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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 11 décembre 1845

(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 231) M. Huveners procède à l'appel nominal à une heure.

M. Albéric Dubus donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère des affaires étrangères

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, le Roi m'a chargé de présenter à la chambre un projet de loi de crédit supplémentaire de 24,600 fr., pour dépenses arriérées concernant le département des affaires étrangères.

M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre des finances de la présentation du projet de loi dont il vient de faire connaître l'objet.

Ce projet et les motifs qui l'accompagnent seront imprimés et distribués. De quelle manière la chambre désire-l-elle en faire l'examen ?

M. Osy. - Par la section centrale, chargée d'examiner le projet de budget des affaires étrangères.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi approuvant le traité de commerce et de navigation conclu avec les Etats-Unis d'Amérique

Rapport de la commission

M. de Theux. - J'ai l'honneur de vous présenter le rapport de la commission spéciale chargée d'examiner le traité conclu entre la Belgique et les Etats-Unis de l'Amérique.

La chambre désire-t-elle que je lui en donne lecture ?

Plusieurs voix. - Non ! non ! L'impression.

M. le président. - Ce rapport sera imprimé et distribué.

M. Rodenbach. - Quelles sont les conclusions ?

M. de Theux. - C'est l'adoption pure et simple du projet à la majorité de trois voix contre une, quatre membres seulement s'étant rendus dans le sein de la commission.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Je proposerai de fixer la discussion de ce rapport après l'ordre du jour existant. L'impression ne se fera pas attendre.

Après le projet que nous discutons, nous n'avons rien à l'ordre du jour. Je demande que la chambre veuille y mettre le projet de loi relatif au traité avec les Etats-Unis.

M. le président. - Après le projet de loi sur les entrepôts, nous avons le rapport de M. Zoude, sur les pétitions des élèves des universités.

M. Delehaye. - Je m'oppose à ce que ce projet soit mis à l'ordre du jour immédiatement après le vote du projet de loi sur les entrepôts, et même après la discussion du rapport sur les pétitions des élèves des universités. Il nous faut au moins un jour franc. En voici le motif. Ce traité qu'on vous propose d'adopter a été examiné non pas en sections, mais par une commission ; j'ai voté contre ; ce traité est complétement en opposition avec les conclusions de la commission d'enquête. Cette commission, dont faisait partie M. le ministre des affaires étrangères, examina dans tous leurs détails, sous toutes les faces, les questions diverses que soulève ce traité.

La commission d'enquête a été d'avis que dans l'intérêt de la Belgique il fallait rejeter le traité. J'ai revu ce matin le travail de la commission d'enquête, et je me suis convaincu que le traité soulève des questions qui réclament un long examen.

Je demande si une question si grave, sur laquelle tous les négociants du pays ont été consultés et se sont prononcés d'une manière négative, doit être abordée par la chambre avant qu'elle n'ait eu le temps de l'examiner.

Il y a de plus une raison de dignité pour la chambre de ne pas mettre de précipitation dans cette circonstance. Elle a adopté les conclusions de la commission d'enquête qui a protesté contre l'adoption du traité avec les Etats-Unis. Une année seulement s'est écoulée depuis l'adoption du rapport et déjà nous adopterions un traité contraire à ce rapport sans faire connaître à nos commettants quelles sont les raisons qui en si peu de temps nous ont fait changer de résolution ?

Il est de la dignité de la chambre d'être conséquente avec elle-même. Si nous avions voté, il y a deux ans, sur le traité avec les Etats-Unis, nous l’aurions rejeté. Celui qu'on nous propose aujourd'hui nous est moins favorable encore que le premier, convient-il, je le demande, de l'enlever au pas de course ?

Je demande qu'on laisse au moins un jour franc entre l'ordre du jour et la discussion du projet de loi dont il s'agit et qu'on n'en commence la discussion que la semaine prochaine.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - L'honorable préopinant est entré dans le fond même de la question, qui n'est pas à l'ordre du jour. Ainsi il prétend que le traité est en opposition avec les conclusions de la commission d'enquête. Je ne sais à quelles conclusions il a voulu faire allusion. Mais il me sera facile de démontrer, lorsque la discussion sera ouverte, que le traité n'est pas en opposition avec les idées qui ont prévalu dans la commission d'enquête. Il y a plus, c'est que ce traité qui pouvait faire naître certains dangers, avant que la loi des droits différentiels fût adoptée, n'en offre plus depuis l'adoption de cette loi.

L'honorable membre affirme que le traité est moins avantageux que celui de 1840. C'est une question que nous examinerons, et sur la solution de laquelle je prie la chambre de ne rien préjuger.

Le traité, dans ses bases principales, vous est connu ; elles sont analogues à celles du traité de 1840 ; elles ont été examinées par une commission ; enfin elles ont été l'objet d'une discussion, lors des débats sur les conclusions de la commission d'enquête. Ce traité n'est donc pas nouveau ; il peut être apprécié par la chambre. Ainsi la discussion peut avoir lieu sans retard.

Cette discussion a un caractère d'urgence ; il est nécessaire que le traité du 10 novembre puisse être ratifié par le congrès américain dans la prochaine session. Avant que le traité puisse être discuté par le congrès, il faudra un temps assez long. La chambre n'ignore pas que déjà deux traités, conclus avec les Etats-Unis, n'ont pas été ratifiés par les chambres. Nous sommes dans une position assez difficile à l'égard des Etats-Unis. Nous avons intérêt à ce que nos relations soient définitivement fixées avec cette puissance. J'insiste donc pour que la discussion ait lieu après que l'ordre du jour sera épuisé. Nous aurons évidemment quelques jours pour examiner le traité, puisqu'après la discussion de la loi sur les entrepôts qui nous occupera encore plusieurs jours peut-être et qui sera soumise à un second vote, nous avons à l'ordre du jour la discussion sur le rapport relatif aux ; pétitions des étudiants des universités.

M. Mercier. - Je renonce à la parole. M. le ministre des affaires étrangères vient de présenter les considérations que je voulais soumettre à la chambre.

M. de Theux. - Pour le traité conclu le 29 mars 1840, on avait stipulé un délai de douze mois pour l'échange des ratifications ; mais comme cet échange n'eut pas lieu dans ce délai, il fut considéré comme non avenu. Il a donc fallu faire un second traité, où l'on n'a stipule qu'un délai de six mois. Comme, dans les deux pays, le traité doit être discuté dans les deux chambres, je pense qu'on ne peut reculer à une époque trop éloignée la discussion du rapport. Je proposerai donc de fixer la discussion à mardi. (Adhésion de la part de M. le ministre des affaires étrangères.)

Je ferai remarquer que la question des entrepôts, qui a déjà été si longuement discutée a quelque rapport avec le traite avec les Etats-Unis. Sous ce rapport, il y aura quelque avantage à ne pas séparer les deux discussions par un trop long intervalle.

- La chambre, consultée, met à l'ordre du jour de sa séance de mardi la discussion du projet de loi relatif au traité conclu avec les Etats-Unis.

Sur la proposition de M. Osy, la chambre décide que le traite conclu avec les Etats-Unis, le 29 mars 1840, sera imprimé comme annexe du rapport déposé par M. de Theux.

Projet de loi relatif aux entrepôts de commerce

Discussion générale

Chapitre premier. Des entrepôts en général

Section V. Placement et manipulation des marchandises
Articles 13 et 19

M. le président. - A la séance d'hier, on a renvoyé à aujourd'hui la discussion d'un amendement présenté par M. le ministre des finances pour former le deuxième paragraphe de l'article 19.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je crois inutile d'entrer dans de nouveaux détails, au sujet de cet amendement, dont la portée a déjà été indiquée dans le cours de la discussion. Il serait ainsi conçu :

« Art. 19. § 2. Le gouvernement fixera pour les marchandises de douanes un minimum pouvant entrer dans les entrepôts ou en sortir pour lu cou-sommation.

« Ce minimum, quant aux entrepôts francs, ne pourra être inférieur à 20 kil. (poids net) pour les tissus de soie ; 50 kil. (poids net) pour les fils et tissus de coton, de lin, de chanvre et d'étoupes ; 100 kil. (poids net] pour les fils et tissus de laine, à moins que ces marchandises ne soient le solde du compte d'entrepôt. »

- Sur la proposition de M. Rogier, la chambre ajourne la discussion de cet amendement, après le vote des articles 14 et 15.

Article 14

« Art. 14. § 1er. Les marchandises déposées dans les entrepôts publics peuvent être changées d'emballage, triées, assorties, sous condition de faire constater la nouvelle tare. Toutefois, on ne peut mélanger des marchandises de même espèce soumises à des droits différents.

« § 2. Les changements d'emballage dans les entrepôts particuliers et fictifs pourront, dans certains cas, être effectués aux mêmes conditions, avec l'autorisation de l'employé supérieur de l'arrondissement. »

- Adopté.

Article 15

« Art. 15. Le gouvernement arrêtera un règlement pour le chargement et le déchargement, le placement, le triage, la levée d'échantillons et le changement d'emballage des marchandises. »

M. Osy. — D'après l'article 31, le gouvernement nommera une commission chargée de la surveillance des entrepôts. Au § 2 de l'article il est dit : « L'administration désigne les issues qui seules peuvent donner accès dans l'enceinte de l'entrepôt franc, dont elle a la garde et où elle exerce sa surveillance avec le concours de la commission créée par l'art. 31. »

Je demanderai à M. le ministre des finances, s'il ne trouverait pas convenable de mettre dans l'article 15 : « Le gouvernement, après avoir entendu la commission de l'entrepôt, arrêtera un règlement, etc. »

Il me semble convenable que la commission soit appelée à donner son avis sur le règlement à faire.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Lorsque le gouvernement arrête un règlement comme celui qui fait l'objet de l'article 15, il consulte les personnes les plus compétentes. Je ne vois pas d'inconvénient à mentionner (page 232) dans l'article, ce que demande l'honorable M. Osy, mais je n'en vois pas l'avantage, car cela doit se passer ainsi par In force même des choses. Il me paraît inutile de l'insérer dans la loi ; cela concerne l'instruction du projet de règlement ; la commission d'entrepôt sera nécessairement consultée.

M. Manilius. - J'allais faire la même observation que M. le ministre des finances. Il doit nécessairement s'entourer de renseignements, mais je pense qu'il n'en prendra pas seulement auprès d'une commission d'entrepôt ; d'après l'amendement proposé par la section centrale, auquel a adhéré M. le ministre des finances, il y aura quatre entrepôts. M. le ministre aura soin de s'assurer des vues de chacun, de manière que les règlements des entrepôts soient d'accord avec les intérêts des localités où ils seront établis.

M. Osy. - Il est évident que les commissions des divers entrepôts doivent être consultées. A Anvers c'est un entrepôt du gouvernement ; à Gand c'est un entrepôt appartenant à la commune. Il est impossible de faire un règlement général, car à Anvers le gouvernement exige des loyers, Gand ne veut pas faire de bénéfice sur son entrepôt ; il est donc nécessaire que le gouvernement prenne l'avis de chaque commission d'entrepôt pour consulter les convenances de chaque localité. Comme M. le ministre ne s'oppose pas à ce que mention en soit faite dans l'article, je le proposerai.

M. de La Coste. - L'article que nous discutons s'applique à l'entrepôt franc et à l'entrepôt public. Il n'y a pas de commission pour l'entrepôt public, il n'y en a que pour l'entrepôt franc. L'article 31 ne s'applique qu'à l'entrepôt franc : il faudrait donc, si on voulait faire mention des commissions d'entrepôt, il faudrait faire une distinction entre l'entrepôt franc et l'entrepôt public. Je suppose que pour l'entrepôt public, M. le ministre consultera la chambre de commerce et peut-être l'autorité communale ; si nous voulions insérer tout cela dans la loi, nous entrerions dans trop de détails.

M. le ministre des finances (M. Malou). - On consultera non seulement les commissions d'entrepôt, mais toutes les personnes qui pourront éclairer le gouvernement et le mettre à même de faire de bons règlements.

M. Loos. - Je ne comprends pas l'utilité de l'article 15. Il dit que le gouvernement arrêtera un règlement pour le chargement et le déchargement, le placement, le triage, la levée d'échantillons et le changement d'emballage des marchandises.

Dans la séance d'hier, la chambre a repoussé un amendement par lequel on demandait que les objets manufacturés fussent placés dans un magasin particulier. Maintenant nous avons l'article 15 qui donne au gouvernement le droit de réglementer le classement des marchandises. Je crains que ce règlement ne rétablisse les difficultés qu'i a écartées hier. Il y a un règlement d'ordre dans chaque entrepôt, il n'y a pas d'utilité à dire que ce règlement sera fait par le gouvernement. Pour mon compte, je ne pourrai pas adopter cette disposition.

M. Manilius. - L'amendement repoussé hier n'empêche pas d'en présenter d'autres. Les règlements portes en vertu de l'article la seront faits d'après l'esprit de la loi telle qu'elle sera votée ; l'adoption de l'article 15 ne présente pas l'inconvénient signalé par l'honorable préopinant puisqu’il ne préjuge pas les dispositions qui seront adoptées et en conformité desquelles le règlement devra être fait.

M. Osy. - D'après la déclaration de M. ; le ministre des finances, je n'insiste pas sur ma proposition ; il est bien entendu qu'il entendra les commissions d'entrepôt avant de faire son règlement.

M. Desmaisières. - J'avais pensé d'abord que cette disposition pouvait être inutile ; mais par suite des observations que vient de faire un honorable membre, députe d'Anvers, je crois qu'il est nécessaire qu'elle soit maintenue dans la loi, car il résulterait de sa suppression qu'on pourrait croire que ce sont les commissions d'entrepôt qui ont le droit de faire les règlements comme elles l'entendent, surtout quand on rapproche ces observations de celle présentée par l'honorable M. Osy, que ces règlements ne peuvent pas être les mêmes pour toutes les localités.

Moi, je crois que, quant aux dispositions générales, aux principes, ces règlements doivent être uniformes pour les divers entrepôts francs ; il y aura, en outre, des dispositions particulières tenant à la localité, qui seront insérées dans tel règlement et pas dans tel autre. Il faut laisser le gouvernement juge de la question de savoir s'il y a pour tel entrepôt franc des dispositions particulières à insérer dans le règlement.

Je pense donc, par suite des observations faites par les honorables députés d'Anvers, qu'il est nécessaire que la disposition dont ils demandent la suppression reste dans la loi.

M. Mercier. - La crainte manifestée par l'honorable M. Loos n'est pas fondée ; le gouvernement, on ne peut supposer le contraire, fera le règlement dans l'esprit de la loi, de manière à ne créer aucune entrave, aucunes chances onéreuses au commerce.

Il faut que ce soit en vertu de la loi que le gouvernement soit chargé de faire les règlements, attendu que la loi seule peut donner une sanction aux dispositions qu'ils renfermeront. Cette sanction se trouve à l'article 58 du projet, qui prononce des pénalités contre les infractions aux mesures d'ordre ; ces mesures d'ordre doivent entre autres concerner le classement des marchandises suivant la provenance et le pavillon. Les notes imprimées en regard de l'article 58 donnent à cet égard les explications nécessaires.

M. d’Elhoungne. - Indépendamment des observations présentées par l'honorable préopinant pour le maintien de l'article dont il s'agit, je crois devoir faire remarquer que cet article concerne à la fois les entrepôts francs et les entrepôts publics ; en ce qui concerne les entrepôts publics, il n'est pas douteux qu'un règlement ne doive être fait par le gouvernement, et l'article est dès lors nécessaire sous ce point de vue.

En ce qui concerne les entrepôts francs, cet article est encore plus nécessaire, si possible, puisque la commission qui doit gérer et administrer les entrepôts francs, est composée de 3 membres pris dans la chambre de commerce, d'un membre appartenant à l'autorité communale et d'un seul délégué du gouvernement.

Le gouvernement n'ayant ainsi d'action et n'étant représenté que par une minorité, dans le sein delà commission, il faut bien qu'il y ait un règlement général émané de son initiative, règlement qui portera sur les opérations et tracera à chacun la ligne de ses devoirs.

M. Rogier. - Messieurs, depuis que le projet qui nous occupe a été mis en avant par le gouvernement, il a subi de graves et nombreuses altérations ; il paraît destiné à en subir encore.

Dans le principe, ce projet de loi, présenté aux avis des chambres de commerce sous la date du 21 mars 1844, s'annonçait comme devant être extrêmement libéral. Le ministère semblait avoir enfin compris qu'un des plus sûrs moyens de donner à l'industrie nationale l'essor qui lui manque encore, quant à ses relations avec les pays étrangers, c'était d'établir un bon système commercial.

Plusieurs tentatives plus ou moins malheureuses ont été faites ; nous n'avons pas à examiner ici les causes du non-succès de ces tentatives.

En voici une nouvelle qui devait être, paraissait-il, plus efficace que les autres. Le gouvernement, en proposant l'établissement d'entrepôts francs, voulait sans doute ce qu'il voulait, c'est-à-dire la franchise dans l'entrepôt.

Il résulte de la comparaison de l'avant-projet soumis aux chambres de commerce avec le projet définitif soumis aux chambres, que celui-ci diffère essentiellement en plusieurs points de l’avant-projet.

Depuis la discussion, M. le ministre des finances a de nouveau introduit dans le projet définitif des mesures restrictives. Si nous marchons ainsi de restriction en restriction, de correctif en correctif, de l'avant-projet présenté par l'honorable M. Mercier, il ne restera plus rien d'efficace.

Quel est le but, messieurs, de l'entrepôt franc, de l'entrepôt public ? C'est de favoriser l'exportation des produits étrangers et en même temps l'exportation des produits nationaux.

Quant à la consommation intérieure, nous sommes tous d'accord qu'elle doit rester efficacement protégée par la législation telle qu'elle existe aujourd'hui ; que si cette législation ne suffisait pas, que si un renforcement de tarif était encore demandé pour assurer aux produits nationaux la consommation intérieure, cette question devrait être examinée indépendamment de la question des entrepôts. Les entrepôts ne doivent être examinés et discutés qu'au point de vue de l'exportation. Ils ont pour but de faciliter l'exportation des produits nationaux, en même temps que l'exportation des produits étrangers.

Messieurs, il faut prendre garde, tout en cherchant à donner de la sécurité à l’industrie nationale, quant à la consommation, de dénaturer le but de l'institution des entrepôts.

M. le ministre des finances a introduit deux amendements, qui ont pour but de donner plus de sécurité à l'industrie nationale. Ces deux disposions n'existaient ni dans l’avant-projet, ni dans le projet définitif présenté aux chambres.

Par l'une, il sera interdit de faire sortir de l'entrepôt, pour la consommation, certaines marchandises au-dessous d'un poids à fixer par le gouvernement. Dans l’avant-projet et dans le projet définitif, il était formellement dit que toute marchandise pouvait entrer ou sortir en toutes quantités des entrepôts francs.

En second lieu, messieurs, l'industrie, à tort selon moi, s'est effrayée de la concurrence qu'elle pourrait rencontrer dans un entrepôt franc. On a dit : Ces entrepôts vont être transformés en magasins en détail, et il leur sera facile de déverser dans la consommation les produits étrangers.

Mais d'abord, à cette objection nous répondrons que le tarif actuel existe aussi bien contre les marchandises sortant de l'entrepôt que contre les marchandises entrant par toute autre frontière. En second lieu, nous ne nous refusons pas à ce que des précautions soient prises pour procurer, pour assurer à l'industrie du pays la consommation intérieure. Mais au moins, il ne faut pas que de pareilles mesures gênent, entravent le but de l'institution de l'entrepôt, c'est-à-dire, la facilité des exportations, la vente à l'étranger. Or, pour pouvoir vendre les produits à l'étranger, il faut pouvoir les montrer à l'étranger.

Messieurs, l'article 15 donne à cet égard de grands pouvoirs au gouvernement. Nous savons qu'en général la douane n'est pas disposée à donner au commerce les facilites dont il a besoin. Eh bien, si par ses règlements elle vient empêcher le négociant indigène ou étranger qui a des produits à exporter par les entrepôts francs, de les montrer à l'armateur qui voudra exporter, il y aura une gêne pour l'exportation.

Je concevrais, messieurs, que l'on interdît l'étalage des marchandises destinées à être vendues en détail à la consommation ; mais n'empêchons pas l'entreposeur de montrer à l'étranger la marchandise destinée à l'étranger.

Voilà, messieurs, les raisons qui m'engagent à demander une modification à l'amendement de M. le ministre.

M. le ministre nous a dit hier ce que c'était que l'étalage. Pour qu'il n'y ait pas de doute è cet égard, je demanderai que l’étalage se trouve défini dans la loi, de la même manière que M. le ministre des finaudes l'a défini. Adoptant donc cette définition telle qu'elle se trouve au Moniteur, je propose de modifier l'amendement de M. le ministre dans les termes suivants :

« Ce règlement interdira l'étalage des marchandises manufacturées ayant pour but de les vendre en détail à la consommation. »

L'article au moins aura le mérite d'être complétement clair et de ne (page 253) pas empêcher les opérations du négociant, qui, ne devant pas livrer les produits à la consommation intérieure, doit avoir au moins la faculté de les livrer à l'exportation.

Messieurs, c'est une faculté que l'on réclame. Il est très probable que l'on n'en fera usage qu'exceptionnellement. Il ne faut pas croire que le négociant va élever, dans les entrepôts, des magasins où il étalera des marchandises et vendra en détail. Cela serait contraire à ses intérêts. Cela est possible aujourd'hui ; cela est toléré, si l'on veut, et cependant cela ne se fait pas.

Entendrait-on, messieurs, par étalage, si l'on ne définit pas ce mot, le fait de tirer un paquet d'un colis considérable et de le déposer sur une planche ? Mais si vous aviez affaire à un ministre qui entendît autrement qu'un autre, la liberté, les facilités que l'on doit accorder à l'entrepôt, vous seriez assujettis à des interprétations très fâcheuses, qui pourraient devenir très vexatoires, qui pourraient aller contre le but évident de l'entrepôt.

M. le ministre des finances (M. Malou). - A la séance d'hier, messieurs, j'ai proposé de donner une nouvelle garantie, que quelques membres avaient considéré comme nécessaire. Dans la suite de cette discussion, messieurs, je resterai fidèle aux amendements que j'ai proposés, et c'est pour moi, je n'hésite pas à le dire, une espèce de question de loyauté. Je crois que bien des membres de la chambre ont rejeté les amendements à l'article 13, parce qu'ils trouvaient dans mes propositions des garanties qui ont été la cause de leur vote.

J’ai défini, hier, ce que l'on devait entendre par le mot étalage. J'ai ajouté, messieurs, d'après l'expression des hommes les plus compétents, que jusqu'à présent, bien que cette opération put avoir lieu, le commerce n'en avait pas senti la nécessite ; de sorte que l'on donnait une garantie à l'industrie nationale et que l'on n'ôtait au commerce aucun droit utile.

Il n'est pas nécessaire, messieurs, de définir dans la loi ce que l'on entend par le mot étalage. Autant vaudrait demander la définition de tous les mots que l'on emploie, et ensuite la définition des définitions elles-mêmes.

Lorsque nous employons un mot dans le sens propre, le gouvernement chargé de l'exécution de la loi, formule les dispositions d'exécution dans le sens naturel que ce mot présente. Or, ce mot, par lui-même, ne présente aucune équivoque, et l'adoption de mon amendement ne donnera lieu à aucune difficulté dans l'exécution de la loi.

Il n'en serait pas de même, messieurs, de l'amendement de l'honorable membre. Il voudrait ajouter à la disposition que j'ai eu l'honneur de vous soumettre, les mots : « L'étalage des marchandises ayant pour but la vente en détail à la consommation. » Comment peut-on savoir quel est le but de l'étranger qui étale ? On ne peut le connaître que par le résultat même ; de sorte que l'étalage aurait toujours lieu. Le commerce n'a pas besoin de cette faculté ; et loin de dénaturer le principe de l'institution par notre amendement, nous le maintenons : nous empêchons que les entrepôts francs ne deviennent des magasins d'aunage.

M. de Saegher. - Messieurs, j'ai écouté attentivement tous les discours qui ont été prononcés en faveur du projet de loi dont nous nous occupons, et je persiste à croire qu'il peut faciliter la fraude, qu'il peut augmenter la concurrence étrangère. Nous avons craint, messieurs, que les entrepôts, tels qu'ils seront établis, c'est-à-dire avec la suppression des déclarations en détail et de toutes vérifications à l'intérieur, ne pussent donner lieu à ces deux inconvénients. M. le ministre des finances a senti que ces craintes étaient fondées et que les arguments que nous avons fait valoir à cet égard méritaient d'être pris en considération, et c'est pourquoi il s'est applique à nous donner une certaine satisfaction, mais seulement dans les limites du principe du projet de loi. Messieurs, quelque faible que soit cette satisfaction, cependant dans la position où nous nous trouvons, nous devons en remercier M. le ministre des finances, parce que c'est toujours une certaine garantie qu'il nous a donnée. Cette faible garantie qu'on nous accorde prouve toujours que les craintes que nous avons manifestées, ne sont pas sans fondement. Il est, messieurs, une autre crainte qui a été exprimée dans cette enceinte ; c'est que le nouveau projet de loi consacrait des intérêts presque exclusivement anversois. Maintenant, après les paroles que vous venez d'entendre prononcer par un honorable député d'Anvers, je vous le demande, messieurs, tout ce que les honorables MM. Delehaye et Manilius vous ont dit à cet égard ne peut-il pas être considéré comme parfaitement exact ?

Messieurs, on vient, je le répète, de nous donner une légère satisfaction, on veut nous accorder que les marchandises ne pourront entrer en consommation a moins qu'elles n'aient un poids de 50 ou 100 kilog. au minimum. Je soutiens que cette satisfaction est bien faible, car, ou vous l'a déjà dit, il sera très facile d'éluder cette disposition, et l'avantage qu'elle accorde à l'industrie du pays devient dès lors complétement insignifiante. En effet, messieurs, n'est-il pas facile que deux ou trois marchands détaillants s'entendent pour acheter une quantité de marchandises ayant un poids de 50 kilog. ? Je dis donc que cet avantage qu'on veut bien nous accorder est excessivement faible. Et cependant, messieurs, les honorables députes d'Anvers viennent s'opposer à cette légère modification !

Ce n'est pas tout, messieurs, dans l'intention de calmer nos justes alarmes, le gouvernement veut nous accorder un deuxième avantage tout aussi faible que celui dont je viens de parler ; le gouvernement veut nous accorder que le règlement à arrêter relativement aux entrepôts francs, interdira l'étalage des marchandises manufacturées. Eh bien, que voyons-nous ! Nous voyons encore une fois les honorables députés d'Anvers s'opposer à cet amendement, proposer un sous-amendement qui le détruit entièrement. En effet, messieurs on nous propose de dire : « Ce règlement interdira l'étalage des marchandises manufacturées, ayant pour but de les vendre en détail à la consommation intérieure. » « Ayant pour but, » mais je vous demande, messieurs, de quelle manière on pourra exécuter une semblable disposition ? Comment pourra-t-on savoir quel est le but du négociant qui étale ses marchandises ? L'honorable membre qui l'a proposé sait fort bien, il a trop l'expérience des affaires pour ne pas savoir que cet amendement ne peut avoir aucun résultat quelconque, et que dès lors il n'a d'autre but lui-même que de tranquilliser l'industrie avec des mots.

Eh bien, cet accueil que l'on fait à toutes les propositions qui pourraient calmer nos inquiétudes, ne nous donne-t-il pas le droit de penser que c'est dans un intérêt purement anversois que l'on discute.

Je me bornerai pour le moment à ce peu d'observations.

M. Rogier. - Messieurs, ce n'est pas comme représentant des intérêts anversois que je prends la parole dans cette enceinte. Je ne suis pas représentant des intérêts anversois, je tâche d'être, autant que possible, représentant de l'intérêt général, et je pense même avoir le droit d'ajouter que je ne suis plus aujourd'hui seulement représentant d'Anvers. J'ai reçu ailleurs des témoignages qui ont prouvé qu'on voyait en moi un représentant des intérêts généraux du pays et non pas le défenseur étroit d'un intérêt local. C'est donc au point de vue général que je continuerai d'examiner la loi sur les entrepôts.

Qu'est-ce que j'ai demandé, messieurs ? D'introduire dans l'amendement la définition de l'étalage, donnée par M. le ministre des finances lui-même. Pourquoi l'ai-je fait, messieurs ? Parce qu'il pouvait y avoir du doute sur la portée de ce mot étalage. Si donc aujourd'hui l'honorable représentant de Gand adresse à mon amendement certains reproches, le reproche par exemple de vouloir détruire l'amendement de M. le ministre des finances, l'honorable membre se trompe, attendu que mon amendement n'a d'autre but que d'éviter toute espèce de doute, et que je me borne à formuler dans la disposition la définition donnée par M. le minière des finances, définition qui se trouve au Moniteur et qui restera consignée pour l'instruction des ministres à venir.

M. le ministre des finances a déclaré hier que par étalage il fallait entendre le déploiement de la marchandise pour la vente en détail. Voilà sa définition. Je voulais que cette définition passât dans la loi ; si elle n'y passe pas elle restera telle que M. le ministre des finances l'a donnée et telle qu'elle est consignée au Moniteur. Du reste si M. le ministre des finance déclare qu'il persiste à entendre ainsi l'étalage : « le déploiement des marchandises pour la vente en détail », je me contenterai de cette déclaration et je retirerai mon amendement. Il sera bien entendu que la disposition ne pourra jamais être appliquée qu'aux marchandises destinées à être vendues en détail pour la consommation intérieure ; que, quant aux marchandises destinées à l'exportation, il sera toujours permis de les montrer à ceux qui voudront en faire l'acquisition.

M. d’Elhoungne. - Messieurs, la discussion soulevée par l'honorable préopinant m'étonne, et je pense qu'elle étonne toute la chambre. (C'est vrai ! c'est vrai !) M. le ministre des finances, en défendant le principe de la loi, dans les séances précédentes, a prouvé qu'il entendait certes d'une manière aussi large que les honorables députés d'Anvers, le rôle que doivent jouer les entrepôts francs dans notre système de commerce intérieur et extérieur. M. le ministre des finances nous présente, dans l'article en discussion, une garantie qui est très faible et qui est bien moins la traduction des craintes exprimées dans cette enceinte par les adversaires des entrepôts francs que la traduction des assurances données par leurs défenseurs.

En effet, ces honorables membres ont toujours insisté sur cette considération, qu'il ne s'agissait pas d'élever de véritables boutiques dans lesquelles les marchandises seraient étalées pour convier en quelque sorte le consommateur du pays et l'étranger à y faire des emplettes sur une petite échelle.

L'honorable préopinant, en présentant son amendement, veut réduire l'appréciation des faits à une question intentionnelle. Il ne s'agira plus de prohiber dans les entrepôts francs l'étalage des marchandises, mais il s'agira de rechercher quelle est l'intention et de ceux qui étalent et de ceux qui viennent regarder cet étalage. Il s'agit de savoir si celui qui étale veut provoquer la vente pour l'exportation, et si celui qui vient regarder veut faire des acquisitions pour la consommation intérieure. Traduire ainsi l'amendement, le réduire ainsi à sa véritable expression, c'est en faire la critique la plus irréfutable. Je pense que cette critique suffira pour que la chambre rejette l'amendement de l’honorable député d'Anvers et se rallie à l'amendement de M. le ministre des finances qui, assurément, ne peut porter la moindre atteinte à ce que veulent les défenseurs du régime le plus libéral pour les entrepôts francs.,

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je n'ajouterai qu'un mot, quant à la définition de l'étalage ; je me réfère à la signification que l'expression « étalage » a dans toutes les lois, et notamment dans la loi relative au colportage. D'après cette loi, étaler veut dire avoir une montre permanente pour la vente. J'ai déjà fait remarquer hier que les opérations relatives à l'ouverture ou à la division des colis, et celles qui ont pour objet de montrer la marchandise pour les ventes en gros ne sont pas interdites par la disposition proposée. Là est la véritable garantie du commerce, la seule qu'il puisse exiger.

M. Rogier. - Je prends acte des dernières paroles de M. le ministre des finances, il en résulte que la montre des marchandises ne se trouve pas interdite ; que la marchandise, dans les entrepôts francs, pourra être montrée par son amendement aux acheteurs. Je crois ne pas être trop exigeant en demandant que la marchandise à vendre puisse être montrée. Voilà sur quoi j'insiste ; nous ne pouvons pas rester dans le vague à cet égard.

(page 234) Nous savons jusqu'où certains scrupules, certaines frayeurs sont poussées, et nous ne voulons pas que, dans l'application, le règlement même détruise les principes libéraux, introduits dans la loi même. Voilà quel était le but de mon amendement. Il n'a rien de trop minutieux, puisqu'il s'agit d'une disposition réglementaire qui, mal appliquée, peut détruire tout l'esprit de la loi.

Si, cependant, il faut bien entendu que dans l'entrepôt franc les pièces de marchandises pourront être montrées et non pas étalées d'une manière permanente, comme dans les magasins de la rue de la Madeleine, par exemple, s'il est bien entendu que la marchandise pourra être montrée aux acquéreurs, aux armateurs, je me contenterai de cette interprétation et j'espère qu'on ne fera pas passer une interprétation contraire dans le règlement.

Je ne crois pas qu'aucun député de Gand puisse trouver une pareille demande exagérée.

M. Desmaisières, rapporteur. - En vérité, messieurs, je ne comprends pas l'insistance avec laquelle l'honorable préopinant semble vouloir nous disputer la très faible garantie que le ministère est disposé à donner à l'industrie nationale. Mais, messieurs, dans la question des entrepôts francs, il y a une autre question, une question de dépense ; je ne veux pas m'opposer à cette dépense, car cette dépense est productive de gros intérêts, alors que les mesures que l'on prend sont réellement profitables à l'industrie et à l'agriculture nationales. Toutefois, si la dépense devait leur nuire, il y aurait lieu de s'y opposer, et, encore une fois, je m'étonne que l'honorable préopinant insiste autant qu'il le fait, pour disputer à l'industrie nationale la faible garantie que le ministère est dispose à lui offrir.

La dépense à laquelle je fais allusion est l'augmentation du remboursement du péage sur l'Escaut, dépense qui peut devenir considérable, et dès lors on a droit d'exiger qu'elle profite réellement à l'industrie et à l'agriculture nationales.

- La chambre, consultée, prononce la clôture de la discussion.

M. le président. - Je mettrai d'abord aux voix l'amendement qui consacre le principe, et puis le sous-amendement de M. Rogier.

M. Rogier. - Je le retire, après les explications de M. le ministre des finances.

M. le président. - En ce cas, je mets aux voix l'amendement de M. le ministre des finances.

- Cet amendement est adopté.

L'article 15, avec le nouveau paragraphe, est mis aux voix et adopté.

Section IV. Conservation des marchandises
Article 19

M. le président. - Nous passons à l'article 19.

« Art. 19. § 1er. Ces mouvements peuvent s'opérer pour toutes quantités, sauf les exceptions consacrées par les lois spéciales sur les accises et par la loi générale du 20 août 1822.

« § 2. Toutefois le gouvernement fixera pour les marchandises de douanes un minimum des quantités pouvant entrer dans les entrepôts et en sortir. »

M. le ministre des finances a proposé un nouveau § 2, ainsi conçu :

«. Le gouvernement fixera pour les marchandises de douanes un minimum pouvant entrer dans les entrepôts ou en sortir pour la consommation.

« Ce minimum, quant aux entrepôts francs, ne pourra être inférieur à 50 kilogrammes (poids net) pour les articles spécifiés au tarif sous la dénomination de tissus, toiles et étoffes, à moins que ces marchandises ne soient le solde du compte d'entrepôt. »

M. Loos. - Je ne comprends pas l'utilité que présente l'établissement d'un minimum pour l'entrée dans l'entrepôt franc. Je demanderai, à cet égard, une explication à M. le ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, s'il était permis de faire entrer toujours de petits colis en entrepôt, la disposition deviendrait illusoire. On multiplierait indéfiniment les soldes d'entrepôt.

M. Rogier. - Les marchandises seront admises dans l'entrepôt franc sans déclaration en délai et sans vérification. Si maintenant on prescrit dans la loi que les marchandises ne pourront entrer dans l'entrepôt qu'au minimum de tel poids, il s'ensuivra que le gouvernement, pour s'assurer que les marchandises qui entrent, ne sont pas au-dessous de ce minimum, devra souvent faire vérifier en détail chaque cargaison. Cet article me semble aller contre le but de la loi. Ce but est de laisser entrer librement les marchandises dans l'entrepôt ; là, la marchandise sera déballée, triée, assortie ; elle ne sera pas étalée pour la consommation, mais enfin elle pourra subir toutes ces opérations ; le gouvernement sera censé ignorer en quelque sorte ce qui est entré dans l'entrepôt ; mais avec l'article 19, tel qu'il est formulé maintenant, le gouvernement devra s'assurer s'il n'entre pas de marchandises, dont le poids est inférieur au minimum fixé par la loi.

Je prie M. le ministre des finances de donner une explication sur la portée du § 2, ainsi que sur son amendement.

M. Manilius. - Messieurs, je crois que si parmi les marchandises non manufacturées, destinées à l'entrepôt franc, il se trouve quelques objets manufactures, on doit en autoriser l'entrée dans l'entrepôt, le poids en fût-il même inférieur au minimum fixé par la loi ; parc» qu'il arrive souvent qu'un navire charge de minière première contient aussi un colis manufacturé ; il ne faut pas que ce soit une entrave pour son entrée à l'entrepôt franc, que je préfère voir libre pour le grand commerce.

Maintenant, je demanderai à M. le ministre des finances comment il se fait qu'il a établi une distance si grande entre le poids fixé pour les tissus de lin, et celui fixé pour les tissus de laine.

Une balle de tissus de laine, composée, par exemple, de mousselines-laine imprimées, peut être d'une grande valeur ; une balle de tissus de lin peut avoir une valeur également grande. Il en est de même pour les cotons. Une balle de mousseline peut avoir la même valeur et le même poids qu'une balle d'indienne. La distinction établie ne me paraît basée sur rien. Si vous voulez un minimum pour ces trois espèces de filament, vous pouvez les mettre sur la même ligne. J'admets l'exemption pour les soieries, mais je ne puis pas l'accepter pour les trois filaments que je viens de citer.

Je dis que dans les tissus de laine, ainsi que de coton, il y a identité, sous le rapport du poids, dans presque tous les cas, autant pour les tissus fins et légers de chaque espèce, de même que pour les gros tissus. Je dis dès lors que la différence de 50 à 100 kil. n'est pas heureusement établie. Je proposerai la moyenne de 75 kilogrammes pour les trois filaments.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, deux questions distinctes sont soulevées dans cette discussion. Est-il possible de concilier l'article avec le système des entrepôts francs ? Si cette possibilité existe, quelle limite faut-il établir ?

Déjà, messieurs, il a été souvent question du premier point. Sans doute, messieurs, l'action de la douane ne s'exerce pas dans l'intérieur de l'entrepôt franc, pour percevoir les droits de l'Etat, pour visiter leurs marchandises mais, comme je l'ai déjà dit plusieurs fois, la surveillance de la douane existe. En second lieu, un établissement comme celui-là nécessite une comptabilité tenue avec beaucoup de soin, où tous les objets introduits sont classés dès leur arrivée dans l'entrepôt. C'est ce que le projet établit. Cette comptabilité suffit pour le contrôle des soldes, et nous pouvons établir des minimum pour les entrées et les sorties.

Quant au second point, la proposition première consistait à n'admettre dans la loi qu'un seul minimum, c'est-à-dire l'autorisation pour le gouvernement d'établir un minimum. Je l'ai étendu depuis lors, en portant cette disposition même dans la loi.

Reconnaissant même l'impossibilité de faire passer toutes les distinctions du tarif dans la loi, j'ai fait trois grandes catégories ; et pour établir les chiffres, j'ai eu égard à la valeur moyenne de chaque catégorie.

J'ai sous les yeux le tableau copié dans le tarif et qui contient les valeurs officielles par catégories ; je reconnais qu'elles sont peut-être supérieures aux valeurs commerciales. D'après ces valeurs, je trouve, quant aux tissus de soie, par 50 kilog. 2,330 fr.

Pour les tissus de coton, 50 kil. valent 525 francs.

Pour les tissus de lin, la valeur moyenne, en prenant les qualités les plus grossières et les plus fines, est 1,116 francs pour 50 kilog.

Que faisons-nous, messieurs, par la loi ? Nous établissons des minimum que le gouvernement ne pourra pas dépasser, mais il pourra établir d'autres distinctions si l'utilité en est reconnue.

Ce n'est donc pas arbitrairement, mais d'après les seules données qu'il me fût possible de recueillir, que j'ai établi ces diverses catégories.

M. de Theux. - Je présume que c'est pour empêcher les embarras d'administration que le gouvernement a proposé à l'article 19 cette disposition qui porte qu'il fixera le minimum des quantités de marchandises qui pourront entrer à l'entrepôt. Je pense qu'au lieu d'une disposition impérative, on devrait en faire une disposition facultative, et dire : Le gouvernement pourra, pour les marchandises de douane, fixer un minimum des quantités pouvant entrer dans les entrepôts. Quant à la sortie, ce minimum serait impératif, comme l'a proposé M. le ministre des finances. Il ne s'agit ici que de la sortie pour la mise en consommation et non pour les réexportations.

Je ne pense pas qu'il y ait un intérêt à empêcher de sortir pour l'exportation, des quantités moindres que celles fixées par le ministre pour la déclaration en consommation. De cette manière, pour l'entrée dans les entrepôts, le gouvernement aurait la faculté de fixer un minimum ; mais pour la sortie en consommation, le minimum étant dans l'intérêt de l'industrie du pays, serait impératif.

Il est bien entendu que si, malgré ce minimum, le gouvernement voyait qu'on fît une concurrence fâcheuse à l'industrie du pays en éludant la disposition au moyen du concert de quelques acheteurs, il pourrait augmenter ce minimum.

M. Desmet. - J'avais toujours cru que la loi qui nous occupe était faite pour le haut commerce et non pour le commerce de détail, pour le commerce de boutique. On dit qu'on ne veut pas établir de bazars dans les entrepôts, mais si vous y laissez entrer les marchandises en si petite quantité qu'on voudra, vous en ferez de véritables bazars. Le minimum des quantités pour la sortie n'est pas aussi important que pour l'entrée, car le danger de la concurrence consiste dans la présence des marchandises dans l'entrepôt.

M. Veydt. - Messieurs, j'ai des craintes sérieuses sur la portée du deuxième paragraphe de la disposition dont la chambre s'occupe en ce moment. Nous voulons tous empêcher qu'on ne fasse sortir des entrepôts de petites quantités de marchandises pour les livrer à la consommation. Il faut envisager la question des entrepôts francs au point de vue des affaires commerciales traitées sur une grande échelle. La majorité des membres de la chambre a été d'accord avec nous de laisser entrer dans les entrepôts francs même les quantités les plus petites. Cela ne peut faire aucun tort à l'industrie du pays : ce n'est que pour la sortie en consommation qu'il faut fixer un minimum. Je pense donc, de même que l'honorable M. de Theux, qu'il faut modifier la disposition du projet ; sans cela vous ne donneriez pas au commerce toutes les facilités dont il a besoin ; vous entraveriez le développement des affaires, qui est le but de la loi.

M. d’Elhoungne. - D'après les observations si justes que vient de présenter l'honorable comte de Theux, je proposerai de rédiger la disposition comme suit :

« Le gouvernement pourra fixer pour les marchandises de douane un minimum pouvant entrer dans les entrepôts.

« Il sera également fixé un minimum pour les sortie des marchandises pour la consommation. Ce minimum, quant à la sortie des entrepôts, ne pourra être inférieur à :

« 20 kilog. (poids net) pour les tissus de soie ;

« 50 kilog. (poids net) pour les fils et tissus de coton, de lin, de chanvre et d'étoupe ;

« 100 kilog. (poids net) pour les fils et tissus de laine ;

« A moins que ces marchandises ne soient le solde du compte entrepôt. »

M. Rogier. - Quel est le but de cette restriction ?

M. d’Elhoungne. - Il n'y a pas de restriction, le gouvernement est libre de dire qu'il n'y aura pas de limite pour l'entrée.

L'article est général dans son premier paragraphe et spécial dans le second. J'ai voulu modifier la disposition du deuxième paragraphe pour répondre aux observations déjà présentées ; si les honorables députés d'Anvers en ont encore à faire, qu'ils les présentent. (Interruption.)

Messieurs, on pourrait répondre à toutes leurs objections, en rendant aussi facultatif le premier paragraphe ; ce qui implique d'autant plus nettement le droit, pour le gouvernement, de ne pas fixer un minimum aux entrées de l'entrepôt franc.

M. Rodenbach. - Après l'amendement de M. le ministre des finances, je ne conçois pas qu'on discute encore, alors que plusieurs honorables députés nous ont déclaré plusieurs fois que c'était le haut commerce, le commerce en grand que le projet qui nous occupe avait pour but de protéger. Je vous demande si quand il s'agit de 20 kilog. de soieries, de 50 kilogrammes de toile et de coton et de 100 kilog. de drap et tissus de laine, on peut appeler cela du haut commerce. C'est du détail et rien de plus. Admettre dans les entrepôts les quantités qu'on voudrait y introduire, ce serait vouloir y établir des foires. Dans les foires ce ne sont pas seulement des 20, 50 ou 100 kilog. de marchandises qu'on trouve, mais des milliers de kilogrammes.

On voudrait pouvoir faire entrer pour quelques centaines de francs de marchandises, dans l'intérêt de quelques commissionnaires qui trouveraient à gagner 5, 6, 8 ou 10 francs. Quand on veut soutenir les entrepôts francs, on doit apporter de grandes idées en rapport avec ce qu'on appelle le haut commerce.

M. Rogier. - L'honorable préopinant ne nous a pas compris. Il ne s'agit pas ici de haut commerce ; il s'agit simplement de l'exécution de la loi sur les entrepôts. Voici une disposition qui, de l'aveu de tout le monde, peut contrarier d'une manière essentielle le but de l'entrepôt.

« Le gouvernement, dit le § 2 de l'article 19, fixera, pour la marchandise de douanes, un minimum des quantités pouvant entrer dans ces entrepôts et en sortir. »

Certainement, le grand commerce fait toujours entrer de grandes quantités de marchandise ; mais les honorables députés de Gand appartiennent à un port ; ils savent de quoi se compose une cargaison ; ils savent qu'à côté d'objets encombrants, il peut se trouver des objets de moindre volume, formant de moindres colis. Je demande si, parce que dans une grande cargaison d'objets encombrants, il se trouve quelques colis au-dessous du minimum fixé par la loi, à cause de ces colis le gouvernement devra soumettre toute la cargaison à la vérification ?

Je demande si on peut poser une question d'une manière plus raisonnable, plus pratique. Je demande si cet article n'aura pas pour résultat d'entraver l'entrée d'une cargaison tout entière, parce qu'elle comprendrait quelques petits colis, si la loi ne permet l'entrée libre de ces petits colis dans l'entrepôt ; alors l'administration devra vérifier toutes les cargaisons pour s'assurer s'il y en a ou s'il n'y en a pas.

L'honorable M. d'Elhoungne qui, outre l'intelligence qui le distingue, doit avoir la connaissance pratique des affaires commerciales, puisque Gand est une ville à la fois industrielle et commerciale qui aura son entrepôt franc, l'honorable M. d'Elhoungne sait comment se composent les cargaisons. Les honorables députés de Gand conviendront qu'une disposition comme celle dont il s'agit rendrait impraticable le système des entrepôts francs. Je compte sur leur concours pour appuyer l'amendement.

Si vous dites que le gouvernement pourra, et qu'il arrive au pouvoir un ministre qui comprenne les entrepôts francs comme certains membres semblent les comprendre, il pourra donner à la disposition une interprétation qui sera la destruction de ces entrepôts.

Il n'y a rien là d'offensant pour personne. Je crois que tout le monde est de bonne foi dans son opinion.

Voilà donc pourquoi, messieurs, je ne voudrais pas voir transformer en simple faculté la fixation d'un minimum. Tout le monde reconnaît qu'il est impossible d'exiger que l'on exclue d'une cargaison tout colis au-dessous de tel ou tel minimum.

Je suppose que, dans une cargaison, il ne se trouve qu'un seul colis au-dessous du poids fixé par la loi ? Faudrait-il pour cela visiter toute la cargaison ?

Messieurs, nous voulons toute garantie pour les sorties en consommation ; nous consentons à ce qu'on fixe les poids des colis qui doivent être livrés à la consommation ; mais au moins pour l'entrée et pour les sorties à l'exportation, qu'on laisse les cargaisons entièrement libres comme le voulait le projet primitif.

Je demande donc que le paragraphe en discussion soit conçu de la manière suivante : « Toutefois le gouvernement fixera pour les marchandises de douane un minimum des quantités pouvant sortir pour la consommation. »

Voilà comment je comprendrais l'ensemble de l'article, et c'est ainsi, je crois, que vous devez tous le vouloir. Vous avez voulu garantir à l'industrie nationale la consommation intérieure. Vous ne voulez pas que de petites quantités puissent sortir pour cette consommation ; eh bien, nous ne le voulons pas non plus.

Permettez-moi, cependant, de faire une observation qui vous a déjà été présentée par l'honorable M. de Theux. Lorsque, pour la consommation, vous aurez interdit la sortie au-dessous de 50 kil., qu'arrivera-t-il ? C'est que plusieurs détaillants pourront s'entendre pour faire sortir des quantités plus considérables, et alors vous aurez à subir une concurrence plus forte. A l'intérieur, vous ne gagnerez donc rien à forcer l'entrepositaire à verser dans la consommation des quantités plus fortes ; au contraire, ces quantités plus fortes viendront aussi faire une concurrence plus forte aux produits nationaux. Cependant, examinez la question. Si vous croyez que l'industrie nationale sera mieux protégée, alors que vous interdirez les petites sorties, ce sera à vous à en juger. Mais je crois que cette question mérite encore d'être examinée.

Tout ce que nous demandons, nous, défenseurs de l'entrepôt libre, c'est qu'on puisse y entrer librement, et en sortir librement sans être entravé par de petites tracasseries. Je crois que M. le ministre des finances doit le vouloir ainsi ; mais il ne suffit pas que lui le veuille, il faut que tous les ministres à venir le veuillent également, et c'est pour cela que je désirerais que la loi le voulût aussi.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je désire que le résultat indiqué en dernier lieu par l'honorable membre soit atteint. Je ne puis cependant pas répondre de mes successeurs parce que je ne les connais pas.

Quelle est, messieurs, la pensée que nous devons inscrire dans la loi ? Nous devons inscrire dans la loi simplement les limites pour les objets manufactures pouvant passer des entrepôts francs dans la consommation et pour le reste nous laissons au gouvernement le soin de régler la matière conformément à l'esprit de la loi.

Veuillez-vous rappeler, messieurs, comment ce paragraphe a été introduit. Il n'était pas dans le projet primitif. Le gouvernement l'a porté dans le projet qui vous a été soumis, pour éviter que les entrepôts francs ne devinssent des magasins de détail. C'est ce que vous trouverez à la page 59 des observations qui suivent le projet.

Ce résultat que nous voulons tous et dont nous cherchons la formule, je le crois obtenu par l'amendement de l'honorable M. d'Elhoungne, qui n'est lui-même que l'expression de l'idée émise tout à l'heure par l'honorable M.de Theux.

Ainsi pour les marchandises d'accises, paragraphe premier, on s'en réfère aux minimum qui se trouvent dans les lois spéciales. Pour les marchandises de douane, on donne au gouvernement la faculté de réglementer les minimum, sauf pour les soldes de compte d'entrepôt.

Cette pensée est-elle rendue par l'amendement de l'honorable M. d'Elhoungne ? « Le gouvernement pourra fixer pour les marchandises de douane un minimum des quantités pouvant entrer dans les entrepôts ou en sortir pour la consommation. » Premier principe. L'on ajoute : « Le minimum légal, quant à la sortie des entrepôts francs, ne pourra être inférieur à celui, etc. « Suit l’énonciation des quantités.

Il me semble, messieurs, que l'adoption de cet amendement, auquel je me rallie, est de nature à concilier toutes les opinions.

L'honorable M. Rogier pense que l'exécution de cet article suppose la déclaration en détail. Il n’en est rien. Plusieurs fois déjà on a fait remarquer qu'il y était suffisamment pourvu par les formalités dans l'intérieur de l'entrepôt.

M. Mercier. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour appuyer l'amendement de l'honorable M. d'Elhoungne. En acceptant cet amendement, nous atteindrons le but que se propose l'honorable M. Rogier lui-même. On ne peut supposer qu'un ministre des finances quelconque n'applique pas la loi dans son véritable esprit, dans un sens libéral. D'ailleurs, la chambre serait là pour réclamer, si le gouvernement lui donnait une interprétation contraire au but que nous nous proposons.

L'honorable M. d'Elhoungne, comme M. le ministre des finances, veut prévenir un abus possible. Cet abus, je ne le crois pas probable, parce que je ne pense pas que grand nombre d'individus fassent entrer dans l'entrepôt des petits colis de marchandises pour les vendre ensuite en détail, comme restant de dépôt. Remarquez encore, messieurs, qu'un colis de marchandises, introduit pour le compte d'un négociant, qui a déjà un dépôt dans l’établissement, vient s'ajouter à son compte, de manière que le solde ne s'établira pas sur ce colis seulement, mais sur tout son dépôt de marchandises de même espèce.

Il est donc peu probable, messieurs, que l'abus se commette, et que le gouvernement ait à user de la faculté qui lui est accordée par l'amendement de l'honorable M. d'Elhoungne, en ce qui concerne l'entrepôt franc. Cependant l'abus est possible, et cela doit suffire pour qu'il soit prévu par la loi. C'est ce qui m'engage à appuyer l'amendement. Je suis persuadé que le commerce n'aura pas à se plaindre de cette disposition facultative.

M. Manilius. - D'après les considérations que vous venez d'entendre, je ne m'étendrai pas sur les motifs qui me feront aussi adopter l'amendement de l'honorable M. d'Elhoungne.

Lorsque j'ai demandé la parole, messieurs, c'était au moment où l'honorable M. Rogier vous présentait de très longues considérations pour prouver que l'on devait tolérer que les navires qui entraient dans l'entrepôt franc, passent avoir au moins quelques petits ballots d'objets manufactures. Je m'étonne, messieurs, que l'honorable membre ait cru devoir s'étendre autant sur ce point. S'il avait voulu nous prêter quelque attention, il se serait rappelé que c'était précisément ce que j'avais dit au commencement de ce débat, et que M. le ministre des finances avait professé la même opinion. C'est ce dont l'honorable membre pourra s'assurer, en revoyant mes paroles au Moniteur. Il reconnaîtra ainsi que nous aussi, députes de Gand, nous avons l'intelligence de ce qui se passe dans le commerce.

(page 236)t M. d'Elhoungne. - Messieurs, la principale objection qu'on a faite à l'article que nous discutons, c'est qu'il ne faut pas même laisser un gouvernement la faculté de faire un règlement qui fixe, en certains cas, le minimum des marchandises qui pourront entrer dans l'entrepôt franc. Je pense, au contraire, qu'il est nécessaire que le gouvernement fasse un règlement à ce sujet, parce que ce règlement sera la sanction de la disposition du même article, qui place les soldes en dehors de la règle des minimum. S'il n'y a pas de règlement possible, on pourra faire des cargaisons de soldes, et alors les dispositions de la loi seraient éludées.

Mais, quel que soit le règlement qu'il fera, le gouvernement exceptera nécessairement tous les appoints de cargaisons. Il est impossible de supposer que le but de l'article soit d'exclure ces appoints, ni qu'une pareille pensée puisse être celle du gouvernement. Dès lors, tous les intérêts seront saufs dans tons les cas.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je trouve à la page 7 du rapport de la section centrale le projet de règlement.

Le § 1er fixe, pour les quantités non soumises aux accises, le minimum des quantités à l'entrée et à la sortie des entrepôts.

Le § 2 porte : « Le § 1er qui précède ne sera pas appliqué aux marchandises :

« a. Importées directement sur entrepôt en quantités inférieures à celles déterminées ci-dessus ;

« b. Enlevées pour le transit ou la réexportation ;

« c. Formant le solde du compte d'entrepôt. »

Je n'ai pas reproduit cette disposition tout entière, parce que la seule partie qui devait l'être, c'était celle relative au solde d'entrepôt. Quant aux autres, faisons au gouvernement l'honneur de croire que, sous le contrôle de la représentation nationale, il appliquera la loi d'une manière raisonnable, qu'il ne l'appliquera pas de manière à empêcher l'importation de quantités trop petites lorsqu'il n'y a pas d'abus à craindre. Et dès lors, l'amendement de l'honorable M. d'Elhoungne offre toutes garanties.

M. de Foere. - Messieurs, j'aurai l'honneur de vous présenter quelques observations à l'appui de l'opinion que des députes d'Anvers viennent d'émettre.

La chambre ne doit pas perdre de vue le caractère principal de l'entrepôt franc. Il est particulièrement proposé pour recevoir les marchandises destinées à l'exportation. Or, veuillez remarquer, messieurs, que souvent des colis d'un poids léger sont dirigés de l'étranger vers les entrepôts francs pour être exportés sur les marches étrangers à titre d'essai. Ces cas sont très fréquents. Si donc vous déterminez un minimum à l’entrée de l'entrepôt franc, vous exclurez une quantité de petits colis destinés à l'exportation et vous vous opposerez au but que cet établissement est spécialement censé devoir atteindre.

D'un autre côté, le poids de la marchandise à l'entrée dans l'entrepôt ne doit pas être fixé pour garantir l'industrie nationale contre la sortie en consommation, attendu que l'on propose de déterminer un poids pour fixer cette sortie. On propose de porter ce poids à 50 kil. ; or, si un poids intérieur à 50 kil. est entré dans l'entrepôt franc, il va de soi qu'il ne pourra pas en sortir pour la consommation.

Je crois donc que, de ce chef, l'industrie n'aurait rien à craindre, si l'opinion des députes d'Anvers recevait la sanction de la loi.

M. Lesoinne. - Je voulais précisément citer le cas dont vient de parler l'honorable M. de Foere. Du moment où l'on est bien certain d'un minimum de sortie, je ne vois pas pourquoi l'on veut fixer aussi un minimum d'entrée. Messieurs, l'exécution des lois présente souvent des difficultés que l'on n'avait pas prévues dans la discussion. Je pourrais citer des lois de douane qui sont tracassières pour le commerce parce qu'on n'avait pas bien prévu la manière dont elles seraient exécutées.

Je suppose le cas où, comme ou vient de le dire, un navire renferme des marchandises devant servir d'échantillons ; forcerez-vous ces marchandises à payer les droits ? Mais ce serait empêcher qu'elles n'arrivent chez vous, alors cependant qu'elles pourraient peut-être servir à favoriser l'exportation de produits belges. Que fera-t-on de ces marchandises s'il est interdit de les déposer à l'entrepôt ? Je demanderai à cet égard une explication à M. le ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. Malou). - On perd un peu de vue, messieurs, que l'article 19 n'est pas seulement relatif aux entrepôts francs, mais qu'il est aussi relatif aux autres entrepôts. On perd également de vue la véritable question, celle de savoir s'il faut, dans la loi même, prendre toutes les précautions minutieuses que l'on peut prendre dans un règlement. Voulez-vous faire passer dans la loi le règlement tout entier ? Voilà véritablement ce que nous discutons. Au début de la discussion, j'avais demandé qu'on imposât seulement au gouvernement une restriction quant à la mise en consommation de certains articles ; mais je voulais qu'on lui laissât le soin de faire, conformément à la loi, un règlement de détail, règlement qui ne serait pas le même, par exemple, pour les entrepôts francs et pour les entrepôts publics. Mais ne pas limiter les quantités à l'entrée et laisser la disposition générale pour tous les entrepôts, c'est aller beaucoup au-delà de ce que le gouvernement voulait dès le principe. Je persiste à croire que nous devons simplement poser des limites quant aux tissus et quant aux mises en consommation à la sortie des entrepôts francs. Le gouvernement, après s'être entoure de tous les renseignements, prendra des dispositions spéciales suivant la nature des entrepôts et suivant la nature des marchandises.

M. Veydt. - Messieurs, le point qui nous occupe est très essentiel. M. le ministre des finances semble disposé à admettre un amendement, et MM. de Foere et Lesoinne en ont prouvé la nécessité. Je crois que, sans nuire le moins du monde à l'industrie, on pourrait ajouter la disposition suivante au paragraphe qui concerne les entrepôts publics : « Quant aux entrepôts francs, il ne sera point fixé de minimum pour l'entrée. A la sortie pour la consommation de ces entrepôts, le minimum ne pourra être inférieur à... » (Le reste comme dans l'amendement de M. le ministre des finances).

De cette manière, messieurs, on concilierait tous les intérêts. J'aimerais infiniment mieux renoncer à l'exception relative aux soldes, que d'exposer les marchandises aux visites qui pourraient avoir lieu à l'entrée, si un minimum était fixé.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Supposer qu'il y aura des restrictions à l'entrée dans les entrepôts francs, c'est supposer que le gouvernement fera un règlement à rebours de la loi.

- La clôture est demandée.

M. Loos. (contre la clôture). -Je demande que la discussion ne soit pas close encore, car on a donné aux observations que j'ai présentées à la chambre des proportions si mesquines que je rougirais moi-même de les avoir présentées si elles devaient être entendues dans le sens qu'en leur a attribué. Je demande à pouvoir expliquer ma pensée. .

M. Rogier. - Messieurs, l'article dont nous nous occupons n'est pas un article réglementaire, c'est évidemment un article de principe. Il s'agit de savoir si la marchandise pourra, oui ou non, entrer dans l'entrepôt franc en telle quantité que ce soit. M. le ministre des finances, dans ses dernières observations, a semblé reconnaître que, pour les entrepôts francs, au moins, il n'était pas nécessaire d'accorder au gouvernement la faculté de fixer un minimum à l'entrée ; M. Veydt a présenté un amendement dans ce sens ; je demande que cet amendement soit examiné.

M. d’Elhoungne. - Je m'oppose à la clôture, messieurs, parce que je crois que la discussion ne se prolonge qu'à raison d'un malentendu. Comme l'a fait remarquer M. le ministre des finances, l'amendement dont nous nous occupons est relatif à tous les entrepôts, et dès lors il faut bien ; qu'il y soit question d'un minimum à l'entrée et à la sortie des entrepôts en général ; mais par cela seul que l'article se borne à donner au gouvernement la faculté d'établir ce minimum, par cela seul que ce n'est qu'une faculté, le gouvernement n'en usera par à l'égard des entrepôts francs, à moins que l'expérience ne constate des abus, et dans cette hypothèse on conviendra qu'il est indispensable de pouvoir faire cesser ces abus. Il faut donc que le gouvernement soit investi du droit de faire, le cas échéant, le règlement que l'expérience rendra nécessaire.

- La clôture est mise aux voix ; l'épreuve étant douteuse, la discussion continue.

M. Loos. - On a supposé, messieurs, que mon intention était de permettre que l'on introduisît dans les entrepôts de petites quantités de marchandises, afin d'en former des soldes de comptes et de les introduire comme tels dans la consommation. Si c'était là, messieurs, la portée de mes observations, j'en rougirais, comme député d'Anvers. C'est le haut commerce que je veux protéger, et je crois qu'après les explications données par mon honorable ami M. Rogier il ne peut rester le moindre doute sur nos intentions, dans l'esprit d'aucun membre de cette chambre.

L'honorable M. Rogier vous a cité le cas, messieurs, où un navire contiendrait, parmi les marchandises formant sa cargaison, quelques colis n'ayant pas le poids fixé comme minimum dans l'amendement de M. le ministre des finances, et il a demandé si cette cargaison sera soumise à une vérification ou si elle entrera dans l'entrepôt sans être visitée.

Si M. le ministre des finances avait voulu répondre d'une manière catégorique sur ce point, je crois que la discussion aurait cessé à l'instant même. Nous voulons éviter les formalités qui pourraient entraver la libre entrée dans les entrepôts francs.

Nous pensons que la fixation d'un minimum pourrait susciter des entraves au commerce, et je vous prie de croire, messieurs, que je parle ici du grand commerce, mais non pas du commerce qui s'appliquerait aux soldes de compte d'entrepôt. Je n'avais pas trouvé, moi, ce moyen d'introduire des marchandises dans la consommation ; mais je dois convenir qu'avec beaucoup de frais on réussirait à faire sortir ainsi des entrepôts quelques petites quantités de marchandises ; seulement on manquerait le but, puisque ces petites quantités de marchandises auraient à supporter les droits d'emmagasinage et beaucoup d'autres frais.

Je le répète, je n'ai d'autre but que de lever les entraves que pourrait rencontrer l'entrée des marchandises en entrepôt, lorsque dans une cargaison il se rencontrerait de petites quantités de certaines espèces de marchandises. Si on me donnait à cet égard des explications satisfaisantes, je n'insisterais pas.

M. Veydt. - Messieurs, l'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer tout à l'heure a été défendu par MM. Loos, de Foere et Lesoinne. Il me semble que s'il n'était pas admis, la loi serait en contradiction avec tout ce que nous avons fait hier. Il y aurait des restrictions à l'entrée dans les entrepôts francs, tandis qu'on a dit, avec beaucoup de raison, que l'entrepôt franc représente réellement un pays étranger dans lequel on entre à pleines voiles, sauf la surveillance la plus stricte possible observée quant aux sorties pour l'intérieur du pays. A cela nous n'avons aucune objection à faire ; car ce que veut le haut commerce, c'est qu'on le laisse jouir de tous les avantages du commerce extérieur.

M. de Theux. - Messieurs, je concevrais les craintes de quelques honorables préopinants, s'il s'agissait de maintenir la disposition primitive du projet qui obligeait le gouvernement à fixer un minimum pour l'entrée à l'entrepôt. Mais maintenant que le gouvernement s'est rallié à l'amendement (page 237) de l'honorable M. d'Elhoungne, qui rend cette disposition facultative, il m'est difficile de concevoir l'insistance que ces honorables députés font encore pour lever toute espèce de limite, que le gouvernement pourrait fixer lorsqu'il aurait été guidé par l'expérience.

Messieurs, la manière libérale dont le projet a été conçu par l'honorable M. Mercier et défendu par M. le ministre des finances actuel, me semble devoir rassurer complétement les honorables députés. Mais il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit ici de quelque chose de nouveau et qu'il est très difficile de prévoir a priori tous les inconvénients qui peuvent surgir. Laissons donc quelque latitude au gouvernement. Laissons donc quelque chose à l'expérience.

Si le gouvernement reconnaît qu'il existe quelque inconvénient, il apportera des limites raisonnables à l'entreposage. Je suppose que le gouvernement commence par ne mettre aucune restriction à l'importation aux entrepôts francs. Mais si, après, il reconnaît qu'il existe un inconvénient pratique, laissons-lui alors la faculté de déterminer un minimum.

Je ne comprends pas pourquoi on s'oppose à l'amendement de l'honorable M. d'Elhoungne.

M. Desmaisières, rapporteur. - Je n'ajouterai qu'un mot aux considérations que vient de faire valoir l'honorable M. de Theux ; c'est qu'il me paraît que les craintes exprimées par les honorables députés d'Anvers sont tout à fait chimériques.

A quoi se réduisent, en définitive, leurs objections contre l'amendement de l'honorable M. d'Elhoungne, amendement qui, il faut bien le remarquer, n'accorde au gouvernement que la faculté de limiter les quantités à l'entrée. Ces objections, l'honorable M. Loos et l'honorable M. Veydt après lui, viennent de vous le dire, se basent sur ce point que, de cette manière, pour un seul colis qui aurait un poids au-dessous du minimum, et qui se trouverait sur un navire, l'administration de la douane pourrait exiger la visite de tout le navire.

Messieurs, pour user de la faculté qui lui est accordée par l'amendement, le gouvernement, comme l'a dit M. le ministre des finances, aura besoin de faire un règlement, et l'on ne peut supposer qu'il suit assez ridicule pour prescrire dans ce règlement la visite de tout un navire, parce qu'il s'y trouvera un colis d’un poids au-dessous du minimum fixé.

- La discussion est close.

M. le président. - Nous sommes en présence de trois amendements : celui de M. le ministre des finances, celui de M. d'Elhoungne et celui de M. Veydt.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je me rallie à l'amendement de M. d'Elhoungne.

M. le président. - Je mettrai d'abord aux voix l'amendement de M. Veydt, comme s'écartant le plus de la proposition primitive. Il est ainsi conçu :

« Quant aux entrepôts francs, il ne sera pas fixé de minimum à l'entrée.

« A la sortie pour la consommation de ces entrepôts, le minimum ne pourra être inférieur à, etc. »

- Cet amendement est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

M. le président. - L'amendement de M. d'Elhoungne, auquel se rallie M. le ministre des finances, est ainsi conçu :

« Le gouvernement pourra fixer pour les marchandises de douane un minimum pouvant entrer dans les entrepôts

« Il sera également fixé un minimum pour les sorties des marchandises pour la consommation. Ce minimum, quant à la sortie des entrepôts, ne pourra être inférieur à..... »

- Cette première partie de l'amendement est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - La seconde partie de l'amendement est ainsi conçue :

« 20 kilog. (poids net) pour les tissus de soie ;

« 50 kil. (poids net) pour les fils et tissus de coton, de lin, de chanvre et d'étoupe ;

« 100 kil. (poids net) pour les fils et tissus de laine. »

M. Manilius a proposé de réduire à 75 kil. le chiffre pour les fils et tissus de laine.

Je mets aux voix les chiffres de 20 et de 50 kil. sur lesquels il n'y a pas contestation.

- Ces chiffres sont adoptés.

M. le président. - Je mets aux voix le chiffre de 75 kil. proposé par M. Manilius pour les fils et tissus de laine.

M. Manilius. (sur la position de la question). - Mon intention était d'établir un chiffre uniforme pour les tissus de coton, les tissus de lin et les tissus de laine, et j'ai proposé de fixer ce chiffre uniforme à 75 kil. Je crois avoir expliqué d'une manière assez claire les motifs pour lesquels le chiffre de 50 kil. ne me paraissait pas assez élevé pour les tissus de coton et les tissus de lin ; mais puisque l'on n'élève pas ce chiffre, je ne demande nullement qu'on réduise celui qui est proposé pour les fils et les tissus de laine. Je retire mon amendement.

M. le président. - Je regrette que vous n'ayez pas donné cette explication plus tôt. Je n'avais pas compris ainsi votre amendement.

- Le chiffre de 100 kilogr. pour les fils et tissus de laine est mis aux voix et adopté.

La troisième partie du paragraphe : « A moins que ces marchandises ne soient le solde du compte d'entrepôt, » est mise aux voix et adoptée. L'ensemble de l'art. 19 est adopté.

Article 20 (nouveau)

M. le président. - M. le ministre des finances a proposé de disjoindre du projet de loi l'article 20 pour en faire l'objet d'une loi spéciale.

Toutefois il propose de remplacer cet article par la disposition suivante :

« Les marchandises déposées dans les entrepôts francs et publics, peuvent être transcrites, au nom d'un tiers, conformément aux lois en vigueur.

« La transcription sera faite par l'entreposeur sur la simple déclaration et acceptation des parties. »

Cette disposition est mise en discussion.

M. de La Coste. - Messieurs, cette disposition, relative aux mutations des marchandises dans l'entrepôt, n'était pas dans le projet primitif. Elle a été adoptée par le gouvernement, d'après les observations d'une chambre de commerce, celle d’une grande cité commerciale, et c'est certainement une haute autorité, a émis au contraire un avis défavorable.

Cependant la section centrale, après avoir examiné avec beaucoup d'attention les observations de la chambre de commerce d'Anvers, ne s'est pas décidée à repousser la proposition ; mais elle a engagé le gouvernement à la distraire pour en faire l'objet d'une loi spéciale.

Je ne vois pas, messieurs, d'après la rédaction que nous présente maintenant M. le ministre, que le gouvernement consente à entrer dans cette voie, puisqu'il insère ici une disposition qui s'en réfère aux lois en vigueur.

Je me permettrai de faire observer en premier lieu à M. le ministre des finances que je ne comprends pas bien la portée de cet article, et je ferai ensuite une autre observation plus pratique.

Je ne comprends pas bien comment il est nécessaire de s'en référer aux lois en vigueur, et comment même l'article peut être de quelque utilité, si les lois en vigueur ont réglé la matière.

Quant à moi, messieurs, j’aurais désiré qu'il eût été possible de se prononcer dès maintenant sur la disposition, telle qu'elle avait été présentée dans le projet de loi.

Certainement je n'ai pas en cette matière des connaissances assez étendues pour pouvoir répondre à toutes les objections qui ont été faites ; mais j'aurais espéré que l’honorable M. Mercier qui, en sa qualité de ministre des finances, a étudié la question, serait venu à mon aide et aurait défendu sa proposition.

Parmi ces objections, il en est une sur laquelle on s'est fort étendu ; je veux parler du jeu qui pourrait naître de la création des warrants.

Mais je crois qu’au contraire, ils pourraient en certains cas atténuer les abus du jeu qui a lieu maintenant, en lui donnant un objet réel, et en faisant ainsi, au lieu d'un simple jeu, une spéculation sérieuse.

L'origine de cette manière de transférer les marchandises, qui est connue en Angleterre sous le nom de warrants, n'est pas cependant anglaise ; elle est italienne. Dans le royaume de Naples, il existe des citernes où l'on conserve l'huile de Gallipoli ; on donne des reconnaissances de ces dépôts, et ces reconnaissances passent de main en main.

Dans notre pays on spécule aussi sur les huiles, mais sur des huiles qui souvent n'existent pas ; on vend des quantités d'huiles qu'on ne possède point, quitte à payer les différences. Le jeu existe, mais il ne porte pas sur un objet réel. Le système des warrants ramènerait le jeu à une véritable spéculation portant sur un objet réel.

Cette proposition des warrants a été accueillie avec beaucoup d'intérêt par une grande partie du commerce ; et un grand nombre de négociants l'ont regardée comme ce qu'il y avait déplus avantageux dans la loi. Ce n'est pas une opinion une j'adopte d'une manière aussi absolue, mais qui a été formulée de manière à mériter cependant l'attention de la chambre et du gouvernement.

Mais, messieurs, lorsque maintenant au lieu d'aborder cette question l'on s'en réfère aux lois en vigueur, je dois déclarer que ces lois, d'après des réclamations qui m'ont été transmises, paraissent présenter d'assez graves inconvénients.

Il s'agit ici, non pas d'entrepôts francs et publics, mais principalement d'entrepôts particuliers ; et voici ce qui m'a été signalé :

Il y a des villes où l'entrepôt public étant de trop peu d'étendue l'on est obligé d'accorder des entrepôts particuliers.

Eh bien, lorsqu'une cargaison de grains ou de toute autre marchandise est expédiée de l’étranger, il arrive souvent qu'avant que les marchandises atteignent l'entrepôt particulier, elles ont changé de propriétaire. Dans ce cas, le négociant acquéreur éprouve des difficultés. Le document a été délivré au nom du premier possesseur, et l'on refuse de recevoir les marchandises dans l'entrepôt particulier du nouvel acquéreur, par le motif qu'il n'est pas nommé dans le document et qu'on ne peut changer celui-ci, ni par conséquent admettre la marchandise dans l'entrepôt particulier d'une personne autre que celle dont mention est faite dans le document. Ceci résulte d'un fait particulier qui m'est connu spécialement.

Cela me paraît prouver, que dans les lois en vigueur auxquelles on se réfère, il existe une défectuosité, qu'il y existe de ces formalités qui ne font que gêner le commerce, qui ne donnent aucune garantie et qui, par conséquent, devraient disparaître.

Peut-être aussi cela ne vient-il que d'une mauvaise interprétation, d'une rigueur excessive, d'une sorte de pédanterie de métier de la part de certains employés de l'administration. Dans ce cas, je demanderais à M. le ministre des finances de vouloir bien porter remède à cet état de choses.

C'est en effet un point important en matière de douanes ; et permettez-moi, messieurs, d'invoquer aussi ma propre expérience à cet égard, car dans mes fonctions administratives j'ai été placé à la tête d'administrations financières ; c'est, dis-je, un point important dans l'administration des douanes de distinguer les formalités vraiment substantielles de celles qui ne sont qu'une entrave superflue, auxquelles les employés donnent souvent une extension ou une interprétation qui les rend onéreuses et nuisibles au commerce, sans utilité pour personne. Je demanderai que M. le ministre des finances veuille réprimer l'abus que j'ai signalé, si nous ne pouvons entrer dès à présent dans la voie plus large qui avait d'abord été indiquée.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, au début de la discussion, j'ai fait connaître les motifs qui me portaient à adhérer aux propositions de la section centrale, quant à l'article 20.

La question des warrants a surgi dans le cours de l'instruction. Plusieurs chambres de commerce n'ont pas été appelées à se prononcer sur ce point ; l'une d'elles, quand elle a eu connaissance du projet, n'y a pas donné son assentiment. C'est la chambre de commerce de notre métropole commerciale.

En second lieu, on se bornait, dans la loi, à établir simplement le principe des warrants, en laissant au gouvernement le soin de faire un règlement.

Je ne crois pas que la question puisse être tranchée de cette manière. Il faut qu'elle soit instruite, et qu'il soit présenté à la législature une loi complète, après que l'instruction sera achevée. En effet, il est contre la nature de nos institutions, de donner au gouvernement le droit de faire des règlements sur les effets des contrats privés.

Si les chambres adoptent la loi qui nous occupe, mon intention est de reprendre immédiatement après, l'instruction sur les warrants, de l'accélérer autant que possible, et, s'il y a lieu, de formuler un projet de loi complet qui contienne, non seulement le principe, mais encore l'organisation du principe, organisation qui est essentiellement du domaine de la loi.

En attendant, il fallait rétablir dans le projet la disposition de la loi de 1822, relative à la transcription des marchandises dans l'entrepôt. L'honorable préopinant s'est mépris sur le sens des mots « conformément aux lois en vigueur. » Ce n'est pas à la législation douanière spéciale, que nous nous référons, mais bien à la législation civile, pour les effets de la transcription.

Quant aux difficultés que l'honorable membre a signalées, je ferai remarquer que, dans le projet nouveau, le transfert d'un entrepôt public sur un entrepôt particulier est autorisé par l'article 42.

Ainsi, donc, je pense que pour le moment la discussion sur la question des warrants sérail oiseuse. Je prends spontanément l'engagement de faire un rapport sur les résultats de cette instruction, si elle ne m'amène pas à présenter un projet de loi à la chambre.

M. de La Coste. - J'aurai l'honneur de faire remarquer à M. le ministre des finances que mon observation ne s'appliquait pas au cas du transfert d'un entrepôt à un autre, mais au cas où le possesseur d'une marchandise qui arrive de l'étranger change, avant que la marchandise atteigne l'entrepôt particulier, on conteste aujourd'hui à l'acquéreur le droit de faire entrer dans son entrepôt particulier la cargaison qu'il a achetée, parce qu'elle est munie d'un document qui porte le nom du propriétaire antérieur.

M. Osy. - Si j'ai bien compris l'observation de l'honorable M. de la Coste, il parle de la marchandise qu'on achète, alors que la marchandise n'est pas encore arrivée dans le pays. Je suis, je suppose, le premier importateur de la marchandise ; j'ai un connaissement ; si je vends la marchandise, je donne mon connaissement à l'acquéreur qui fait la déclaration.

Je n'entrerai pas dans la discussion du système des warrants. L'honorable ministre des finances a déclaré que s'il venait à en reconnaître la nécessité, le gouvernement présenterait plus tard un projet de loi spécial à cet égard. Je me réserve, dans cette hypothèse, de prendre la parole, pour combattre le projet que je regarde comme contraire aux intérêts du pays.

M. Mercier. - Messieurs, je ne m'oppose pas à la proposition qui a été faite par M. le ministre des finances de disjoindre du projet l'article 20. Toutefois, je ne partage nullement l'opinion de l'honorable M. Osy ; j'ai la conviction que l'institution des warrants présentera de grands avantages ; j'ai eu à cet égard des entretiens avec beaucoup de personnes appartenant au commerce qui, à l'exemple des chambres de commerce de Bruxelles et de Louvain, ont donné leur entière approbation au système des warrants.

M. Rogier. - Je me borne à déclarer que je réserve mon opinion sur le système des warrants ; que je n'accepte pas comme mienne l'opinion de la chambre de commerce d'Anvers.

- La chambre prononce la clôture de la discussion sur l'article 20.

M. le président. - Je mettrai d'abord aux voix la disjonction de l'article 20, disjonction proposée par la section centrale et à laquelle M. le ministre des finances s'est rallié.

- La disjonction de l'article 20 est mise aux voix ; elle est adoptée.

La chambre adopte ensuite l'article 20 nouveau, propose par M. le ministre des finances, en ces termes :

« Les marchandises déposées dans les entrepôts francs et publics peuvent être transcrites au nom d'un tiers, conformément aux lois en vigueur.

« La transcription sera faite par l'entreposeur sur la simple déclaration et acceptation des parties. »

Section VI. Droits de magasin
Articles 21 à 23

- La chambre adopte ensuite sans discussion les articles 21, 22 et 23.

Article 24

« Art. 24. Le produit net des droits de magasin est versé à la caisse de la commune à laquelle appartient le local de l'entrepôt. »

- La section centrale propose à cet article un amendement ainsi conçu :

« Le produit net des droits de magasin est versé dans la caisse de l'Etat ou de la commune propriétaire du local. »

- Le gouvernement se rallie à cet amendement.

L'article ainsi amendé est adopté.

Article 25

« Art. 25. Les marchandises déposées au nom de l'administration sont exemptes des droits de magasin. »

M. Osy. - Il me paraît que le gouvernement a fait cette disposition pour les entrepôts qui appartiennent à l'Etat. Vous ne pouvez pas disposer des entrepôts appartenant aux villes.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Cette disposition a toujours existé ; elle s'applique aux marchandises saisies ; c'est un cas très rare.

Le gouvernement n'est pas toujours propriétaire des entrepôts, mais il intervient assez largement pour avoir le droit d'y placer accidentellement quelques colis.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Chapitre II. Entrepôts francs

Section I. Attribution des entrepôts francs
Article 26

« Art. 26. Il est créé deux entrepôts francs ; l'un à Anvers, l'autre à Ostende. »

La section centrale propose l'amendement suivant : « Il sera créé quatre entrepôts francs à savoir, à Anvers, à Bruges, à Gand et à Ostende. »

Le gouvernement se rallie à cet amendement.

M. de La Coste. - J'aurai à présenter et à développer un amendement ; mais je crains de ne pouvoir guère être écouté à une heure si avancées. (Si ! Si ! Parlez !)

Messieurs, l'amendement que j'ai à proposer se rapporte aux observations que j'ai eu l'honneur de présenter au début de la discussion. Cependant, j'ai besoin de revenir sur quelques-unes de mes observations et sur ce qui a été dit à cette occasion.

En relisant au Moniteur la réponse que m'a adressée M. le ministre des finances, j'y ai trouvé toute garantie sur un objet qui m'intéressait et m'inquiétait. Je craignais qu'on ne pût argumenter de la faveur accordée spécialement à quatre villes, pour enlever aux autres ports qui jouissent de l'arrivage direct du sel, cette faveur importante. Les paroles de M. le ministre, quoique ne se rapportant pas particulièrement à cet objet, m'ont paru, dans leur généralité, tellement décisives qu'insister encore sur ce point ce serait, à mes yeux, mettre en doute, non la portée de de la loi, mais la loyauté du gouvernement.

Cependant il n'est pas exact, comme l'a dit M. la ministre des finances qu'on ait fait droit à toutes les observations des chambres de commerce ; il s'en faut de beaucoup quant à celle de Louvain.

Il est en effet une observation très grave, très importante, une observation vitale pour le commerce de Louvain, qui a été présentée par la chambre de commerce de cette ville sans aucun succès.

La voici :

« Comme on n'exclut aucun mode de transfert pour les marchandises enlevées de l'entrepôt franc pour le transit, nous sommes d'avis que ces entrepôts devraient également admettre les marchandises arrivant par canaux et rivières, et qu'on devrait accorder l'autorisation de changer pendant le trajet le moyen de transport des marchandises venant ou allant vers les entrepôts francs. De sorte, par exemple, que les marchandises venant de la Prusse par les chemins de fer, pourraient être embarquées à Louvain pour être expédiées sur les entrepôts d'Anvers et d’Ostende et vice-versa.

« Ce serait étendre, sans nuire aux garanties nécessaires contre la fraude, les libertés qu'on veut accorder au commerce, et en même temps lui procurer l'occasion de faire des économies sur les moyens de transport. »

Si M. le ministre des finances pouvait dire que c'est là une de ces observations de détail selon son département, mais pour moi ce n'est pas une observation de détail, c'est une chose très importante, si dis-je, M. le ministre disait que c'est une de ces observations de détail auxquelles on a eu égard, auxquelles le présent projet satisfait, je me tiendrais aussi presque pour satisfait, je pourrais presque borner là ce que j'ai à vous dire.

J'espère que M. le ministre voudra bien s'expliquer à cet égard ; mais d'après l'inspection de la loi, je crois qu'à l'égard de ce projet, rien n'a été obtenu par le commerce de Louvain. C'est surtout à ce point de vue que je vois pour Louvain un intérêt à être rangé dans la catégorie des villes non pas même qui obtiennent dès à présent des entrepôts francs, mais au moins qui ne sont pas tout à fait exclues du droit d'en obtenir.

Au premier abord, j'avoue que c'était une idée qui n'était pas si étrangère aux miennes que celles-ci : il y aura un port franc, un seul, ce sera Anvers. Mais je conçois que le gouvernement ne l'ait pas adoptée et s'en soit écarté de plus en plus. Un esprit d'égalité qui domine nos institutions et qui est aussi un esprit de justice, le voulait ainsi. On a dit : Vous accordez un entrepôt franc à Anvers, vous devez également en accorder un à Ostende. Il est des saisons où le commerce du port d'Anvers est à peu près nul, tandis qu'Ostende fait des affaires. Mais on n'a pu s'arrêter là. Les villes qui ne communiquent avec l'étranger que par des voies ferrées, obtiennent par le transit libre des avantages qui équivalent pour elles à peu près à la faveur de l'entrepôt franc.

Si maintenant deux ports obtiennent de si grands avantages pour leurs communications maritimes, si les villes intérieures en obtiennent pour leurs voies ferrées, que deviendraient les communications maritimes des autres localités ? Plus vous avez accordé de faveurs aux voies que je viens d'énumérer, plus celles qui n'ont pas les mêmes faveurs, seront paralysées, amorties.

Je conçois donc la justice de faire entrer Bruges dans les villes favorisées ; je conçois aussi qu'on y comprenne Gand ; mais les mêmes motifs existent en faveur de Bruxelles et de Louvain. Si vous ne mettez pas dans la même position éventuellement Bruxelles et Louvain, le canal de Bruxelles, et encore plus, le canal qui met Louvain en communication directe avec la mer se trouvent dans une déplorable position d'infériorité.

Je ne veux pas néanmoins aller si loin que de vous proposer de mettre nominativement dans la loi d'autres villes que celles qui y sont déjà. Selon moi, c'est déjà trop que d'y avoir mis des noms de villes dont cependant je ne proposerai pas de retrancher un seul. Nous ne sommes pas à même de constater, de vérifier les faits qui donnent droit à ces villes d'y être comprises ; (page 239) nous ne pouvons davantage constater, vérifier les faits relativement à d'autres villes de commerce. Je désire seulement qu'on rédige l'article de manière que si Louvain, Bruxelles ou Termonde faisaient la demande d'un entrepôt franc et que le gouvernement reconnût que leur demande est admissible, la loi n'y fil pas obstacle.

Comment s'assurera-t-on que la fraude ne se fera pas ? Je répondrai : Comment s'assurera-t-on que la fraude ne se fait pas entre Ostende et Bruges, entre Terneuzen et Gand ? Par des gardiens mis à bord, par des scellés mis sur certaines parties du bâtiment ; les mêmes précautions peuvent être prises pour une distance plus longue. Ce n'est pas dans la distance que consiste l'appât à la fraude. La vertu des employés ne se fatigue pas par la distance, mais peut fléchir en présence de l'importance de la cargaison. Le danger des fraudes ne tient pas à une distance de quelques lieues de plus ou moins à parcourir. Dès l'instant que vous accordez la faveur de l'entrepôt franc, sans exiger la proximité immédiate de la mer, ce que vous pouvez faire pour deux ou trois lieues, vous pouvez le faire pour quatre ou cinq. Ce que j'ai dit n'est pas de la théorie, ce sont des faits constatés en justice. Il est constaté que, pour le sel, le danger de fraude existait non dans la distance de la mer à Louvain, mais dans celle entre Ostende et Bruges.

Mais je le répète, messieurs, ce que je demande, ce n'est pas que vous pas les renseignements nécessaires. Vous ne pouvez pas décider dès à présent jusqu'à quel point la surveillance peut se faire avec facilité jusqu'à Bruxelles ou jusqu'à Louvain, comme je ne suis pas à même de constater si la surveillance peut être complète de la mer à Bruges, de la mer à Gand. Ce sont là des faits que chacun de nous peut connaître jusqu'à un certain point, mais que l'assemblée ne peut connaître d'une manière suffisante pour prendre une résolution.

Ce que je demande donc, c'est que des pouvoirs soient donnés au gouvernement, et j'espère que le gouvernement aura confiance en lui-même si nous avons confiance en lui.

Je propose donc d'ajouter à l'article ces mots : « et dans les autres villes principales de commerce maritime qui en feront la demande et que le gouvernement jugera pouvoir être assimilées aux précédentes. »

Cette disposition s'applique uniquement aux villes qui avaient un droit éventuel à obtenir des entrepôts de libre exportation. Si vous ne consacrez pas, messieurs, une semblable disposition, tandis que les autres villes gagnent, celles-là perdent, elles perdent au moins une légitime espérance que mon but est de leur conserver.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Bien que l'attention de la chambre soit un peu fatiguée, je la réclame quelques instants. J'ai deux observations à présenter. La première se rattache à l'article 27. L'honorable membre renouvelle le vœu émis par la chambre de commerce de Louvain de voir se rompre, en quelque sorte, à Louvain le transit direct vers les entrepôts francs. Ce vœu de la chambre de commerce de Louvain n'a pas été négligé, comme l'honorable membre paraît le craindre. Il trouvera la réfutation de la demande de la chambre de commerce en regard de l'article 27, page 42 de l'exposé des motifs. L'impossibilité de réprimer la fraude a seule empêche d'admettre vers les entrepôts francs d'autre mouvement que le transit direct par le chemin de fer de l'Etat. Dans ce transit la marchandise ne cesse pas un instant d'être surveillée par les agents de l'administration, et il est évident qu'on n'a pas les mêmes garanties s'il faut faire des transbordements à Louvain, s'il faut charger la marchandise sur des bateaux traversant 12 ou 13 lieues de canaux.

Quant à l'espérance de voir établir un entrepôt franc à Louvain, je regrette encore de ne pouvoir adhérer à la demande de l'honorable membre.

Il faut, pour l’établissement d'un entrepôt franc, certaines conditions de localité que les quatre villes d'Anvers, d'Ostende, de Gand et de Bruges réunissent seules, si tant est qu'elles les réunissent d'une manière parfaite. La surveillance de la frontière à l'entrepôt franc sera difficile ; il faudra des moyens nouveaux, je ne l'ai jamais méconnu. Mais, messieurs, s'il fallait étendre la surveillance jusqu'au cœur du pays, s’il fallait l'étendre par exemple jusqu'à Bruxelles ou Louvain, alors les garanties que nous avons dans l'état actuel des propositions soumises à la chambre, disparaîtraient presque complétement.

Sans doute, le convoyage est une garantie, mais lorsqu'il s'agit d'une cargaison offrant une valeur considérable, et d'un trajet très long, il n'est pas prudent, dans toute hypothèse, de se lier à cette seule garantie, et l'expérience l'a parfois prouve.

Il y a plus encore, messieurs ; en laissant la marchandise parcourir une grande étendue de canaux, vous donnez aussi une plus grande facilité aux déchargements clandestins ; il est bien plus facile de décharger une partie de marchandises dans un canal, que, par exemple, dans la traversée de l'Escaut, de Lillo jusqu'à Anvers.

S'il arrivait, messieurs, que le système étant établi, on reconnût que ces objections, formulées aujourd'hui, n'étaient pas bien fondées ; rien n'empêcherait l'honorable membre, usant de son initiative, ou le gouvernement usant de la sienne, de proposer une loi supplémentaire qui comprît l'une ou l'autre ville dans le système des entrepôts francs.

M. de La Coste. - Il me semble, messieurs, que M. le ministre des finances a du tout ce qu'il fallait pour appuyer mon amendement, à l'exception de ce seul mot qu'il s'y ralliait. M. le ministre s'y oppose, et cette circonstance me donne fort peu de chance de succès. S'il s'y était rallié, il m'en aurait donné beaucoup plus que je ne puis en espérer de tout ce que je dirais pour le soutenir. Cependant, il m'est impossible de ne pas faire observer que, comme je l'ai déjà dit, l'argumentation de M. le ministre corrobore tout à fait la mienne.

Il convient que la difficulté que l'on peut opposer à Louvain, existe à un certain point pour d'autres villes qui sont comprises dans sa liste favorisée. Eh bien, dès lors, messieurs, en vertu de ce sentiment de justice et d'égalité si propre à notre pays, M. le ministre doit admettre au partage des avantages qu'il s'agit d'accorder à quelques ports, tous ceux qui se trouvent dans des conditions à peu près semblables.

Remarquez cette expression : « Si tant est que les garanties soient suffisantes. »

M. le ministre en doute donc ? Eh bien, si le doute existe, et si néanmoins la faveur est concédée, le bénéfice du doutt exister pour Louvain comme pour les villes auxquelles s'applique le projet. Je prends certes beaucoup d’intérêt à la ville de Bruges ; cet intérêt est bien réel : il est fondé sur d’anciens et précieux souvenirs. Je dois dire cependant, qu’on ne peut sérieusement mettre aujourd'hui en balance Bruges et Louvain comme villes de commerce. Je m'étonne donc, à bon droit, que M. le ministre des finances comprenne Bruges dans sa liste, alors qu'il n'y comprend pas Louvain.

M. le ministre des finances admet l'hypothèse qu'il soit constaté par la pratique que la fraude n’est pas autant à craindre sur les voies navigables qu’on paraît le redouter maintenant, et il dit que, dans ce cas, un projet de loi pourra être présenté. Mais c'est précisément cette supposition que j'ai en vue. La seule différence qu'il y a entre M. le ministre des finances et moi, c’est que je veux donner une chance à Louvain dans une telle éventualité, tandis que M. le ministre des finances nous l'enlève en nous isolant. Il veut que nous soyons obligés de lutter seuls contre tous les intérêts qui auront alors des droits acquis. Il est très certain que, lorsque nous avons eu à lutter pour la conservation des arrivages directs du sel, si le même moyen avait été employé contre nous, nous aurions échoué : une coalition d'intérêts nous aurait enlevé ces arrivages qui forment une des bases principales de notre prospérité. Si l'on avait réuni contre nous les intérêts de Gand, de Bruges, d'Anvers et d'Ostende, nous aurions été dépouillés d'un des principaux avantages de notre commerce. Evidemment, il en sera de même dans la situation où M. le ministre des finances veut nous placer. J'engage M. le ministre des finances à y songer mûrement, et je regrette vivement de ne pouvoir le remercier d'un appui donné à Louvain dans cette circonstance, s'il persiste à repousser mon amendement,

M. Lys. - Messieurs, je ne vois dans la loi aucune disposition qui détermine à qui incomberont les frais de construction des entrepôts francs. Quand il s'est agi des entrepôts publics, la loi a dit positivement que l'établissement de ces entrepôts serait à la charge des villes qui les recevraient. Aujourd'hui on étend l'institution des entrepôts aux villes de Gand et de Bruges, et c'est un véritable malheur pour l'industrie. Je pense qu'il faut au moins décider que les frais d'établissement des entrepôts seront à la charge des villes qui les recevront. Il ne faut pas que plus tard on vienne demander à la chambre des subsides pour l'établissement des entrepôts. On nous demande souvent telle ou telle institution sans parler des frais qui doivent en résulter, et quand l'institution est votée, on vient plus tard solliciter des subsides pour en couvrir les frais ; c'est là ce que je veux éviter. Je veux que les villes qui obtiendront l'avantage de jouir d'un entrepôt franc supportent aussi les frais d'établissement de cet entrepôt.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, il résulte de l'article 24 que les communes doivent fournir les locaux. Si l'on n'a pas inséré dans la loi une disposition expresse dans les mêmes termes que pour les entrepôts publics, c'est par une circonstance que la chambre n'ignore pas. L'entrepôt d'Anvers appartient à l'Etat et l'intention de la chambre ne peut pas être de forcer la ville d'Anvers à acheter un entrepôt ; seulement nous aurons les droits de magasinage à raison de notre propriété.

M. Mercier. - Il est entendu aussi que c'est la ville d'Anvers qui doit supporter les frais d'appropriation de l'entrepôt. L'entrepôt appartient à l'Etat, mais les frais d'appropriation seront à la charge de la ville.

M. de Theux. - J’appuie aussi l'observation de M. Lys, d'autant plus qu'il est dit dans l'article qu'li sera créé des entrepôts francs dans quatre villes et que plus tard ou pourrait dire : La disposition est impérative ; il faut donc venir à notre secours pour l'établissement de l'entrepôt. Je pense qu'il est bien entendu que la disposition n'est impérative que dans ce sens, que les villes qui voudront faire les frais d'un entrepôt, pourront exiger le consentement du gouvernement à l'établissement de cet entrepôt, mais qu'elles n'auront aucun droit à réclamer un subside, quelque minime qu'il soit. Il s'agit ici d'une faveur toute spéciale : il n'y a pas de nécessité pour le pays d'avoir quatre entrepôts et dès lors il ne faut pas que la loi crée un titre à un subside quelconque en faveur de ceux qui voudront obtenir un entrepôt.

M. le ministre des finances (M. Malou). - L'article 66 porte : « Les dispositions de la présente loi, relatives aux entrepôts francs, recevront leur application aussitôt que des locaux auront été appropriés conformément aux prescriptions concernant ces entrepôts, et qu'ils auront été mis à la disposition de l’administration par l'autorité communale.

- L'amendement de M. de la Coste est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article, tel qu'il est proposé par la section centrale, est ensuite mis aux voix et adopté.

La séance est levée à 4 heures 3/4.