivement onéreuse pour le pays. C’est ce qui serait arrivé à l’égard du canal de la Campine, si une circonstance fortuite n’avait pas appelé l’attention sur l’existence d’une coalition. L’adjudication ayant été renouvelée, a amené un grand rabais. Sans ce hasard l’Etat perdait près d’un demi-million.

Je crois donc qu’il est très-important que le gouvernement prenne des mesures pour que les devis soient faits avec exactitude. Je veux croire, ainsi que je l’ai dit, que, dans cette occasion, c’était une méprise ; mais il peut y avoir d’autres occasions où ce serait autre chose qu’une méprise. Alors il faudrait qu’il y eût châtiment, et châtiment sévère.

M. Cogels – Je ne combattrai pas la demande de crédit que l’on nous fait pour la construction du canal de Turnhout. Je fera seulement une observation quant aux moyens d’y satisfaire. Déjà, dans une séance précédente, quelques honorables membres et moi nous avons fait remarquer les graves inconvénients d’une dette flottante exagérée. D’après la réponse de M. le ministre, à la section centrale, nous ne devons pas craindre de voir cette exagération de la dette flottante, cette année, puisque dix millions de bons du trésor seront capitalisés, nous en avons l’assurance, avant qu’on en émette de nouveaux. Il n’en est pas moins vrai, que si l’on donne suite à toutes les demandes de crédits qui sont faites, nous aurons un accroissement de dette flottante, car d’une part dix millions de dette flottante sont capitalisés ; d’autre part il y aura 12,800,000 fr. de nouvelle création. Je demanderai donc à M. le ministre des finances quelles sont ses intentions à cet égard ; car il est bien certain que la dette flottante doit rester dans son état normal ; c’est-à-dire que nous ne devons émettre les bons du trésor que selon les besoins du trésor, que dans aucun cas la dette flottante ne doit remplacer un emprunt ; car personne ne peut répondre des événements ; il peut arriver tel événement politique, telle crise politique ou financière (dont tous les éléments existent aujourd’hui) qui mette le gouvernement dans un grand embarras, en présence d’une dette exigible à une échéance fixe.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je partage complètement l’opinion que vient d’émettre l’honorable préopinant. Je l’ai moi-même exprimée plus d’une fois dans cette enceinte. La dépense dont il s’agit en ce moment étant reconnue nécessaire, nous avons cru devoir y faire face en émettant provisoirement des bons du trésor.

L’emprunt immédiat ne vous a pas paru opportun, par deux raisons : d’abord notre dernier emprunt n’est pas entièrement classé ; ensuite les dépenses ne devant se faire que successivement, nous aurions eu un encaisse trop considérable, en empruntant de suite l’intégralité de la dépense, c’est-à-dire 12 millions. Du reste, je le répète, l’intention du gouvernement n’est pas (page 1155) d’augmenter la dette flottante. Les bons du trésor ne sont créés que provisoirement ; aussitôt que les circonstances le permettront, ils seront convertis en dette consolidée ; je suis d’accord avec les honorables membres sur le danger qu’offrirait une dette flottante servant à couvrir un déficit dans le trésor et je persiste même dans la pensée d’arriver successivement à la création d’une réserve.

M. Osy – Ainsi que l’honorable M. Cogels, je ne combattrai pas le projet de loi. Je l’appuierai, comme je l’ai fait dans le sein de la section centrale.

Les observations qu’a faites l’honorable M. de la Coste sont parfaitement justes.

Pour le canal d’Herenthals, il y a une différence de plus de 400,000 fr. entre le devis et le montant de l’adjudication.

Pour le polder de Lillo, le devis était de 900 mille francs. Les travaux ont été adjugés pour 520 mille francs. Le gouvernement doit faire attention à ce que cette erreur ne se reproduise pas.

J’ai demandé la parole pour m’occuper du deuxième paragraphe de la loi relatif aux bons du trésor qui doivent couvrir la dépense. Dans quelques jours nous aurons à nous occuper d’un crédit de 7 millions qui doit également être couvert par une émission de bons du trésor.

D’après une loi votée l’année dernière, nous avons consenti à convertir 10 millions de dette flottante en bons du trésor. Je regrette que le gouvernement, quand il a fait un emprunt de 80 millions, n’y ait pas joint ces 10 millions. Aujourd’hui, je ne sais s’il n’en ferait pas le placement à des conditions défavorables.

Je ferai remarquer que nous allons avoir pour près de 30 millions de bons du trésor, savoir :

D’après le budget : 7,000,000 fr.

Dette flottante qui n’est pas encore consolidée : 10,000,000 fr.

Divers crédits relatifs à l’exécution de travaux publics : 12,500,000 fr.

Crédit pour le tunnel de Cumptich : 300,000 fr.

Total : 29,800,000 fr.

C’est véritablement effrayant ! Dans un mois la session sera close. Ainsi, de mai à novembre, le gouvernement n’aura pas d’autre moyen de faire de l’argent que les bons du trésor.

Je crois cette manière d’agir très dangereuse. Nous sommes en pleine paix. Il y a néanmoins du danger, car l’agiotage est tel que nous devons craindre une crise financière.

Pour moi, je déclare ne pas vouloir assumer la responsabilité de la clôture de la session avec une dette flottante de 30 millions de francs.

Je demande donc positivement que le gouvernement nous dise pourquoi il n’a pas consolidé les dix millions de bons du trésor dont il est question dans la dernière loi d’emprunt et où en est l’opération.

Messieurs, je ne déguise jamais ma pensée. Comme je l’ai dit en section, le bruit court que ces 10 millions se vendent publiquement à la bourse. Je demanderai si ce bruit est vrai ou non. J’espère qu’il ne l’est pas, parce que si le gouvernement faisait cela, il agirait contrairement aux engagements qu’il a pris dans la discussion du projet d’emprunt. D’ailleurs, une pareille opération pourrait nuire considérablement au crédit du pays.

Messieurs, les 12,300,000 fr. que nous allons votés serviront à augmenter le domaine de l’Etat. Il y a quelques années, nous avons adopté un amendement de l’honorable M. Rogier, par lequel il était décidé que nous vendrions pour 10 millions de bois et autres domaines. Je demanderai au gouvernement s’il a l’intention d’exécuter cette résolution, et s’il trouverait de l’inconvénient à nous présenter un projet de loi par lequel nous créerions des bons que j’appellerais « losrenten », et dont l’échéance pourrait être répartie sur dix ou douze années, selon le temps qu’on croirait nécessaire pour la vente des domaines. Ces bons remplaceraient les 12 millions de bons du trésor qu’on nous demande pour l’exécution de nouveaux travaux publics.

Je prie le gouvernement d’examiner cette idée, et s’il la juge praticable, de nous présenter un projet dans cette session. Car, je le répète, l’agiotage qui se fait remarquer partout, me donne de graves inquiétudes. Peut-être qu’au 1er mai, lors du 4° versement de l’emprunt, vous apercevrez déjà que l’argent est devenu très rare. Je ne voudrais donc pas prendre la responsabilité de laisser le gouvernement émettre pour 30 millions de bons du trésor d’ici au mois de novembre.

(page 1180) M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, l’honorable membre peut être entièrement rassuré sur l ‘émission de 30 millions de bons du trésor dont on s’effraye.

D’abord quant aux 10 millions à consolider, je puis annoncer que j’ai l’espoir de les placer intégralement d’ici à peu de temps d’une manière très-avantageuse pour l’Etat. Je me borne, dans l’intérêt du crédit public à faire cette simple communication. Je négocierai ces 10 millions sous ma responsabilité, et de la manière que je jugerai la plus conforme aux intérêts du trésor ; j’en ferai rapport à la chambre en même temps que des autres opérations financières dont j’ai été chargé.

Messieurs, l’honorable membre parle d’une nouvelle émission de 12 millions de bons du trésor, comme si elle devait se faire avant notre prochaine session. Il doit savoir cependant qu’il n’y aura pas lieu d’émettre cette année les 12 millions ; on peut prévoir que trois millions environ pourront suffire. Il n’ignore pas non plus que probablement une somme égale sera réservée sur l’amortissement des emprunts 4 ½ et 5 p.c. ; que par conséquent la situation du trésor, alors même que le département des travaux publics dépenserait 3 à 4 millions sur les 12 millions, ne serait pas changée, resterait exactement ce qu’elle est aujourd’hui.

En ce qui concerne les vues que vient d’indiquer l’honorable membre à l’égard d’une émission de los-renten à rembourser ai moyen du produit des domaines, elles n’échapperont pas à notre attention. Des dispositions analogues ont été prises par l’ancien gouvernement ; jusqu’à ce moment je n’ai pris aucun parti sur la question s’il y a lieu d’avoir recours à ce moyen, ou s’il convient de donner une autre destination aux dix millions à provenir des prix de vente de biens domaniaux.

(page 1155) La séance est levée à 4 heures trois quarts.

Projet de loi portant le budget du ministère des budget des travaux publics de l'exercice 1845

(Observations au second vote des chemins de fer, présentées par M. David, et dont la chambre a autorisé l’insertion au Moniteur, pour qu’elles soient prises en considération par M. le ministre)

M. David – Dans la séance du … j’ai soumis à la chambre et à M. le ministre des travaux publics, une observation qui, je pense, est passée inaperçue. Cependant, l’importance que j’y attache me fait désirer d’obtenir une réponse positive de M. le ministre des travaux publics sur ce point. Voici de quoi il s’agit :

Chacun de nous a applaudi à l’idée de M. le ministre, d’établir enfin un contrôle sérieux sur toutes les opérations de l’administration du chemin de fer, tant en ce qui concerne ses dépenses, que ses produits ou recettes. Aussi, l’arrêté du 1er mars a-t-il été accueilli avec faveur, comme un premier pas vers un contrôle effectif, exercé par des agents ou fonctionnaires étrangers à l’administration même, et ne ressortissant que du ministre.

Mais pour mettre à exécution cet arrêté, j’ai vu que le contrôle du magasin central et des magasins particuliers des stations rentrait dans les attributions de l’une des deux divisions ; que l’autre division serait chargée de la centralisation et vérification supérieure des recettes, et qu’en outre un bureau de statistique du chemin de fer ferait partie de cette seconde division.

Je me suis demandé si ces divers travaux, dont n’ont pas eu à s’occuper jusqu’à ce jour les agents du ministère, ne devraient pas nécessiter une application spéciale pour couvrir l’établissement de ces nouveaux bureaux du département.

Je désire que M. le ministre veuille bien me dire si, avec les allocations demandées, il a l’assurance de mettre pleinement à exécution l’arrêté du 1er mars dernier ; car il serait déplorable que l’on vînt nous dire, l’année prochaine, qu’on n’a pu organiser le contrôle promis par son arrêté du 1er mars par manque de fonds.

On pourrait, je pense, distraire du montant de l’art. 1er, chap. 3, section 1er, § 1, Administration centrale du chemin de fer, une somme à déterminer par M. le ministre pour être reportée à l’art. 2 du chap. 1er, Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service du ministère.

Ce changement ne pourrait apporter aucune entrave à la marche du service, parce que, si l’on reconnaissait, pendant le courant de l’année, que cette distraction ne peut avoir lieu, on n’aurait qu’à redemander, à la prochaine session d’hiver, la somme nécessaire pour faire face aux frais dus par l’administration générale du chemin de fer. Mains, entre-temps, M. le ministre aurait eu les moyens d’établir le contrôle promis par son arrêté du 1er mars dernier.

L’autre observation que j’ai à signaler au second vote, messieurs, c’est l’absence d’un tableau qui serait d’un intérêt aussi grand que ceux tant demandés inutilement par moi, du mouvement des transports de station à destination, du nombre de convois et de lieues parcourues par ces convois.

Ce tableau si essentiel serait celui de la répartition du matériel des transports entre les diverses stations du chemin de fer.

Vous concevrez, messieurs, l’importance de ce tableau ! Tous les jours on se plaint de l’insuffisance du matériel de l’Etat. Tou le monde crie au manque de waggons. J’ai été un des premiers même à appuyer des réclamations de ce genre. Cependant, une personne très au courant de la question des transports, m’a fait observer, avec des calculs à l’appui de son opinion, que le mal n’est pas là, que si le matériel de notre chemin de fer était convenablement et équitablement réparti, il serait suffisant.

Messieurs, avant de pousser l’Etat à cette grande et nouvelle dépense de l’augmentation du matériel, j’appelle très-sérieusement l’attention de M. le ministre des travaux publics sur l’utilité de faire dresser à l’instant même le tableau que je demande. Peut-être, et très probablement, reconnaîtra-t-il que mon observation est fondée ; car ce tableau, sous ce rapport, doit parler très-haut à son intelligence. Nous éviterions ainsi un surcroît de dépenses à l’administration des chemins de fer.