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Sommaire
1)
Pièces adressées à
2) Rapport de la commission de vérification des pouvoirs sur l’élection de M. Biebuyck (Donny)
3) Projet de loi relatif à l’organisation de l’armée. Motion d’ordre sur la question préalable de la ratification de la convention de 1831 sur les forteresses (Castiau, Goblet d’Alviella, Castiau, Nothomb, de Tornaco, de Mérode, Dumortier, Nothomb, d’Huart, Delehaye, Du Pont, Dumortier, de Garcia, Du Pont, Verhaegen, Beuckers, de Mérode, de Garcia, d’Huart, Malou, Devaux, Nothomb, Beuckers, Mercier, Pirson)
(page
1257) (Présidence
de M. d’Hoffschmidt, vice-président)
M. de Man d’Attenrode procède à l’appel nominal à une
heure et demie, et lit le procès-verbal de la séance précédente, dont la
rédaction est adoptée.
Pièces
adressées à
Il présente
ensuite l’analyse des pièces adressées à la chambre :
« La
veuve du lieutenant-colonel Guelton demande une augmentation de pension. »
- Renvoi à
la commission des pétitions
______________________
« Le
Conseil communal de Sugny demande que 350,000 kilog. de grains, pour six mois
de l’année courante, puissent être importés dans cette commune, moyennant le
quart du droit d’entrée. »
- Renvoi à
la commission permanente d’industrie.
______________________
« Plusieurs
cultivateurs de houblon des communes de Hekelgem, Liedekerke et Teralphene,
district de Bruxelles, représentant 926 ménages, présentent des observations en
faveur de la proposition de loi sur l’entrée du houblon. »
- Renvoi à
la commission d’industrie.
_______________________
« Plusieurs
brasseurs établis dans diverses communes de
- Même
renvoi.
________________________
« Le
sieur Schuermans, ancien magistrat de Bruxelles, prie la chambre de s’occuper
du projet de loi sur la mise à la pension des fonctionnaires publics destitués
à la suite des événements de la révolution, et présente des observations contre
la proposition de la section centrale. »
- Dépôt sur
le bureau pendant la discussion du projet de loi.
_________________________
« Les
sieurs Bouvy, Hambrouck et autres, délégués des entrepreneurs de messageries,
présentent des observations contre la disposition du projet de loi sur les moyens
de transport en dehors des chemins de fer qui consacre le principe de
l’exploitation, par l’Etat, de services pour le transport des voyageurs, des
dépêches et des marchandises. »
- Dépôt sur
le bureau pendant la discussion du projet de loi.
__________________________
« Plusieurs brasseurs de diverses communes de
« Même
demande des brasseurs établis à St-Trond. »
M. Rodenbach – Messieurs, lorsque 21 membres de la chambre
ont fait une proposition de loi, tendant à augmenter la protection sur les
céréales, alors il y avait crise, les grains étaient à vil prix. Ces membres
étaient donc parfaitement fondés à demander protection pour cette branche
d’industrie, la plus importante du pays. Depuis lors, la question a plus ou
moins changé, car il y a augmentation dans le prix des céréales. Je dois
m’élever, messieurs, contre les attaques dont les signataires de la proposition
ont été l’objet depuis quelques temps ; des réunions ont été tenues, des
discours ont été prononcés ; les auteurs de la proposition ont été
représentés comme voulant affamer le pays. Je le demande, messieurs : y
a-t-il un seul membre de la chambre qui voulût affamer le pays, qui voulût
donner son assentiment à une loi de famine ? N’est-il pas souverainement
injuste de dresser de semblables accusations contre des membres qui ont demandé
une légère protection pour les céréales, alors que les prix étaient
avilis ?
Plusieurs
des signataires de la proposition ont déclaré eux-mêmes que la question a
complètement changé ; ils ont déclaré aussi qu’ils ne veulent pas majorer
les droits. L’opinion des auteurs de la proposition a donc été défigurée dans
les réunions dont j’ai parlé et qui ont paru faire sensation dans le pays.
C’est pour ce motif, messieurs, que j’ai cru devoir donner les explications que
je viens de présenter.
Du reste,
messieurs, il nous arrivera d’autres pétitions. Je crois qu’il y en a déjà 25
sur le bureau ; et si le prix des céréales ne s’était pas relevé, je crois
qu’il vous en serait arrivé plus de deux mille, car il y aurait eu réellement
crise dans l’agriculture. Je ne m’opposerai pas au renvoi des diverses pétitions
à la section centrale qui sera chargée d’examiner le projet de loi : mais,
je le répète, j’ai cru devoir donner ces explications parce que l’esprit de
parti a organisé un pétitionnement dans lequel on s’est élevé d’une manière
fort injuste contre une opinion très-respectable. Les auteurs de la proposition
ne veulent pas plus que les membres de l’opposition que le pays mange le pain
cher ; ils ont, au contraire, à cœur que le peuple belge ne paye point le
pain trop cher. Je dis que ce n’est qu’une espèce d’esprit de parti qui a pu
défigurer à ce point les intentions des signataires de la proposition.
M.
Manilius – Je crois, messieurs, qu’il s’agit
en ce moment de la pétition de différents brasseurs qui demandent que l’on examine
promptement la question et qui désirent surtout qu’on élague de la proposition
ce qui est relatif à l’orge. Je pense qu’il faut adresser, à l’égard de cette
pétition la même marche qui a été suivie pour les autres.
Je ne
répondrai pas à la partie du discours de M. Rodenbach qui tend à justifier la
proposition des 21 membres. Cela viendra dans la suite des débats et lorsque
nous examinerons la question dans les sections mais je me permettrai de faire
une interpellation à M. le ministre. Lorsque nous avons été saisis, non pas de
la proposition des 21 membres, mais du projet du sénat, alors on était
excessivement pressé, alors M. le ministre voulait qu’on se mît immédiatement à
l’œuvre ; il voulait que les sections abordassent à l’instant même l’examen
du projet, que le rapport fut le lundi, qu’on discutât le mardi et qu’on votât
le mercredi. C’étaient les paroles de M. le ministre. Eh bien, je lui demande
aujourd’hui, si, après la déclaration que l’honorable M. Rodenbach vient de
faire, si en présence des mercuriales que M. le ministre doit publier lui-même,
et d’après lesquelles le prix de 20 fr. sera bientôt atteint, si nous ne sommes
plus dans la même situation où nous étions, il y a trois semaines ?
M. le
ministre ne doit-il pas témoigner le même empressement ? Ne doit-il pas se
joindre à moi pour demander qu’on examine promptement cette question dans les
sections ? L’examen de cette question ne peut être retardé. Alors que nos
malles étaient faites, nous avons retardé cet examen et nous avons eu raison.
Mais aujourd’hui il y a nécessité absolue pour le commerce, l’industrie et
l’agriculture, de connaître dans quelle situation ils vont se trouver car cette
loi nous pèse sur la tête. Que M. le ministre se joigne donc à nous pour
appuyer ma demande formelle d’examen en sections. Je me sers des mêmes termes
que M. le ministre. Il y a trois
semaines qu’il demandait l’examen immédiat. Je le demande aujourd’hui, comme
lui le demandait quand nous étions prêts à partir. Je le demande aussitôt que
nous avons repris nos travaux.
Quant à la
pétition, je demande que l’on suive pour elle la même voix que pour les autres
pétitions relatives aux céréales.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je crois, avec l’honorable membre, qu’il faudra que l’on examine en
section les différentes lois relatives aux céréales.
M. Rodenbach – Personne ne s’y oppose.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) – Je le
pense. Nous sommes donc d’accord.
Je saisis cette occasion de rappeler à la chambre qu’elle a témoigné le
désir que les chambres de commerce et les commissions d’agriculture fussent
consultées sur toutes les propositions. Je les ai consultées. J’ai reçu un
grand nombre de réponses. J’aurai reçu, je l’espère, les autres sous peu de
jours, et je pourrai communiquer à la chambre, l’instruction faite depuis sa
séparation.
M.
Delehaye – J’ai été surpris de voir
l’honorable M. Rodenbach qui a attaché son nom à tous les événements de la
révolution, attaquer d’une manière violente le droit des pétitionnaires. Il
s’est étonné de ce que la proposition dont il est l’un des signataires, ait
donné lieu à un aussi grand nombre de pétitions. Je connais beaucoup de pétitionnaires
qui sont des personnes fort honorables. Beaucoup de conseils communaux ont
également signé des pétitions. On a donc eu tort d’attribuer ce pétitionnement
à l’esprit de parti ; plus de tort encore de l’attribuer à un esprit
d’hostilité. Il est dû, au contraire, à un esprit de bienveillance pour la
classe ouvrière, sentiment bien légitime, quand cette classe se ressent si
vivement de la souffrance de l’industrie. L’honorable M. Rodenbach ne peut le
blâmer, lui qui a souvent fait entendre la voix de l’humanité, qui a réclamé
des subsides pour l’industrie souffrante.
On peut ne
pas applaudir aux pétitions qui ont été adressées à la chambre. Mais on ne peut
contester le droit des pétitionnaires ; on doit reconnaître que le
pétitionnement était même pour eux un devoir impérieux.
Je voudrais
que l’on respectât le droit de pétition, qui a été naguère invoqué par
l’honorable M. Rodenbach et par d’autres honorables membre du congrès.
Avant la
révolution, le droit de pétition a été attaqué avec beaucoup de légèreté. Il ne
s’agissait pas alors de se défendre contre la famine. Aujourd’hui il s’agit
d’une chose plus importante. Il s’agit d’écarter du peuple une loi qui tendrait
à aggraver sa position, sinon à affamer, du moins à renchérir singulièrement le
pain.
M. le président – Il y a encore plusieurs orateurs inscrits.
Mais je ferai remarquer qu’il ne s’agit que du renvoi de la pétition. (L’ordre
du jour ! l’ordre du jour !).
M. Rodenbach – L’orateur précédent m’a nommé plusieurs
fois ; je demande la parole pour un fait personnel.
L’honorable
préopinant vous a dit que j’ai été un grand partisan du pétitionnement. Il est
très-vrai, et je m’en fais gloire. Certes, j’ai été un des plus grands
partisans du pétitionnement lorsqu’il s’agissait du redressement des
griefs ; je suis un des premiers qui y aient pris part et j’ai fait signer
mes concitoyens. Roulers, on doit se le rappeler, a été l’avant-garde pour le
pétitionnement contre les actes d’un gouvernement injuste.
Messieurs,
je dirai à l’honorable préopinant que je ne demande pas une augmentation du
prix du pain. Nous en avons une preuve irrécusable : c’est qu’en France le pain est à meilleur marché qu’en Belgique.
Je dirai encore à l’honorable membre que je prends autant à cœur que lui
la position des ouvriers des Flandres. Mais je lui ferai remarquer que dans la
capitale d’une des Flandres, dans la ville de Gand, existe encore l’odieux
droit de mouture dont, dans notre pétitionnement, nous avons demandé
l’abolition. Puisque l’on veut que le pain soit à bon marché, je crois que les
autorités, et notamment les députés, devraient faire tout leur possible pour
extirper les mesures qui nuisent au bon marché du pain.
- La
discussion est close.
Le renvoi
de la pétition à la section centrale qui sera chargée d’examiner la proposition
de loi sur les céréales est ordonné.
(page 1258) M.
Manilius – M. le président, j’ai demandé la
mise à l’ordre du jour dans les sections de la proposition de loi sur les
céréales.
Un membre – C’est
l’affaire du président.
M. Manilius – C’est l’affaire du président. Mais ce n’était
pas non plus l’affaire de M. le ministre, il y a trois semaines. Il est arrivé
très-souvent dans cette enceinte qu’on l’on ait demandé la mise d’un projet à
l’ordre du jour des sections. J’use de ce droit, comme M. le ministre en a usé,
et je l’engage à s’unir à moi pour demander un examen immédiat.
M.
Osy – Il y a trois semaines, le gouvernement était
très-pressé de nous faire discuter la loi sur les céréales. Vous vous
rappellerez que Monsieur le ministre de l'intérieur a voulu nous retenir
pendant la semaine sainte pour examiner et voter cette loi en deux jours.
Depuis lors
le gouvernement ne parle plus de cette proposition. Cependant nous devons
savoir s’il désire que nous nous occupions du projet du sénat ou de la
proposition des 21 membres. Il est urgent qu’il nous fasse connaître son
opinion. La session ne peut se passer sans qu’une décision soit prise sur ces
deux propositions.
Nous ne
pouvons pas siéger toute l’année. Le pays doit savoir quelle est l’intention du
gouvernement à ce sujet. Je demanderai donc à Monsieur le ministre de
l'intérieur de bien vouloir s’expliquer sur ce point.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’honorable préopinant vient seulement d’entrer dans la salle. J’ai
fait connaître mon opinion tout à l’heure. J’ai rappelé que les deux propositions
avaient été renvoyées aux sections ; j’ai dit que je désirais que les
sections se réunissent le plus tôt possible pour examiner les propositions.
J’ai ajouté que l’instruction administrative que j’ai ouverte était très
avancée ; que j’avais déjà reçu les avis de plusieurs chambres de commerce
et de plusieurs commissions d’agriculture. Ces réponses pourront être déposées,
dès demain, sur le bureau. L’honorable membre voit donc que je suis aussi
empressé que lui-même de voir poursuivre l’examen de cette question.
M.
Desmet – Comme il est désirable que dans une
question aussi délicate, aussi importante, nous soyons nantis de tous les avis
des chambres de commerce, je demande que l’examen de la proposition dans les
sections soit fixé à demain en huit.
M.
Delehaye – Réellement, je ne comprends plus la
manière dont nous marchons. Il y a trois semaines, nous étions munis de tous
les documents nécessaires, et l’on demandait la mise immédiate à l’ordre du
jour de la question : M. le ministre de l’intérieur voulait que l’on
s’occupât du projet dans les sections sans désemparer, et que le rapport fût
fait dans le plus bref délai. Et maintenant que plus de trois semaines se sont
écoulées depuis, on semble reculer devant l’examen de la proposition. Oui,
messieurs, chose étrange, les auteurs de la proposition semblent reculer devant
l’examen de leur œuvre. Deux considérations majeures doivent engager la chambre
à se livrer promptement à l’examen de la question. La première considération
est l’intérêt du commerce, qui exige impérieusement que la question reçoive une
solution ; le second motif, le motif principal, c’est l’intérêt des
classes pauvres. Tout milite donc pour que cet objet soit mis immédiatement à
l’ordre du jour.
Il y a
quatre semaines, la chose était de la dernière urgence, aux yeux de ceux qui
veulent ajourner aujourd’hui. Maintenant que l’affaire est en règle, il n’y a
plus de nécessité. Ce revirement est le résultat de nombreuses pétitions qui
ont été envoyées à la chambre ; incontestablement si ce pétitionnement
n’avait pas eu lieu, la question aurait été mise à l’ordre du jour…
M. Eloy de Burdinne – Je demande la parole.
M. Delehaye – L’honorable M. Eloy de Burdinne demande la
parole. Que l’honorable membre se rassure ; s’il y a un membre qui ait eu
le courage de son opinion dans cette circonstance, c’est l’honorable membre. Je
suis heureux de rendre hommage à sa franchise. Je suis loin de partager
l’opinion de mon honorable collègue, mais je dois reconnaître la loyauté avec
laquelle il continue à défendre ses convictions. J’aurais voulu que cet exemple
eût trouvé des imitateurs. Je désire que l’honorable M. Eloy de Burdinne ne
s’oppose pas à ce que l’examen de la proposition de loi ait lieu immédiatement.
M.
Desmet – C’est dans l’intérêt même de
l’examen de la proposition que j’ai demandé que l’on fixât à mardi en huit la
mise à l’ordre du jour dans les sections. Nous serons alors nantis de tous les
avis des chambres de commerce.
On nous a
fait le reproche d’avoir signé la proposition de loi. Quoique j’ai signé cette
proposition peut-on trouver mauvais que je consente, le cas échéant, à des
modifications ? Rappelez-vous la proposition qui a été faite pour
l’industrie cotonnière. Vingt-quatre d’entre nous avaient signé la proposition,
qui a été modifiée dans toutes ses parties, et nous avons voté pour elle.
M.
Eloy de Burdinne – Je suis
fortement de l’opinion de ceux qui veulent que la question soit examinée dans
le délai le plus rapproché. Je ne recule pas devant la discussion. Je
n’entrerai pas maintenant dans le fonds de la question ; mais je puis
affirmer que la proposition des 21 est cent fois plus dans l’intérêt des
consommateurs que dans celui des producteurs. En temps utile, je me ferai fort
de le démontrer par des faits irrécusables. Il n’est jamais entré dans la
pensée ni dans les sentiments des signataires de la propositions de vouloir
affamer, comme on le prétend, les classes ouvrières. Nous prouverons que nous
avons eu surtout en vue de mettre un terme aux combinaisons de ceux qui font
des spéculations sur la nourriture de la classe malheureuse.
M.
de Garcia – Messieurs, j’ai très-peu de mots à
dire. Je suis du nombre des 21 signataires de la proposition sur les céréales.
L’honorable M. Delehaye a bien voulu faire l’éloge du courage de l’honorable M.
Eloy de Burdinne. Je m’associe à cet éloge ; mais l’honorable membre n’a
pas traité avec autant de courtoisie les autres signataires de la
proposition ; il a déclaré qu’ils n’avaient pas le courage de soutenir leur
opinion. Je ne veux pas anticiper sur la discussion ; mais quand le moment
sera venu, l’honorable M. Delehaye nous rencontrera ; nous lui ferons
connaître les motifs qui nous ont dirigé. Il me reste à répondre à une autre
accusation non moins injurieuse. On nous a reproché de vouloir affamer le
peuple ; nous n’aurons aucune peine à démontrer que nous ne méritons
nullement ce grave reproche ; nous prouverons qu’une protection efficace
accordée aux céréales est destinée à donner de l’ouvrage et partant du pain aux
classes ouvrières.
M.
Desmet – Si l’on se croit assez éclairé pour
examiner maintenant la proposition dans les sections, je retire ma motion
d’ordre.
M.
Donny – Je reprends la motion d’ordre pour
mon compte. Il y a dans la chambre les 21 signataires qui ont su ce qu’ils
faisaient, et il faut croire qu’ils connaissent la portée de leur
proposition ; il y a aussi le gouvernement qui a pressé l’examen de la
proposition dans les sections ; il doit également connaître la portée de
la proposition. Mais en dehors du gouvernement et des 21 signataires, il y a
des membres dont l’opinion n’est pas parfaite, qui ont besoin de s’éclairer,
avant de se rendre dans les sections. Je demande donc qu’on ajourné à mardi en
huit l’examen de la question dans les sections ; d’ici là, toutes les
pièces nous auront été distribuées.
M.
de La Coste
– Je désire que la
question soit examinée le plus tôt possible. Mais je crois qu’il y a des
observations très-importantes dans ceux des avis des chambres de commerce qui
sont déjà parvenus au gouvernement. Je sais, entre autres, que l’avis de la
chambre de commerce de Louvain renferme des considérations très-importantes. Je
prie M. le ministre de vouloir bien nous dire quand ces avis pourraient être
imprimés.
M.
Rogier – Messieurs, en diverses
circonstances, j’ai demandé qu’on renvoyât aux chambres de commerce des
propositions de loi relatives au tarif, avant de se livrer à leur examen dans
cette enceinte. Très-souvent, ces demandes ont été repoussées par plusieurs de
nos honorables collègues qui aujourd’hui invoquent les lumières des chambres de
commerce. Je ne veux cependant pas récriminer contre eux ; je suis même
charmé de voir à cet égard ces honorables membres ne plus dédaigner cette voie
d’information.
Mais, dans
cette circonstance, je me demande comment les signataires de la proposition
dite des 21 auraient pu associer leurs noms à une proposition d’une si grande
portée, en l’absence des lumières dont on semble avoir besoin aujourd’hui. Sans
doute, leur position était faite, avant de saisir la chambre d’un projet de
cette importance ; car on n’aventure pas son nom dans de pareilles
propositions sans avoir une conviction bien arrêtée ; j’ai donc peine à
m’expliquer comment aujourd’hui ils veulent recourir aux lumières des chambres
de commerce, alors qu’ils ont cru pouvoir s’en passer, lorsqu’ils ont signé la
proposition.
Mais il y a
autre chose que la proposition des 21 ; il y a un projet de loi émané d’un
des grands corps de l’Etat. Le sénat vous a envoyé une proposition de loi, il y
a trois semaines. Vous lui devez d’examiner cette proposition. Le sénat n’a pas
eu recours aux lumières des chambres de commerce ; et, en s’associant au
projet du sénat, le gouvernement n’a pas proposé non plus d’y recourir. Je
pense même que le gouvernement a répondu, dans une autre circonstance, à propos
de cette question, que les chambres de commerce avaient été tant de fois
consultées qu’il n’y avait plus lieu de s’adresser à elles.
L’opinion
du sénat est quelque chose. Lorsque le sénat use de son initiative, à bon droit
ou sans droit (ceci est une question réservée), lorsqu’il vous renvoie une
proposition de loi, vous devez l’examiner sous peine de manquer à cette autre
branche du pouvoir législatif.
Ainsi, sans
repousser ici l’opinion des chambres de commerce et des commissions
d’agriculture, je dis que l’examen en sections doit être abordé sans retard,
l’instruction administrative pouvant se continuer, s’il y a lieu, parallèlement
à l’instruction parlementaire.
Mais si
l’on voulait s’éclairer pleinement sur cette question, il faudrait aller plus
loin ; il faudrait, comme nous l’avions proposé, et nous n’avons pas
encore renoncé à cette idée ; il faudrait pousser les investigations de la
chambre dans des directions nouvelles ; il faudrait s’enquérir auprès des
campagnes elles-mêmes ; entendre les grands et les petits propriétaires,
les fermiers, les industries qui emploient les céréales, les brasseries, les
distilleries ; entendre enfin tous les intérêts engagés dans cette grande
question, qu’on verra de nouveau si imprudemment et légèrement peut-être
soulevée dans cette enceinte. Voilà de quelle manière nous comprendrions
aujourd’hui une enquête. Quant aux avis des chambres de commerce, nous les
connaissons de reste, et ceux qui les invoquent aujourd’hui me paraissent,
permettez-moi de le dire, vouloir plutôt ajourner qu’éclairer l’examen de la
question.
Or, a-t-on
eu raison ou tort de soulever cette question ? Je ne veux pas examiner ce
point ; mais la question une fois soulevée, il faut en poursuivre
l’examen, il faut qu’elle aboutisse à un résultat, il faut que le pays sache à
quoi s’en tenir.
Ces
propositions de loi improvisées, ces perturbations qu’on jette à chaque instant
dans l’économie politique du pays, il faut y mettre un terme. Il faut que le
commerçant, pour ses opérations, que le fermier pour le renouvellement de ses
baux, que l’industriel pour le règlement du salaire de ses ouvriers, soit fixé
sur cette question. Y aura-t-il augmentation prochaine dans le prix des
céréales ? Voilà la question soulevée, il faut bien qu’elle soit résolue.
Je demande donc le renvoi le plus tôt possible à l’examen des sections. Je suis
étonné que le gouvernement ait renoncé à l’opinion qu’il avait il y a trois
semaines quant à l’urgence. Depuis lors, les circonstances sont-elles
changées ? Nullement. La question des céréales remue profondément le pays.
(page 1259) Vous craignez le pétitionnement (Non ! non !).
N’est-on pas venu se plaindre de l’agitation que cette proposition avait
soulevé dans le pays. Si vous voulez modérer et régulariser ce grand mouvement,
il importe que la législature examine le plus tôt possible la proposition. Nous
insistons donc pour qu’elle soit mise au plus tôt à l’ordre du jour des
sections, nous réservant de demander une enquête complète sur la question, si
nous le croyons nécessaire.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’honorable préopinant a eu tort de supposer
que le gouvernement renonçait à l’intention de voir discuter promptement les
propositions relatives aux céréales ; j’ai demandé au contraire, avec tous
les orateurs qui ont pris la parole, que l’examen eût lieu le plus tôt
possible. Le renvoi aux sections a été ordonné ; il n’y a plus qu’à mettre
la proposition à l’ordre du jour dans les sections. Jusqu’à présent on confiait
ce soin à M. le président qui réunissait les présidents des sections, et
réglait avec eux les travaux des sections. Voilà la marche qu’on a suivie
jusqu’à présent. On pourrait donc se borner à prier M. le président de réunir
les présidents des sections pour s’entendre sur la mise à l’ordre du jour des
propositions relatives aux céréales dont le renvoi est ordonné.
Je ne fais aucune proposition, le renvoi aux sections étant ordonnée,
c’est à la chambre de voir si elle veut aller plus loin, ordonner elle-même la
mise à l’ordre du jour dans les sections. Je ne demande pas mieux que de voir
procéder prochainement à cet examen. Il ne s’agit plus de renvoyer le projet
aux commissions d’agriculture, aux chambres de commerce ; la chose est
faire. Demain je déposerai les réponses qui me sont et me seront parvenues.
Une voix – Quand
seront-elles imprimées ?
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) – Je ne
puis dire quand ces pièces seront imprimées. Je les déposerai sur le
bureau ; elles seront imprimées par les soins de la chambre.
M.
Dumortier – Il me paraît qu’on peut examiner
dans les sections la proposition dont il s’agit, sans attendre les avis des
chambres de commerce qu’on demande, car ces avis, nous savons ce qu’ils seront.
Les chambres de commerce n’ont à examiner les questions qu’au point de vue
commercial et non au point de vue de l’agriculture. On pourrait, se plaçant à
leur point de vue, dire que plus les céréales seront à bon marché, plus on
pourra abaisser les journées d’ouvriers. Il serait facile de répondre à ces
arguments. Nous savons donc ce que répondrons les chambres de commerce, mais il
sera facile, d’un autre côté, de démontrer que leur opinion sur ce point est
erronée. Nous pouvons donc examiner la question. On a présenté la proposition
des 21 membres comme jetant la perturbation dans le pays et devant en entraîner
la ruine. On l’a plus durement qualifiée encore, on l’a appelée une proposition
de famine !
Je ne vois pas qu’en France l’industrie soit en souffrance, que la
famine y règne ; cependant le projet que nous avons présenté est celui qui
régit
M.
de La Coste
– L’honorable M.
Dumortier s’est trompé quand il a dit qu’un député de Louvain avait demandé la
remise à dix jours…
M. Dumortier – J’ai voulu dire l’honorable député d’Ostende.
M. de La Coste – Car j’ai demandé que l’examen ait lieu le plus
prochainement possible, pourvu que nous ayons les avis des chambres de commerce
déjà parvenus à M. le ministre.
M.
Manilius – J’avais proposé de mettre la
question des céréales à l’ordre du jour des sections pour demain ; mais,
d’après les observations qui ont été faites, je pense qu’il vaut mieux la fixer
à jeudi. Il y a d’autant plus d’urgence de s’occuper de cet objet, que le
projet qui nous a été renvoyé par le sénat agite de plus en plus le pays. Avant
les vacances, le gouvernement nous disait : les grains sont déjà à 17 fr.,
bientôt, ils atteindront 20 fr., et on approvisionnera le pays pour deux ans.
Aujourd’hui, les grains sont à 18 fr. ; le gouvernement devrait donc être
plus pressé de faire adopter la mesure qu’il ne l’était il y a trois semaines.
J’entends dire derrière moi que les grains vont baisser.
Attendez la
mercuriale prochaine, vous verrez qu’elle sera plus élevée que la dernière.
Jusqu’ici, toutes les mercuriales ont présenté des augmentations successives.
Vous devez examiner au moins la proposition du sénat. Pour celle des 21
membres, vous pourrez mettre moins de promptitude à l’examiner ; mais
quant à celle du sénat, il y a urgence de s’en occuper suivant l’avis du
gouvernement, avis que je partage.
D’après
toutes ces considérations, je demande qu’on mettre ce projet à l’ordre du jour
des sections pour jeudi prochain.
- Cette
proposition est mise aux voix et adoptée.
_________________________________
La parole
est continuée à M. le secrétaire
« Le
conseil communal de Huy demande le rejet de la loi sur les céréales. »
- Renvoi à
la section centrale chargée d’examiner le projet de loi sur les céréales.
_________________________________
« Plusieurs
propriétaires et cultivateurs de Casteau, Thieusies, Quevy-le-Petit,
Thoricourt, Warchin, Havinnes, Beclers, Pottes, Escanaffles, Pipaix, Thieulain,
Braffe, Willaupuis, Lignette, Baugnies, Wasmes, Hennuyères, Ronquière,
Ecaussines d’Enghien, Horrues, Ecausinnes-Lalaing, Soignies, Naasrt, Mall,
Huse, Membruggen et les membres des administrations communales de ces trois
dernières localités, de celle de S’Heeren-Elderen et le conseil communal de
St-Trond se prononcent en faveur de la proposition de loi sur les
céréales. »
« Les membres
des administrations communales de Béry, Hems et Rixingen présentent des
observations dans le même sens et prient la chambre d’adopter le projet de loi
transmis par le sénat, si elle ne pouvait s’occuper dans la session actuelle de
la proposition de loi des vingt et un députés. »
- Renvoi à
la section centrale qui sera chargée d’examiner le projet et la proposition de
loi sur les céréales.
_____________________________
« Plusieurs
propriétaires à Tournay présentent des considérations sur la nécessité de
régler par une nouvelle loi le mode et l’exécution du droit de chasse. »
- Renvoi à
la section centrale qui sera chargée d’examiner le projet de loi sur la chasse.
________________________________
« Par
message en date du 4 avril, le sénat informe la chambre qu’il a adopté, dans se
séance du même jour, le budget du département des travaux publics, pour
l’exercice de 1845. »
- Pris pour
notification.
_____________________________
« M.
de Renesse informe la chambre qu’une indisposition l’empêchera d’assister à la
séance. »
- Pris pour
information.
_________________________________
M. le
secrétaire donne lecture de l’arrêté royal nommant MM. le colonel Claisse et le
lieutenant-colonel du génie Beuckers commissaires du Roi pour soutenir la
discussion du projet d’organisation de l’armée devant la chambre des
représentants et le sénat.
MM. Claisse
et Beuckers vont prendre place auprès de M. le ministre de la guerre.
M. Donny – Messieurs, dans la dernière séance, j’ai eu
l’honneur, au nom de la commission de vérifications des pouvoirs, de vous faire
connaître qu’elle avait trouvé régulières les opérations électorales d’Ypres,
que M. Donation Biebuyck avait été élu représentant et que cette élection
n’avait été l’objet d’aucune réclamation. J’ai eu l’honneur d’ajouter que le
dossier ne contenait aucune pièce constatant que l’élu réunissait les
conditions d’éligibilité exigées par la loi. Depuis, la commission ayant été
mise en possession de pièces constatant que M. Donatien Biebuyck réunit les
conditions d’éligibilité, elle a l’honneur de vous proposer son admission comme
représentant.
- Ces
conclusions sont mises aux voix et adoptées.
En conséquence
M. Donatien Biebuyck est proclamé membre de la chambre des représentants et
admis à prêter le serment prescrit par
Acte lui
est donné de sa prestation de serment.
M.
le président
– M. le ministre se
rallie-t-il aux propositions de la section centrale ?
M. le ministre de la guerre
(M. Du Pont)
– Je ne me rallie
pas aux propositions de la section centrale. Je prie M. le président de vouloir
bien mettre en discussion le projet du gouvernement.
M. Castiau – Je demande la parole pour une motion d’ordre.
Messieurs,
à une de vos dernières séances, avant les vacances qui viennent de se terminer,
un honorable membre avait soulevé une question préjudicielle dont l’examen doit
évidemment dominer la discussion de la question militaire soumise en ce moment
à vos délibérations. Cet honorable membre avait interpellé formellement le
ministère sur le point de savoir s’il entendait faire un rapport sur une
question qui domine la question d’organisation de l’armée, sur la question
des forteresses, et l’exécution de la convention de 1831, relative à la
démolition de nos principales forteresses. Je croyais que le gouvernement avait
pris l’engagement de déférer à ce désir ; j’espérais qu’il aurait mis à
profit le temps que lui laissaient les vacances, pour préparer un rapport sur
cette grave question qui avait été l’objet des premières méditations de la
section centrale, et dont le projet de loi d’organisation militaire n’était que
le corollaire.
Il paraît
cependant, messieurs, que le ministère n’en a rien fait. Je lui demanderai, en
effet, s’il a maintenant en portefeuille le rapport qui lui a été demandé, et
si son intention est de le déposer sur le bureau. Dois-je prendre le silence de
MM. les ministres comme un refus de déposer ce rapport ? Alors, messieurs,
je me verrais obligé de vous présenter une motion formelle, puisque le
ministère, dans cette circonstance, ne paraît pas se soucier des droits de la
chambre, puisqu’il ne vient pas lui fournir les documents nécessaires pour
traiter avec conscience et intelligence la question de l’organisation de
l’armée. Oui, messieurs, en l’absence d’un rapport sur la question de la
démolition des forteresses, il y a impossibilité compléter pour (page 1260)
la chambre de résoudre d’une manière définitive le grave problème qui lui est
soumis aujourd’hui.
Dans ce
cas-là, messieurs, malgré tout l’empressement avec lequel on attend et on
appelle la discussion de l’organisation militaire, je suis obligé de proposer
l’ajournement de la question, jusqu’à ce que le gouvernement ait satisfait à
son premier devoir, en nous faisant discuter la convention de 1831, ou, du
moins, en nous faisant connaître son opinion sur les éventualités de la
démolition de nos principales forteresses. Cette question est évidemment ici
une question préjudicielle ; elle doit nécessairement être résolue avant
celle qu’on veut faire discuter aujourd’hui. Elle domine toute la question de
l’organisation militaire et de la défense du pays. Elle la domine parce que
nous ne pouvons connaître quel doit être le chiffre de l’armée, quels doivent
être les rapports des différentes armées et la force des différents corps qui
composeront l’armée, sans savoir quel sera le nombre des forteresses que nous
aurons à défendre.
Vous
comprenez, messieurs, que quoique la convention de 1831 ne soit relative qu’à 5
forteresses, si elle est exécutée, la démolition de ces 5 forteresses réagira
infailliblement sur toute l’organisation militaire du pays. Lorsqu’on vient
nous demander une organisation militaire forte et puissante pour maintenir
notre nationalité, c’est évidemment pour la défense du territoire ; et le
premier moyen de défense du territoire, ce sont nos forteresses.
C’est donc
là, messieurs, le début de la question ; c’est par là qu’il faut entamer
notre organisation militaire ; car si un jour le ministère venait vous
proposer la démolition de nos forteresses et si vous donniez votre assentiment
à une telle mesure, dès ce moment que devient cette organisation militaire que
nous aurions élevée à grands frais ? Le jour où la chambre reconnaîtrait
l’obligation de démolir nos forteresses, ce jour-là, nous serions bien près de
devoir décréter la réduction et peut-être la suppression graduelle de la plus
forte partie de notre armée. Sa principale, son unique mission peut-être,
n’est-ce pas la garde et la défense de nos forteresses ? Avant de savoir
si vous devez donner aux différents corps qui la composent, vous devez
connaître quel sera le rôle de cette armée, vous devez savoir si
Il faut
donc que le gouvernement se prononce et se prononce dès à présent sur cette
question préjudicielle. Les retards du gouvernement sont déjà injustifiables,
il faut le dire, car le gouvernement aurait dû prendre l’initiative, et il
aurait dû prendre l’initiative depuis longtemps. Il aurait dû prendre
l’initiative, d’abord par un sentiment de loyauté envers les puissances qui ont
signé avec lui cette convention et qui ont dû compter sur son exécution. Cette
convention a été formellement ratifiée par le gouvernement belge. Dès lors n’y
a-t-il pas eu de sa part, envers les puissances, la signature du traité,
l’engagement d’en hâter l’exécution et d’en soumettre la légitimité et la
convenance à l’appréciation des chambres ? C’est donc un manque de foi
envers les gouvernements qui ont pris part à cette convention de la laisser
ainsi tomber pendant quinze ans dans l’oubli et dans une véritable désuétude.
J’ajouterai,
messieurs, qu’il y a dans la conduite du gouvernement, inconvenance envers la
chambre, envers le pays ; car enfin il y a un traité qui remonte à 15
années, ce traité est revêtu de l’assentiment du gouvernement, ce traité touche
à la défense du territoire, à l’indépendance du pays, il touche à la question
de savoir si
Et si le
ministère persiste dans son étrange, son inexplicable refus de nous éclairer
sur les questions qui priment notre organisation militaire, la chambre, je
l’espère, saura maintenir aussi son droit et sa prérogative. Si le ministère
est libre de présenter ou non à notre examen la convention de 1931, la chambre,
elle, est parfaitement libre d’ajourner l’examen du projet de loi relatif à
l’organisation de l’armée. Que la responsabilité du retard retombe sur la tête
de ceux qui l’auront provoqué par leur défaut de franchise et leur mépris pour
les prérogatives du pouvoir parlementaire !
Je formule
donc, en terminant, ma proposition : si le ministère ne veut pas présenter
maintenant au moins un rapport sur la question de l’exécution de la convention
de 1831, je demande l’ajournement indéfini de la discussion de la loi sur
l’organisation de l’armée.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. Goblet d’Alviella) – Messieurs, le gouvernement n’a pas jugé qu’il fût
utile de faire en ce moment un rapport sur la question que vient de soulever
l’honorable préopinant. Quand le gouvernement le croira opportun, il soumettra
à la chambre la convention du 14 décembre 1831, accompagnée de telle
proposition qui sera jugée conforme aux intérêts de l’Etat. Jusque-là le moment
n’est pas venu de nous occuper de cet acte qui n’est pas soumis à la chambre et
qui ne doit d’ailleurs recevoir d’exécution que lorsqu’il aura été approuvé par
la représentation nationale.
Quant aux
rapports qui existeraient entre les stipulations de cet acte et l’organisation
de l’armée sur le pied de paix, M. le ministre de la guerre prouvera dans le
cours de la discussion que ces rapports ne sont pas de nature à exercer une
influence bien grande sur les propositions du gouvernement.
J’ai donc
l’honneur de vous proposer, messieurs, de passer à l’ordre du jour sans
compliquer la question qui vous est soumise.
M.
Castiau – Messieurs, je ne sais trop si l’on
peut considérer comme une réponse, les quelques mots, parfaitement
insignifiants, que vient de prononcer M. le ministre. J’avais détruit d’avance,
il me semble, la seule objection qu’il m’oppose.
Il vient de
dire que le moment n’est pas venu d’examiner la question que j’ai soulevée.
J’en appelle à la conscience de la chambre et je lui demande si un moment plus
opportun peut se présenter pour examiner la question de savoir si nous
conserverons ou non nos forteresses, qu’au moment où nous discutons la question
de la défense militaire du pays. Mais la base de cette défense du pays, ce sont
les forteresses qui protègent son territoire. La question de la
conservation des forteresses domine donc
toute la question de l’organisation militaire du pays. Je suppose que quand
vous réclamez une armée de 80,000 hommes, ce n’est pas apparemment pour garder
et défendre des remparts démantelés et des portes ouvertes. On a ajouté que M.
le ministre de guerre prouvera qu’il existe peu de rapports entre la question
de l’organisation militaire et la question de la conservation des
forteresses ; je comprends que M. le ministre ait laissé le soin de cette
démonstration à son collègue ;
mais je doute qu’il soit plus heureux que lui. Nier le rapport qui
existe entre la défense du territoire et l’organisation de l’armée, entre nos
place fortes et la disposition des corps chargés de la défense du pays, c’est
nier l’évidence et je serai curieux de savoir comment M. le ministre de la
guerre s’acquittera en cette circonstance, de la mission que lui réserve son
collègue des affaires étrangères.
A part MM.
les ministres, qui sont pressés par les embarras de leur position, qui pourrait
en douter ? La question des forteresses, c’est la question de la défense
du territoire. Ne devons-nous pas savoir si nous conserverons les forteresses
avant de nous occuper de notre organisation militaire ? Les forteresses ne
constituent-elles pas toute notre organisation militaire en quelque
sorte ?
Il est
évident qu’en suivant la voie dans laquelle veut nous entraîner le ministère,
vous commencerez par où vous devriez terminer.
Suivez donc
l’ordre logique des faits et des questions. La question des forteresses avant
tout. Car de cette question dépend celle de savoir si
Indépendamment
de ces considérations de raison, de logique et de prudence, il en est d’autres
de convenance, de loyauté, non-seulement vis-à-vis du pays, mais encore
vis-à-vis de l’Europe, qui faisaient, ainsi que je l’ai dit une loi au
gouvernement de résoudre enfin cette question trop longtemps ajournée. Quand un
traité a été fait par le gouvernement, n’y a-t-il pas engagement d’honneur,
engagement moral vis-à-vis des pays avec lesquels il traite, de soumettre
immédiatement à la ratification des chambres la convention acceptée, si elle
est de nature, comme celle de 1831, à réclamer l’adhésion du pouvoir
législatif ?
Il y a
d’autant plus d’urgence de s’occuper aujourd’hui enfin de cette question des
forteresses, que le temps se charge de résoudre cette question que le ministère
ne veut pas même nous permettre d’examiner. Pendant que les ministres sont
immobiles et impassible à leur banc, le temps marche et il marche
rapidement ; il se charge, lui, de l’exécution du traité, et se charge de
la démolition de nos forteresses. Abandonnées et négligées, les plus
importantes constructions tombent en ruine.
Que l’on
reste dans cette situation pendant un demi-siècle ou pendant un siècle, et l’on
sera à chercher la place où existaient les principaux travaux de
fortification ; et l’on aura désarmé le pays et éludé la nécessité de
l’intervention de la chambre pour résoudre cette grave question de la défense
du territoire.
Quoi de
plus urgent donc puisque la question se résout tous les jours, puisque les
ruines des forteresses nous disent assez que si l’on attendait quelque temps
encore, l’exécution de la convention de 1831 sera définitive et irrévocable,
sans même qu’on ait pris la peine de la soumettre à l’examen des chambres.
Tout en
respectant donc la prérogative du gouvernement, qui reste juge en principe du
moment où il convient d’examiner les traités, je réclame pour la chambre le
droit d’examiner, en temps utile, la convention de 1831. Le meilleur moyen de
maintenir cette prérogative, c’est de ne s’occuper que de la question
d’organisation de l’armée qu’après avoir résolu la question de droit public qui
domine tout notre système militaire.
Je persiste
dans ma proposition. Je demande l’ajournement du projet de loi d’organisation
de l’armée aussi longtemps que le gouvernement ne se sera pas exécuté et n’aura
pas soumis à la chambre, sinon l’examen de la (page 1261) convention de
1831, du moins un rapport sur la situation actuelle de cette grave question.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’honorable membre prétend qu’il laisse le gouvernement libre.
Voyez
cependant quelle position il veut lui faire. Il vous propose de surseoir à la
discussion de la loi sur l’organisation de l’armée, si le gouvernement ne
saisit pas la chambre d’une proposition concernant la démolition des
forteresses. C’est ôter toute liberté et, par suite, toute responsabilité
au gouvernement. Il faut que toute liberté reste au gouvernement, pour que la
responsabilité continue à peser sur lui.
Il ne peut
s’agir de soulever ici une question douteuse de prérogative. En effet, il
suffit de lire l’art. 68 de
Nous engageons la chambre à ne pas entrer dans cette voie, que je
n’hésite pas à qualifier d’imprudente.
M. Delehaye – ce langage est usé.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Ce langage
n’est pas usé.
Le
gouvernement a des devoirs à remplir. C’est pour cela qu’il a des droits. Il
déclare que le moment de saisir la chambre de cette question n’est pas venu.
C’est le gouvernement qui doit rester juge de l’opportunité.
Si on le
contraignait à saisir la chambre d’une proposition, en prononçant le sursis sur
un projet de loi, évidemment on ôterait toute liberté, toute responsabilité au
gouvernement. La responsabilité retomberait sur la chambre. C’est ce que la
chambre ne doit pas accepter.
M. Castiau – C’est à elle d’en juger.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Pour qu’elle pût en juger, il faudrait qu’elle connût toutes les
circonstances qui se rattachent à cette question. Ces circonstances sont
inconnues de la chambre. Il est impossible qu’elle les connaisse.
M. de Tornaco – Elle devrait les connaître.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) – Il peut y
avoir des cas où il y aurait imprudence à faire des communications à la
chambre.
L’honorable membre raisonne comme s’il s’agissait de démolir toutes nos
forteresses. C’est une singulière exagération.
M. Castiau – Ce sont les principales.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Nous
demandons que les prérogatives de chacun soient respectées. Les chambres ont
cru depuis quinze ans qu’il fallait garder le silence sur cette question,
laisser le gouvernement juge. Nous demandons que la chambre persiste dans cette
conduite très-prudence, qui ont gardé toutes les assemblées qui nous ont
précédés.
M. Castiau – En attendant, les forteresses se détruisent
elles-mêmes tous les jours.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) – C’est encore
une exagération. Il y a une place que nous connaissons tous et qui n’a jamais
été complètement achevée.
Nous demandons formellement l’ordre du jour. La chambre agira
sagement ; elle préviendra des complications en prononçant cet ordre du
jour. Elle restera en même temps conséquente avec elle-même.
M.
de Mérode – Je trouve que la réponse que M. le
ministre des affaires étrangères n’est pas du tout insignifiante ; il est
impossible de décider d’avance s’il est bon ou mauvais de démolir les
forteresses.
D’ailleurs,
elles ne doivent pas être toutes démolies, plusieurs resterons debout. On en
construit même une neuve actuellement, celle de Diest.
L’empereur
Joseph avait fait démolir les places fortes.
En 1830,
les places fortes n’étaient, au contraire, qu’une facilité pour
La question
de l’armée ne dépend pas des places fortes ; elle dépend beaucoup des
ressources financières du pays, et n’eussions-nous aucune place forte, il
serait à propos de conserver une armée qui agirait avec tels ou tels alliés
selon l’occasion.
Les
puissances qui élevèrent tant de
murailles sur notre limite méridionale, ne se doutaient pas du résultat de
leurs travaux que venait inspecter le duc de Wellington. Les événements de 1830
dérangèrent toutes leurs combinaisons. Il nous est donc bien difficile d’en
former nous-mêmes, que l’avenir justifiera.
M.
Dumortier – Messieurs, après ce qui s’est dit
dans les derniers jours qui ont précédé notre ajournement, je m’attendais à
voir le gouvernement venir vous présenter un rapport sur la question des forteresses.
Vous vous rappellerez en effet, messieurs, ce qui s’est passé. Lorsque j’ai eu
l’honneur de soulever cette question devant vous, Monsieur le ministre de
l'intérieur, répondant à mon interpellation, vous a déclaré qu’à
l’ouverture de la discussion sur l’organisation de l’armée, le gouvernement
ferait un rapport sur la question des forteresses, et peut-être, a-t-il ajouté,
ce rapport conclura en disant que nous n’avons rien à conclure ? Vous vous
rappellerez, messieurs, ces expressions.
Voilà ce qu’on
disait lorsqu’il s’agissait de mettre la question de l’armée à l’ordre du jour.
A la suite d’une déclaration aussi formelle, j’étais donc en droit de
m’attendre à voir le gouvernement venir présenter aujourd’hui un rapport sur
cette importante question ; question qui, quoi qu’on en dise, prime
complètement celle de l’organisation de l’armée.
Aujourd’hui,
que vous dit le cabinet ? que vient de dire Monsieur le ministre de
l'intérieur ? Le moment, dit-il, n’est pas venu de discuter la question.
Le gouvernement se réserve la question d’examiner la question d’opportunité.
Comment, le moment n’est pas venu d’examiner cette question ? Vous vous
réservez de décider sur l’opportunité ? Mais commencez par vous mettre en
harmonie avec vous-même. Vous avez déclaré que vous feriez un rapport lors de
cette discussion. Vous avez donc été fort inconséquent, vous avez été
éminemment imprudent, puisqu’on a parlé d’imprudence, lorsque vous avez promis
ce rapport.
Ce n’est
pas tout, messieurs ; depuis l’origine de cette session, Monsieur le
ministre de l'intérieur n’a cessé de se glorifier de vouloir terminer la
question militaire. Trois questions, vous a-t-il dit, étaient en présence, vous
aviez la question commerciale, nous l’avons résolue ; vous aviez la
question intérieure, nous l’avons résolue ; vous avez la question
militaire, nous aurons le courage de l’aborder et nous la résoudrons.
Cependant, messieurs, vous arrivez aujourd’hui à l’examen de la question
militaire : il s’agit de se prononcer sur ce qu’il y a de plus délicat
dans cette question, et le gouvernement recule. Est-ce là être conséquent avec
soi-même ? Je ne sais ce que fera la chambre ; mais il sera toujours
démontré que le gouvernement a reculé devant la difficulté qu’il avait soulevée
en présentant le projet de loi d’organisation de l'armée. Car il ne devait pas
ignorer qu’en présentant cette loi, il soulevait la question de la démolition
des forteresses. Et pourquoi ? Parce que l’organisation de l'armée doit se
faire d’après le système militaire que le gouvernement veut adopter. Si vous
adoptez le système de défense en campagne, il vous faut une armée pour tenir la
campagne. Si vous adopter un système de défense dans les forteresses, il nous
faut une armée organisée pour garder les forteresses. Dans ce dernier cas, vous
n’aurez pas besoin d’autant de cavalerie, d’autant d’artillerie légère ;
mais il vous faut de la grosse artillerie, il vous faut plus d’infanterie pour
défendre vos murailles. Si au contraire vous voulez tenir la campagne, il vous
faut une cavalerie plus forte et vous n’avez pas besoin d’autant d’artillerie
de siège ; vous n’avez surtout pas besoin de payer annuellement des sommes
considérables pour entretenir des forteresses que vous devez démolir.
Vous le
voyez donc, la question des forteresses prime tout à fait celle de
l’organisation de l'armée ; et c’est avec raison que l’honorable M.
Castiau vous a dit, que si le gouvernement ne vous en présentait pas une
solution satisfaisante, il fallait ajourner la discussion du projet à l’ordre
du jour.
On vient de
vous dire que la motion de l’honorable M. Castiau est imprudente !
Comment ! vous appellerez cette motion imprudente ! Il est possible
qu’elle le soit pour la conservation de vos portefeuilles ; mais elle ne
l’est pas pour le pays, qui doit savoir à quoi s’en tenir. Un traité a été
passé avec les grandes puissances ; ce traité a été communiqué
officiellement à la chambre, en 1831 ; il en a souvent été question dans
nos débats ; et on viendra nous dire que demander l’opinion du
gouvernement sur ce traité, c’est commettre un acte d’imprudence ! Mais je
crois que, s’il y a imprudence quelque part, c’est dans la conduite du
gouvernement qui ne veut pas prendre de résolution.
Messieurs,
et ici je ne partage pas l’opinion d’autres orateurs, je me suis toujours
montré partisan de la démolition des forteresses. Je regarde cette mesure comme
excellente au point de vue national. Je sais qu’en pareille matière les
opinions peuvent être différentes ; mais j’appellerai à l’appui de mon
opinion tous les précédents historiques. Rappelez-vous tous les enseignements
de l’histoire et vous verrez que toujours ce sont les forteresses qui font la
ruine du pays.
En effet,
messieurs, nous pouvons nous trouvés exposés à être en guerre avec trois
nations qui nous environnent :
Messieurs,
il ne faut pas remonter si haut pour avoir un exemple ; rappelez-vous ce
qui s’est passé en 1830. N’est-il pas vrai de dire que c’est la possession par
l’ennemi des forteresses de Maestricht et de Luxembourg qui a entraîné la perte
de ces magnifiques provinces que nous regrettons de nous avoir vu arracher par
Vous le
voyez, messieurs, l’opinion que je professe est dictée par un sentiment
profondément national.
Messieurs,
on vous parle de la responsabilité ; si la chambre forçait le
gouvernement, il y aurait responsabilité pour elle. Mais je vous demande,
quelle responsabilité peut-il y avoir pour la chambre de demander au
gouvernement de présenter ses conclusions sur un traité qui est signé depuis
quinze ans ?
Depuis
quinze ans, répond, Monsieur le ministre de l'intérieur, la chambre a gardé le
silence sur ce traité, et il serait imprudent de le rompre aujourd’hui. Mais
pourquoi, depuis quinze ans, la chambre a-t-elle gardé le silence ? Vous
le savez tous ; c’est que, jusqu’en 1839, nous nous trouvions dans un état
d’hostilité vis-à-vis de
Eh bien,
messieurs, voici cinq ans que cette paix est faite, et depuis lors j’ai appelé
à différentes reprises l’attention du gouvernement sur la question. Il est donc
nécessaire d’en venir enfin à une solution ; le gouvernement accepte-t-il
ou n’accepte-t-il pas le traité de 1831 ? Le gouvernement a-t-il
l’intention d’en proposer la ratification à la chambre ?
Voilà ce
que nous devons demander au gouvernement, et nous n’avons pas seulement le
droit de le savoir, mais c’est un devoir pour nous et un devoir impérieux
d’exiger une réponse à cet égard.
Encore une fois
nous ne pouvons point entamer la discussion de l’organisation de l'armée avant
de savoir si notre armée sera destinée à garder les places fortes ou à tenir la
campagne.
Nous
n’avons point une armée assez forte pour pouvoir remplir ces deux services à la
fois ; c’est à peine si notre armée est assez nombreuse pour être à même
de défendre nos forteresses. Nous ne pouvons donc pas espérer de la diviser de
telle manière qu’elle puisse, d’une part, garder les places fortes et de
l’autre couvrir la capitale. Or, vous savons tous, messieurs, que dans les
guerres modernes, c’est vers la capitale qu’on se dirige. Lorsque la capitale
tombe, tout le pays tombe en même temps.
Il faut
donc, messieurs, que nous sachions positivement ce que veut le
gouvernement ; veut-il une armée en campagne ou veut-il une armée pour
défendre les places fortes, qu’il nous le dise franchement et qu’il nous
propose d’organiser l’armée en conséquence. S’il refusait de s’expliquer à cet
égard, ce serait vouloir que la chambre vote en aveugle, et c’est ce que la
chambre ne peut pas faire.
Si donc une
responsabilité pèse ici sur quelqu’un, cette responsabilité pèse exclusivement
sur le gouvernement.
Messieurs, le gouvernement demande l’ordre du jour, mais l’ordre du jour sur quoi ? Sur la question d’ajournement ?
Un membre – Sur la
question des forteresses.
M. Dumortier – Il est une question qui prime celle-là, c’est
la question d’ajournement. Pour mon compte, je demande qu’on vote d’abord sur
la motion d’ajournement qui, aux termes du règlement doit avoir la priorité. Si
le gouvernement persiste à ne point faire le rapport qu’il nous a promis il y a
quinze jours, je demande que la chambre décide qu’elle n’examinera la question
de l’organisation de l'armée que lorsque le gouvernement saura ce qu’il aura à
faire quant à la démolition des forteresses.
En prenant
cette décision, nous ne forcerons pas la main au gouvernement : l’armée
est organisée ; elle marche ; laissons les choses dans la situation
où elles se trouvent jusqu’à ce que le gouvernement se soit expliqué sur le
traité de 1831. Le gouvernement peut être juge de l’opportunité. Eh bien !
qu’il soit juge de l’opportunité de la question des forteresses ; mais
quant à voter l’organisation de l'armée, sans savoir si les forteresses seront
maintenues, ce serait, je le répète, voter en aveugle, et c’est ce qu’on ne
peut pas demander à la chambre.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Voici, messieurs, ce que je disais dans la séance du 15 mars :
« Le gouvernement examinera quelles sont les explications qu’il
aura à donner. La conclusion du gouvernement sera peut-être qu’il n’a pas pour
le moment de conclusion à prendre ». Je demande s’il y a dans ces paroles
une promesse de faire un rapport à la chambre ! On vous a annoncé,
messieurs, des explications ; ces explications, on les a données. Le
gouvernement s’est bien gardé de promettre un rapport à la chambre sur une
question de cette gravité, ou de lui annoncer une proposition ; l’une et
l’autre aurait présenté les mêmes dangers. Il y a, messieurs, dans cette
question, autre chose qu’une question militaire. On trouve l’opportunité dans
le rapprochement qu’il faudrait faire, il faudrait examiner d’autres positions,
d’autres circonstances, qui sont en dehors de cette chambre, en dehors même du
pays, et c’est ce que nous ne pouvons pas faire ici. Lorsque le ministère vient
déclarer sur une question de politique extérieure que le moment n’est pas venu
de saisir la chambre d’une proposition, le parlement ne fait jamais violence au
ministère.
M. Dumortier – Nous ne voulons pas vous faire violence.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) – Vous
voulez faire violence au gouvernement ; vous voulez le forcer à saisir dès
à présent la chambre d’une proposition ou d’un rapport. Il ne peut pas accepter
cette responsabilité. Du reste, messieurs, ce n’est pas la première fois que la
chambre est saisie de la question militaire. Elle l’a été successivement par
plusieurs budgets et jamais on n’a opposé cette espèce de fin de non-recevoir
qu’on veut opposer aujourd’hui.
M. Castiau – Vous demandez une organisation définitive.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) – Cette
organisation a été demandée par la chambre elle-même en exécution d’un article
de
Il ne faut pas, messieurs, qu’on assimile cette question à toute autre
question dont les chambres peuvent être saisies. C’est une question de
politique extérieure, je ne puis assez le répéter, c’est une de ces questions
pour lesquelles
M.
d’Huart – Messieurs, si je partageais
l’opinion de l’honorable M. Dumortier, qu’il est conforme aux intérêts du pays
de démolir au plus vite nos forteresses, j’appuierais la motion qu’on vient de
faire, car je crois, qu’en définitive, la discussion de la question soulevée
pourrait nous amener peut-être plus promptement que nous ne le pensons la
démolition de nos forteresses. Mais, comme je professe une opinion tout à fait
contraire à celle de l’honorable M. Dumortier, comme je sens quelque chose en
moi qui me dit que le pays se trouverait blessé par la démolition, comme je
sais que cette question touche à la dignité nationale, je ne veux pas d’une
manière quelconque hâter l’exécution du traité ont on a parlé. Je désire,
messieurs, que ce traité reste inexécuté pendant 15 ans encore, pendant 50 ans,
toujours même, s’il est possible ; ce retard sera mon vœu le plus ardent.
Je désire que la question reste dans l’état où elle est, où on l’a laissée si
heureusement depuis 15 ans.
Ainsi,
messieurs, ne partageant pas l’opinion de l’honorable M. Dumortier à cet égard,
je ne donnerai la main à aucune espèce de discussion qui pourrait conduire à la
démolition des forteresses. Il y aurait là une très-grande responsabilité et,
pour ma part, comme membre de la chambre, je ne voudrais point accepter cette
responsabilité. C’est au gouvernement, c’est au pouvoir exécutif à apprécier
les circonstances ; c’est à lui à nous soumettre la question lorsqu’il le
jugera convenable.
S’il était
vrai, comme le dit l’honorable M. Castiau, que le point de savoir si les
forteresses seront démolies doit dominer l’organisation de l'armée, alors je
conviendrais qu’il faudrait examiner le point de savoir s’il faut que le traité
s’exécute, soit maintenant soit dans un temps déterminé ; mais la question
n’est pas là. Comme on l’a dit, il ne s’agit que de cinq forteresses ; et
le maintien ou la démolition de cinq forteresses, dans l’opinion du
gouvernement, ne peut influencer en rien l’organisation de l'armée. M. le
ministre de la guerre est prêt à donner à cet égard des explications, si on le
désire ; M. le ministre des affaires étrangères l’a dit. Dès lors,
pourquoi voulez-vous entraîner une discussion qui peut avoir le résultat que
j’ai indiqué tout à l’heure ?
Cette
question, messieurs, ne concerne pas seulement
On a dit,
messieurs, que le traité de 1831 est fait, qu’il faut l’exécuter. Mais pourquoi
exécuterions-nous le traité de 1831, pourquoi chercherions-nous à en amener
l’exécution ? Je n’y vois aucun avantage et j’y verrais de grands
inconvénients. Si la prudence ne me commandait pas de m’arrêter, je pourrais
indiquer bien des considérations pour démontrer que nous avons intérêt à ne pas
nous occuper de la question en ce moment.
J’appuierai
donc de mon vote l’ordre du jour qui est demandé. Je pense qu’il n’y a pas
lieu, en ce moment, de nous occuper de la question des forteresses et qu’il
convient d’examiner le projet de loi sur l’organisation de l’armée, abstraction
faite de l’existence ou de la non existence des cinq forteresses dont il
s’agit.
M.
Delehaye – Je ne veux point me prononcer en ce
moment sur la nécessité de démolir ou de conserver nos forteresses. Je déclare
que je n’ai pas suffisamment examiné la question pour savoir s’il est utile ou
s’il est juste de démolir les forteresses. Mais ce qui m’importe avant tout
c’est la question de savoir si cinq forteresses de plus ou de moins exerceront,
oui ou non, une influence sur l’organisation de l'armée. Je demanderai à M. le
ministre de la guerre s’il oserait dire formellement, qu’il est indifférent
pour l’organisation de l'armée qu’il y ait cinq forteresses de plus ou de
moins. Incontestablement aucun militaire n’oserait soutenir une pareille
opinion. Evidemment cette question domine toute l’organisation de l'armée. Il
est certain que si toutes les forteresses sont maintenues, il faudra des régiments
d’artillerie de plus. Quoique la question me soit étrangère, j’ose cependant
dire, qu’il est impossible que la solution de cette question n’exerce pas une
influence sur l’organisation de l’armée. Je demande donc que M. le ministre de
la guerre se prononce formellement sur ce point.
Monsieur le
ministre de l'intérieur a rappelé ce qui se passe en Angleterre. C’est bien mal
à propos qu’il a choisi l’exemple de ce pays. Est-ce en Angleterre que l’on
verrait ce qui s’est passé ici, il y a quelques semaines ? Une question de
confiance a été posée, et comment se sont exprimés ceux qui ont voté pour le
gouvernement ? Ils ont déclaré ouvertement que le gouvernement n’avait pas
leur confiance.
Sir Robert
Peel a la confiance des hommes qui l’appuient ; ici personne n’a confiance
au ministère. Il faut une ambition démesurée pour vouloir encore, après
l’expression unanime de manque de confiance, rester ministre. Véritablement je
ne comprends pas que Monsieur le ministre de l'intérieur ose citer le grand
exemple de sir Robert Peel. Certainement s’il a quelque chose de commun avec
sir Robert Peel, ce n’est pas la dignité. Le ministre anglais se serait retiré
devant l’opinion que la majorité a exprimé à votre égard, et vous, malgré tant
de défiance, vous êtes demeuré au pouvoir.
M. Nothomb
nous recommande la prudence, c’est le thème usé qu’il invoque dans un moment de
gêne, on est imprudent à signaler les fautes du gouvernement, on ne l’est pas
quand on attaque les puissances étrangères. Quant, tout récemment encore,
quelques membres de la chambre ont attaqué
Faites-y
attention, messieurs ; si, avant d’avoir vidé la question préjudicielle,
vous admettez purement et simplement le projet d’organisation dont vous êtes
saisis, il n’y aura plus de discussion ultérieure possible ; vous en serez
réduits à voter chaque année une somme globale en rapport avec les propositions
que vous aurez adoptées. Vous vous lierez donc définitivement les mains.
Il faut
donc, messieurs, que le gouvernement s’explique ; que M. le ministre de la
guerre nous dise si, dans son opinion, le maintien ou la démolition des
forteresses est sans action sur la fixation du personnel de notre armée ;
qu’il nous assure qu’il importe peu que nous conservions cinq forteresses en
plus, qu’il ne faut pas pour cela modifier les propositions qui nous sont
faites.
Messieurs, si vous pesiez bien les paroles de Monsieur le ministre de
l'intérieur, vous acquerriez la certitude que le gouvernement n’a pas le
courage de s’énoncer sur la portée d’une convention signée par le ministre des
affaires étrangères ! Il veut laisser au temps le soin d’exécuter la
convention. Comme l’a dit l’honorable M. Castiau, les forteresses tombent en
ruine. Ainsi, le gouvernement se repose sur le temps du soin d’une œuvre à
laquelle l’oblige une convention approuvée et signée par lui.
J’avais
également à faire une motion d’ordre. J’attendrai, avant de la soumettre à la
chambre, que celle dont nous nous occupons maintenant soit épuisée.
M.
le ministre de la guerre (M. Du Pont) – L’on soutient que la force de l’armée et sa formation
dépendent de la question de démolition des forteresses, et que l’on ne peut
songer à une organisation définitive tant que cette question n’aura pas été
résolue.
Je ne puis
partager cet avis, et je soutiens que l’organisation, telle qu’elle a été proposée,
doit répondre à toutes les éventualités.
Nous ne
pouvons admettre qu’en cas de démolitions des forteresses, l’armée puisse être
réduite du nombre de troupes destinées à y tenir garnison.
Remarquons
d’abord que la force de l’armée doit être telle qu’elle puisse répondre à
toutes les éventualités ; elle doit donc être calculée de manière à
pouvoir suffire au cas le plus défavorable ; et parce que vous croirez
avoir réduit les garnisons sur une frontière, il ne faut pas en conclure que cette
frontière indiquera à l’avenir le maximum de garnisons ; il n’en serait
pas ainsi, messieurs, et dès lors la réduction que vous attribuez au chiffre
des garnisons sera bien moins considérable.
Il est un
principe généralement reconnu que, lorsque des troupes sont abritées par des
fortifications, leur force se multiplie et qu’il faut que l’ennemi soit en
nombre supérieur pour les attaquer ou même les bloquer.
Il en
résulte que si l’on met en rase campagne les troupes d’une partie de nos
garnisons, elles ne pourront pas contribuer à la défense du pays avec la même
efficacité. Il en résulte que pour que nos moyens de défenses conservent la
même force, il faut que l’armée en campagne soit augmentée d’un nombre de
soldats au moins aussi considérable que celui des corps dégagés des places
fortes. Il n’y a donc pas là de diminution possible sur le chiffre de l’armée.
D’ailleurs,
de ce que plusieurs de nos points stratégiques ne se trouveront plus fortifiés,
faut-il en conclure que l’armée ne devra plus se retrancher nulle part ?
Ne faudra-il pas, au contraire, se disposer immédiatement à se retrancher sur
d’autres points stratégiques importants, dont la possession peut exercer la
plus grande influence sur les suites de la guerre ? Et à l’appui de ce que
nous disons ici, nous n’avons pas besoin de chercher les exemples loin de nous.
Quel fut le
premier soin du duc de Wellington en 1815 ? Ne fut-ce pas de renforcer par
des ouvrages de campagne les points qu’il avait jugés les plus
importants ? Quel fut notre souci à la fin de 1831, si ce n’est de garnir
de retranchements les points qui semblaient les plus menacés ? Les
ouvrages élevés à Hasselt, Diest, Lierre, sur les bords de l’Escaut et dans les
Flandres, ne sont-ils pas là pour témoigner du besoin de suppléer au vide laissé
par les fortifications permanentes ; et de ce que de pareils ouvrages
offrent moins de consistance que les forteresses, pourrait-on en conclure qu’il
faudrait moins d’hommes pour les défendre ?
Je dis
plus : là et en rase campagne, l’on peut moins compter sur les troupes
qui, de leur nature, sont moins exercées au métier de la guerre, et notre garde
civique qui pourra être très-utile dans les forteresses, ne pourrait rendre les
mêmes services dans les positions dont nous venons de parler.
On voit
encore par là qu’une diminution dans le nombre de nos forteresses ne peut
entraîner une diminution dans le chiffre de l’armée permanente.
Mais,
dit-on, en admettant que le chiffre de l’armée doive rester le même, il
résultera tout au moins de la démolition des forteresses, un changement dans la
répartition des diverses armes.
Je dis vous
prouver, messieurs, que notre organisation se prête aussi à cette éventualité.
Le
gouvernement a dû depuis longtemps se préoccuper de l’emploi qu’il aurait à
faire de ses forces dans telle ou telle circonstance donnée, et il résulte de
toutes les combinaisons qu’il a dû faire à cet égard, et que l’intérêt public
interdit de détailler ici, il en résulte, dis-je, non-seulement l’emploi du
complet de nos 80,000 hommes, mais aussi celui du bon nombre de bataillons de
garde civique. Le chiffre de ces derniers peut seul être considéré comme
variable et dépendant entièrement des circonstances.
Quant à
l’emploi des 80,000 hommes, sans entrer à cet égard dans des explications que
tout gouvernement prudent doit s’interdire, je puis vous dire qu’une partie
peut être exclusivement destinée à la défense des forteresses et qu’une autre
partie, la plus importante, doit être propre à remplir tous les services ;
tels que les opérations en campagne, la défense de l’intérieur du pays contre
une agression soit du dehors, soit du dedans, les renforts à fournir à
certaines forteresses, etc.
Dans
certains cas, cette partie de l’armée que j’appellerai l’armée en campagne,
pourra n’être que de 40,000 hommes ; mais, dans d’autres, elle devra se
monter à 50,000 hommes.
Voici,
messieurs, comment par notre organisation, nous pourrons dans telle
circonstance différente, augmenter le chiffre des autres corps.
Quoique le
projet de loi ne porte pas sur les cadres du pied de paix, nous n’avons pas
moins dû songer à une organisation complète, et pour cela, établir un pied de
paix et un pied de guerre pour tous les corps et parties de corps. Or, vous
verrez, MM., par les annexes au projet de loi, que le pied de guerre de la partie
encadrée ne comporte que 75 à 76,000 hommes ; il nous reste donc 4 à 5,000
hommes dont la destination peut être remise au moment de la guerre. Or, comme
notre cavalerie et notre artillerie de campagne ont été calculées de manière à
exiger la création supplémentaire de quelques escadrons et de quelques
batteries de réserve, à un chiffre intermédiaire inférieur même pour
correspondre au chiffre moyen des deux limites de 40 à 50,000 h. que nous avons
indiquées plus haut, il s’ensuit que si l’armée en campagne doit être de 50,000
hommes, nous prendrons sur la partie disponible de 4 à 5,000 hommes un plus
grand nombre de ces escadrons et de ces batteries de campagne de réserve. Si,
au contraire, l’armée en campagne ne doit être que de 40,000 hommes ou environ,
les 4 à 5,000 hommes restant seront répartis de préférence entre l’infanterie
et les batteries de siège.
La
démolition des forteresses est l’un des cas dans lesquels il faudrait porter au
maximum l’armée en campagne, et comme nous venons de le voir, ces cas sont
prévus par notre projet. Rien ne doit donc nous empêcher, messieurs, de vider
aujourd’hui cette question d’organisation dont la solution est attendue depuis
si longtemps par l’armée.
M.
Dumortier – Messieurs, l’organisation qu’on
nous propose est la consécration de l’organisation de l'armée, telle qu’elle
existait lors de notre réunion avec
Mais voyez
combien son système pèche par la base. « Nous pouvons, dit-il, mettre
80,000 hommes sous les armes. » Eh bien, l’organisation est telle que nous
ne pouvons tenir que 40,000 hommes en campagne. Sans doute, vous ne
maintiendrez dans les forteresses ni artillerie légère, ni cavalerie ;
vous y mettrez de l’infanterie et de l’artillerie de siège ; vous aurez de
la cavalerie, vous aurez de l’artillerie légère, mais vous n’aurez pas
d’artillerie de campagne. Voilà où vous arriverez avec ce système
d’organisation ; vous n’aurez pas d’infanterie pour tenir la campagne.
L’infanterie, on l’a trop négligée depuis 15 ans : on a tout fait pour la
cavalerie et l’artillerie.
Les
explications que vient de donner M. le ministre de la guerre prouvent donc, de
plus en plus, la nécessité d’examiner préalablement la question des forteresses.
Mais, dit
encore M. le ministre de la guerre, l’armée ne peut être réduite, quel que soit
le système que vous adoptiez ; la force armée restera toujours la même.
Mais,
messieurs, nous n’avons pas à discuter une loi sur le contingent de
l’armée ; la loi que nous sommes appelés à examiner, est la loi
d’organisation de l'armée. Il faut donc, avant de voter une pareille loi,
savoir s’il faut donner plus de force, soit à l’infanterie, soit à la cavalerie
ou à l’artillerie. Il faut donc d’abord trancher la question des forteresses.
Ces
forteresses, dit-on, ne sont qu’au nombre de cinq. Mais ces cinq forteresses
constituent l’ensemble du système militaire de
Dans mon
premier discours, j’ai eu l’honneur d’exprimer une opinion sur les forteresses.
L’honorable M. d’Huart a cru voir dans cette question une question de dignité
nationale. A nos yeux la question n’intéresse pas le moins du monde la dignité
nationale. J’ai certes donné assez de preuves de mon désir ardent de maintenir
cette dignité dans tout son intégrité, pour ne pas parler aujourd’hui dans un
sens qui y porterait atteinte. Mais savez-vous dans quel cas la dignité
nationale serait mise en jeu ? C’est lorsqu’on viendrait nous forcer à
démolir les forteresses. Aujourd’hui nous délibérons sans être pressés par
aucune puissance ; nous délibérons spontanément, nous examinons ce qu’il y
a de plus avantageux à faire dans l’intérêt du pays. A chacun son opinion.
Mais, je le répète, la dignité nationale n’est pas intéressée ici, parce que
nous agissons, en ce moment, en dehors de l’influence d’une puissance
quelconque. Mais si nous laissons marcher les événements, alors le jour viendra
peut-être où l’on nous dire ;
(page
1264) « Vous démolirez les forteresses » et alors si nous
obtempérions à cette sommation, nous
porterions une véritable atteinte à la dignité nationale.
Mais
aujourd’hui nous sommes libres, nous délibérons dans l’intérêt du pays, sans
être contraints par personne. Nous avons à examiner si le système
d’organisation qui était en vigueur pendant l’existence du royaume des
Pays-Bas, alors que la force armée de
C’est, dit
Monsieur le ministre de l'intérieur, une question internationale, et il faut
laisser le gouvernement libre.
Messieurs,
le gouvernement était libre de faire ou de ne pas faire le traité ; mais
il a fait signé et ratifié le traité.
Le
gouvernement a donc posé un acte auquel deux des ministres actuels ont
concouru, l’un comme agent diplomatique, l’autre comme secrétaire général du département
des affaires étrangères. On dira que le gouvernement doit être libre dans ses
rapports avec les gouvernements étrangers. Mais vous l’étiez quand vous avez
posé cet acte ; il est votre fait ; vous ne pouvez pas venir dire que
vous devez être libre, quand vous avez lié le pays par un acte que vous avez
posé. Ainsi ces arguments sont dépourvus de solidité. Il reste constant que
nous avons à examiner une question qui intéresse la dignité nationale et qui
domine l’organisation de l’armée.
Quoi qu’en
dise M. le ministre de la guerre, avec une armée de 80 mille hommes, il n’est
pas indifférent que 40 mille soient employés à garder les fortifications et 40
mille à tenir la campagne.
Aussi
longtemps que nous ne saurons pas si la moitié de l’armée sera employée à
garder les forteresses et l’autre moitié à tenir la campagne ou si nous aurons
une armée destinée à garder des forteresses ou à tenir la campagne, nous ne
pouvons pas nous occuper de l’organisation de cette armée. Nous ne pouvons pas
émettre un vote consciencieux sans savoir auquel de ces systèmes on veut donner
la préférence. Un vote émis sans être fixé sur ce point serait un vote sans
connaissance de cause. La chambre ne peut pas émettre un vote semblable. Je me
prononce donc pour l’ajournement. Nous avons d’ailleurs d’autres travaux
urgents. Nous avons les projets de loi sur les céréales, sur les chemins de fer
et d’autres projets de loi dont les rapports sont faits. Quand le gouvernement
voudra avoir une loi d’organisation de l'armée, il fera un rapport sur les
forteresses et on s’en occupera tout de suite.
M.
de Garcia – Messieurs, l’on ne peut se
dissimuler l’importance de la question soulevée par l’honorable M. Castiau et
soutenue par l’honorable M. Dumortier. Cette question est complexe ; elle
tient à une prérogative du gouvernement, que, quant à moi, je respecterai
toujours. Cependant l’on ne peut méconnaître que la décision de cette question
doit avoir une grande influence sur l’organisation de l'armée appelée à
défendre le territoire national. Pour combattre cette objection l’on dit qu’il
ne s’agit que de cinq forteresses, mais le pays n’en ayant que 20 à 21, ce
nombre correspond au quart des forteresses que nous possédons, et dès lors ce doit d’une influence assez notable
sur une organisation militaire. C’est une chose plus importante qu’on semble
vouloir prétendre à la vérité, car, le ministre de la guerre a dit que, dans
son intention, il espérait que la garde civique pourrait être employée à la défense
des forteresses. Quant à moi je le désire également, parce que je voudrais
qu’au jour du danger l’armée pût tenir la campagne et défendre le
gouvernement ; de l’existence de celui-ci peut dépendre entièrement le
salut de la patrie. Il faut donc, dans tous les cas, que celui ci soit à
couvert et mis à l’abri de l’insulte de l’ennemi par un corps d’armée éprouvé.
On a dit
qu’on organisait l’armée de manière à pourvoir à tout, soit qu’on garde ou
qu’on ne garde pas les frontières. Je conçois difficilement une organisation
bien appropriée à ces deux hypothèses différentes. Je ne puis concevoir que le
même matériel de guerre soit approprié aux deux hypothèses. N’avez-vous pas un
exemple dans ce qui se passe en France. On y a construit une seule forteresse,
celle de Paris ; ne voyez-vous pas les millions que le gouvernement
demande pour établir ce système militaire, pour le matériel seul nécessaire à
la défense de ces forts ? Cet exemple vous met à même d’apprécier la
différence qui doit résulter dans l’organisation de la défense militaire du
pays dans les deux hypothèses différentes où l’on se trouve renfermé.
Néanmoins, j’aurai regret de différer l’organisation de l’armée, dans l’intérêt
du pays comme dans celui de l’armée. Je pense qu’il est urgent de s’en occuper
immédiatement. Je sais que l’honorable M. Dumortier veut un gouvernement qui serait à la discrétion du
gouvernement lui-même, qu’une fois les éclaircissements demandés sur
certains points obtenus, il consentirait à s’occuper de l’organisation de l’armée ;
cependant, j’aurais de la peine à adopter cette proposition, parce que je pense
que tout retard apportée à l’organisation de l'armée serait funeste au pays.
M.
le ministre de la guerre (M. Du Pont) – L’honorable préopinant vient d’invoquer l’exemple de
Outre cet
exemple, je puis encore citer celui de la confédération germanique, dont
l’armée a été organisée en 1821. Depuis lors elle a construit des forteresses,
et cependant elle n’a pas songé à modifier son organisation de 1821.
Je crois
donc que ces exemples viennent à l’appui des arguments que j’ai présentés.
J’ai déjà
prouvé que, dans toutes les circonstances, nous devons avoir une armée en
campagne ; que cette armée, d’après nos calculs, ne peut être moindre de
40,00 hommes, et que son maximum peut être compté à 50 mille hommes ; ce
qui restera sera la partie destinée à former la garnison des forteresses. Cette
partie sera composée de 30 mille hommes dans un cas, de 40 mille dans un autre.
Ces garnisons seront complétées, selon les circonstances, par 20 à 30 mille hommes
de garde civique.
Un membre – Et
l’infanterie ?
M. le ministre de la guerre
(M. Du Pont)
– L’infanterie sera
répartie dans l’armée en campagne d’après les règles généralement
adoptées ; elle formera les trois quarts de cette armée ; ensuite
dans les différentes combinaisons l’infanterie, l’artillerie, le génie et une
portion de la cavalerie seront réparties dans les différentes garnisons,
également d’après des principes fixes et d’après les études qui ont été faites
pour la défense de chacune des forteresses.
Voilà
comment les troupes seront réparties.
Je pense
avoir établi que, dans certains cas, l’armée en campagne devra être plus forte
que dans d’autres. Selon les circonstances, il faudra tantôt un plus fort,
tantôt un moindre supplément de garde civique. C’est là la partie variable.
Je viens de
dire que, dans le projet d’organisation, nous avons également un chiffre
variable ; dans l’armée permanente, nous avons 5 mille hommes qui n’ont
pas de destination fixée à l’avance, sur lesquels nous prendrons plus de
cavalerie et plus d’artillerie de campagne, si nous devons avoir une plus forte
partie de l’armée en campagne. Si, au contraire, nous n’avons besoin que du
minimum de l’armée en campagne, nous augmenterons l’infanterie et l’artillerie
de siège et nous n’aurons que peu d’escadrons et de batteries de réserve à
former au moment de la guerre.
Le cas de
démolition des forteresses est l’un de ceux où il faudra porter l’armée en
campagne à 50,000 hommes ; l’organisation projetée pourvoit donc aussi à
cette éventualité.
M.
Verhaegen – Mon opinion sur l’organisation de
l'armée est ce qu’elle a toujours été ; c’est-à-dire que je désire une
organisation de l'armée forte et immédiate. Mais c’est dans l’intérêt même de
cette opinion que j’engage le ministre à répondre d’une manière satisfaisante à
l’interpellation qui lui a été faite par l’un de mes honorables amis, car
je suis intimement convaincu que c’est des explications qu’il donnera que
dépend le sort du projet. On peut ne pas être de la même opinion sur le point
de savoir s’il faut ou non s’expliquer sur ce point dans le moment actuel ;
aussi je ne traiterai pas cette question. Mais ce qui est indispensable,
d’après moi, c’est qu’on nous dise d’une manière plus catégorique et plus nette
qu’on ne l’a fait jusqu’à présent, si la question des forteresses, qu’on les
démolisse ou qu’on ne les démolisse pas, est ou non indépendante ; si,
dans les deux hypothèses, l’organisation de l’armée, telle qu’on la propose,
doit rester la même. M. le ministre des affaires étrangères a annoncé que la
démonstration de l’affirmative serait faite d’une manière mathématique. Je vous
avoue, messieurs, que les explications qui ont été données ne m’ont pas
convaincu ; je ne sais si, étranger à l’art militaire, je ne suis pas à
même de comprendre les détails dans lesquels est entrée M. le ministre ;
je ne sais si mes honorables collègues ont compris plus que moi. Tout ce que je
puis dire, c’est que jusqu’à présent, je ne suis pas convaincu, et que je
désire, dans l’intérêt de l’armée, qu’on puisse me convaincre.
J’ai
entendu des affirmations, mais non des démonstrations. En réitérant mes
interpellations, je m’adresse au cabinet tout entier, aux commissaires du
gouvernement, à l’inspecteur général des fortifications, n’importe à qui, et
ces interpellations, je les réitère dans l’intérêt même du projet que je me
propose de soutenir de mon vote.
Je
m’adresse, comme vous l’entendez, au cabinet tout en entier ; et vous en
comprendrez la raison.
Avant de donner mon appui au projet de gouvernement, je désire savoir si
le gouvernement ne nous réserve pas la même mystification qu’en 1843. Je désire
savoir si M. le ministre de guerre peut aujourd’hui compter sur l’appui de ses
collègues ; en d’autres termes, si nous n’avons pas à craindre qu’après
trois semaines de discussions, le général du Pont ne soit sacrifié comme
naguère a été sacrifié le général de Liem.
Ainsi, ce
n’est pas à M. le ministre de la guerre, mais au cabinet tout entier, que
s’adresse mon interpellation, et, en même temps, je demande à tous les
ministres présents s’ils se rendent solidaires de leur collègue de la guerre.
M. Beuckers, commissaire du Roi – L’insistance que met l’honorable préopinant
dans sa demande d’explications, me porte à croire que les explications qui ont
été fournies n’ont pas été assez bien comprises.
Je ne me
dissimule pas, du reste, l’importance de la question qu’a soulevée l’honorable
M. Castiau ; car de toutes les complications qui peuvent venir embarrasser
la discussion de la loi qui vous est soumise, la question de l’exécution du
traité du 14 décembre 1831, concernant la démolition des forteresses, est sans
contredit la plus dangereuse pour le résultat de nos débats.
S’il était
vrai, comme quelques membres l’ont prétendu, que la solution (page
1265) de la question de forteresses dût nécessairement précéder
celle de l’organisation de l'armée, vous vous trouveriez arrêtés devant un
dilemme insoluble, devant une position à laquelle je ne verrai pas d’issue. Ou
bien, Monsieur le ministre de l'intérieur l’a déclaré, le gouvernement serait
en demeure de précipiter la solution d’une question qu’il désire n’aborder
qu’avec réserve, de décider sous l’influence d’une préoccupation une affaire à
l’égard de laquelle il doit conserver une entière liberté, ou bien l’importance
de cette seconde considération ne me paraît pas avoir été suffisamment
appréciée, ou bien l’organisation de l’armée serait indéfiniment ajournée.
Ainsi se perpétuerait dans l’armée cet état d’incertitude, dans lequel elle se
trouve depuis trop longtemps, ainsi se continuerait cette action dissolvante du
provisoire, qui, il ne faut pas vous le dissimuler, finirait par tuer
moralement l’armée.
Heureusement,
la solution préalable de la question des forteresses n’est pas indispensable,
et cette circonstance heureuse tient à une particularité toute accidentelle de
notre situation militaire.
Les
éléments essentiels de l’organisation de l'armée, ceux qui ont servi de base à
la rédaction du projet de loi qui vous a été soumis, la fixation de l’effectif
et de la proportion des armées ont dû être calculés dans la prévision d’un cas
de guerre déterminé. On a dû faire plusieurs hypothèses sur les attaques
possibles, et, pour ne pas être pris au dépourvu, choisir entre tous les cas
probables, le plus exigeant.
Or, il se
fait que le cas de guerre qui peut être aussi qualifié est celui d’une attaque
par la frontière du nord.
L’armée
organisée dans cette hypothèse suffit et au delà dans des cas d’une exigence
moindre, tel que le serait celui d’un attaque du côté de la frontière du midi.
Or, la frontière du midi est seule intéressée dans la question des forteresses.
Ainsi cette question se trouve naturellement éliminée.
Je le
répète, messieurs, on doit se féliciter de ce résultat, car la question, telle
que l’honorable M. Castiau la présente, prend une forme réellement alarmante
pour l’armée ; car voici le raisonnement de cet honorable membre :
lorsqu’il sera question d’exécuter le traité, il ne vous restera plus qu’à
licencier l’armée. Or, d’après lui encore, le gouvernement est, dès aujourd’hui
lié à l’exécution du traité. La question que cet honorable membre a soulevée ne
tiendrait donc ni plus ni moins qu’au licenciement de l’armée. Sous cette
forme, elle ne peut évidemment pas être posée.
Pour rendre
plus complète la démonstration du fait que j’ai attaqué plus haut, il me
faudrait entrer dans des détails ; mais ce serait là anticiper sur la
discussion, et je pense que l’inconvénient des discussions anticipées doit déjà
se faire sentir
M.
de Mérode
renonce à la parole.
M.
de Garcia – J’avais cité un exemple pour
démontrer que, dans l’organisation d’une armée, il faut nécessairement
apprécier l’état des forteresses. M. le ministre de la guerre a cru devoir s’en
emparer pour soutenir les considérations qu’il nous a présentées. Cet exemple,
dit-il, prouve que, pour l’organisation d’une armée, il n’est pas nécessaire
d’apprécier la circonstance des forteresses, puisqu’en France l’érection des
forts de Paris n’a dû amener aucun changement dans son organisation militaire.
Ceci n’est
rien moins qu’exact, et nul de nous n’ignore la demande de plusieurs millions
faite par le gouvernement français pour parvenir à compléter le matériel de
guerre nécessaire à ce nouveau système de défense. A la vérité, l’organisation
du personnel de l’armée n’a subi aucune modification ; mais cela se conçoit
parfaitement en France où une armée nombreuse peut toujours se trouver à la
disposition du gouvernement, soit pour tenir la campagne soit pour occuper les
places fortes. Une autre considération, c’est que la forteresse de Paris doit,
dans des cas données, recevoir les débris d’une armée. Je reste convaincu, dès
lors, que l’argument fait par M. le ministre de la guerre est sans fondement
pour soutenir sa thèse actuelle.
Si
quelques-unes de nos forteresses doivent être démolies, il serait utile qu’on
le sût, ce serait en pure perte que l’on ferait des dépenses pour leur
armement, et approprier leur état de défense.
M. d’Huart – Nos forteresses sont armées.
M.
de Garcia – Je suis convaincu du contraire, et
si demain
Je n’admets
donc pas que l’armement soit complet. Mais avec le matériel qui se trouve
disséminé dans nos différentes places, si la démolition des forteresses
reprises dans le traité de 1831 était reconnue, vous pourriez peut-être, sans
nouvelles dépenses, compléter l’armement de celles qui resteraient. Alors vous
ferez une économie évidente sans nuire au personnel de l’armée. C’est le but
que je désire atteindre à l’occasion de cette démolition.
L’honorable
M. d’Huart a parlé de dignité nationale, de circonstances qui seraient
blessantes pour le pays. C’est même à propos de ces observations que j’ai
demandé la parole.
Je conviens
que si aujourd’hui quelque puissance étrangère venait à nous imposer la
démolition des forteresses, ce serait contraire à la dignité du pays. Quant à
moi, je n’y consentirais pas. Mais comme l’a fait observer l’honorable M.
Dumortier, lorsqu’une nation, ne consultant que son intérêt, prend spontanément
une résolution pareille, je crois qu’on ne blesse en aucune manière la dignité
nationale. Il est évident qu’il y a une différence énorme entre un mouvement
spontané et une obligation imposée.
Prenez-y
garde, le traité est un contrat synallagmatique : en le laissant
subsister, sans l’exécuter, nous nous exposons à un affront ; nous
exposons la dignité nationale à être blessée, et peut-être dans un moment où
vainement on voudrait s’y opposer.
Je voudrais donc que la question fût résolue aujourd’hui.
Mais, d’un
côté, voulant respecter la prérogative du gouvernement, et, d’un autre, ne pas
différer une organisation qui me paraît urgente dans l’intérêt du pays, je ne
pourrai voter en faveur de la proposition de M. Castiau.
M.
d’Huart – Je concevrais les observations de
l’honorable M. de Garcia, s’il n’y avait pas de traité, si ce n’était pas en
vue de ce traité qu’on démolit les forteresses, si c’était réellement un acte
spontané. Mais cet acte ne serait pas plus spontané maintenant que plus tard.
C’est à cause du traité du 14 décembre 1831 qu’on veut démolir les forteresses.
Aussi la question de la dignité nationale reste dans ce cas comme dans l’autre.
Qui vous dit qu’il ne s’écoulera pas un grand nombre d’années avant
qu’on demande la mise à exécution de ce traité ? Depuis 15 ans, on n’en
parle pas. Nous ne portons ombrage à personne. Personne n’a le droit de
demander la démolition de nos forteresses, après les avoir laissées debout 15
ans après la conclusion du traité. Il serait déraisonnable de le demander.
Dans une
telle situation, le plus sage est d’attendre. Quant à moi, je suis décidé à
attendre, à admettre la proposition du gouvernement, qui tend à considérer
l’hypothèse la plus probable, ; le maintien de la situation qui dure
depuis 15 ans.
M.
Malou – Si je partageais l’opinion de
l’honorable M. Dumortier, qu’il est de l’intérêt du pays de démolir les
forteresses reprises dans la convention de 1831, je m’empresserais de voter
pour la proposition de l’honorable M ; Castiau. Je voterai contre cette
proposition, parce que je suis intimement convaincu qu’il est de l’intérêt
non-seulement de la dignité du pays, mais de sa défense, de son existence, de
conserver les forteresses établies sur la ligne du midi. C’est parce que j’ai
cette conviction, que je voterai contre la proposition de l’honorable M.
Castiau.
Je désire
qu’on parvienne, dans des circonstances meilleures, à éviter ce malheureux
reste de nos malheurs diplomatiques.
Je ne crois pas qu’il soit nécessaire, je ne crois même pas qu’il soit
possible de discuter publiquement cette question des forteresses. Déjà, j’ai
regret à le dire, beaucoup de choses ont été dites qu’il eût été plus
avantageux pour le pays que l’on tût à l’Europe.
Je
rappellerai seulement que la section centrale, dont j’avais l’honneur de faire
partie, n’a pas négligé cette question. Cette question a été dans son sein
l’objet d’une attention sérieuse, et d’une discussion à la suite de laquelle
elle s’est rangée à l’opinion du gouvernement qui est la disjonction des
forteresses du projet de loi d’organisation de l'armée.
M.
Devaux – Je n’aime pas, surtout dans les
questions internationales, à faire prendre à la chambre la place du gouvernement.
J’avoue cependant que j’ai un grand regret que le gouvernement n’ait pas cru
pouvoir fixer la chambre sur la question importante du nombre de nos
forteresses dans la discussion dont nous nous occupons.
Je crois
que la loi de l’organisation des cadres de l’armée se ressentira de l’influence
de cette indécision.
Je regrette
que le gouvernement n’ait pas cru devoir nous instruire de l’état de cette
question. Il me semble que nous aurions pu savoir, par exemple, si l’on insiste
sur l’exécution de la convention de 1831 ou si elle est abandonnée.
Le
gouvernement aurait pu nous exposer aussi les raisons pour et contre la
démolition des forteresses. Car, il y a des raisons pour et contre. Lorsque le
général Goblet a conclu la convention de 1831 à Londres, certainement il n’a pu
céder à des raisons d’intérêt étranger ; il a eu des raisons belges pour
signer la convention. Il serait extrêmement utile de les reconnaître.
Je regrette, messieurs, que le gouvernement n’ait pas cru
pouvoir résoudre définitivement toute cette question dans un moment peut-être
moins dangereux que ne le sera peut-être l’époque où, de nécessité, on sera
amené à la trancher, dans un moment où l’Europe est en paix, où l’Angleterre et
Messieurs, l’incertitude pèsera sur toute la discussion. Il y aura dans cette chambre deux opinions. Les uns désireront la démolition des forteresses ; ils regarderont l’armée comme trop forte, parce qu’ils croiront son organisation connue dans l’hypothèse contraire. D’autres voudront la conservation des forteresses ; ceux-là croiront l’armée trop faible peut-être pour défendre toutes nos places fortes ; ils n’auront pas foi dans l’efficacité de l’organisation militaire proposée. Il en résultera qu’ils n’accorderont pas à la question de l’armée l’intérêt qu’elle doit avoir ; que les sacrifices pécuniaires qu’on réclame ne paraîtront pas justifiés par leur utilité.
Je l’avoue, vouloir résoudre la question dans une double
hypothèse, comme cela paraît être la prétention du ministère, d’après les
discours que nous venons d’entendre, cela me paraît très-difficile, et surtout
exiger, non pas dans le cours de la discussion, mais auparavant, dès
aujourd’hui, à l’heure même, des explications beaucoup plus convaincantes que
celles qu’on vient de nous donner. M. Le commissaire du Roi est allé un peu
plus loin que M. le ministre de la guerre, mais il n’a donné que des affirmations.
Il nous a dit : Notre armée suffit contre
M. Beuckers, commissaire du Roi – Contre la frontière du nord.
M. Devaux – Contre la frontière du nord ; à plus forte raison, ajoute-t-on (page 1266), elle suffit contre la frontière de France. Il est possible que cette assertion suffise pour des hommes qui ont fait de l’art militaire une étude spéciale ; mais je prie messieurs les militaires qui défendent le projet, de considérer qu’il est ici très-peu d’hommes qui aient des connaissances spéciales dans cette question, qu’il faut un peu, si je puis le dire, nous mettre les points sur les i. Je les prie donc de se donner la peine de nous démontrer, ce qui, je l’avoue, me paraît assez difficile, ce qui, peut-être, paraîtra même difficile à beaucoup de militaires, que la question de la force de l’armée est indépendante de la démolition des forteresses ; que la démolition ou le maintien de telle forteresse, par exemple, qui exige 15 à 20,000 hommes pour sa défense, est sans influence sur le chiffre auquel il faut élever l’effectif de l’armée en temps de guerre et les cadres en temps de paix. J’avoue que cela me paraît très-difficile à démontrer ; si on le peut, tant mieux, mais je voudrais qu’on le fît.
Je voudrais, quant à moi, n’avoir pas d’incertitude, et être bien certain que le chiffre, jugé nécessaire dans une hypothèse, le sera encore dans l’autre. Il se pourrait même que, sous l’influence des préoccupations de sa position, le gouvernement qui, dans toutes les questions, cherche à capituler ; qui n’a jamais défendu, dans cette chambre, comme il le devait, l’intérêt militaire ; qui s’est endormi constamment ; qui n’a pas mis à profit les intervalles des discussions du budget de la guerre pour éclairer le pays ; le gouvernement qui a toujours attendu la discussion du budget de la guerre pour parler de l’armée ; qui est venu nous proposer un projet de loi avec un exposé qui pourrait être suffisant pour l’organisation d’un tribunal civil, mais qui ne suffit pas pour faire apprécier cette immense question ; qui, au lieu de donner des lumières à foison, de mettre cette question de notre organisation militaire au concours dans l’armée et parmi les militaires instruits de l’étranger, a semblé craindre qu’on s’en occupât au dehors de ses bureaux ; il se pourrait, dis-je, que le gouvernement, en voulant transiger et satisfaire à deux hypothèses à la fois, fût arrivé à une solution qui ne convînt à aucune. Il pourrait se faire que les cadres de 80,000 hommes fussent ou trop forts dans le cadre de l’exécution du traité de 1831, ou trop faibles dans le cas du maintien de toutes nos places fortes, ou l’un et l’autre à la fois.
Il faudrait donc poser des bases certaines, dire quelles sont les exigences, les constater nettement, et ne pas se retrancher dans des allégations vagues, dans des affirmations.
Il est très-fâcheux, dans une pareille discussion, de manquer de point de départ, de ne pas savoir si l’armée sera organisée dans l’hypothèse du maintien et de la défense des forteresses actuelles, ou dans l’hypothèse d’un autre système de fortifications. Car si l’on en venait à résoudre la démolition des forteresses, alors surgirait une autre question ; il y aurait à examiner s’il n’y a pas d’autres travaux à faire pour compléter notre système de défense.
Toutes ces questions devraient être résolues.
Ainsi, je le confesse, d’un côté je ne voudrais pas déplacer la responsabilité, je voudrais la laisser au gouvernement dans les questions internationales ; d’un autre côté je crois que ce que nous allons faire, dans cette fausse position, ne sera que du provisoire ; je crains que nous ne résolvions rien quant à l’organisation définitive de l’armée, qu’en d’autres termes ce qui sortira de nos discussions ne sera pas beaucoup plus stable qu’un simple budget de la guerre, et que la solution définitive ne soit réellement ajournée à l’époque où la question des forteresses sera tranchée.
Tout à l’heure, on a dit, que la démolition des forteresses se fera non par l’exécution du traité, mais par le temps ; qu’elles tomberont en ruine. C’est une manière très-dangereuse de résoudre la question. Car en attendant qu’elles soient complètement démolies, si une guerre s’élevait, il faudrait bien les défendre. Et si on n’a pas calculé sur cette défense, si on est trop faible pour les défendre, leur maintien est très-dangereux ; mieux eût valu les démolir. D’un autre côté elles sont démolies ainsi, par le fait, par inaction, sans examen raisonné ce sera peut-être à tort, et alors que peut-être nous pouvions les sauver.
Messieurs, j’engage donc fortement le gouvernement à nous démontrer qu’il faut partir de l’hypothèse de la démolition ou de celle du maintien des places fortes, ou bien, s’il le peut, à nous prouver clairement que, dans les deux cas, la patrie peut être en sécurité et que son système suffit aux deux hypothèses.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je regrette, a dit l’honorable préopinant, de ne pas être fixé sur la question des forteresses, soit dans l’un, soit dans l’autre sens. Ce regret est aussi partagé par le gouvernement. La question des forteresses est une question de politique extérieure que nous a léguée la révolution de 1830. Il ne dépend pas, messieurs, d’un ministère quelconque d’enlever à cette question son caractère. Il n’a pas dépendu du ministère actuel de la lui enlever.
Cette question se présente avec toutes les chances de complications extérieures qui l’on accompagnée depuis son premier jour. Nous ne pouvons pas, messieurs, en dire davantage. Nous croyons même que, dans aucun cas, le gouvernement ne pourrait entrer dans de grands détails sur cette question.
Nous regrettons donc, comme l’honorable membre, d’être jusqu’à un certain point dans l’incertitude ; c’est à la force des choses qu’il faut s’en prendre ; mais nous devons, d’un autre côté, nous féliciter de ce que l’organisation militaire soit possible, abstraction faite de la question de la démolition de certaines forteresses. Nous irons même plus loin. Nous dirons à ceux qui regardent l’existence des forteresses, au nombre où elle sont aujourd’hui, comme formant la base unique de l’organisation de l’armée, de partir du fait du maintien de toutes les forteresses.
On vous a expliqué tout à l’heure que c’est cependant une erreur de croire que l’existence de toutes les forteresses, à quelque point du territoire où elles se trouvent, soient la base unique de l’organisation de l’armée en Belgique.
Nous abordons, messieurs, une question toute nouvelle, qui sort malheureusement de nos études habituelles. Je le dis non-seulement pour les membres de cette chambre, mais même pour les membres du ministère. L’honorable membre nous reproche de ne pas connaître tous les détails de l’organisation militaire. Messieurs, j’avoue que je me trouve jusqu’à un certain point dans le même embarras que la chambre, bien que des sources de renseignements me soient ouvertes qui ne sont pas ouvertes à tous les membres de la chambre. Mais je dois ici m’en remettre au ministre de la guerre pour beaucoup de détails.
Ceux qui veulent davantage, ceux qui veulent que les démonstrations pour les questions de l’armée leur soient acquises, comme elles le sont dans toutes les questions de droit, par exemple, ceux-là, je n’hésite pas à le dire, demandent l’impossible.
Je partage donc en partie les regrets que vous a exprimés l’honorable préopinant. Mais je le prie de vouloir bien se rappeler celles des circonstances qu’il peut connaître et qui se rattachent à cette délicate question.
Il n’a pas dépendu de nous de donner à la chambre plus de certitude que nous n’en avons nous-mêmes. C’est une question de politique extérieure, et je dirai même de politique extérieure présentant un caractère tout particulier.
On propose l’ajournement et on dit : le gouvernement fera cesser cet ajournement quand il le jugera convenable. Non, messieurs, c’est là une erreur, et M. le commissaire du Roi vous l’a très-bien indiqué par le dilemme qu’il vous a posé. Il ne dépendrait pas du gouvernement de faire cesser l’ajournement. Il ne pourrait le faire cesser qu’en faisant naître peut-être certains dangers qu’il veut éviter au pays. En un mot, messieurs, cette question touche à nos relations extérieures, et nous prions la chambre de ne pas poser un acte quelconque qui puisse compliquer ces relations. Il est malheureux, messieurs, qu’il y ait des questions de ce genre. Mais ces questions existent. Quand elles se présentent, il faut bien les accepter ; ou même ; si vous voulez, les subir avec tous leurs embarras.
Nous déclarons donc à la chambre que nous nous opposons à l’ajournement ; nous ajoutons qu’on ne doit pas se bercer à l’idée qu’en prononçant l’ajournement, on ne renverrait pas par là même la fixation du sort de l’armée à un temps indéfini. L’ajournement serait par la nature des choses un ajournement sans terme connu. Il n’est pas donné à votre gouvernement, dans les circonstances actuelles, de faire cesser les causes de l’ajournement que vous auriez prononcé.
M. le lieutenant-colonel Beuckers, commissaire du Roi – L’honorable M. Devaux a mis le département de la guerre en demeure de fournir, dès à présent, une démonstration complète de la vérité de l’assertion dont je me suis fait l’organe. Je tiens, messieurs, à faire remarquer qu’on ne peut administrer cette démonstration qu’en entrant dans tous les détails du projet qui vous est soumis. Je vous ai dit, messieurs, que la supposition d’une attaque sur une partie de nos frontières était le cas le plus exigeant ; pour démontrer qu’il en est réellement ainsi, il faudrait comparer les divers cas d’attaques que l’on pourrait supposer, et entrer, dès lors, dans l’exercice du chiffre de l’effectif de la proportion des cadres. Il faudrait aller plus loin encore ; comme, dans certaines hypothèses, l’armée pourrait avoir besoin d’être réunie dans un délai plus court que dans d’autres, il faudrait aller jusqu’à examiner les dispositions à prendre pour faire passer l’armée du pied de paix au pied de guerre. Je demande si ce n’est pas là toute la loi.
Si donc une démonstration aussi complète que l’honorable membre le désire n’est pas administrée, c’est que, dans la nature des choses, cette démonstration n’est pas possible sans qu’on épuise tout le débat.
J’au cru remarquer, messieurs, que la désignation que j’ai faite d’une de nos frontières, a donné lieu à une interprétation fausse. Quand j’ai parlé de la frontière du nord, j’aurais dû dire du nord-est, et je n’entends par là désigner aucune puissance qui pourrait nous attaquer ; je désigne seulement la frontière avec les conditions défensives qui lui sont propres.
Il me reste une explication à fournir sur l’état de nos forteresses. On croit que les forteresses dont il s’agit se démolissent d’elles-mêmes ; je puis, à raison de la position que j’occupe dans l’administration, donner à cet égard des apaisements complets à la chambre ; les forteresses sont toutes construites depuis 1815 ; elles sont entièrement neuves ; elles n’éprouvent que les dégradations qui arrivent à toutes les forteresses du monde. Je n’hésite pas à dire qu’il n’existe peut-être pas en Europe une forteresse, quelle qu’elle soit, à moins qu’elle ne vienne immédiatement d’être construite, qui se trouve dans un état meilleur que la plus mauvaises de nos forteresses.
Un membre – Celle de Mons.
M. le lieutenant-colonel Beuckers – Celle de Mons est comprise ; je puis à cet égard donner à la chambre une certitude pleine et entière. Il y a à Mons ce qui se présente ailleurs ; il y a entre autres une innocente crevasse qui a le malheur d’être apparente, mais qui n’a aucune gravité. Il n’existe ni à Mons ni ailleurs rien d’alarmant dans l’état des fortifications.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je répondrai à l’interpellation faite toute à l’heure par l’honorable M. Verhaegen, en donnant à la chambre l’assurance que tous les membres du cabinet sont parfaitement d’accord avec M. le ministre de la guerre sur toutes les parties de l’organisation de l'armée et sur la marche de la discussion.
Un membre – Vous êtes solidaires ?
M.
le ministre des finances (M. Mercier) – Certainement.
M. Pirson – Quelques honorables membres ont prétendu que l’exécution du traité du
14 décembre 1831 devait avoir une grande influence sur l’organisation de l’armée ;
je ne partage pas cette opinion. Dans aucun pays la composition en différentes
armes n’a jamais été, ni ne peut être déterminée, par des considérations
rigoureusement absolues. Cela ne peut avoir lieu, messieurs, parce qu’il est
impossible de prévoir toutes les éventualités que peut présenter l’attaque ou
la défense.
Répondant à l’honorable M. Verhaegen, je lui
ferai remarquer qu’il n’est aucun militaire qui puisse dire : il faut
mathématiquement autant d’infanterie, autant d’artillerie, autant de cavalerie.
Les experts militaires posent bien un minimum et un maximum basés sur
l’expérience des guerres, mais outre ce minimum et ce maximum, quel est le
chiffre à adopter ? Personne ne peut le fixer d’une manière absolue. Ce
chiffre dépendant d’une foule de circonstances différentes, impossibles à
prévoir, doit être celui qui paraîtra devoir satisfaire au plus grand nombre
d’éventualités, mais, je le répète, il ne peut être déterminé d’une manière
absolue, ni on ne peut prouver mathématiquement que celui adopté soit le
meilleur.
En tous cas, il n’y a guère que pour la force
de la cavalerie et l’espèce d’artillerie qu’on puisse être plus ou moins fondé
à soutenir qu’il doive y avoir une modification suivant qu’on embrasse le
système du maintien de toutes les forteresses ou le système de la démolition de
quelques-unes d’entre elles. En ce qui concerne la cavalerie, s’il faut adopter
le système du maintien de toutes les forteresses, c’est alors qu’il en faudra
le moins. Eh bien, dans cette hypothèse, supposons que nous n’eussions en
campagne qu’un corps d’armée de 45,000 hommes, le rapport de la cavalerie à
l’infanterie sera de 1/16. Evidemment cette proportion n’est pas trop élevée,
car les auteurs militaires s’accordent à dire que le rapport de la cavalerie à l’infanterie
peut-être de 1/4 ou 1/8 et qu’il doit varier d’après la constitution
topologique du pays. Or, vous ne l’ignorez pas, messieurs, il n’y a pas de pays
plus ouvert et moins défendu par des barrières naturelles que
Ce rapport de 1/16 de l’infanterie pour notre
cavalerie me paraît un terme moyen, qui peut satisfaire à la fois aux deux
suppositions, soit du maintien de toutes les forteresses, soit de la
suppression de quelques-unes d’entre elles.
En ce qui concerne l’artillerie, si l’on
maintient toutes les places fortes, il faudra plus d’artillerie de siège ;
si l’on adopte le système de la démolition de quelques-unes d’entre elles, il
faudra plus d’artillerie de campagne. Messieurs, je vous le ferai encore remarquer,
les troupes de l’artillerie sont indistinctement dressées au service des
bouches à feu de siège, et au service des bouches à feu de campagne, et les
batteries de campagne ne diffèrent guère des batteries de siège que lorsqu’on
les mobilise, en leur donnant des conducteurs et des chevaux.
En France, il n’y a même plus de batteries de siège, et tous les régiments ne sont composés que de batteries montées et de batteries à cheval. D’après notre organisation actuelle, nos batteries de campagne n’ayant sur le pied de guerre qu’un très-petit nombre de chevaux, si la guerre éclatait, on pourrait avec la même facilité, sans qu’il en coûte plus au pays, soit en employer un certain nombre à la défense des places fortes, soit les mobiliser toutes, si le corps d’armée destiné à tenir la campagne était assez nombreux pour l’exiger.
Il me paraît donc, messieurs, que nous pouvons
passer à la discussion du projet de loi sur l‘organisation de l’armée ;
car, je le répète, je ne crois pas que l’exécution du traité dont on a parlé
(et elle doit avoir lieu) soit appelée à modifier beaucoup l’organisation de
l’armée telle qu’elle se trouve constituée actuellement et que la section centrale vous propose de l’adopter.
Je m’oppose en conséquence à la motion d’ajournement. Il est indispensable,
messieurs, autant dans l’intérêt du pays que dans celui de l’armée, qui mérite
toute notre bienveillance et qui attend avec une légitime impatience qu’il soit
statué sur son sort, qu’une loi soit faite dans cette section. Le sénat partage
cette opinion qu’il a manifestée à plusieurs reprises. La question militaire ne
peut toujours rester pendante, les inquiétudes qu’elle fait naître démoralisent
l’armée et ne peuvent être que funestes au pays. Je demande donc formellement
que l’on passe à la discussion de la loi sur l’organisation de l’armée et
j’espère qu’une loi conciliant à la fois les intérêts du pays et ceux de
l’armée obtiendra enfin une majorité que j’appelle de tous mes voeux.
- La proposition de M. Castiau est mise aux
voix ; elle n’est pas adoptée.
La séance est levée à 4 heures et demie.