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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 14 avril 1845

(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)

(page 1343) (Présidence de M. d’Hoffschmidt)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Huveners procède à l’appel nominal à une heure.

M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance de samedi ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Plusieurs habitants de Bruges présentent des observations contre les propositions de loi sur les céréales. »

« Mêmes observations du conseil communal de Gand. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d’examiner ces propositions.


« Les bourgmestres de diverses communes du canton de Wolverthem demandent l’abrogation de la loi du 31 juillet 1834 sur les céréales. »

- Même renvoi.


« Plusieurs brasseurs du canton d’Audenarde demandent le rejet de la proposition de loi sur les céréales présentée par 21 députés, et l’abolition des droits d’entrée sur l’orge. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Gand demande qu’en attendant la révision de la loi sur les sucres, la réserve des 4/10es sur les prises en charge soit réduite à 2/10es, et que le rendement soit porté à 65 pour lumps, mélis et candis. »

- Renvoi à la commission permanente d’industrie.


« Le conseil communal de Soignies demande le raccordement en cette ville du chemin de fer de Tournay. »

M. Duvivier – Je demande que la réclamation du conseil communal de Soignies, dont il vient d’être fait une analyse, soit renvoyée à la section centrale qui a été chargée de l’examen du projet de loi pour la construction d’un chemin de fer de Tournay à Jurbise, comme commission spéciale, attendu qu’elle a fait son rapport à la chambre, avec prière de faire un rapport sur le contenu de cette pièce avant la discussion de ce projet de loi.

- Cette proposition est acceptée.

Rapport sur une pétition

M. Zoude - La commission des pétitions m’a chargé de vous faire rapport sur la requête du collège des bourgmestres et échevins de la commune de Wardin, qui demande que les produits des parties cédées du territoire de la commune soient exempts de tous droits.

Messieurs, la commune de Wardin, province de Luxembourg, vient exposer à la chambre qu’elle est une de ces communes infortunées dont le territoire a été déchiré par le morcellement de la province ; que cependant, sans égard aux dispositions de la convention avec la Hollande en date du 8 août 1843, on lui fait supporter un droit de douane sur le territoire cédé, mais que, depuis la loi sur les droits différentiels, ce droit est élevé à telle hauteur qu’il peut être considéré comme une véritable spoliation des forêts ; en effet, l’élévation de ce droit ne lui en permet plus l’introduction pour chauffage, et cependant ce bois est sans valeur dans la partie cédée.

Pour appuyer ses exigences, le fisc invoque la loi du 26 août 1822 qui, portée dans des circonstances ordinaires, ne devrait pas être assimilée à une loi de sacrifice telle que celle du morcellement, quand même la convention de 1843 n’eût rien prévu à cet égard ; mais malheureusement elle y a pourvu et même d’une manière claire, comme nous allons essayer de le démontrer.

L’art. 37 de la convention du 8 août 1843 porte : que les propriétaires mixtes et ceux dont les propriétés sont coupées par la frontière jouissent des mêmes avantages assurés par les art. 11 jusqu’à 21 inclusivement, du traité conclu entre l’Autriche et la Russie le 3 mai 1815 ; or celui-ci dit, art. 20 : « Les propriétaires dont les propriétés sont coupées par la frontière seront traités relativement à ces possessions, d’après les principes les plus libéraux.

« Ces propriétés mixtes, leurs domestiques, etc., auront droit de passer et repasser avec leurs instruments aratoires, etc., d’une partie de la possession ainsi coupée, et de transporter d’un endroit dans l’autre, leurs moissons, toutes les productions du sol et tous les produits de leur fabrication, sans avoir besoin de passe-port, sans redevance et sans payer de droit quelconque. »

On objecte un article additionnel à cette convention du 8 août 1843, mais cet article additionnel, dans son § 3 dit que, dans aucun cas, la franchise de droits dont ils jouiront ne pourra s’étendre aux accises ou droits de consommation qui pèsent sur des produits indigènes de la même espèce dans le pays où ils seront transportés.

Mais le bois de chauffage n’est astreint à aucun de ces droits, c’est donc à tort qu’on invoque cette disposition ; et puis, s’il devait exister un doute, il devrait être levé d’après le principe posé par l’art. 20, que ces propriétaires doivent être traités d’après les principes les plus libéraux ; s’il devait en être autrement ces expressions seraient un non sens.

Mais l’article 39 ne laisse plus lieu à aucun doute : voici comment il s’exprime : « Les communes, les établissements publics ou particuliers de l’un ou de l’autre Etat, possédant des biens, des droits réels et actions sur les territoires divisés, comme forêts et autres biens communaux situés dans les parties de banlieue séparées de leur chef-lieu, droit de parcours ou de vaine pâture, de glandée, de glanage, d’extraction de tourbes, etc., etc., sont maintenus dans ces biens, droits et actions, tels qu’ils existent aujourd’hui. »

Ces expressions sont trop claires pour avoir besoin de commentaires.

Votre commission recommande cette pétition à l’attention de M. le ministre, et elle a l’honneur de vous proposer de lui en faire le renvoi avec demande d’explication.

- Les conclusions de la commission sont mise aux voix et adoptées.

Projet de loi qui règle la réunion à certaines communes voisines de parcelles incorporées à la Belgique en exécution du traité de paix

Dépôt

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, quelques rectifications de limites communales sont devenues nécessaires dans trois provinces, Anvers, Liège et la Flandre orientales, par suite du traité du 5 novembre et la convention du 8 août. Ce n’est pas que nous ayons cédé, dans ces provinces, des territoires. Il nous a, au contraire, été remis quelques territoires.

Le Roi m’a chargé de vous présenter un projet de loi relatif à ces rectifications de limites.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi. Il sera imprimé et distribué.

La chambre le renvoie à l’examen d’une commission spéciale qui sera nommée par le bureau.

Projet de loi autorisant la concession du chemin de fer de Louvain à la Sambre

Dépôt

Projet de loi autorisant la concession des chemins de fer de Liège à Namur, de Manage à Mons

Dépôt

Projet de loi autorisant la concession du chemin de fer de la vallée de la Dendre

Dépôt

Loi autorisant la concession d'un chemin de fer de Bruges à Courtray, à Ypres et à Poperinghe, avec embranchements

Dépôt

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, le Roi m’a chargé de vous présenter quatre projets de loi destinés à concéder certaines lignes de chemin de fer.

Je donnerai lecture à la chambre de chacun de ces projets :

« Léopold, etc.

« Article unique. Le gouvernement est autorisé à accorder à la compagnie, représentée par les sieurs X. Tarte, E. Sherman et H.-L. Smale, la concession d’un chemin de fer de Louvain à la Sambre.

« Les conditions de cette convention sont celles de la convention et du cahier des charges annexés à la présente loi. »


« Léopold, etc.

« Article unique. Le gouvernement est autorisé à accorder à la compagnie, représentée par M. Georges-Robert d’Harcourt de Londres, la concession des chemins de fer de Liége à Namur et des charbonnages du centre à Manage et à Mons.

(page 1344) « Les conditions de cette convention sont celles de la convention et du cahier des charges annexés à la présente loi. »

« Léopold, etc.


« Article unique. Le gouvernement est autorisé à accorder à M. Georges Robert d’Harcourt de Londres, représentant les directeurs du canal de Jemeppe à Alost, et M. Guillaume Horickx et M. Henri Carolus, ces deux derniers agissant tant pour eux que pour leurs compagnies, la concession d’un chemin de fer de la vallée de la Dendre d’Ath vers Termonde et Gand.

« Les conditions de cette convention sont celles de la convention et du cahier des charges annexés à la présente loi. »

Messieurs, pour ces trois projets, il y a deux conventions conclues avec des compagnies.

Pour les projets que je vais avoir l’honneur de présenter, les conventions n’ont pas encore été signées, mais les compagnies ont adressé au gouvernement des demandes formelles qui en rendent l’exécution certaine.

« Léopold, etc.


« Article unique. Le gouvernement est autorisé à accorder, aux clauses et conditions du cahier des charges annexés à la présente loi, la concession :

1° D’un chemin de fer de Courtray à Ypres par Menin ;

2° D’un chemin de fer de Bruges à Thielt par Wardamme et Ruddervoorde, de Thielt à Roulers par Ingelmunster, et de Roulers à Ypres, avec embranchement de Thielt sur Aeltre et d’Iseghem sur Courtray. »


Messieurs, les lignes que le gouvernement propose à la législature de concéder, sont celles dont les études ont prouvé l’utilité, et pour l’exécution desquelles des compagnies sérieuses aussi se présentent.

Ces concessions sont des concessions ordinaires à accorder, sans intervention quelconque du trésor public.

Vous savez, messieurs, qu’avant la loi de 1842 sur les péages, le gouvernement aurait pu concéder ces lignes de chemin de fer sans le concours de la législature.

Avant de vous présenter ces projets de loi, le gouvernement a eu à examiner l’utilité spéciale de chacune de ces lignes, et, en second lieu, la question de savoir si ces voies ferrées ne pouvaient pas faire une concurrence fâcheuse au chemin de fer de l’Etat. C’est après avoir acquis la conviction que l’utilité publique de ces lignes était incontestable et que cette concurrence n’existe pas réellement que j’ai accepté la négociation avec des compagnies, sur lesquelles mon devoir était d’abord de prendre des renseignements positifs ; et c’est ce que j’ai fait.

Ces compagnies ont versé un cautionnement considérable et ont accepté les conditions des conventions et des cahiers des charges soumis à votre approbation.

Messieurs, les diverses conventions et les cahiers des charges reposent sur les mêmes bases que la convention et le cahier des charges adoptés pour le chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse, sauf quelques modifications favorables à l’Etat qui y ont été insérées par suite de la discussion qui a eu lieu dans les chambres.

Les bases de ces conventions donnent toute sécurité à l’Etat, relativement aux conditions financières des compagnies, et les garanties contre l’abus possible de l’agiotage.

Ces conventions reposent sur quatre bases principales ; la première, c’est le dépôt préalable d’un cautionnement s’élevant au 10e du capital social ; la seconde condition, c’est, avant toute expropriation, avant de commencer l’exécution des travaux, le versement d’un second dixième ou d’un dixième et demi de ce capital ; la troisième condition, c’est qu’avant de pouvoir émettre des actions en Belgique, la société doit avoir réalisé 30 p. cent des capitaux d’exécution ; la quatrième condition, c’est l’interdiction formelle de coter aux bourses belges les actions avant l’achèvement complet des travaux, c’est-à-dire pendant le temps où le jeu sur les actions est possible.

Messieurs, par la stipulation de ces quatre conditions qui forment la base des conventions qui ont été conclues entre le gouvernement et les compagnies, il me paraît que l’Etat possède les garanties nécessaires que les compagnies sont sérieuses et que les abus contre lequel on se précautionne dans les pays voisins sont tenus éloignés.

Messieurs, ces projets ne soulèvent pas d’autre discussion que l’utilité spéciale de chacune de ces lignes et la direction des tracés. Déjà la chambre a discuté les principes des conventions et des cahiers des charges en adoptant la convention et le cahier des charges pour le chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse.

Vous n’ignorez pas, messieurs, qu’une très-grande affluence de capitaux étrangers se dirige aujourd’hui vers les chemins de fer. Je ne sais pas si nous avons la garantie que cette même affluence existera encore à la session prochaine. Cette session étant fort avancée, il y a, selon moi, urgence d’examiner et de discuter ces projets qui sont destinés à accroître le mouvement de circulation sur nos propres chemins de fer, à augmenter la richesse industrielle et à donner, pendant bien des années, du travail à la classe ouvrière.

Il me paraît donc, messieurs, que la chambre doit procéder promptement à cet examen, afin que ces projets puissent être discutés et votés dans la présente session. Aussi, je proposerai à la chambre de les renvoyer à la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif au chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse. Le motif qui me détermine est que les conventions sont les mêmes, les cahiers des charges sont les mêmes ; il n’y a que les tracés qui diffèrent.

En France et en Angleterre, c’est ainsi que l’on procède pour l’examen des demandes en concessions. Un comité spécial est formé dans le parlement anglais ou dans la chambre des députés de France, pour examiner tous les projets de concession. Je demande que la chambre veuille suivre le même mode d’examen, et renvoyer les projets à la section centrale qui a étudié le projet de loi relatif au chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse

M. de La Coste – Je conçois l’empressement que la chambre mettra à examiner ces projets. J’apprécie les motifs d’urgence indiqué par M. le ministre. Je les conçois et je les regrette, car veuillez vous rappeler, messieurs, que nous avons un peu ralenti la hâte qu’on voulait mettre dans l’examen du projet relatif au chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse et du projet concernant le chemin de fer de Jurbise, et que le résultat du retard apporté à cet examen a été tout à fait favorable au pays. Il s’est élevé une concurrence entre les compagnies, et cette concurrence a amené dans les deux projets des modifications avantageuses.

Je regrette donc, messieurs, que la session soit tellement avancée, que vous ne consentirez peut-être pas à mettre, dans l’examen des projets qui viennent de vous être soumis, une lenteur dont les résultats pourraient aussi être favorables.

Messieurs, si nous renvoyons ces projets à une section centrale qui n’est pas le résultat du vœu spécial de la chambre manifesté par les sections, nous empêcherons les membres qui auraient des observations de détail à présenter sur ces projets, nous les empêcherons de faire valoir ces observations et d’obtenir peut-être ainsi des modifications utiles dans les conditions, car l’expérience nous prouve que ces observations, si elles étaient présentées dans la discussion publique, n’amèneraient probablement aucun résultat. Nous tomberons encore dans un autre inconvénient, nous empêcherons les localités qui auraient des réclamations à faire et qui n’ont pas prévu une marche aussi accélérée, nous les empêcherons de présenter leurs observations.

Je voudrais donc, messieurs, que l’on renvoyât les projets aux sections. Si l’impatience de la chambre ne s’oppose à l’adoption de cette marche, alors les paroles que je prononce ici doivent servir d’avertissement aux administrations municipales, aux chambres de commerce qui auraient des observations à présenter, afin qu’elles s’adressent, le plus tôt possible, à la chambre et au gouvernement.

A cette occasion, messieurs, je ferai une interpellation à M. le ministre des travaux publics.

Dans une occasion précédente, si je ne me trompe, dans la discussion du budget des travaux publics, j’avais demandé qu’on examinât simultanément et comparativement trois projets qui avaient le même but, savoir, l’établissement d’une voie de communication entre la Sambre et Louvain ; c’étaient le chemin de fer sur Jemeppe ; le canal sur Jemeppe et le chemin de fer par Tirlemont. Je pense que si cette marche, que j’ai indiquée, avait été suivie, l’affaire serait beaucoup plus facile qu’elle ne l’est maintenant, et que l’on aurait évité beaucoup d’objections.

Maintenant l’interpellation que je veux adresser à M. le ministre consiste en ceci : je sais qu’il a reçu, comme moi, des observations verbales de la commission chargée par la ville de Louvain d’examiner le meilleur système de communication entre cette ville et les bords de la Sambre ; mais je lui demanderais s’il a reçu, soit de l’administration municipale de la ville de Louvain, soit de la chambre de commerce, un avis officiel sur cette question. S’il a reçu un semblable avis, je demanderai qu’il en donne communication à la chambre ; s’il n’en a pas reçu, je lui demanderai de provoquer des délibérations à cet égard, de la part de toutes les autorités qui peuvent éclairer la question. Certainement, en principe, je ne suis pas défavorable à une voie de communication dont j’ai très-souvent provoqué l’étude ; mais il me semble que ce serait chose singulière si, relativement à un projet dont un des buts doit être de favoriser ou plutôt d’indemniser la ville de Louvain, on agissait envers cette ville comme agissait envers les Hollandais ce diplomate qui leur disait en termes très-peu diplomatiques : « Nous traiterons de vous, nous traiterons chez vous et nous traiterons sans vous. »

Si M. le ministre des travaux publics insiste pour le renvoi à la section centrale du chambre de l’Entre-Sambre-et-Meuse, je ne proposerai peut-être pas le renvoi aux sections, parce que je craindrais que la chambre ne me donnât tort ; mais je le prie de bien vouloir s’en expliquer et répondre en même temps à l’interpellation que j’ai faite.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – J’insiste pour le renvoi à la section centrale, parce que le renvoi aux sections aurait, à mes yeux, la même signification qu’un ajournement des projets.

L’honorable M. de la Coste me demande si le gouvernement a fait instruire le triple projet d’un chemin de fer de Louvain à Jemeppe, d’un chemin de fer de Tirlemont à Namur, et d’un canal de Louvain à la Sambre. L’honorable membre peut se convaincre, par la lecture du rapport de l’ingénieur qui a été chargé de ces études, que les trois projets ont été étudiés comparativement. A la vérité, le gouvernement, après un examen préalable, étant donné la préférence au projet d’un chemin de fer de Louvain à Jemeppe, comme étant plus réalisable, c’est ce projet qui a servi de base principale aux études.

Je ferais d’abord remarquer à l’honorable M. de La Coste que le projet d’un chemin de fer de Louvain à Jemeppe ne concerne pas seulement Louvain ; c’est un projet d’intérêt général qui concerne et Louvain et le pays de Namur et Tirlemont et la Campine. J’ai reçu une députation de la ville de Louvain, et j’ai examiné, avec toute l’attention qu’elles méritent, les observations qu’elle m’a soumises et qui n’étaient pas en hostilité positive avec le projet du chemin de fer proposé. Des divergentes d’opinions existent à Louvain à cet égard, et je compte sur la discussion pour les faire cesser.

(page 1345) Les observations qui m’ont été faites concernent plusieurs modifications, et principalement l’emplacement de la station à changer. Or, d’après le cahier des charges, le gouvernement reste libre de résoudre cette question, et mon intention est de nommer immédiatement une commission mixte composée d’ingénieurs et de membres du conseil communal de Louvain et de la chambre de commerce, afin de discuter la question de l’emplacement de la station. Je n’en dirai pas davantage sur ce point, car ce serait anticiper sur la discussion du fond, et je me permettrai même de prier les honorables membres qui prendront la parole de bien vouloir se renfermer dans la question de savoir si les projets seront renvoyés aux sections ou à la section centrale qui a examiné le projet relatif au chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse.

M. le président – J’engage les honorables membres à se renfermer dans la question du renvoi qui est seule en discussion.

M. Rodenbach – L’honorable député de Louvain a demandé à la chambre qu’on veuille se hâter lentement, comme on a fait lorsque deux compagnies anglaises ont demandé la concession du chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Je ferai remarquer à l’honorable membre qu’une des sociétés demandait la concession moyennant un minimum de 3 p.c. d’intérêt et de 1 p.c. d’amortissement ; elle demandait donc 4 p.c. au gouvernement. C’est pour cela que, lorsqu’une autre compagnie a demandé la concession sans minimum d’intérêt, je l’ai appuyée de tout mon pouvoir afin de faire gagner à l’Etat un demi-million. Effectivement, nous avons obtenu ce résultat très avantageux.

Mais aujourd’hui les sociétés qui se présentent ne demandent ni minimum d’intérêt ni subside. Elles demandent à apporter leurs capitaux en Belgique et à construire les chemins de fer. Il me semble qu’on ne peut hésiter à accueillir ces demandes lorsque ces concessions ne doivent nuire nullement au railway de l’Etat.

C’est pour cela que j’appuie la proposition de renvoi à la section centrale du chambre d’Entre-Sambre-et-Meuse, avec demande d’un prompt rapport.

J’ajouterai que les membres de la chambre qui appartiennent aux localités où le chemin de fer doit passer, doivent pouvoir se rendre à la section centrale pour faire connaître les détails dont a parlé l’honorable député de Louvain.

Par exemple, j’ai entendu, par la lecture des projets de loi, qu’Ypres serait rattaché au chemin de fer de l’Etat par deux lignes de chemin de fer. Il doit y avoir des intérêts lésés.

C’est pour cela que je demande que les représentants des localités puissent émettre leur opinion dans la section centrale ; car il est possible qu’il ne s’y trouve personne connaissant spécialement ces localités.

Je pense que M. le ministre ne s’opposera pas à ma proposition.

M. David – Je croirais assumer sur ma tête une immense responsabilité, si je repoussais la proposition de l’honorable ministre des travaux publics. Comment ! On fait à la Belgique le plus magnifique cadeau que jamais elle eût pu rêver, un cadeau providentiel ! Et elle voudrait le repousser ! Mais, dans un an, dans six mois, dans six semaines peut-être, est-ce que nous serons à même d’obtenir les avantages qui nous sont maintenant offerts ? Mon patriotisme m’engage à demander que M. le ministre des travaux publics ait raison en cette grave circonstance. La session est avancée, il est vrai. Mais cependant, en présence d’un événement aussi grave, et qui ne se présentera plus, il me semble que la chambre peut bien prolonger de quelques jours ses travaux. Je ne veux pas que l’on concède les affluents qui peuvent nuire au chemin de fer de l’Etat. Mais je demande que l’on se hâte de concéder des chemins de fer qui doivent faire prospérer et enrichir la Belgique..

Un grand nombre de membres – Appuyé ! Appuyé !

M. de Man d’Attenrode – J’ai demandé la parole au moment où M. le ministre des travaux publics est venu nous demander le renvoi de ces projets importants à la section centrale, en se fondant sur ce qu’il n’y aurait à examiner que la question des conditions à imposer aux concessionnaires, que l’intérêt du railway de l’Etat n’était pas engagé.

Quant à moi, j’appuierai les observations de l’honorable M. de La Coste, car je pense que non-seulement les projets de concession peuvent compromettre les intérêts du chemin de fer de l’Etat, mais qu’ils peuvent compromettre aussi des intérêts communaux.

On ne peut, dans une circonstance semblable, brusquer à ce point un objet de cette importance. Il faut avoir le temps d’examiner les projets ; j’ai, quant à moi, des doutes réels sur l’opportunité de ces concessions ; je pense que le chemin de fer de Namur à Liége fera grand tort au chemin de fer de l’Etat, les voyageurs allemands et anglais déserteront la ligne de l’Etat d’Ostende à Liége, et suivront celle de Calais par Lille, Mons, Namur à Liége.

Plusieurs membres – C’est le fond.

M. de Man d’Attenrode – Mais je ne comprends pas cette interruption ; ce que je viens de dire tend à établir l’importance des propositions ; que la question n’est pas claire ; qu’il y a lieu de décider le renvoi aux sections. Au reste, je n’en dirai pas davantage, et je demande le renvoi aux sections.

M. Cogels – Il va sans dire que je m’en rapporterai à la décision de la chambre. Cependant, je préférerais le renvoi aux sections ; car si vous prononciez le renvoi à la section centrale du chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse, cette section serait fortement chargée. Dans ce cas, je demanderais qu’elle fût complétée, c’est-à-dire que les membres absents fussent remplacés. Si l’on veut accélérer le travail, mieux vaudrait sans doute nommer autant de rapporteurs qu’il y a de projets de loi, que de charger un seul membre du rapport sur les quatre projets, car il serait impossible qu’un tel rapport jetât quelques lumières sur la question.

M. d’Huart – C’est le même cahier des charges.

M. Cogels – Oui ; mais il y a les tracés et la question d’utilité.

M. de La Coste – J’avais demandé la parole dans un moment où M. le ministre donnait, sur l’examen comparatif des projets, quelques explications qu’il a ensuite développées davantage. Je n’insisterai donc pas sur ce point pour le moment. Mais je lui demanderai quelle difficulté il y aurait à consulter le conseil communal de Louvain. J’ai fait, à cet égard, une interpellation que j’aurais eu le droit de présenter par motion d’ordre et à laquelle il n’a pas été répondu.

Je demande donc, pour compléter cette interpellation, pourquoi M. le ministre, en présence d’une démarche faite par une commission de la ville de Louvain, qui a présenté des objections au sujet du projet, n’a pas demandé au conseil communal un avis formel ; car maintenant la position où nous nous trouvons est irrégulière.

Après cela, puisqu’il y a des membres qui appuient le renvoi aux sections, et même qui font voir l’impossibilité d’un examen convenable, par la section centrale du chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse, je demande le renvoi aux sections ou du moins une commission ad hoc.

M. Vanden Eynde – Je viens appuyer la dernière proposition de l’honorable M. de La Coste, tendant au renvoi à une commission spéciale. On pourrait ainsi introduire des membres ayant des connaissances spéciales des localités que doit parcourir le chemin de fer. M. le ministre des travaux publics veut renvoyer à la section centrale qui a examiné le projet de loi du chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse un projet de loi qui n’a aucun rapport avec cette localité. On renverrait ainsi les projets de lois à des membres qui n’ont pas reçu de mission spéciale pour examiner les projets présentés.

Je crois que le renvoi aux sections serait plus régulier. Mais puisque la session touche à sa fin et qu’il importe qu’un prompt rapport soit fait sur les quatre projets qui ont été proposés par M. le ministre des travaux publics, je pense que c’est ici le cas nommer une commission de plusieurs membres ; alors la chambre pourra placer dans cette commission ceux de ses membres qui pourraient avoir des connaissances des localités, et qui pourraient être plus ou moins intéressés à donner des explications dans la section centrale, avant que le rapport soit présenté à la chambre.

J’appuie donc la demande l’honorable M. de La Coste, demande tendant à renvoyer l’examen des projets à une commission spéciale qui sera nommé par la chambre.

M. Malou – Messieurs, je suis surpris de la discussion qui s’élève. La question est extrêmement simple. Des capitaux étrangers vous sont offerts pour la construction de lignes perpendiculaires au chemin de fer. J’en suis convaincu que les honorables membres qui connaissent le mieux les localités intéressées à la construction de ces chemins de fer s’applaudiront tous de les voir exécuter. Il y a pourtant une exception. Il paraît que, dans un des arrondissements qui ont intérêt à l’exécution des travaux dont il s’agit, l’on aspire au mieux. Je ne sais si l’on calcule bien. Quoi qu’il en soit, si le renvoi du projet relatif au chemin de fer de Jemeppe devait rencontrer quelques difficultés, je pense qu’il n’en est pas du tout de même des autres. Je demanderai qu’on procède par division dans le vote, et qu’au moins les projets qui ne donnent lieu à aucune contestation soient renvoyés à la section centrale qui a examiné le projet de loi concernant le chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Il est évident que si l’on nomme des commissions spéciales, ou si l’on renvoie les projets aux sections, on les renvoie à la session prochaine ; on fait, comme on dirait en Angleterre, un ajournement à 6 mois, ce qui est le rejet.

J’insiste donc vivement pour qu’on renvoie au moins les trois projets non contestés à la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif au chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse.

M. Verhaegen – La question est de savoir si on renverra les projets aux sections, ou à une commission spéciale, ou à la section centrale qui a été chargée d’examiner le projet de loi relatif au chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse. En thèse générale, il faut le renvoi aux sections. Y a-t-il des motifs suffisants pour admettre une exception en cette circonstance ?

On fait à cet égard du patriotisme ; c’est très-beau ; on pourrait se laisser entraîner par les paroles chaleureuses de l’honorable M. David. Mais il faut voir les choses froidement. Il y a ici une question qui domine toutes les autres. Les projets de chemin de fer dont il s’agit doivent-ils porter préjudice aux lignes des chemins de fer de l’Etat ?

On veut renvoyer les projets à la section centrale du chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse. Je ne sais s’il convient de les renvoyer à une commission dont l’opinion en matière de concessions, est connue. L’affaire me paraît assez importante pour que l’on consulte tous les membres de la chambre réunis dans leurs sections respectives. S’il le faut, la chambre siégera pendant quinze jours ou trois semaines de plus pour examiner ces projets avec maturité. D’ailleurs, vous n’irez pas plus vite, en renvoyant les projets à la section centrale du chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse.

Il faudra que chacun des membres ait pu former son opinion ; il n’ira pas sans doute voter en aveugle. Chacun voudra savoir si, en votant pour tel ou tel projet, on ne porte pas préjudice aux lignes du chemin de fer existantes. Ce seront des questions à examiner et, pour les résoudre, il faudra que nous ayons tous les renseignements nécessaires. Or, dans l’hypothèse du renvoi des projets, soit à la section centrale du chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse, soit à une commission spéciale, ceux d’entre nous qui n’auront (page 1346) pas fait partie de cette commission ou de cette section centrale, demanderont des renseignements. Ils voudront s’éclairer, ils n’auront pas pu s’éclairer comme ils auraient pu le faire, si les projets avaient été renvoyés aux sections. Je suis convaincu qu’il nous faudra moins de temps, pour la discussion et le vote des projets, si nous suivons les formes ordinaires, au lieu de renvoyer les projets à l’ancienne section centrale ou à une commission spéciale.

Messieurs, après des discussions bien longues, l’on a adopté le principe que l’Etat devait se charger de la construction des chemins de fer. Comme le disait récemment l’honorable M. Eloy de Burdinne, on a dépense pour cet objet 200 millions, et voilà que tout d’un coup, sans examiner de nouveau la question, on veut abandonner à l’industrie particulière ce que, dans le principe, on s’était réservé pour soi-même.

Je demande donc qu’on suive les règles ordinaires , et que les projets soient renvoyés aux sections.

M. d’Huart – Messieurs, au risque d’encourir le reproche qui a été adressé à l’honorable M. David, je m’associe pleinement aux paroles qui ont été prononcées par cet honorable membre. Je crois avec lui qu’il est du plus haut intérêt pour la Belgique de ne pas laisser échapper l’occasion de doter le pays d’un réseau de chemins de fer qui présentent une utilité incontestable. En effet, sans avoir examiné les projets, à la simple lecture qu’on en a faite, on a pu reconnaître qu’il importe que la construction de ces chemins de fer ait lieu le plus tôt possible. Or, comme l’a fait observer avec beaucoup de raison l’honorable M. David, les choses peuvent changer de face dans un intervalle assez court ; et à la session prochaine, nous serions exposés à ne plus trouver sur le tapis aucun de ces projets de chemins de fer dont l’exécution intéresse si vivement le pays.

Le renvoi dans les sections serait le renvoi à la session prochaine ; car, il ne faut pas se le dissimuler, le renvoi aux sections entraînerait un délai très-long. Or, on ne peut guère espérer de voir la session actuelle se prolonger beaucoup ; dans trois semaines, nous aurons de la peine à nous trouver en nombre ; car nous devons voir les choses dans la réalité, et ne pas trop présumer d’avance de nos forces.

Le renvoi des quatre projets à la section centrale qui a été chargée de l’examen du projet de loi relatif au chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse, présente l’avantage que cette section centrale connaît parfaitement le cahier des charges admis pour ce chemin, ce cahier des charges qui est semblable à ceux qui nous sont soumis en ce moment.

Du reste, l’objection principale que l’on oppose contre le renvoi des projets à la section centrale, est celle-ci ; c’est que les membres de la chambre qui auraient des observations spéciales à présenter, ne pourraient pas les présenter ; mais c’est là une grande erreur. Jamais il n’a été interdit à un membre de la chambre de se rendre dans le sein d’une commission ou d’une section centrale, pour présenter des observations ; bien au contraire, on a toujours accueilli les observations avec plaisir. Ainsi, dans le cas actuel, ceux de nos collègues qui auront des explications à donner sur les projets, rendront un véritable service à la commission et à la chambre, en fournissant des renseignements.

Je crois donc que le renvoi, proposé par M. le ministre des travaux publics, offre tous les avantages possibles.

Du reste, il ne sera pas difficile, je pense, d’apprécier la question de savoir si ces nouveaux chemins de fer nuiront plus ou moins aux lignes construites par l’Etat. Les chemins de fer dont la construction est projetée sont en général perpendiculaires au chemin de fer de l’Etat ; il sera facile à chacun de vous d’avoir ses apaisements et de reconnaître que, loin de nuire au chemin de fer de l’Etat, ces nouvelles lignes en seront des affluents fort utiles.

M. Pirmez – Je pense aussi que le renvoi aux sections serait un ajournement à la session prochaine, et c’est pour cette raison que je dois m’opposer à ce que la motion de M. Malou, qui tend à faire distraire le chemin de fer de Jemeppe à Louvain de l’examen général des projets, soit adoptée

Cette mesure pourrait faire retarder l’exécution de ce chemin de fer, et on ne voit pas pourquoi on lui donnerait cette défaveur. C’est le seul projet sur lequel, dit-il, il se présente des objections ; mais il n’existe réellement aucune objection. Peut-on regarder comme une objection la demande d’entendre les observations d’un conseil communal ? Il faut, messieurs, suivre la même marche et placer tous les projets sur la même ligne.

M. Dumortier – Je conçois, comme mes honorables collègues, toute l’importance des projets qui ont été présentés par M. le ministre des travaux publics ; je conçois aussi les embarras qui naissent dans la discussion actuelle. Ces embarras proviennent de deux causes : d’une part on désire pouvoir voter ces chemins de fer au cours de la session ; d’autre part, les membres qui représentent les localités intéressées dans la question sont sûrs de ne pas être entendus dans l’examen préalable des projets qui intéressent ces localités.

On vous demande, messieurs, le renvoi des quatre projets à la section centrale qui a été chargée d’examiner le projet de loi du chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Rappelez-vous comment les choses se sont passées. Pourquoi ce projet de loi a-t-il subi un examen si rapide ? pourquoi a-t-il été voté si vite par la chambre ? c’est que tous les intéressés étaient tombés d’accord. Eh bien, vous voulez encore aller vite ; adoptez donc le même principe ; faites en sorte que les intéressés tombent d’accord, et alors vous éviterez, dans le sein de cette assemblée, de très-longues discussions.

Les membres de la section centrale qui a été chargée d’examiner le projet de loi relatif au chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse, par le fait même qu’ils étaient presque tous des localités que ce chemin devait traverser sont étrangers aux diverses localités qui peuvent intéresser les chemins de fer qu’on vient de présenter. Dès lors l’examen de ces projets ne peut pas être fait avec la même rapidité que celui du projet pour lequel ils ont été nommés. Mais il me semble qu’il y a un moyen très-facile de concilier toutes les demandes ; c’est de charger le bureau de nommer quatre commissaires pour l’examen des quatre projets.

De cette manière tous les intérêts seront représentés ; vous éviterez les retards et vous concilierez les vœux légitimes de chaque localité. Il ne faut pas qu’une localité qui se trouverait blessée dans ses intérêts, dans le tracé d’un projet, puisse entraver l’examen des projets dont les localités qu’ils intéressent sont satisfaits. Si une localité est mécontente d’un tracé, elle fera valoir ses motifs ; et si on n’a pas le temps de les examiner dans la session actuelle, on n’en pourra pas moins voter les autres projets.

Le cahier des charges est une chose secondaire ; celui du chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse a été adopté à l’unanimité ; ce n’est plus la question qui soulèvera des discussions dans cette enceinte, elles porteront sur les localités que les chemins de fer devront traverser ; dès lors, il est plus rationnel de nommer une commission pour l’examen de chacun des quatre projets. Le bureau aura soin d’introduire dans ces commissions des membres appartenant aux localités intéressées. De cette manière, comme je l’ai déjà fait voir, on ira beaucoup plus vite.

Quant à la nomination d’une section centrale, je n’en suis pas partisan ; ce moyen est trop long ; il suffit qu’une ou deux sections soient en retard de nommer leur rapporteur pour entraver l’examen des projets. La nomination de quatre commissaires, au contraire, présente le double avantage de la célérité et de la représentation de tous les intérêts. La chambre ne peut pas hésiter à adopter ce mode d’examen.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je ne m’oppose pas formellement à la motion de l’honorable M. Dumortier, qui tend au même but que la mienne. J’ai proposé le renvoi à la section centrale du chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse, parce qu’elle avait examiné les bases de la convention et du cahier des charges. L’examen des quatre projets aurait lieu d’après des vues d’ensemble. Il est vrai de dire que le cahier des charges peut être considéré aujourd’hui comme l’accessoire du projet, et le tracé comme l’objet principal. Si ma proposition est admise, je proposerai à la chambre de décider que la section centrale, constituée en commission, entendrait les députés des diverses localités sur les questions de tracé. Je trouve la proposition que j’ai faite préférable ; mais, cependant, je ne m’oppose pas à la motion de l’honorable M.Dumortier, qui s’en éloigne assez peu.

Je ferai cependant une remarque. Je pense qu’il serait bien, si cette motion était adoptée, que le bureau comprît les membres de la section centrale qui a examiné la loi relative au chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse dans les commissions, parce que ces membres, ayant étudié en détail les conditions de la convention et du cahier des charges, pourront apporter des lumières dans les commissions. Ce serait une conciliation des diverses propositions.

M. d’Huart – Si le gouvernement abandonne sa proposition, je la reprends.

- Cette proposition est mise la première aux voix.

La première épreuve est douteuse, elle est renouvelée.

La proposition est adoptée.

M. Vanden Eynde – L’honorable M. Cogels a fait observer que la section centrale n’était pas complète ; en effet, plusieurs des membres de cette section centrale ne sont pas à Bruxelles.

Plusieurs membres – Le bureau pourvoira à leur remplacement

M. Vanden Eynde – Je demande qu’on nous laisse un intervalle de deux jours au moins pour examiner les propositions de M. le ministre avant que la section centrale se réunisse, afin que nous puissions lui soumettre nos observations, sans cela, nous devrions les faire en séance publique, ce qui pourrait empêcher que le vote ait lieu dans cette session (C’est entendu.)

Ordre des travaux de la chambre

M. de Sécus – Messieurs, j’ai demandé la parole pour appeler l’attention de la chambre sur le projet de loi relatif au chemin de fer de Jurbise, dont le vote présente un caractère d’urgence, car tout le monde connaît que la chambre ne tardera pas à se séparer. Je pense qu’on pourrait mettre ce projet de loi à l’ordre du jour après le vote sur l’organisation de l’armée.. La discussion ne prendra pas beaucoup de temps, les difficultés que pouvait présenter le projet, se trouvant aplanies par l’adhésion de la compagnie à toutes les modifications que la section centrale a proposées au cahier des charges. On pourrait reprendre ensuite le projet de loi relatif à la réorganisation de la poste aux chevaux.

Je propose de mettre le projet de loi relatif au chemin de fer de Jurbise à l’ordre du jour, après la loi d’organisation de l’armée.

M. Orts – Puisqu’il est décidé que les projets seront renvoyés à l’examen de la section centrale du chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse, je demande que les quatre projets soient imprimés dès demain au Moniteur si c’est possible, afin que le pays en ait connaissance.

M. le président – Les projets ayant été lus à la tribune, ils seront imprimés au Moniteur.

M. Orts – Et les conventions également.

M. Vanden Eynde – Je demande également que toutes les pièces justificatives du projet soient imprimées, afin que tous les intéressés en (page 1347) aient connaissance et soient ainsi mis à même de présenter leurs observations à temps. Il ne faut pas qu’on vote ce projet avant que les communes intéressées aient eu le temps de faire leurs réclamations.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je ne comprends pas ce qu’entend l’honorable membre par pièces justificatives des projets.

J’ai joint aux projets les conventions et les cahiers des charges.

S’il a voulu parler des volumineux mémoires des ingénieurs qui ont été remis au gouvernement comme études, l’impression au Moniteur n’en est pas possible. Je ne sais pas de quelles pièces l’honorable membre veut parler. Je pense que le cahier des charges pourra provoquer toutes les observations, auxquelles les projets sont de nature à donner lieu.

M. Vanden Eynde – Je ne demande pas l’impression des mémoires des ingénieurs, mais bien des pièces qui puissent mettre les intéressés à même de connaître le tracé. C’est à propos du projet relatif à Jemeppe que je fais cette observation. Il est nécessaire qu’on ait connaissance du tracé du prolongement de ce chemin vers la Campine. Je demande donc qu’on fasse connaître le tracé de Jemeppe à Louvain et de Louvain vers la Campine, afin que tous les intéressés et ceux de la Campine elle-même puissent faire leurs observations pour le cas où ce tracé ne leur conviendrait pas.

- La chambre décide que toutes ces pièces seront imprimées.

M. Simons – Je demande la parole sur la motion de l’honorable M. de Sécus.

Je demande que l’ordre du jour qui a été réglé par la chambre soit maintenu. Le principal motif qui me détermine à faire cette demande, c’est que mon honorable collègue, M. de Renesse, qui a parfaitement examiné la question qui se rattache au chemin de fer de Jurbise à Tournay et à l’embranchement de Hasselt sur St-Trond, est indisposé et ne pourra d’ici à deux jours se rendre à la chambre pour exposer son opinion ; j’espère que cette considération ne sera pas repoussée par la chambre.

Il y a, au reste, un autre motif pour maintenir l’ordre du jour fixé, c’est que le projet de loi relatif aux maîtres de poste, dont la discussion est déjà très avancée, n’est pas moins urgent que celui pour lequel on demande la priorité et doit avoir le pas sur un projet dont la discussion n’a pas été commencée.

Je demande donc formellement, messieurs, pour ces deux motifs, que l’ordre du jour tel qu’il est réglé soit maintenu et qu’après la discussion et le vote du projet de loi sur l’organisation de l’armée, nous nous occupions du projet de loi sur les péages et nous continuions ensuite la discussion du projet de loi relatif à la réorganisation de la poste aux chevaux.

M. Dumortier – Messieurs, je viens appuyer la motion qui vous a été faite par mon honorable collègue et ami M. le baron de Sécus. Il est enfin temps de mettre à l’ordre du jour le projet de loi relatif au chemin de fer de Jurbise. Le rapport est distribué depuis plus de quinze jours ; déjà avant notre séparation il en était fortement question. Ainsi j’espère que la chambre ne tardera pas davantage à examiner ce projet de loi si important.

Il y a d’ailleurs urgence, messieurs ; vous savez qu’il y avait un terme fatal pour la société qui avait demandé la concession et que ce terme est déjà écoulé.

Je ne vois d’ailleurs aucun motif pour s’opposer à ce que ce projet soit discuté immédiatement après celui sur l’organisation de l’armée. Je ferai remarquer à l’honorable préopinant que plus de deux jours s’écouleront avant que cette discussion puisse avoir lieu et que par conséquent notre honorable collègue M. de Renesse pourra y prendre part.

M. David – Messieurs, je ne conçois pas comment on peut vous demander d’intervertir l’ordre du jour. La loi de prorogation des péages est des plus urgente. Il importe aussi que nous terminions l’examen du projet de loi sur la réorganisation de la poste aux chevaux.

Ces deux lois doivent donc venir en première ligne. Je ne m’oppose nullement à ce qu’on s’occupe immédiatement après du projet de loi relatif au chemin de fer de Jurbise.

M. de Sécus – Je me rallie à la proposition de l’honorable M. David. Je demande donc que le projet de loi relatif au chemin de fer de Jurbise soit mis à l’ordre du jour immédiatement après ceux sur les concessions de péages et sur la réorganisation de la poste aux chevaux.

(page 1364) M. Donny – Je ne veux pas m’opposer à ce qu’on discuter le projet de loi relatif au chemin de fer de Jurbise. Au contraire je désire que nous nous en occupions le plus tôt possible. Mais je crois, comme l’honorable M. David, qu’il faut commencer par épuiser l’ordre du jour et discuter d’abord le projet de loi relatif aux concessions de péages et celui relatif à la réorganisation de la poste aux chevaux.

(page 1347) M. Delfosse – Je ferai remarquer que le projet de loi relatif à la construction du canal latéral de la Meuse a été présenté en même temps que celui sur le chemin de fer de Jurbise. La chambre pourrait donc mettre ces deux projets à l’ordre du jour en même temps.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je crois que la question est assez simple.

Il me paraît impossible de ne pas achever la discussion du projet de loi sur la réorganisation de la poste aux chevaux. Il y a aussi à l’ordre du jour le projet de loi sur les concessions de péages qui, je pense, ne nous prendra pas beaucoup de temps.

Dès lors, on pourrait mettre le projet de loi relatif au chemin de fer de Jurbise, et puis celui relatif au canal latéral de la Meuse à l’ordre du jour immédiatement après les deux projets que je viens d’indiquer.

M. de Sécus – J’ai déjà déclaré que je me ralliais à cette proposition.

- La chambre décide qu’elle met à l’ordre du jour, après le projet de loi sur l’organisation de l’armée ;

1° le projet de loi relatif aux concessions de péages ;

2° le projet de loi relatif à la réorganisation de la poste aux chevaux ;

3° le projet de loi relatif au chemin de fer de Jurbise ;

4° le projet de loi relatif au canal latéral à la Meuse.

Projet de loi sur l’organisation de l’armée

Discussion des articles

Cadre des officiers du génie

M. le président – Nous sommes arrivés au paragraphe relatif à l’état-major du génie.

Voici la proposition du gouvernement :

« Officiers subalternes, 47. »

La section centrale adopte ce chiffre ; mais elle propose un article nouveau, l’art. 7, que je crois devoir mettre en discussion en même temps que le chiffre.

M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) – A la fin de séance de samedi, l’honorable M. Brabant a fait remarquer qu’il se présente, à l’occasion du génie une question très-grave.

Je regrette sincèrement l’absence de l’honorable membre, et surtout la cause malheureuse de cette absence. Mais je crois que cette question ne peut être retardée. Elle ne concerne pas seulement le chiffre proposé pour les officiers du génie, mais aussi et principalement l’art. 7 du projet de la section centrale.

Messieurs, je viens vous déclarer que le gouvernement ne peut se rallier à la rédaction de cet article, et vous proposer d’y substituer un amendement ainsi conçu :

« Les emplois vacants de sous-lieutenants dans l’état-major particulier du génie, seront donnés exclusivement aux élèves de l’école militaire qui auront satisfait aux examens de sortie, exigés pour les armes spéciales.

« Les emplois vacants de sous-lieutenants dans les troupes du génie, seront donnés : les 2/3 aux élèves de l’école militaire ayant satisfait aux conditions prémentionnées, à moins d’insuffisance de sujets capables ; un tiers aux sous-officiers de ces troupes qui, après examen, auront été reconnus capables de remplir ces emplois.

« Les lieutenants ou capitaines de cette dernière catégorie ne seront admis aux emplois dans l’état major particulier du génie, qu’après avoir satisfait à un nouvel examen, dont le programme sera fixé par arrêté royal.

« Les règles de passage des officiers de l’état-major particulier du génie dans les troupes de cette arme, feront l’objet de dispositions réglementaires à déterminer par arrêté royal. »

Je demande à la chambre de pouvoir lui expliquer les motifs de cet amendement.

Examinons d’abord la portée de l’art. 7 du projet de la section centrale.

Le § 1er porte : « L’avancement sera distinct pour l’état-major et pour les troupes du génie. »

Ce principe, messieurs, est, selon nous, contraire aux véritables intérêts du corps du génie.

Il établit une règle tout à fait différente de celle que vous avez adoptée dans la loi d’avancement pour les autres corps de l’armée. Il est, de plus, contraire à l’état de choses établi par un arrêté royal de 1842, pris sur la proposition de mon honorable prédécesseur, le général de Liem.

Il tend à bouleverser, et sans utilité réelle, la situation créée pour le corps du génie par cet arrêté.

Les paragraphes 2 et 3 de l’art. 7 du projet de la section centrale portent : « Les 2/3 des emplois au-dessous de celui de major, dans les troupes du génie, seront réservés aux officiers de l’état-major du génie qui seront détachés temporairement pour remplir ces emplois. »

« Le tiers restant sera réservé aux sous-officiers des troupes du génie. »

C’est là, messieurs, un principe tout à fait contraire à ceux que vous avez posé dans la loi d’avancement du 16 juin 1836.

L’art. 7 de cette loi porte que, dans les troupes d’artillerie et du génie, les 2/3 au plus des emplois de sous-lieutenant seront donnés aux élèves de l’école militaire, à moins d’insuffisance de sujets capables ; un tiers est assuré aux sous-officiers.

Remarquez, messieurs, que la loi de 1836 est beaucoup plus libérale que la proposition de la section centrale.

En effet, la rédaction de cette loi, toujours toute favorable à la classe des sous-officiers, fixe le tiers des places de sous-lieutenants comme un minimum assuré à cette classe ; et quant à l’avancement dans les grades ultérieurs, cette loi ne divise plus les sous-officiers en deux catégories. Elle détermine la part de l’ancienneté et la part du choix.

Elle permet de fixer le choix sur le plus méritant.

Elle ne nous force pas à demander à des officiers tous également honorables : « D’où venez-vous ? » Mais elle nous permet de demander : « Que savez-vous ? » Et ici, messieurs, remarquez-le bien, elle est d’accord avec toutes vos institutions, avec le principe d’égalité et de liberté d’instruction.

Dans les lois sur l’enseignement universitaire, vous avez aussi établi, messieurs, qu’il ne faut pas demander aux candidats s’ils ont puisé leur instruction, soit dans des universités de l’Etat, soit dans des universités libres ou dans des études privées ; tous indistinctement sont admis à concourir pour l’obtention du titre de candidat en droit, en médecine, etc., ou de celui de docteur en droit, en médecine, etc. La capacité, telle est la condition unique dans le civil, telle doit être aussi la principale condition pour l’avancement militaire au choix.

Remarquez encore, messieurs, que l’effet des § 2 et 3 de l’amendement proposé par la section centrale sera d’établir une perturbation continuelle dans la liste d’ancienneté des officiers du régiment et de l’état-major du génie (page 1348), vu que l’avancement par ancienneté ne pourra avoir lieu régulièrement.

Supposez en effet que six places de capitaine soient vacantes ; il y aura trois places à donner à l’ancienneté et trois au choix. Le choix sera le plus souvent en faveur de celui qui aura reçu à un plus haut degré les bienfaits de l’instruction ; les élèves de l’école militaire y trouveront par conséquent une large part. Mais quant à l’ancienneté, vous serez liés, messieurs, par l’amendement en question et forcés par cet amendement de donner des places de capitaine à des lieutenants sortis de l’école militaire, une seule à d’anciens sous-officiers ; vous serez parfois obligés d’intervertir leur ancienneté relative. Ainsi, dans le cas ou trois anciens sous-officiers se trouveraient à la tête de la liste, vous ne pourrez, messieurs, satisfaire au vœu de la loi de 1836, et vous serez forcés de prendre deux officiers moins anciens dans une autre catégorie.

Je sais qu’on pourrait trouver un exemple tout opposé ; mais ce cas même vous conduira à la conclusion que vous vous trouverez le plus souvent dans l’impossibilité de satisfaire à la loi de 1836, qui ne parle que d’une ancienneté de fait.

Ces observations et d’autres qui pourront être développées encore, justifient, messieurs, le refus que nous faisons d’adhérer à l’amendement de la section centrale.

Il me reste à expliquer à la chambre les motifs qui ont engagé le gouvernement à ne pas demander le rejet pur et simple de l’art. 7 du projet de la section centrale, et qui lui ont fait préférer d’y substituer un amendement nouveau.

Il est, messieurs, des questions que ne tranche pas la loi de 1836 ; telles sont celles du mode de recrutement du corps d’état major, de l’état-major du génie, du corps de l’intendance et du service de santé, ainsi que du mode d’avancement dans ces deux derniers corps.

La question des cadres résolue, nous devrons vous soumettre un projet de loi à cet égard à la prochaine session. Nous eussions pu comprendre dans ce projet de loi la question qui nous occupe ici, mais, messieurs, cette question est devenue tellement irritante, tellement fâcheuse pour la discipline dans l’une de nos principales armes, que nous avons cru qu’il était indispensable de la trancher immédiatement.

J’ai reçu hier, à cet égard, des rapports des plus fâcheux, et indépendamment des mesures de rigueur que je serai peut-être obligé de prendre pour le maintien de la discipline et afin d’imposer silence à des intérêts particuliers mal compris, je crois qu’il est nécessaire que la chambre prenne des dispositions législatives qui fassent immédiatement disparaître toute espèce de doute.

Je désire d’ailleurs, messieurs, par mon amendement, venir au-devant des vœux de la section centrale pour autant qu’ils soient conciliables avec une bonne organisation de l’armée.

Si je n’avais éprouvé ce désir d’avance, il naîtrait naturellement de l’absence de notre honorable contradicteur.

Le 1er § de mon amendement entre, je pense, dans les vues de la section centrale.

Il est ainsi conçu : « Les emplois vacants de sous-lieutenant dans l’état-major particulier du génie, seront donnés exclusivement aux élèves de l’école militaire qui auront satisfait aux examens de sortie exigés pour les armes spéciales. »

Le § 2 porte : « Les emplois vacants de sous-lieutenant dans les troupes du génie seront donnés : les deux tiers aux élèves de l’école militaire ayant satisfait aux conditions prémentionnées, à moins d’insuffisance de sujets capables ; un tiers aux sous-officiers de ces troupes qui, après examen, auront été reconnus capables de remplir ces emplois. »

Ce paragraphe ne peut rencontrer d’opposition de la part de la section centrale ; il mène, je pense, au but qu’a voulu atteindre cette section et a l’avantage d’être entièrement conforme à la loi de 1836 qu’il est destiné à compléter.

Je passe au §3 : « Les lieutenants ou capitaines de cette dernière catégorie ne seront admis aux emplois dans l’état major particulier du génie, qu’après avoir satisfait à un nouvel examen, dont le programme sera fixé par arrêté royal. »

Vous le voyez, messieurs, ce paragraphe, en assurant la bonne composition du corps de l’état-major du génie, a pour but d’encourager les études chez les officiers provenant de la classe des sous-officiers et est basé sur les principes d’égalité.

Par le § 4, j’ai cru remplir également une lacune qui existe aujourd’hui.

Ce paragraphe, messieurs, établit que : « Les dispositions réglementaires du passage des officiers de l’état-major particulier du génie dans les troupes de cette arme feront l’objet de dispositions réglementaires à déterminer par arrêté royal ».

Il serait impossible, messieurs, d’introduire ces dispositions dans une loi, vu qu’elles doivent prévoir mille cas particuliers qui peuvent se présenter.

M. d’Huart – Je demande l’impression de l’amendement.

M. Manilius – Messieurs, après les longs développements que M. le ministre de la guerre vient de présenter à l’appui de son amendement, la chambre aura compris, comme le gouvernement et comme la section centrale l’a compris, que la question est très-grave. Je viens donc proposer à la chambre de renvoyer cet amendement à la section centrale, afin qu’elle l’examine avec maturité et prudence.

Peut-être que dès demain elle sera à même de vous faire un rapport et, pour ne pas interrompre la discussion, on pourrait aborder les dispositions relatives à l’état major général.

M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) - Les observations de l’honorable membre sont très fondées et j’empresse de m’y rallier.

L’amendement présenté par M. le ministre de la guerre est renvoyé à l’examen de la section centrale. il sera imprimé et distribué.

Cadre des officiers de la section de réserve et du personnel du service de santé

M. Verhaegen – Messieurs, j’ai deux dispositions additionnelles à présenter. Je demanderai à la chambre de bien vouloir en entendre la lecture. Peut-être jugera-t-elle à propos d’en ordonner l’impression et le renvoi à la section centrale.

La première de ces dispositions viendrait à l’art. 5. Elle est ainsi conçue :

« Par dérogation à l’art. 4 de la loi du 16 juin 1836, les officiers chargés de missions ou d’un service spécial à l’étranger, en dehors de l’emploi de leur grade, cesseront d’être dans la position d’activité.

« Ils passeront dans la réserve jusqu’à ce qu’ils rentrent dans leur emploi. »


La seconde disposition se rattache au paragraphe de l’art. 2 qui concerne le service de santé. Elle est ainsi conçue :

« Les officiers du service de santé (médecins et pharmaciens) sont assimilés, en ce qui concerne la solde, aux officiers de l’état-major général, d’après la correspondance des grades. »

M. Delfosse – Il est nécessaire que M. Verhaegen développe son amendement, pour que la section centrale puisse en apprécier les motifs.

M. d’Huart – Le premier amendement de l’honorable M. Verhaegen peut très-bien se rattacher à la loi. Mais je lui demanderai s’il ne trouverait pas plus convenable de renvoyer son amendement au budget de la guerre ; car il ne s’agit là que du chiffre et du traitement ; or, la loi n’a aucun rapport avec le traitement.

M. Verhaegen – Je me charge de répondre à cette objection.

M. d’Huart – Ce n’est pas une objection. c’est une simple demande que je vous soumets pour savoir s’il ne conviendrait pas de renvoyer au budget cette question de chiffre et de traitement.

- L’amendement présenté par M. le ministre de la guerre est renvoyé à l’examen de la section centrale.

M. le président – La chambre veut-elle entendre maintenant les développements des amendements présentés par M. Verhaegen.

M. Lys – M. Verhaegen pourrait être entendu par la section centrale.

M. Delfosse – Il faut savoir si l’amendement est appuyé. On ne peut renvoyer un amendement à une section centrale que s’il est appuyé. On ne peut l’appuyer que s’il est développé. (Adhésion.)


M. le président – La parole est à M. Verhaegen.

M. Verhaegen – Messieurs, la première disposition additionnelle que j’ai l’honneur de proposer est la conséquence de ce que j’ai déjà eu l’honneur de vous dire dans une séance précédente, à la suite d’un débat qui a surgi entre M. le ministre de la guerre et l’honorable M. d’Huart.

D’après moi, les cadres doivent toujours être tenus au complet. C’est dans ce sens que j’ai eu l’honneur de vous soumettre mes observations.

Messieurs, une disposition de la loi de 1816 avait depuis longtemps fixé mon attention : j’avais trouvé dans cette loi que certains officiers chargés de missions en dehors de l’emploi de leur grade prennent la place d’autres officiers qui pourraient être très utiles et qui restent perdus dans la réserve. La présomption d’activité dans le chef de ceux qui ne rendent pas actuellement les services attachés à leur grade porte préjudice et à la bonne organisation de l’armée, en laissant les cadres incomplets, et à la position d’officiers très-capables qui restent oubliés dans la réserve.

J’ai pensé qu’on pourrait fort bien appeler à l’activité des officiers qui sont dans une position de réserve, et qu’on pouvait mettre au moins momentanément dans la réserve, les officiers qui se trouvent avoir des missions à l’étranger et qui par cela même, sont dans l’impossibilité de remplir, activement les fonctions attachées à leur grade. Tel est le but de ma disposition.

L’art. 4 de la loi du 16 juin 1816 porte :

« Les officiers chargés de missions ou d’un service spécial en dehors de l’emploi de leur grade conservent leur position d’activité. »

Comme nous faisons une loi d’activité, nous nous occupons de la réserve aussi bien que de la position d’activité, et je pense, messieurs, qu’il y avait lieu de saisir cette occasion pour faire cesser l’inconvénient dont je viens de vous entretenir.

Nous partons de cette idée que les cadres doivent toujours se trouver complets. M. le ministre de la guerre, sur une intervention que je me suis permis de lui adresser, a déclaré qu’il partageait mon opinion. D’autres membres ont pensé qu’il fallait laisser, à cet égard, liberté entière au gouvernement. Une troisième opinion a surgi, d’après laquelle, si les cadres doivent être complets, il peut cependant y avoir un intervalle quelconque, un délai moral entre le moment où la place devient vacante et le moment de la nomination. Comme j’ai eu l’honneur de le dire tantôt, en faisant cette observation, j’avais fixé mon attention sur l’art. 4 de la loi de 1816.

Nous avons des officiers et des officiers supérieurs qui remplissent des missions en dehors de leur emploi ; ces officiers sont considérés comme étant en activité, ils prennent la place d’autres qui pourraient fort bien remplir cet emploi et qui se trouvent placés dans la réserve. N’est-il pas plus naturel de placer dans la réserve, aussi longtemps que dure leur mission spéciale, ceux qui ne sont pas réellement en activité, quant à leur emploi ? On laisserait ainsi la place à d’autres, sauf à ceux qui ont cette mission (page 1349) spéciale, de reprendre leur position d’activité lorsque leur mission aurait cessé. Je crois que ce serait là un acte de justice, et que la bonne organisation y gagnerait. Il est temps, messieurs, d’éviter, dans l’armée comme partout ailleurs, ces cumuls qui excitent des plaintes de tous côtés. Il faut se contenter d’une seule position. Il y a des hommes qui occupent quatre ou cinq fonctions différentes, dont d’autres ont tout le mérité ; cela ne doit pas être.

C’est, messieurs, par cette grande considération que j’engage la chambre à proclamer le principe dont je viens prendre la défense, et à déroger, en tant que de besoin, à la loi de 1816 ; j’ose espérer que M. le ministre de la guerre, comprenant comme moi, que l’organisation ne peut y gagner, appuiera la disposition additionnelle que j’ai l’honneur de proposer.

- La chambre ordonne l’impression de l’amendement et le renvoi à l’examen de la section centrale.


M. Verhaegen – Quant à mon autre amendement, messieurs, je suis obligé d’entrer dans de plus longs détails. Ces détails, je vais avoir l’honneur de vous les soumettre.

La loi soumise aux délibérations de la chambre n’est pas exclusivement, quoi qu’on ait pu dire, une loi de fixation des cadres.

Des dispositions y ont été introduites, tant par le gouvernement que par la section centrale, qui tendent à poser certains faits qui n’ont aucune espèce de rapport avec cette fixation.

Nous croyons donc pouvoir saisir cette occasion pour faire cesser une injustice qui n’a duré que trop longtemps ; nous croyons pouvoir le faire avec d’autant plus de raison qu’il s’agit bien réellement, dans notre proposition, d’un point d’organisation.

Ce que nous avons à dire se rapporte au service de santé de l’armée.

Il s’en faut que ce service ait été considéré et traité jusqu’ici, comme il a le droit de l’être, comme l’exigent surtout les longues études et les connaissances variées de ceux qui y consacrent leur existence.

Nul ne peut y entrer, en qualité de médecin, qu’à la condition d’être docteur. Nous supposons, en effet, que telle est la règle adoptée par M. le ministre de la guerre, car une conduite contraire serait en opposition avec les exigences impérieuses de notre loi sur l’enseignement supérieur, dont un article prescrit que : « Nul ne peut exercer comme médecin s’il n’a été reçu docteur de la manière prescrite par cette loi. »

Or, ai-je besoin d’indiquer, de tracer ici les nombreuses connaissances que l’on exige de celui qui se présente devant le jury pour l’obtention du grade de docteur ? les longues et pénibles études que l’acquisition de ces connaissances lui a coûtés ?

Vous le savez, messieurs, dans l’état actuel des choses, on ne devient guère docteur en médecine et en chirurgie qu’après cinq ou six années d’études universitaires succédant à un cours d’humanités complet.

Y a-t-il dans l’armée une seule arme qui ait de pareilles exigences ?

On peut entrer à l’école militaire, dont la porte cependant est encore beaucoup trop étroite, d’après l’honorable comte de Mérode, sans avoir fait un cours d’humanité, et en sortir, au bout de quatre années, officier du génie, d’artillerie ou d’état-major.

L’entrée dans le corps des intendants n’exige même aucune de ces hautes études imposées aux docteurs en médecine et aux officiers de l’école militaire.

Et pourtant les intendants, les officiers du génie et de l’artillerie reçoivent la solde la plus élevée de l’armée, tandis qu’on refuse impitoyablement un traitement semblable aux officiers du service sanitaire qui devraient même être mieux rétribués que tous les autres.

Il est impossible qu’on justifie ce traitement exceptionnel, il est impossible qu’on n’admette pas qu’il est injuste et dénué de tout fondement.

Les officiers du service sanitaire ne sont plus des écoliers comme jadis ; ce sont des hommes d’une haute valeur. Cela est si vrai, que dans presque toutes les armées le corps du service sanitaire est considéré comme un corps savant.

Voici comment s’exprimait sur ce corps un homme qui porte un nom illustre dans les fastes de l’Empire, le général Foy :

« La patrie doit une reconnaissance sans bornes aux services modestes des officiers de santé placés entre la cupidité des administrations et l’ambition des militaires ; cette classe honorable de citoyens a rendu des services dont aucun calcul n’altère la portée. » (Histoire de la guerre de la Péninsule sous Napoléon).

Voici encore comment s’exprimait sur le même service M. Dupin aîné, dans la séance de la chambre des députés du 30 avril 1838 :

« Le service des officiers de santé est un service de dévouement, et personne dans l’armée ne repousse cette assimilation avec les officiers même sous le rapport des dangers, car les officiers de santé se mêlent souvent dans les rangs. »

Il ne suffit pas du simple diplôme de docteur pour parcourir tranquillement sa carrière dans le service de santé. Il y existe des exigences que l’on ne retrouve dans aucune autre arme. La capacité y est, comme de raison, la base de l’avancement, d’où est résultée la conséquence que jusqu’au grade de médecin de régiment (chirurgien-major) inclusivement, les officiers doivent être soumis à des examens ; et ces examens, on ne peut les subir avec succès si l’on ne se tient constamment au courant du progrès de la science.

Est-ce donc trop faire pour ces officiers que de les assimiler à ceux des armes savantes ? est-ce trop demander pour eux qu’un traitement semblable à ceux des officiers de l’intendance ?

Non, messieurs, j’ai en pour garants vos bons sentiments pour l’armée, et le désir que vous avez que la santé et la vie de nos soldats soient toujours confiées à des hommes instruits et expérimentés.

Je ne veux, à aucun prix, pour mon compte, que l’on admette au service sanitaire de l’armée des jeunes qui ne soient pas docteurs ; c’est précisément pour cela que je veux faire tout ce qui est en moi pour y attirer l’élite de nos universités, c’est pour cela que je veux que l’on mette fin aux humiliations dont on n’a cessé d’abreuver le corps des officiers de santé, en les plaçant au bas de l’échelle, en établissant en principe qu’un homme d’administration valait plus qu’un homme de science.

J’aime à croire que M. le ministre de la guerre viendra à mon secours dans cette circonstance et qu’il m’aidera à faire passer une disposition dont lui-même a reconnu naguère toute la justesse.

Voici, en effet, comme il s’exprimait dans son projet de budget de 1844 :

« Depuis longtemps des plaintes se sont élevées même au sein des chambres, au sujet du traitement des médecins militaires ; il a paru que le moment était venu de faire concorder ces traitements avec les connaissances que les officiers de santé doivent posséder et sous le rapport desquelles ils peuvent être assimilés aux officiers des armes savantes. »

Je viens demander que la loi consacre cette disposition qui est, je le répète, un point d’organisation. Je viens demander, messieurs, qu’il n’y ait plus d’équivoque à cet égard.

Car M. le ministre de la guerre, après avoir établi le principe juste et sage que je viens de rappeler, s’est bien gardé, je ne sais trop pourquoi, d’en appliquer toutes les conséquences.

Ainsi dans son projet de budget, l’assimilation, au point de vue des allocations, est parfaitement établie pour les médecins de bataillons et adjoints, ainsi que pour les pharmaciens de deuxième classe ; mais elle ne l’est plus pour les pharmaciens de troisième classe ; elle ne l’est plus pour les médecins de régiments et pharmaciens de première classe ayant 10 années de grade ; elle ne l’est plus pour les médecins de garnisons pour les médecins et pharmaciens principaux ayant de même 10 années de grade, enfin, elle ne l’est plus pour l’inspecteur général. Tous ces fonctionnaires sont placés, au point de vue des allocations, dans un état d’infériorité réel vis-à-vis des officiers des armes savantes des grades correspondants (voir le tableau joint à la pétition Bilot qui a été imprimée et distribuée), puisqu’en fait ils auront un grade de moins.

Quand vous aurez établi le principe d’assimilation dans la loi, messieurs, toutes ces anomalies disparaîtront. Vous aurez rendu, comme on l’a fait en Hollande depuis l’avènement du roi Guillaume II, pleine et entière justice à un corps digne de toute votre considération ; vous aurez fait enfin une chose éminemment utile à l’humanité, à l’armée, à l’Etat ; à l’humanité et à l’armée, en assurant à nos soldats malades ou blessés des secours éclairés, à l’Etat, en diminuant peut-être le chiffre des accidents et par conséquent celui des pensions.

Voici l’amendement ou plutôt le paragraphe additionnel que je propose d’ajouter au paragraphe de l’art. 2 concernant le service de santé : « Les officiers du service de santé (médecins et pharmaciens) sont assimilés, en ce qui concerne la solde, aux officiers de l’état-major général, d’après la correspondance des grades. »

- Cet amendement est appuyé. Il est aussi renvoyé à l’examen de la section centrale.

Cadre des officiers de l'état-major général

M. le président – Nous passons à la discussion sur l’état-major général.

Voici les propositions du gouvernement.

« Lieutenants-généraux, 9.

« Généraux-majors, 18 »

La section centrale propose :

« Lieutenants-généraux, 8.

« Généraux-majors, 16 »

M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) – Je maintiens le chiffre que j’ai proposé.

Le chiffre proposé des lieutenants-généraux est de 9 pour l’activité, 2 pour la section de réserve.

Parmi les 9 lieutenants-généraux en activité, on doit compter :

- 4 commandants de divisions territoriales et de divisions d’infanterie ;

- 2 commandants de division de cavalerie ;

- 1 inspecteur général de l’artillerie ;

- 1 inspecteur général du génie et

- 1 seul général pour les services divers qui sont très-nombreux, savoir : la maison du roi, les départements ministériels, la présidence des commissions militaires diverses, les missions diplomatiques, etc.

Sur pied de paix, les deux lieutenants-généraux au cadre de réserve occuperaient une position intermédiaire entre l’activité et la pension ; ils seraient à la disposition du gouvernement pour le cas de guerre ou pour les missions extraordinaires telles que celles qui ont été désignées plus haut au dernier § relatif à l’activité.

Sur pied de guerre, des fonctions telles que celles de commandant supérieur d’Anvers et des forts de l’Escaut ou des deux Flandres, leur seraient particulièrement destinées.

Le chiffre proposé des généraux-majors en activité est de 18, au cadre de réserve, de 4.

Les généraux-majors en activité se répartiraient généralement comme suit sur le pied de paix :

- 8 commandants de brigades d’infanterie.

- 3 commandants de brigades de cavalerie.

- 2 commandants de brigades d’artillerie.

- 1 commandant de brigade du génie.

- 1 commandant de brigade de l’état-major général.

Pour les services divers tels que la maison du roi, les départements ministériels (page 1350), les missions diplomatiques, le commandement supérieur de la gendarmerie, les commandements des provinces, la place de gouverneur de la capitale, il ne resterait de disponible que 3 généraux-majors en activité. C’est surtout à l’occupation d’une partie de ces derniers emplois que seraient destinés les 4 généraux-majors au cadre de réserve que nous avons proposé.

Il est à remarquer que ces derniers ne jouiraient d’aucun traitement que celui de colonel d’état-major.

Ce serait donc là non-seulement une ressource pour le pied de guerre, mais aussi un moyen de récompenser sans qu’il en coûtât rien au trésor des officiers de l’armée chargés depuis nombre d’années de positions importantes, telles que celles de commandants de provinces, et donc plusieurs occupent le grade de colonel depuis 15 ans environ.

Il est bien évident, d’après les considérations qui précèdent, que le nombre de lieutenants-généraux et de généraux-majors, tel qu’il est fixé par le projet de loi est insuffisant pour pourvoir à tous les services qui incombent à des officiers de ces grades ; si nous ne l’avons pas élevé davantage, c’est uniquement en vue de ne pas nous écarter de ces principes d’économie tant désirés par la chambre, principes qui n’ont cessé de nous guider dans la rédaction de tout le projet.

La modération de notre demande ressort encore des nombreuses comparaisons à établir avec d’autres Etats européens.

Ainsi, nous voyons :

- En France, 249 généraux en activité dont 80 lieutenants-généraux, 9 maréchaux.

- En Prusse, 118 généraux en activité dont 32 lieutenants-généraux, 14 généraux, 2 maréchaux.

- En Autriche, 381 généraux en activité dont 144 lieutenants-généraux, 23 généraux, 9 maréchaux.

- En Angleterre, 380 généraux en activité dont 144 lieutenants-généraux, 95 généraux, 1 maréchal.

- En Espagne, 237 généraux en activité dont 64 lieutenants-généraux.

- En Sardaigne, 78 généraux en activité dont 18 lieutenants-généraux, 2 généraux, 1 maréchal.

- En Bavière, 49 généraux en activité dont 16 lieutenants-généraux, 1 général, un maréchal.

Remarquons à cette occasion que la Sardaigne et la Bavière, qui ont plus du double des généraux que nous demandons, sont des Etats dont la population est l’équivalente de la nôtre.

Remarquons aussi que la France compte, en outre, au cadre de réserve, 132 généraux dont 54 lieutenants-généraux.

M. de Chimay, rapporteur – Messieurs, la section centrale n’a pas cru devoir adopter les chiffres présentés par M. le ministre de la guerre, parce qu’elle a pensé que ceux qui avaient été adoptés précédemment par le général de Liem, et qui, plus d’une fois, ont été cités dans cette chambre, étaient très-suffisants et de nature à suffire à toutes les exigences. Le général de Liem demandait dix lieutenants-généraux. La section centrale a maintenu ce chiffre, à cette différence près, que deux officiers généraux sont placés dans la section de réserve.

M. le ministre de la guerre vous a parlé de la nécessité d’employer des officiers généraux à des missions à l’étranger ou ailleurs. Or, rien ne s’oppose à ce qu’on les prenne dans la section de réserve.

Je profiterai de mon tour de parole pour présenter une autre observation.

La plupart des membres qui, jusqu’à présent, se sont occupés de l’examen du projet de loi, sont partis d’une base qui n’est pas parfaitement exacte. Si la réduction de 270,000 fr., que la section centrale propose, portait sur la totalité du budget, j’en comprendrais l’insuffisance. Mais il faut remarquer que les votes que nous allons émettre, ne portent que sur un quart environ des dépenses du budget. Or, rien ne préjuge, dès ce moment, que, dans l’examen du budget, vous ne pourrez opérer, dans d’autres parties du service militaire, des réductions qui atteindront un chiffre beaucoup plus élevé.

Si je fais cette observation, ce n’est pas pour arrêter l’élan très-patriotique de la chambre en faveur de l’armée ; c’est pour bien faire comprendre la portée de la réduction que nous proposons, et qui, considérée en elle-même, a peu d’importance, mais peut en acquérir dans le vote du budget.

Pour en revenir aux chiffres en discussion, je crois devoir persister dans les propositions de la section centrale ; nous pensons que le nombre de huit lieutenants-généraux, que nous proposons, peut suffire à tous les besoins du service.

M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) – Messieurs, l’honorable rapporteur de la section centrale vient de vous faire observer que mon chiffre est de fait supérieur à celui qui a été proposé par le général de Liem. Je vous ferai remarquer, au contraire, que mon chiffre d’activité est inférieur à celui du général de Liem : il comprend 9 lieutenants-généraux et 18 généraux-majors, tandis que celui du général de Liem portait 10 lieutenants-généraux et 20 généraux-majors.

Il reste à vous donner quelques explications relativement aux cadres de réserve.

Messieurs, je crois devoir vous faire observer que les officiers, dont je propose la mise aux cadres de réserve, ne doivent pas être déduits du chiffre de l’activité, mais bien du chiffre des officiers pensionnés.

Nous avons aujourd’hui des officiers en activité et des officiers pensionnés. Je vous propose des officiers en activité, des officiers de réserve et des officiers pensionnés.

Messieurs, tout officier qui reçoit la pension n’est plus à la disposition du département de la guerre. Vous vous êtes occupés avant-hier de la grande question de pourvoir à l’effectif de guerre. C’est dans cette vue que le gouvernement a pensé à établir des cadres de réserve. Il s’est dit : Au lieu de mettre immédiatement à la pension des officiers qui ne sont plus entièrement propres au service actif, créons une positions intermédiaire, une position transitoire en quelque sorte. Ce sera une ressource pour nos bataillons de réserve qui sont destinés à faire simplement le service dans les places fortes. Ce sera un moyen de pourvoir à des positions sédentaires dont l’utilité peut se faire sentir en temps de paix comme en temps de guerre. Ainsi, je vous citerai, par exemple, en cas de guerre, les gouverneurs de nos places qui pourront être pris parmi les généraux du cadre de réserve.

Les traitements des officiers des cadres de réserve diffèrent très-peu des traitements des officiers pensionnés. Dès-lors la création de ces cadres n’occasionne guère de dépenses nouvelles et mettra à la disposition du gouvernement des officiers dont, sans cela, il ne pourrait plus disposer.

Messieurs, je me suis appuyé tantôt sur un argument qui n’a pas été rencontré non plus par l’honorable rapporteur. J’ai établi des proportions avec les autres Etats, et je les ai appuyées particulièrement sur des Etats dont la population est égale à la nôtre.

Je vous ai précisé des chiffres et je vous ai montré que, dans ces Etats, dans la Bavière, citée pour son économie, dans le royaume de Sardaigne, que dans ces Etats le nombre des officiers généraux est double de ce qu’il est chez nous. Je ne vois pas que le nombre des officiers généraux soit au-dessus de nos ressources, et je vous ai démontré qu’il est encore au-dessous des besoins du service.

M. de Mérode – Messieurs, j’appuierai d’abord la demande de M. le ministre de la guerre, sur le nombre de généraux qu’il convient d’admettre. Mais j’avais demandé la parole comme accusé de nouveau tout à l’heure, malgré mes explications précédentes, de vouloir restreindre les admissions à l’école militaire. Eh bien ! ce que l’honorable M. Verhaegen a dit sur le service de santé, est tout à fait en rapport avec ce que j’ai demandé pour l’école militaire.

M. Verhaegen voudrait attirer au service de santé l’élite de nos universités. Il n’approuve pas qu’un homme d’administration, qui n’a eu besoin que de quelques années d’école primaire, d’une écriture passable, d’une orthographe plus ou moins parfaite, de la connaissance de quatre règles d’arithmétique, soit plus favorisé qu’un homme de science, que celui qui a supporté plusieurs années d’études humanitaires.

Or, c’est précisément ce que j’ai dit pour l’école militaire, à savoir : qu’on devrait y donner la préférence, pour les admissions, aux jeunes gens qui ont accompli leurs études dites humanités, et ne pas mettre celles-ci au-dessous de quelques connaissances presque exclusivement arithmétiques ou géométriques.

La considération pour les études humanitaires, qui exigent plusieurs années d’éducation et de travail, m’est donc commune avec M. Verhaegen, et je m’en félicite.

M. Pirson – Messieurs, lorsque j’ai demandé la parole, je voulais faire les mêmes observations que vient de présenter M. le ministre de la guerre, c’est-à-dire faire remarquer à l’honorable prince de Chimay que je le crois dans l’erreur quand il a dit que la section centrale a voulu revenir aux propositions du général de Liem. Le général de Liem demandait 10 lieutenants-généraux et 20 généraux-majors ; M. le ministre de la guerre actuel ne demande que 9 lieutenants-généraux et 18 généraux-majors ; il y a donc réduction sur ce que proposait le général de Liem.

Puisque j’ai la parole, j’en profiterai pour exprimer mon opinion sur le nombre de généraux demandés par le gouvernement. Sans doute, messieurs, nous ne devons pas vouloir qu’il y en ait trop ni que leur nombre ne soit pas en rapport avec la force de l’armée, mais il faut qu’il y en ait assez pour satisfaire aux besoins du service.

D’après le projet du gouvernement, le nombre des généraux est fixé comme suit : 9 lieutenants-généraux, 18 généraux-majors. La section centrale propose seulement 8 lieutenants-généraux et 16 généraux-majors. Ces nombres me paraissent réellement trop restreints et, en ce qui me concerne, je donnerai mon approbation aux chiffres proposés par le gouvernement, parce qu’il me semble qu’ils se justifient amplement.

En effet, messieurs, presque toutes les puissances ont adopté aujourd’hui, pour la subdivision de leur armée sur le pied de paix, la formation par divisions et par brigades.

Cette formation est la plus avantageuse, parce qu’elle permet de passer plus facilement du pied de paix au pied de guerre ; et, pour la Belgique, je la considère comme indispensable, parce que ses frontières ne se trouvant pas protégées par des obstacles, son armée doit être d’autant plus mobile et toujours prête à se porter vers les points menacés.

Nos 16 régiments d’infanterie, formant 4 divisions, réclament donc 4 lieutenants-généraux ; les 2 divisions de cavalerie, 2 lieutenants-généraux ; l’armée de l’artillerie, un lieutenant-général ; le génie, un lieutenant-général. Total, 8 lieutenants-généraux. Il ne reste au gouvernement que la ressource d’un lieutenant-général, tant pour la maison militaire du Roi, que pour le département de la guerre, quelques missions importantes ou tout autre service ; certes, ce n’est pas trop.

En ce qui concerne les généraux-majors, d’après la nature de leurs fonctions, ils doivent être en nombre double des lieutenants-généraux.

En France, depuis la loi de 1790, jusqu’à la dernière loi sur la matière, qui a été portée il y a 2 ou 3 ans, il y a eu neuf lois, arrêtés, circulaires, ou ordonnances qui ont fixé les cadres des officiers généraux. Eh bien, il y en a sept qui ont arrêté que le nombre des généraux-majors serait le double des lieutenants-généraux.

(page 1351) Il faut donc, pour les quatre divisions d’infanterie, huit généraux-majors ; pour les deux divisions de cavalerie, quatre généraux-majors ; pour l’artillerie, deux généraux-majors ; pour le génie, un général-major ; pour l’état-major, un général major ; pour la gendarmerie un général major ; pour la maison militaire du Roi, un général-major. Total dix-huit.

Il faut le reconnaître, messieurs, si, à la rigueur, les différents services peuvent être assurés avec ces 9 lieutenants-généraux et 18 généraux-majors, en cas de malheurs ou de circonstances imprévues, les ressources du gouvernement ne seraient pas bien grandes. Il ne me semble donc pas que nous puissions fixer le cadre de l’état-major général à moins de 9 lieutenants-généraux et de 18 généraux-majors.

Dans les autres Etats, le nombre des généraux est proportionnellement bien plus grand. Ainsi, comme vient de vous le dire M. le ministre de la guerre, en Angleterre il y a 380 généraux en activité et disponibilité ; en Autriche 233 dans l’armée active et 148 occupant des emplois du gouvernement, total 381 ; en France 9 maréchaux, 80 lieutenants-généraux, 160 maréchaux de camp en activité et disponibilité, et 132 en réserve, ce qui fait un total de 381 ; en Prusse, 118 en activité ; en Bavière, puissance qui se rapproche de la nôtre pour la population, mais dont cependant l’armée est beaucoup moins nombreuse, 70 généraux, dont 45 en activité. Que la Belgique ait 9 lieutenants-généraux et 18 généraux-majors, ce n’est certainement pas trop, et je voterai pour ces chiffres qui sont ceux du gouvernement.

M. le colonel Claisse, commissaire du Roi – Messieurs, aux développements que vient de présenter l’honorable M. Pirson, j’ajouterai les suivants :

Nous avons maintenant trois colonels qui commandent des brigades d’infanterie, parce qu’il n’y a pas assez d’officiers généraux pour les commander. Par le même motif, une de nos brigades de cavalerie est commandée par un colonel.

L’honorable M. Verhaegen a fait au département de la guerre un reproche relativement au cumul qui existait de certaines fonctions ; or, messieurs, comment voulez-vous que ce cumul cesse si vous ne mettez pas à la disposition du gouvernement des éléments plus nombreux que ceux qu’il a eus jusqu’à présent, et dont il dispose encore en ce moment ? C’est donc tout à fait dans l’intérêt d’une meilleure organisation du service sous ce rapport que le gouvernement s’est vu dans la nécessité de majorer son chiffre, tout en demandant quelques officiers-généraux pour les cadres de la réserve.

Je dois ajouter, du reste, que ce cumul n’est nullement au détriment de l’Etat, que les fonctionnaires qui se trouvent dans cette position ne cumulent réellement que les charges des emplois qu’ils remplissent, qu’ils ne cumulent pas les émoluments qui pourraient y être attachés.

M. Dumortier – Messieurs, je n’ai jamais été partisan du cumul, et je déclare que je n’aime pas plus le cumul que tout autre. Parmi les officiers généraux il s’en trouve plusieurs qui sont en mission diplomatique ; s’il en manque dans l’armée, pourquoi ne pas faire reprendre à ceux-là leurs fonctions militaires ? Ils occupent, dans les cadres de l’armée, des places auxquelles de jeunes officiers auraient quelque droit, et d’un autre côté ils occupent dans le corps diplomatique des fonctions qui seraient dues à d’autres. Il faudrait de deux choses l’une, ou qu’ils fussent définitivement placés dans le corps diplomatique ou qu’ils reprissent leurs fonctions dans l’armée. Dans tous les cas, ce que je ne comprends pas c’est qu’on donne des postes diplomatiques à des officiers généraux et qu’en même temps on vienne dire que le nombre des officiers généraux est trop restreint pour les besoins de l’armée.

D’un autre côté, messieurs, je vois dans l’Annuaire militaire de 1845, que nous avons 8 lieutenants-généraux et 16 généraux de brigade en activité de service, et faisant partie de l’état-major de l’armée. Il y a en outre un assez bon nombre de généraux en dehors de cet état-major général. Je ne sais, messieurs, par quelle fatalité il se trouve que les armes spéciales sont singulièrement bien pourvues de généraux, tandis que l’infanterie est complètement abandonnée. Cependant on ne peut pas se dissimuler que l’infanterie est la première force de l’armée. Tous les grands généraux sont sortis de l’infanterie. Eh bien, ainsi que l’a dit M. le commissaire du Roi, il manque dans l’infanterie 3 généraux de brigade, on est obligé de faire commander des brigades par des colonels. Cela est vraiment regrettable. En revanche, le génie a 2 généraux de plus qu’il ne lui en reviendrait d’après les calculs de l’honorable M. Pirson. Il y a trois généraux de brigades sortis de l’arme du génie (Dénégation.) Puisqu’on m’y force je dirai les noms, messieurs, c’est le général Willmar, le général Prisse et le général Joly. (Interruption). C’est un général du génie qui figure toujours dans les cadres de l’état-major général. Evidemment c’est au détriment de l’infanterie que ces faveurs ont été faites aux armes spéciales.

Je vous avoue, messieurs, que je suis embarrassé du vote que j’ai à émettre ; car, d’une part, il est difficile de refuser à l’infanterie la part légitime à laquelle elle a droit, mais d’un autre côté, je trouve que les armes spéciales sont trop favorisées. Je voudrais qu’il y eût une répartition un peu plus juste. Je désirerais donc que M. le ministre de la guerre voulût bien nous dire, avant que nous votions, s’il a l’intention de créer encore des généraux pris dans le génie et dans l’artillerie.

M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) – Dans nos propositions se trouvent compris 8 généraux de brigade d’infanterie.

M. Dumortier – Cette observation me paraît très-juste, et je verrai avec peine que l’on refusât à l’infanterie le légitime avancement auquel elle a droit.

La discussion est close.

« Lieutenants-généraux, 9. » - Adopté.

« Généraux-majors, 18. » - Adopté.

Cadre des officiers de l'état-major

« Officiers subalternes, 36. » - Adopté.

« Majors, 5. » - Adopté.

« Lieutenants-colonels, 3. » - Adopté.

« Colonels, 3. » - Adopté.

Cadre des officiers de l'état-major des provinces

« Commandants de province, 9 »

La section centrale propose la suppression des commandants de province.

M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) – Je ne me rallie pas à cette proposition. Je propose ce changement-ci : « Commandants de province, 5 », au lieu de : « Commandants de province, 9 ». Les quatre autres commandants de province doivent être tirés d la section de réserve.

- L’amendement de M. le ministre de la guerre « Commandants de province, 5, » est mis aux voix et adopté.

Cadre des officiers de l'état-major des places

« Commandants de 1re classe, 9. » - Adopté

« Commandants de 2e classe, 15. » - Adopté.

« Commandants de 3e classe, 6. » - Adopté

« Adjudants de place, 34. » - Adopté.

Cadre du personnel du service de l’intendance

« Personnel du service de l’intendance »

« Intendant en chef, 1. » - Adopté.

« Intendant de 2e classe, 1. » - Adopté

« Intendant de 3e classe, 4. » - Adopté.

« Sous-intendant de 1re classe, 8. »

La section centrale propose 6 intendants de 2e classe.

M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) – Je crois devoir maintenir le chiffre du gouvernement ; je ne ferai à cet égard qu’une seule observation, c’est qu’entre le chiffre de la section centrale et celui que le gouvernement propose, il n’y a que la légère différence de 5,303 fr.

- Le chiffre du gouvernement est mis aux voix et adopté.

« Sous-intendants de 2e classe, capitaines quartiers-maîtres, sous-intendants-adjoints et officiers payeurs, capitaines et lieutenants administrateurs d’habillement, 110. »

M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) – Je dois présenter un amendement. J’ai proposer à la section centrale d’adjoindre au corps de la gendarmerie un administrateur d’habillement ; cet administrateur augmenterait d’une unité le chiffre demandé par le gouvernement.

M. le président – Ainsi le chiffre du gouvernement serait de 111.

M. de Chimay, rapporteur – La section centrale a adopté ce chiffre.

- Le chiffre 111 est mis aux voix et adopté.

Cadre du personnel du service de santé

« Inspecteur général, 1.

« Médecins principaux, 4.

« Médecins de garnison, 7.

« Médecins de régiment, de bataillon et adjoints, 115.

« Pharmacien principal, 1.

« Pharmaciens de 1re, 2e et 3e cl., 30.

« Inspecteur vétérinaire, 1.

« Vétérinaires de 1re, 2e et 3e classe, 27. »

La section centrale a proposé les mêmes chiffres sauf qu’elle réduit à 26 le nombre des vétérinaires de 1re, 2e et 3e classes.

M. le président – M. le ministre de la guerre se rallie-t-il a la proposition de la section centrale ?

M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) – Je maintiens la proposition du gouvernement ; seulement je crois devoir faire une observation : à l’article « Médecins principaux, », je demande qu’on substitue les mots : « Médecin en chef et médecins principaux, 4. » Sur le pied de guerre, nous avons un médecin en chef qui se trouve en ce moment en disponibilité, mais si l’un des médecins principaux venait à manquer, ce serait un moyen d’économie que de replacer le médecin en chef en activité, pour remplir en temps de paix les fonctions de médecin principal.

M. de Man d’Attenrode – Messieurs, des lois règlent le mode d’admission pour obtenir le grade d’officier ; des lois règlent leur avancement, etc. Le projet que nous discutons tend à donner encore plus de fixité à leur position.

Le personnel qui compose le service de santé, dont nous nous occupons à présent, a des droits aux mêmes garanties, à des lois qui règlent les conditions d’admission, la position et l’avancement. En attendant ces projets de loi, ce service important n’est réglé que par des arrêtés, qui sont, je pense, ceux des 5 janvier et 14 mai 1831, et par un arrêté ministériel du 15 mars 1836.

L’arrêté du gouvernement provisoire du 5 janvier 1831 avait organisé à la hâte le service sanitaire de l’armée. Le choix du personnel dut se ressentir des circonstances. L’arrêté du 15 mars 1836 fut porté pour régulariser cette situation. Par suite de cet arrêté, les titulaires d’emplois, qui avaient été admis dans le service de santé, sans avoir justifié suffisamment de connaissances nécessaires, furent astreints à des examens ; tel fut l’unique but de l’arrêté ministériel de 1836 ; ce but était fort sage, et je conçois que l’on (page 1352) y soumette ceux qui n’ont pas justifié des capacité suffisantes jusqu’à présent, bien qu’il me semble que toutes ces positions exceptionnelles devraient être régularises depuis tant d’années.

Mais voici ce que j’ai peine à comprendre, c’est le motif des examens que l’on fait subir en vertu du même arrêté de 1836 aux jeunes gens qui, ayant subi avec avantage l’épreuve si difficile des examens pour le doctorat devant notre grand jury national, se présentent pour entrer dans le service de santé.

Ce que je ne puis comprendre, c’est le motif des examens que l’on veut faire subir aux médecins de bataillon et aux médecins de régiment, qui ont des droits à l’avancement, bien qu’ils aient acquis le grade de docteur en médecine, et qu’ils aient par suite justifié des connaissances requises pour exercer l’art de guérir.

C’est cependant ce qu’une circulaire du 26 février dernier, n°100, de M. l’inspecteur général exige.

Cette circulaire informe qu’une session d’examen s’ouvrira le 16 août prochain.

Ces examens me semblent absurdes, je le dis sans détour, et ils me semble en quelque sorte illégaux, dans les circonstances présentes.

Nous faisons des dépenses considérables pour l’enseignement universitaire. Nul ne peut obtenir le grade de docteur en médecine qu’après des épreuves tellement difficiles, qu’on peut être rassuré, je pense, sur le degré de capacité de ceux qui l’obtiennent ; l’administration ne s’en contente pas cependant, elle exige que ceux qui ont subi avantageusement une épreuve légale et solennelle, et qui se présentent pour entrer dans le service de la santé, un nouvel examen, qui n’est exigé par aucune loi, devant un nouveau jury, qui n’a aucun caractère légal ; aussi qu’en résulte-t-il ? C’est qu’il entrave qu’un élève de nos universités se présente pour entrer dans le service de santé ; et je le comprends parfaitement ; le service de santé n’offre pas assez d’avantages pour que l’on se risque à compromettre devant un tribunal, dépourvu de tout caractère légal, des lauriers acquis devant le grand jury national.

Je vais vous citer des faits qui vous expliqueront mieux encore l’éloignement des jeunes docteurs qui sortent des universités, de la carrière du service de santé, les voici : un jeune homme qui avait été reçu docteur en médecine avec grande distinction, par le jury national, n’a été admis par le jury militaire qu’avec restriction.

Un médecin qui venait d’obtenir le diplôme de docteur avec distinction, fut refusé aux examens d’admission au service de santé ; le jury militaire, par une mégarde inexplicable, avait ainsi méconnu les titres du récipiendaire ; mais reconnaissant immédiatement la gravité de l’acte qu’il venait de poser, il revint sur sa décision séance tenante, et le candidat fut admis avec restriction, c’est-à-dire que son admission fut ajournée après un travail de six mois dans un hôpital.

Les examens exigés de ceux qui occupent des positions dans le service de santé et qui sont docteurs en médecine me semblent aussi absurdes.

Un homme muni du diplôme de docteur en médecine n’a plus à subir d’examens devant un jury quelconque. Son diplôme est un certificat de capacité, qu’aucun autre ne peut remplacer.

Je dis que ces examens sont absurdes, et je le prouve : l’homme qui aura subi les examens au début les plus brillants, en avançant dans la carrière, en pratiquant, perd en théorie ce qu’il gagne en expérience : cet homme ne sera certainement pas moins capable, il méritera même plus de confiance. Il est probable cependant que ce même homme aurait de la peine, après avoir acquis beaucoup d’expérience, de renouveler les examens qu’il avait subis avec honneur au début de sa carrière. Eh bien, voilà ce à quoi l’on entend soumettre les officiers du service de santé.

C’est comme si on soumettait à des examens les professeurs extraordinaires, qui demandent à devenir professeurs ordinaires. Cela serait ridicule, on ne peut en disconvenir. J’ai entendu dire cent fois que ceux qui interrogent les élèves au jury d’examen seraient hors d’état de répondre à toutes les questions qui sont posées aux élèves.

Au reste, messieurs, il paraît que l’administration du service de santé, après plusieurs années de savantes manœuvres, est sur le point d’arriver où elle veut en venir.

Le but de tous ses efforts est d’établir que les universités ne sont pas faites pour lui procurer des sujets propres à le recruter.

Ceux qui viennent d’obtenir des diplômes de docteurs ne se présentent pas.

Ceux qui avaient été mis en non-activité par suppression d’emploi après 1839, sont replacés.

Je sais de bonne source qu’il s’agit de nous présenter incessamment un projet de loi qui consiste à réunir à Bruxelles des candidats en médecine qui suivraient pendant trois ans des cours donnés dans un établissement d’instruction, qu’on veut fonder, qui subiraient ensuite les examens du docteur en médecine, et qui seraient enfin admis au service avec la qualité de médecin adjoint. Il nous serait demandé à cet effet, par année et pour chaque élève, une somme de 1,000 francs.

Je ne sais si la chambre sera disposée, après les immenses dépenses que nous allouons pour l’instruction, à faire encore la dépense d’une nouvelle faculté de médecine ? Je ne le pense pas.

Mais tout est disposé d’avance pour cela.

On a dépensé 30,000 fr. à l’hôpital militaire de Bruxelles pour construire des salles qui ne peuvent servir que pour une clinique, pour un établissement d’instruction ; on a dépensé 25,000 fr. pour l’ameublement et la somme a été prise sur les fonds provenant du ménage des hôpitaux, dont on médite la suppression.

C’est ainsi qu’on n’obtient que difficilement pour l’hôpital de Louvain, les vêtements et les médicaments nécessaires. L’hôpital militaire de Louvain, si bien situé à cause de sa position centrale, à cause de ses vastes bâtiments, à cause du bon marché des subsistances, n’est déjà plus traité que d’infirmerie, dans quelques dépêches qui lui ont été adressées.

J’espère que ce projet n’aura pas plus de succès que celui présenté à la chambre en 1835, et par lequel on demandait, pour une école de médecine militaire spéciale, 200,000 fr. pour premier établissement, et 80,000 fr. d’entretien ordinaire.

Je pense que nos établissements universitaires suffisent pour procurer au service de santé des sujets capables, pourvu toutefois que l’administration prenne des mesures pour les y attirer ; et il faut à cet effet qu’elle ait confiance dans notre jury national, et que les traitements des médecins adjoints qui ont été réduits à 1,600 fr. soient comme autrefois fixés à 2,100 fr. ; j’appuierai à cet égard au moins partiellement la proposition d’un honorable député de Bruxelles.

Je ne doute pas que M. le ministre de la guerre, dont les bonnes intentions m’inspirent toute confiance, fera droit à mes observations, et ne donnera pas les mains à des manœuvres qui tendront en résumé à augmenter nos dépenses, et à frustrer encore une fois une ville de province au profit de la capitale.

M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) – Je ferai observer qu’une partie de ce que vient de dire l’honorable préopinant concerne le projet de loi sur l’avancement que j’ai annoncé pour la session prochaine. Je ne vous parlerai pas non plus de la question des examens des officiers de santé de l’armée, car je vous ai déjà dit que la question du recrutement et de l’avancement des membres de ce corps serait comprise dans la loi dont je viens de parler.

L’honorable préopinant vous a dit que les élèves des universités ne se présentaient pas pour faire partie du service de santé de l’armée. Je crois pouvoir vous assurer qu’il y a déjà parmi nos médecins de brillants élèves des universités.

Je ferai observer en outre que nos cadres sont au grand complet dans les rangs inférieurs ; de sorte que si les élèves des universités se présentaient en grand nombre, l’embarras serait de les placer.

Quant à l’hôpital de Louvain, il n’a pas été transformé en infirmerie, c’est toujours un hôpital, il a toujours la même importance, il n’y a rien de changé si ce n’est dans le nombre des malades qui est diminué. Quant à ce changement, nous nous en réjouissons.

M. de Man d’Attenrode – D’hôpital de 1re classe il est descendu au rang de 2e classe.

M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) – Quant au projet de loi qui serait préparé pour la création d’une école de médecine militaire, je viens d’en apprendre la première nouvelle.

M. Verhaegen – Si j’avais pu croire à la réalité de ce que vient de dire l’honorable M. de Man, je n’aurais pas proposé la disposition additionnelle que j’ai présentée. Je crois que l’honorable membre est dans l’erreur. C’est précisément parce que j’attache, comme lui, aux fonctions d’officier de santé la plus haute importance, que j’ai cru qu’il était nécessaire de placer ceux qui les remplissent dans une catégorie autre que celle qu’on leur a assignée jusqu’à présent.

D’abord, je pense, que, pour passer dans le service de santé de l’armée, il faut être docteur reçu par le grand jury national. Je prie M. le ministre de contrôler mes paroles. Si j’avais pu croire qu’il en fût autrement, je n’aurais pas présenté ma disposition additionnelle.

M. Rodenbach – Ce n’est pas comme cela.

M. Verhaegen – C’est comme cela ; et ce doit être comme cela, à moins qu’on ne viole la loi sur l’enseignement supérieur.

Pour entrer dans le service de santé de l’armée, il faut être docteur reçu par le grand jury national, c’est un point fondamental. En outre, je crois que l’honorable membre a confondu certain projet dont on avait parlé il y a quelques temps avec certaines autres mesures qui ont reçu depuis exécution. Il ne s’agit plus, je pense, de cet hôpital « d’instruction » dont il a été question naguère, si on l’avait organisé, on aurait rencontré les inconvénients qu’a signalés l’honorable membre. Mais il est question d’un hôpital de « perfectionnement ». En d’autres termes, quand des docteurs ont été reçus comme docteurs dans le service de santé, pour qu’il y ait lieu à avancement pour eux, il faut qu’ils subissent de nouveaux examens, et c’est sur ces examens, qui constituent un concours, que l’avancement est donné. Ceux qui ne voudront pas subir de nouveaux examens ne perdront pas pour cela leur position, mais ils n’obtiendront pas d’avancement. C’est là une bonne chose, c’est de faire que la science progresse. Il faut faire en sorte que les docteurs, une fois admis dans le service de santé, ne restent pas stationnaires. Je comprends que si un docteur était obligé de subir de nouveaux examens sous peine de perdre les fruits attachés à la position qu’il occupe, M. de Man aurait raison, mais il reste ce qu’il est. On dit : Il y a un avancement à accorder ; présentez-vous tous à l’examen, les plus capables l’obtiendront. Je félicite M. le ministre d’avoir pris cette mesure, c’est un encouragement donné au progrès ; j’aurais désiré qu’il en fût toujours ainsi. Si on a des garanties dans les examinateurs qui président à ces concours, je n’y trouve qu’un bien.

Mais, d’après l’honorable M. de Man, les officiers qui se refuseraient à se soumettre à ces examens perdraient leur position. Cela n’est pas possible. Quant à l’avancement, c’est un concours qu’on lui offre ; c’est une très-bonne chose. Si l’officier de santé ne travaille pas pour se tenir au courant de la science, parce qu’il n’aura plus, une fois nommé, de nouveaux examens à subir, vous n’aurez pas autant de science que vous aurez le droit d’en (page 1353) espérer, quand au fur et à mesure de chaque avancement, les officiers de santé devront subir des examens nouveaux. Je ne vois là aucun mal, au contraire. C’est parce que j’attache, je le répète, une grande importance à ces fonctions, que j’ai proposé une disposition additionnelle. Je ne puis que féliciter M. le ministre d’avoir suivi la marche que blâme l’honorable M. de Man, dans l’ignorance des circonstances qui l’ont fait adopter.

M. de Mérode – On fait fort bien sans doute de faire passer des examens à ceux qui veulent faire partie du service de santé, mais quand ils ont fait preuve des connaissances requises, je ne vois pas la nécessité de les remettre à chaque instant sur les bancs ; ce n’est pas là un encouragement pour prendre cette carrière. Si on forçait un avocat à passer un examen pour devenir magistrat, si on forçait un juge de première instance à, passer un examen pour devenir conseiller, cela paraîtrait singulièrement pénible aux jurisconsultes, et je doute que beaucoup voulussent se soumettre à pareil régime. Je ne sais si c’est plus agréable pour les médecins que pour les avocats. J’en doute. Je voudrais bien avoir des explications à cet égard.

M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) – Je vais donner quelques explications qui tranquilliseront la chambre. Comme l’a dit l’honorable M. de Man, il existe un arrêté d’après lequel les médecins qui aspirent à monter en grade, sont appelés à passer un examen ; mais ces examens, comme l’a expliqué l’honorable M. Verhaegen, ne portent pas sur les éléments, sur l’école de la science, ils sont gradués ; il y a des programmes distincts pour devenir médecin de bataillon et médecin de régiment. Voici ce qui s’est passé. Il y a dans ce moment des places supérieures vacantes dans le service de santé. J’ai consulté la liste d’ancienneté des médecins et j’ai trouvé qu’un très petit nombre avait satisfait aux examens prescrits par l’arrêté royal, que ceux qui le composaient se trouvaient très-bas sur la liste. Je ne comprenais pas comment il se pouvait que tant de médecins se fussent soustraits à ces examens ; j’ai voulu donner à tous la faculté de satisfaire à l’arrêté royal. En tête de liste, j’ai pris un certain nombre de médecins, je les ai appelés à passer l’examen exigé. Ils se présenteront ou ils ne se présenteront pas. S’ils ne se présentent pas, ce sera, de leur part, une renonciation à l’avancement. S’ils se présentent et qu’ils satisfassent aux examens, ils seront portés sur le tableau d’avancement, et les moins anciens n’auront pas la préférence sur eux.

C’est un acte de justice ; d’un autre côté, les examens sont justifiés par l’intérêt de nos soldats, qui exige que nos médecins réunissent le plus d’instruction possible. C’est ce que nous voulons assurer.

M. de Man d’Attenrode – Il me semble tout simple que le gouvernement exige des conditions de capacité des officiers de santé qui n’ont pas le grade de docteur en médecine. Mais il me semble étrange que l’administration ne se contente pas de la qualité de docteur, qui ne s’acquiert qu’après des études pénibles, et qu’elle prétende qu’un médecin, qui a le droit de traiter tous les citoyens ne soit pas apte à traiter nos soldats. Je crois pourtant que celui qui a obtenu le grade de docteur et peut, en vertu de ce titre, pratiquer l’art de guérir, est bien à même de pratiquer la médecine militaire.

J’ai suffisamment expliqué la portée de l’arrêté de 1836. Cet arrêté a été porté à cause des circonstances. Le service de santé avait été organisé à la hâte, à une époque où il était impossible d’être rigoureux pour les conditions d’admission. D’après ce qui m’a été déclaré par M. le ministre de la guerre de cette époque, on jugea convenable de régulariser certaines positions ; on exigea des examens de ceux qui n’avaient pas le grade de docteur. Cette circonstance ne doit plus guère exister aujourd’hui. Et voici qu’on invoque cet arrêté pour exiger de nouveaux examens des docteurs qui se croient des droits à une promotion.

L’honorable comte de Mérode a fort bien fait ressortir l’absurdité de cette mesure. Si l’on exigeait des avocats qui sollicitent des places de magistrat, de se replacer sur les bancs de l’école, de se soumettre à des examens, il en est beaucoup qui, après avoir pratiqué leur profession avec habilité, se refuseraient à se soumettre à cette épreuve ; et je pense qu’ils feraient bien, car un échec pourrait fort bien en être la suite. Cela me semblerait tout simple.

Quant à moi, j’ai pleine confiance dans le grade de docteur. Je prétends que celui qui a acquis cette position ne doit pas être soumis à des examens humiliants, je dirai même arbitraires, devant une commission organisée en vertu d’une disposition à laquelle on ne peut reconnaître aucun caractère légal dans les circonstances présentes. Si M. le ministre de la guerre trouve que le grade de docteur n’offre pas encore des garanties suffisantes, qu’il présente un projet de loi qui organise de nouveaux examens, la chambre jugera de leur opportunité.

J’ai d’ailleurs appris avec plaisir par ce que vient de nous dire l’honorable ministre, qu’il n’est pas question de supprimer l’hôpital militaire de Louvain ; j’ai, par suite, lieu de croire que le service des maladies de la peau et celui du traitement des ophtalmiques, qui en font partie, et qui ont été fixés dans cette ville par les généraux Willmar et de Liem ne seront pas transférés ailleurs.

M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) – Comme je l’ai dit tantôt, je me propose de présenter un projet de loi à cet égard. J’en encore une observation à faire. Les médecins militaires doivent être non-seulement médecins, mais encore chirurgiens et pharmaciens, etc., ils doivent être en état de passer leurs examens sur toutes les parties du service médical. Dès lors, il ne faut pas s’étonner qu’ils soient soumis à un examen spécial.

- La séance est levée à 4 heures et demie.