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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 14 mars 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi relatif aux
ventes à l’encan de marchandises neuves. Dérogations au principe générale d’interdiction,
et plus particulièrement pour les monts-de-piété (Donny, Rodenbach, Savart-Martel, Desmet, Van Cutsem, d’Anethan, Anspach, d’Anethan, Rodenbach, Delehaye, Cans, Dedecker,
Desmet, d’Anethan, Donny), appréciation des cas de nécessité par les tribunaux
de commerce et absence de recours en appel (de Saegher,
d’Anethan), monts-de-piété (de
Haerne), recours aux officiers publics (Savart-Martel,
d’Anethan), autorisation préalable du bourgmestre (de Saegher, d’Anethan, Cans, Savart-Martel, Desmet,
Delehaye, d’Anethan, de Saegher, d’Anethan, Desmet, de Saegher, Cans, de Corswarem, d’Anethan, Delehaye, Cans, Savart-Martel, d’Anethan, Delehaye, Cans, d’Anethan), dispositions
pénales (Cans, d’Anethan, Cans, de Corswarem, d’Anethan, de Corswarem, d’Anethan)
(Annales parlementaires
de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M.
Liedts.)
(page 970) M. de Villegas procède à l'appel nominal
à midi et quart.
La séance est
ouverte.
M. de Man d’Attenrode donne
lecture du procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est approuvée.
M. de Villegas fait connaître l'analyse
des pétitions suivantes.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur Victorin-Louis
Gilson, prie la chambre de statuer sur sa demande par laquelle il sollicite sa
nomination dans l'administration des accises. »
- Renvoi à la
commission des pétitions.
_______________
« Les régisseurs
de la wateringue de Kaisynjart polder, prient la chambre de rejeter le projet
de loi sur la dérivation des eaux de la Lys. »
« Même demande
des régisseurs de la wateringue du vieux et du nouveau polder de Zandvoorde. »
- Renvoi à la
section centrale chargée d'examiner le projet.
_______________
« Plusieurs habitants de Gheel demandent l'élargissement
de la deuxième section du canal de jonction de la Meuse à l'Escaut. »
« Même demande
de plusieurs habitants de Casterlé. »
- Dépôt sur le
bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.
_______________
« Le sieur Fortuner, pharmacien à Bruxelles,
demande une loi sur l’exercice de la médecine et de la pharmacie. »
- Renvoi à la
commission des pétitions.
_______________
A la demande de
M. Delfosse, la chambre
fixe en premier lieu l'heure et l'ordre du jour de sa prochaine séance. Elle
décide qu'elle se réunira lundi à deux heures.
Ordre du jour
: Discussion des projets de loi relatifs à une séparation de commune ; 2° à la
vente des effets militaires.
Discussion des articles
Article 3
M. le président. - La discussion est ouverte sur l'article 3
ainsi conçu :
« Art. 3. Ne sont
pas comprises dans la défense portée par l'article premier, les ventes prescrites
par la loi, ou faites par autorité de justice, non plus que les ventes après
décès, faillite ou cessation de commerce, ou dans les autres cas de nécessité
dont l'appréciation sera soumise au tribunal de commerce.
« Sont également
exceptées les ventes à cri public de comestibles et objets de peu de valeur,
connus dans le commerce sous le nom de menue mercerie. »
M. le président. - M. le ministre de la justice a proposée
cet article un amendement consistant à ajouter après les mots « par
autorité de justice », ceux-ci : « ou par les monts-de-piété ».
M. Donny. - Il y a un changement à faire à l'article 3.
La rédaction primitive du paragraphe 11 de l'article 2, en établissant une même
règle, indistinctement pour les marchandises manufacturées et pour les marchandises
non manufacturées, rendait la loi applicable aux comestibles vendus par des
marchands. Comme le gouvernement ne voulait pas et ne devait pas vouloir
soumettre les ventes des substances alimentaires aux rigueurs de la loi, il
avait introduit dans l'article en discussion une exception en faveur des
comestibles. Mais depuis que vous avez modifié la rédaction du paragraphe 11,
depuis que la loi n'est plus applicable qu'aux vins d'une part, et d'autre par-là
à cette seule catégorie de marchandises qui figurent dans le tarif des douanes,
sans la dénomination de produits fabriqués, les comestibles se trouvent de
plein droit en dehors de l'application de la loi.
Des lors,
l'exception du paragraphe 2 de l'article 3 doit être supprimée. Elle est
inutile. Elle pourrait être dangereuse, parce qu'on pourra en conclure que la
suppression faite dans le paragraphe 11 de l'article 2 n'a pas la portée
absolue qu'on a voulu lui donner.
Je demande donc la division. Je voterai contre ta
partie de la disposition relative à la vente de comestibles.
Dans la discussion
générale, j'avais annoncé que je proposerais un amendement afin de soustraire à
l'application de la loi les bois sciés et non sciés. Mais le paragraphe 11
ayant été modifié précisément en vue d'atteindre le but que je voulais
atteindre par mon amendement, cet amendement devient inutile.
M. Rodenbach. - Avant
d'admettre l'amendement déposé par M. le ministre de la justice, je voudrais
qu'il voulût bien me dire pourquoi il accorde au mont-de-piété le monopole des
ventes à l'encan.
En France, les
monts-de-piété ont réduit spontanément l'intérêt sur dépôt de marchandises neuves
; en Belgique, il n'y a eu sous ce rapport aucun changement.
Presque toujours
ce sont les marchands gênés qui déposent des marchandises neuves dans ces
établissements. Le plus souvent c'est à la veille d'une faillite.
La vente a
lieu treize mois et demi après le dépôt, lorsque le failli ne peut réclamer la
marchandise. Il en résulte que le mont-de-piété fait des bénéfices énormes (de
30 à 40 p. c.) sur ces marchandises, au détriment des créanciers.
Lorsque vous faites une loi tendant à restreindre
les ventes à l'encan, vous ne pouvez laisser passer dans la loi une disposition
qui laisse à cet égard toute latitude aux monts-de-piété.
Je sais que M.
le ministre a préparé un projet de loi sur cette matière ; je suis persuadé qu'il
diminue considérablement l'intérêt, comme l'ont fait spontanément les monts-de-piété
dans les autres pays. Attendons ce projet de loi avant d'admettre l'amendement.
Tout au moins,
avant que je le vote, faudra-t-il que j'aie reçu des explications de M. le
ministre de la justice.
M. Savart-Martel. - J'avais demandé la parole pour faire
l'observation que vient de soumettre M. Donny ; j'ajouterai que cet article 3
énonce clairement que la prohibition ne s'applique point aux ventes prescrites
par la loi, ou faites par autorité de justice ; non plus qu'aux ventes après
décès, faillite ou cessation de commerce, mais je crois qu'on devrait y
comprendre les ventes ordonnées par jugement. Car on ne doit pas les confondre
avec les ventes faites par autorité de justice. Au moins une explication
est-elle nécessaire. Elle servira de commentaire à la loi.
D'autre part,
le cas de nécessité dont l'appréciation est soumise aux tribunaux de commerce (que
j'avais cru moi-même s'appliquer au cas de changement de domicile) ne peut être
invoqué que par le marchand sédentaire patenté, article. 6, paragraphe pénultième.
Les observations que faisait hier l'honorable M. de Brouckere se représentent donc
ici, en ce qui concerne le non-commerçant qui devrait changer de domicile. Celui-ci
serait donc frappé de la prohibition, il ne pourrait vendre que par pièces de
cent litres ou par cent bouteilles ou moins ; je ne pense pas que telle ait été
l'intention du rédacteur.
Je crois que le cas de changement de domicile d'un
homme étranger au commerce, est une nécessité que devrait apprécier le
bourgmestre.
J'observe, d'ailleurs,
que la patente ne constitue pas le marchand, car sous l'empire du droit actuel,
les notaires, les avoués, les huissiers, sont patentés. Les médecins, les
chirurgiens sont aussi patentés, et cependant ne peuvent être assimilés à des
commerçants.
M. Desmet. - Je demanderai à l'honorable ministre de la
justice pourquoi il a modifié par son amendement le projet primitif du
gouvernement, qui ne comprenait pas les monts-de-piété ? C’était avec raison. ;
car ce n'est pas pour recevoir en dépôt des marchandises neuves, c'est en
faveur des pauvres que les monts-de-piété ont été institués. Si l'on va
au-delà, c’est un abus.
Je ne pourrai
voter l'amendement que quand on aura modifié le régime des monts-de-piété. On peut
très bien l'ajourner jusqu'à ce qu'on s'occupe du projet de loi qui est préparé
sur les monts-de-piété.
Les ventes à l'encan
de marchandises neuves faites par les monts-de-piété font grand tort au commerce,
parce que ces ventes se font à très bon compte. Remarquez que, d'après l'esprit
de cette institution, on ne devrait y recevoir aucune marchandise neuve, mais
seulement des objets qui ont déjà servi.
Si les monts-de-piété répondaient tous au but de
l'institution, si comme celui de Gand, ils prêtaient sans intérêt, lorsque les
dépôts sont d'une valeur minime, je ne verrais pas d'inconvénient à admettre
l'amendement ; mais je ne le puis pas, tant que ces établissements recevront en
dépôt des marchandises neuves.
Je demande l'ajournement
jusqu'à la discussion du projet de loi sur la matière.
M. Van Cutsem. - La
première section est la seule qui ait proposé d'étendre l'exception énoncée à
l'article 3 du projet de loi aux ventes à faire à l'encan par les
monts-de-piété ; les autres sections n'ont pas réclamé cette exception.
Je ne pourrais
dire si cette question a été agitée en section centrale, mais si elle y a été discutée,
il n'en est pas fait mention dans le rapport de l'honorable M. Delehaye ; de
manière que nous ne savons pas quelle a été l'opinion de la section centrale
sur cette question. Quoi qu'il en soit, je crois devoir appuyer cette exception
dont la demande a été formulée dans un amendement que M. le ministre nous a
proposé à l'article 3 du projet en discussion.
Sous l'empire
des anciens règlements, même de ceux qui défendaient d'une manière générale les
ventes à l'encan, les ventes effectuées de cette manière par les monts-de-piété
ont toujours été permises, aussi bien sous les règlements de Marie-Thérèse, en 1708,
que sous ceux qui ont été faits sous le gouvernement des Pays-Bas.
Si la loi française
du 25 juin 1841 n'a pas compris d'une manière (page 973) expresse les monts-de-piété dans les exceptions sur les ventes
à l'encan, je puis affirmer que l'exception existe de fait, et que les gages en
marchandises neuves se vendent comme autrefois dans les monts-de-piété français,
sans le moindre obstacle ; l'exception portée à l'article 2 en faveur des
ventes prescrites par la loi ou faites par autorité de justice, est considéré,
comme de droit pour les monts-de-piété, parce que ces ventes n'ont lieu qu'en
vertu de leurs statuts et sur rôles rendus exécutoires par ordonnance du
président du tribunal civil.
La question de
savoir s'il convient de maintenir dans les monts-de-piété les prêts sur dépôt
de marchandises neuves, a été décidée affirmativement par 31 tribunaux de commerce,
chambres de commerce et députations permanentes de la Belgique sur 44.
Ceux qui ne veulent
pas permettre aux monts-de-piété de vendre à l'encan des marchandises neuves
soutiennent qu'il doit en être ainsi, parce que les monts-de-piété n'ont été
fondés que pour soulager la classe ouvrière ; mais c'est là une erreur, les monts-de-piété
n'ont pas seulement été institués pour soulager uniquement la classe ouvrière,
mais ils ont encore été ouverts pour venir en aide à cette classe nombreuse de
particuliers qui n'ayant ni propriétés, ni crédit, demanderaient en vain sur
leur signature des fonds aux banquiers ordinaires.
Porter un empêchement
absolu aux prêts sur marchandises neuves, c'est priver parfois ce petit
commerce d'un moyen prompt et facile de se procurer quelques ressources dans un
moment pressant. La suppression du prêt sur marchandises serait funeste au
commerce dans les cas de crise qui amènent une stagnation momentanée des affaires,
et qui, forcent le négociant ou le détaillant, momentanément dans la gêne, de
parer à de pressants besoins auxquels ils doivent satisfaire pour maintenir
intact un crédit qu'ils ne soutiennent alors qu'au moyen d'un emprunt au
mont-de-piété.
Le négociant ou
le détaillant dans l'embarras, qui ne pourrait pas avoir recours au mont-de-piété
pour se soutenir le plus longtemps possible, s'adressera à des prêteurs sur
gages qui exigeront, sans nul doute, un intérêt plus élevé que celui que
perçoivent les monts-de-piété. S'il est vrai que les lois peuvent atteindre des
prêteurs de cette espèce, quand ils mettent leurs opérations en évidence, il
est encore certain qu'ils peuvent éviter, par certains moyens frauduleux, qu'on
ne constate leur usure.
Les monts-de-piété
sont moins funestes aux créanciers de débiteurs malheureux, qui ont dû
emprunter sur gages, que les prêteurs ordinaires, parce que, en cas de faillite,
les monts-de-piété ne prêtant que la moitié de la valeur des marchandises, ces
créanciers retrouvent au moins l'autre moitié qui, sans cela, serait perdue
pour eux.
Je vous dirai encore, messieurs, que ces prêts sur
marchandises neuves au mont-de-piété ne sont pas aussi nombreux qu'on pourrait
se l'imaginer dans l'absence de documents précis ; en effet, 466,032 gages ont
été portés aux 22 monts-de-piété de la Belgique, en 1945, sur lesquels on a
avancé une somme de 3,311,047 fr. et 2 c, et sur ce nombre de 466,032 gages, on
a engagé 3,340 articles neufs, pour une valeur de 212,036 fr. 30 c, ce qui
équivaut environ à un gage neuf sur 1,500 objets engagés.
Les différentes
considérations que je viens de faire valoir me permettront, comme je l'ai dit
en commençant, de voter pour l'amendement de M. le ministre de la justice.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je pense aussi, comme
l'honorable M. Donny, que le mot « comestible » peut être retranché
du deuxième paragraphe de l'article 3, par suite de la suppression qui a été
votée au paragraphe 11 de l'article 2 En effet, la vente des comestibles n'est
plus interdite, dès qu'on se borne à défendre la vente des marchandises manufacturées
comprises dans le tarif des douanes.
Je répondrai maintenant
aux deux questions qui ont été posées au gouvernement par M. Savart. Cet
honorable membre demande si des ventes faites amiablement, sont comprises dans
l'indication de ventes faites par autorité de justice, dans le cas où ces ventes
seraient faites par suite d'un accord entre parties, mais dans l'hypothèse où
sans cet accord, les ventes auraient été ordonnées par la justice.
Messieurs, dès
que la vente n'a pas été ordonnée en justice, dès qu'elle n'a pas eu lieu avec
les formalités voulues, il me semble qu'on ne peut y appliquer l'article 3. Si
les personnes qui ont une vente à faire veulent jouir du bénéfice de l'article
3, elles doivent fournir toutes les garanties exigées pour les ventes faites
par autorité de justice. Dès que l'on a renoncé à l'intervention de la justice,
ces ventes ne peuvent rentrer sous l'application de l'article 3.
C'est ainsi que
j'interprète l'article. Je pense que l'honorable rapporteur l'interprète de la
même manière.
Si un individu
qui n'est pas négociant (demande l'honorable M. Savart) veut se rendre dans une
autre ville, pourra-t-il vendre ses meubles ? Dès que ses meubles auront servi,
il n'y a pas de difficulté. S'il s'agit de meubles neufs, il ne pourra les
vendre ; car, comme il n'est pas négociant, on ne peut lui appliquer le cas de
nécessité dont parle l’article 3.
Mais la supposition
de M. Savart se présentera très rarement ; un individu qui doit ou veut déloger
n'ira pas acheter des meubles neufs pour les vendre, et, s'il le fait, c'est en
vue d'éluder la loi, et alors il faut lui appliquer la prohibition.
S'il veut, au
contraire, vendre des meubles qui lui ont servi, il peut le faire, ce ne sont pas
des marchandises neuves, dès lors la loi n'est pas un obstacle à la vente.
Quant aux vins,
la disposition votée sur la proposition de l'honorable M. de Brouckere répond à
l'objection de l'honorable M. Savart.
J'ai cru devoir
proposer à l'article 3 un amendement, quant à la vente des objets neufs, faite
par les monts de-piété. J'ai reproduit par cet amendement la disposition votée
en 1838, et contre laquelle je ne pense pas qu'on se soit élevé jusqu'à présent.
Dans le projet
primitif on avait supprimé les ventes faites par les monts-de-piété, on avait,
je dois le dire, calqué le loi française, où ces mots ne se trouvent pas.
Mais comme l'a
fait observer tout à l'heure l'honorable M. Van Cutsem avec beaucoup de raison,
en France, en l'absence même de ces mots ces ventes sont censées autorisées.
Les ventes prescrites par la loi sont permises. Les ventes que font les
monts-de-piété se font en vertu de leurs statuts, lesquels sont portés en vertu
de la loi. Ces ventes sont donc considérées comme autorisées par la loi. Ainsi
la loi française n'empêche pas qu'on ne vende les marchandises neuves déposées
aux monts-de-piété, quoique cette loi ne contienne pas expressément une
exception relativement à ces ventes.
L'honorable M.
Rodenbach, à l'occasion de l'article 3, a signalé de nouveau les inconvénients
des monts de-piété actuels. L'honorable membre vous a dit avec raison que les
intérêts perçus par quelques-uns de ces établissements étaient usuraires, que
ces établissements ne répondaient pas à leur destination.
Je partage à cet
égard l'avis de l'honorable membre ; j'ai déjà fait observer que, dans l'état
actuel de la législation, le gouvernement était impuissant pour modifier les
règlements en vigueur, attendu que, d'après l'article 77 de la loi communale, les
règlements des monts-de-piété sont soumis à l'approbation, non du gouvernement,
mais de l'autorité communale.
Tant que la loi
ne donnera pas au gouvernement le droit de modifier ces règlements, il lui sera
impossible de faire cesser l'abus signalé par l’honorable M. Rodenbach. Pour
parer à ce mal, un projet est préparé. J'espère qu'il pourra être bientôt présenté.
Ce projet fait droit à la plupart des observations de l'honorable M. Rodenbach.
Il constituera les monts-de-piété de telle sorte qu'ils répondront au but de
leur institution que, dans l'état actuel de la législation, ils n'atteignent
qu'imparfaitement.
L'honorable M.
Desmet voudrait voter l'ajournement de l'amendement que j'ai présenté. Il dit
que si une loi nouvelle était présentée pour faire cesser les abus existants,
il serait disposé à voter mon amendement ; mais il en demande maintenant
l'ajournement.
Je répondrai à
l'honorable membre que mon amendement ne fait que maintenir ce qui existe. Si l'on
repousse l'amendement, il en résultera une perturbation complète dans
l'organisation des monts-de-piété. Les monts-de-piété qui reçoivent maintenant
des marchandises neuves, ne pourront plus en recevoir. Cet avantage qu'ils
procurent au petit commerce cessera immédiatement.
Je ne pense pas
que l'honorable M. Desmet veuille amener un semblable résultat.
Si une loi n’était
pas annoncée, je concevrais peut-être qu’on voulût à l’occasion de la loi
actuelle modifier l’état de choses existant. Mais dans l'intention de faire cesser
la possibilité d'un seul abus, en faire naître de beaucoup plus graves ne me
paraît ni admissible ni logique. Je ne pense donc pas qu'il soit convenable de
discuter maintenant la question des monts-de-piété, alors que nous nous
occupons de la loi sur les ventes à l'encan. Admettra-t-on définitivement l'autorisation
de déposer des marchandises neuves dans les monts de-piété ? Cette question
sera plus tard examinée. Mais je désire qu'elle ne soit pas résolue
incidemment.
Ce que je demande
de maintenir est du reste conforme à l'opinion de la grande majorité des
autorités consultées sur cette matière. Les députations permanentes, les chambres
de commerce, les tribunaux de commerce, ont donné leur avis ; et trente et un
de ces corps se sont prononcés pour le maintien de la possibilité du dépôt des
marchandises neuves dans les monts-de-piété ; treize seulement se sont
prononcés en sens contraire.
M. Delehaye, rapporteur. - Quels
sont ces treize corps ?
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Dans les trente et un
corps il y a des chambres de commerce et des députations permanentes. Les
treize corps opposants sont pour la plupart des tribunaux de commerce.
J'ajouterai qu'il
ne faut pas s'effrayer de ce qui existe maintenant. On semble croire qu'on dépose
dans les monts-de-piété une quantité considérable de marchandises neuves, il
n'en est rien ; relativement à la masse des objets déposés, les marchandises
neuves forment une très petite quantité. Le nombre total des dépôts faits dans
les monts-de-piété est die 466,032, sur lesquels il avait été prêté une somme
d'au-delà de 3,000,000 et sur ce nombre, le rapport des dépôts de marchandises
neuves n'est que de 7 sur 10,000 articles ; ce rapport est dans la même
proportion quant à la hauteur des sommes avancées.
Il n'y a donc
aucune crainte à concevoir sur les résultats du maintien de l'état de choses actuel.
D'un autre côté, il me paraît extrêmement avantageux de maintenir des dépôts
qui permettent, dans certaines circonstances, au petit commerçant de satisfaire
aux obligations qu'il a contractées el d'aller plus tard reprendre les
marchandises déposées et de continuer ainsi son commerce qu'il aurait dû cesser
s'il n'avait pas eu la ressource du mont-de-piété. Du reste, comme l'a fort
bien dit l'honorable M. Van Cutsem, si les monts-de-piété n'existaient pas, ce
petit commerçant aurait recours à d'autres moyens, il aurait recours aux
maisons de prêts sur gages qui sont certainement plus nuisibles que les monts
de-piété.
Enfin, messieurs, si vous ne maintenez pas les
dépôts d'objets de peu de valeur, vous consacrerez une véritable injustice, car
les négociants ayant un commerce plus étendu, et par conséquent plus de
marchandises à déposer, continueront a jouir de la faculté de faire ces dépôts,
puisque les objets pourront toujours être vendus dès que la valeur s'élèvera à
une somme supérieure a 100 francs. La mesure serait donc directement contraire
aux intérêts du petit commerce que la loi est destinée à favoriser.
(page 974) M. Anspach. - M. le ministre de la justice
a cherché à nous démontrer l'utilité du maintien des dépôts de marchandises
neuves dans les monts-de-piété ; mais, malgré ses observations, je persiste à
croire que cette utilité est au moins très contestable. Le but de la loi qui
nous est soumise est de protéger le petit commerce ; or, jusqu'à présent les
petits marchands avaient la faculté d'envoyer des marchandises aux salles de
vente ; et dès lors ils seront obligés de recourir à d'autres moyens, moyens
que leur intelligence ne manquera pas de découvrir ; le premier de ces moyens
sera évidemment le dépôt de leurs marchandises au mont-de-piété, et dès lors
notre loi n'aurait fait que déplacer le mal ; le dommage que le commerce de
détail éprouvait précédemment de la part des salles de vente, il l'éprouvera à
l'avenir de la part des monts-de-piété.
On nous dit que
si les dépôts de marchandises neuves au mont-de-piété ne sont pas maintenus,
les petits marchands qui éprouveront de la gêne, seront obligés de s'adresser à
des usuriers. Mais, messieurs, je ne connais pas de plus grands usuriers que
les monts-de-piété ; l'honorable M. Rodenbach nous la dit, ils prennent jusqu'à
30 et 40 p. c ; il n'est pas d'usurier qui prenne un intérêt aussi élevé
lorsqu'on lui donne un gage en marchandises. Cette objection ne me paraît donc
pas valable.
Ensuite, messieurs,
pourquoi les monts-de-piété ont-ils été institués ? Mais c'est pour venir au
secours des personnes qui, dans un cas donné, se trouvent dans une position
telle, qu'elles sont réduites à donner en gage leurs meubles ou leurs vêtements
pour ne pas souffrir de la faim. Voilà pourquoi les monts-de-piété ont été
institués, mais ce n'est pas seulement pour prêter de l'argent sur des marchandises
neuves à des personnes qui ne sont pas réduites à la dernière extrémité. Or,
ceux qui ont des marchandises neuves à déposer ne sont certes pas dans la
position malheureuse que je viens d'indiquer.
Ainsi, messieurs, les raisons que M. le ministre a
données à l'appui de son amendement ne sont pas de nature à me faire voter en
faveur d'une disposition qui donnerait exceptionnellement aux monts-de-piété le
droit de vendre publiquement des marchandises neuves par petites quantités.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je commence par satisfaire
à la demande qui a été faite tout à l'heure par l'honorable rapporteur de la
section centrale, en indiquant à la chambre quelles sont les autorités qui se
sont prononcées pour ou contre le dépôt des marchandises neuves dans les
monts-de-piété.
Brabant :
La députation permanente, la chambre de commerce de Bruxelles, le tribunal de commerce
de Louvain demandent le maintien des dépôts ; le tribunal de commerce de
Bruxelles se prononce contre ces dépôts.
Anvers :
La chambre de commerce pour ; la députation permanente et le tribunal de commerce contre.
Flandre occidentale.
La députation permanente, les chambres de commerce de Bruges, de Courtray,
d'Ypres et d'Ostende ainsi que les tribunaux de commerce de Courtray et
d'Ostende pour. Le tribunal de commerce de Bruges, seul, contre.
Flandre orientale.
La chambre et le tribunal de commerce de Termonde, le tribunal de commerce de
St-Nicolas, pour. La chambre et le tribunal de commerce de Gand, contre.
Hainaut. La députation
provinciale, le tribunal de commerce, la commission des hospices de Mons, ainsi
que la chambre de commerce de Tournay, pour ; la chambre de commerce de Mons
est contre ainsi que celle de Charleroy.
Liège. La députation
provinciale et le tribunal de commerce de Liège, ainsi que la chambre de
commerce et le tribunal de commerce de Verviers, pour.
Limbourg. Les
tribunaux de commerce de Hasselt et de Tongres montrent de l'incertitude. La députation
faisant fonctions de chambre de commerce à Hasselt est d'avis qu'il ne faut pas
maintenir les dépôts.
Luxembourg. Aucun
avis n'a été donné.
Namur. La députation
permanente, la chambre de commerce et les tribunaux de commerce de Namur et de
Dinant pensent qu'il est nécessaire de laisser les choses dans l'état où elles
se trouvent.
Ainsi, messieurs,
31 avis sont favorables, et 13 seulement sont contraires. Parmi les 31 qui sont
favorables, il en est plusieurs qui émanent non seulement de chambres de
commerce, mais même des tribunaux de commerce.
Je puis donc,
ce me semble, avec raison, demander le maintien du statu quo jusqu'à ce que la question
puisse être examinée d'une manière approfondie.
Je répondrai maintenant
deux mots à ce qui a été dit par l'honorable M. Anspach. L'honorable membre ne
me paraît pas méconnaître que, dans l'état actuel des choses, la vente des
marchandises neuves déposées dans les monts-de-piété n'offre aucun inconvénient.
En effet, messieurs,
en présence des chiffres que j'ai cités, il serait difficile de soutenir
qu'alors que le rapport est de 7 à 10,000 objets, il peut y avoir quelque
inquiétude d'un état de choses semblable.
L'honorable membre
craint que les mesures consacrées par la loi pour empêcher les ventes dans les
salles de vente n'aient pour résultats de faire affluer les amateurs dans les
monts-de-piété. Mais à cela la réponse est très facile.
Il ne s'agit pas
de savoir s'il y aura plus d'amateurs dans les monts de-piété, mais uniquement
si l'on y déposera plus d'objets. Or les mesures que vous prendrez pour
empêcher les ventes publiques ne feront pas affluer les objets dans les monts-de-piété
; évidemment tel ne sera pas le résultat de ces mesures.
Lorsque l'on dépose
une objet dans une salle de vente, on le fait dans l'espoir d'en obtenir le
prix réel, le prix véritable, et l'on conçoit dès lors que des individus
déposent des objets dans des salles de ventes pour les vendre et en être payés
à l'instant.
Mais quand il
s'agit de déposer dans les monts-de-piété, le motif ne peut pas être le même : on
n'obtient pas la valeur de l'objet déposé, mais une valeur de beaucoup
inférieure.
Ainsi, ceux qui
déposent des objets dans les salles de ventes pour les vendre et en obtenir le
prix, ne sont pas guidés par te même motif que les individus qui vont porter des
objets dans les monts-de-piété, avec l'intention de les reprendre plus tard ;
ceux-ci prévoient qu'ils auront des rentrées, que des fonds seront mis à leur disposition
plus tard, et qu'ils pourront alors reprendre les objets déposés. Ces deux
classes de personnes ont donc des intentions différentes, des intérêts différents,
et elles sont mues par des considérations d'un autre ordre.
L'honorable M.
Anspach vous dit que le seul argument que l'on ait fait valoir pour maintenir aux
monts-de-piété le droit de prendre des marchandises neuves, est que si ce droit
n'était pas maintenu, on aurait recours à des usuriers, ce qui serait
infiniment plus nuisible.
« Mais, ajoute l'honorable membre, y a-t-il rien de
plus usurier que les monts-de-piété ? L'honorable M. Rodenbach vous l'a dit,
les monts-de-piété exigent des intérêts usuraires, et par conséquent
l'inconvénient que l'on veut éviter existe déjà. »
Mais je réponds
à l'honorable membre par le code pénal. Les maisons de prêts sur gages sont
défendues, et il ne faut donc pas donner par la loi un encouragement à commettre
un délit. Si on reconnaît, comme semble le faire l'honorable membre, qu'il est
indispensable d'autoriser les prêts sur gages pour venir au secours d'individus
qui sont dans une position gênée, il faut nécessairement maintenir la faculté
donnée aux monts-de-piété, si l'on ne veut pas que des maisons de prêts sur
gages clandestines s'élèvent, et qu'on soit dans le cas d'appliquer fréquemment
l'article 411 du code pénal.
M. Rodenbach. -
Messieurs, je persiste à considérer l'amendement de M. le ministre de la
justice comme tout à fait inutile. M. le ministre de la justice nous a dit
lui-même que sur dix mille articles déposés au mont-de-piété, il n'y en a que
sept qui soient des marchandises neuves. C'est pour ce motif que je demande le
rejet de l'amendement. D'ailleurs, c'est un principe que je ne puis admettre.
M. le ministre convient lui-même que le taux est usuraire. Ainsi, de l'aveu
même du ministre, son amendement est un amendement usuraire. Pourquoi
admettrait-on un principe injuste dans une nouvelle loi ?
Un honorable député
de Bruxelles, a présenté des observations auxquelles je m'associe entièrement.
Je trois aussi que ceux qui déposent des marchandises neuves dans les
monts-de-piété font ce dépôt au grand préjudice de leurs créanciers ; quand les
personnes qui font ces dépôts, ne peuvent pas reprendre leurs marchandises, les
monts-de-piété réalisent un bénéfice de 30 à 40 p. c. Si les personnes qui, étant
dans la gêne, ont suspendu leurs payements, avaient payé, avec ces marchandises
neuves, leurs créanciers, elles n'eussent pas perdu 30 ou 40 p. c.
On a dit que si on ne peut pas déposer des
marchandises neuves dans les monts-de-piété, on se jettera dans les mains des
usuriers. Mais il est à remarquer que si les usuriers prêtent souvent à 20 ou
30 p. c, c'est sur une simple signature, tandis que les monts-de-piété ont des
marchandises en garantie ; c'est à coup sûr qu'ils gagnent 30 à 40 p. c.
Peut-on dans un pays où l'on proclame les principes de justice, admettre un
amendement foncièrement injuste ?
M. Delehaye, rapporteur. -
Messieurs, l'ancien collègue de M. le ministre de la justice, auteur du projet
de loi, M. Nothomb, connaissait bien toutes les raisons qui viennent d'être
alléguées par M. le ministre de la justice à l'appui de son amendement. Je
regrette que sur cette question il n'y ait pas eu entre M. Nothomb et M. le
ministre de la justice plus d'homogénéité ; quoiqu'il en soit, examinez la
proposition telle qu'elle vous est faite.
M. le ministre
de la justice est d'accord avec nous que, sous le régime actuel, il n'y a pas
matière à envisager la question sous un rapport très favorable, attendu que le
dépôt des marchandises neuves est presque insignifiant.
Dès lors vient
à tomber le principal argument qui a été invoqué par un honorable député de
Courtray ; ce membre a dit qu'il faut venir, par ce moyen, au secours des commerçants
en détail qui sont dans un moment de gêne ; mais si la législation
existante qui permet le dépôt des marchandises neuves dans les lombards, n'a
pas eu cet effet, pourquoi craint-on que l'interdiction de cette faculté soit
si nuisible ?
Examinez un instant
la question telle qu'elle se présentera lorsque la loi que vous discutez sera
en vigueur. Vous aurez interdit partout les ventes à l'encan, excepté cependant
dans les lombards ; le lombard sera désormais un asile où viendront se réfugier
ceux qui voudront se défaire à tout prix de marchandises neuves. Quel résultat
voulons-nous atteindre par le projet de loi actuel ? C'est de donner une
protection au commerce en détail contre la vente des soldes de magasin, de
produits qu'on ne peut pas placer sur te marché.
Vous avez vu que
dans la Flandre occidentale, toutes les chambres de commerce, excepté celle de
Bruges, ont été favorables à la proposition ministérielle ; pourquoi l'ont-elles
été ? Parce que les principales de ces villes sont des villes frontières ;
elles ne seront pas forcés de voir affluer dans leurs lombards tous les
produits français qui se déversaient jusque-là sur le marché belge ; c'est dans
ces lombards qu'on viendra déposer tous (page
975) les soldes de magasin contre l'introduction desquels nous voulons
prémunir aujourd'hui le commerce de détail.
M. le ministre de la justice a déclaré que dans son
opinion, il était nécessaire de présenter un projet de loi sur les
monts-de-piété. C'est un motif de plus pour ne pas admettre aujourd'hui
l'amendement de M. le ministre de la justice.
Messieurs, un
honorable député d'Ostende a indiqué une modification nécessaire à l'article 3.
Cette modification a été signalée hier, je pense qu'il est inutile de demander la
division ; il va de soi que la portée de l'article 3 qui concerne les comestibles,
est devenu sans objet, par l'adoption du n°11. La proposition tombe donc
d'elle-même.
M. Cans. - Messieurs,
ce qui vient d'être dit par l'honorable préopinant sur la question des
lombards, me laissera peu de chose à ajouter. Les marchands peuvent aujourd'hui,
dit-on, déposer des marchandises neuves au lombard. Cette mesure leur est
indispensable pour pouvoir réaliser les fonds dont ils ont besoin pour acquitter
les traites qui leur sont présentées.
Messieurs, on
ne défend pas au marchand de déposer au lombard ce qui lui appartient, il peut y
déposer ses meubles, son linge, son argenterie, s'il en a ; mais il doit lui être
défendu d'y déposer des marchandises neuves qui, en définitive, ne sont pas à
lui, mais qui sont le gage de ses créanciers.
On craint que
si on enlève au marchand la faculté de déposer des marchandises neuves aux monts-de-piété,
il ne puisse pas faire honneur aux traites tirées sur lui. Cette crainte n'est
pas fondée ; il faut connaître les habitudes du commerce dans notre pays.
En général, dans
ce pays, le commerce fait des traites qui sont toutes endossées avec retour
sans frais. Ce qui signifie que, quand la traite est présentée au payement et
que celui sur qui elle est tirée n'est pas en mesure d'y faire honneur, le
porteur l'a renvoyé au tireur ; cela n'occasionne d'autre dépense que celle
d'un simple port de lettre.
Voilà, messieurs,
les habitudes du commerce. Je pense donc qu'on ne doit pas encourager chez le
négociant cette tendance à déposer des marchandises au lombard ; on doit, au contraire, l'empêcher par tous les
moyens. Ainsi, ce que nous discutons ici n'est nullement dans l'intérêt du
commerce de détail, mais bien dans l'intérêt des lombards. Or, la question des
lombards n'est pas à l'ordre du jour en ce moment.
M. le ministre
de la justice s'est appuyé sur les rapports qui lui ont été faits par différentes
autorités, relativement à l'amendement qu'il a proposé. Parmi ces rapports, les
uns sont favorables, les autres sont défavorables.
Si on tenait seulement
compte du nombre des rapports favorables, on pourrait peut-être être entraîné à
adopter la mesure. Je suis donc en quelque sorte obligé, avec tous les égards
que je dois aux personnes en cause, de dire comment il se fait, au moins pour
le Brabant, que la députation permanente et la chambre de commerce de Bruxelles
ont été d'un avis contraire à l'opinion du tribunal de commerce de la capitale.
La députation
permanente du Brabant est composée de propriétaires ; je crois qu'elle n'a dans
son sein qu'un seul négociant. J'ignore si la députation permanente a pris des
renseignements auprès de négociants, avant de rédiger son rapport.
Quant à la chambre
de commerce, elle est composée en grande partie de négociants qui se sont
retirés du commerce et qui sont étrangers au mouvement actuel des affaires. Un
des membres est en même temps membre du conseil des hospices, un autre fait
partie de la commission du mont-de-piété, et le secrétaire de la chambre de
commerce est greffier du mont-de-piété. On s'explique donc très bien comment la
chambre de commerce de Bruxelles a rédigé un rapport favorable à la mesure ;
mais le tribunal de commerce a été unanime pour la repousser.
Si je passe en revue les avis des autres tribunaux
de commerce, je trouve que les tribunaux de commerce d'Anvers, de Gand, de
Bruges, sont opposés à la disposition ; le tribunal de commerce de Liège est le
seul des tribunaux de commerce de quelqu'importance qui se soit prononcé en
faveur de la mesure.
M. le ministre
de la justice a dit que l'on ne s'était pas élevé contre la vente publique de
marchandises neuves par les monts-de-piété. Cela s'explique : jusqu'à présent,
quand un marchand devait réaliser immédiatement des fonds, il avait recours aux
maisons où l'on vend des marchandises neuves à l'encan, mais cette faculté va
être interdite ; on aura dès lors recours aux monts-de-piété, et les
marchandises vont affluer dans ces établissements.
M. Dedecker. -
Messieurs, j'appuie l'amendement qui a été présenté par M. le ministre de la
justice. Le rejet de cet amendement aurait des conséquences très graves, tant pour
les monts-de-piété que pour le petit commerce qu'on veut protéger par la loi.
L'honorable M.
Cans dit que les monts-de-piété ne sont pas en jeu, en ce moment, que nous ne
discutons pas un projet de loi qui ait rapport a ces institutions. Cela me fait
croire que l'honorable préopinant n'apprécie pas suffisamment la portée de l'amendement
de M. le ministre de la justice. Si vous interdisiez d'une manière générale
l'acceptation des marchandises neuves par les monts-de-piété, par cela seul
vous décidez peut être de l'existence des monts-de-piété, et en tout cas vous
vous opposez à ce que les monts-de-piété, dans un avenir prochain, puissent
diminuer l'intérêt qu'ils perçoivent aujourd'hui.
On sait, d'ailleurs,
que l'institution des monts-de-piété a une double portée : ce n'est pas
seulement une œuvre de bienfaisance, c'est encore une espèce de banque, d'institution
de crédit pour le petit commerce ; elle a eu constamment ce double caractère.
Il est reconnu que si les monts-de-piété ne pouvaient recevoir en gage des
marchandises neuves, ces établissements devraient percevoir sur les hardes des
pauvres un intérêt beaucoup plus élevé.
Car, messieurs,
il ne suffit pas de se reporter à l'époque de la pieuse fondation des
monts-de-piété ; il faut examiner leur organisation actuelle pour se rendre compte
de leurs opérations ; or, chacun sait que ces établissements ont des frais
énormes à supporter. Autrefois les monts-de-piété avaient un local et un personnel
d'administration qui leur étaient donnés gratuitement ; ils avaient un fonds de
dotation provenant de la charité des fidèles sur lequel ils pouvaient prêter
gratuitement aux pauvres. Aujourd'hui les monts de-piété doivent payer le loyer
du local qu'ils occupent, et ils n'obtiennent leur fonds de roulement qu'au moyen
d'emprunts qu'ils font aux hospices et aux bureaux de bienfaisance et pour
lesquels ils payent 3, 4 et quelquefois
5 pour cent ; il y a de plus des frais généraux d'administration très
considérables. Il est prouvé pour les personnes qui ont fait une étude
approfondie de ces institutions, que sur un gage de 12 francs l'administration
perd ; en France elle perd jusque sur des gages de 10 francs. Si vous défendez
aux monts-de-piété de recevoir des objets d'une certaine valeur, non seulement
il faudrait maintenir l'intérêt que déjà l'on appelle usuraire, mais il y
aurait nécessité de l'augmenter. La faculté de recevoir des marchandises neuves
est nécessaire à la conservation des monts-de-piété et aux réformes qu'on
désire et qu'on projette de toutes paris.
Voilà la portée
de l'interdiction que la section centrale propose.
Examinons-la dans
ses rapports avec le petit commerce.
L'expérience prouve
que souvent de petits détaillants se trouvent avoir un approvisionnement complet
de marchandises et n'avoir pas l'argent comptant nécessaire pour acquitter une
traite. Si vous interdisez l'engagement des marchandises neuves aux
monts-de-piété, on s'en débarrassera à tout prix pour faire de l'argent, on ira
se faire rançonner chez les prêteurs clandestins.
Mais, dit un
des honorables préopinants, jusqu'à présent les inconvénients de ces
engagements de marchandises neuves aux monts-de-piété ne se sont pas fait
sentir, parce qu'on pouvait se défaire des marchandises neuves dans des venets
à l'encan. Maintenant que cela ne pourra plus avoir lieu, tous les petits
détaillants, dans leur détresse, vont recourir aux monts-de piété. Messieurs,
quand on sait ce qui se pratique, on n'éprouve aucune crainte à cet égard. On
ne dépose d'ordinaire aux monts-de-piété que des fonds de boutique qui datent
de cinq ou six ans au moins. Un boutiquier qui a besoin de battre monnaie et de
faire de l'argent, n'ira pas se défaire de marchandises qu'il a encore l'espoir
de vendre ; il ne se défera ainsi que de ce que dans le commerce on appelle des
rebuts. Il est de plus à remarquer que la vente au mont-de-piété ne peut se
faire immédiatement, mais seulement 14 mois après le dépôt.
Comment voulez-vous
alors que l'engagement de ces marchandises puisse faire tort au petit commerce
? D'un autre côté, on sait que ce n'est pas la bourgeoisie qui va acheter aux
ventes des monts-de-piété, mais quelques vieilles fripières et revendeuses.
Pour ceux qui ont étudié cette question, il est
prouvé qu'il faut laisser aux monts-de-piété la faculté de recevoir les
marchandises neuves moyennant de prendre les précautions nécessaires pour
prévenir les abus. D'ailleurs, messieurs, on vous a démontré que les dépôts de
marchandises neuves sont insignifiants. L'année dernière, sur 92,000
engagements au mont-de-piété de Bruxelles, il n'y a eu que 350 dépôts de
marchandises neuves et d'une valeur très faible. Il n'y a donc pas de motif
pour changer ce qui a existé jusqu'à ce jour, alors surtout que ce changement
amènerait des inconvénients bien plus graves et plus nombreux que ceux qu'on
veut éviter.
M. Desmet. - On pense que, par le rejet de l'amendement
de M. le ministre de justice, on va empêcher désormais tout dépôt de marchandises
neuves aux monts-de-piété ; c'est une erreur, on tombera dans les termes du
n°11 qui fixe le minimum de la quantité qui pourra être mise en vente. Pourquoi
voulons-nous rejeter l'amendement proposé ? Ce n'est pas pour empêcher le dépôt
et la vente dans les monts-de-piété, mais pour les restreindre dans les limites
déterminées par le n°11 de l'article 2.
On du que les
monts-de-piété sont des espèces de banques. Je trouve que ce sont des barques désastreuses,
des banques usuraires ; tous ceux qui s'adressent à ces banques sont sur le
chemin de la banqueroute.
L'honorable
préopinant vous a dit que si on n'adoptait pas l'amendement de M. le ministre,
on se trouverait dans la nécessité d'augmenter encore les intérêts que
perçoivent les monts-de-piété. C'est fort consolant pour les malheureux. Déjà
on paye 15 p. c. ; si on doit augmenter encore cet intérêt, ce sera une belle
institution.
Je crois que l'honorable
membre se trompe. J'espère que le gouvernement prendra des mesures pour qu'un
déposant puisse, jusqu'à concurrence d'une certaine somme, obtenir un prêt
gratuit. A Gand, le mont-de-piété a reçu en 1842, 19 mille objets sur lesquels
il a prêté 64 mille francs sans intérêt. Le gouvernement pourrait faire ce que
la ville de Gand fait pour les pauvres. Et alors on pourrait commencer à dire
que les monts-de-piété sont utiles !
Le motif pour
lequel je veux rejeter l'amendement de M. le ministre, est d'empêcher qu'on n'abuse
des monts-de-piété. L'honorable préopinant vous a dit que les commerçants n'y
déposaient que des fonds de magasin ; ce sont ces ventes de fonds de magasin,
qui font le plus de tort, le plus de mal aux petits détaillants. Et c'est dans
l'intérêt de ces petits détaillants que vous avez défendu la vente à l'encan
des fonds de marchandise, et des marchandises passées de mode.
(page 976) En m'opposant à l'amendement du
ministre, j'ai encore pour but d'avoir sur les monts-de-piété une loi qui en fusse
cesser les abus.
Par le rejet de
l'amendement vous n'interdirez que les dépôts de petites quantités ; mais s'il
passe, on aura un moyen d'éluder la loi.
Je crois donc que dans l'intérêt du pauvre, du
petit commerçant, on fera bien de rejeter l'amendement.
Et si le commerçant
ou fabricant se trouve dans le besoin de se procurer quelques fonds, il pourra
bien trouver des personnes qui lui prêteront sur gages ; d'ailleurs, ces prêts
se font journellement et même à des taux très raisonnables. Quand l'honorable
M. Anspach a fait cette remarque, l'honorable ministre de la justice a répondu,
si je ne me trompe, que ces prêts sur gages faits par des particuliers sont
défendus ; mais je ne le pense pas ; ce qui est défendu, ce sont ces lombards
publics, tenus par des particuliers. mais c'est là toute autre chose !
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je suis heureux d'avoir
rencontré, pour soutenir mon amendement, un appui comme celui que m'a prêté
l’honorable M. Dedecker ; quand on se trouve d'accord avec quelqu'un qui a
étudié, d'une manière si approfondie et si complète, la question des
monts-de-piété, on peut persévérer avec confiance dans l'opinion qu'on a émise.
La chambre se rappellera les paroles de l'honorable membre. Il vous a dit que
l'institution des monts-de-piété serait compromise si on n'adoptait pas
l'amendement que j'ai proposé. Cette considération seule devrait suffire pour
en assurer l'adoption ; car je pense que personne ne veut supprimer,
incidemment du moins, l'institution des monts-de-piété.
Je pourrais aussi
invoquer à l'appui de mon amendement ce qu'a dit l'honorable M. Cans. Ne vous
méprenez pas, a-t-il dit, sur la portée de la loi ; il ne s'agit pas ici de
monts-de-piété, il s'agit d'empêcher les ventes à l'encan ; or, s'il ne s'agit
pas de monts-de-piété, mais des ventes à l'encan, n'allez pas, dirai-je, à mon
tour, trancher une question vitale pour les monts-de-piété, une question qui
peut avoir les conséquences les plus graves sur cette institution. Attendez que
nous soyons à même de traiter cette question d'une manière approfondie lors de
l'examen de la loi qui va vous être incessamment présentée.
Les monts-de-piété
ne sont pas seulement des institutions où un malheureux peut aller déposer
quelques vêtements pour obtenir une somme nécessaire pour pourvoir
momentanément à son existence. Ce sont aussi des institutions de crédit pour le
petit commerce. Ces institutions sont indispensables. Il ne suffit pas qu'un
marchand puisse y aller déposer quelques meubles, il faut encore que ce
commerçant, dans un moment de gêne, puisse déposer des marchandises et obtenir
quelques fonds à l'aide desquels il puisse maintenir son crédit.
On semble
toujours préoccupé de la crainte que l'on dépose des objets par spéculation,
car il me paraît que c’est le principal argument qu’on a fait valoir pour
défendre le dépôt de marchandises neuves dans les monts-de-piété. Maintenant,
dit-on, on spécule en faisant vendre à l'encan les marchandises neuves. Si l'on
supprime ces ventes, on déposera les marchandises au mont-de-piété. Mais,
messieurs, et l'honorable M. Dedecker vous a dit avec raison, on ne spécule pas
pour obtenir sur une marchandise la moitié de sa valeur. On conçoit, en effet,
que dans les ventes à l'encan où l'on espère vendre les marchandises à un prix
peut-être supérieur à leur valeur, on spécule ; mais on ne conçoit pas une
spéculation résultant d'un dépôt au mont-de-piété.
La crainte des
spéculations ne doit donc pas vous préoccuper. Dans l'intérêt des petits commerçants
il faut maintenir la possibilité de déposer des marchandises neuves au mont-de
piété.
J'insiste encore
sur une considération à laquelle me fait penser le discours de l'honorable M.
Desmet. La loi ne veut pas interdire le dépôt des marchandises dépassant la
valeur de 100 fr. ; ainsi, si un négociant en gros se trouve gêné, il pourrait
déposer des marchandises en quantité considérables et elles seront vendues.
On laisse donc
au gros commerce une ressource qu'on enlèverait au petit détaillant, et pourtant
le grand commerçant a beaucoup de moyens de soutenir son crédit, tandis que le
petit commerçant n'a que le mont-de-piété, et l'on voudrait encore lui fermer
cette voie !
Il est
impossible, j'insiste de nouveau sur ce point, de traiter incidemment cette
question, alors que le gouvernement vous annonce qu'un projet de loi complet
vous sera incessamment présenté. Je concevrais, messieurs, que s'il s'agissait
d’établir une exception qui n'existe pas, on s'y opposât, et l'on dît que rien
n'en justifie l'introduction. Mais je puis dire à mon tour que rien ne justifie
le retrait de cette exception qui existe.
N'adoptons pas
l’amendement qui est proposé dit l'honorable M. Delehaye, et si des
inconvénients surgissent, nous serons les premiers à les faire cesser. Mais je
me demande : Pourquoi changer l'état actuel des choses qui ne donne lieu à
aucune plainte, et empruntant la parole de l'honorable membre, je lui dirai :
Si, par suite de la loi, on voit des marchandises neuves affluer en quantités
trop considérables dans les monts-de-piété, nous aviserons.
Qu'il me soit
permis, messieurs, en terminant cette réponse, de lire les paroles d'un honorable
membre dont la voix fait toujours autorité dans cette chambre. L'honorable M.
de Theux s'exprimait ainsi lors de la discussion de la loi de 1838 :
« En fait de législation,
l'expérience est le guide le plus sûr. Or, pour répondre aux observations de
l'honorable préopinant, je dirai que, sous l'empire des anciens règlements,
dont il s'agit de faire revivre d'une manière générale les dispositions,
toujours les ventes effectuées par le mont-de-piété ont été exceptées, sans
qu'aucun des inconvénients signalés se soit révélé. Il serait d'abord
extrêmement difficile de se défaire, par l’entremise des monts-de-piété, de
quantités considérables de marchandises, tandis que rien n'est plus facile par
les ventes à l'encan : les monts-de-piété reçoivent en général des objets de
peu de valeur ; en outre, la vente n'a lieu qu'assez longtemps après le dépôt.
On prête peu sur les gages ; on attend un certain délai pour vendre, et on vend
généralement mal. On vend sans consulter l'opportunité des saisons ; ce sont là
des motifs qui ne font pas craindre sérieusement les inconvénients que semble
redouter l'honorable préopinant..
« Si donc, pendant 15 à 20 ans, il n'y pas eu d'inconvénients
à laisser libres les ventes des monts-de-piété, nous devons supposer qu'il en
sera de même à l'avenir. Au surplus, il ne faut pas oublier que ces
établissements sont sous le contrôle de l'administration supérieure ; et, si
contre toute attente, des abus résultaient de l'exception posée dans la loi,
rien ne serait plus facile que de faire modifier le règlement des
monts-de-piété à l'égard des ventes comme à l'égard des réceptions de
marchandises neuves. »
Il me semble messieurs,
que cette citation vient confirmer pleinement les observations que j'ai
l'honneur de faire à la chambre, et celles si lumineuses que vous a présentées
l'honorable M. Dedecker.
M. Donny. - Je me renfermerai dans la discussion de
l'amendement de M. le ministre, sans m'occuper de la question le savoir s'il
faut conserver ou supprimer les monts-de-piété, question qui me paraît
étrangère à la loi que nous discutons.
Si. comme je le
pense, il n'entre dans l'intention de personne de modifier ici, d'une manière
incidente, les règlements des monts-de-piété, l'amendement de M. le ministre
est nécessaire et même indispensable. Je vais le prouver.
Les monts-de-piété sont régis par des règlements
qui leur imposent la double obligation, d'un côté de recevoir les marchandises
neuves, et d'un autre côté de vendre à l'encan les gages qui ne sont pas
retirés. Si vous rejetez l'amendement du ministre, voici ce qui arrivera : l'on
présentera au mont-de-piété un gage d'une valeur vénale inférieure à cent fr. ;
le mont-de-piété sera forcé de l'accepter ; quand le moment de la vente sera
venu, le gage ne pourra être vendu à l'encan, parce que la loi nouvelle s'y opposera,
et il ne pourra être vendu d'une autre manière parce que les règlements le défendent.
Il en résultera que le mont-de-piété devra conserver indéfiniment des gages
qu'il ne peut se dispenser de recevoir : système complétement inadmissible.
M. de Saegher. - Messieurs,
l'article 3 en discussion laisse à l'appréciation des tribunaux de commerce,
les cas de nécessité dans lesquels pourront être autorisées les ventes de
marchandises neuves ; mais il ne dit pas dans quelle forme la demande devra
être faite. Je pense que ce sera par une requête présentée au tribunal de commerce.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Certainement.
M. de Saegher. - Messieurs
les cas de nécessité qui peuvent se présenter sont assez nombreux. Un négociant
peut demander l'autorisation de vendre ses marchandises, parce que sa maison, par
exemple, a été expropriée pour cause d'utilité publique. Il peut être obligé de
la demander pour fin de bail et parce qu'il ne peut trouver un local convenable
où il puisse continuer pour le moment son commerce.
Il peut arriver,
ainsi que l'a dit hier l'honorable ministre des affaires étrangères, qu'il
demande l'autorisation de vendre pour cause de déménagement. Il peut même exister
des cas où un négociant sera obligé de s'adresser au tribunal de commerce, pour
obtenir l'autorisation, afin de vendre une partie de ses marchandises
seulement, soit qu'il cesse une partie de son commerce, soit pour faire des
fonds, parce qu'il se trouve momentanément gêné.
Voilà, messieurs,
tous cas qui peuvent se présenter, et, si je ne me trompe, dans lesquels le
tribunal de commerce peut autoriser la vente.
Pour obtenir cette
autorisation, messieurs, d'après ce que vient de confirmer M. le ministre, on
devra s'adresser au tribunal de commerce par requête. Le tribunal de commerce
statuera sans doute, comme dans la forme ordinaire, par jugement motivé. Il
devra constater les faits, donner les motifs pour lesquels il accorde ou refuse
son consentement. Des cas très graves peuvent se présenter. Il peut arriver tel
cas même où l'avenir du commerçant dépendra de la réponse affirmative ou
négative du tribunal de commerce.
Maintenant je
demande, messieurs, si ces décisions du tribunal de commerce seront sujettes à appel.
D'abord, je n'en doutais nullement. Car nous sommes dans les principes généraux.
La décision du tribunal est un jugement ; il s'agit d'un jugement, rendu, comme
on dit en termes de procédure, sur requête non communiquée ; c'est un jugement
qui, d'après les règles générales de procédure, est sujet aux deux degrés de
juridiction ; et cela est nécessaire, cela est indispensable, vu l'importance
de la décision qui peut intervenir et qui, je le répète, peut influer
considérablement sur la fortune du commerçant.
Cependant, messieurs,
l'honorable ministre de la justice nous a dit hier qu'il croyait que l'appel
n'était pas nécessaire, parce qu'il admet difficilement que les cas dont il
s'agit présentent des difficultés assez graves pour donner ouverture à appel.
Mais, messieurs,
il ne s'agit pas seulement de difficultés, il s'agit d'intérêts graves. Or, il
serait vraiment déplorable qu'un tribunal de commerce pût, en dernier ressort,
décider irrévocablement sur une partie de la fortune d'un commerçant,
puisqu'enfin le tribunal de commerce peut se tromper, d'autant plus qu'il ne
décide que sur simple requête.
(page 977) M. le ministre de la justice a
encore ajouté que la compétence des tribunaux de commerce est assez étendue pour
qu'il n'y ait pas d'inconvénient à permettre qu'ils décident en dernier ressort.
Messieurs, le
tribunal de commerce décide en dernier ressort jusqu'à concurrence d'une valeur
de 2,000 fr. Mais je le répète, l'intérêt du commerçant, dans le cas dont nous occupons,
peut aller bien au-delà de cette somme. Il s'agit ici d'une valeur indéterminée.
Il y a plus, messieurs,
pour régler cet intérêt il n'y a pas même de débat contradictoire.
Le commerçant
expose ses motifs ; le tribunal de commerce peut ne pas indaguer suffisamment ;
il peut avoir des renseignements qui ne sont pas exacts ; ces renseignements n'ont
pas été contredits et le négociant serait forclos du droit de vendre ses marchandises
neuves, même dans les cas d'absolue nécessité, lorsqu'il s'agit peut-être pour
lui d'un intérêt de 10 à 15,000 francs ? Ainsi, je suppose un déménagement
nécessaire pour cause d'utilité publique. Nous en avons des exemples dans ce
moment à Bruxelles. Eh bien, le négociant devra conserver sa marchandise, parce
qu'il ne trouve pas de local convenable pour s'y établir, et parce que le
tribunal de commerce lui refuse l'autorisation de la vendre à l'encan, et il
n'aura aucun moyen pour faire réformer cette décision qui peut reposer sur une
erreur.
Vous sentez, messieurs,
que ces motifs sont suffisants pour qu'il y ait lieu à appel. Mais il y a un
autre motif, c'est qu'il y aurait une anomalie choquante entre ce cas de
nécessité et le cas de cessation de commerce.
Vous remarquerez
que dans le cas de cessation de commerce, le négociant doit s'adresser, non pas
au tribunal de commerce, mais au bourgmestre, et cependant les deux faits sont
d'une même nature. Je présenterai tout à l’heure un amendement quant à ce
point, qui me paraît très défectueux. Mais en supposant qu'il soit admis, il y
aurait pour ce cas appel de la décision du bourgmestre ; tandis que, dans un
cas identique, il ne pourrait y avoir appel de la décision du tribunal de
commerce.
Messieurs, je ne propose pas d'amendement. Je crois
que l'article, tel qu'il est rédigé, doit être interprété dans ce sens, qu'il
pourra y avoir appel. Car, je le répète, il s'agit de principes généraux qui ne
sont pas contestés. Mais je craignais que la déclaration de M. le ministre de la
justice ne pût influer sur les décisions des tribunaux et ne donnât lieu à des
contestations sérieuses. Je pense donc que M. le ministre de la justice
admettra, avec moi, que dans le cas de l'article 3, l'appel sera recevable
comme en matière ordinaire.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, je persiste à
penser qu'il est inutile de permettre l'appel pour les cas auxquels se rapporte
l'article 3.
L'honorable M.
de Saegher nous dit qu'en présence des principes généraux l'appel serait admissible
lorsqu'il s'agirait d'une somme dépassant 2,000 francs, attendu que le tribunal
de commerce rendra, sur la requête qui lui sera adressée, un véritable
jugement.
Messieurs, je
ne pense pas que, d'après les principes généraux, on puisse qualifier de jugement
la décision qui sera rendue par le tribunal ae commerce. Il ne s'agit pas, pour
le tribunal de commerce, de décider sur un procès pendant entre deux individus,
mais bien de remplir une mission nouvelle qui lui est donnée d'une manière
spéciale, dans la loi que nous discutons.
Je crois que,
d'après les principes généraux, l'appel n'existerait pas de droit, si cet appel
n'était pas écrit d'une manière formelle dans l'article 3, parce que, je le répète,
il ne s'agit pas ici d'un véritable jugement, mais d'une décision rendue en
matière non contentieuse.
Maintenant, messieurs,
est-il nécessaire d'autoriser l'appel en pareille circonstance ? Je pense,
messieurs, que cela est inutile, et je persiste dans les motifs qui ont fait
adopter hier cette opinion.
De quoi s'agit-il,
en effet ? Il ne s'agit pas de discuter des questions controversées, d'appliquer
des principes de droit, d'examiner les détails souvent très compliqués d'une
affaire. Il s'agit uniquement d'apprécier s'il y a pour le négociant nécessité,
oui ou non, de vendre. Or, rien n'est plus simple qu'une semblable
appréciation.
Je dirai plus,
je concevrais difficilement comment, sans enquête, sans un examen des faits,
sans un interrogatoire sur faits et articles, la cour d'appel pourrait avoir
des éléments suffisants pour réformer une semblable décision.
Je pense, messieurs,
que cette appréciation peul être réservée exclusivement aux tribunaux de
commerce, et je pense qu'elle peut leur être réservée avec une entière confiance.
Les tribunaux de commerce, d'après leur constitution, donnent, me paraît-il,
pleine garantie pour la manière dont ils rempliront cette mission en appréciant
les intérêts du commerce. Messieurs, on propose dans la loi d'accorder au
tribunal de commerce le droit de donner l'autorisation, mais cette décision est
tellement peu judiciaire que j'aurais admis également que la chambre de
commerce fût chargée de cette délégation.
Cette
appréciation des cas de nécessité, on peut la laisser, je le répète, avec une
pleine et entière confiance aux juges consulaires qui, par leurs relations de
tous les jours, sont plus à même que les cours d'appel, d'apprécier les
nécessités et les besoins du commerce.
Je conçois qu'on
en appelle des décisions des tribunaux de commerce lorsqu’il s'agit d'un procès,
parce qu'alors ils apprécient des questions difficiles et des questions de
droit sur lesquelles les cours d'appel doivent être appelées à décider. Mais il
n'en est plus de même lorsqu'il s'agit d'apprécier s'il y a nécessité pour un
commerçant de vendre ses marchandises.
L'honorable préopinant,
messieurs, s'effraye de ce droit laissé aux tribunaux de commerce. Il y trouve
le danger pour un négociant de voir consommer sa ruine. Comment, vous dit-il,
un négociant aura pour 12 ou 15,000 francs de marchandises, il devra déménager
et on pourra l'empêcher de vendre ; bien qu'il n'ait pas de local convenable,
il devra emporter avec luis son magasin. Messieurs, je réponds par la loi
elle-même. Qu'est-ce que la loi empêche ? Elle empêche de vendre en certaines
quantités. Mais elle n'empêchera pas le négociant de vendre en quantités
immédiatement supérieures.
Ainsi les craintes de l'honorable M. de Saegher ne
me paraissent pas fondées, d'abord parce que j'ai pleine confiance dans les
tribunaux de commerce, qui seuls sont à même de bien apprécier ces questions,
et en second lieu, parce que le refus d'accorder l'autorisation de vendre, qui
serait fait par le tribunal de commerce, ne porte pas l'interdiction absolue
pour le négociant de vendre, et même de vendre en vente publique.
Voilà, messieurs,
les motifs qui me font croire qu'il est peu utile et même peu convenable de
permettre l'appel en semblable matière.
M. de Haerne. -
Messieurs, je ne tiens pas à prolonger ce débat. Cependant, je désire faire une
observation fort courte.
Il me semble que
les motifs que l'on a allégués en faveur de l'amendement, motifs que l'on peut
faire valoir en faveur des monts-de-piété, vous, ont été tellement bien développés,
qu'il est inutile de revenir sur ce point.
D'un autre côté,
on vous a cité des autorités, et ces autorités sont très puissantes à mes yeux.
On vous a parlé des chambres de commerce, des députations permanentes et d'autres
encore qui se sont prononcés en grande majorité en faveur de l'amendement.
Mais, messieurs, quelques honorables préopinants ont voulu affaiblir ces
autorités.
Ainsi, on vous
a dit que la députation permanente était composée de propriétaires. Il ne m'appartient
pas, messieurs, de décider jusqu'à quel point ces propriétaires sont
incompétents pour juger la question.
On a dit aussi
que les membres de la chambre de commerce de Bruxelles sont des négociants
retirés. Mais je ne crois pas que cela empêche leur compétence.
Mais on a allégué
une autre raison contre l'avis des chambres de commerce de certaines villes
frontières et notamment des chambres de commerce d'Ypres et de Courtray. On a
dit que si leur avis était en opposition avec celui d'une autre chambre de commerce,
de celle de Bruges, le fait s'expliquait facilement, que les villes frontières
se prononçaient en faveur des ventes de marchandises neuves par les monts-de-piété,
parce que par ces ventes on attirait les marchandises étrangères et on en facilitait
le débouché dans le pays.
Messieurs, c'est
là supposer une singulière intention aux membres de ces chambres de commerce.
Si ces corps étaient composés de personnes qui n’ont aucun intérêt à voir
prospérer l’industrie national, je concevrais l'objection. Mais les chambres de
commerce de Courtray et d'Ypres ne sont pas composées de personnes étrangères
aux intérêts du pays. Je crois que leur autorité peut très bien être invoquée
dans cette circonstance et suffit pour justifier la proposition de M. le ministre.
- La discussion
est close.
L'amendement de
M. le ministre de la justice, tendant à ajouter après les mots « par autorité
de justice », ceux-ci : « ou par les monts-de-piété », est mis
aux voix et adopté.
La suppression
du mot « comestibles » dans le second paragraphe est aussi adoptée.
L'article 3 ainsi
modifié est adopté.
Articles 4 et 5
M. le président. - Les articles 4 et 5 sont ainsi conçus :
« Art. 4. Les
ventes publiques et en détail de marchandises neuves, qui auront lieu après décès
ou par autorité de justice, seront faites selon les formes prescrites, et par
les officiers ministériels préposés pour la vente forcée du mobilier, conformément
aux articles 625 et 945 du Code de procédure civile. »
« Art.5. Les ventes
de marchandises après faillites seront faites conformément à l'article 486 du
Code de commerce, par un officier public de la classe que le juge-commissaire
aura déterminée. »
« Quant au mobilier
du failli, il ne pourra être vendu aux enchères que par le ministère d'officiers
publics ayant à ce qualité légale.»
Le gouvernement propose de remplacer ces deux
articles par la disposition suivante :
« Dans les cas
mentionnés à l'article 3, les ventes publiques et en détail ne pourront être
faites que dans les formes prescrites, et par les officiers ministériels ayant
à ce qualité légale, et de plus, en ce qui concerne les ventes après cessation
de commerce et dans les autres cas de nécessité, avec observation des formalités
prescrites par l'article suivant. »
M. Savart-Martel. - Je crois, messieurs,
qu'il faut supprimer cet article, ainsi que toutes les dispositions de ce
projet qui concernent les officiers ayant qualité pour les ventes publiques
mobilières.
Toutes ces dispositions
doivent être laissées au droit commun. Il ne faut pas nous créer des embarras
inutiles. Nous faisons une loi de protection en faveur du commerce à domicile,
et rien de plus. Les notaires, les greffiers, les courtiers, les huissiers, ont
leurs attributions fixées dans des règlements dont nous n'avons point à nous
occuper ici.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Il faut que l'honorable
membre n'ait pas fait attention à la lecture de l'amendement que j'ai proposé,
car cet amendement remplit précisément le but que l'honorable membre a en vue.
Voici en effet ce qu'il porte :
« Dans les cas
mentionnés à l'article 3, les ventes publiques et en détail ne pourront être
faites que dans les formes prescrites, et par les officiers ministériels ayant
à cette qualité légale, et de plus, en ce qui concerne les ventes (page 978) après cessation de commerce et
dans les autres cas de nécessité, avec observation des formalités prescrites par
l'article suivant. »
Il me semble,
je le répète, que cette disposition fait complétement droit aux observations de
l'honorable membre.
- La proposition
du gouvernement est mise aux voix et adoptée.
Article 6
« Art. 6 (qui
devient l’art. 5). Les ventes publiques et par enchères après cessation de commerce,
ou dans les autres cas de nécessité prévus par l'article 3 de la présente loi,
ne pourront avoir lieu qu'autant qu'elles auront été préalablement autorisées
par le bourgmestre, sur la requête du commerçant propriétaire, à laquelle sera
joint un état détaillé et en double des marchandises.
« L'autorisation
ne sera délivrée qu'après que le bourgmestre aura reconnu que le fait qui donne
lieu à la vente est réel et que le commerçant, directement ou indirectement,
personnellement ou sous un nom interposé, n'a pas joui de la même faveur depuis
cinq ans au moins.
« Le bourgmestre
constatera, par l'acte d'autorisation, le fait qui donne lieu à la vente ; il
indiquera le jour et le lieu de la commune où se fera la vente, ainsi que le
temps dans lequel elle devra être terminée ; il pourra même ordonner que les
adjudications n'auront lieu que par lots, dont il fixera l'importance, laquelle
néanmoins ne sera jamais inférieure à ce que prescrit l'article 2.
« Il décidera,
d'après les lois et règlements d'attributions, qui, des courtiers et autres
officiers publics, sera chargé de la réception des enchères.
« L'autorisation
ne pourra être accordée, pour cause de nécessité, qu'au marchand sédentaire, patenté
et ayant son domicile réel, depuis un an au moins, dans la commune où la vente
doit être opérée.
« L'autorisation
et l'état détaillé des marchandises seront transcrits dans les affiches
apposées à la porte du lieu où se fera la vente ; ces affiches seront rendues
publiques huit jours au moins avant la vente, et ne pourront être retirées que
lorsque la vente sera entièrement terminée. »
M. le président. - M. le ministre de la
justice a proposé de remplacer dans le premier paragraphe les mots : « et
par enchères », par ceux-ci : « et en détail » ; d'ajouter dans
le paragraphe 3 les mots « sans désemparer », après ceux-ci :
« devra être terminée », et de supprimer le paragraphe 4.
M. de Saegher
a proposé de substituer, dans le premier paragraphe, le tribunal de commerce au
bourgmestre et de supprimer à la fin du paragraphe 3, les mots : « laquelle
néanmoins ne sera jamais inférieure à ce que prescrit l'article 2. »
M. de Saegher. - Messieurs,
dans l'article en discussion, il s'agit des formalités à remplir en ce qui
concerne l'autorisation des ventes à faire après cessation de commerce et dans
d'autres cas de nécessité. Or, messieurs, nous pensons que le tribunal de
commerce est plus apte qu'un bourgmestre pour apprécier les cas de cessation de
commerce. Ces cas sont toujours fondés sur la position dans laquelle se trouve
le négociants et sur les faits commerciaux qu'il allègue.
En effet, messieurs,
il s'agira d'apprécier, d'après l'article 6, la requête du négociant et l'état
détaillé des marchandises, qu'il joindra à cette requête ; il s'agira d'apprécier
les faits qu'il alléguera pour prouver la cessation réelle de son commerce. Il
sera, d'un autre côté, nécessaire d'indiquer le lieu et les jours de la vente,
ainsi que l'importance des lots. N'est-il pas évident que le tribunal de
commerce est plus à même qu'un bourgmestre, de statuer sur ces différents
points, auxquels le bourgmestre est, le plus souvent, étranger ?
Vous remarquerez,
messieurs, qu'il s'agit de faits essentiellement commerciaux, de faits
concernant le commerce de l'individu qui se présente pour obtenir l'autorisation
de vendre. Et l'on veut soumettre cette appréciation au bourgmestre, qui sera
souvent entièrement étranger au commerce !
Vous savez, en
effet, messieurs, que ce ne sont pas ordinairement des négociants qui remplissent
les fonctions de bourgmestre dans les villes, et c'est cependant dans les
villes que cette autorisation sera le plus souvent demandée.
L'honorable ministre
de la justice nous a dit tantôt qu'il avait pleine confiance dans les tribunaux
de commerce ; il a ajouté qu'en ces matières il avait plus de confiance dans
les tribunaux de commerce que dans les cours d'appel. Eh bien, je demande s'il
ne faudrait pas aussi, dans le cas dont il s'agit maintenant, avoir plus de
confiance dans les tribunaux de commerce que dans les bourgmestres, puisque, je
le répète, il s'agit de faits purement commerciaux.
Vous remarquerez,
messieurs, que, d'après un amendement de l'honorable ministre de la justice,
les cas de nécessité de vendre sont déjà soumis à l'appréciation du tribunal de
commerce ; il ne reste plus que le seul fait de cessation de commerce que l'on
veut soumettre à l'appréciation du bourgmestre ; pourquoi diviser ainsi deux
attributions qui sont tout à fait de la même nature ?
Pourquoi soumettre
au bourgmestre un cas exceptionnel lorsque les cas les plus fréquents sont
soumis au tribunal de commerce ? M. le ministre de la justice, par l'amendement
qu'il a présenté dans la séance d'hier, a déjà dévolu au tribunal de commerce
l'appréciation des principaux faits ? Pourquoi donc ne pas faire un pas de plus
en adoptant un amendement comme celui que j'ai présenté et par lequel on
éviterait de nombreuses difficultés ? C'est ainsi que l'on pourrait supprimer
l'amendement de M. le ministre au paragraphe 2 ; car si mon amendement était
adopté, la distinction établie par cette proposition de M. le ministre ne
serait plus nécessaire.
Si on
maintenait le paragraphe premier de l'amendement de M. le ministre de la
justice, quelle en serait la conséquence ? Le tribunal de commerce apprécierait
les faits, et cependant l'on devrait encore s'adresser au bourgmestre, qui,
toutefois, n'aurait pas le droit de refuser son autorisation. Alors que le
tribunal de commerce aurait apprécié les faits, ce serait le bourgmestre qui
devrait fixer l'importance des lots. Or, la fixation de l'importance des lois
ne peut jamais être qu'une conséquence des faits qui ont été apprécies par le
tribunal de commerce.
Le deuxième amendement
présenté par M. le ministre de la justice devient inutile parce qu'on
maintiendrait le principe du droit commun d'après lequel les cours d'appel
peuvent réformer les décisions des tribunaux de commerce. Je pense que cela est
préférable à l'amendement de M. le ministre de la justice, car il est évident
que la députation du conseil provincial est moins apte encore que les cours
d'appel à décider les points dont il s'agit.
En effet, messieurs,
comment voulez-vous que la députation permanente apprécie les faits et
reconnaisse si le bourgmestre les a bien ou mal appréciés ? Mais ordinairement
la majorité des membres de la députation permanente seront étrangers à la ville
où le cas se présentera, et elle n'a aucun moyen d'investigation, aucun mode de
procédure pour découvrir si la décision du bourgmestre est, oui ou non, fondée.
Il y a quelques instants, l'honorable M. Cans a fait sur l'incompétence de la
députation des observations qui à tous égards peuvent s'appliquer ici.
Messieurs, j'en
viens à l'amendement que j'ai eu l'honneur de proposer au paragraphe 3...
Des membres. - Discutons les
paragraphes séparément.
M. de Saegher. - Si l'on veut
discuter paragraphe par paragraphe, je renoncerai maintenant à la parole.
- La chambre décide
qu'elle examinera l'article paragraphe par paragraphe.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Voici, messieurs,
pourquoi je propose de remplacer les mots « ventes publiques et par
enchères » par ceux de « ventes publiques et en détail ».
L'article 6 doit nécessairement se référer à l'article premier. Or, l'article
premier interdit les ventes en détail. Il m'a semblé qu'il fallait rédiger
l'article 6 de manière qu'il fût en harmonie avec l'article premier.
L'honorable M.
de Saegher propose de remplacer le bourgmestre par le tribunal de commerce. Il
m'est impossible de me rallier à cet amendement. L'honorable membre me semble
avoir fait confusion : il paraît croire que le bourgmestre pourra, dans certains
cas, apprécier les faits qui, dans le cas de l'article 3, auraient déjà été
appréciés par le tribunal de commerce.
C'est là une erreur
: le cas de nécessité sera apprécié d'une manière définitive, et d'après moi,
sans appel, par le tribunal de commerce. Le bourgmestre devra accepter cette
nécessité comme prouvée dès qu'elle aura été déclarée par le tribunal de commerce.
Le bourgmestre devra se borner à vérifier si toutes les autres conditions
exigées par l'article 6 sont remplies par l'individu qui demande l'autorisation.
Vous voudrez bien remarquer, messieurs, que les autres conditions exigées par
l’article 6 rentrent spécialement dans la compétence du bourgmestre ; c'est
l'indication du jour et du lieu où devra se faire la vente, etc., des choses
qui ne peuvent évidemment pas rentrer dans la compétence du tribunal de
commerce qui est souvent éloigné de la localité où se fait la vente.
Je pense donc,
messieurs, qu'il ne faut pas substituer le tribunal de commerce au bourgmestre
; le tribunal de commerce apprécie des faits d'un autre ordre que ceux que le
bourgmestre est chargé d'apprécier. Si le tribunal de commerce devait se
prononcer sur les faits que nous abandonnons à l'appréciation du bourgmestre,
il devrait faire une enquête et se rapporter en définitive aux renseignements
fournis par le bourgmestre lui-même. Ce serait là faire un circuit tout à fait
inutile.
Le tribunal de commerce apprécie un fait
commercial, il constate la nécessite de la vente ; le bourgmestre détermine la
manière dont la vente reconnue nécessaire par le tribunal de commerce, doit
avoir lieu, i
Je pense que de
cette manière chaque autorité reste dans le cercle de ses attributions ; et que
dès lors l'amendement proposé par l'honorable M. de Saegher ne doit pas être
adopté.
M. Cans. - Je demande
que l'on substitue, dans le paragraphe 4, l'autorité du collège échevinal à
celle du bourgmestre. Il peut arriver que dans quelques localités une demande
de vente publique soit adressée au bourgmestre, négociant lui-même, ou dont un
des parents est négociant : le bourgmestre pourrait refuser la vente,
uniquement pour des motifs d'intérêt privé ; tandis que ces motifs n'auront
point d'influence, quand le bourgmestre aura à côté de lui des collègues qui
pourraient l'empêcher de prendre une décision basée sur de semblables motifs.
- L'amendement
de M. Cans est appuyé.
M. Savart-Martel. - Messieurs, les amendements proposés à
l'article 6 par M. le ministre de la justice, améliorent sans doute la
disposition, mais ils n'améliorent guère l'ensemble de la loi. Peut-être eût-on
mieux fait de supprimer la vente en détail de toutes marchandises neuves, car,
comme le disait hier un honorable collègue, l'on aurait au moins le mérite de
la franchise.
Voyons, en effet,
quelle sera la position de celui qui voudra vendre sur enchères pour quelques
centaines de francs de marchandises neuves pour un cas de nécessité qu'on trouvera
toujours assez facilement, je crois.
A. Il devra d'abord
s'adresser au tribunal de commerce, probablement du lieu où doit se faire la
vente, quoique la loi ne s'en explique pas.
L'ordonnance fera
sans doute susceptible d'appel aux termes du droit commun, puisque la loi ne l'empêche
point, et que de plein droit toute décision judiciaire excédant 2,000 fr. est
susceptible d'appel. Et l'on sait les conséquences d'un appel, quant aux frais
et délais. On aurait évité ces inconvénients si l'on s'était contenté de
l'autorisation de la chambre de commerce. Il n'y aurait eu alors qu'une décision
administrative, une espèce de de décision en police commerciale.
(page 979) B. Après avoir levé l'expédition
de l'ordonnance dûment grossoyée, signée et enregistrée ; après avoir
éventuellement obtenu deux experts à nommer par le collège échevinal, probablement
du lieu où doit se faire la vente, lesquels éventuellement, j'en conviens,
estimeront les lots à ses frais, force lui sera-t-il de recourir au bourgmestre
qui fera toutes les justifications que lui impose la loi.
Ces justifications
opérées, et dans le cas où il n'y ait pas nécessité de se pourvoir devant la
dépulation provinciale, il devra obtenir du bourgmestre le jour et le lieu de
la vente ; et qui plus est, le temps dans lequel la vente devra être terminée,
sans désemparer même.
Enfin, il devra
être dressé des affiches contenant l’état détaillé des marchandises.
Et pour consoler
le propriétaire de ses embarras, de ses démarches et de ses frais, il payera au
fisc 5 p. c. du prix de vente, outre les accessoires.
Est-ce là ce que veut la chambre ? Quant à moi,
j'aimerais mieux la prohibition absolue de vendre à cri public toutes
marchandises neuves manufacturées.
Sans doute, il
faut que l'administration soit prévenue du jour de la vente, mais il suffirait
d'un mot à ajouter à l'article 7. En supprimant le premier paragraphe, il se
bornerait à dire :« Tout officier public chargé d'une vente aux enchères de
marchandises en gros ou en détail est tenu de faire au bourgmestre du lieu de
la vente, trois jours au moins avant celui de la vente, une déclaration en
double et détaillée des objets exposés en vente. Un double visé par le
bourgmestre sera remis au déclarant. »
M. Desmet. - Si M. le ministre pense que, pour
autoriser la vente de marchandises neuves dans le cas d'une cessation de
commerce, il faut une double autorisation, celle du tribunal de commerce et en
sus l'intervention du bourgmestre de la commune, je n'ai rien à dire et je m'opposerai
comme lui à l'amendement de M. de Saegher ; mais si cette double autorisation
n'est pas exigée, et que ce soit le bourgmestre seul qui accorde
l'autorisation, alors certainement je devrai appuyer l'amendement présenté par
M. de Saegher, et vraiment il serait extraordinaire que, pour décider dans des
cas si importants où de grands intérêts peuvent être compris, on n'aurait pour
juge qu'un bourgmestre.
Mais j'avais surtout
demande la parole pour faire la même proposition que celle que vient de faire
l'honorable M. Cans, qui consiste à substituer au bourgmestre le collège des
bourgmestre et échevins, et que, dans tous les cas prévus dans l'article 6, ce
soit le collège qui décide et donne l'autorisation et non le bourgmestre seul.
Messieurs, quand on examine, dans la loi communale,
les attributions qui compétent au bourgmestre et celles qu'a le collège,
partout on voit que les décisions, les résolutions, et tout ce qui est de
quelque importance, c'est le collège en corps qui en est chargé, et que le
bourgmestre n'agit seul que dans un cas ou deux, quand il s'agit des actes de
l'état-civil et de l'exécution des règlements de police. Je ne pourrais donc
concevoir que, pour des objets qui peuvent être de très grande importance, on
abandonne le tout à la décision unique du bourgmestre. Cela ne se peut pas et je
ne doute pas que la chambre n’hésitera pas à donner un vote approbatif à
l'amendement présenté par M. Cans.
M. Delehaye, rapporteur. - M. le
ministre de la justice a répondu à l'honorable M. de Saegher, relativement à la
proposition tendant à substituer le tribunal de commerce au bourgmestre. Cette
proposition avait déjà été faite dans le sein de la section centrale ; j'en
avais été moi-même l'auteur, mais elle a trouvé dans la section centrale un
accueil trop tiède, pour que je croie pouvoir la reproduire ici avec chance de
succès.
Quant à la proposition
de l'honorable M. Cans, elle donnerait une forte garantie. Toutefois, j'ai un
doute. Toutes les mesures dont il s'agit sont des mesures de police. Or, la loi
communale défère au bourgmestre toutes les mesures de police. Il faut donc
examiner si la mesure qu'on propose en ce moment peut se concilier avec les
dispositions de la loi communale.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, je pense
aussi qu'il convient d'adopter la proposition de l’honorable M. Cans : ce qui
mettra l'article 6 en harmonie avec l'article 2. En vertu de l'article 2, le collège
échevinal intervient déjà pour la nomination des experts ; il me semble dès lors
qu'il est également convenable de le faire intervenir pour une opération plus
importante que celle de la nomination des experts.
Lorsque l’honorable
M. Cans a proposé son amendement, j'ai fait également la réflexion que vient de
présenter l'honorable M. Delehaye. Je me suis demandé s'il ne s'agissait pas
ici de l'exécution d'une mesure de police et s'il ne faudrait pas laisser cette
exécution au bourgmestre. Mais en l'examinant de plus près, on voit qu'il ne
s'agit pas seulement d'une mesure de police, mais qu'il s'agit encore d'une
autorisation à accorder et de prescriptions à ordonner : ce qui doit rentrer
dans la compétence du collège des bourgmestre et échevins.
Je crois donc
qu'il y a lieu d'adopter l'amendement de l'honorable M. Cans.
L'honorable M.
Desmet a demandé si la cessation de commerce devrait être reconnue par le tribunal
de commerce. Je ne le pense pas : le tribunal de commerce n'est appelé, d'après
l'article 3, qu'à apprécier les cas de nécessité autres que ceux qui sont
expressément énoncés dans l'article.
Ainsi, le tribunal de commerce ne sera pas appelé à
apprécier s'il y a cessation de commerce ; c'est un fait que la notoriété
publique fait connaître. Comment veut-on que le tribunal de commerce de
Bruxelles, par exemple, puisse savoir s'il y a cessation du commerce d'un
individu qui habite Vilvorde ? Evidemment, il faudrait instituer une enquête ;
et une enquête administrative faite par le collège échevinal me paraît suffire.
M. de Saegher. - Messieurs,
M. le ministre de la justice croit que je fais confusion. Je sais que le
bourgmestre ne sera appelé qu'à apprécier les faits de cessation de commerce,
mais voilà en quoi nous différons d'opinion. M. le ministre de la justice a
soutenu tout à l'heure que les détails dans lesquels le bourgmestre doit entrer
ne sont que réglementaires. Or, je prétends le contraire ; je soutiens, et
l'honorable ministre de la justice vient de le dire lui-même : je soutiens que
le bourgmestre devra apprécier s'il y a cessation de commerce oui ou non, et
cessation de commerce telle qu'elle puisse constituer un fait donnant lieu à la
vente.
Je dis que ce
sont là des faits qui peuvent être mieux appréciés par les tribunaux de commerce
que par les bourgmestres.
Voilà pourquoi
j'ai proposé mon amendement qui tend à abandonner aux tribunaux de commerce
l'appréciation de ces faits.
Comment !
Il faudra voir s'il y a en réalité cessation de commerce ; il faudra diviser les
lois, d'après l'importance des besoins du commerce en détail, d'un côté, et des
intérêts du négociant de l'autre, et ce sera le bourgmestre qui devra faire tout
cela ! Mais ce fonctionnaire, dans la plupart des cas, n'aura pas les connaissances
nécessaires pour faire une semblable opération.
Le
gouvernement reconnaît lui-même qu'il pourra y avoir erreur dans la décision du
bourgmestre, car, dans un amendement, il a proposé de conserver le droit
d'appel à la députation permanente.
Mais, messieurs,
ce moyen de redresser une première erreur sera souvent illusoire ; car les
députations permanentes ne sont pas sur les lieux, plus que les tribunaux de
commerce, et en outre, elles ont moins de connaissances spéciales ; il y a plus
de tribunaux de commerce que de députations permanentes ; et cependant, la
députation permanente devra également apprécier si, oui ou non, le bourgmestre
d'un lieu souvent éloigné a bien décidé la question de savoir s'il y avait
cessation de commerce.
Evidemment, si la disposition qui abandonne au
bourgmestre la décision de cette question, doit être maintenue, on peut retirer
l'amendement d'après lequel la députation permanente pourra décider en appel,
d'autant plus qu'il y a ici une anomalie complète. Lorsqu'il s'agit de cas de
nécessité, on en défère l'appréciation aux tribunaux de commerce, et alors, il
n'y a pas d'appel ; d'après M. le ministre de la justice, quand il s'agit d'un
cas de cessation de commerce, de ce cas unique, toujours défini, on laisse
l'appréciation au bourgmestre, il y a appel devant la députation ; c'est la
même nature de faits. Vous faites une distinction qui produit une anomalie
flagrante dans la loi.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L'honorable M. de
Saegher trouve qu'il y a anomalie à soumettre les cas de nécessité au tribunal
de commerce et à faire constater la cessation de commerce par le collège des
bourgmestre et échevins. Je ferai observer que l'appréciation des cas de nécessité
peut exiger des connaissances relativement aux intérêts du commerce,
connaissances que n'exige pas l'appréciation d'un fait unique, celui de la
cessation de commerce. Pour apprécier un cas de nécessité, il faut entrer dans
l'examen des intérêts des commerçants, tandis que quand il s'agit de cessation
de commerce, il n'y a qu'un fait à constater : L'individu a-t-il oui non
cesse le commerce ?
Il y a donc une
différence énorme entre l'appréciation des cas de nécessité et le simple examen
d'un fait matériel tel que celui-ci : tel individu a-t-il ou non cessé son
commerce ? Le collège pourrait dire : Il est de notoriété qu'il a cessé son commerce,
qu'il ne pourrait pas dire : Il y a nécessité de vendre de telle ou telle
manière.
L'honorable M.
de Saegher dit d'un côté : La députation sera appelée à juger en appel, elle sera
plus éloignée que les tribunaux de commerce, car il y en a un par arrondissement
tandis qu'il n'y a qu'une députation pour toute la province.
Je ferai observer que le tribunal de commerce
devrait apprécier en premier ressort, tandis que la députation jugeant en appel
aura sous les yeux l'enquête faite par le bourgmestre. La différence est donc
notoire, essentielle ; la difficulté signalée par M. de Saegher pourrait se
présenter si la députation décidait en premier ressort, mais elle décide en
appel, après une enquête faite dans la localité. De plus, le collège fait
l'enquête sans formalité et sans frais, tandis que le tribunal de commerce
devrait faire une enquête judiciaire avec frais et formalités.
M. Desmet. - Je crois cependant que les observations
que vient de faire mon honorable ami, M. de Saegher, doivent être prises en
considération, et il me semble que l'honorable ministre de la justice, qui a
combattu l'amendement de M. de Saegher, n'a pas suffisamment répondu pour que
le rejet de l'amendement soit voté, si toutefois nous sommes en nombre pour
procéder au vote.
Quand il s'agit
de déclarer l'ouverture d'une faillite, c'est le tribunal de commerce qui prononce
cette déclaration, et cependant je ne vois pas qu'il n'y ait autant de
difficulté a bien constater l'ouverture d'une faillite qu'il y en a pour
établir exactement l'existence d'une cessation de commerce. Il est certainement
aussi facile de constater qu'un commerçant cesse ses payements que d'établir
qu'il a cessé son commerce. Je dirai même que le dernier cas est plus difficile
et qu'il est plus sujet à fraude ; et nous en avons tous les jours des
exemples. Combien n'y a-t-il pas de détaillants qui déclarent fermer leur magasin
et qui cependant le tiennent ouvert ou l'ouvrent quelques jours après l'annonce.
Il me semble que l'on ferait très bien d'adopter l'amendement de M. de Saegher,
et de ne pas abandonner à l'autorité municipale de prononcer souverainement sur
un objet de si grande importance.
- La clôture de
la discussion sur le premier paragraphe est mise aux voix et prononcée.
(page 980) La substitution des mots : « en
détail », à ceux-ci : « et par enchères » est mise aux voix et
adoptée.
La substitution
du tribunal de commerce au bourgmestre est. ensuite mise aux voix. Elle n'est
pas adoptée.
La substitution
du collège des bourgmestre et échevins, au bourgmestre, est mise aux voix et
adoptée.
L'ensemble du
paragraphe ainsi amendé est adopte.
______________
« § 2. L'autorisation
ne sera délivrée qu'après que le collège des bourgmestre et échevins aura
reconnu que le fait qui donne lieu à la vente est réel et que le commerçant,
directement ou indirectement, personnellement ou sous un nom interposé, n'a pas
joui de la même faveur depuis cinq ans au moins. »
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) propose
d'ajouter après le mot : « réel », ceux-ci : « ou a été constaté
par l'autorité judiciaire ».
- Cet amendement
est adopté ainsi que l'ensemble du paragraphe amendé.
«§ 3. Le collège
des bourgmestre et échevins constatera, par l'acte d'autorisation, le fait qui
donne lieu à la vente ; il indiquera le jour et le lieu de la commune où se
fera, la vente, ainsi que le temps dans lequel elle devra être terminée ; il
pourra même ordonner que les adjudications n'auront lieu que par lots, dont il
fixera l'importance, laquelle néanmoins ne sera jamais inférieure à ce que prescrit
l'article 2. »
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) propose d'ajouter
après le mot « terminée », ceux-ci : « sans désemparer ».
M. de Saegher. - Je
demande la suppression des derniers mots : « Laquelle néanmoins ne sera
jamais inférieure à ce que prescrit l'article 2. »
En effet, l'article
premier que vous venez de voter interdit la vente en détail de marchandises
neuves d'une quantité inférieure à celle indiquée à l'article 2, c’est-à-dire
inférieure à 100 fr. Tutes ventes de quantités supérieures à 100 fr. sont
permises, sauf les formalités prescrites par l'article 9 qui ne parle que des
formalités pour les ventes en gros. Maintenant, par exception, l'article 3
permet la vente en cas de décès, faillite ou cessation de commerce, ou dans les
autres cas de nécessité dont l'appréciation sera soumise au tribunal de
commerce.
Ainsi, quant aux marchandises provenant de
cessation de commerce, ou en cas de nécessité reconnue,, on pourra vendre par
quantités d'une valeur inférieure à 100 bancs. Cependant, le paragraphe 3 de
l'article 6 vient exiger, quant aux ventes après cessation de commerce ou en
cas de nécessité, qu'elles ne soient jamais inférieures à ce que prescrit
l'article 2, c'est-à-dire jamais inférieures à 100 fr. C'est là non seulement
détruire l'exception de l'article 3, mais aller au-delà de la règle générale
posée dans l'article premier, d'après lequel il ne faut pas d'autorisation pour
les ventes de quantités d'une valeur supérieure à cent francs ; l'art. 5 permet
la vente au-dessous de cent francs de valeur, et ici, revenant sur ces deux
articles, on l'interdit. Je propose donc la suppression de ces derniers mots.
M. Cans. - J'avais demandé la parole pour proposer
la suppression de l'indication du lieu de la commune où la vente doit
s'effectuer. Je crois qu'elle est inutile et dangereuse. Il peut y avoir des
inconvénients à ce qu'un endroit soit désigné plutôt qu'un autre. Par exemple,
si le bourgmestre fixait un endroit à un quart de lieue du centre de la
commune, il ferait tort au marchand. Il faut laisser le marchand choisir le
lieu qui lui convient. A Bruxelles, par exemple, où il y a plusieurs salles de
vente, le bourgmestre pourrait en désigner une plutôt que l'autre, et favoriser
le propriétaire d'une salle plutôt que celui de telle autre.
Je propose de
plus la suppression des quatre dernières lignes du paragraphe : « Il pourra
même ordonner, etc. » Car, d'après cela, il pourrait prescrire que les
lots fussent quadruples du minimum établi par l'article 2. Le bourgmestre ne
peut pas faire plus que ce que prescrit la loi.
M. de Corswarem. - J'appuie les amendements proposés par les
honorables MM. de Saegher et Cans, ou j’appuie plutôt l'amendement de M. Cans
qui propose la suppression de toute la fin du paragraphe, tandis que M. de
Saegher ne propose d'en supprimer qu'une partie. Je crois véritablement avec
l'honorable M. de Saegher que cette disposition n'est qu'une anomalie.
L'article en discussion ne concerne que les ventes en détail, ne pouvant être
faites, dans certains cas, qu'avec l'autorisation du collège des bourgmestre et
échevins, et, dans d'autres, qu'avec l'autorisation du tribunal de commerce.
L'article 2 indique
en quelles quantités il faudra vendre pour qu'il n'y ait pas vente en détail,
mais vente en gros ; en disant dans le paragraphe en discussion que l'importance
d'un lot ne pourra jamais être inférieure à ce que prescrit l'article 2, on dit
que les ventes en détail ne pourront se faire qu'en gros.
Je crois pouvoir
indiquer à peu près comment cette disposition est venue dans la loi. Quand
l'origine de la loi vous a été indiquée par M. le. rapporteur, il vous a dit
qu'elle avait été rédigée par de gros commerçants, dont une commission spéciale
est établie à Bruxelles.
Ces messieurs
ont fait tout ce qu'ils ont pu pour empêcher les ventes en détail de faire concurrence
au commerce établi ; c'est pour cela qu'ils ont introduit la disposition dont
j'appuie la suppression.
Ce paragraphe
contient une autre disposition qu'il sera impossible d'observer ; il exige que le
collège indique le temps dans lequel la vente devra être terminée. Je suppose
qu'une grande maison de commerce cesse les affaires, il peut y avoir plusieurs
milliers d'articles, le collège des bourgmestre et échevins ne peut pas dire
s'il faudra cinq ou six jours pour les vendre. Tous ceux qui ont la pratique
des ventes savent qu'il faut beaucoup de succès pour faire écouler ses articles
en un jour.
Puis, messieurs, il y a encore une tactique à
suivre dans les ventes : lorsque la vente va bien, il est de l'intérêt du
vendeur de la faire marcher plus vite, pour faire écouler le plus d'articles
possible, pendant que les amateurs sont bien disposés ; lorsque la vente, au
contraire, ne va pas bien, il est de l'intérêt du vendeur de la ralentir, pour
laisser aux amateurs le temps de voir l'avantage qu'il y a à faire des
acquisitions. Il est donc de toute impossibilité non seulement au bourgmestre,
mais même au vendeur et à l'officier public, de dire en combien de jours la
vente pourra être terminée.
M. le ministre
propose d'ajouter : « sans désemparer » ; la vente devra donc
continuer les jours fériés. Telle ne peut pas être l'intention de M. le ministre
et dès lors il devrait modifier sa rédaction. Je proposerai de dire : « II
indiquera le jour où se fera la vente, qui ne pourra être interrompue que les
jours fériés. »
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je crois, en effet, messieurs,
qu'il faut supprimer les quatre dernières lignes du paragraphe ; la disposition
deviendra évidemment plus claire par cette suppression.
L'honorable M.
Cans propose de supprimer également ce qui est relatif à la fixation du lieu de
la commune où se fera la vente. Je reconnais que la désignation du lieu de la
vente pourrait, dans quelques cas, donner lieu à des inconvénients, mais il me
semble pourtant qu'il n'est pas possible de supprimer cette disposition ; elle
me paraît indispensable pour que la vente puisse être surveillée d'une manière
complète et efficace. Si l'on se borne à donner l'autorisation de vendre sans
indiquer le lieu où la vente doit se faire, il serait possible que ce lieu ne
fût pas même connu de l'autorité, et dès lors on pourrait éluder la loi ainsi
que les conditions même auxquelles l'autorisation aura été accordée.
Je pense d'ailleurs
qu'on ne peut pas supposer que le collège des bourgmestre et échevins ira
désigner un lieu qui ne soit pas le plus convenable pour faire la vente. Le
collège des bourgmestre et échevins ne consultera évidemment que l'intérêt du
vendeur et celui de la masse des acheteurs.
L'honorable M.
de Corswarem a fait une observation qui me paraît fort juste. Je pense que surtout
lorsqu'on ordonne de faire la vente sans désemparer, on ne peut pas indiquer en
combien de temps la vente devra être terminée. Ce serait, en effet, dans
certains cas empêcher l'exécution de la loi, empêcher l'autorisation de produire
ses effets. Dès que vous autorisez la vente, il faut bien consentir à ce qu'on
ait le temps nécessaire pour effectuer cette vente. Je n'ai pas bien saisi les
termes de l'amendement de M. de Corswarem, mais je crois faire droit à son
observation en présentant la rédaction suivante :
« Il indiquera le lieu de la commune où se fera la
vente, ainsi que le jour où elle commencera ; la vente sera continuée sans
désemparer, sauf les jours fériés.»
M. de Corswarem. - Je me rallie à cette rédaction.
M. Delehaye, rapporteur. - Je
partage, messieurs, l'opinion de M. le ministre de la justice, qu'il faut
maintenir ce qui concerne la désignation du lieu où doit se faire la vente.
Les ventes
faites à la suite de cessation de commerce, de faillite ou de décès, auront
lieu nécessairement dans la maison où le commerce s'exerçait, et je ne pense
pas que, dans ces cas, il soit permis au bourgmestre d'indiquer un autre lieu ;
la difficulté ne peut exister que pour les cas de nécessité soumis à
l'appréciation du tribunal de commerce ; là, il faut nécessairement que le lieu
de la vente soit indiqué par l'autorité. Il est arrivé plusieurs fois déjà que
l'on choisissait, pour faire des ventes, précisément le lieu où ces ventes
faisaient le plus de tort au commerce ; ainsi, on a vu faire des ventes
publiques de certaines marchandises, précisément à côte de la demeure de
marchands qui tenaient les mêmes articles, et ces ventes se prolongeaient
pendant 3 ou 4 semaines ; vous comprenez, messieurs, quel préjudice il en
résultait pour le commerçant à la porte duquel, en quelque sorte, on faisait de
semblables ventes.
Je pense, messieurs, que, pour éviter des inconvénients
de cette nature, il faut laisser à l'autorité le soin de désigner le lieu où
doit se faire la vente, mais seulement dans les cas de nécessité constatés par
le tribunal de commerce. Dans les cas de cessation de commerce, de faillite ou
de décès, la vente doit naturellement se faire là où s'exerçait le commerce
dont il s'agit de vendre le fonds. Je crois que l'article devrait être modifié
dans ce sens.
Quant à la proposition
de M. Cans, tendant à supprimer les 4 dernières lignes du paragraphe, je crois
qu'il convient de l'adopter ; ces expressions me semblent tout à fait inutiles.
M. Cans. - Je pense,
messieurs, qu'en cas de cessation de commerce on ne peut pas autoriser le
bourgmestre à désigner pour la vente un autre lieu que la maison où s'exerçait
le commerce. On ne peut pas forcer un individu qui cesse son commerce à aller
vendre ses marchandises dans un autre quartier. La disposition devrait, ce me
semble, être restreinte aux cas de nécessité autres que celui de cessation de
commerce.
M. Savart-Martel. - Il paraît que lorsqu'on
permet au bourgmestre de fixer le lieu où la vente doit se faire, c'est afin
que l'autorité puisse exercer sa surveillance, mais il me semble que ce but
serait atteint si dans l'article 9, où il est dit que l'officier ministériel
doit prévenir l'administration quatre jours au moins avant celui de la vente,
l'on ajoutait dans cet article que l'administration doit être prévenue aussi
bien pour les ventes en détail que pour les ventes en gros.
(page 982)
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Messieurs, l'article 6 prescrit d'autres mesures
que l'article 9. L'article 9 est relatif aux ventes en gros, tandis que l'article
6 concerne les ventes en détail. Or, pour celles-ci, il faut bien plus de
précautions que pour les autres, puisqu'elles ne sont autorisées, dans certains
cas, que par exception aux principes généraux de la loi. Il me semble qu'il ne
serait pas du tout logique d'introduire dans l'article 9 une disposition
relative aux ventes en détail.
Je répondrai un
mot à l'honorable M. Cans. Il reconnaît que le bourgmestre doit pouvoir fixer
le lieu de la vente lorsqu'il ne s'agit pas de cessation de commerce ; mais il
dit que, dans ce dernier cas, la vente doit se faire là où s'exerçait le
commerce. Si l'on proposait une rédaction qui rendît cette pensée, je ne m'y opposerais
pas ; je n'en vois pas, du reste, la grande utilité, car il me semble
impossible que le bourgmestre aille forcer un individu qui cesse son commerce,
à vendre ses marchandises hors de chez lui.
(page 980) M.
Delehaye, rapporteur. - On pourrait dire : « Et en outre le
lieu où se fera la vente, dans les cas de nécessité dont l'appréciation
appartient au tribunal de commerce. » (Aux
voix ! aux voix !)
- La discussion
est close.
La suppression
des quatre dernières lignes du paragraphe est mise aux voix et adoptée.
(page 981)
M. le président. - Je mettrai
maintenant aux voix l'amendement de M. le ministre de la justice. S'il n'est
pas adopté, je mettrai aux voix l'amendement de M. Delehaye.
M. Delehaye. - Je ferai remarquer que ma proposition
n'exclut pas celle de M. le ministre ; elle la limite.
M. Cans. - Je propose la rédaction suivante :
« Le collège des
bourgmestre et échevins contrôlera, par l'acte d'autorisation, le fait qui donne
lieu à la vente ; il indiquera le jour où elle se fera. La vente sera continuée
sans désemparer, sauf les jours fériés. Si elle a lieu par suite de cessation
de commerce, elle se fera dans le local où il s'exerçait. En cas de nécessité,
dont l'appréciation appartient au tribunal de commerce, le collège indiquera le
lieu de la vente. »
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Il faut remplacer les
mots : « où elle se fera », par ceux-ci : « où elle
commencera ».
- La proposition
de M. Cans, ainsi modifiée, est adoptée.
_______________
« § 4. Il
décidera, d'après les lois et règlements d'attributions, qui, des courtiers et
autres officiers publics, sera chargé de la réception des enchères. »
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) propose la
suppression de ce paragraphe.
- Cette suppression
est mise aux voix et adoptée.
« §5. L'autorisation
ne pourra être accordée, pour cause de nécessité, qu'au marchand sédentaire,
patenté et ayant son domicile réel, depuis un an au moins, dans la commune où
la vente doit être opérée. »
M. le président. - M. Cans propose par amendement de
commencer ainsi ce paragraphe : « Sauf les cas prévus par les articles
106 et 234 du Code de commerce, l'autorisation ne sera accordée, etc. (le reste
comme au projet). »
M. Cans. - Messieurs,
l’article 106 du Code de commerce prévoit le cas où la vente pourra être
ordonnée par le tribunal si le destinataire des marchandises refusait de les
recevoir. Voici ce qu'il dit :
« Art. 106.
En cas de refus ou contestation pour la réception des objets transportés, leur
état est vérifié et constaté par des experts nommés par le président du tribunal
de commerce, ou, à son défaut, par le juge de paix, et par ordonnance au pied
d'une requête.
« Le dépôt
ou séquestre, et ensuite le transport dans un dépôt public, peuvent en être
ordonnés.
« La vente
peul en être ordonnée en faveur du voiturier, jusqu'à concurrence du prix de la
voiture. »
L'article.
234 est relatif aux capitaines de navire. Le voici :
« Art. 234. Si,
pendant le cours du voyage, il y a nécessité de radoub, ou d'achat de victuailles,
le capitaine, après l'avoir constaté par un procès-verbal signé des principaux
de l'équipage, pourra, en se faisant autoriser en France par le tribunal de commerce,
ou, à défaut, par le juge de paix, chez l'étranger par le consul français, ou,
à défaut, par le magistrat des lieux, emprunter sur le corps et quille du
vaisseau, mettre en gage ou vendre des marchandises jusqu'à concurrence de la
somme que les besoins constatés exigent.
« Les propriétaires, ou. le capitaine qui les
représente, tiendront compte des marchandises vendues, d'après le cours des
marchandises de même nature et qualité dans le lieu de la décharge du navire, à
l'époque de son arrivée. »
Il arrive rarement
dans ce pays que des capitaines demandent cette autorisation ; cependant le cas
peut se présenter.
L'article 6 interdit
à tout autre qu'à un marchand sédentaire, patenté, ayant son domicile réel dans
la localité, de pouvoir vendre publiquement des marchandises. Evidemment, en
présence des deux articles que je viens de citer, il y a une lacune qu'il faut
combler.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je dois combattre cet
amendement, parce que je le trouve inutile et dangereux. Il est inutile, car
l'article 3 autorise les ventes prescrites par la loi ou faites par autorité de
justice. Evidemment, les cas dontl parle l'honorable M. Cans rentrent dans
cette disposition.
Je dis que l'amendement
est dangereux, parce qu'il se borne à citer deux cas, tandis qu'il y en a
plusieurs autres, non seulement dans le Code de commerce, mais aussi dans le
code de procédure civile. Si l'on admettait l'amendement, on pourrait croire
qu'il n'y a que ces deux cas exceptés.
- L'amendement
de M. Cans est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
Le paragraphe
5 est adopté.
_____________
« § 6. L'autorisation
et l'état détaillé des marchandises seront transcrits dans les affiches
apposées à la porte du lieu où se fera la vente ; ces affiches seront rendues
publiques huit jours au moins avant la vente, et ne pourront être retirées que
lorsque la vente sera entièrement terminée. »
- Adopté.
_____________
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) propose un
paragraphe additionnel ainsi conçu :
« Le bourgmestre
sera tenu de statuer dans la huitaine de la demande. Celui auquel l'autorisation
aura été refusée pourra se pourvoir auprès de la députation permanente du
conseil provincial. »
- Ce paragraphe
est adopté. L'ensemble de l'art. 6 est adopté.
Article 7
« Art. 7. Il est
expressément défendu de comprendre dans les ventes autorisées par l'article 3,
des marchandises autres que celles qui font partie du fonds du commerce ou du
mobilier que la vente concerne. »
- Adopté.
Article 8
« Art. 8. Nulle
société ne peut obtenir, pour cause de cessation de commerce, l'autorisation
requise par l'article 6, qu'autant qu'aucun de ses membres ne continue le même
commerce pour son compte particulier ; s'il arrive qu'une société ayant obtenu
semblable autorisation et en ayant profité, l'un de ses membres, pour son
compte particulier, recommence le même commerce dans l'année, il y aura lieu à
l'application des peines comminées ci-après.
- Adopté.
Article 9
« Art. 9. Les
ventes publiques aux enchères de marchandises en gros continueront à être faites
par le ministère des officiers ministériels, ayant à ce qualité légale, aux
conditions et salon les formes prescrites par les lois et règlements.
« L'officier,
chargé de la vente, est tenu de faire au bourgmestre, quatre jours au moins avant
celui de la vente, une déclaration en double et détaillée des objets à mettre
en vente. Un double, visé par le bourgmestre, serai' remis au déclarant. »
- Adopté.
« Art. 10. Toute
contravention aux dispositions ci-dessus sera punie de la confiscation des
marchandises mises en vente, et, en outre, d'une amende, de 50 à 3,000 francs, qui
sera prononcée solidairement, tant contre le vendeur que contre l’officier
public qui l'aura assisté, sans préjudice des dommages intérêts, s'il y a lieu.
« En cas de
récidive dans les trois années, le maximum de la peine sera toujours appliqué.
« Ces condamnations seront prononcées par les
tribunaux correctionnels. »
La section centrale
propose de remplacera chiffre de 3,000 fr. par celui de 1,000 francs.
M. Cans. - Je demande
que le chiffre de 3,000 fr. soit maintenu. Si le maximum de l'amende est réduit
à 1,000 fr., il arrivera très souvent qu'on passera outre à la vente, parce qu'on
aura l'espoir d'en retirer un bénéfice de plus de mille francs.
M. de Corswarem. - Remarquez, messieurs,
que ceux qui feraient ces ventes ne s'exposeraient pas seulement à l'amende,
mais qu'ils s'exposeraient encore à la confiscation des marchandises ; on se
gardera donc bien de faire une spéculation comme celle que l'honorable M. Cans
nous a indiquée.
Il est un autre
fait sur lequel je me permettrai d'appeler l'attention de M. le ministre de la
justice. L'article 7 de la loi du 22 pluviôse an VII punit d'une amende de 50 à
1,000 fr., ceux qui vendent ou font vendre sans l'entremise d'un officier
public ; ce fait est puni.de la même peine par la loi que nous discutons, dont
l'article 4 exige que les ventes soient faites par les officiers ministériels
ayant à ce qualité légale ; je demanderai si les peines prononcées par les deux
lois seront appliquées cumulativement, si le même délit sera puni deux fois.
M. le ministre de la
justice (M. d’Anethan). - Messieurs,
il est de jurisprudence constante que l'on peut cumuler les peines prononcées
par des lois spéciales et je ne pense pas qu'il faille ici déroger à cette
règle, d'après laquelle les tribunaux refusent d'appliquer l'article 365 du
code d'instruction criminelle, quand il s'agit de lois spéciales. Je crois que
si deux contraventions sont commises, il faut que les deux contraventions
soient punies et que l'application de la loi actuelle n'empêche pas d'appliquer
en même temps une autre loi relative aux officiers ministériels.
J'ai une autre
observation à faire sur cet article. Je pense, messieurs, qu'il faut supprimer
le dernier paragraphe portant : « Ces condamnations seront prononcées par les
tribunaux correctionnels. » Cette disposition est relative à la compétence, qui
est réglée par le code d'instruction criminelle.
M. de Corswarem. - M. le ministre de la
justice n'a pas bien compris mon observation ; il s'agit de punir non pas deux
délits différents mais un seul et même délit, ce délit est prévu par la loi de
pluviôse an VII et par l'article 4 nouveau de la loi que nous examinons en ce
moment ; c'est celui qui consiste à faire vendre par une personne qui n'a pas
les qualités légales pour faire des ventes publiques. Voilà un délit que la loi
de pluviôse punit d'une amende de 50 à 1,000 frs., prononcée contre celui qui
vend et contre celui qui fait vendre ; et d'après la loi qui nous occupe celui
qui vend sans avoir les qualités légales et celui qui fait vendre sont
également punis d'une amende de 50 à 1,000 frs. Il n’y a donc pas deux délits
différents, mais il y a un même délit puni par deux lois différentes.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je pense avoir très bien
compris l'honorable membre, et je maintiens que ce sont deux délits différents.
Il s'agit, dans l'article 10, de punir les contraventions à la loi qui nous
occupe ; or, dans cette loi, il n'est pas du tout question de la compétence ou
de l'incompétence des officiers ministériels. Ainsi, par exemple, un individu
qui aura vendu des marchandises neuves par lots d'une valeur inférieure à 100
fr., sera puni en vertu de l'article 10, et si, pour échapper plus facilement à
la surveillance de l'autorité, il a fait faire cette vente par une personne à
laquelle il a donné faussement la qualité d'officier ministériel, il sera puni
de ce chef en vertu de la loi de pluviôse.
Il y aura donc
application cumulative des deux lois.
- La suppression
du dernier paragraphe est mise aux voix et adoptée.
L'amendement de
la section centrale est ensuite mis aux voix ; l'épreuve est douteuse.
Plusieurs membres. - Nous ne sommes plus en
nombre.
D’autres membres.- L'appel nominal.
- Il est procédé
au vote par appel nominal ; 46 membres seulement sont présents. En conséquence,
il n'est pas pris de décision.
La séance est
levée à 4 heures.