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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 3 février 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre,
notamment pétitions relatives à l’annulation des élections communales de
Watermael-Boisfort (de Man d’Attenrode, Lejeune, d’Huart, de Theux), à l’éboulement du tunnel de Cumptich (d’Hoffschmidt)
2) Rapports sur des demandes
en naturalisation
3) Projet de loi relatif au
droit accordé au gouvernement d’extrader et d’expulser des étrangers (Van Cutsem)
4) Projet de loi relatif aux
primes pour construction de navires de mer (+droits sur les céréales et sur le
sucre) (Osy, Dechamps, Osy, Dechamps, Eloy de
Burdinne, Osy, Eloy de Burdinne, Rogier, Dechamps, Eloy
de Burdinne, Manilius)
5) Projet de loi modifiant
les délimitations territoriales entre les communes de Eeeckeren et Cappellen, d’Erbisoeul
et Jurbise, de Moulbaix et Villers St-Amand, de Marcinelle et Charleroy, de
Nederheim, de Silly et de Fouleng
6) Projet de loi approuvant
la vente des terrains et bâtiments de l’hôtel du gouvernement provincial à
Liége (Delfosse, Malou, Fleussu, Fleussu, Van de Weyer, Malou, Delfosse, d’Anethan)
(Annales parlementaires
de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M.
Liedts.)
(page 551) M.
Huveners procède à l'appel nominal à une heure et quart.
- La séance est
ouverte.
M. A. Dubus donne lecture du
procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Huveners présente l'analyse
des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur François
Knakenberg, professeur au collège de Dinant, né à Ruthen (Westphalie), demande
la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le
ministre de la justice.
______________
« Plusieurs habitants
d'Ath demandent la réforme du régime postal basée sur la taxe uniforme de dix
centimes. »
- Renvoi aux ministres
des travaux publics et des finances.
______________
« Le sieur Demeester,
attaqué d'une ophtalmie qu'il a contractée au service, prie la chambre de lui
accorder un secours. »
- Renvoi à la
commission des pétitions.
_______________
« Les sieurs de
Prince, Muss et Dubois, habitant la rue des Comédiens, à Bruxelles, réclament
l'intervention de la chambre pour que l'administration communale de Bruxelles
retire l'autorisation qu'elle a donnée à des voitures publiques de stationner
devant leurs maisons. »
- Renvoi à la
commission des pétitions.
« Plusieurs électeurs
de la commune de Watermael Boitsfort supplient la chambre de vouloir déclarer
que M. le ministre de l'intérieur a été sans droit pour provoquer l'arrêté
royal du 29 janvier, qui annule les élections communales du 24 décembre 1845,
et que le bénéfice de la chose jugée en matière administrative est applicable
aux décisions de la députation, comme en matière civile, lorsque les délais de
recours sont expirés. »
M. de Man d'Attenrode. - Je demande que
cette pétition soit insérée au Moniteur et déposée sur le bureau pendant la
discussion du projet de loi relatif aux listes électorales présenté dans la
séance de samedi.
M. Lejeune. - Ne vaudrait-il
pas mieux renvoyer la pétition à la section centrale qui sera chargée
d'examiner le projet de loi ?
M. d'Huart, ministre d’Etat. - Ce renvoi suffit.
Pourquoi insérerait-on la pétition au Moniteur ? Pourquoi la préjugerait-on
sans la connaître ? Il faudrait savoir ce qu'elle contient avant d'en ordonner
l'insertion au Moniteur.
M. de Theux. - J'adhérerais aux
observations de l'honorable M. d'Huart, si cette pétition n'était pas relative
à un projet de loi que les sections n'ont pas encore examiné. Il me semble
important que les sections en aient connaissance, tout en examinant le projet
de loi. Si les sections avaient terminé leur travail, le renvoi à la section
centrale suffirait ; mais l'examen des sections n'étant pas terminé,
l'insertion au Moniteur me paraît désirable.
- La chambre,
consultée, décide que la pétition ne sera pas insérée au Moniteur ; la chambre
renvoie ensuite la pétition à l'examen de la section centrale, qui sera chargée
de l'examen du projet de loi sur les listes électorales.
M. de Theux. - J'aurais désiré
que M. le ministre de l'intérieur voulût bien communiquer à la section centrale
les deux décisions de la députation provinciale, relatives aux élections de
Watermael-Boitsfort.
M. d'Huart, ministre d’Etat. - Cette
communication sera faite.
« Le sieur de Ridder,
présentant des observations contre le rapport sur les causes de l'éboulement du
tunnel de Cumptich, prie la chambre de l'autoriser à prendre communication, à
son greffe, de toutes les pièces sur lesquelles le rapport est basé et de lui
accorder le délai d'un mois pour présenter sa justification. »
- Sur la proposition
de M. le ministre des travaux publics (M.
d’Hoffschmidt), renvoi à la commission des pétitions avec demande d’un
prompt rapport.
________________
« Dépêche de M. le ministre
de la justice accompagnant l'envoi de renseignements sur deux demandes de
naturalisation. »
-
Renvoi à la commission des naturalisations.
RAPPORTS SUR DES DEMANDES EN NATURALISATION
M.
Delehaye, au nom de la commission des naturalisations, dépose
des rapports sur des demandes de naturalisation. La chambre ordonne
l'impression et la distribution de ces rapports.
PROJET DE LOI RELATIF AU DROIT D’EXPULSION DES ETRANGERS
M. le président. - La parole est à
M. Van Cutsem, rapporteur.
M. Van Cutsem, rapporteur. - Messieurs, les
honorables membres de cette chambre, adversaires du projet de loi qui vous
demande la prorogation de la loi du 22 septembre 1835, vous ont présenté
l'étranger exposé à être victime, sous le régime de cette loi, d'un caprice
ministériel, d'une vengeance du directeur de la police, voire même d'un agent
subalterne de cette administration, pour vous faire rejeter le projet de loi de
prorogation, soumis en ce moment à nos délibérations. Pour moi, je vous dirai
que, sans la loi de 1835, la Belgique serait pillée, ravagée par des bandes
d'escrocs, de voleurs, de faussaires, de banqueroutiers et d'assassins, fondant
de toutes parts sur elle, et je tâcherai de vous faire adopter mes idées plutôt
par la force des faits et du raisonnement que par l'entraînement.de ma parole ;
je chercherai à me faire comprendre par vous et à vous faire admettre mes
opinions sans avoir recours à l'usage de certaines fleurs de rhétorique dont
quelques-uns des adversaires de la loi ont été si prodigues.
D'après certains des
honorables adversaires du projet de loi qui vous est soumis, et je commencerai
par les accusations les plus graves, la loi de 1835 est inconstitutionnelle,
elle est fatale au pays, et elle n'est nullement adaptée aux circonstances du
temps où nous vivons. Quoi ! la loi est inconstitutionnelle et on ose le
proclamer à haute voix dans cette enceinte, lorsque l'article 128 de la
Constitution dit dans les termes les plus formels que l'étranger qui se trouve
sur le territoire de la Belgique y jouit de la protection accordée aux
personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi. Quoi !
l'étranger ne jouit, pour sa personne et ses biens, que d'une liberté que la
loi peut limiter, aux termes de la Constitution, et quand une loi limite cette
liberté, vous la déclarerez inconstitutionnelle ! Vous n'y avez sans doute pas
réfléchi, honorables adversaires du projet de loi ; sans cela vous n'eussiez
pas proclamé une pareille hérésie en droit public.
Nous pourrions nous
tromper avec le ministre, avec le gouvernement, dans l'interprétation de
l'article 128 de la Constitution ; mais pouvez-vous raisonnablement admettre
qu'en 1835 les législateurs, au nombre de 64 sur 74 ; en 1838, au nombre de 57
sur 65, et en 1841 et 1843, à une plus forte majorité encore, auraient
volontairement ou à leur insu violé la Constitution et le serment de l'observer
qu'ils ont prêté en entrant dans cette enceinte ? Cela n'est pas possible.
La loi de 1835 est
donc constitutionnelle, et si on peut lui faire un reproche fondé, ce n'est que
celui d'abandonner quelque chose à l'arbitraire, au bon vouloir du
gouvernement, et ce vice est inhérent à sa nature, à la nature d'une loi
politique qui ne peut être basée sur les dispositions précises d'une loi ; dans
une législation politique, le gouvernement engage sa responsabilité vis-à-vis
de la nation, et toutes les perfides menées n'y peuvent pas être plus prévues,
que, dans les contrats civils, n'est prévue la mauvaise foi réciproque des
parties.
Il y a donc un vague
et un arbitraire indispensable, dans l'appréciation des cas politiques qui
doivent motiver l'expulsion des étrangers et dans la nature des mesures qui
peuvent être prises dans cette matière ; l'arbitraire ne résulte donc pas de
telle ou telle mesure législative, mais bien de la nature même de la matière
sur laquelle le législateur a à prendre des mesures législatives.
Vous violez la
Constitution, s'écrie l'honorable M. Castiau, en chassant de la Belgique les
escrocs, les faussaires et les assassins ! et vous la violez pour causer à la
Belgique un dommage inappréciable, puisqu'on expulsant l'étranger, vous privez
l'ouvrier, l’artisan du juste bénéfice qu'il aurait pu faire en travaillant
pour ces étrangers ! Nouvelle erreur dans laquelle verse l'honorable député de
Tournay, car l'étranger paisible, l'étranger qui n'abuse pas de l'hospitalité,
ne trouvera dans la loi qu'une garantie de plus qui le conviera à établir sa
résidence en Belgique. Si on veut que la Belgique offre une résidence agréable
aux étrangers honorables que seuls nous avons intérêt à attirer, il faut
éloigner ceux dont la présence compromettrait l'ensemble des étrangers pour
qu'on ne puisse pas dire que la Belgique est un refuge des mauvais sujets de
toutes les nations, un véritable repaire de brigands.
La loi de 1835, a
encore dit l'honorable M. Castiau, n'a été qu'une loi de circonstance ;
partant, les circonstances pour lesquelles elle a été faite n'existant plus, la
loi doit tomber. Est-ce parce que les perturbateurs de l'ordre public ne se
montrent plus depuis quelque temps seulement au grand jour dans notre pays et
dans les pays voisins, que nous devrions renoncer à une loi qui chaque jour rend
des services à l'Etat, non pas en le débarrassant d'étrangers qui conspirent
contre lui les armes à la main, mais d'étrangers qui viennent y troubler la
paix des familles et menacer leurs propriétés, soit en s'emparant de ce qui ne
leur appartient pas, soit en répandant les libelles les plus diffamatoires
contre l'honnête et paisible Belge ? Je ne suis pas de cette opinion.
Je me range, au
contraire, à celle que notre honorable président a émise lors de la discussion
de la loi du 22 septembre 1835 ; il disait à cette époque que, pour les temps
exceptionnels comme pour les temps ordinaires, il fallait des lois d'expulsion,
parce qu'on pouvait toujours rencontrer des fauteurs de troubles, des hommes
qui payent l'hospitalité de la plus noire ingratitude.
Après avoir combattu
les arguments que l'un des adversaires du projet de loi du gouvernement et de
la section centrale a fait valoir pour démontrer que le projet de loi est
inconstitutionnel, nuisible aux intérêts de la Belgique et sans utilité
pratique, il me reste, pour rencontrer les arguments de mes autres adversaires,
à vous faire voir que la loi de 1835 ne doit subir aucune modification.
Il y a plus de dix
ans que la loi du 22 septembre 1835 est en vigueur, et, (page 552) au dire de tous, elle n'a pas donné lieu à des abus réels
; pourquoi donc la modifierions-nous ? Serait-ce parce que, comme l'a dit
l'honorable M. Jonet, ces abus pourraient se commettre a l'avenir ? Si le passé
de dix ans n'était pas caution de l'avenir, je dirai que de pareils abus ne sont
pas à redouter dans un pays comme le nôtre, où nous avons, pour nous défendre
contre les écarts du pouvoir en pareille matière, la presse, la tribune,
l'opinion publique, la responsabilité ministérielle et le droit de pétition à
la chambre qui examinera les griefs de celui qui se plaint ; je dirai encore
que de pareils abus ne sont pas à redouter en face d'une loi temporaire qui
oblige le ministre à venir rendre compte de l'usage qu'il a fait de la loi à
des époques très rapprochées.
Ajoutez à ces garanties
que l'étranger trouvera dans nos institutions contre toute expulsion injuste,
que, pour pouvoir supposer que le gouvernement abuserait de la loi sur les
expulsions, il faudrait admettre qu'il est atteint de folie ; en effet, si le
gouvernement se permettait d'expulser du pays un seul homme paisible qui y
aurait transporté son industrie ou le siège de sa fortune pour y vivre
tranquillement, il agirait contre ses propres intérêts, il oublierait que le
plus beau titre de gloire de tout gouvernement consiste dans l'accroissement de
la prospérité du pays et dans l'augmentation de son industrie, de son commerce
et de son agriculture.
En thèse générale, le
gouvernement n'ayant pas abusé depuis dix ans de la loi qui lui permet
d'expulser les étrangers, ne pouvant pas en abuser impunément à l'avenir et
n'ayant pas intérêt à le faire, il est parfaitement inutile de limiter son
droit d'expulsion par des garanties à accorder aux étrangers.
Reste à examiner s'il
fallait imposer des limites au droit d'expulsion, si on devrait faire
intervenir l'ordre judiciaire dans l'appréciation des faits qui doivent
justifier l'expulsion.
L'honorable
représentant, qui a prétendu que l'ordre judiciaire devrait avoir connaissance
des faits qui donnent lieu à l'expulsion, s'est surtout étayé sur la loi
d'extradition des étrangers, qui ne permet de les extraduire qu'après avoir
pris l'avis de la chambre de mises en accusation ; qu'il me soit permis, tout
en rendant hommage aux profondes connaissances de mon honorable adversaire, de
lui dire que je pense qu'il n'y a aucune analogie entre la loi d'extradition et
la loi d'expulsion des étrangers. Pour apprécier si une demande d'extradition
est fondée, on soumet au magistrat belge une instruction, une procédure
régulière, faite sur un crime ou délit imputé à celui dont on réclame
l'extradition ; en faisant l'appréciation de pareils actes, il ne sort pas du
cercle de ses attributions, il ne fait que connaître du fondement ou du non
fondement de l'action publique, intentée hors du pays, contre l'étranger qui se
trouve sur le territoire belge. En le faisant intervenir dans une expulsion, on
l'appelle à juger des actes et des instructions faites par le pouvoir exécutif
; en lui faisant expulser un étranger que l'on doit supposer, par les actes
qu'il a posés, pouvoir compromettre la sûreté de l'Etat belge, on lui fait
prévenir le mal, lui qui ne doit sévir que quand le mal est fait. Faire
intervenir le pouvoir judiciaire dans les expulsions des étrangers, c'est
renverser les barrières qui doivent, d'après nos institutions
constitutionnelles, séparer l’ordre judiciaire du pouvoir exécutif en mêlant
l'ordre judiciaire à des questions d'administration générale, c'est encore
forcer l’Etat à communiquer à différentes personnes des secrets que la sûreté
de l'Etat exige de n'être communiqués qu'à un seul.
En matière
d'expulsion le gouvernement doit souvent agir avec célérité pour prévenir un
danger imminent qui menace la patrie ; en matière d'extradition, comme il ne
s'agit que d'un mal perpétré et d'un mal perpétré à l'étranger, le gouvernement
n'a rien à redouter des lenteurs judiciaires, et, n'ayant rien à craindre de
ces lenteurs, il peut demander l'avis des cours sur l'opportunité d'une
extradition à faire, et il peut le faire avec d'autant plus de sécurité, que la
loi sur les extraditions permet de s'assurer immédiatement de la personne à
extraduire et que, jusqu'aujourd'hui la loi d'expulsion n'a pas permis au
gouvernement de faire subir un emprisonnement préalable à la personne à
expulser.
Je pourrais produire
encore d'autres arguments pour vous prouver que l'ordre judiciaire ne doit pas
intervenir dans l'expulsion des étrangers ; mais M. le ministre de la justice
les ayant déjà développés devant vous, mieux que je ne pourrais le faire, je me
bornerai à ce que je viens de vous dire, avec la conviction que vous
n'enlèverez rien au gouvernement des pouvoirs qui lui ont été donnés par la loi
de 1835 dont il a fait une si sage application jusqu'aujourd'hui et qu'il
n'appliquera, à l'avenir, que dans l'intérêt de tous.
- La clôture de la
discussion est demandée et prononcée.
L'article unique du
projet est ainsi conçu :
« Article unique. La
loi du 22 septembre 1835, telle qu'elle a été modifiée par celle du 25 décembre
1841, est prorogée jusqu'au 1er mars 1849. »
Ce projet de loi est
mis aux voix par appel nominal.
53 membres répondent
à l'appel nominal.
41 votent l'adoption.
12 votent le rejet.
En conséquence le
projet est adopté ; il sera transmis au sénat.
Ont voté l'adoption :
MM. Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Goblet, Huveners, Kervyn,
Lejeune, Liedts, Maertens, Malou, Orban, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach,
Rogier, Simons, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vilain XIIII, Zoude, Biebuyck,
Brabant, Clep, d'Anethan, David, de Breyne, Dechamps, de Chimay, de Corswarem,
de Haerne, de Man d'Attenrode, de Mérode, de Terbecq, de Theux, de Villegas,
d’Hoffschmidt, d'Huart, Dubus, aîné, Dubus (Albéric).
Ont voté le rejet :
MM. Jonet, Lesoinne, Loos, Lys, Manilius, Sigart, Veydt, Castiau, de Bonne,
Delehaye, Delfosse et d'Elhoungne.
PROJET DE LOI RELATIF AUX PRIMES POUR CONSTRUCTION DE NAVIRES DE MER
Ce projet est ainsi
conçu :
« Art. unique.
La loi du 7 janvier 1837 (Bulletin officiel, n°1) continuera d'être en vigueur
jusqu'au 1er janvier 1849 exclusivement. »
La discussion est
ouverte.
M. Osy. - Messieurs, je
viens appuyer le projet de loi relatif aux primes pour construction de navires
de mer. Je regrette de n'avoir pu me trouver au sein de la section centrale,
j'y aurais appuyé la demande d'un honorable collègue, demande qui n'a pas été
admise, tendant à ce que l'article 8 de la loi du 21 juillet 1844 fût prorogé.
Messieurs, la loi du
21 juillet 1844 n'a pas amené tout le bien qu'on en espérait. Vous savez,
d'après les états qui sont déposés sur le bureau, que très peu de navires ont
été construits depuis cette époque, et que très peu de navires étrangers ou de
ceux qui ont émigré en 1830, ont été naturalisés.
Messieurs, on espère
que, si l’on peut obtenir une bonne loi sur les sucres, notre marine marchande
augmentera. Le sucre est, en effet, une des matières les plus encombrantes et
la plus susceptible agrandir notre marine marchande ; seul il peut donner un
aliment à notre marine marchande. Malheureusement, au lieu de voir le commerce de
cette denrée augmenter, nous voyons, par les tableaux que M. le ministre des
finances a eu la bonté de faire imprimer au Moniteur, que les importations de
sucres sont tombées de 19 millions à 10 millions dans l'intervalle de 1843 à
1845.
J'espère,
messieurs, que si nous pouvons faire dans cette session une bonne loi sur les
sucres, ces importations pourront aller à 45 millions ; et alors
nécessairement, on construira des navires en Belgique, ou l'on fera venir des
navires étrangers, si toutefois par une nouvelle loi on proroge la disposition
de l'article 8 de la loi du 21 juillet 1844.
Messieurs, je ne
proposerai pas d'amendement, mais je prie M. le ministre des affaires
étrangères d'examiner si, dans le cas où, par une bonne loi sur les sucres, on
parvenait à relever cette importante industrie, il ne serait pas convenable de
proroger cet article 8 pour un an ou pour 18 mois.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, avant de répondre directement à l'interpellation
que vient de m'adresser l’honorable M. Osy, je dois relever une erreur dans
laquelle il est tombé et dans laquelle la section centrale a aussi versé. Je
veux parler du petit nombre de navires qui ont été construits ou qui ont été
nationalisés sous l'empire de la loi qu'il s'agit de renouveler et depuis la
loi du 21 juillet 1844.
Messieurs, la loi des
droits différentiels n'est en vigueur que depuis trop peu de temps pour que ses
effets puissent être marqués. Cependant elle n'a pas été sans résultats quant
aux constructions navales.
Avant la loi du 21
juillet 1844, il y avait décadence dans notre marine marchande, à tel point que
les navires nouveaux qui étaient construits ne suffisaient pas pour remplacer
eu moyenne les navires perdus ou ceux qui étaient démolis.
Au 31 décembre 1845
ce mouvement de décadence s'est pour ainsi dire arrêté, et un accroissement
dans le tonnage de noire marine nationale a commencé à avoir lieu.
Ainsi à cette époque
on avait construit 4 navires neufs et 6 navires avaient été nationalisés. Ces
10 navires mesuraient 2,307 tonneaux. 11 y avait en construction 6 navires
nouveaux jaugeant 4,500 tonneaux. On pourrait ajouter à ce tonnage celui de 4
navires qui devront être construits dans un délai déterminé en vertu de l'article
8 de la loi du 21 juillet 1844, qui autorise la nationalisation sans payement
de droits, mais à la condition de construire un nombre égal de navires en
Belgique. Cette condition a été acceptée pour construire 4 navires nouveaux
d'un tonnage de 850 tonneaux. Ainsi l'augmentation du tonnage est de près de
5,000 tonneaux, c'est-à-dire du quart environ du tonnage général de notre
marine marchande.
Il me paraît,
messieurs, qu'alors que la loi n'est en vigueur que depuis aussi peu de temps,
ce résultat n'est pas aussi insignifiant qu'on a semblé le dire.
L'honorable M. Osy
m'a demandé si le gouvernement était dans l'intention de provoquer
l'application de l'article 8 de la loi du 21 juillet 1844, relatif à la
nationalisation des navires, ou s'il était résolu à ne plus en faire usage.
Messieurs, avant la
loi de 1844, le gouvernement pouvait accorder des lettres de mer, c'est-à-dire
pouvait accorder la nationalisation en vertu de l'article 2 d'une loi de 1819,
lorsque les intérêts du pays et ceux de la navigation l'exigeaient.
Mais il était entré
dans la jurisprudence administrative de n'accorder cette nationalisation que
pour les navires qui avaient échoué sur les côtes du pays.
Cette restriction
n'est pas explicitement énoncée dans la loi de 1819, mais c'était une
jurisprudence admise.
Eh bien, messieurs,
depuis que l'article 8 de la loi du 21 juillet n'est plus applicable, le
gouvernement a repris le droit d'user de la faculté que lui donne la loi de
1819, de nationaliser des navires, même sans admettre l'interprétation adoptée
jusque-là par le gouvernement de n'accorder la nationalisation que pour les
navires échoués sur la côte belge.
Je suis entré en
correspondance avec mon collègue du département des finances pour savoir dans
quelles limites le gouvernement userait de la faculté que lui donne la loi de
1819.
Nous avons fait
l'essai d'un système nouveau qui consisterait à accorder (page 553) la nationalisation pour des navires étrangers à la
condition de construire dans le pays un navire d'un tonnage égal à celui du
navire nationalisé. Nous avons appliqué ce système à un navire étranger qui a
été nationalisé depuis que l'article 8 de la loi de 1844 n'est plus applicable
; le gouvernement examinera l'effet que cette mesure pourra produire, et cette
mesure il pourra, s'il y a lieu, la généraliser en vertu de la loi de 1819.
M.
Osy.
- J'aurais désiré, messieurs, que l'honorable ministre des affaires étrangères
nous eût également fait connaître les navires qui ont été perdus de 1845 à 1846.
M. le ministre nous dit que notre marine est augmentée de 5,000 tonneaux par
les navires construits ou nationalisés, mais il faut décompter de ce chiffre le
montant du tonnage des navires perdus.
M. le ministre nous
dit encore qu'en vertu de la loi de 1819, le gouvernement ira plus loin que ce
qu'on faisait anciennement, qu'il ne restreindra plus la nationalisation aux
navires échoués sur la côte belge, mais qu'il l'accordera à tout navire
étranger pour lequel elle sera demandée lorsqu'on fera construire dans le pays
un navire de même tonnage. Je crois, messieurs, que cela n'est pas conforme à
la loi. La loi du 21 juillet 1844 disait que les navires étrangers pouvaient
être nationalisés moyennant un droit, qui était, je pense, de 30 francs par
tonneau, mais que l'on était exempt de ce droit lorsqu'on faisait construire un
navire dans nos chantiers ; aujourd'hui cette loi n'existe plus, le terme en
est expiré et je crois qu'il faut une loi nouvelle, je crois que le
gouvernement ne peut pas appliquer la loi de 1819 comme il croit en avoir le
droit.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, lorsque j'ai fait connaître tout
à l'heure à la chambre que notre marine marchande était augmentée de 5,000 tonneaux,
j'ai oublié de dire que j'avais tenu compte des navires perdus ou démolis ;
ainsi le chiffre de 5,000 tonneaux représente l'augmentation réelle.
Quant à la loi de
1819, voici, messieurs, le texte de l'article 2 de cette loi :
« Nous nous réservons
d'accorder des lettres de mer pour des navires de construction étrangère, pour
autant que les intérêts du commerce et de la navigation l'exigeront, etc. »
Vous voyez,
messieurs, que cet article n'établit aucune rétribution. C'était par une mesure
de jurisprudence administrative que la nationalisation avait été restreinte aux
navires échoués sur les côtes du pays ; mais je crois que depuis l'expiration
du terme fixé par la loi du 21 juillet 1834, le gouvernement a le droit
d'accorder des lettres de mer aux navires étrangers, en exigeant les conditions
que l'intérêt du pays réclame. Or, le gouvernement fait l'essai d'un système
nouveau, consistant à exiger la construction d'un navire d'un tonnage égal à
celui du navire dont la nationalisation est demandée. Lorsque l'expérience que
nous faisons de ce nouveau système nous aura fait connaître jusqu'à quel point
le gouvernement doit le généraliser, alors nous examinerons si la loi de 1819
nous suffit ou bien s'il faut présentera la chambre une loi nouvelle.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, je
prends la parole, non pas pour discuter le mode à suivre dans la distribution
des primes dont il s'agit, mais pour m'élever contre le principe même de ces
primes.
Les primes que l'on
accorde au détriment des contribuables pour la construction de navires, ces
primes ont-elles produit les avantages que l'on s'en promettait ?
C'est, messieurs, ce
que je ne crois pas. D'ailleurs, n'avons-nous pas fait assez de sacrifices en
faveur du commerce maritime ? N'avons-nous pas établi une correspondance
transatlantique aux frais de l'Etat ? N'avions-nous pas, avant cela, acheté un
navire monstre, qui n'a absolument rien produit si ce n'est d'enlever au trésor
une somme énorme ?
Je crois, messieurs,
que si les armateurs trouvent à faire des opérations maritimes, ils sauront
bien se procurer les fonds nécessaires pour construire des navires. N'est-il
pas, je ne dirai pas ridicule, le mot serait peu parlementaire, mais n'est-il
pas déplorable de voir accorder des primes pour favoriser un commerce qui se
fait en général au profit de l'étranger ? Si vous avez des fonds à dépenser,
messieurs, encouragez la confection d'instruments utiles à l'agriculture ; la
Belgique est agricole avant d'être maritime ; accordez des primes pour engager
les cultivateurs à faire produire à la terre plus qu'elle ne produit ; ce sera
la un résultat avantageux non seulement au producteur mais aussi au
consommateur ; ce sera une chose éminemment avantageuse au pays entier.
Il ne faut pas,
messieurs, avoir deux poids et deux mesures ; si vous voulez donner des primes
à ceux qui construisent des navires destinés à faire le commerce à l'étranger,
accordez aussi, et avant tout, des primes à ceux qui construisent des voitures,
des chariots de roulage, des charrues et autres instruments de labourage, en un
mot tout ce qui peut être réellement utile au pays.
Je voterai contre le
projet de loi.
M. Osy. - Nous sommes
habitués, messieurs, lorsque nous parlons du commerce, à rencontrer toujours,
pour adversaire, l'honorable M. Eloy de Burdinne....
M. Eloy de Burdinne. - Je demande la
parole pour un fait personnel.
M. Osy. - Lorsque l'année
dernière on a accordé 300 mille francs pour les chemins vicinaux, nous avons
tous prouvé que nous voulions favoriser l'agriculture, nous avons tous voté
pour ce subside ; si nous n'accordons pas des primes pour la confection des
chariots et des charrues, nous n'en sommes pas moins prêts à donner à
l'agriculture tous les encouragements qui peuvent lui être utiles.
Est-il avantageux au
pays, messieurs, que les navires se construisent chez nous ? C’est, je pense,
ce que personne ne peut révoquer en doute ; lorsqu'on construit des navires
dans nos chantiers, on emploie nos bois, nos fers, nos cordages, nos toiles et
une infinité d'autres produits de notre industrie ? on emploie de plus les bras
de nos ouvriers. Les primes que nous demandons tendent en outre à favoriser
notre chemin de fer et nos villes commerçantes en donnant de l'extension au
commerce maritime. Je suis donc étonné de voir encore l'honorable M. Eloy de
Burdinne s'opposer à la faible dépense dont il s'agit. Certes, messieurs, si
vous votiez 100,000 fr. pour cet objet, vous feriez une chose éminemment utile
au pays ; mais ce n'est pas ce que nous demandons, nous demandons un sacrifice
réellement insignifiant, pour augmenter la marine marchande, que tout le monde,
dans cette chambre, regrette de ne pas voir plus considérable.
M. le ministre des
affaires étrangères vous a fait connaître que depuis quelques années notre
marine marchande s'est augmentée de 5,000 tonneaux ; eh bien, messieurs, cela
ne représente pas 20 navires, et certes, sur 144 navires que nous possédons, ce
n'est pas là une augmentation considérable. Nous devons tous regretter qu'elle
n'ait pas été plus forte. Nous devons, messieurs, faire tous nos efforts pour
ne plus être tributaires de l'étranger, pour que les marchandises destinées à
la consommation ou au transit puissent, autant que possible, arriver par
navires nationaux.
C'est là, messieurs,
le but de la loi, et je crois qu'en la votant nous ferons une chose réellement
utile au pays.
M. Eloy de Burdinne. - Je suis fort
étonné, messieurs, des paroles que l'honorable député d'Anvers a lancées contre
moi. Non, je ne suis pas hostile au commerce, mais je ne veux pas que le
commerce fasse sa fortune au détriment du pays tout entier. Le commerce est
insatiable il rapporte tout à lui ; il croit que lorsqu'il est dans l'aisance
toute la Belgique doit être heureuse.
L'honorable membre
vient nous dire que l'année dernière il s'est montré très favorable à
l'agriculture, qu'il a voté 300,000 fr. pour les chemins vicinaux. Maïs,
messieurs, les chemins vicinaux ne sont pas seulement favorables à
l'agriculture ; le commerce est bien autant intéressé que l'agriculture à ce
que la voirie vicinale soit bonne. Si donc l'honorable membre a voté ces
300,000 fr., les intérêts qu'il défend en ont profité tout au moins autant que
l'agriculture.
Je
le dis avec peine, messieurs, on ne fait rien en Belgique pour l'agriculture,
rien, absolument rien ; tout ce que l'on fait en Belgique, c'est pour favoriser
l'industrie, à l'exception toutefois de l'industrie agricole, c'est pour
favoriser le commerce.
Il serait fastidieux
de passer en revue tout ce qui est porté au budget en faveur du commerce. La
dépense énorme de la construction du chemin de fer d'Anvers au Rhin n'est-elle
pas toute dans l'intérêt d'Anvers ? Le remboursement du péage de l'Escaut
n'est-il pas encore tout en faveur du commerce d'Anvers ? et le consul que la
Belgique va établir à Cologne, n'est-il pas encore dans l'intérêt exclusif
d'Anvers ?
Si l'honorable
préopinant me rencontre souvent sur son chemin, pour m'opposer aux prétentions
exagérées du commerce, je le trouve aussi presque toujours sur ma route, comme
adversaire, lorsqu'il s'agit de questions qui concernent l'agriculture, la
propriété, je dirai plus, l'intérêt général du pays.
M. Rogier. - Messieurs, il
arrive très fréquemment à l'honorable membre qui vient de s'asseoir de formuler
dans cette enceinte des réquisitoires plus ou moins violents contre le
commerce. Au seul mot de commerce, en est presque toujours certain de voir
l'honorable député de Waremme se livrer à des récriminations amères. Si nous ne
répondons pas plus souvent aux attaques de l'honorable préopinant, c'est que
nous avons la confiance que la chambre et le pays font aujourd'hui justice de
pareilles exagérations.
Toutefois nous
savons, par expérience, qu'à force de revenir sur les mêmes arguments,
fussent-ils dénués de tout fondement, on finit par donner un certain corps et
une certaine importance à des idées purement personnelles. Voilà pourquoi nous
devons de temps en temps protester contre les récriminations de l'honorable
député de Waremme.
Déjà ce système
d'opposition persévérante et sans cesse renaissante aux intérêts commerciaux
nous a valu de mauvaises lois. Nous n'avons pas oublié que la loi des céréales,
dont l'expérience a fait justice aujourd'hui et dont nous ferons, j'espère,
justice à notre tour, a été votée en définitive sous l'impulsion de l'honorable
député de Waremme. Nous n'avons pas oublié que si la chambre a voté une autre
loi non moins désastreuse, celle des sucres, c'est en grande partie à la
persévérance opiniâtre de l'honorable député de Waremme qu'il faut l'attribuer.
Messieurs, je ne suis
pas un partisan fanatique des primes pour construction de navires ; je crois
que si le commerce ne pouvait vivre qu'à la condition de recevoir des subsides
pour construction de ses navires, le commerce n'aurait pas une existence très
brillante. Ce qu'il faut au commerce, ce sont de bonnes lois, de bonnes lois
sur les céréales, sur les sucres, lois que nous aurons, j'aime à le croire,
quelque jour. Donnez au commerce des lois libérales ; laissez-le s'étendre
librement, et alors il renoncera facilement à ces primes dont, pour ma part, je
ne reconnais pas la grande efficacité.
Maintenant, quand
nous parlons en faveur des intérêts commerciaux, nous voit-on récriminer sans
cesse contre l'agriculture ? N'a-t-on pas vu sans cesse au contraire, sur les
bancs des défenseurs du commerce, les plus vives sympathies se prononcer en faveur
des intérêts agricoles ? Ne sommes-nous pas prêts à appuyer toutes les
améliorations qui seront demandées pour ce grand intérêt national ? Si
l'honorable M. Eloy de Burdinne venait nous soumettre des vues utiles,
praticables en faveur de l'industrie agricole, doute-t-il de notre empressement
à appuyer de pareilles vues ?
(page 554) J'engage l'honorable membre à
renoncer à ce système de récriminations contre le commerce. Ce système ne peut
produire rien d'utile pour l'agriculture. Il y a place en Belgique pour la
prospérité du commerce et pour la prospérité de l'agriculture. Ces grands
intérêts doivent se combiner et s'entraider, loin d’être sans cesse placés à
l'état d'hostilité réciproque.
J'espère que
l'honorable M. Eloy de Burdinne ne verra rien de personnel dans ce peu de
paroles que je livre à sa calme appréciation.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, il ne faut pas habituer le pays à
croire qu'il y a antagonisme entre les intérêts agricoles et industriels et les
intérêts commerciaux. C'est là une idée complétement fausse. L'un de ces
intérêts ne peut pas souffrir, sans que l'autre ne souffre en même temps. Il y
a solidarité entière entre ces grands intérêts nationaux. (Assentiment.)
Je rappellerai à
l'honorable M. Eloy de Burdinne que lorsqu'il a combattu, il y a trois ans, le
projet de loi destiné à accorder des primes pour construction de navires, il
avait une opinion moins absolue que celle qu'il professe actuellement. Alors
messieurs, il avait subordonné son vote à l'adoption de la loi sur les droits
différentiels ; l'honorable M. Eloy de Burdinne soutenait alors que ces primes
étaient inutiles, si une bonne loi, destinée à favoriser la marine nationale,
n'était pas votée. Eh bien, la chambre a adopté cette loi, et l'honorable
membre, pour être d'accord avec lui-même, ne devrait pas s'opposer au projet de
loi en discussion, comme il l'a fait il y a trois ans.
L’honorable M. Osy
vient de vous le dire, messieurs, cette loi n'est pas purement commerciale. Je
l'avoue, je n'attache pas à ces primes une bien grande importance, je
n'attribue même à une pareille loi qu'un caractère provisoire.
J'espère bien que le
gouvernement et les chambres viendront à bout, par des lois définitives, de donner
au commerce une base meilleure que celle des primes pour construction de
navires. Je partage à cet égard l'opinion de l'honorable M. Rogier ; mais ces
lois ne se font pas en seul jour ; il ne faut pas oublier non plus que, pour la
construction des navires, nous sommes dans des conditions défavorables à
l'égard de quelques pays voisins, et que nous avons à protéger une industrie
nouvelle, telle que la construction des navires en fer. L'agriculture et
l'industrie sont aussi intéressés que les navigateurs à ces constructions
maritimes.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs,
d'après les paroles de l'honorable M. Rogier, on serait tenté de croire que je
suis hostile au commerce. Il n'en est rien ; et je l'ai démontré lorsqu'il
s'est agi de la loi des droits différentiels ; alors j'ai voulu accorder une
protection efficace au commerce de mon pays, j'ai voulu une différence de
droits plus forte que celle qui a été votée. Non, je ne suis pas hostile au
commerce. En Belgique, le commerce, l'industrie et l'agriculture dépendent les
uns des autres. Je veux la prospérité de toutes ces industries, mais je ne veux
pas qu'on puise dans les caisses du trésor pour favoriser une industrie ; je ne
veux pas qu'on ait deux poids et deux mesures ; nous devons mettre toutes les
industries sur la même ligne.
L'honorable M. Rogier
est encore revenu sur la loi des céréales : c'est une espèce de cauchemar que
cette loi des céréales de 1834 ; elle pèse sur son estomac, et il ne peut la
digérer. Eh bien, cette loi a-t-elle donc fait tant de mal ! Elle a peut-être
nui aux producteurs des céréales étrangères, mais elle n'a pas fait le moindre
tort au pays. et la nouvelle loi sur les céréales ! mais c'est une abomination
d'avoir osé dans une chambre belge présenter un projet destiné, non pas à faire
renchérir les grains, mais à empêcher qu'il ne devînt trop cher.
Et en effet, voyez ce
qui s'est passé en France, voyez ce qui se passe en Angleterre. En France comme
en Angleterre, là où il existe des droits sur les grains étrangers, on y mange
le pain à meilleur marché qu'en Belgique. Allons, économistes, répondez à cet
argument, non par des théories, mais par des faits. Dites-moi comment il se
fait qu'avec des lois protectrices, je ne dis pas des lois prohibitives, car je
n'en veux pas, mais comment en Angleterre avec des droits exorbitants on mange
le pain à meilleur marché qu'en Belgique ? et après cela on prétendra qu'avec
nos propositions de l'année dernière nous voulions affamer le
consommateur ! Non, messieurs, nous ne voulions pas affamer les
consommateurs, nous voulions empêcher l'agiotage sur les denrées alimentaires
et une augmentation factice sur la nourriture de la masse des consommateurs,
c'est-à-dire du pauvre.
Depuis que nous avons
voté la libre entrée des céréales, que voyons-nous ? Des masses de céréales
sont introduites dans le pays, l'agriculteur apporte ses produits sur les
marchés, et, loin de voir diminuer le prix des céréales en Belgique, nous le
voyons augmenter tous les jours. Je voudrais qu'on m'expliquât ce fait, qui est
tout à fait en contradiction avec les théories de nos économistes. Il serait
curieux de voir l'explication de ce fait.
Le sucre est encore
une chose fort difficile à digérer pour l'honorable membre. C'est moi, selon
lui, qui ai provoqué la loi qu'on a adoptée sur le sucre.
La
mémoire de l'honorable membre n'est pas très heureuse. Cependant, ce fait n'est
pas d'une date si éloignée qu'on ne puisse se rappeler que c'est l'honorable M.
d’Huart qui a fait la proposition de modifier la loi sur les sucres. Moi,
étranger à la proposition, on vient m'attaquer à cause de son adoption. Je
rends grâce, je fais mon compliment bien sincère à l'honorable M. d'Huart qui a
procuré au trésor par sa ténacité, son courage, un revenu de trois millions et
même de trois millions 700 mille francs, quand auparavant le pays ne percevait
que 180 et des mille francs.
Remarquez-le bien,
messieurs, c'est que la consommation du sucre en Belgique devrait donner, non
pas trois millions 700 mille francs, mais cinq millions.
M. Manilius. - En ruinant nos
grands établissements de raffinage !
M. Eloy de Burdinne. - On me dit que ce
sera en ruinant les raffineurs de sucre exotique. Mais, ne peuvent-ils pas
exercer leur industrie en raffinant du sucre indigène ?
Si vous ne le pouvez
pas, avouez que votre industrie est factice, que vous ne pouvez pas offrir vos
sucres à bon marché à l'étranger, sans faire peser un impôt sur le consommateur
indigène, sans jouir d'une prime de trois millions au moins. Au reste, la
question du sucre n'étant pas à l'ordre du jour, j'espère qu'elle y viendra un
de ces quatre matins ; je ferai voir alors combien cette industrie du raffinage
du sucre exotique est une industrie factice, qui ne peut vivre qu'avec un
subside de trois ou quatre millions. Je le démontrerai à l'évidence.
Puisqu'on désire
aller aux voix, je sais que ma proposition n'aura pas d'écho dans cette
enceinte ; j'y renonce, parce que, comme je l'ai dit dans une précédente
séance, la fièvre de la dépense n'est pas encore coupée en Belgique.
- La discussion est
close.
Il est procédé au
vote par appel nominal sur l'article unique du projet.
59 membres répondent
à l'appel.
58 disent oui.
1, M. Eloy de Burdinne,
répond non.
En conséquence le
projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM.
Duvivier, Fallon, Fleussu, Goblet, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Lejeune,
Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Malou, Manilius, Orban, Osy, Pirson, Rodenbach,
Rogier, Sigart, Simons, Van Cutsem, Veydt, Vilain XIIII, Zoude, Anspach,
Biebuyck, Brabant, Clep, d'Anethan, David, de Bonne, de Breyne, Dechamps, de
Chimay, de Corswarem, Dedecker, de Haerne, de la Coste, Delehaye, Delfosse, de
Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Muelenaere,
Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Tornaco, Devaux, de Villegas,
d'Hoffschmidt, d'Huart, Dubus (aîné), Dubus (Albéric) et Liedts.
PROJETS DE LOI PORTANT MODIFICATIONS DE CERTAINES DELIMITATIONS COMMUNALES
Le premier projet a
pour objet la rectification des limites entre les communes d'Eeckeren et de
Cappellen (province d'Anvers).
Le gouvernement se
rallie à la modification proposée par la commission.
Personne ne demandant
la parole, la discussion est close.
« Art. Les limites
séparatives entre les communes d'Eeekeren et de Cappellen, province d'Anvers,
sont rectifiées conformément au plan ci annexé.
« La ligne de
démarcation est tracée sur le terrain par le Paryscheweg, le Zwartebeeck
jusqu'à l'Esschenhoutschebeeck, ce ruisseau même jusqu'à sa réunion au
Zwartebeeck le long de la Oudebenkensbam ; le Zwartebeeck jusqu'au chemin dit
Heydestraet, ce chemin jusqu'au Waterstraet et ce dernier même. »
- Adopté.
« Art. 2. Le cens
électoral et le nombre des conseillers à élire dans ces communes seront
déterminés par l'arrête royal fixant le chiffre de leur population. »
- Adopté.
Il est procédé au
vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.
Il est adopté à
l'unanimité de 57 membres qui ont répondu à l'appel. Il sera transmis au sénat.
Ont répondu à l'appel
: MM. Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Goblet, Huveners, Jonet,
Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Malou, Manilius, Orban,
Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Sigart, Simons, Van Cutsem, Veydt,
Vilain XIIII, Zoude, Anspach, Biebuyck, Brabant, Clep, d'Anethan, David, de
Bonne, de Breyne, Dechamps, de Chimay, Dedecker, de Haerne, de La Coste,
Delehaye, Delfosse, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de
Mérode, de Muelenaere, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Tornaco, Devaux, de
Villegas, d'Hoffschmidt, d'Huart, Dubus (Albéric) et Liedts.
______________
La chambre passe au
projet de loi suivant :
« Article unique. Le
ruisseau formant la limite séparative entre les communes d'Erbisœul et de
Jurbise sera redressé conformément à la ligne tracée en jaune au plan figuratif
annexé à la présente loi. »
La commission
spéciale propose de modifier le dispositif du projet de loi de la manière
suivante :
« Article unique. La
limite séparative des communes de Jurbise et d'Erbisœul, province de Hainaut,
est rectifiée, conformément à la ligne AB, lavée en jaune au plan
ci-annexé. »
- Ce projet est
adopté avec la rédaction proposée par la commission, à l'unanimité des 57
membres présents.
______________
- La chambre passe au
projet de loi suivant :
« Article unique. Les
deux parcelles, cotées n°337 et 338 sur le plan ci-annexé, sont détachées de la
commune de Moulbaix et réunies à celle de Villers St-Amand, province de
Hainaut. »
Ce projet de loi est
adopté sans discussion à l'unanimité des 61 membres présents.
_____________
- La chambre passe au
projet de loi suivant :
« Article unique. La
partie du territoire de la commune de Marcinelle, province de Hainaut, indiquée
au plan ci-joint par un liséré vert, est réunie au territoire de la ville de
Charleroy. »
- Ce projet est
adopté sans discussion à l'unanimité des 61 membres présents.
______________
- La chambre passe au
projet de loi suivant :
(page 555) « Article unique. Le terrain situé entre le chemin nommé
le Moulin-Yoye et la commune de Paifve, province de Liège, indiqué au plan
annexe à la présente loi par un liséré, appartient au territoire de la commune
de Nederheim, province de Limbourg. »
- Ce projet de loi
est adopté sans discussion à l'unanimité des 62 membres présents.
______________
- La chambre passe à
la discussion du projet de loi tendant à fixer les limites entre les communes
de Silly et de Fouleng, province de Hainaut. Ce projet de loi est ainsi conçu ;
« Article unique. La
limite séparative entre les communes de Silly et de Fouleng, province du
Hainaut, est fixée conformément au plan ci-annexé. »
La commission qui a
examiné le projet, propose d'ajouter à cet article unique un paragraphe ainsi
conçu :
« Les parcelles
de terre indiquées par un liséré jaune font partie de la commune de Fouleng, et
les parcelles cotées 440 et 441 sont réunies au territoire de la commune de
Silly. »
M. le ministre de
l’intérieur (M. Van de Weyer). - Je me rallie à cet amendement.
- Personne ne
demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal sur ce projet ;
il est adopté à l'unanimité des 61 membres présents (1 membre s'étant abstenu).
M. Verhaegen. - Je me suis
abstenu, parce que je viens d'entrer. Je ne savais de quoi il s'agissait.
PROJETS DE LOI APPROUVANT LA VENTE DES TERRAINS ET BATIMENTS DE L’HOTEL
DU GOUVERNEMENT PROVINCIAL A LIEGE
M. le président. - Ce projet de loi
est ainsi conçu :
« Article unique. La
vente des terrains et bâtiments de l'hôtel du gouvernement provincial à Liège,
consentie par acte du 22 octobre 1845, est approuvée. »
La discussion est
ouverte.
M. Delfosse, rapporteur. - Je dois faire
remarquer à la chambre qu'il y a une erreur d'impression à la page 5 de mon
rapport, à la fin du deuxième alinéa. II y est dit : « II résulte d'une
expertise, etc., que la valeur vénale du bâtiment incendié, était, avant
l'incendie, de cent cinquante mille fr. » Il faut lire : de cent cinquante-cinq
mille fr.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, l'acte
sur lequel vous êtes appelés à prononcer en ce moment, a été l'objet d'une vive
polémique ; il a assez longtemps ému l'une de nos grandes villes.
Je crois devoir, dès
le début de cette discussion, expliquer tous les faits, expliquer dans tous ses
détails l'acte du gouvernement et les motifs qui l'ont porté à le poser.
J'espère démontrer que le gouvernement a eu des motifs suffisants, je dirai
plus, des motifs impérieux, de conclure le marché dont la ratification vous est
soumise, qu'en le concluant, il a pris toutes les précautions pour mettre à
couvert les intérêts du trésor, et qu'il ne pouvait pas s'abstenir de poser cet
acte.
Reportons-nous
d'abord, messieurs, à l'origine de cette affaire.
L'ancien couvent, dit
des Bons Enfants, avait été approprié pour les bureaux de l'administration
provinciale et un incendie, survenu au printemps de l'année dernière, avait
détruit ce bâtiment. Je suis en droit de dire, messieurs, que ce bâtiment avait
été détruit, parce que, d'après tous les récits dont je me suis seulement
abstenu de reproduire la partie dramatique, l'incendie du 31 mars n'avait
laissé subsister que des ruines. Ainsi, le gouvernement déclare, dans sa
proclamation du 31 mars, qu'au bout de peu de moments le feu s'était étendu à
toutes les parties du bâtiment. Ainsi, des comptes-rendus des journaux disent
que les deux étages supérieurs ont été, à peu de chose près, entièrement
détruits, qu'il ne reste plus guère que le rez-de-chaussée et les murailles :
ailleurs, que toute la partie supérieure est détruite, qu'il ne reste plus
guère que le rez-de-chaussée. L'état dans lequel se trouvait, après l'incendie,
le bâtiment qui avait été affecté à l'administration provinciale de Liége, est
donc bien constaté.
Dès le 7 avril,
messieurs, l'architecte provincial (car le bâtiment était alors provincial)
demande à la députation de faire faire les travaux nécessaires pour déblayer
les débris et les décombres : ce sont les expressions que vous trouvez à la
page 5 des annexes ; « plusieurs des bâtiments qui en sont surchargés menacent
ruine. » Ces travaux n'ont pas été faits. Le rez-de-chaussée et ce qui
subsistait encore du bâtiment, est resté chargé de décombres depuis le 31 mars
jusqu'après la vente qui a été faite par le gouvernement. Rendez-vous compte de
l'effet que doit produire sur un bâtiment incendié, ébranlé par l'incendie, la
surcharge des décombres, les pluies et toutes les intempéries de la saison
pendant cinq mois.
Déjà en présence de
ces faits, je puis demander si la valeur de ce bâtiment, au mois d'octobre,
était bien encore nécessairement la valeur qu'il avait au mois d'avril, et il
me paraît que la réponse à cette question se trouve dans les faits mêmes que
j'ai indiqués à la chambre
Mais voyons plus
directement quelles ont été les conséquences de l'incendie, comment elles ont
été appréciées. Voyons quel est le sens, quel est le résultat de l'expertise
contradictoire qui a été ordonné.
L'expertise qui se
fait après un incendie a un objet bien déterminé. Elle est contradictoire sur
un point, sur le seul point à l'égard duquel les deux parties ont un intérêt
différent, c'est-à-dire sur l'appréciation du dommage causé par l'incendie.
Ainsi, peu importe à l'assureur, lorsqu'un sinistre est arrivé, quel est le
prix que le propriétaire pourra réaliser après que le dommage aura été payé. Ce
prix n'est pas toujours le même ; il varie nécessairement selon la destination
que donne le propriétaire à l'édifice qui a été construit et au terrain sur
lequel il se trouve. Il y avait donc intérêt, d'une part, de la compagnie, de
l'autre part, de la province, de régler contradictoirement le dommage, mais il
n'y avait d'expertise contradictoire que pour cela.
Le mandat donné à
l'un des experts l'indique clairement ; en effet, le littera D des annexes que
j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre, porte ce qui suit :
« M. Remont,
architecte de la ville de Liège, est nommé pour déterminer, de concert avec
l'agent délégué par la compagnie d'assurance de l'Escaut, le montant des pertes
dont il s'agit. »
Le mandat des experts
n'était donc pas, et j'ajoute qu'il ne pouvait pas être, d'évaluer quelle était
la valeur vénale des constructions restées debout, et des terrains sur lesquels
se trouvaient ces constructions.
C'est ainsi encore,
qu'à l'annexe G, on parle de régler les pertes de la compagnie. « Il en résulte
que la perte de la compagnie dans le dommage arrivé à l'hôtel, etc., » est
d'autant.
Comment les experts
ont-ils procédé, et ont-ils bien procédé ?
Les experts se sont
basés sur la valeur de l'édifice considéré comme neuf. Ils ont ensuite évalué
l'édifice dans son état antérieur à l'incendie, ils ont déduit de cette
ancienne valeur le montant de la perte reconnue et se sont bornés là.
Mais, messieurs, le commission va beaucoup
plus loin. La commission raisonne de cette manière : L'hôtel du gouvernement
provincial, avant l'incendie, valait 155,000 fr. ; il y a eu pour 60,600 fr. de
dommages ; donc ce qui reste debout valait 94,000 fr.
C'est ce que les
experts ne disent pas ; c'est ce qu'i'ls n'avaient pas à dire ; ; c'est ce
qu'ils ne pouvaient pas dire. Mais la commission tire cette induction, et cette
induction, vous pouvez déjà en apprécier la vraisemblance, d'après les faits
que je viens de vous rappeler.
Comment, les deux
étages supérieurs d'un édifice qui valait (j'accepte cela pour un instant),
155,000 fr. avant l'incendie, se trouvent détruits. Le reste du bâtiment
demeure exposé aux intempéries de la saison pendant cinq mois, et ces débris
valent 94,000 fr., c'est-à-dire les deux tiers à peu près de la valeur
antérieure à l'incendie ?
Mais, messieurs,
cette valeur même dépend de la destination que le propriétaire veut donner à
l'édifice. Ainsi pour l'hôtel du gouvernement provincial, il est très possible,
que moyennant une somme de 60,000 fr. on eût pu le rétablir dans son état
primitif et qu'alors, conservant cette destination il eût réellement valu
155,000 fr. ; mais, si, au contraire, il s'était agi de diviser le terrain, de
le vendre par lots, il est évident que la valeur s'en serait trouvée
considérablement réduite. Or, messieurs, le gouvernement était-il libre de
conserver à cette propriété son ancienne destination ? Non ; la loi avait
décidé que le terrain et ce qui restait des bâtiments de l'ancien hôtel
seraient vendus. Il ne faut donc pas apprécier la valeur de ces terrains et de
ces restes de constructions, comme si le gouvernement avait eu la faculté de
rétablir l'hôtel dans son état primitif et de rendre ainsi à ces débris leur
ancienne valeur, en supposant toujours qu'il fût possible de la leur rendre.
Je dis, messieurs,
que les faits déjà cités démontrent que cette évaluation ne pouvait pas être
faite ; j'ajoute que les experts ne l'ont pas faite et que les pièces que vous
avez sous les yeux vous permettent de voir quelle est la valeur réelle donnée à
ces débris. Ainsi, messieurs, dans la note B5, l'architecte Cluysenaar, qui a
pris part à tout l'ensemble de cette combinaison, n'évalue ces débris qu'à la
somme de 12,000 fr., en tenant compte de la destination que le gouvernement était
forcé d'y donner.
On s'est donc
singulièrement mépris sur la portée de l'expertise. La commission tire du fait
pose par les experts, une conséquence que les experts n'en ont pas tirée, une
conséquence qui n'est pas logique et qui ne résiste pas à l'examen des faits.
L'expertise ainsi
appréciée dans ses conséquences quant à la vente, comment devons-nous la
considérer quant à son caractère essentiel ? Selon moi, messieurs, il résulte à
l'évidence des pièces que vous avez sous les yeux, que d’abord le mode de
procéder adopté par les experts était vicieux ; c'est ce qui est fait bien
démontré dans la consultation de M. l'avocat Dereux.
Il est démontré, en
outre, que toute l'expertise a un caractère transactionnel, et c'est en
présence de la transaction intervenue entre la province et la compagnie de
l'Escaut, que l'on raisonne du procès-verbal d'expertise pour apprécier
(conséquence contraire, j'en suis convaincu, à l'intention des experts), pour
apprécier quelle était la valeur des débris qui subsistaient encore.
Je reprends le narré
des faits. Après quelques discussions, on vint à cette transaction, et la
compagnie régla le dommage à la somme de 52,036 fr. ; l'acquéreur, si la vente
est approuvée, payera à l'Etat une somme de 90,000 fr. ; l'Etat réalisera donc
une somme totale de 142,000 fr. Comment maintenant la commission établit-elle
qu'il y a lésion pour l'Etat ? C'est uniquement en évaluant les débris à 94,850
fr., en déduisant du procès-verbal d'expertise cette valeur tout à fait
imaginaire.
Permettez-moi,
messieurs, d'anticiper un peu sur l'ordre des faits. Comment est-il possible,
dans une ville comme Liège, qu'une lésion aussi forte, une lésion de 57,000
francs ait été éprouvée par le trésor et que l'on n'arrive, après les efforts
les plus incessants, qu'à obtenir une offre qui dépasse de 10,000 francs le
prix réalisé ? Si je me plaçais au point de vue de la commission, je
demanderais si c'est bien la peine de résilier ce marché, alors que, d'après
tous les faits connus aujourd'hui, il doit subsister pour l'Etat une perte de
47,000 francs au lieu d'une perte de 57,000 francs ?
En effet, messieurs,
d'une part on ne fait aucune offre (et je dirai tout à l'heure comment et dans
quelles circonstances on s'en est abstenu) et (page 556) d'autre part M. le docteur Delheid n'offre qu'une somme
de 100,000 fr. Si donc le raisonnement de la commission était fondé, il y
aurait toujours, après l'acceptation de cette offre, une perte de 47,000 fr.
J'arrive, messieurs,
à la loi du 18 mai. Cette loi a sanctionné une combinaison qui consistait,
d'une part, à voter des sommes assez considérables pour la restauration du
palais des princes évêques de Liège et pour en approprier une partie au
logement des bureaux de l'administration provinciale, de la députation, et du
conseil provincial, et d'autre part à vendre, pour diminuer d'autant la charge
de l'Etat, les terrains et les débris de l'ancien hôtel du gouvernement. Cette
combinaison était heureuse, je n'hésite pas à le dire : elle était heureuse
pour tous les intérêts, en ce sens que la ville de Liège pouvait espérer de
voir restaurer complétement ce beau monument auquel la population porte, avec
raison, tant d'intérêt, comme on l'a vu dans d'autres circonstances.
L'hôtel du
gouvernement provincial avait subi beaucoup de vicissitudes. Cédé à la ville de
Liège, en vertu d'un décret impérial de 1811, il avait été rétrocédé par
celle-ci à la province en 1822 ou 1823. Alors, messieurs, par une combinaison
assez compliquée, mais sur laquelle je crois inutile d'insister, la ville de
Liège avait obtenu pour cette propriété et d'autres une indemnité de 20,000
florins, et la province avait pris l'engagement de consacrer à la restauration
de ce bâtiment, une somme de 40,000 florins. Il y avait donc possibilité de
contestation entre l'Etat et la province de Liège sur leurs droits respectifs à
la propriété de l'ancien couvent des Bons-Enfants.
Dans le rapport fait
à la chambre par l’honorable M. Maertens, on avait supposé que cette propriété
appartenait à l'Etat, mais il fallait néanmoins l'intervention de la province à
raison de la circonstance que je viens de rappeler. Dans le conseil provincial,
M. Muller fit un rapport très développé, un rapport qui se compose d'environ 24
pages in-4°, sur toutes les transactions dont le couvent des Bons-Enfants avait
été l'objet. Alors déjà cette évaluation de 90,000 fr. qui se trouvait dans
l'exposé des motifs, était depuis longtemps connue. J'ai donc espéré de trouver
dans le rapport de M. Muller quelque discussion, quelque éclaircissement sur la
réalité de cette évaluation qui était publique.
Eh bien, messieurs,
au milieu de cette longue discussion, lorsque la province, veuillez le
remarquer, avait un très grand intérêt à contester l'exactitude de cette
évaluation, il n'en est pas dit un mot ni dans le rapport de M. Muller, ni dans
la discussion du conseil provincial, ni dans aucun des actes qui se rapportent
à cette période de l'affaire. II n'est pas fait la moindre recherche à cet égard.
La province avait un
grand intérêt à contester l'exactitude de l'évaluation de 90,000 fr. En effet,
messieurs, elle se disait propriétaire de tous les bâtiments. Si elle avait
estimé plus haut la valeur de ces bâtiments et terrains, elle eût été amenée à
le dire, parce qu'alors le sacrifice qu'elle faisait eût été d'autant plus
considérable et que par conséquent elle eût pu demander à l'Etat des sacrifices
également plus grands.
Eh bien, messieurs,
malgré cela l'évaluation de 90,000 fr. a été acceptée par le rapporteur, par la
commission, par le conseil provincial, par la députation et par le gouverneur.
Une réflexion encore
sur ce point. S'agit-il ici d'une propriété acquise et que le gouvernement
revend avec perte ? Non, messieurs, il s'agit d'une propriété que le
gouvernement a reçue pour 90,000 fr, et qu'il cède pour 90,000 fr. Tel est en
réalité le caractère de la transaction qui est intervenue.
Aussitôt que la
transaction fut définitive, le gouvernement voulut pourvoir à l'exécution de la
loi.
Comme je l'ai dit
dans l'exposé des motifs, il se trouva arrêté par des difficultés
insurmontables. Ces difficultés étaient de deux genres ; d'une part il y avait
absence de locaux convenables, d'autre part il y avait engagement pris envers
M. Habets. La question de savoir si l'on pouvait trouver dans Liège des locaux
convenables pour la prison des femmes et pour l'institution de bienfaisance qui
occupaient une partie du palais des princes-évêques de Liège, n'a pas été
résolue d'emblée : on a travaillé consciencieusement, avec le concours de
toutes les autorités, pour trouver ces locaux, et au mois de septembre,
l'impossibilité de réussir a été constatée. Je pense que la chambre, en
présence des pièces qui lui ont été distribuées, ne peut plus conserver le moindre
doute à cet égard. cette impossibilité est constatée, notamment par la lettre
du gouverneur ad intérim M. Scroncx, en date du 27 août. La commission déclare,
à la vérité, qu'il y avait d'autres locaux.....
Un membre - Les Bogards.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Messieurs, si la question avait été aussi simple qu'elle l'a paru à la
commission, le gouvernement l'eût résolue, non pas en cinq mois, mais en quatre
jours.
Eh bien ce bâtiment, d'après
les renseignements qui m'ont été donnés, est un vieux magasin à poudre, que les
voisins louent pour qu'on n'y mette plus de poudre ; qui est abandonné ; c'est
une ruine qu'on conseillait au gouvernement d'approprier, je ne sais comment, à
la destitution nouvelle qu'elle devait recevoir.
Le couvent des
Récollets n'est pas à l'état de ruine ; mais vous avez pu apprécier, par les
pièces qui vous ont été distribuées, les considérations matérielles et morales
qui empêchaient le gouvernement de transférer la prison des femmes ainsi que
l'institution de M. Habets, dans le local des Récollets.
Toutes nos vues, dans
cette période de l'affaire, se sont reportées sur le couvent des Jésuites
anglais. Nous avions espéré qu'il serait possible d'approprier une partie de ce
bâtiment à la destination que nous devions lui donner. Nos efforts ont échoué
devant une circonstance dont je rendrai franchement compte à la chambre. Le département de la guerre, qui est en
possession de ce local, nous a démontré qu'il y avait, pour lui, à Liège,
insuffisance de locaux, que, loin de pouvoir céder quelque partie des locaux
dont il dispose aujourd'hui, il serait amené à devoir les agrandir.
Il y avait, disais-je
tout à l'heure, une autre difficulté, le bail accordé à M. Habets. Cette
considération pour moi n'est pas décisive, c'est une raison accessoire. Mais la
commission a singulièrement méconnu quelle est la position du gouvernement à
l'égard du locataire. Ne fût-il locataire que pour une somme de 10 francs, le
contrat qu'il a fait avec le gouvernement est aussi sacré et aussi inviolable
pour nous, que s'il était locataire pour une somme de 50,000 francs. Le droit
est le même dans l'un et dans l'autre cas. Dès le principe de la négociation,
dès le vote de la loi du 18 mai, on n'a jamais demandé si M. Habets était
locataire pour telle ou telle somme ; on a demandé quelle foi était due à son
contrat et comment nous pouvions lui procurer des locaux.
Il semblerait,
d'après le rapport de la commission, que M. Habets occupait une partie importante
d'un vaste édifice public. Eh bien, messieurs, le local loué à M. Habets, se
compose de 12 pièces, et le palais de Liège, sur les sommiers du domaine, se
compose de 208 pièces...
Un membre. - Qu'est-ce que
cela prouve ?
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Cela prouve que le bail était proportionné à l'importance des locaux qui
étaient loués à M. Habets, et il n'est pas inutile de le prouver.
Il est vrai que la commission
tourne cette difficulté, en interprétant l'acte de bail ; « pour quelque cause
que ce soit, M. Habets ne pourra réclamer de l'administration aucune indemnité
ou diminution de prix... » La commission interprète cette clause en ce sens que
le gouvernement doit renvoyer son locataire quand bon lui semblait...
M. Delfosse, rapporteur. - Quand il y aurait
des motifs d'utilité publique.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Je viendrai à cela ; enfin, que le gouvernement pouvait d'autorité résilier
le bail.
Ici, ce n'est pas
d'un intérêt de fait que je me préoccupe, mais d'un intérêt de principe. La
clause qui se trouve dans le bail de M. Habets se trouve dans presque tous les
baux domaniaux, et il est évident, d'après sa teneur même, qu'elle ne peut pas
s'entendre en ce sens que le gouvernement aurait la faculté de résilier
arbitrairement les baux.
Je dis que je ne me
préoccupe ici que d'un intérêt de principe, et que si l'interprétation pouvait
être admise, il s'ensuivrait qu'une foule de domaines soumis à location
seraient frappés d'une défaveur telle qu'elle entraînerait une grande réduction
dans vos revenus. Lorsque le domaine loue, il loue avec des garanties
ordinaires, quant à la durée et quant aux effets du bail. D'ailleurs, dans le
bail même, vous trouvez qu'il est résiliable par 3, 6, 9. Si vous interprétez
l'article relatif aux indemnités ou diminutions de prix, en ce sens que la
réalisation reste entière, je demande si le locataire évincé sera tenu du bail,
alors que vous l'aurez résilié.
On dit : « Vous avez
l'expropriation pour cause d'utilité publique. » Je crois qu'il est sans
exemple que le domaine bailleur, ayant conclu un contrat, vienne agir au nom de
l'utilité publique ; je ne pense pas que l'on puisse citer dans tous les
rétroactes législatifs et judiciaires un seul exemple de l'expropriation d'un
bail ; on exproprie la propriété, et quand on prive quelqu'un de sa propriété,
qui est louée, la conséquence en est que le locataire est indemnisé. Mais ici
vous demandez que, moi qui, au nom du domaine, ai loué une partie du palais de
justice de Liège à M. Habets, je le
fasse expulser, sous prétexte d'utilité publique, sans qu'il puisse y avoir expropriation
de la propriété, puisque le domaine lui-même est propriétaire. Cela est
contraire à tous les principes du droit en matière d'expropriation, et cela ne
s'est jamais fait, à ma connaissance.
Il y avait donc,
messieurs, deux circonstances qui devaient être pesées par le gouvernement, lorsqu'il
a reçu cette espèce de lettre de désespoir de l'autorité provinciale, quant à
la recherche des locaux ; il y avait, d'un autre côté, le respect que le
gouvernement devait porter à l'engagement qu'il avait pris à l'égard de M.
Habets. Ces deux difficultés avaient occupé le gouvernement très attentivement
jusque dans les derniers jours du mois de septembre ; cinq mois avaient donc
été passés inutilement, et quant à l'exécution de la loi du 18 mai, l'on se
trouvait encore au point de départ.
Deux commissaires
spéciaux, délégués, l'un par le département de l'intérieur, l'autre par le
département de la justice, s’étaient rendus plusieurs fois à Liège, afin de
prêter leur concours à ces négociations, et n'avaient pas réussi. Allant
visiter les débris de l'hôtel du gouvernement provincial, ils se trouvèrent
dans cette alternative, ou de faire restaurer ces débris aux frais du
gouvernement, ou de chercher à les faire restaurer aux frais de M. Habets qui
était locataire du domaine.
D'après le récit même
que j'ai placé sous les yeux de la chambre, vous voyez, messieurs, un fait
important pour le côté moral de cette question ; vous remarquerez que ce n’est
pas M. Habets qui a pris l'initiative, mais qu'il a été sollicité à faire une
acquisition, pour tirer le gouvernement de la difficulté insoluble contre
laquelle il se débattait depuis cinq mois.
Le 30 septembre, M.
le ministre de l'intérieur, après m'avoir exposé ces circonstances, me fit la
proposition de vendre à M. Habets, à main ferme, l'hôtel du gouvernement
provincial pour la somme de 90,000 fr., qui en forme le prix estimatif, d'après
l'exposé qui a été soumis à la chambre au mois de mai. Après avoir examiné les
avantages directs et indirects de cette combinaison, je fus charmé, je n'hésite
pas a le dire, de trouver un moyen d'exécuter enfin cette loi, exécution à
laquelle la ville de Liège portait un si grand intérêt. Je n'attendais pas des
remerciements pour cet acte ; mais j'espérais qu'en me prêtant ainsi à
l'exécution d'une loi qui avait été si (page
557) longuement retardée, j'aurais rencontré au moins de l'impartialité et
de la bienveillance. Il n'en fut rien, et la suite, messieurs, vous le
démontrera.
Quant à la régularité
de l'acte, je reconnais moi-même que les immeubles doivent faire, en règle générale,
l'objet d'une adjudication publique, et que, si le gouvernement, sous sa
responsabilité, dans des circonstances données, croyait pouvoir admettre une
exception, il était tenu de venir justifier cette exception devant vous, de
prouver qu'il y avait des motifs suffisants pour poser cette exception aux
règles générales, et c'est le devoir que je remplis en ce moment.
Il y avait donc
urgence, nécessité ; le gouvernement ne pouvait, d'une autre manière, pourvoir
à l'exécution d'une loi que vous avez votée. La réserve même qu'il a faite de
votre approbation prouve qu'il reconnaît le principe, et qu'il rend hommage à
la règle sanctionnée par tous les précédents et par des dispositions
législatives.
Le 4 octobre, je fis
connaître à M. le ministre de l'intérieur que j'étais disposé à vendre, sauf
ratification des chambres, cette propriété à M. Habets, pour la somme de 90,000
fr., qui me semblait être la valeur réelle de cet immeuble. Dans la suite de
cette affaire, je me suis considéré comme étant lié, comme ayant fait
positivement une promesse de vente dès le 4 octobre 1845. Dès lors on ne
pouvait exiger de moi rien qui fût contraire à la foi, à la loyauté du contrat.
Une décision expresse intervint le 13 octobre ; dans cette décision qui se
trouve à la suite du projet de loi, et dans le contrat même, je ne fis pas
seulement des réserves pour le droit parlementaire, mais je fis d'autres
réserves dans l'intérêt de l'Etat. C'est ainsi que j'avais aussi stipulé qu'en
cas de non-ratification par les chambres, il ne serait pas dû d'indemnité pour
les travaux que M. Habets aurait fait exécuter à ses risques et périls. Ici je
dois rencontrer une des observations de la commission. C'est à M. Habets que la
vente a été faite, aux termes du contrat, cela ne laisse aucun doute. La
commission fait observer qu'il n'y a pas garantie que cette institution lui
survivra.
Ainsi, d'un côté, on
m'a reproché d'avoir mis à vil prix un immeuble en mainmorte ; maintenant on me
reproche de l'avoir vendu à un particulier, de ne l'avoir pas mis en mainmorte.
M. Delfosse. - La commission n'a
pas dit cela. Vous paraissez vouloir la mettre en contradiction avec elle-même.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- La chambre comprend sans doute que je n'attribue pas ces deux opinions
contraires à la commission ; mais je dis que j'ai été blâmé d'avoir mis à vil
prix un immeuble en mainmorte et que la commission regrette que la perpétuité
de l'institution ne soit pas assurée. Ces observations se trouvent à la page 6
du rapport, j'espère qu'on n'en contestera pas la portée. Je pense que ces
observations auraient quelque poids s'il était démontré qu'en effet une
libéralité a été faite. C'est là le point sur lequel je ne puis pas être
d'accord avec la commission, et j'espère avoir fait partager cette conviction à
la chambre.
La vente de cet
immeuble qui depuis cinq mois était chargé de débris et se trouvait sans
destination et même sans destination possible, à peine est-elle consentie,
qu'il devient propre à une foule de destinations diverses. D'abord, vous verrez
par les annexes littera P qu'on se préoccupe de la nécessité jusqu'alors
inaperçue, d'élargir la rue des Bons-Enfants. Le contrat n'était pas passé
quand ces difficultés surgirent ; j'eus soin encore, dans l'intérêt de la ville
de Liège, pour faciliter un travail d'utilité publique, de mettre dans l'acte
une réserve toute favorable à la ville. La commission, il est vrai, déclare que
cette réserve n'est pas sérieuse, qu'elle est insignifiante. J'ai stipulé dans
l'intérêt de la ville de Liège que si le plan d'alignement est approuvé, M.
Habets sera tenu de céder, à dire d'experts ou de commun accord, le terrain qui
sera reconnu nécessaire. Assurément la condition de la ville de Liège en présence
de cette stipulation est beaucoup meilleure que si elle avait été soumise aux
débats judiciaires que peut entraîner une expropriation pour cause d'utilité
publique.
J'ai fait plus, j'ai
cherché à amener cet accord avant que l'acte ne fût passé, je l'ai cherché, je
n'ai pas réussi. (Interruption.)
Je prie les
honorables membres qui m'interrompent de me laisser défendre cette affaire
comme je l'entends. Je ne parle pas de la commission, son rapport est sous les
yeux de la chambre ; si je lui attribue ce qu'elle n'a pas dit, l'honorable
rapporteur pourra me répondre ; mais ici je parle d'un incident que je crois
utile de faire connaître à la chambre.
Pourquoi
n'ai-je pas réussi dans cette tentative ? Parce que la ville a demande qu'on
imposât à l'acquéreur la condition de céder gratuitement 900 mètres carrés de
terrain et deux petites parties de bâtiment. Je m'y suis refusé. Je m'en
félicite, parce que le gouvernement qui aurait pu produire en fait ce résultat,
ne devait pas le vouloir, ne devait pas l'imposer surtout. Il s'agissait d'une
valeur de 10 à 15 mille francs. J'aurais, après avoir vendu la propriété
entière, forcé l'abbé Habets à céder deux parties de bâtiment et 900 mètres
carrés de terrain ! Non, je n'ai pas voulu le faire.
M. Fleussu. - Vous avez eu
raison.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- L'honorable M. Fleussu me fait remarquer que je n'aurais pas eu plus le droit
de forcer M. Habets à céder ce terrain, qu'à le céder moi-même.
M. Fleussu. - M. le ministre
n'a pas compris mon interruption, c'est qu'il n'avait pas plus le droit de
céder à M. Habets qu'à la ville.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Soit ; je prends
donc comme m'appartenant l'argument que je viens de produire.
A peine cet incident
fut-il terminé, que de vives réclamations, une assez grande émotion parut
exister à Liège. Je voulus m'assurer moi-même, par une épreuve nouvelle, si la
valeur qui avait été constamment assignée à cet immeuble était bien sa valeur
réelle. Je trouvais dans nos lois un moyen très facile, moyen usité tous les
jours. La loi relative à l'enregistrement réglant le mode à suivre pour faire
des expertises en définissant les conséquences, je fis écrire au receveur de
l'enregistrement, à Liège, et je l'invitai à provoquer une expertise aux termes
de la loi du 22 frimaire an VII sans lui faire aucune restriction.
Quelle fut la réponse
de ce fonctionnaire ? Elle se trouve à la suite du rapport de la commission,
annexe n°3. Il en résulte que l'expertise était impossible, attendu qu'après
s'être entouré d'hommes qui, par leur spécialité, étaient à même d'apprécier la
valeur de l'immeuble, l'ont estimé 90,785 fr., estimation d'après laquelle
l'Etat aurait été lésé de 785 fr. La commission fait remarquer qu'il s'agit
d'une expertise faite par un employé qui n'aurait pas été très porté à émettre
une opinion qui aurait été la critique d'un acte posé par son supérieur.
Je réponds que
j'avais demandé l'expertise d'après la loi du 22 frimaire an VII sans
restriction, comme s'il se fût agi d'un acte auquel j'étais étranger.
M. Delfosse. - Après la
vente !
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Oui, c'était après la vente, je viens de le dire, c'était pour me donner une
garantie nouvelle, pour m'assurer que les éléments dont je m'étais entouré pour
apprécier la valeur et qui m'avaient déterminé à admettre le chiffre de 90,000
fr. n'étaient pas erronés.
Au conseil communal,
sur la destination à donner à l'ancien palais du gouvernement provincial, trois
discussions ont eu lieu. Dans la première, il s'agissait de l'élargissement de
la rue des Bons-Enfants. A cette occasion, on arriva à demander à la chambre
d'ajourner la discussion du projet de loi, pour que la ville pût examiner s'il
y avait lieu de faire des offres. Je tiens à vous lire un extrait du compte
rendu de cette discussion du conseil communal, parce que je désire ne négliger
aucun des éléments de conviction pour la chambre.
Je puise ce compte
rendu dans un journal de Liège :
« M. Frère désirerait
connaître le détail de l'évaluation qui a été faite ; il voudrait savoir la
valeur des diverses parcelles que la ville pourrait vendre afin de pouvoir faire, s'ii y a lieu,
au nom de la ville, l'offre d'un prix supérieur à celui donné par M. le curé
Habets.
« M. Piercot répond
que ce travail n'a pas été fait ; que l'expertise qui a été faite par le
gouvernement évalue les bâtiments à 70,000 fr. et le terrain à 10 fr. le mètre,
ce qui donne une valeur totale de 150 à 140,000 fr. »
(Vous remarquerez,
messieurs, que le bourgmestre raisonnait sur les conséquences de l'expertise,
dans le même sens que la commission.)
« M. Wasseige craint
que pendant qu'on s'occupera du travail demandé par M. Frère, la législature ne
prenne une décision. Il propose d'adresser une pétition aux chambres pour
qu'elles n'approuvent pas l'aliénation faite par le gouvernement.
« M. Frère fait
remarquer que sa proposition ne s'oppose nullement à cela, et qu'il s'y associe
au contraire.
« M. Wasseige propose
d'offrir une somme supérieure à celle de M. le curé Habets.
« M. Piercot ne croit
pas que la ville puisse faire une offre sans examen.
« M. Robert Brabant
propose de demander aux chambres d'ajourner sa décision jusqu'à ce que la ville
ait pu faire des offres.
« MM Frère et Piercot
appuient cette proposition en ce sens, cependant, que la ville ne s'engagera
pas à faire des offres.
« La proposition est
adoptée. »
Ainsi, tandis que
d'une part on évaluait l'immeuble à 140 mille francs, on disait :
« Il faut prendre
garde de faire une offre sans examen. »
Voici donc le
résultat de la délibération. Il s'agit d'un travail d'utilité publique, de
faire une offre supérieure au prix de vente et de demander l'ajournement ;
quant à l'offre, on décide dès lors qu'on ne prend pas d'engagement.
La deuxième
proposition fut plus formelle ; elle se rattache plus directement à
l'appréciation de la valeur de l'immeuble. On soumet au conseil communal la
proposition d'ouvrir sur le terrain de l'ancien hôtel du gouvernement
provincial, une place et deux rues, et d'offrir au gouvernement une somme de
100 mille francs. Après de longs débats, cette proposition fut encore rejetée
par 12 voix contre 9. Une troisième proposition fut faite, on voulait employer
l'ancien hôtel du gouvernement provincial à la création d’une école primaire
supérieure et au percement d'une rue et en offrir 100 mille francs. Cette
proposition fut encore rejetée par 12 voix contre 10. Je ne cite ces faits que
pour faire remarquer que dans le conseil, bien qu'on voulût conclure que
l'immeuble vendu avait une valeur de 140 à 150 mille francs, on s'est abstenu
de faire une offre même de 100 mille francs.
Encore une
observation à ce sujet : Pourquoi ces débats trois fois renouvelés, dans le
conseil communal ? Etait-ce un amour subit et incompréhensible pour les
intérêts du trésor ? Se préoccupait-on de lui procurer un bénéfice de quelques
milliers de francs ? Non, messieurs, les discussions le prouvent. En discutant
sur le point de savoir s'il fallait vous demander de ne pas approuver la vente
des terrains, on avait en vue, et très naturellement, non pas de protéger les
intérêts de l'Etat, mais de rendre facile l'exécution de quelques travaux
d'utilité publique. C'est là le but sérieux de ces discussions sans cesse
renouvelées ; on n'y conçoit même pas un autre but ; or ce point de vue auquel
la population de Liège et le conseil communal qui en est l'organe devaient se
placer n'existe plus, puisque toutes les propositions qui avaient été faites
pour affecter ces terrains à des travaux d'utilité publique ont échoué devant
le conseil communal.
Je dois encore vous faire
une très courte citation de la seconde discussion :
« M. le bourgmestre,
parlant au nom du collège, combat les conclusions du rapport. » (Qui tendaient
à faire une offre de 100,000 fr.)
« Il ne croit pas
qu'on puisse admettre comme base du prix d'achat de l'ancien hôtel du
gouvernement provincial une somme de 100,000 francs, (page 558) alors que les évaluations officielles portent la valeur
de cet immeuble à près de 152,000 fr.
« En se présentant
devant les chambres, en attaquant, pour cause de vilelé de prix, les
arrangements projetés par le gouvernement, il faut que le conseil, sous peine
d'échouer complétement, fasse une offre qui se rapproche du taux des
évaluations susdites. »
Cette observation est
d'une très grande justesse. Ce n'est pas une offre de 10,000 fr. de plus qui
peut agir sur vos délibérations. Les motifs d'utilité générale, d'urgence, de
nécessité qui existaient au mois d'octobre, couvrent et au-delà cette
différence.
Les conditions de la
combinaison à laquelle le gouvernement s'est arrêté sont telles que ces offres,
dans les circonstances actuelles, doivent évidemment rester sans influence sur
vos débats.
Je conçois assez
qu'après les travaux exécutés par M. Habets, et auxquels il a consacré une
somme de 20,000 fr., après qu'il a sauvé ces débris de bâtiments des rigueurs
de l'hiver, je conçois, dis-je, qu'en raison même de la destination qu'on y
donne, ces bâtiments aient dû acquérir une certaine augmentation de valeur. En
effet, la valeur de l'immeuble est variable d'après la destination. M. Habets a
fait, à ses frais, pour 20,000 fr. de travaux, et après l'exécution de ces
travaux, surtout dans la saison où il les a effectués, il a rendu la valeur de
l'immeuble supérieure à la valeur qui existait au mois d'octobre.
Je dirai même que si
une offre qui pût mettre en doute dans ma pensée l'acte posé par le
gouvernement m'avait été faite, j'aurais cherché avec la plus grande activité à
prévenir une lésion, qui aurait été démontrée, si au lieu de 100.000 fr., on
avait offert ce qu'on alléguait être la valeur de l'immeuble.
Il y avait pour le
gouvernement un moyen sérieux de vérifier s'il n'avait pas été induit en erreur
; si cette preuve lui était acquise, il y avait pour lui un devoir à remplir,
c'était de chercher la réparer l'erreur. On offrait 10,000 fr. de plus. C'était
le maximum de la valeur qu'on offrait, en même temps qu'on laissait subsister
l'évaluation de 47,000 fr. de plus, et l'on remettait tout en question.
On remettait tout en
question ! Permettez-moi de m'arrêter un instant à ce point. Nous avons
cherché, pendant cinq mois, le moyen de placer la prison des femmes pendant
trois ou quatre ans jusqu'à ce que la prison nouvelle fût construite. Si la
proposition qui vous est faite n'était pas admise, quelle serait la position du
gouvernement ? Quelle serait la manière dont vous décideriez nécessairement que
le gouvernement devrait agir ? A défaut de locaux convenables, il y aurait pour
lui nécessité absolue de replacer la prison des femmes dans le local où il
était avant l'arrangement intervenu avec M. Habets.
Il y aurait une autre
chose à faire : ce serait, comme la commission même le propose, de donner à M.
Habets une indemnité en raison des travaux qu'il a faits, et de rétablir les
bureaux du gouvernement provincial dans les anciens locaux. C'est la seule
combinaison qui serait possible après celle que nous avons cru devoir y
préférer. Je ne sais si cette combinaison, la seule qui soit possible, n'aurait
pas de l'influence sur les travaux que le gouvernement a si généreusement résolu
d'entreprendre pour la restauration du palais des princes-évêques.
Je crois qu'il y a là
une très grande connexité ; car on ne pourrait comprendre que le gouvernement
dépensât des sommes considérables pour rendre un caractère monumental à la
prison des femmes.
On dit à côté de moi
: C'est une menace. Non ; c'est un avertissement.
Nous avons cherché
pendant cinq mois une autre combinaison ; nous n'avons pu en trouver. Si celle
à laquelle nous nous sommes arrêtés n'était pas admise, force nous serait de
rétablir la prison des femmes dans le palais des princes-évêques, et les
bureaux du gouvernement provincial dans les locaux qu'ils occupaient
précédemment. Je crois (et je me suis exprimé à cet égard avec beaucoup de
modération) que cette mesure peut être connexe avec les travaux d'architecture
monumentale projetés au palais des princes-évêques.
J'ai laissé en dehors
de cette discussion le caractère de l'institution de charité. En effet cette
question était étrangère au débat actuel. Ce n'est pas parce que cette
institution y existe que le gouvernement a vendu l'ancien hôtel provincial.
C'est parce que les engagements que le gouvernement avait contractés, les
devoirs qu'il avait à remplir envers la chambre qui avait voté la loi du 18 mai
l'obligeaient à poser cet acte, qu'il a cru devoir le poser.
Je pense avoir
démontré qu'il y avait pour le gouvernement des motifs suffisants, impérieux
pour vendre de la main à la main, que l'acte du gouvernement est non seulement
légitime, mais utile dans ses effets.
Je crois avoir établi
(c'est un point très important) que d'après l'ensemble des faits qui se
rattachent à cette affaire, l'immeuble a été réellement vendu à la valeur qu'il
avait au mois d'octobre.
Je crois avoir établi
qu'en résiliant le marché on mettait tout en question, et qu'il n'y a pas
chance réelle, sérieuse, de mettre l'Etat à l'abri de cette prétendue lésion.
Il est enfin un point
auquel je tiens plus qu'à tous les autres, c'est de prouver que dans toute
cette affaire la conduite du gouvernement a été franche, loyale, qu'elle a été
déterminée par des motifs graves.
J'insiste, parce qu'en dehors de cette enceinte
et à l'occasion de cette affaire, j'ai été indignement calomnié, j'ai été
accusé de tripotages, de scandales. Que sais-je ! car j'oublie facilement.
Je désire que, par
suite de ces explications, il ne puisse subsister aucun doute sur la loyauté
avec laquelle cette affaire a été conduite, et sur les précautions dont nous
avons eu soin de nous entourer, dans toutes les phases qu'elle a présentées.
M. Fleussu. - Je désirerais
savoir à quelle époque on a soumis à l'approbation du gouvernement un plan de
restauration du palais des princes-évêques de Liège.
M. le ministre de l’intérieur
(M. Van de Weyer). - Si j'ai bonne mémoire, on n'a pas soumis au
gouvernement deux plans de restauration du palais de princes-évêques de Liège.
Je n'ai pas les pièces sous les yeux ; je n'ai pas relu la partie du dossier
qui concerne cette restauration. Mais la question s'est présentée de la manière
suivante.
On avait voté une loi
en vertu de laquelle le palais des princes-évêques devait être approprié au
gouvernement provincial.
Un architecte, M. Cluysenaar,
avait été chargé de dresser un plan qui a été soumis à la section centrale.
Pour l'exécution de ce plan, il s'agissait de démolir une partie du palais des
princes-évêques de Liège.
C'est dans cet état
que j'ai trouvé la question.
De toutes parts on
pressait le ministère d'exécuter la loi du 18 mai J'ignorais alors qu'il fût
question de la démolition de l'ancien palais. Tout ce que je savais, c'est que
M. Cluysenaar avait présenté un plan qui avait reçu l'approbation du
gouvernement et de la section centrale à laquelle il avait été soumis.
Lorsque j'écrivis
pour donner suite aux instructions de mon prédécesseur, on apprit que, pour
l'exécution de ce plan ainsi approuvé, il s'agissait de la démolition d'une
partie de l'ancien palais de Liège. En cette occasion l'honorable M. Delfosse
me fit une interpellation au sein de cette chambre, et j'eus l'honneur de lui
répondre que, pour m'assurer des faits qu'il portait à la connaissance de la
chambre, et je puis dire à la mienne, je m'empresserais de me rendre à Liège et
je verrais s'il importait que le gouvernement persistât dans le plan qui avait
été approuvé par tout le monde et donnât suite au projet de démolition.
Je me rendis sur les
lieux et j'eus l'occasion de m'assurer que la démolition de cette partie de
l'ancien palais serait en réalité une perte monumentale très grande pour le
pays. En conséquence il fut sursis à l'exécution de ce plan, et de commun
accord avec les autorités locales on s'entendit pour que les lieux fussent de
nouveaux étudiés par une commission et par des architectes et que l'on proposât
au gouvernement un plan nouveau, mais plan qui serait subordonné à la
conservation de l'ancien palais.
De
sorte, messieurs, qu'il n'y a pas eu de proposition nouvelle, comme paraît le
croire l'honorable M. Fleussu ; c'est ainsi que la question s'est présentée.
M. Rogier. - Rien n'est fait ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Il y a une
commission provinciale et municipale qui étudie les lieux et qui s'est fait
forte de présenter au gouvernement un plan destiné à remplacer celui de
l'architecte Cluysenaar, plan qui aurait pour résultat la conservation du
monument. Jusqu'à présent, cette commission ne m'a pas envoyé son rapport, mais
je l'attends journellement.
M.
le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je ne connais jusqu'à présent
qu'un seul plan relatif à la restauration de l'ancien palais des
princes-évêques de Liège, et ce plan a, en quelque sorte, une date certaine.
J'ai fait appel aux souvenirs de l'honorable rapporteur de la section centrale
qui a examiné le projet devenu depuis la loi du 18 mai ; ce plan était celui de
M. l'architecte Cluysenaar, qui a été soumis à la section centrale. Il n'existe
que ce plan, et c'est pour arriver à l'exécution de la loi votée sur le vu de
ce plan que nous avons adopté la combinaison dont je viens de vous rendre
compte.
M. Delfosse, rapporteur. - Je désire que M. le ministre de la justice
veuille nous dire demain (je suppose qu'il n'a pas ces renseignements
aujourd'hui) quel est le montant des subsides qu'il a donnés ou qu'il a promis
à M. le curé Habets, et aussi quel est le montant de la somme qu'il aurait
également pu lui promettre à titre d'indemnité du chef de la cession d'une
partie du local pour la prison des femmes.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Messieurs, un contrat de bail, à raison de 3,000
fr. par an pendant quatre ans, a été passé avec M. le curé Habets pour la
prison des femmes.
Quant à des subsides
qui lui seraient accordés, aucune promesse n'a été faite.
La société de la
Miséricorde à Liège, a reçu depuis trois ans un subside de 2,000 fr., et
l'association des filles de la Croix a reçu une somme de 5,000 fr. une fois
donnée, mais sans engagement ultérieur.
- La séance est levée
à 4 heures et demie.