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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 7 février 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre, notamment pétition relative aux inondations de l’Escaut à La Plaigne (de Villegas, Dumortier)
2) Rapport sur une pétition
de l’ingénieur de Ridder, relative à l’éboulement du tunnel de Cumptich (Henot)
3) Projet de loi relatif aux
droits sur le sucre (Lys, Malou)
4) Projet de loi portant
création d’un conseil d’Etat (de Theux)
5) Projet de loi portant
réforme du code pénal militaire (de Mérode, d’Anethan)
6) Projet de loi relatif
aux droits sur les pièces d’armes détachées (Lesoinne)
7) Projet de loi sur la chasse.
Second vote des articles. Droit pour
le cultivateur de tuer les animaux qui menacent ses récoltes (de Muelenaere, de Theux, Van de Weyer, de Muelenaere,
de Garcia, Van de Weyer, de Theux, Fallon, de Mérode, de Brouckere, Lejeune), interdiction de vendre ou de transporter du gibier
hors de la période de la chasse (Desmet, Van de Weyer, de Theux, Mast de Vries, de Villegas, Van de Weyer, Mast de Vries, Desmet, Savart-Martel, de Mérode, Van de Weyer), mise
en adjudication du droit de chasse dans les domaines de l’Etat et droit régalien de chasse, dispositions pénales
(cumul des peines) (de Garcia, d’Anethan),
dispositions pénales (confiscation des armes) (de Roo, d’Anethan, Vanden Eynde),
agents chargés de constater les délits de chasse (notamment douaniers,
gendarmes, employés des octrois) (d’Anethan),
dispositions abrogatoires (d’Anethan),
assujettissement des militaires à la juridiction ordinaire en cas de délit de
chasse, code pénal militaire (Lejeune), préservation de
certaines espèces d’oiseaux (Dumont, de
Theux, Van de Weyer, de
Theux, de Villegas), dommages-intérêts dus au
cultivateur en cas de dégâts aux récoltes (Vanden Eynde,
d’Anethan, Lejeune, Desmet, d’Anethan, de Muelenaere, d’Anethan, Maertens, Jonet, d’Anethan, de Corswarem, Van de Weyer, d’Anethan, de Villegas, d’Anethan, Savart-Martel), chasse aux bécasses (Fallon)
(Annales parlementaires
de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M.
Liedts.)
(page 593) M. Huveners procède à l'appel nominal à 11 heures
et quart.
M. A. Dubus donne lecture du
procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Huveners présente l'analyse
des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Plusieurs habitants
de la section de Roche-à-Frêne, commune de Wavre, demandent leur réunion à la
commune de Villers Ste-Gertrude. »
- Renvoi à la
commission des pétitions.
________________
« L'épouse
Guilbert, née Colin, facteur des postes pensionnée, réclame l'intervention de
la chambre pour obtenir la révision de sa pension. »
- Même renvoi.
« Les membres de
l'administration communale de la Plaigne demandent que le gouvernement prenne
des mesures pour empêcher les inondations de l'Escaut dans cette commune. »
M. de Villegas.
- Je demande le renvoi de cette pétition, qui a un caractère très urgent, à la
section centrale qui sera chargée de l'examen du projet de loi relatif à
l'écoulement des eaux de la Lys. Les sections ont déjà examiné ce projet de loi
et ont nommé leurs rapporteurs.
M. Dumortier. - Messieurs, la
pétition dont il s'agit maintenant est d'une extrêmement grande importance, et
bien qu'elle ne nous soit adressée que par un simple village, elle révèle un
besoin urgent, un besoin capital, auquel la chambre doit enfin engager le
gouvernement à ne pas se soustraire. Je veux parler des inondations si
fréquentes, si déplorables, qui ont lieu dans la vallée de l'Escaut. La commune
dont il s'agit, a en ce moment 110 maisons inondées ; il y a deux pieds d'eau
dans l'église, de manière que toute la commune est sous l'eau.
Dans toute la vallée
de l'Escaut, l'inondation est telle aujourd'hui, qu'elle dépasse d'un
centimètre la fameuse inondation de 1827, qui était la plus grande connue. Il
est maintenant reconnu, par toutes les personnes qui s'intéressent à cette
question, que si des mesures ne sont pas prises, l'inondation de l'Escaut ira
jusqu'au mois de juin ou de juillet prochain. Il faut au-delà de quatre mois
pour l'écoulement des eaux ; par conséquent tous les fourrages, tous les
produits de l'agriculture de cette magnifique vallée sont compromis.
Je prie donc la
chambre de prendre cette pétition en sérieuse considération, et j'appuie la
proposition que vient de vous faire notre honorable collègue M. de Villegas, et
qui tend à la renvoyer à la section centrale chargée d'examiner la question de
l'écoulement des eaux de la Lys et de l'Escaut.
Je désirerais aussi
que cette section centrale voulût s'assembler le plus tôt possible. Toutes les
sections ont nommé leurs rapporteurs ; et certes s'il est une mesure d'urgence,
c'est celle qui tend à soulager de pareilles calamités publiques.
Depuis quinze années,
nous ne cessons de nous plaindre de ces inondations qui causent un préjudice si
considérable, et qui ont de plus pour résultat de produire, dans cette vallée,
qui a 25 lieues de parcours, des fièvres typhoïdes, mortelles pour une foule de
citoyens, et mortelles aussi pour une quantité de bestiaux.
Nous n’avons pas
l'habitude, messieurs, de solliciter la chambre pour des objets de peu
d'importance ; mais il s'agit ici d'une question d'une importance immense, et
je désire que la chambre s'en occupe dans le plus bref délai. Une vallée aussi
considérable, qui se trouve dans un pareil état, mérite certainement toute la
sollicitude de la chambre et du pays.
- La chambre renvoie
la pétition à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à
la construction du canal de Deynze a Schipdonck.
M. le président. - La section
centrale pourra être convoquée pour lundi.
RAPPORT SUR UNE PETITION
M. Henot, rapporteur. - Par pétition du 2
du courant mois de février, le sieur de Ridder présente des observations contre
le rapport de la commission d'enquête sur les causes de l'éboulement du tunnel
de Cumptich ; il prie en même temps la chambre de l'autoriser à prendre communication,
à son (page 594) greffe, de toutes
les pièces sur lesquelles ce rapport est fondé, et de lui accorder le délai
d'un mois pour présenter sa justification.
Cette pétition est
renvoyée à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
Lorsque le sieur de
Ridder a fait cette demande à la chambre, sa position n'avait pas encore revêtu
le caractère qu'elle a aujourd'hui ; s'il pouvait lui importer alors de se
justifier devant elle et d'obtenir un délai à cet effet, il n'en est plus de même
en ce moment ; mis en prévention, il doit se défendre devant les magistrats que
la loi a investis du pouvoir de prononcer sur son sort, et s'adresser, pour
obtenir la communication qu'il demande, aux fonctionnaires chargé des
poursuites. Lorsque l'instruction sera parvenue à ce degré d'avancement où la
loi permet aux accusés de prendre inspection des pièces qu'on emploie contre
eux, le pétitionnaire obtiendra ce qu'on ne refuse à aucun accusé quelconque ;
mais, nous le répétons, il n'appartient pas plus à la chambre d'autoriser, dans
l'état actuel des choses, la communication que le sieur de Ridder réclame, que
de lui accorder un délai pour produire une justification qu'elle n'a pas
mission d'entendre.
Par suite des
considérations qui précèdent, la commission a l'honneur de proposer le renvoi
de la pétition du sieur de Ridder à M. le ministre de la justice, afin d'y
donner, en temps et lieu, telle suite qu'il sera trouvé convenir.
- Les conclusions de
la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. Lys. - J'ai l'honneur de
présenter le rapport de la section centrale à laquelle vous avez renvoyé
l'amendement présenté par M. le ministre des finances, et relatif à une
importation de sucre effectuée après la mise à exécution de la loi du 4 avril
1843.
Cet amendement est
plutôt un nouveau projet de loi substitué à l'ancien, et votre section centrale
l'a adopté à l'unanimité.
- Ce rapport sera
imprimé et distribué.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Je demanderai qu'on mette ce projet à l'ordre du jour, après les objets qui
s'y trouvent déjà. Je ne pense pas qu'il puisse donner lieu à de longs débats.
PROJET DE LOI PORTANT CREATION D’UN CONSEIL D’ETAT
M. le président. - J'attirerai
l'attention de la chambre sur un autre projet ; c'est celui qui est relatif à
la création d'un conseil d'Etat. Je proposerai à la chambre de le mettre à la
suite des objets à l'ordre du jour. (Non ! non !)
M. de Theux. - Messieurs, il y a
plusieurs années que la chambre est saisie de ce projet par suite de
l'initiative du sénat. J'ai entendu souvent des plaintes s'élever dans le sein
du sénat sur ce que ce projet n'était pas encore mis en discussion.
Je crois qu'il est de
haute convenance, je dirai même du devoir de la chambre, de ne pas ajourner
indéfiniment la discussion de ce projet. J'en demanderai donc la mise à l'ordre
du jour.
- La chambre
consultée met à l'ordre du jour le projet de loi relatif à la création d'un
conseil d'Etat, ainsi que celui sur lequel l'honorable M. Lys vient de faire
son rapport.
PROJET DE LOI PORTANT REFORME DU CODE PENAL MILITAIRE
M. de Mérode. (pour une motion d’ordre). - Il y a aussi un
projet important, qu'il serait intéressant de mettre à l'ordre du jour ; c'est
celui relatif à la réforme du code pénal militaire.
M. Brabant. - Le rapport n'est
pas fait.
M. de Mérode. - En ce cas je
demande que le rapport soit fait le plus tôt possible. Cet objet mérite toute
l'attention de la chambre.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Messieurs, par suite des observations qui ont été
faites sur le projet de loi dont vient de parler l'honorable M. de Mérode, nous
avons soumis, avec mon collègue M. le ministre de la guerre, cette affaire à
une nouvelle instruction, et nous espérons, d'ici à peu de temps, pouvoir
donner à la section centrale tous les éclaircissements désirables, de manière à
la mettre à même de faire un prompt rapport.
PROJET DE LOI RELATIF AUX DROITS SUR LES PIECES D’ARMES DETACHEES
M. Lesoinne. (pour une motion
d’ordre). - Dans une séance précédente l'honorable M. Zoude a fait rapport, au
nom de la commission d'industrie, sur une pétition des fabricants d'armes de
Liège, relative aux pièces d'armes détachées, et il a conclu en présentant un
projet de loi. On a dit qu'on fixerait ultérieurement le jour de la discussion
de ce projet de loi. Comme il y a déjà huit jours que le rapport est distribué,
je demande qu'il soit mis à l'ordre du jour après les objets qui s'y trouvent
déjà.
PROJET DE LOI SUR LA CHASSE
Second vote des articles
Article 4
La chambre adopte le
paragraphe additionnel présenté par M. le ministre de l'intérieur à l'article
4, avec la suppression des mots « terrains vagues », proposée par M.
Vandensteen, et à laquelle le gouvernement se rallie.
L’ensemble de
l'article 4 est définitivement adopté.
Article 3
La chambre reprend la
discussion des amendements suivants relatifs à l'article 3 :
- paragraphe
additionnel proposé par M. le ministre de l’intérieur : « Dans le cas
où il serait constaté que la présence d'une trop grande quantité de lapins nuit
aux produits de la terre, le ministre de l'intérieur pourra en autoriser la
destruction, après avoir pris l'avis de la députation permanente du conseil provincial.
Il déterminera les conditions auxquelles l'exécution de cette mesure sera
soumise. »
- amendement présenté
par M. Dumortier : « Remplacer les mots : « le ministre de
l'intérieur, etc., » par les mots suivants : « La députation
autorisera la partie intéressée à les détruire par des furets et des
bourses. »
- amendement présenté
par M. de Theux : « Dans le cas où il serait constaté que la présence
d'une trop grande quantité de lapins nuit aux produits de la terre, le
gouverneur, après avoir pris l'avis de la députation permanente du conseil
provincial, pourra autoriser le propriétaire des fruits à détruire les lapins
sur son terrain. Le gouverneur déterminera le mode de destruction.
- deuxième paragraphe additionnel présenté par M. de
Theux : « Le gouverneur pourra également inviter les propriétaires
des garennes à réduire le nombre des lapins, endéans un délai déterminé, de
manière à prévenir les dégâts dans les propriétés voisines. Si le propriétaire
de la garenne n'a point satisfait à cette invitation, il pourra être condamné à
une double indemnité envers le propriétaire des fruits. »
Sous-amendement
présenté par M. Dubus, aîné : « Le propriétaire d'une garenne sera
responsable du dommage qu'en recevront les propriétés voisines.
« Les tribunaux
pourront ordonner, selon les circonstances, la destruction des garennes, et
soumettre les propriétaires, à défaut d'avoir opéré cette destruction dans le
délai qu'ils fixeront, à payer le double dommage. »
M. de Muelenaere, ministre
d’Etat.
- J'ai examiné les amendements qui ont été présentés par les honorables MM. de
Theux et Dubus. Ces amendements ont été inspirés à leurs auteurs par un
scrupule fort légitime, par la crainte de porter atteinte au droit de
propriété.
J'ai aussi un grand
respect pour le droit de propriété. Mais il me semble que le meilleur moyen de
faire respecter sa propriété, c'est de commencer par respecter celle d'autrui.
Or, évidemment le possesseur d'une garenne, lorsque les lapins causent du
dommage à la propriété des voisins ne donne pas un grand exemple de respect
pour la propriété de son voisin. Evidemment le propriétaire doit être déclaré,
par la loi elle-même, responsable de tous les dommages causés.
Sous ce rapport, je
verrais avec grand plaisir adopter la première partie de l'amendement de
l'honorable M. Dubus.
La première partie de
cet amendement décide, conformément à la saine raison, une question qui jusqu'à
présent a pu paraître litigieuse.
D'après la première
partie de cet amendement, le propriétaire d'une garenne est déclaré responsable
du dommage que reçoit la propriété voisine. Mais lorsque ces animaux causent du
dommage à la propriété du voisin, il faut nécessairement qu'on ait le moyen de
les détruire.
L'amendement de
l'honorable M. de Theux me semble présenter un très grave inconvénient, c'est
qu'il placerait le propriétaire de la garenne et le propriétaire des fruits
dans un état permanent d'hostilité ; car le danger pourrait se renouveler non
pas chaque année, mais plusieurs fois dans le cours d'une année. Par
conséquent, il y aurait plusieurs procès.
L'amendement de
l'honorable M. Dubus (aîné) a pour but de faire décider la question par les
tribunaux. Les tribunaux pourront ordonner, suivant les circonstances, la
destruction des garennes et soumettre les propriétaires, à défaut d'avoir fait
cette destruction dans le délai qu'ils fixeront, à payer le double dommage.
D'abord je vous prie
de remarquer une chose, c'est que nous avons beaucoup fait en faveur des
chasseurs, des propriétaires des terrains. Eh bien, je crois qu'il faut prendre
aussi des mesures en faveur du propriétaire des fruits, lorsque le dommage sera
reconnu.
Si vous voulez que
ces questions soient décidées par les tribunaux, vous exposez nécessairement le
propriétaire des fruits à intenter un procès. Or, ne perdez pas de vue que des
procès sur des questions de l'espèce sont très coûteux. Ils ne peuvent être
décidés par les tribunaux qu'après enquête, sur audition de témoins. Par
conséquent, ils donnent lieu à des frais considérables. Or, vous savez que le
propriétaire d'une garenne est généralement riche, un des propriétaires les
plus influents de la commune ; souvent il sera le bourgmestre de la commune. Le
propriétaire des fruits sera généralement un petit cultivateur. Dès lors je vous
demande si les précautions que vous déposez dans la loi et qui convient le
propriétaire des fruits à réclamer contre le propriétaire de la garenne ne
seront pas complétement illusoires.
Il n'arrivera presque
jamais que le propriétaire des fruits intentera un procès pour obtenir des
dommages-intérêts. Que fera le cultivateur ? Il fera comme le cultivateur dont
a parlé l'honorable M. de Corswarem. Au lieu d'intenter un procès, il entrera
en négociation avec le propriétaire de la garenne et il lui offrira une
indemnité de 500 fr. par an.
Il n'y a qu'un seul
moyen. Si vous voulez faire quelque chose véritablement utile et efficace, il
faut autoriser le gouvernement ou ceux qui le représentent à détruire les
lapins lorsqu'il est prouvé que ces lapins causent des dommages réels à la
propriété du voisin.
On dit que c'est une
atteinte à la propriété. Mais, messieurs, nous avons une foule de dispositions
pareilles dans nos lois et notamment dans nos lois financières ; vous savez que
presque toutes les lois financières autorisent des visites domiciliaires dans
les usines et même souvent dans les maisons (page 595) particulières. Mais l'autorité publique ne peut-elle pas
toujours saisir ou détruire immédiatement tous les objets qui ont servi à la
fraude, qui ont servi à commettre un délit ? (Interruption.)
On saisit
immédiatement, il ne faut pas de jugement pour saisir. C'est ainsi, par
exemple, qu'en matière de poids et mesures, on saisit immédiatement les objets
qui peuvent servir à constater les délits.
Eh bien, messieurs,
ici le fait est infiniment plus grave, et si vous voulez faire une disposition
légale, il faut faire une disposition efficace. Or, je ne vois pas, jusqu'à
présent, qu'on ait indiqué aucune autre disposition qui puisse être réellement
efficace, que celle de M. le ministre de, l'intérieur, c'est-à-dire, la
destruction des lapins, s'ils sont en nombre tel qu'ils causent réellement du
dommage.
Maintenant, il
m'importe assez peu que le droit d'ordonner cette destruction appartienne au
ministre de l'intérieur ou aux gouverneurs des provinces, comme l'a proposé
l'honorable M. de Theux. Il me semble même qu'il y aurait plus de garanties
pour le propriétaire de la garenne si le droit d'ordonner la destruction était
conféré par la loi au gouverneur qui, dans la province, représente le ministre
de l'intérieur, qui agirait sur l'avis conforme de la députation permanente. Il
ne suffirait pas que le gouverneur consultât la députation, il faudrait que la
députation eût donné un avis conforme, et dans cet avis conforme vous auriez
une garantie pour le propriétaire de la garenne. Vous savez, en effet,
messieurs, que la députation permanente est un corps électif ; elle a donc des
ménagements à garder, surtout envers les propriétaires de garennes qui sont
ordinairement des personnes plus ou moins influentes dans leur localité.
Je
crois qu'il y aurait là une garantie suffisante que jamais la destruction des
garennes n'aurait lieu que pour un véritable motif d'utilité publique.
C'est dans ce sens,
messieurs, que j'appuie l'amendement présenté par M. le ministre de
l’intérieur. Je crois que cet amendement est indispensable dans l'intérêt du
propriétaire, du fermier, du cultivateur qui éprouverait du dommage par suite
de la divagation des lapins.
M. de Theux. - Pour simplifier
la discussion, messieurs, je retirerai l'amendement que j'ai déposé dans la
séance d'hier, car je prévois que la première partie de cet amendement rencontrerait
de l'opposition de la part des chasseurs, qui craindront qu'en autorisant le
propriétaire des fruits à détruire lui-même les lapins, on ne facilite le
braconnage.
Cependant, messieurs,
je ne puis pas me contenter de l'amendement proposé par M. le ministre de
l'intérieur. II paraît que dès aujourd'hui le gouvernement aurait le droit que
cet amendement tend à lui donner ; mais veuillez bien le remarquer, il est sans
exemple qu'il ait fait usage de ce droit.
Des membres. - Si !
si !
M. de Theux. - Admettons que
dans certaines circonstances le gouvernement ait ordonné des battues de lapins
: il est bien évident qu’il ne le fera qu’avec beaucoup de répugnance et de
difficulté. Je crois donc qu’il faut assurer au propriétaire des fruits, une
action directe, indépendante de l'action du gouvernement. Je proposerai donc à
la chambre la disposition suivante : « Les indemnités pour dommages causés
par les lapins aux fruits et récoltes, pourront, suivant la gravité des
circonstances, être portées jusqu'au double. »
De cette manière,
messieurs, le propriétaire des fruits qui ne pourra pas entrer en arrangement
avec le propriétaire des garennes, aura la chance d'obtenir une indemnité
double devant les tribunaux, et cela est parfaitement justifié, car il ne faut
pas que le cultivateur ne puisse obtenir qu'une indemnité simple, alors que la
loi lui défend de détruire le gibier qui vient ravager ses récoltes. Il faut
que, suivant la gravité des circonstances, le juge puisse lui allouer une
double indemnité, ce qui l'indemnisera des frais du procès qu'il aura été
obligé d'intenter.
Après cela,
messieurs, peu m'importe le sort de la disposition proposée par le
gouvernement. Si l'on veut autoriser le gouvernement à autoriser la destruction
des garennes, je ne m'y oppose pas, mais je veux, moi, en cas d'inaction du
gouvernement, assurer le recours aux tribunaux, au cultivateur qui ne voudra
pas supporter la destruction de ses récoltes, et je veux rendre ce recours
efficace en stipulant que l'indemnité pourra être portée jusqu'au double.
On
a dit, messieurs, que cette indemnité pourrait être allouée plusieurs fois dans
la même année. C'est là un argument qui ne me touche en aucune manière. Comment
les choses se pratiquent-elles ? Lorsque la récolte est à peu près en maturité,
le propriétaire fait sa plainte ; on évalue le dommage ; évidemment il ne peut
y avoir là qu'un seul procès et une seule indemnité. C'est ce qui se fait
aujourd'hui pour la simple indemnité ; c'est ce qui aura lieu également pour la
double indemnité. Si donc cette objection pouvait être invoquée contre ma
proposition, elle pourrait être invoquée tout aussi bien contre la législation
actuelle.
Je pense, messieurs,
qu'on ne peut pas raisonnablement s'opposer à ce que je demande. On ne peut pas
exiger que le cultivateur supporte les dommages que le propriétaire d'une
garenne voudrait laisser causer à ses récoltes ; on ne peut pas mettre le
cultivateur dans la nécessité de soutenir tous les ans et à perpétuité des procès
: il faut qu'il trouve une garantie à cet égard dans la faculté accordée aux
tribunaux, de lui allouer une double indemnité.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Van de Weyer). - Messieurs, je suis heureux de voir que l'honorable
préopinant, après avoir réfléchi à la portée de l'amendement proposé par le
gouvernement, ait abandonné le sien et se soit rallié au nôtre. Il y aura
probablement été déterminé par les lumineuses observations de l'honorable M. de
Muelenaere...
M. de Theux. - Je l'avais rédigé
avant que ces observations ne fussent présentées.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Van de Weyer). - Alors, messieurs ce m'est une preuve de plus
que généralement, dans l'application sage des règles d'une bonne
administration, les bons esprits se rencontrent.
II y a donc
maintenant unanimité entre les honorables MM. de Theux et de Muelenaere, et le
gouvernement... Je m'en applaudis...
M. de Theux. - A la condition
qu'on adopte la double indemnité.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Maintenant
l'honorable M. de Theux, ayant approfondi l'amendement du gouvernement, retire
son opposition et complète l'amendement ; je reconnais que non seulement il le
complète, mais que, sous certains points de vue, il l'améliore. Nous avions
pensé que la latitude que nous demandions en faveur du gouvernement, offrait
une garantie bien plus grande que celle que demande l'honorable préopinant.
Cependant pour simplifier toutes choses, le gouvernement se rallie au
sous-amendement de l'honorable M. de Theux.
J'aurai l'honneur de
faire observer que l'amendement du gouvernement n'était pas une mesure
improvisée, qu'elle était basée sur des précédents. L'honorable M. de Theux,
qui d'ordinaire a parfaitement présents à la mémoire tous les faits de
l'administration générale et de son administration particulière, a nié que le
gouvernement eût exercé le droit d'ordonner des battues. J'ai sous la main
plusieurs arrêtés signés par l'honorable M. de Theux, arrêtés en vertu desquels
on a ordonné des battues.
M. de Muelenaere, ministre d’Etat. - J'adopte pour ma
part, avec empressement, l'amendement qui vient d'être déposé par l'honorable
M. de Theux. Je crois qu'il est très juste d'accorder au propriétaire des
fruits le double du dommage causé ; car cette indemnité double ne sera qu'une
faible indemnité des frais qu'il sera obligé de supporter, pour intenter son
action en dommages-intérêts devant les tribunaux.
M. de Garcia. - Messieurs,
l'article en discussion, amendé par l'honorable M. de Theux, présente deux
dispositions bien distinctes ; l'une de police administrative, l'autre purement
juridique. Cette double mesure qui tend au même but, me semble devoir être
adoptée. La première qui me paraît exorbitante et peu pratique, comme je l'ai
soutenue dans la dernière séance, sera fortifiée par l'amendement de M. le
comte de Theux. Cette dernière proposition assure jusqu'à un certain point,
qu'on atteindra le but qu'on se propose.
Maintenant,
il ne me reste plus qu'à demander une explication au gouvernement sur les
moyens qu'il compte employer pour constater la trop grande quantité de lapins
qui donnera lieu à l'application de la disposition actuelle. Fera-t-on une
enquête ? Une autorité quelconque sera-t-elle appelée à constater ce fait ? La
loi ne dit pas un mot à cet égard. Ce sera la rumeur publique , dit-on ?
Qu’est-ce que la rumeur publique ? Il y a souvent des rumeurs publiques
qui n’ont aucune espèce de fondement ? Sera-ce la partie intéressée qui
dressera un procès-verbal ?
Je demande sur ce
point au gouvernement une explication indispensable pour l'exécution de la loi.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Dans le cas où le
propriétaires des fruits aurait été lésé par le ravage d'un trop grand nombre
de lapins il adressera une plainte à l'autorité locale, et cette autorité aura
le droit de faire constater que la plainte est bien fondée. Ce sera une
instruction administrative qui se fera.
M. de Theux. - M. le ministre de
l'intérieur a cru que j'avais oublié les précédents administratif. Il n'en est
rien ; jamais je n'ai ordonné de battue pour la destruction de lapins, mais
bien pour la destruction de loups ; ce qui est une très grande différence. Je
prévois que quand le gouvernement en viendra à ordonner la destruction des
garennes, l'affaire sera bien autrement épineuse, et c'est pour ce motif que
j'ai cru devoir poser le principe d'un recours efficace en justice, pour le cas
où le gouvernement n'agirait pas.
M.
Fallon.
- Messieurs, je me rallierai volontiers au sous-amendement de l'honorable M. de
Theux, si l'honorable membre consent à mettre cette disposition en harmonie
avec les motifs qu'il a exposés. L'honorable M. de Theux a fait observer avec
raison que l'indemnité à allouer au propriétaire des fruits et récoltes ne
devait pas être proportionnée seulement avec le dégât commis par les lapins,
mais devait encore être en rapport avec les frais qu'il est dans le cas de
faire pour poursuivre l'action civile par-devant les tribunaux. Il me semble
dès lors qu'il ne faut pas laisser aux tribunaux la faculté de ne pas accorder
le double dommage ; mais il faut que le double dommage soit accordé dans tous
les cas.
Je propose donc de
supprimer, dans l'amendement de l'honorable M. de Theux, les mots : « Suivant
la gravité des circonstances » et de substituer aux mots : « pourront être
portés » ceux-ci « seront portés.»
Je crois que c'est la
meilleure sanction à donner à la disposition principale qui est celle du gouvernement.
M. de Mérode. - J'entends dire derrière moi, à l'occasion de
l'amendement de l'honorable M. Fallon, que ce serait une excitation donnée à
des poursuites que l'appât d'une indemnité double. Mais il faut ne pas perdre
de vue qu'on ne peut pas faire cette demande sans des frais, lesquels bien
souvent ne seront pas couverts par l'indemnité double. (Aux voix ! aux voix !)
M. de Brouckere. - Messieurs, la
discussion ayant été assez longue, je ne veux pas retarder la décision de la
chambre ; mais je tiens à déclarer que, pour ma part, je ne puis me rallier en
aucune manière à l'amendement présenté par le gouvernement ; que je considère
cet amendement comme consacrant une disposition exorbitante ; j'ajouterai que
si je ne regardais (page 596) mes
efforts comme superflus, il me serait facile de combattre tous les arguments
présentés en faveur de cette disposition.
- La discussion est
close.
Le sous-amendement
proposé par M. Fallon à l'amendement de M. de Theux est mis aux voix et adopté.
L'amendement de M. de
Theux, sous-amendé de cette manière, est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Vient maintenant la
disposition additionnelle, proposée par M. le ministre de l'intérieur, et
sous-amendé par M. Dubus aîné.
Ce sous-amendement
est ainsi conçu :
« Le propriétaire
d'une garenne sera responsable du dommage qu'en recevront les propriétés
voisines.
« Les tribunaux
pourront ordonner, selon les circonstances, la destruction des garennes, et
soumettre les propriétaires, à défaut d'avoir opéré cette destruction dans le
délai qu'ils fixeront, à payer le double dommage. »
Des membres. - Cela devient
inutile.
M. le président. - L'auteur de cet
amendement n'étant pas présent, j'ai besoin de consulter la chambre sur la
question de savoir si l'amendement n'est pas absorbé par la disposition qui a
été adoptée. (Oui ! oui !)
- L'amendement étant considéré
comme devenu sans objet, n'est pas mis aux voix.
M. le président. - . Dumortier a
proposé de remplacer les mots : « le ministre de l'intérieur, etc. »
par les mots suivants : « la députation autorisera la partie intéressée à les
détruire par des furets et des bourses. »
M. Lejeune. - Je demande qu'on
vote par division et que l'on mette d'abord aux voix la partie du
sous-amendement de M. Dumortier, qui consiste à substituer la députation permanente
au ministre de l'intérieur.
- Le sous-amendement
de M. Dumortier est mis aux voix et n'est pas adopté.
Le paragraphe
additionnel, proposé par le ministre de l'intérieur, est mis aux voix et
adopté.
L’article 3 ainsi
amendé est définitivement adopté.
« Art. 5. Dans chaque
province ou partie de province, il est défendu d'exposer en vente, de vendre,
d'acheter, de transporter ou de colporter, pendant le temps où la chasse n'y
est point permise, et à compter du troisième après la clôture de la chasse, des
faisans, perdrix, cailles, gelinottes, râles de campagne ou de genêt, coqs de
bruyères, vanneaux, bécassines, jacquets, lièvres, chevreuils, cerfs ou daims.
« Le gibier sera
saisi et mis immédiatement à la disposition de l'hospice ou du bureau de
bienfaisance, par le juge de paix du canton ou par le bourgmestre, si la saisie
a été faite dans une commune autre que celle du chef-lieu.
« Chaque infraction
aux dispositions du présent article sera punie d'une amende de 16 à 100 francs.
»
Le gouvernement
propose au paragraphe 2 de substituer aux mots : « par le juge de
paix du canton ou par le bourgmestre, si la saisie a été faite dans une commune
autre que celle du chef-lieu » ; les mots suivants : « par le bourgmestre
de la commune. »
M.
Desmet.
- Je pense qu'on ne peut pas maintenir
le mot : « faisans », au paragraphe premier. Nous avons dans le pays
deux espèces de faisans, le faisan domestique ou de volière, et le faisan
sauvage. La plus grande partie des faisans qu'on mange dans le pays sont des
faisans de volière. Si vous allez défendre le transport des faisans pendant la
clôture de la chasse, je ne sais comment on fera. Je demanderai si l'article
comprend le gibier mort et le gibier vivant ; souvent l'on est obligé de
transporter des faisans d'une maison à l'autre. On serait donc alors exposé à
un procès-verbal ? Je dirai plus, c'est que tous les faisans qu'on voit chez
les marchands de comestibles, sont des faisans de volière, de véritables
volailles. Je ne comprends pas qu'on puisse en interdire le transport.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - On n'a jamais
considéré le faisan comme pièce de volaille. Je ne sais comment on pourrait
distinguer un faisan de volière ou de basse-cour du faisan sauvage ; en
conséquence, il faut conserver la disposition dans ses termes généraux.
M. le président. - Comme ce n'est
pas un amendement mais une disposition du projet qui a été adoptée au premier
vote, on ne peut pas y revenir.
M. de Theux. - Il n'en est pas
moins vrai que l'observation de l’honorable M. Desmet est très juste. Les
faisans vivants doivent pouvoir être transportés en tout temps vivants. Je ne
pense pas qu'on aille dresser un procès-verbal parce qu'on transportera un
faisan vivant de la ville à la campagne et réciproquement.
M. Mast de Vries. - Nous nous
occupons d'une loi sur la chasse ; un oiseau chassé doit être mort, la
disposition ne peut donc s'appliquer aux oiseaux vivants.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Cette observation
me fournit l'occasion d'en faire une autre : si des braconniers avaient été
saisis prenant une volée de perdreaux et que ces perdreaux fussent vivants, en
vertu de la loi, cette saisie de perdreaux devrait être envoyée au bureau de
bienfaisance de la commune ; mais en résulterait-il qu'il faudrait tordre le
cou à tous ces perdreaux ? Ce serait aller contrairement à l'esprit de la loi.
Ils devraient être mis en liberté.
Il ne s'agit donc pas
toujours d'animaux morts, il peut être aussi question d'animaux vivants.
M.
le président. - La discussion ne peut porter sur cette partie de
paragraphe, car elle n'a pas été amendée.
M. de Villegas.
- Le colportage, la vente, l'achat et l'exposition du gibier sont défendus.
Mais n'y a-t-il pas défaut d'harmonie entre cet article et le dernier paragraphe
de l'article 3 ? Le colportage du gibier pris dans un enclos sera-t-il permis ?
(Non ! non !)
M. le ministre de
l’intérieur (M. Van de Weyer). - Par respect pour le domicile du citoyen, on
a reconnu qu'on ne pouvait pas poursuivre un délit de chasse commis dans un
enclos attenant à son habitation. Mais si, après avoir tué du gibier dans son
enclos, il le transportait, en faisait un objet de marchandise, cela
deviendrait un délit et serait puni comme tel.
- Le paragraphe
premier est mis aux voix et adopté.
M. Mast de Vries. - Aux termes du
deuxième paragraphe, le gibier saisi doit être remis au bureau de bienfaisance
de la commune. Il y a une difficulté à l'exécution de cette disposition, car
dans les sept huitièmes de nos communes, il n'y a pas de bureau de
bienfaisance.
Il y a une
administration de bienfaisance qui se réunit à certains jours,, mais il n'y a
aucun établissement auquel on puisse donner le gibier.
On le donnera aux administrateurs,
me dit un de mes honorables collègues. Je ne sais si c'est là le but que la loi
se propose. Je pense qu'il faut dire que le gibier sera remis au bureau de
bienfaisance le plus voisin. La plupart des communes, dans les contrées où l'on
chasse le plus, sont pauvres et n'ont pas d'établissement de bienfaisance. On
ne peut pas vendre le gibier, car il n'est permis ni de l'acheter, ni de le
transporter.
On
ne peut pas non plus le donner aux pauvres, car les pauvres le vendraient et
commettraient un délit ; la seule chose qu'on puisse faire est de l'envoyer au
bureau de bienfaisance le plus voisin quand il n'y a pas d'établissement de
bienfaisance dans la commune où la saisie a eu lieu.
- Cet amendement
n'est pas appuyé.
M.
Desmet.
- Je pense qu'il faut laisser le gibier saisi au bureau de bienfaisance de la
commune où la saisie a eu lieu. Mais comment va-t-on faire, s'il n'y a pas
d'hospice ou d’établissement de bienfaisance ? Le gibier est confisqué ;
on ne peut pas le vendre, car on ne peut pas l'acheter. Il faut cependant que
je sache si la mesure peut être exécutée.
Le distribuera-t-on
aux pauvres ?
M. Savart-Martel. - Je voulais faire
observer qu'il n'y a pas des hospices partout, mais que partout il y a des
bureaux de bienfaisance, car ils sont organisés par la loi.
M. de Mérode. - Pour envoyer le gibier au bureau de
bienfaisance le plus voisin, il faut le transporter, c'est défendu par la loi.
On me dit : Ce sera la justice : mais si la justice peut le transporter, elle
peut le vendre.
Une voix. - Non ; car il est
défendu de l'acheter.
M. de Mérode. - Il me paraît
alors qu'il n'y a aucun moyen de sortir de là.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Van de Weyer). - Il y a toujours danger d'improviser des
observations sur des articles longuement élaborés par la chambre et le
gouvernement. Il résulterait de celles qu'on vient de faire, qu’un douanier qui
aurait saisi de la marchandise prohibée ne pourrait pas la transporter. L’objet
saisi par l'autorité qui a le droit de la saisir est convoyé pour elle.
- La discussion est
close.
L'amendement de M. le
ministre est mis aux voix et adopté.
La suppression du
troisième paragraphe relatif à la recherche du gibier est confirmée.
L'article 5 tel qu'il
a été amendé est définitivement adopté.
« Art. 6 II ne sera
permis de chasser dans les domaines de l'Etat qu'en vertu d'une adjudication
publique.
« Néanmoins la
chasse dans les forêts de Soignes, de Saint-Hubert et d'Hertogenwald, ainsi que
dans les propriétés de l'Etat avoisinant le domaine d'Ardenne, est réservée à
la couronne. »
- Adopté.
« Art. 7. En cas de
conviction de plusieurs délits, les juges pourront n'appliquer que la peine la
plus forte ; néanmoins tous les délits prévus par la présente loi, postérieurs
à la première constatation, seront punis cumulativement, sans préjudice, le cas
échéant, de l'application du décret du 4 mai 1812.
« Les amendes seront
portées au double dans le cas où l'un des délits prévus aux articles ci-dessus
aura été commis après le coucher et avant le lever du soleil, ou bien par des
employés des douanes, gardes champêtres ou forestiers, gendarmes, gardes
particuliers. »
M. de Garcia. - Je vois que dans
cet article on ne parle que des gendarmes, tandis que dans un article
subséquent on parle des brigadiers et maréchaux de logis. Je demanderai au
gouvernement si, par le mot « gendarmes » employé dans cet article,
on entend aussi parler des brigadiers et maréchaux de logis de gendarmerie.
M. de Man d'Attenrode. - Cela va sans
dire.
M. de Garcia. - Cela ne va pas
sans dire, puisque dans un autre article de la loi, dans celui où il s'agit de
la constatation des délits, on indique les gendarmes, brigadiers et maréchaux
de logis.
Je demande pourquoi cette
différence de rédaction. Devant les tribunaux on pourra prétendre que la
différence de rédaction entraîne une différence d'interprétation. A ce point de
vue de l'appréciation des lois, je pense avoir autant d'expérience que
l'honorable député de Louvain, qui ne cesse de m'interrompre.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - L'intention du gouvernement a été d'appliquer le
mot « gendarmes », non seulement aux simples gendarmes, mais aussi aux
sous-officiers de gendarmerie.
L'observation de
l'honorable M. de Garcia est fort juste, et doit être prise en considération.
L'article 13, relatif aux procès-ver baux, pourrait, en effet, faire supposer
que la mention des sous-officiers de gendarmerie a été omise avec intention
dans l'article que nous discutons ; on pourra supprimer les mots :
« maréchal des logis ou brigadier de gendarmerie » dans l’article 13.
De cette manière, il (page 597) sera
fait droit à l'observation de l'honorable membre ; et l'explication donnée sur
le sens à donner au mot « gendarmes » suffira pour établir qu'il
comprend aussi les sous-officiers de cette arme.
- L'article 7 est mis
aux voix et définitivement adopté.
Article 8
L'article 8 n'a pas
été amendé.
« Art. 9. A
l'exception du cas prévu par le paragraphe premier de l'article 2, les armes
avec lesquelles le délit aura été commis, seront confisquées, sans néanmoins
qu'il soit permis de désarmer les chasseurs.
« Le délinquant sera
condamné à payer la valeur de l'arme :
« 1° Si l'arme
décrite au procès-verbal n'est pas représentée ;
« 2° Si l'arme, par
suite du refus du délinquant, n'a pas été décrite.
« La fixation de la
valeur sera faite par le jugement sans qu'elle puisse être au-dessous de
cinquante francs.»
M.
de Roo.
- Messieurs, pour qu'on ne se méprenne pas sur le sens et la portée de cet
article, je demande une explication à M. le ministre.
D'après cet article
le délinquant sera condamné à payer la valeur de l'arme dans deux cas seulement
: 1° Si l'arme décrite au procès-verbal n'est pas représentée ; 2° si l'arme,
par suite du refus du délinquant, n'a pas été décrite. Je demanderai,
messieurs, comment on constatera ce refus ? Faudra-t-il, pour qu'il y ait
refus, qu'il y ait demande ou sommation préalable de laisser décrire l'arme, ou
suffira-t-il que le délinquant s'esquive devant la gendarmerie ?
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L'honorable M. de
Roo demande comment on appliquera le 2° de l'article 9 ; il demande notamment
si le chasseur devra être condamné à payer la valeur de l'arme, alors que le
refus de laisser décrire cette arme ne sera pas constaté au procès-verbal, le
chasseur s'étant enfui et ayant mis par-là le gendarme ou l'officier public
verbalisant dans l'impossibilité de décrire l'arme.
Messieurs, il est
évident que le n° 2 s'applique à ce cas. Que veut la loi ? Elle veut que le
chasseur rapporte l'arme avec laquelle il a chassé et par conséquent elle veut
que le juge ait la certitude que l'arme rapportée est bien celle avec laquelle
le délit a été commis.
Or, dès l'instant où,
par le fait du chasseur, cette exactitude ne peut être donnée au juge, il est
évident que le chasseur ne pourra pas se borner à rapporter une arme quelconque,
mais qu'il devra payer les 50 fr. établis dans la loi comme valeur présumée de
l'armes ?
M. Vanden Eynde. - Est-ce que dans
tous les cas on devra décrire l'arme, que le chasseur ait ou n'ait pas un port
d'arme ?
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Messieurs.la disposition est générale. Le garde
champêtre ou l'officier public sera obligé, dans tous les cas, de décrire
l'arme ou de constater au procès-verbal le refus de la laisser décrire, ou
l'impossibilité dans laquelle il aura été mis de faire cette description.
Lorsque le
procès-verbal sera sous les yeux du juge, celui-ci appliquera soit la
disposition du décret de 1812, soit la disposition de la loi que nous
discutons, soit toutes deux cumulativement.
- L'article 9 est mis
aux voix et adopté.
Article 10
« Art. 10. Le père,
la mère, les maîtres et les commettants, sont civilement responsables des
délits de chasse commis par leurs enfants mineurs non mariés, pupilles demeurant
avec eux, domestiques ou préposés, sauf tout recours de droit.
« Cette
responsabilité sera réglée conformément à l'article 1384 du code civil, et ne
s'appliquera qu'aux dommages-intérêts et frais, sans pouvoir, toutefois, donner
lieu à la contrainte par corps. »
M. Henot. - Au premier vote
on a supprimé le mot « tuteur ». Dès lors il est nécessaire de
supprimer le mot « pupilles ».
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - C'est évident.
- La suppression du
mot pupilles est adopté.
L'article, ainsi
modifié est adopté.
Articles 11 et 12
« Art. 11. Si
les délinquants sont déguisés ou masqués, ou s'ils n'ont pas de domicile connu,
ils seront conduits devant le bourgmestre ou le juge de paix, lequel s'assurera
de leur individualité, et les mettra, s'il y a lieu, à la disposition du
procureur du roi. »
- Adopté.
_________________
« Art. 12. Les délits
prévus par la présente loi seront prouvés, soit par procès-verbaux ou rapports,
soit par témoins, à défaut de rapports et procès-verbaux, ou à leur appui. »
- Adopté.
« Art. 13. Les
procès-verbaux des bourgmestre et échevins, commissaires de police, officier,
maréchal des logis ou brigadier de gendarmerie, gendarmes, gardes forestiers,
gardes champêtres ou gardes assermentés des particuliers, employés des douanes
et des octrois, feront foi jusqu'à preuve contraire. »
M. le président. - M. le ministre de
la justice propose la suppression des mots : « officier, maréchal des
logis ou brigadier de gendarmerie ».
En second lieu M. le
ministre de l'intérieur propose de supprimer les mots : « employés des
douanes et des octrois. »
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - La suppression des mots : « employés des
douanes et des octrois » se justifie, parce que ces fonctionnaires sont
mentionnés à l'article suivant.
- La suppression des
mots : « officier, maréchal des logis, ou brigadier de gendarmerie »,
ainsi que celle des mots « employés des douanes et des octrois » sont
mises aux voix et adoptées.
L'article 13 ainsi
modifié est adopté.
Article 14
« Art. 14. Les
procès-verbaux des employés des douanes et des octrois feront également foi, jusqu'à
preuve contraire, lorsque, dans les lieux où ils sont autorisés à exercer leurs
fonctions, ces agents rechercheront et constateront les délits prévus par le
paragraphe premier de l’article 5. »
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Nous avons demandé la réunion de cet article au
précédent, dont il formerait le second paragraphe.
- La réunion des
articles 13 et 14 est mise aux voix et adoptée.
Article 15 à 19
« Art. 15 (devenu
art. 14). Dans les 24 heures du délit, les procès-verbaux seront, à peine de
nullité, affirmés par les rédacteurs devant le juge de paix ou l'un de ses
suppléants, ou devant le bourgmestre ou échevin, soit de la commune de leur
résidence, soit de celle où le délit aura été commis. »
_________________
« Art. 16 (devenu
art. 15). Les poursuites auront lieu d'office ; mais s'il s'agit uniquement
d'une contravention à l'article 2, les poursuites n'auront lieu que sur la
plainte du propriétaire de la chasse ou ayant droit. Le plaignant ne sera tenu
de se constituer partie civile que s'il veut conclure aux dommages et intérêts.
»
_________________
« Art. 17 (devenu
art. 16). Dans tous les cas prévus par la présente loi, le juge prononcera
subsidiairement un emprisonnement de six jours à deux mois contre tout condamné
qui n'aura pas satisfait aux amendes prononcées à sa charge dans le délai de
deux mois, à partir de la date du jugement, s'il est contradictoire, et à
partir de sa notification, s'il est par défaut. »
_________________
« Art. 18 (devenu
art. 17). La moitié des amendes comminées à l'article 5, sera attribuée à
l'employé de l'octroi si la saisie a lieu à l'entrée de la commune, ou à
l'employé des douanes si la saisie a lieu dans le rayon des douanes.
« La perception des
droits d'octroi accordés aux villes et communes sur le gibier, est suspendue en
temps prohibé. »
Le gouvernement
propose de substituer aux mots : « est suspendue en temps prohibé, » les
mots : « mentionné à l'article 5, est suspendue pendant que dure l'interdiction
prononcée par ledit article. »
- L'article ainsi
modifié est adopté.
_________________
- L'article 19,
devenu article 18, a été adopté au premier vote, sans modification.
« Art. 20 (devenu
art. 19). La loi des 22, 23 et 28 avril 1790, est abrogée, ainsi que toutes
autres dispositions légales contraires à la présente loi. »
Le gouvernement
propose la suppression du mot « légales ».
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Messieurs, la suppression du mot
« légales » se justifie d'elle-même. On ne peut admettre que la
chambre décide l'abrogation de dispositions qui ne seraient pas légales, car
par cela seul qu'elles ne le seraient pas, elles n'auraient aucune valeur, il
serait inutile d'en prononcer l'abrogation.
J'ai une autre
observation à faire ; il s'agit dans cet article de l'abrogation de
dispositions existantes, il faut donc que cet article soit placé le dernier.
- La suppression du
mot « légales » est adoptée. L'article est définitivement adopté.
Article 21
« Art. 21 (devenu
art. 20). Le gouvernement est autorisé à prévenir, par un règlement
d'administration générale, la destruction des rossignols et des fauvettes. »
- Adopté.
« Art. 22 (devenu
art. 21). Les militaires poursuivis à raison des délits prévus par la présente
loi, seront soumis à la juridiction, ordinaire. »
M. Lejeune. -Je proposerai de
placer cet article avant le précédente ; les militaires avant les
rossignols et les fauvettes.
- Cette proposition
est adoptée.
M. le président (M. Dumont). - Je ne sais
pourquoi les pinsons ne sont pas compris dans l'article 21.
M. de Theux. - Je ne pense pas qu'il
convienne de comprendre les pinsons dans la loi. En voici les motifs : c'est
que ces oiseaux se multiplient à l'infini, et qu'il est d'usage dans toutes nos
villes et dans toutes des campagnes d'avoir des pinsons en cage. Défendre de
prendre des pinsons serait ôter un grand plaisir aux populations des villes et
des campagnes, sans aucun but d'utilité. Car la race de ces oiseaux est
tellement nombreuse que je ne pense pas qu'il y ait aucune espèce de danger de
la voir s'éteindre.
M. le président. - Je ferai
remarquer que l'article 21 est définitivement adopté, et qu'on ne peut plus y
revenir.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Van de Weyer). - Je
ferai une seule observation ; c'est que l'article 21 pourrait être considéré
comme tout à fait inutile. En effet, l'article 3 porte : « Il est défendu,
sous peine d'une amende de 50 fr., de chasser de quelque manière que ce soit,
hors des époques fixées par le gouvernement. »
Plusieurs
membres. - De chasser le gibier.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Van de Weyer). - Je crois que cet article est aussi
applicable au fait de prendre des rossignols et des fauvettes. (Non ! non !)
Si telle n'est pas
l'interprétation que la chambre donne à cet article, je maintiens l'article 21.
M. de Theux. - Je ne puis
laisser passer sans réponse l'observation de M. le ministre de l'intérieur.
Jamais on n'a considéré comme délit de chasse la prise d'un oiseau. La loi
indique positivement ce qu'il faut entendre par délit de chasse.
Si l’on donnait une
telle extension à la loi, il n'y aurait plus de limite, et je crois que l'on
irait au-delà des intentions de la chambre. (Oui, oui.)
M. de Villegas.
- Comme il s'agira plus tard de l'application de la loi, je dois insister sur
les observations présentées par l'honorable M. de Theux. Je crois que la loi ne
défend pas la tenderie aux petits oiseaux. (Non !
Non !)
L'article 22 devenu
article 21 est définitivement adopté.
(page 598) « Art. 22 nouveau présenté par le gouvernement.
« Le tribunal saisi
de la connaissance d'un des délits prévus par la présente loi pourra adjuger des
dommages et intérêts, sur la plainte du propriétaire des fruits, visée par le
bourgmestre et accompagnée d'un procès-verbal d'évaluation du dommage, dressé
sans frais par le juge de paix.
« Le propriétaire des
fruits jouira du même droit, dans le cas des articles 471, n°13 et 14, et 475,
n°9 et 10 du code pénal. »
M. Vanden Eynde. - Je demanderai si
le procès-verbal dressé par le juge de paix, sera dressé contradictoirement avec
la partie contre laquelle on veut agir, et si le juge de paix devra se
transporter sur les lieux pour constater le dommage.
Je demande comment on
exécutera cet article.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Messieurs, comme j'ai eu l'honneur de le dire dans
une séance précédente, ce que je demande est en harmonie avec les dispositions
existantes.
La loi de 1791 donne
au juge de paix le droit de constater les dommages faits aux récoltes. Nous
avons maintenant cette disposition ; seulement nous avons ajouté que le
procès-verbal du juge de paix en pareille matière serait dressé sans frais.
Nous avons proposé cette disposition dans l'intérêt de l'agriculture, et pour
que le cultivateur qui aurait à réclamer une indemnité pour dégât commis à son
champ, ne dût faire aucuns frais pour obtenir l'évaluation du dommage.
L'honorable M. Vanden
Eynde demande si le procès-verbal sera dressé contradictoirement. Messieurs, le
propriétaire des fruits pourra choisir entre deux moyens : ou bien il agira par
voie civile, et alors il se conformera à la loi de 1841 et à la loi de 1790 ;
dans cette hypothèse le juge de paix pourra sur les lieux mêmes prononcer une
condamnation ; mais dans ce cas le plaignant devra faire citer son adversaire.
Ou bien, le propriétaire des fruits, dans la pensée
qu'une action publique sera intentée, fera évaluer le dommage, non
contradictoirement, mais uniquement pour pouvoir en réclamer la réparation dans
l'instance entamée par la partie publique ; cette évaluation non contradictoire
ne présente aucun inconvénient ; car le tribunal, avant de prononcer sur le
dommage, entendra la partie adverse qui pourra contester l'évaluation faite par
le juge de paix.
M. Lejeune. - Il me semble que
la rédaction du deuxième paragraphe est vicieuse et qu'il faudrait plutôt dire
:« cette disposition sera appliquée dans le cas des articles 471, etc. »
M. Desmet. - Si j'ai bien
compris l'amendement, il me semble que le fermier, le cultivateur, ne pourrait
intenter une action, que quand le délit de chasse est constaté.
Dans la séance
d'hier, l'honorable ministre de l'intérieur, pour vous tranquilliser sur le
sort des fermiers qui souffriront des dommages à leur récolte par les chasseurs,
vous a cité quelques articles du Code civil, entre autres les art. 1383, 1384,
etc., etc., qui vous donnent une action pour dommages causés aux récoltes qui
se trouvent sur pied ; mais ce n'est qu'une action civile que vous avez par ces
dispositions du Code.
Le même ministre vous
a rappelé les dispositions des articles 471 et 475 du code pénal ; mais ces
articles ne sont pas applicables aux cas qu'on suppose ; le n°13 de l'article
471 concerne ceux qui, n'étant ni propriétaires, ni fermiers, ni usufruitiers,
ni jouissant d'un droit de passage, seront entrés et auront passé sur un
terrain, s'il est préparé ou ensemencé ; ils seront passibles d'une amende de
un à cinq francs. Le n°9 de l'article 475 prononce une amende de six à dix
francs contre ceux qui ne jouiront pas d'un droit de passage et seront passés
sur un terrain chargé de grains en tuyaux.
Ces dispositions ne
sont pas non plus applicables à l'espèce, comme l'indique le second paragraphe
de l'amendement proposé, car d'après ce paragraphe, le cultivateur lésé n'a
qu'une action en dommages-intérêts pour les dégâts portés à ses récoltes, et
les agents de la police n'ont aucune action publique contre les chasseurs qui
auraient fait ces dégâts.
On a dit plus. On a
dit : Soyez tranquilles ; vous avez les dispositions de la loi de 1791, par
lesquelles tout est prévu. On se trompe à cet égard. L'article 29 de cette loi
n'est plus appliqué depuis les articles 444 et 449 du Code pénal, et ces
articles ne s'appliquent que quand il y a dévastation des récoltes, que quand
on coupe les grains. Aussi, vous n'avez jamais que l'action civile. Cependant,
pour tous les faits de chasse, il y a délit ; on accorde de fortes amendes,
l'emprisonnement, la confiscation. Je ne puis transporter une pièce de gibier
sans qu'un agent de police qui me rencontre, puisse agir ; et si je ne sais pas
payer la forte amende, je suis mis en prison et même pour deux mois, si le
tribunal correctionnel le trouve bon.
Mais
quand un agent de police voit les chasseurs, souvent en grand nombre, faire
beaucoup de dégâts dans les avoines ou autres récoltes, il ne peut pas agir
contre ceux qui font ces dégâts ; le cultivateur doit souffrir sans que la
police vienne lui porter quelque secours. Il n'aura qu'une action civile,
c'est-à-dire un procès à intenter, et l'on sait combien tout le monde a peur
des procès. II est vraiment déplorable que les auteurs de cette loi n'aient pas
eu quelque égard pour les malheureux cultivateurs, qui ont une si lourde charge
dans la société, et de qui elle dépend pour une si grande part. C'est le cas de
dire que l'agriculture, l'intéressante agriculture, a été sacrifiée pour le
plaisir.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - L'honorable M. Desmet semble oublier que nous nous
sommes bornés à faire une loi sur la chasse. Il voudrait prémunir le
cultivateur contre tout dégât qu'un fait quelconque pourrait occasionner à la
récolte mais quoique les faits de chasse aient dû, à la rigueur, trouver seuls
place dans cette loi, nous avons étendu la protection de la loi à d'autres
faits et spécialement en ce qui concerne les délits de chasse, nous avons
établi, dès qu'un délit de cette nature a causé le moindre dommage au
propriétaire des fruits, un moyen très facile d'en obtenir la réparation.
Jusqu'à présent, sous l'empire de la loi de 1790, le propriétaire des fruits,
pour obtenir une indemnité quelconque, devait se constituer partir civile. Eh
bien, messieurs, nous avons supprimé cette obligation ; nous avons pensé qu'il
était convenable de faire une exception à ce principe général, et de permettre
au propriétaire des fruits de réclamer des dommages-intérêts sans se constituer
partie civile. Nous l'avons donc autorisé à demander des dommages-intérêts sur
sa simple plainte, sans devoir se soumettre à des frais préalables, sans
s'exposer à être passible d'aucuns frais de poursuite.
Ce que dit
l'honorable M. Desmet n'est donc aucunement fondé, puisque nous accordons au
propriétaire des fruits un avantage, un droit qu'il n'avait pas sous la loi de
1790, loi dont l'honorable membre ne se plaignait pas.
L'honorable M. Desmet
nous dit : « Le gouvernement n'a-t-il donc pas pensé à ces malheureux
cultivateurs ? Ne s'est-il préoccupé que des faits de chasse ? N'a-t-il pas
fixé son attention sur les dommages causés aux champs ? » Eh bien, messieurs,
cette supposition est injuste, je l'ai déjà démontré ; j'ai prouvé que nous
avions fait tout ce qui était possible pour garantir du dommage causé par un
fait de chasse et pour en procurer la réparation.
Nous avons même été
plus loin, nous avons mentionné dans la loi sur la chasse les articles 471 et
475 du Code pénal, en disant que dans les cas prévus par ces articles, le
propriétaire des fruits pourrait également obtenir réparation sur sa simple
plainte et sans avoir des frais quelconques à supporter.
Ainsi, la loi sur la
chasse nous a fourni l'occasion de proposer des mesures avantageuses au
cultivateur, même pour des cas autres que ceux de chasse. Nous nous sommes
donc, autant que l'honorable M. Desmet, préoccupés des intérêts de
l'agriculture.
J'aurai l'honneur de faire remarquer à la chambre que
les articles du Code pénal, dont je viens de parler, prévoient tous les cas qui
peuvent se présenter, avec ou sans délits de chasse ; ainsi, le passage sur le terrain
d'autrui, à pied, à cheval, avec des bestiaux, etc., tout cela est puni par les
articles 471 et 475 du Code pénal. Ces faits constituent par eux-mêmes des
contraventions et, dès lors, toute protection est, dans tous ces cas,
contrairement à ce que dit l'honorable M. Desmet, assurée par l'action publique
au propriétaire des fruits, qui obtient, je le répète, toutes les facilités
possibles pour obtenir réparation du dommage. Je ne conçois véritablement pas
comment il serait possible d'aller plus loin, et je terminerai en répétant ce
que je disais dans une séance précédente, que, quant à l'action civile, il est
impossible de trouver une procédure plus simple et moins coûteuse que celle qui
est établie par la loi de 1790 sur l'organisation des justices de paix, et par
la loi sur la compétence de 1841.
M. de Muelenaere. - Messieurs, je dois faire une observation
parce que je crains que, dans une foule de cas, l'article ne reste sans
exécution. D'après la disposition que nous discutons en ce moment, le
procès-verbal d'évaluation du dommage doit être dressé, sans frais, par le juge
de paix. Je comprends fort bien que le juge de paix ne puisse réclamer aucun
honoraire pour la rédaction de cet acte ; mais qu'arrivera-t-il lorsque le juge
de paix sera obligé de se déplacer ? Il y a, messieurs, des cantons qui
s'étendent à 4 lieues, si je ne me trompe, de la résidence du juge de paix, et
notamment il y a des cantons à Bruges, qui s'étendent à quatre lieues de la
ville. Si le juge de paix est obligé de se transporter à quatre lieues de sa
résidence, il me semble qu'il aurait droit à des frais de déplacement. Si l'on
ne lui accorde pas ces frais de déplacement, il est à craindre que l'article ne
reste sans exécution, parce que les juges de paix seront très peu tentés et
surtout à l'époque pendant laquelle la chasse est ouverte, de se rendre, sans
indemnité, à des distances aussi éloignées de leur domicile, pour y dresser un
procès-verbal.
C'est une observation
que je soumets à M. le ministre de la justice.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L'observation de
l'honorable M. de Muelenaere est très juste ; mais s'il est vrai d'un côté que
les juges de paix seront peu disposés à se transporter à quatre lieues de leur
résidence pour aller constater un dommage ; d'un autre côté il me paraît
impossible de leur allouer des frais de route, sans détruire en grande partie
le bénéfice de la loi. Le propriétaire des fruits pourra redouter en effet de
demander au juge de paix de se transporter à une distance un peu considérable,
dans la crainte, en cas d'acquittement de l'individu traduit en police
correctionnelle, de devoir supporter les frais résultant du transport du juge
de paix.
Je vous ai dit
pourquoi j'avais demandé de faire évaluer le dommage par le juge de paix ; et
pourquoi j'avais combattu l'amendement de l'honorable M. Savart, qui enlevait
tout droit au juge de paix même pour l'action civile ; mais les observations de
M. le comte de Muelenaere m'engagent à modifier cette rédaction et à substituer
le bourgmestre au juge de paix, celui-ci restant compétent si le plaignant
prend la voie civile.
M. Maertens. - Messieurs,
j'avais demandé la parole dans l'intention de présenter les observations qui
viennent de vous être faites par l'honorable comte de Muelenaere, et de
proposer de substituer le bourgmestre au juge de paix, dans l'article en
discussion. Cet article serait rédigé de cette manière :
« ...Visée par
le bourgmestre et accompagnée d'un procès-verbal d'évaluation du dommage,
dressé par ce fonctionnaire, » c'est-à-dire par le bourgmestre, et alors cela
se fait toujours sans frais.
Il y a, messieurs,
des motifs très concluants pour agir de la sorte. En fait de police judiciaire,
les bourgmestres ont les mêmes attributions que les juges de paix. D'après le
premier discours de M. le ministre de la justice, l'évaluation du dommage, dans
le cas actuel, n'est qu'une évaluation provisoire que le contrevenant pourra
faire contester par tous moyens de droit, lorsqu’il sera traduit devant le
tribunal correctionnel.
Je
vois beaucoup d'avantage à substituer dans cet article le bourgmestre au juge
de paix. Si la disposition avait été maintenue telle qu'elle a (page 599) été présentée, on ne serait
arrivé à aucun résultat. On aurait obligé, au moins dans certains cantons, les
personnes qui avaient à se plaindre, à faire plusieurs lieues de route pour
venir trouver le juge de paix, et d'un autre cote celui-ci n'aurait jamais
trouvé le temps de se rendre sur les lieux ; il en aurait toujours été empêché
par d'autres occupations plus lucratives.
Je me range donc à
l'avis de M. le ministre de la justice, et je propose de substituer le
bourgmestre au juge de paix.
M.
Jonet.
- M. le ministre de la justice vient de dire que l'intention du gouvernement,
en proposant ce nouvel article, était d'autoriser les tribunaux à adjuger
d'office les dommages dus au propriétaire des fruits endommagés, et sans qu'il
soit nécessaire que ce propriétaire se constitue partie civile. S'il en est
ainsi, je demande que M. le ministre de la justice l'énonce formellement dans
l'article. Sans cela, en présence de l'article 16, il y aura une question
préjudicielle à résoudre.
L'article 16 porte :
« Les poursuites auront lieu d'office, » et il se termine par ces mots : « Le
plaignant ne sera tenu de se constituer partie civile que s'il veut conclure
aux dommages et intérêts. »
Ainsi, en règle
générale, le plaignant doit se constituer partie civile. Si M. le ministre veut
faire, par son article nouveau, une exception à cette règle, je demande qu'il
l'énonce formellement, pour éviter les contestations qui pourraient s'élever à
cet égard devant les tribunaux.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, la
rédaction telle qu'elle est proposée et les explications qui l'ont accompagnée,
me semblent répondre suffisamment aux craintes de l'honorable M. Jonet.
Cependant, on pourrait commencer l'article en discussion par ces mots :
« Par exception à
l'article 15, le tribunal, etc. »
M. de Corswarem. - Messieurs, dans
la première discussion j'ai eu l'honneur de signaler à la chambre un fait de
chasse très préjudiciable aux fruits de la terre et qui n'est considéré comme
délit ni par la loi en discussion, ni par les articles 471 et 475 du Code
pénal. J'ai eu l'honneur, messieurs, de vous dire alors que le chasseur au
chien d'arrêt, qui voit un gibier quelconque se reposer dans une pièce de
sarrasin, d'avoine ou de toute autre céréale, ne se fait aucun scrupule
d'envoyer ces chiens dans ce champ où ils causent souvent des dommages
considérables.
C'est ce fait,
messieurs, qui n'est puni ni par la loi en discussion ni par les articles 471
et 475 du Code pénal. Ces derniers articles prévoient seulement le cas où les
dégâts causés aux fruits de la terre, l'ont été par des bestiaux, des bêtes de
trait, de charge ou de monture. Il est évident que les chiens ne sont compris
dans aucune de ces catégories.
Ainsi jamais le
cultivateur qui aura à se plaindre d'un fait semblable, ne pourra que demander
des dommages-intérêts, au moyen de l'action civile ; il ne le pourra autrement,
à moins que le tribunal ne soit saisi de la connaissance d'un délit prévu par
la loi.
Le tribunal pourra
être saisi de la connaissance d'un délit, si le propriétaire du terrain a
dressé plainte, et alors le cultivateur pourra se joindre à lui afin de
réclamer autrement que par action civile des dommages-intérêts pour les dégâts
causé à sa récolte ; mais il arrivera souvent que celui qui aure causé ces
dégâts sera un parent ou un ami du propriétaire, et ce dernier, par conséquent,
ne portera pas plainte, ce qui mettra le fermier dans l'impossibilité de
pouvoir obtenir une réparation.
Ensuite, messieurs,
la plainte du cultivateur doit être visée, et les dégâts doivent être évalués
par le bourgmestre. Or, par les raisons que vous a données l'honorable comte de
Muelenaere au commencement de la séance, nous savons combien l'intervention du
bourgmestre offre peu de garantie, surtout lorsque le délit est commis par un
grand propriétaire qui a une grande influence dans la commune et qui pourrait
peut-être aux premières élections faire exclure le bourgmestre du conseil.
Ainsi, messieurs, il
y a très peu de fermiers qui oseront se plaindre ; et quand ils l'oseront, ils
verront difficilement le bourgmestre se joindre à eux contre les chasseurs.
La loi ne tient pas
une balance égale entre le propriétaire de la chasse et celui des fruits. Qu'un
délit de chasse soit commis, et qu'il soit aperçu par un agent de la force
publique, cet agent dresse un procès-verbal et on poursuit d'office celui qui a
commis le délit de chasse. Mais que les chiens d'un chasseur ravagent des
récoltes, et que les agents de la force publique le voient, ils sont sans
autorité pour dresser procès-verbal et il faut que le propriétaire des fruits
adresse une plainte au tribunal. Il y a, messieurs, dans toute cette loi, il
faut bien en convenir, beaucoup de protection pour le gibier, mais fort peu
pour l'agriculture. Car à quoi, en résumé, se réduit-elle ? Un agent de la
force publique voit l'enfant ou le jeune domestique d'un cultivateur tuer une
caille, ou enlever des œufs de caille, et cet enfant ou ce domestique sera puni
au moins de 50 fr. d'amende, ou de 6 jours de prison !
Un agent de la force
publique voit l'enfant ou le domestique d'un cultivateur tendre ou porter un
lacet, l'enfant ou le jeune domestique sera punissable d'une amende de 100 fr.
au minimum ou de 6 jours de prison également au minimum.
Qu'un agent de la
force publique voie l'enfant ou le domestique d'un cultivateur transporter une
caille, et le délinquant sera punissable d'une amende de 16 fr. ou de six jours
de prison au moins. Et dans tous les cas le cultivateur sera civilement
responsable pour son enfant comme pour son domestique.
Mais qu'un agent de
la force publique voie les chiens d'un chasseur causer des dégâts aux fruits
d'un cultivateur, et il ne pourra rien faire ; le délit ne sera pas poursuivi
d'office, comme celui contre le gibier et il faudra une plainte du propriétaire
des fruits.
Il y a encore quoique
chose de plus anormal dans ces dispositions, en ce qui concerne les peines ;
quelle que soit l'amende, qu'elle soit au minimum de 100 fr., de 50 fr., de 16
fr., son non-paiement est invariablement remplacé par le minimum de
l'emprisonnement qui est dans tous les cas de six jours, et le maximum de deux
mois ; il y a gradation dans les amendes, mais il n'y en a aucune dans
l'emprisonnement qui sera invariablement de six jours au minimum, soit que le
minimum de l'amende soit de 100 fr. ou de 16 fr.
Messieurs, il n'y a
pas d'article de la loi qui n'ait soulevé une question, à laquelle M. le
ministre de l'intérieur n'ait répondu par le refrain éternel :
« Laissez cela à l'appréciation du juge. »
Ainsi, d'après M. le
ministre lui-même, une nouvelle jurisprudence devra s'établir sur un grand
nombre de points que nous avons prévus et sur des centaines de points que nous
n'avons pas prévus, et la loi que nous votons sera, en définitive, un lourd
impôt prélevé sur la nation sous forme de frais de justice.
Messieurs, les
changements fréquents dans les opinions du ministère pendant la discussion
prouvent combien peu il avait étudié ce projet. C'est M. le ministre de
l'intérieur qui nous avait proposé d'abord une disposition en vertu de laquelle
les lapins pouvaient être tués par tout le monde, en tout temps, en tous lieux,
par tous les moyens imaginables.
C'est encore M. le
ministre de l'intérieur qui nous a proposé, en remplacement de cette
disposition, une disposition, nouvelle, en vertu de laquelle le campagnard
devra souffrir que les lièvres et les lapins viennent manger les écorces des
jeunes arbres, les fleurs, les légumes de son jardin, sans pouvoir en prendre
un seul au moyen d'un lacet placé même contre le soupirail de sa cave, ni leur
tirer un coup de fusil par la fenêtre de sa cuisine, à moins que le jardin ne
soit clos de manière à en rendre l'accès impénétrable au gibier ; alors
seulement il pourra tirer un coup de fusil sur le gibier qui dévaste son bien.
Cette nouvelle disposition est digne du moyen-âge.
M.
le président. - Je ferai observer à l'orateur qu'il rentre dans la
discussion générale.
M. de Corswarem. - J'ai fini, M. le
président ; j'ai présenté ces observations pour motiver mon vote qui sera
négatif, parce que les idées de justice et de libéralisme ont fait trop de
progrès chez moi pour que j'adopte jamais une pareille loi.
Je voterai contre son
adoption, dans l'espoir qu'elle sera rejetée et que le gouvernement, instruit
aujourd'hui de la question, préparera et nous présentera un autre projet mieux
mûri et mieux approprié à nos mœurs et à notre époque.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Messieurs, je
n'ai pas besoin de dire à la chambre que j'accepte la responsabilité de la loi
et de toutes les énormités dont je n'ai pas bien saisi le sens, et dont je
viens d'être accusé par l'honorable membre.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Messieurs, l'honorable M. de Corswarem vient de
critiquer toutes les dispositions de la loi déjà votées. Il critique aussi
l'article nouveau que j'ai présenté. Ce qui doit étonner la chambre, c'est de
voir l’honorable membre se borner à critiquer cette disposition sans rien
proposer pour la remplacer ou la compléter. L'honorable membre pense que
plusieurs cas ne sont pas prévus, mais que l'orateur use de son initiative. (Interruption.) L'honorable M. de
Corswarem me dit qu'il a fait des propositions et que la chambre les a rejetées
; mais alors l'honorable membre doit s'en prendre à la chambre qui n'a pas
voulu adopter ses amendements.
Je
n'ai qu'un mot à répondre à l’honorable M. de Corswarem, relativement à mon
amendement, le seul qui soit encore en discussion. Cet amendement suppose deux
genres de délits : 1° des délits de chasse ; 2° des délits prévus par les
articles 471 et 475 du code pénal. Dans l'un et dans l'autre cas nous avons
facilité au propriétaire des fruits le moyen d'obtenir la réparation du
dommage. Faut-il ranger d'autres faits au nombre des délits ? Je ne le pense
pas. Les dispositions qui depuis 1810 ont paru suffisantes, le sont encore
maintenant, elles le sont surtout en présence de la sévérité nouvelle
introduite dans la loi contre le braconnage.
M. de Villegas.
- Messieurs, je croyais que la disposition nouvelle qui a été présentée par M.
le ministre de la justice faisait double emploi avec l'article 2, ou que tout
au moins elle se bornait à réglementer l'exercice du droit prévu par l'article
2 ; la discussion a établi maintenant que sans constitution de partie civile,
on peut allouer d'office des dommages-intérêts.
Voici l'explication
que j'ai à demander à M. le ministre de la justice, relativement à la portée de
l'article ; le tribunal alloue les dommages-intérêts, sans que la personne
intéressée soit tenue de se constituer partie civile ; je demande si l'action
en dommages-intérêts dont fait mention l'article 2 reste debout.
Ensuite je désire
savoir comment le jugement, en ce qui concerne l'allocation des dommages-intérêts,
sera exécuté. Les dommages-intérêts qu'on allouera au tiers seront-ils
recouvrés pour le compte du tiers par la voie ordinaire ?
Quant à la rédaction
de l'article en discussion, je ferai remarquer qu'il est parfaitement inutile
de soumettre la plainte au visa du bourgmestre, puisque ce fonctionnaire doit
dresser un procès-verbal constatant les dommage causés à la propriété. Ce
procès-verbal de constatation suffit pour donner un caractère d'authenticité à
la plainte.
Un
honorable préopinant croit que le paragraphe de l'article nouveau ne prévoit et
n'énumère pas tous les cas. Il est difficile d'avoir une prévision complète et
de faire une énumération exacte et parfaite. L'appréciation des nombreux faits
relatifs à la chasse appartient au pouvoir judiciaire.
Cet honorable membre
croit, par exemple, que des dommages-intérêts ne (page 600) peuvent pas être alloués pour le fait du passage des
chiens sur la propriété d'autrui. L'erreur est ici manifeste, le paragraphe
final de l'article porte que le fait de ce passage pourra être considéré comme
tombant sous l'application de la loi et réserve virtuellement l'action civile
en cas de dommages. Si donc il y a plainte et si une condamnation au principal
est prononcée, le tribunal pourra adjuger des dommages-intérêts conformément à
l'article nouveau que le gouvernement propose et après l'accomplissement des
formalités qu'il prescrit.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Messieurs, l'honorable M. de Villegas demande si l'article
2 de la loi est encore applicable. Il est évident qu'oui. L'article 2 prévoit
le fait d'avoir chassé sur le terrain d'autrui sans le consentement du
propriétaire. Aussi, pour qu'il y ait une poursuite, à raison d'un délit de
chasse, il fait la plainte du propriétaire. Lorsque la plainte aura donné
naissance à l'action et que le tribunal sera saisi de l'affaire, le
propriétaire des fruits, en vertu de l'amendement qui est maintenant soumis à
la délibération de la chambre, pourra faire sa plainte, et obtenir, de cette
manière, sans constitution de partie civile, des dommages-intérêts.
L'honorable
M. de Villegas demande une seconde explication, relativement au recouvrement
des dommages-intérêts. Ce recouvrement s'opérera par toutes les voies de droit,
comme s'est opéré jusqu'à présent le recouvrement de l'indemnité de 10 livres
sous l'empire de la loi de 1790, et comme il s'agit de dommages-intérêts, on
pourra même avoir recours à la contrainte par corps.
La troisième
observation, faite par l'honorable membre, porte sur l'inutilité qu'il y aurait
à faire viser la plainte par le bourgmestre. D'après la rédaction primitive du
gouvernement, il y avait deux actes différents : il y avait une plainte faite
par le propriétaire des fruits, qui devait être visée par le bourgmestre, et
une évaluation faite par le juge de paix. Maintenant si le procès-verbal
d'évaluation est dressé par le bourgmestre, il n'y aurait pas d'inconvénient à
supprimer le visa du bourgmestre pour la plainte, à laquelle se référera le procès-verbal
d'évaluation.
M. Savart-Martel,
rapporteur. - En qualité de rapporteur, je réclame de clore la
discussion. La seule question qui nous occupe en ce moment, c'est l'amendement
proposé par M. le ministre de la justice.
Que l'évaluation soit
faite par le bourgmestre, c'est ce que moi-même j'avais proposé il y a huit
jours. Non seulement, cela doit être ainsi, puisqu'on veut agir sans frais ;
mais je ne conçois pas qu'on puisse admettre que le juge, qui sera souvent appelé
à décider du mérite de l'estimation, puisse se trouver l'auteur même de cette
estimation.
Quant au visa de la
plainte, je trouve cette formalité utile et très utile, pour que le juge soit
convaincu que le plaignant agit en pleine connaissance de cause, surtout qu'il
arrivera souvent que le plaignant ne saurait écrire.
Je répète que je
regrette de ne pouvoir tenir davantage pour l'agriculture ; mais je prends
volontiers sur moi la responsabilité morale de cet amendement, et je remercie
M. le ministre d'avoir eu égard à mon insistance.
- La discussion est
close.
Les trois
modifications partie les, proposés à l'article nouveau, que M. le ministre de
la justice a présenté, sont successivement mises aux voix et adoptées.
L'ensemble de
l'article est ensuite mis aux voix et adopté en ces termes :
« Par exception à
l'article 15, le tribunal saisi de la connaissance d'un des délits prévus par
la présente loi, pourra adjuger des dommages et intérêts, sur la plainte du
propriétaire des fruits, visée par le bourgmestre et accompagnée d'un
procès-verbal d'évaluation du dommage, dressé sans frais par ce fonctionnaire.
« La disposition qui
précède sera applicable dans le cas des articles 471, n°5 et 14, et 457, n°9 et
10 du Code pénal. »
M. le président. - Je propose de la
placer après l'article 18 qui était l'article 19 et avant les articles relatifs
aux militaires et aux rossignols.
- Cette
classification est adoptée.
M. le président. - Il reste encore à
classer l'article 20 relatif aux lois et dispositions abrogées. Il me semble
qu'il doit devenir l'article final de la loi.
- Cette transposition
est adoptée.
Article 4
M. Fallon. - Avant de passer
au vote, je dois demander une explication à M. le ministre de l'intérieur afin
qu'il ne s'élève aucun doute sur l'amendement qu'il a proposé et qui a été
adopté. Cet amendement est ainsi conçu :
« II ne pourra
être fait usage, sous la même peine, des lacets destinés à prendre la bécasse
que dans les bois d'une étendue de 10 hectares au moins, aux époques et dans
les provinces ou parties de province qui seront désignées par le gouvernement.
»
Je suppose qu'il
s'agit des époques de l'ouverture et de la fermeture de la chasse, dont il est
parlé à l'article premier. (Oui !
oui !)
M. le ministre de
l’intérieur (M. Van de Weyer). - Evidemment.
Vote sur l’ensemble du projet
Il est procédé à
l'appel nominal sur l'ensemble de la loi.
64 membres répondent
à l'appel.
46 répondent oui.
18 répondent non.
En conséquence la
chambre adopte. Le projet de loi sera transmis au sénat.
Ont répondu non : MM.
de Naeyer, Desmet, Dubus (Albéric), Jonet, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys,
Rodenbach, Sigart, Verwilghen, Zoude, Biebuyck, Brabant, Castiau, Clep, de
Corswarem et de Meester.
Ont répondu oui : MM.
de Roo, de Sécus, de Terbecq, de Theux, de Tornaco. de Villegas, d'Hoffschmidt,
d'Huart, Dubus (Bernard), Dumont, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Goblet,
Henot, Huveners, Kervyn, Lange, Maertens, Malou, Mast de Vries, Orban, Orts,
Pirmez, Pirson, Savart, Simons, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde,
Vandensteen, Vilain XIIII, Wallaert, d'Anethan, de Baillet, de Breyne, de
Brouckere, de Chimay, de Garcia de la Vega, de Haerne, de la Coste, de Man
d'Attenrode, de Mérode, de Muelenaere et Liedts.
- La séance est levée
à 2 heures.