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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 29 mai 1846

(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1482) M. de Villegas procède à l'appel nominal à une heure et un quart.

M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Villegas communique l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Plusieurs filateurs de laine à Liége, présentent des observations contre l'enquête faite par le gouvernement sur l'état de l'industrie linière. »

- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen de la convention de commerce conclue avec la France.


« Plusieurs candidats notaires signalant les vices de la loi du 25 ventôse an XI, prient la chambre de s'occuper d'un projet de loi sur l'organisation du notariat. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet.


« La chambre de discipline des notaires de l'arrondissement de Bruxelles demande le maintien de la loi du 25 ventôse an XI, moyennant quelques modifications et transmet un extrait de la résolution prise dans ce sens par les notaires du même arrondissement réunis en assemblée générale. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur le notariat.


« Plusieurs tanneurs de Liège demandent le rétablissement du droit d’entrée de 53 centimes par 100 kilog. sur les cuirs secs et la moitié de ce droit sur les cuirs salés frais. »

M. Lesoinne. - Je proposerai, messieurs, de renvoyer cette pétition à la commission d'industrie avec demande d'un très prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


M. de Man d’Attenrode. - Je désire appeler l'attention de la chambre sur une pétition dont on vient de présenter l'analyse, c'est celle des candidats notaires de l'arrondissement de Bruxelles. Les candidats notaires de l'arrondissement de Bruxelles demandent que la proposition faite par le gouvernement soit discutée le plus tôt possible. Ils justifient cette demande de la manière la plus claire et la plus convenable ; ils ne s'attachent pas à discuter le mérite du projet, mais ils font ressortir les vices de la législation actuelle et la convenance de mettre fin à une situation provisoire, qui tient en suspens de nombreux intérêts. Vous avez, messieurs, ordonné le renvoi de cette pétition à la section centrale, mais il conviendrait que la section centrale fût enfin complétée ; dans ma section, le rapporteur est nommé depuis un mois, tandis que, si mes renseignements sont exacts, d'autres sections n'ont pas même encore été convoquées ; il est à désirer que ces sections se réunissent le plus tôt possible, car ce serait opposer à la proposition du gouvernement une espèce de fin de non-recevoir que de différer plus longtemps de compléter la section centrale. J'insiste donc pour qu'elle soit complétée le plus tôt possible.

M. de Mérode. - Messieurs, les pétitionnaires désireraient que leur requête fût insérée au Moniteur. Comme c'est une pétition qui n'entre pas dans le fond même de la question, qui demande simplement la discussion la plus prochaine possible, il y aurait lieu je pense, de faire droit au désir qu'ils m'ont exprimé et dont je viens de me faire l’organe.

M. le président. - Dans une séance précédente, la chambre a décidé que la section centrale examinerait quelles sont les pétitions qui méritent d'être imprimées comme annexes au rapport. Si l'on ordonne l'insertion de cette pétition au Moniteur, la même proposition sera faite pour les autres pétitions. Cependant si la chambre était disposée à revenir sur sa décision, je mettrai la question aux voix. (Non ! non !)


« Les notaires de l'arrondissement de Tournay présentent des observations contre le projet de loi sur l'organisation du notariat. »

- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet.


« Les ouvriers typographes pressiers demandent que les impressions à faire pour la chambre soient adjugées avec cette clause qu'elles auront lieu à l’aide de presses à bras, à l'exclusion des presses mécaniques. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les sieurs Kœgtinger et Malthyssens, vice-président et secrétaire de l'association commerciale et industrielle à Anvers, présentent des observations concernant le projet de loi sur les sucres. »

- Renvoi à la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi.

M. Osy. - Je demanderai en outre le dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.

- Cette proposition est adoptée.


« Les bourgmestres des communes d'Antoing, de Hollain, de Peronnes, de la Plaigne, de Beharies, de Brugelette, de Vault, de Chercq, de Galonne, et les présidents et des membres de la commission de dessèchement des marais de la Plaigne, Peronnes et Hollain présentent des observations sur les inondations de l'Escaut et proposent des moyens pour y remédier. »

M. Dumortier. - Messieurs, cette pétition est d'une extrême importance pour la discussion actuelle ; ce sont toutes les communes dont a parlé hier M. de Saegher, qui présentent des observations sur les inondations de l'Escaut et indiquent les moyens d'y remédier. A cette pétition se trouvent annexées toutes les pièces, extraites des archives, qui concernent le traité international qui est intervenu, en 1783, au sujet du canal du Décours.

Cette pétition est donc d'une importance très grande dans la discussion actuelle.

Je propose à la chambre de vouloir bien ordonner l'impression de la pétition ainsi quelles pièces qui y sont annexées. Ces documents pourront être distribués ce soir.

M. Dubus (aîné). - Si la pétition n'est pas longue, on pourrait aussi en donner lecture.

M. Manilius. - Messieurs, mon intention était de proposer le dépôt de la pétition sur le bureau ; je me rallie à la proposition de M. Dubus aîné, si la pétition n'est pas longue. Je crains que si l'on ordonnait l'impression des nouvelles pièces, il n'en résultât un ajournement indirect, ajournement que nous avons combattu et que nous combattrons encore.

M. Dumortier. - Messieurs, quand mon honorable ami a demandé la lecture de la pétition, c'était sans préjudice de l'impression, et je suis surpris qu'un honorable contradicteur veuille que la chambre ne soit pas éclairée par l'impression de pièces aussi importantes. Si ces pièces nous étaient venues du gouvernement, la chambre en ordonnerait immédiatement l'impression ; eh bien, elles nous arrivent d'une autre voie, au milieu d'une discussion qui traite de la matière ; cette discussion ne finira pas aujourd'hui ; pourquoi ne pas imprimer ces pièces et surtout les annexes, d'autant plus que ces annexes révèlent des faits nouveaux, et peut-être même inconnus du département des affaires étrangères. Ces annexes sont tirées des archives de Tournay ; ce sont des extraits d'actes authentiques qui prouvent que les droits de la Belgique ont été méconnus dans l’affaire du canal de Décours. La commission d'examen de la question de l’Escaut s'est trompée gravement sur cette affaire ; elle n'a pas su ce qu'était le canal de Décours, à tel point qu'elle l'a pris pour une dérivation de la Lys.

J’avoue que je suis surpris de voir d'honorables députés de Gand s'opposer à l’impression. Auraient-ils peur des lumières qui doivent surgir de l’impression ? Si vous avez peur, je conçois votre opposition ; mais si vous n'avez pas peur, pourquoi vous opposer à l'impression ?

M. Delehaye. - Messieurs, je suis si peu effrayé de l'impression des pièces qu’avant que M. Dumortier demandât cette impression, j’avais réclamé la parole pour la proposer moi-même ; je m’associe (page 1470) donc à la demande de l'honorable député de Tournay. J'ai la persuasion intime que quelques renseignements qu'on fournisse encore, il est impossible que ces renseignements ne tendent pas à prouver, pour tout homme impartial et qui connaît les localités, qu'on ne peut rien faire d'utile à Audenarde et à Tournay, qui ne soit en même temps utile à Gand, et vice-versa.

C'est une chose constante aux yeux des ingénieurs qui sont d’accord sur ce point, qu'en détournant les eaux de la Lys, on a fait une chute fort utile à l'Escaut.

J'appuie donc l'impression des pièces ; je désire aussi qu'on dorme lecture de la pétition ; mais je ne veux pas non plus, comme mon honorable ami Manilius, que l'impression des pièces soit un obstacle à une solution immédiate de la question.

M. Desmet. - J'appuie aussi la lecture de la pétition dont il s'agit ; mais j'ai surtout demandé la parole pour répondre deux mots à l'honorable M. Dumortier quand il vous a dit que la commission instituée pour chercher les causes des inondations désastreuses sur le haut Escaut, n'avait pas connu le cours du canal du Décours, qui a son embouchure dans l'Escaut en amont de l’écluse d’Antoing, que cette commission avait mis dans son rapport que ce canal du Décours était un canal de dérivation de l’Escaut, tandis que c’est un canal qui dérive les eaux de la Scarpe. Messieurs, la commission a laquelle l’honorable député de Tournay a fait allusion n’a pas dit dans son rapport que ce canal était une dérivation de l’Escaut, mais que le Décours était un canal latéral à la rivière de la Scarpe et qui sert à faire écouler dans l’Escaut les eaux de la Grande Vallée de la Scarpe et à la gauche de cette rivière.

M. Dumortier. - Nous sommes d’accord sur l'impression. Je pense que l’honorable M. Delehaye est également d’accord avec nous pour que cela ne retarde pas la discussion. J'insiste pour que la discussion continue Mais je dois faire observer qu'il n’est pas probable que la discussion soit close aujourd’hui. La pétition pourrait être imprimée et distribuée ce soir. Nous aurions donc l’avantage de la connaître, ainsi que les annexes, avant le vote.

Je me suis si peu trompé dans l'observation que je faisais tout à l'heure, que je lis dans le rapport de l’honorable M. Desmaisières, page 5 :

« 5° Du Décours, grande dérivation de l’Escaut, partant d’un point en amont de l’écluse de Rodignies et se jetant dans le fleuve à Bleharies, commune belge. »

Or, c’est tellement peu une dérivation de l’Escaut que la Scarpe est entre le Décours et l’Escaut.

Quant à ce qu’a dit l’honorable M. Delehaye, je ferai remarquer que si le premier système convient également à la ville de Gand et à la vallée de l’Escaut, il n’y a d’un bout à l’autre de l’Escaut qu’une voix pour repousser le deuxième système.

La pétition demande la dérivation des eaux à l’est de Gand.

M. Desmet. - Je n’ai pas parlé du rapport de la section centrale, mais du rapport de la sous-commission qui avait été chargé d’explorer les riches du haut Escaut, par la commission instituée par le gouvernement pour chercher les mesures qu’il conviendrait de prendre, pour remédier aux inondations extraordinaires des rives du haut Escaut.

M. Manilius. - J’ai commencé par dire que je me ralliais à la lecture. Je me rallie aussi à l’impression, si elle ne doit pas avoir pour effet de retarder la discussion. Seulement, je suis charmé d’apprendre par un membre de la commission que la question lui était connue. Je ne dirai pas que l’impression est superflue. Mais je ferai remarquer que nous pourrons extraire des archives de Gand des pièces beaucoup plus importantes. Que l’on imprime si l’on veut. Nous avons déjà beaucoup de pièces, nous en aurons davantage. Mais je veux que cette impression ne soit pas une cause d’ajournement.

- La chambre, consultée, décide qu’il sera donné lecture de la pétition.

M. Dumortier donne lecture de la pétition. (Nous publierons cette pièce).

- La chambre consultée décide que cette pétition sera imprimée et distribuée comme pièce de la chambre.

Projet de loi qui autorise le gouvernement à ouvrir un canal de Deynze à Schipdonck et à à améliorer le régime de l'Escaut et de la Lys

Discussion générale

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, je pense que les discours prononcés à la séance d'hier auront fait faire un pas assez marqué à cette discussion un peu laborieuse du canal de Schipdonck, dans laquelle la chambre se trouve engagée.

L'honorable M. de Saegher a présenté à la chambre des observations fort développées, fort complètes et qui concordaient presque de tous points avec les renseignements officiels qui m'étaient parvenus.

Ce discours me paraît renfermer un exposé méthodique des faits ; j'ai tout de croire qu’un grand nombre de membres de cette chambre y trouveront le moyen de répondre aux scrupules qui peuvent encore les arrêter.

Je pense aussi que le discours de l'honorable M. Delehaye peut renfermer un élément de solution. L'honorable membre vous a dit que, dans son opinion, le canal de Deynze à Schipdonck pouvait suffire aux besoins pour le moment ; qu'il le pouvait, alors que le canal d'Ostende est débarrassé des eaux du canal de Bruges ; que l’écoulement des eaux du nord de Bruges dans le canal de Damme était une large porte ouverte aux eaux de la Lys ; ; qu'il convenait que le canal d'Ostende reçût les eaux de la Lys qui sont en définitive les eaux de la Flandre occidentale.

Ce qui résulte de ce passage du discours de l’honorable membre, c’est qu’il n’a pas personnellement d’objection à faire au principe de l’exécution d'un canal de Deynze à Schipdonck ; c'est qu'il considère l'exécution de ce canal comme utile, comme devant donner actuellement des résultats. Mais l'honorable membre a expliqué lui-même le véritable but de son amendement. Il l'a fait en ces termes :

« La proposition que j'ai eu l’honneur de faire n'avait qu'un but. c'était de détruire les appréhensions que le projet du gouvernement avait fait concevoir à la Flandre occidentale. »

Ce qui résulte de cette déclaration de l'honorable membre, c'est qu'il voulait, avant tout, répondre à une objection.

Je me permettrai, messieurs, de faire remarquer à la chambre que la proposition de l'honorable M. Delehaye soulève elle-même des objections.

Cet amendement, messieurs, tend à ce que l’on pose le principe de l’exécution d’un canal entier de la Lys à la mer du Nord.

Ici, messieurs, se présente une première difficulté. Un projet a été fait pour les travaux de la Lys au canal de Bruges. Mais, je dois le déclarer, il n’existe pas de projet pour le canal à faire du canal de Bruges jusqu’à la mer. Nous n’avons, à cet égard, que des aperçus ; je dirai même des aperçus assez sommaires. La commission instituée en 1841 a pensé que le canal entier de la Lys à la mer peut exiger une dépense d’environ 5 millions. Le conseil des ponts et chaussées n’a pas hésité à déclarer que ce chiffre serait vraisemblablement dépassé.

Ce qui résulte de la, messieurs, c'est que la chambre, en décrétant le canal entier, décréterait un ouvrage qui n'a pas pu encore être apprécié dans ses détails, à défaut d'un projet complet, et décréterait un ouvrage dont la dépense n’est pas encore exactement connue.

Je conçois, messieurs, que les honorables membres des rives de l’Escaut et de la Lys soient dans la pensée qu'il peut être utile de décréter un travail propre à remédier aux calamités qu'ils ont sous les yeux, quel que puisse être le chiffre de la dépense. Mais, messieurs, je crois qu'un assez grand nombre de membres de cette chambre seraient peu disposés à les suivre dans cette voie, et que le gouvernement lui-même ne devrait pas convier la chambre à entrer dans une voie semblable.

Je pense, messieurs, qu'avant de proposer de décréter le canal entier, il faudrait que le gouvernement pût déposer sur le bureau de la chambre le projet de ce canal entier et que la chambre pût, en connaissance de cause, apprécier quels sont les engagements qu'elle contracterait en le décrétant.

Il est d'ailleurs à remarquer, messieurs, que tous les intéressés dans la question de l’écoulement des eaux de l’Escaut et de la Lys ne sont pas unanimes sur la nécessité de l'exécution d'un canal de la Lys à la mer du Nord. Je ne veux pas donner à entendre, messieurs, que je partage les appréhensions des honorables membres dissidents dans cette question de l’Escaut. Mes convictions personnelles s'accordent au contraire entièrement avec celles des honorables MM. Delehaye et de Saegher ? Mais, messieurs, je crois pouvoir faire remarquer à l’honorable M. Delehaye que cette circonstance même d'une dissidence entre les intéressés à la question, renferme elle-même une difficulté assez réelle au décrètement du canal entier.

Maintenant, messieurs, se présente une deuxième difficulté. Le projet qui vous a été présenté suppose la possibilité d'un concours à la dépense de l’exécution. Le projet porte, article premier : « Sauf à régler ultérieurement par une loi le concours des provinces ou autres intéressés, s'il y a lieu. » On pouvait, messieurs, sans grande difficulté, renvoyer à une loi ultérieure pour le règlement de ce concours, alors qu'il ne s'agissait que de réclamer un premier crédit pour l’exécution d'un canal de Deynze à la mer du Nord ; mais, s'il s’agissait du canal entier, la question du concours préoccuperait et préoccuperait sérieusement la chambre, et je crois que, dans la pensée de beaucoup de membres, la question du concours et la question du principe de l'exécution dut canal pourraient ne faire qu'une seule et même question.

Certains membres diraient peut-être : J'admets le principe du canal entier, à la condition que les intéressés à l’exécution du canal en supportent les frais dans telle proportion. Eh bien, messieurs, comme on vous l’a dit, ici la question de concours soulève les difficultés les plus grandes. Ces difficultés vous ont été signalées dans l’exposé des motifs. Les intéressés ne sont pas ici les riverains du canal ; les intéressés sont disséminés sur les rives de l’Escaut et de la Lys. Cette question de concours soulève donc, messieurs, une difficulté très grande, difficulté qu’on peut ajourné si l’on se borne à décréter un canal de Deynze à Schipdonck, mais qu’il faudrait évidemment aborder si l’on voulait absolument décréter le canal en entier.

Pour le dire en passant, messieurs, la dissidence de quelques députés qui tiennent leur mandat de localités riveraines de l’Escaut, serait elle-même une nouvelle complication dans cette question de concours. Evidemment, l’honorable M. Dumortier soutiendrait que les riverains de l’Escaut ne doivent pas concourir à l’établissement d’un canal de la Lys à la mer du Nord.

M. Dumortier. - Sans doute, de quel droit nous ferait-on contribuer à cela ?

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, je n’entends pas poser en principe, dès à présent, que les riverains de l’Escaut doivent concourir à l’établissement d’un canal de Deynze à la mer du Nord ; je cite le fait uniquement pour faire comprendre à l’honorable M. Delehaye et à ses honorables amis qu’en soulevant la question du canal entier, ils soulèvent la question de concours, et qu’en soulevant cette question, ils font naître des difficultés très grandes que, dans l’intérêt de la chose, je préférerais voir ajourner.

(page 1484) Je suis donc porté à croire que si l'honorable. M. Delehaye et les honorables membres qui se sont joints à lui, insistent sur l'adoption du leur amendement, cette insistance de leur part conduirait à un ajournement, d'abord parce qu'il n'existe pas un projet pour le canal entier, en second lieu, parce qu'il serait impossible de s'entendre actuellement sur les conditions du concours, et enfin, par une raison que j’ai déjà invoquée, c'est que le gouvernement ne croit pas, dans les circonstances présentés, pouvoir accepter les conséquences financières du principe d'un canal entier.

Je me suis, messieurs, peut-être mal expliqué lorsque j'ai dit que j'opposerais à la proposition de l'honorable M. Delehaye une proposition d'ajournement.

Je n'ai voulu, messieurs, ni exercer une contrainte morale sur personne, ni moins encore formuler une menace. J'aurais dû dite que l'amendement de l'honorable M. Delehaye et l'ajournement étaient à mes yeux une seule même chose, que l'amendement de l’honorable M. Delehaye conduisait nécessairement et inévitablement à l'ajournement. Si mes paroles ont pu blesser la susceptibilité de quelques membres de cette chambre, je consens volontiers à rectifier ce que j'ai dit dans une séance précédente, d'après la déclaration que je viens de faire ; je ne propose pas d'ajournement, je me borne à déclarer que dans ma pensée l’amendement de l'honorable M. Delehaye conduit d'une manière inévitable, fatale si l'on veut, à l'ajournement.

M. Lebeau. - Je demande pardon à M. le ministre de l'interrompre, mais on a mis dans le Moniteur que c'est moi qui ai dit qu'il faisait une menace lorsqu'il parlait de l'ajournement. Or, je n'étais pas même à la séance en ce moment.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - C'est donc pour prévenir un ajournement que je n'aurais pas demandé, mais qui se serait produit par la force même des choses, que j'engage l'honorable M. Delehaye à retirer son amendement. C’est un conseil que je me permets de lui donner, en partisan très sincère des mesures qui peuvent contribuer à amener une amélioration réelle sur les rives de l’Escaut et de la Lys. J’engage aussi l'honorable membre et ses amis à vouloir se joindre à mot pour combattre l'amendement de M. Donny.

Je pense, messieurs, qu’on peut même considérer la discussion comme portant actuellement sur ce point : Fera-t-on maintenant quelque chose pour les vallées de l'Escaut et de la Lys, ou remettra-t-on le tout à une époque ultérieure ?

Messieurs, l'honorable M. Donny vous a dit dans la séance d'hier que, si l'on adopte l'amendement qui tend à faire décréter immédiatement un canal prenant les eaux de la Lys à Deynze, pour les jeter directement dans la mer, le fond de l'affaire est suffisamment instruit. Je crois que les observations que j'ai eu l'honneur de présenter suffiront pour faire regarder le fait sur lequel repose cette assertion de l'honorable M. Donny comme au moins douteuse.

Je crois que c'est précisément lorsqu'on veut embrasser la question dans toute sa généralité que se présentent les difficultés et les points à éclairer.

L'honorable M. Donny a étayé son assertion de différents rapprochements ; l'honorable membre a pensé que dans cette question les différentes autorités consultées n'ont pas eu le même but.

Suivant l’honorable M. Donny, le conseil des ponts et chaussées n'aurait pas même voulu l'amélioration du régime de l'Escaut et de la Lys ; il n'aurait eu d'autre but que de faciliter l’écoulement des crues de la Lys, et de dégager, autant que possible, la ville de Gand.

Je crois que l'honorable membre s’est arrêté, peut-être, à quelques phrases isolées d'un rapport ; mais je pense que telle n'a pu être et que telle n'a pas été la pensée du conseil des ponts et chaussées.

L'honorable M. de Saegher vous a fort bien expliqué hier, messieurs, que pour les inondations de l’Escaut et de la Lys, c'est à Gand que se trouve le véritable nœud de la question. Dégagez Gand et vous résolvez la question aux trois quarts ; c'est sous ce rapport, messieurs, que le conseil des ponts et chaussées a traité la question spécialement au point de vue de Gand, d’après toutes les bonnes théories sur la matière, d’après ce que vous a parfaitement expliqué hier l’honorable M. de Saegher. C’est par l’aval que ce travail de l’écoulement des vallées doit êre entamé, c’est à Gand qu’il faut créer un découché.

L'honorable M. Donny a invoqué, à l'appui de son opinion sur les dangers possibles du canal de Deynze à Schipdonck, l’opinion d'un ingénieur en service dans la Flandre occidentale. Je ne conteste nullement le mérite de cet ingénieur ; mais cet ingénieur fait partie d'un corps ou l’opinion contraire est professée par des hommes qui peuvent également faire autorité dans une question de ce genre. Je pourrais citer cinq membres du corps des ponts et chaussées, qui sont tous supérieurs en grade et l’ingénieur auquel on a fait allusion. Ce sont un inspecteur général, deux inspecteurs divisionnaires et deux ingénieurs en chef. Je pense donc que l’autorité de cet ingénieur se trouve amplement balancée par d’autres autorités au moins aussi respectables.

Me résumant, je pense qu’insister sur le principe du canal entier de la Lys à la mer du Nord, c’est, par le fait, pousser à un ajournement. J’ai déjà eu occasion de déclarer que je n’étais pas partisan de cet ajournement, que je le regrettais sincèrement.

Je demande donc qu'on veuille poursuivre la discussion sur le projet présente par la section centrale, moins l’article 5 ; je demande que pour simplifier la marche du débat, on décide si l’on décrétera le principe du canal entier, ou si l’on s’en tiendra à la proposition du gouvernement avec les amendements de la section centrale que le gouvernement a admis.

M. Dedecker. - Messieurs, je m'étais proposé de réfuter une à une les principales observations que vous a présentées dans la séance d'avant-hier l'honorable M. Dumortier ; cette tâche a été remplie d'une manière complète et victorieuse par un honorable membre qui a parlé dans la séance d'hier et auquel j'ai été heureux de voir M. le ministre des travaux publics rendre un hommage légitime. La parole de M. de Saegher doit avoir d'autant plus de poids dans cette question, que l'honorable membre a fait partie de toutes les commissions et sous-commissions qui ont été successivement instituées pour examiner les causes des inondations dans les Flandres et pour rechercher les remèdes propres à prévenir ces inondations.

Cependant qu'il me soit permis de combattre les deux conclusions principales de l'honorable M. Dumortier, lesquelles résument pour ainsi dire tout son discours.

L'honorable M. Dumortier croit que le canal de Deynze à Schipdonck (destine à être construit plus tard jusqu'à la mer du Nord), est complétement inutile pour l'écoulement des eaux de l'Escaut, et l'honorable membre propose ensuite la construction d'un canal de Zwynaerde à Melle.

M. Dumortier. - C'est la section centrale qui le propose.

M. Dedecker. - Deux membres seulement.

M. Manilius. - Subsidiairement ;

M. Dedecker. - Tout à fait subsidiairement, comme on vient de le dire, deux membres de la section centrale proposent la construction d'un canal de Zwynaerde à Melle.

M. de Saegher. - On ne doit pas dénaturer les faits.

M. Dumortier. - Je demande aussi qu'on ne les dénature pas.

M. le président. - Voici les faits : L'article 5 nouveau de la section centrale se trouve développé à la page 15 de son rapport ; et là on lit que cet article a été adopté par deux membres et rejeté par un membre, et que trois membres se sont abstenus.

M. Dumortier. - L'article a donc été accepté par la section centrale.

M. Dedecker. - Messieurs, pourquoi l'honorable M. Dumortier propose-t-il le canal de Zwynaerde à Melle ? Parce que, d'après sa manière de voir, c'est à Gand et à Gand seul, comme il n'a cessé de le répéter, que se trouve tout le mal, que se trouvent toutes les entraves au cours naturel des eaux de l’Escaut. Comment se fait-il qu'avec cette conviction l'honorable. M. Dumortier puisse ne pas reconnaître l'utilité du canal qui est projeté aujourd'hui et dont le but avoué est de débarrasser le bassin de Gand des eaux de la Lys ?

Il y a là, d'après moi, une palpable contradiction.

Pour tous ceux qui ont étudié et examiné à fond l'ensemble des travaux hydrauliques à exécuter dans la Flandre, c'est une chose très claire : que tous les efforts du gouvernement et de la législature doivent se concentrer sur ce point : chercher à dégager le bassin de Gand et surtout chercher à le dégager non en suivant les sinuosités du fleuve, en faisant parcourir aux eaux cinquante lieues du territoire belge, mais en les conduisant en droite ligne vers la mer.

C'est là qu'est le nœud de toute la question ; c'est à Gand que se trouve l'engorgement produit par le confluent de deux rivières dont les eaux accumulées occasionnent d’affreux désastres. Peu de membres de cette assemblée sont familiarisés avec la connaissance de la constitution géologique des Flandres.

Il me sera permis d'entrer dans quelques détails pour prouver que, depuis le XIIème siècle, c'est toujours dans ce sens que les travaux ont été dirigés : faire arriver le plus promptement possible à la mer les eaux accumulées autour de Gand.

La Flandre est bornée au nord par la mer et l'embouchure de l'Escaut qui peut être considérée comme un bras de mer. Ces eaux formaient autrefois trois baies : le Zwyn, le Brackman et le Heilegat. Elles entraient dans les terres jusqu'à 4 ou 3 lieues de Gand.

Nous remarquons à travers les siècles que les souverains et les hommes de l’art ont toujours eu pour pensée constante et traditionnelle de conduire les eaux vers ces trois baies.

Gand dirigeait ses eaux vers le Zwyn par le canal de la Lieve, et plus tard par le canal de Bruges ; vers le Brackman par la Ghele, le canal de Sas, le torrent des Châtelains ; vers le Hellegat par la Moere canalisée, par la Langelede et par le canal de Stekene, débouchant à Hulst. Je ne parle ici que des grands travaux, et je passe sous silence une masse de cours d’eau combinés de manière à affluer vers les trois baies qui recevaient les eaux du centre de la Flandre.

Voilà donc un système complet qu’on a toujours cherché à maintenir, parce qu’on a senti que c’était le plus rationnel, le plus efficace et le plus économique en définitive.

Par la suite des temps, quelques-unes de ces voies d’écoulement se sont ensablées, mais toujours on a compris la nécessité de remplacer ces voies ensablées par des voies nouvelles ; toujours on a été frappé de cette idée si saine qu’on ne devait pas s’acharner à faire parcourir 50 lieues aux eaux, par le bas Escaut, quand on se trouvait à 4, 5, 6 ou 7 lieues de la mer.

C’est à ce même système qu’est naturellement arrivée la sous-commission qui a parcouru différentes parties de Flandres pour apprécier l’ensemble des travaux hydrauliques qui conviennent à cette province.

Voici ce qu’elle dit :

« De ce que nous venons de relater, nous pouvons sans crainte affirmer et prendre pour certain que toujours il y a eu d’autres voies d’écoulement pour chasser les eaux de Gand vers la mer, que celle du Bas-Escaut, et que chaque fois que ces voies manquaient, on a ressenti la nécessité d’en (page 1485) ouvrir de nouvelles. Il est donc suffisamment démontré que si nous voulons réussir à procurer aux eaux supérieures qui arrivent à Gand, une décharge suffisante, il y a nécessité absolue d'ouvrir une autre voie vers la mer que celle existante par les rivières du bas Escaut et de la Durme. »

C'est toujours la même pensée qui a constamment frappé les hommes de l'art qui depuis quelques années se sont occupés des inondations de l'Escaut et de la Lys. M. l'ingénieur en chef Wolters, dont l'autorité est si grande dans cette matière, M. Wolters, sous forme de conclusion, arrive à cette proposition :

« Nous sommes constamment dominés, nous l'avouerons, par l'idée qu'il serait excessivement difficile, sinon impossible, d'obtenir de la législature le vote d'un second canal de Zelzaete, car, sans cela, il est évident que l'ouvrage le plus rationnel et le plus efficace à exécuter pour faire cesser les inondations de l'Escaut et de la Lys, est un canal latéral au canal de Zelzaete, débouchant, comme lui, dans la mer du Nord. » Ou comme il l'avait dit une page plus haut, de continuer le canal de Zelzaete sous forme de canal-frontière jusqu'au fort Marie, au-dessus d'Anvers.

Je ne veux pas formuler une opinion définitive relativement à ces vues de M. Wolters. Je ne veux pas examiner s'il ne conviendrait pas de donner plus d'importance au petit canal de Langelede, et de trouver une issue nouvelle au canal de Stekene dont l'issue actuelle est presque entièrement ensablée, s'il ne conviendrait pas d'approfondir le torrent des châtelains, la Caele et autres cours d'eau : car il y a dans les Flandres, je le répète, indépendamment des voies que j'appellerai historiques, une masse d'affluents qui conduisent les eaux de Gand dans la direction du nord.

Messieurs, je tiens à vous faire remarquer, en ce moment, que la pensée de diriger les eaux de la Flandre centrale est encore la pensée qui a constamment dirigé le gouvernement et la législature dans la proposition et l'adoption des travaux exécutés depuis quelques années. C’est ainsi que la législature a voté le canal de Zelzaete. C'est ainsi, et dans le même but, que le gouvernement, dans le traité définitif avec la Hollande, a attaché une importance si grande à la construction d'un canal latéral au canal de Terneuzen à partir du Sas de Gand ; bienfait que nous devons, en grande partie, au dévouement éclairé de notre honorable collègue, M. Lejeune. C'est ainsi encore que, toujours poursuivant le même système économique, efficace et rationnel, on nous propose aujourd'hui de diriger les eaux de la Lys directement à la mer, par le canal de Deynze à Schipdonck destiné à être complété jusqu'à Heyst.

Aussi pour ma part et pour rester conséquent, ne puis-je que donner mon approbation au projet qui vous est présenté. Si les ressources financières du pays ne permettent pas la continuation immédiate des travaux, je désire qu'elle ait lieu dans le plus bref délai possible.

C'est donc dans la direction du nord, vers la mer, qu'il faut conduire les eaux qui embarrassent le bassin de Gand. Toutes les autres mesures que vous prendrez, ce ne seront que des palliatifs, des travaux coûteux, sans idée d'ensemble, sans résultat complet et qui, ce qui pis est, ne seront pas sans de grand dangers pour d'autres parties du pays.

J'arrive ainsi à la deuxième conclusion de l’honorable M. Dumortier que je me propose de combattre. Cet honorable membre, au lieu de suivre cette direction traditionnelle des eaux de Gand vers la mer, en est encore à croire qu'il vaut mieux les précipiter dans le bas Escaut et qu'un travail efficace serait le creusement d'un canal de Zwynaerde à Melle. Il a essayé de prouver que ce canal serait fort utile au haut Escaut et qu'il ne saurait être en aucune façon nuisible au bas Escaut. Je le regrette, mais je me trouve encore ici en complet désaccord avec mon honorable ami.

M. Dumortier a été frappé d'une idée qui jusqu’à un certain point est vraie, mais qui chez lui prend un caractère d’exagération. A Gand, il existe, il est vrai, des entraves au cours naturel de l’Escaut, dans les nombreuses écluses, les ponts et les usines. S’il ne cherche réellement qu’un moyen de remédier à ces entraves, je lui dirai que ce moyen existe depuis un siècle.

C’est-à-dire qu’en 1752, et sur la réclamation du Tournaisis et de la châtellenie d’Audenarde, on a pris l’Escaut en amont de Gand, et on l’a conduit par un canal longeant extérieurement les murs de la ville de Gand, jusqu’en aval.

Si l’honorable M. Dumortier, frappé de cette idée vraie jusqu’à un certain point, des entraves apportées au cours de l’Escaut par son passage dans la ville de Gand, ne veut qu’éviter ces entraves, il est, je le répète, inutile de faire un ouvrage nouveau. A cet égard, complète satisfaction a été donnée aux habitants du haut Escaut, il y a un siècle. Mais l’honorable M. Dumortier veut plus que cela. Sous prétexte (à son insu peut-être) de vouloir faire cesser les entraves apportées au cours de l’Escaut par son passage à Gand, il veut obtenir une véritable et importante rectification du cours du fleuve à deux lieues de Gand. (Dénégation de la part de M. Dumortier). C’est là que commence le danger.

L’honorable M. Dumortier veut la construction d’un canal de l’Escaut, à une heure de Gand en amont, qui conduise les eaux de l’Escaut à deux lieues en aval, et cela en vue d’éviter toutes les sinuosités du cours du fleuve. Si vous voulez éviter des embarras dans la ville de Gand, cela est fait. Si vous voulez autre chose, ayez la franchise de le dire.

Examinons les résultats de cette rectification du fleuve. Cette rectification mettrait-elle un terme aux inondations du haut Escaut, entre Audenarde et Tournay ? Je soutiens que non. Vous avez entendu hier l’honorable M. de Saegher qui a démontré ce fait à la dernière évidence. Il a prouvé clairement, par des faits récents qui se sont passés il y a quinze jours, que lorsqu’à Gand, le point d’eau est à la jauge d’été, et que dans les prairies de Gavre même il n’y avait plus d’eau, il y a encore une jauge d’inondation entre Audenarde et Tournay. Ainsi, il est démontré que les inondations du haut Escaut, entre Tournay et Gand, sont dues à d'autres causes que les entraves apportées au cours des eaux dans la ville de Gand. Cela doit être, malgré toutes les dénégations qu'on y oppose, évident pour toute personne impartiale. Dans l'état actuel des choses, la construction du canal de Zwynaerde à Melle est donc inutile.

Mais ce travail, qui ne peut être utile à Tournay, ni au haut Escaut, menace de devenir singulièrement dangereux pour le bas Escaut, dans certaines circonstances données.

Quelques-uns d'entre vous, messieurs, ignorent peut-être que, sur le bas Escaut, il y a déjà, dans la situation actuelle du cours du fleuve, de nombreuses et périodiques inondations. Chique année, toutes les prairies depuis Gand jusqu’à Termonde sont inondées. Chaque année, la moitié de la ville de Termonde est inondée, au point que la communication est impossible entre quelques-unes des principales rues de la ville. Il en est de même dans tous les bourgs et villages riverains de cette partie de l'Escaut qui ont déjà à lutter contre les hautes marées.

L'histoire nous apprend que périodiquement les hautes marées causent de désastreuses inondations dans cette partie de la Flandre. Et là, veuillez-le remarquer, messieurs, là quand l'Escaut déborde, ce n'est pas seulement sur des prairies, où souvent ces irrigations sont bienfaisantes ; il dévaste d'autres propriétés, il se jette aussi sur les terres labourées où il cause des désastres infiniment plus grands que ceux dont se plaignent les riverains du haut Escaut.

N'oublions pas aussi, messieurs que le bas Escaut, au milieu de ses luttes avec les marées, doit encore recevoir les eaux de la Dendre et de la Durme.

La ville de Termonde se trouve, comme vous savez, au confluent de l’Escaut et de la Dendre. Il n’y a pas d’année que la Dendre ne déborde, par suite des difficultés qu’elle éprouve à évacuer dans le lit de l’Escaut, encombré par les hautes marées.

Quant à la Durme, vous allez voter, par l’un des articles du projet de loi en discussion, des sommes assez considérables pour approfondir le Moervaert jusqu’à Spettersput, ce qui va accélérer notablement et augmenter le passage des eaux supérieures par la Durme.

De cette manière, vous grossirez, dans une proportion considérable, le volume des eaux que le bas Escaut doit dégorger.

Ainsi, messieurs, à tout égard, la position des riverains du bas Escaut devient inquiétante. Et ces riverains n’appartiennent pas tous, veuillez-le croire, au district de Termonde ; ils appartiennent en grande partie à la province d’Anvers et au pays de Waes. Eh bien, leur avenir n’est pas moins inquiétant ; car les travaux qu’il s’agirait d’exécuter, si la chambre adoptait la proposition de l’honorable M. Dumortier, entraîneraient de graves et inévitables dangers.

M. Dumortier. - J'ai déclaré formellement qu'il devait y avoir des écluses.

M. Dedecker. - Je remercie l'honorable M. Dumortier de m'avoir rappelé cette partie de son discours que j'aurais peut-être oublié de réfuter.

Voici ce que j'y répondrai : On bien les écluses seront tenues fermées, en cas de grandes crues d'eau, et alors le canal du Zwynaerde à Melle est inutile pour Tournay ; ou bien elles seront ouvertes, et alors nous aurons des inondations sur le bas Escaut.

M. Dubus (aîné). - N'y a-t-il donc pas de milieu ?

M. Dedecker. - Je ne le vois pas.

M. Dubus (aîné). - Pardon, il y en a un.

M. Dedecker. - Messieurs, c'est une erreur capitale que de croire que le bas Escaut doit être un moyen d'écoulement pour les eaux réunies du haut Escaut et de la Lys. Toujours ces deux rivières, après leur confluent à Gand, ont eu des dégagements vers le nord. C’est de ce côté encore qu'il faut le diriger aujourd'hui, je ne saurais assez le répéter pour faire partager à la chambre la conviction que j'ai à cet égard.

Le bas Escaut pourrait être tenu, tout au plus, à recevoir les seules eaux du haut Escaut, mais à condition qu'on laisse au fleuve son cours naturel. Mais c'est ce que l'honorable M. Dumortier ne propose pas. Si proposition tend à rectifier le cours de l'Escaut aux environs de Gand. L'effet naturel et immédiat serait de produire sur le bas Escaut précisément ces mêmes effets désastreux que l’honorable M. Dumortier déplore pour le haut Escaut, aux abords de Tournay.

L'honorable membre a trouvé des paroles chaleureuses et éloquentes pour déplorer les résultats fâcheux des rectifications et des canalisations opérées au cours de l'Escaut sur le territoire français ; et il voudrait reproduire sur le bas Escaut les mêmes résultats qu'il déplore pour son propre pays. Ce n'est pas là remédier au mal, c'est tout simplement le déplacer.

M. Dumortier. - Cela n'est pas exact.

M. Dedecker. - Messieurs, je ne crois pas devoir insister davantage pour combattre la proposition d'un canal de Zwynaerde à Melle. La proposition émane de deux membres du la section centrale : mais le canal proposé par ces deux membres n'a été jusqu'à ce jour étudié par qui que ce suit.

Les uns le croient difficilement exécutable ; les autres sont d'avis qu'il faudrait peut-être un redressement entre Heusden et Galeken. Le gouvernement combat le décret ; les ingénieurs mêmes dont on a invoqué l'opinion s'expriment à ce sujet en ces termes :

« En terminant ce rapport, nous pensons, M. le ministre, devoir vous présenter quelques réflexions sur la question des redressements de l'Escaut. (page 1486) La dérivation du haut Escaut au bas Escaut, de Zwynaerde à Melle, n'est, à nos yeux, ni le plus utile, ni le plus urgent des ouvrages que peut désirer le Hainaut pour faire cesser les inondations qui accablent les environs de Tournay ; car il serait parfaitement inutile de dériver les eaux autour de Gand, lorsque, entre Tournay et cette ville, les sinuosités de la rivière et bien d'autres obstacles empêcheraient leur arrivée à la dérivation prémentionnée. »

Ainsi, messieurs, je n'insiste pas davantage. Au résumé je partage entièrement l'opinion de l'honorable M. de Saegher. Ce qu'il faut chercher avant tout, c'est à dégager le bassin de Gand.

M. Dumortier. - C'est ce que nous voulons aussi.

M. Dedecker. - Mais d'une façon rationnelle, efficace et sans rejeter sur d'autres le mal dont on est victime ; que M. Dumortier entende bien ceci.

Il faudra ensuite, pour rendre ce dégagement du bassin de Gand utile, exécuter d'autres travaux sur le haut Escaut entre Tournay et Gand, et pour ma part je ne m'y opposerai jamais.

M. le président. - La parole est à M. de la Coste.

M. d’Elhoungne. - Je l'ai demandée pour faire une proposition.

M. le président. - Vous avez la parole.

M. d’Elhoungne. - Messieurs, la discussion au point où elle on est arrivée en ce moment, me paraît véritablement épuisée. Les honorables membres qui ont parlé dans la séance d'hier et l'honorable membre qui vient de se rasseoir, ont jeté sur la question des inondations de l’Escaut et de la Lys toute la lumière désirable. Je n'ai ni l’espoir ni le projet d'apporter des faits nouveaux, de présenter à la chambre des considérations nouvelles. Je me propose seulement et je tâcherai de résumer quelques côtés saillants du débat, et en même temps de répondre, par la présentation d'un amendement nouveau, à quelques-unes des objections que M. le ministre des travaux publics a fait valoir tout à l'heure.

On vous a dit, messieurs, et chacun de nous connaît les désastres que les inondations de la Lys et de l'Escaut viennent causer avec une périodicité effrayante à nos provinces ; on vous a prouvé que c'est par millions qu'il faut évaluer les pertes que subissent chaque année et l'agriculture, et la propriété, et l'industrie, et le commerce. On vous a rappelé que chaque année de retard engloutit irréparablement un capital qui égale, et qui souvent dépasse, la dépense tout entière que nécessiterait la création d'un système d'écoulement complet et efficace.

On aurait pu ajouter, messieurs, que parmi les propriétaires intéressés à la solution de cette grande question, l'Etat se trouve placé en première ligne. Car si mes renseignements sont exacts, les inondations de la vallée de l'Escaut et de la Lys, occasionnent chaque année des dégradations considérables à la double ligne de chemin de fer qui s'y trouve établie.

La cause du mal, messieurs, n'est pas moins bien connue que sa gravité. Les travaux qui ont été exécutes à la partie supérieure de l'Escaut, de la Lys et de leurs affluents en France, telle est la cause unanimement signalée des désastres dont se plaignent depuis trop longtemps nos provinces. Et, je dois appeler l'attention de la chambre sur cette réflexion, il pèse ici sur le gouvernement une responsabilité qu'il ne peut décliner, une responsabilité bien grande. C'est le gouvernement qui a en effet la gestion de toutes nos voies de communication fluviale, voies de communication, messieurs, qui sont la partie la plus précieuse du patrimoine national. C'est donc au gouvernement qu'il appartenait, ou de prévenir les travaux que l'on faisait en France, ou de neutraliser par des travaux analogues entrepris en temps utile, en Belgique, les effets calamiteux des modifications qui s'opéraient sur le territoire français. C’était au gouvernement à faire que ce qui est une source de prospérité pour toutes nos provinces ne devint pas la ruine et le désespoir de quelques-unes. Au moment où la Belgique montre avec orgueil à l'étranger ses fleuves magnifiques qui portent partout la vie et l'activité commerciale, c'était un devoir pour le gouvernement de ne pas laisser les contrées riveraines périodiquement ravagées par des inondations tous les ans plus grandes et plus désastreuses.

Rien donc n'est plus légitime que les plaintes qui se sont élevées et de la vallée de l’Escaut et de la vallée de la Lys contre le fléau des inondations. Mais, comme d’honorables préopinants vous l’ont démontré, messieurs, combien ne sont pas plus légitimes les plaintes qui s'élèvent de Gand ! Gand, en effet, est placé au confluent de la Lys et de l'Escaut ; il souffre avec une égale intensité des inondations des deux fleuves ; et à Gand, comme on l'a dit et ne saurait assez le répéter, ce ne sont pas quelques prairies seulement qui sont inondées, mais des rues, mais des quartiers entiers ; nos maisons, nos plus belles et nos plus importantes fabriques sont envahies par les eaux et doivent cesser leur travail, au moment même où ce travail importe le plus à l'existence de la classe ouvrière et à la prospérité de nos industries. A Gand, messieurs, le rapport de la section centrale le constate, au moment des grandes inondations, des inondations comme celles que nous avons subies cette année, il entre 220 mètres cubes d'eau par seconde. Je vous laisse à penser à quel degré le mal est arrivé.

On est unanime, messieurs, pour reconnaître qu'à Gand est véritablement le nœud de la question. Les ingénieurs qui ont été consultés et qui ont examiné la question l'ont tous reconnu ; les différentes commissions instituées pour étudier la question des inondations l’ont reconnu ; les honorables députés de la Flandre occidentale l'ont reconnu, puisque ces honorables membres sont d'accord avec nous pour demander un canal de dérivation de la Lys à la mer, qui dégage le bassin de Gand. L'honorable M. Dumortier lui-même reconnaît avec nous que la cause du mal est à Gand, puisque l’honorable membre propose ou du moins appuie un projet de dérivation de l'Escaut de l'amont à l'aval de Gand, dérivation qui aurait pour résultat inévitable de dégager le bassin de Gand d'une grande partie des eaux de l'Escaut.

Je ferai même remarquer que sons ce rapport l'honorable M. Dumortier est beaucoup plus gantois que nous. Il est gantois avec plus d'égoïsme que nous. Car il veut nous délivrer des eaux de l'Escaut au moyen d'une dérivation de l'amont à l'aval de Gand, en inondant Termonde, ou au moins en ne demandant aucune mesure de précaution, en ne demandant aucun ouvrage nouveau, afin de défendre Termonde contre les eaux que le canal de dérivation lui amènerait plus abondantes et plus rapides. L'honorable M. Dedecker vous l'a démontré d'une manière irréfutable.

M. Dumortier. - Je vous prie de ne pas me faire dire le contraire de ce que j'ai dit.

M. d’Elhoungne. - Messieurs, je ne suis pas étonné que l'honorable M. Dumortier m'accuse de lui faire dire le contraire de ce qu'il croit avoir dit. C'est qu'il arrive quelquefois à mon honorable ami, qu'il me permette de le dire avec franchise, d'être en contradiction avec lui-même. Il lui arrive de soutenir qu'il veut atteindre tel but, et de proposer un moyen qui conduit précisément au but contraire, et c'est ce qui arrive dans l'occurrence actuelle.

M. Dumortier. - J'ai déclaré à plusieurs reprises que je ne voulais pas un canal de dérivation sans écluses. Nous voulons ces écluses, et ces écluses ne seront ouvertes qu'autant qu'il n'en résulte pas de dommages pour le bas Escaut Ainsi j'ai dit tout le contraire de ce que mon honorable ami me fait dire. Maintenant vous voyez où est le contraire de ce que j'ai dit. Le contraire de ce que j'ai dit se trouve dans la bouche de mon honorable ami.

M. d’Elhoungne. - Je dis, messieurs, et je crois qu'il est bien constaté que l'on est unanime pour reconnaître que le nœud de la question des inondations est à Gand. On est unanime pour proclamer que le premier pas à faire faire à la question, c'est de dégorger le bassin de Gand.

On est donc d'accord, unanimement d'accord sur le but qu'il s'agit d'atteindre.

Maintenant, messieurs, est-on d'accord aussi sur les moyens ? Je pense pouvoir établir que là encore l'accord existe ; il n'y a véritablement divergence d'opinion que sur des points secondaires et sur des questions de priorité.

Ainsi, messieurs, si vous consultez l'opinion des différentes commissions qui ont examiné la question avec tant de maturité et de soin ; si vous lisez le rapport de la section centrale ; si vous interrogez l'opinion exprimée et par le gouvernement, et par le conseil des ponts et chaussées, et par tous les ingénieurs ; si vous écoutez les discours prononcés par les honorables députés de Bruges, de Termonde, d'Ostende, et si vous voulez y joindre ceux des députés de Gand, mes honorables collègues, vous verrez que toutes les autorités et tous ces honorables membres sont d'accord pour soutenir qu'il faut commencer par débarrasser le bassin de Gand du trop plein des eaux de la Lys.

M. Dumortier. - Non, non, des eaux de l'Escaut.

M. d’Elhoungne. - Je n'ai pas cité l'honorable M. Dumortier parmi les membres qui partagent cette manière de voir ; j'entends, au contraire, démontrer que l'honorable M. Dumortier seul, et l'honorable député d'Audenarde, qui a parlé après lui, sont d'une opinion opposée.

Les motifs qui déterminent ceux qui pensent qu'il faut commencer par la Lys soin les suivants : c'est d'abord que la Lys se jette dans l'Escaut, de sorte que la saine raison dit déjà que c’est par la Lys qu'il faut commencer

Ensuite l'expérience nous apprend que les eaux de la Lys qui arrivent à Gand plus promptement que celles de l'Escaut font quelquefois refluer même ces dernières : c'est ce qui est arrivé notamment en 1840, comme vous pouvez le voir dans le rapport de M. Vifquain sur les voies navigables, page 170.

Enfin, c'est la Lys qui occupe la place la plus large, la place dominante dans le bassin de Gand ; un simple coup d'œil sur le plan qui nous a été distribué avec le rapport de la commission, suffit pour en donner la preuve la plus convaincante. Il est donc incontestable encore une fois, que dans l'opinion de tous ceux qui ont étudié profondément la question et d'après la saine raison, c'est par la Lys qu'il faut commencer à délivrer Gand des eaux surabondantes.

Et ceux qui sont de cet avis ont une si haute opinion de l'efficacité du moyen proposé que, sous un autre rapport ils consentent à aggraver la position de Gand en ce qui concerne les eaux de l'Escaut supérieur.

Ainsi, la commission des inondations et la section centrale n’hésitent pas à proposer des redressements au haut Escaut en amont de Gand jusqu'à Tournay, ce qui doit évidemment faciliter l’écoulement des eaux de l'Escaut supérieur, soulager Tournay et Audenarde, et aggraver la position de Gand, Le gouvernement adhère de son côté à ces propositions. On doit donc être profondément convaincu qu'en agissant efficacement pour dégager le bassin de Gand des eaux de la Lys, on y obtiendra une telle marge qu'on peut sans inconvénient faciliter l'écoulement des eaux du haut Escaut. Cela démontre combien Gand a confiance dans la dérivation de la Lys, car sans cela il se joindrait à l'honorable M. Dumortier pour demander qu’avant d'accélérer l'arrivée des eaux de l'Escaut supérieur à Gand on le délivrât en amont de Gand pour le diriger en aval sur Termonde.

Quelle est dès lors la divergence qui existe sur ce point ? Elle est moins grave au fond qu'en apparence : au lieu de commencer par la dérivation de la Lys et par les redressements à l'Escaut supérieur, l'honorable (page 1487) M. Dumortier et l'honorable député d'Audenarde qui a parlé avant lui, veulent que l’on commence les travaux d'une dérivation de l'Escaut en même temps que de la Lys.

Il y a une deuxième divergence d'opinions qui s'est révélée dan» les discours des honorables députés de la Flandre occidentale : les honorables députés veulent que l'on décrète immédiatement le canal tout entier, depuis la Lys jusqu'à la mer, au lieu de commencer par la partie de ce canal qui se trouve entre la Lys et le canal de Bruges.

Voyons la portée de ces dissentiments.

Quant à la proposition de l'honorable M. Dumortier je pense que c'est une question que l'on fera bien de discuter séparément. Le discours prononcé par l'honorable préopinant doit avoir démontré à la chambre que le canal de dérivation de l'Escaut auquel l'honorable M. Dumortier prête son appui, soulève des objections assez considérables. Il est impossible de concevoir que l'on dirige un canal de Zwynaerde à Melle, sans prendre aucune précaution pour préserver l'Escaut inférieur. L'Escaut inférieur ne se trouve pas dans la même position que la Flandre occidentale.

Nous proposons, il est vrai, de faire un canal de dérivation de la Lys vers la Flandre occidentale, mais pourquoi ? Parce que là la position est changée par l'achèvement partiel du canal de Zelzaete, tandis que pour le bas Escaut aucun travail nouveau n'a été exécuté, aucun travail nouveau n'est proposé, et que l'honorable M. Dumortier n'en propose aucun lui-même. Ainsi là on veut faire une dérivation à l'amont, sans donner aucune garantie aux populations qui se trouvent en aval.

Quant à la divergence d'opinion qui s'est élevée entre les honorables députés de Bruges et d’Ostende et le ministère, elle porte sur la question de savoir si l'on décrétera d'emblée tout le canal ou si l'on se bornera en ce moment à en décréter une seule section.

Et ce n'est point là une divergence d'opinion entre les honorables députés de la Flandre occidentale et nous ; ces honorables membres et nous sommes, au contraire, parfaitement d'accord pour préférer un canal qui aille jusqu'à la mer, à un canal qui s'arrête au tiers du chemin ; mais la difficulté tout entière gît dans l'opposition du gouvernement. Et il y a plus, le gouvernement lui-même ne s'oppose pas au projet d'un canal complet jusqu'à la mer, parce qu'il le croit inexécutable, ou parce qu'il le croit inutile.

Non, messieurs, vous avez entendu depuis le début de la discussion jusqu'à tout à l'heure, les déclarations les plus positives des membres du cabinet. M. le ministre des travaux publics déclare que le canal se fera, qu'il doit se faire, qu'il doit se faire même très promptement. M. le ministre des finances déclare lui-même qu'il admet la nécessité du canal. La seule considération qui ait été alléguée jusqu'aujourd'hui contre la proposition de décréter immédiatement le canal entier, c'est que la position des finances du pays ne permet pas de décréter en ce moment une dépense de plusieurs millions.

Il y aurait, messieurs, bien des considérations à présenter sur l'opposition que le gouvernement fait ainsi à un projet qu'il approuve et dont il proclame à la fois la nécessité et l'urgence. Il y aurait bien des choses à dire sur les obstacles financiers derrière lesquels le gouvernement se retranche, sur cette espèce d'impuissance financière qu'il allègue. On pourrait se demander si le crédit du pays est tombé si bas qu'une dépense indispensable, qu'une dépense qui, une fois faite, épargnera annuellement au pays des pertes d'une importance égale qu'une pareille dépense doive être différée ? Le crédit public, messieurs, n'a-t-il pas la même base et n'obéit-il pas aux mêmes règles que le crédit privé ? Croyez-vous qu'un propriétaire qui emprunterait une somme de 5,000 fr. pour s'épargner une perte annuelle de la même importance, serait considère comme dissipateur ? Pensez-vous que son crédit baisserait ? Non, messieurs, ce qui fait baisser le crédit d’un gouvernement ou d'un particulier, ce sont les prodigalités ; mais les actes de sage et prévoyante administration, au lieu de faire tomber le crédit, le relèvent. (Interruption.)

M. le président. - J'attends toujours les développements de votre proposition.

M. d’Elhoungne. - J'y arrive, M. le président.

Aujourd'hui M. le ministre des travaux publics est venu soulever d'autres objections. Il a allègue que le canal tout entier jusqu'à la mer n'a pas été étudié, qu'on n'est pas fixé sur le chiffre de la dépense, de sorte que décréter ce canal entier, c'est forcément en provoquer l'ajournement.

C'est ici que j'arrive à la proposition que j'aurai l'honneur de soumettre à la chambre, et à laquelle M. le président m'a rappelé.

Messieurs, vous voyez, d'après le discours de M. le ministre des travaux publics, que si l'on adoptait notre amendement qui tend à décréter le canal depuis la Lys jusqu'à la mer, le ministre ne se propose plus, préalablement au vote sur l'amendement, de provoquer l'ajournement du projet du loi. C'est là une concession importante, et je m'empresse de remercier M. le ministre des travaux publics de ce revirement ou plutôt de cette rectification qu'il vient faire à ses premières déclarations. En effet, si M. le ministre des travaux publics eût persisté à vouloir demander l'ajournement préalable, pour le cas où l’amendement n'eût pas été retiré, mes collègues et moi, nous nous serions trouvés sous le coup d'une sorte du contrainte morale, et nous eussions été forcés de retirer notre amendement ; maintenant M. le ministre a mieux expliqué ses intentions, et je dois le dire aussi, les intentions ainsi manifestées par M. le ministre ne ressemblent plus à une menace.

Mais voici la position que ces explications nouvelles nous font. Au lieu de demander l’ajournement di projet, M. le ministre des travaux publics se borne aujourd’hui à soutenir que la proposition que j'ai signée avec trois de mes honorables collègues, aurait pour conséquence virtuelle l'ajournement. Or, il est facile d'empêcher que la proposition ait cette portée. Ainsi sans décréter immédiatement la construction du canal entier, on peut prendre une décision qui autorisa le gouvernement à différer la construction des deuxième et troisième sections de ce canal jusqu'à ce que les études complètes soient achevées, et qu'il ait assuré des voies et moyens ; et l'on se bornerait à décréter la construction immédiate de la première section du canal.

C'est dans ce sens que j'aurai l'honneur, de faire ma proposition, qui consiste à rédiger le n°1 de l'article premier de la loi, de la manière suivante :

« 1° A ouvrir, de Deynze à Schipdonck, la première section d'un canal de dérivation des eaux de la Lys vers la mer, sauf, etc. »

Il est à remarquer qu'ainsi le gouvernement se réserve tout entière la question d'opportunité, la question de temps pour faire faire les études et la question financière. Il peut apprécier toutes ces questions à son aise ; seulement les honorables députés de la Flandre occidentale, qui craignent que le canal de dérivation des eaux de la Lys ne s'arrête définitivement à Schipdonck, vont voir, dès à présent, cesser leurs craintes, et pourront, je l’espère, ne pas persister dans leur, répugnances.

Il est impossible que le gouvernement s'oppose à un amendement qui rentre dans les intentions que MM. les ministres ont manifestées dans toute cette discussion. Autrement il deviendrait évident que le gouvernement, ne veut pas la réussite de son projet ; et le gouvernement n'ignore pas que pour que ce projet réunisse toutes les chances d'adoption, il faut que les députés de la Flandre occidentale cessent de lui faire une opposition aussi persévérante que celle qu'ils loi font jusqu'a présent (Interruption.) Oui, je le répète, repousser notre amendement, c'est vouloir le rejet du projet, sans oser avouer tout haut ce mauvais vouloir.

J'ai dit, messieurs, qu'en décrétant le principe de la continuation du canal jusqu'à la mer, tout en laissant le gouvernement entièrement juge de la question du temps et des moyens financiers, les députés de la Flandre occidentale voient s'évanouir la plupart des objections qu'ils ont faites contre la section de Deynze à Schipdonck. Cette proposition est d'une démonstration facile.

Bruges et Ostende ont allégué principalement et leurs organes ont soutenu qu'on allait par le canal de Deynze à Schipdonck déplacer le fléau des inondations, et qu'on allait (injustice criante] reporter ces inondations de Gand sur Bruges et Ostende. Il importe, messieurs, pour répondre à ce reproche, de rappeler la position nouvelle de Bruges et d'Ostende, position qui a été si bien indiquée par l'honorable M. Lejeune dans une séance précédente.

Aujourd'hui Bruges et Ostende sont obligés de laisser écouler par le canal d'Ostende toutes les eaux des terrains bas situés au nord de la Flandre occidentale. Certes, aussi longtemps que Bruges et Ostende seront dans cette situation défavorable, ces villes auraient à se plaindre si l'on dirigeait sur elles plus rapidement et plus abondamment les eaux du bassin de Gand. Mais trois faits importants ont changé cette situation : par le canal de Zelzaete dont la première section est achevée : par l'usage nouveau que la Belgique peut faire du canal de Terneuzen ; enfin par les travaux exécutés récemment au canal de Plasschendaele à Nieuport ; Bruges et Ostende vont avoir le régime de leurs eaux complétement modifié et amélioré.

Une grande partie des eaux qui doivent s'écouler aujourd'hui par le canal de Bruges à Ostende cesseront de prendre cette direction. Il y aura donc là un débouché nouveau pour les eaux. Je sais bien, messieurs, qu'il serait dans l'intérêt de la navigation de Bruges et d'Ostende que cet état de choses si favorable pût se maintenir intact ; je sais bien qu'il est dans l'intérêt de la navigation de Bruges et d'Ostende qu'aucune partie des eaux de Gand ne puisse être dirigée par le canal de Bruges à Ostende vers la mer. Mais si tel est l'unique motif de l'opposition qu'on fait au projet, il faut avoir la franchise d'en convenir. Il faut qu’on avoue qu'on repousse le projet, non par crainte des inondations dont il menacerait la Flandre occidentale, mais parce qu'on craint qu'en jetant vers Bruges une plus grande quantité d'eaux de la Lys, la navigation ne soit plus fréquemment interrompue et qu'on ne perde ici l'affranchissement de la navigation que bientôt on va conquérir. (Interruption.)

M. Donny. - Nous l'avons dit.

M. d’Elhoungne. - Si vous l'avez dit, vous avez été plus francs, mais vous n'avez pas été plus logiques. En effet Bruges et Ostende vont se trouver dans une situation plus favorable qu’en 1830 pour l’écoulement des eaux et pour la navigation. Or, comprend-on que, dans leur empressement à jouir de tous les avantages de cette position nouvelle, Bruges et Ostende refusent obstinément de supporter quelques désagréments tout à fait temporaire, pour délivrer du fléau des inondations le plus grand centre d’industrie et de population des deux Flandres ? Il y aurait là, il fait en convenir, un égoïsme auquel la chambre certes ne pourrait accorder, ni son assentiment, ni son appui. (Interruption.)

Une autre considération se présente, la canal de Schipdonck sera fait avec écluses à ses deux extrémités. Or, si je suis, comme l’honorable M. Dumortier, assez porté à admettre qu’un système d’écluses n’est pas une garantie toujours suffisante, il y a ici une autre garantie qui fortifie la première, c’est la garantie qui résulte de la nature même des choses. On a déjà appelé votre attention sur ce fait : le canal de Bruges à Gand, par lequel les eaux dérivées de la Lys vont s’évacuer, n’a point de pente de Gand vers Bruges. Il y a, au contraire, un endroit où le canal a son plafond incliné avec une pente égale dans la direction de Gand et dans la direction de Bruges. Dès lors, quand le point d’eau sera moins élevé à Gand qu’à Bruges, les eaux du canal de Schipdonck se dirigeront vers Gand et non (page 1488) vers Bruges. Il est donc impossible que Gand soit à l'abri de l'inondation au moment où Bruges en serait affligé.

Dira-t-on, qu'une fois la première section du canal exécutée, les Gantois seront désintéressés dans la question, et qu'eux-mêmes ils pousseront à l'ajournement de l’exécution des autres sections du canal ? Mais la réponse à cette objection est non seulement dans le caractère de la population gantoise, mais encore une fois dans la nature, dans la nécessité des choses ; car cette section du canal de Deynze à Schipdonck ne suffit pas aux besoins de Gand ; il faut nécessairement que le canal soit prolonge dans l'intérêt de Gand ; or, quand la première section sera exécutée, au lieu de contribuer à ajourner le reste du canal, cette première section sera l'argument le plus victorieux, le plus décisif pour faire décréter sans retard les deux autres sections.

C'est la même réponse que j'aurai l'honneur de faire à un honorable député d'Audenarde. Cet honorable orateur a semblé dire qu'une fois Gand dégorgé de ses inondations au moyen du canal de dérivation de la Lys, on abandonnerait les travaux à faire sur l'Escaut.

Mais, messieurs, le projet tel qu'il est amendé par la section centrale, propose des redressements nombreux au haut Escaut ; sous ce rapport, on aggrave la position de la ville de Gand ; par conséquent si des travaux ultérieurs sont à faire, la vile de Gand aura le plus grand intérêt à les voir exécuter, et poussera énergiquement à leur exécution.

En somme, le canal de Deynze à Schipdonck n’est qu'un remède partiel, qui appelle nécessairement son complément ; qui ne peut, ni par la nature des choses, ni par les précautions apportées à son exécution, ni par la volonté de la chambre et du gouvernement, tourner au désavantage de Bruges et d'Ostende, et amener aux environs de ces localités des inondations désastreuses. Sans doute, ce nouveau canal pourra, jusqu'à certain point, être un désagrément pour ces villes : mais entre le désagrément d’une ville et le désastre de l'autre, la chambre hésitera-t-elle ?

Je ne dirai rien, messieurs, de la demande d’ajournement de l’honorable M. Donny. Je pense que cet honorable membre ferait mieux de demander franchement le rejet du projet de loi.

L’ajournement n’est qu’un rejet détourné, un rejet peu franc, peu digne. Les motifs allégués à l’appui en sont la preuve. L’honorable M. Donny y trouve d’une part les projets assez étudiés pour décréter la ligne du canal tout entière ; et d’une autre part, il soutient que, pour la première section, c’est-à-dire pour la partie la plus étudiée, l’instruction n’est pas complète ! ?’est-ce pas là une contradiction flagrante ? J’espère donc, messieurs, que la chambre écartera la proposition d’ajournement et adoptera notre amendement, tout au moins sous la forme nouvelle que je lui ai donné. Elle acceptera cet amendement qui décrète e principe et laisse le gouvernement libre de la question de temps, juge de la question financière, et qui par conséquent donne la satisfaction la plus complète à tous les scrupules exprimés dans cette discussion.

En terminant, j’adjure M. le ministre des finances, lui Flamand, de ne pas être plus longtemps un obstacle à l’adoption d’un projet qui n’est qu’une juste réparation de longues souffrances de nos provinces. Il serait fâcheux que ce fût un enfant de la Flandre… (Bruit.)

Un membre. - Il est Belge !

Un autre membre. - Il est ministre de la Belgique !

M. d’Elhoungne. - Il ne doit pas oublier qu’il est Flamand ! Je le répète, il serait fâcheux pour le ministre et douloureux pour nous que ce fût un ministre flamand qui nous empêchât d’obtenir du vote de la chambre ce canal qui est attendu comme un bienfait et un acte de justice pour nos populations.

M. de La Coste. - Messieurs, vous comprendrez facilement que je ne prétends pas trancher des questions qui partagent les personnes les plus au fait des localités. J’apporterais certainement dans l’examen de ces questions beaucoup d’impartialité, mais je n’y apporterais pas les connaissances qui ont été déployées par les honorables préopinants. C’est donc à un point de vue plus général que je me place en entrant dans la discussion. Je suis parfaitement d’accord avec l’honorable préopinant, que c’est un des devoirs les plus essentiels du gouvernement que de veiller à ce que nos fleuves atteignent leur doubler but, servent à leur double destination, l’écoulement des eaux superflues et la navigation. Laissant en ce moment de côté ce qui concerne le concours, soit des riverains, soit d’autres intéressés, je considérerais l’autorité publique, si elle négligeait d’aussi importants travaux, comme tombant dans l’erreur d’un propriétaire qui, pour épargner quelques frais, négligerait d’ouvrir ses rigoles d’asséchement. Il en serait puni dans son intérêt même, par l’infertilité du sol. Mais c’est précisément parce que je considère ce point comme un des principaux devoirs du gouvernement que je voudrais laisser à son examen, à son initiative, des questions semblables.

Le gouvernement, qui ne doit être ni Flamand ni Wallon, qui doit uniquement considérer les choses au point de vue général, qui doit être plus impartial que chacun de nous, le gouvernement doit apprécier l’étendue du mal et rechercher le remède ainsi que les moyens d’y pourvoir ; non seulement les moyens directs, mais ceux qui doivent en être la conséquence ; ceux, par exemple, de couvrir les intérêts des emprunts.

Qu’arrive-t-il sans cela ? On se coalise, on arrache des lambeaux du budget et nous, qui n’avons pas un intérêt directe dans la question, nous ne savons quelle règle suivre. Satisferons-nous la Lys en mécontentant le bas Escaut ? Nous exposerons-nous à noyer Termonde pour contenter le haut Escaut ? Comment pouvons-nous, à défaut de cet examen préalable, d’un travail d’ensemble, statuer d’une manière qui satisfasse les intéressés, qui satisfasse notre conscience et le pays ?

Le gouvernement ayant eu la conviction de la nécessité de ce qu'il vous propose, différents honorables membres ayant appuyé cette proposition par des motifs qui me paraissent valables, je suis disposé à la voter ; mais je ne saurais aller au-delà. Je regrette néanmoins que le gouvernement n'ait pas cru pouvoir vous présenter un travail complet, un travail d'ensemble relativement à ces rivières. Je voudrais même quelque chose de plus général ; ainsi que semblait l'avoir en vue un précédent ministre des travaux publics dont les paroles m'ont frappé : je voudrais qu'on pût faire un travail d'ensemble sur toutes les rivières du royaume ; alors nous n'aurions pas seulement à tout ceci une part que je ne refuse pas de prendre, celle d'obliger nos commettants à payer, nous aurions aussi à leur offrir une part dans les avantages. L’honorable M. d'Hoffschmidt a cité le Demer et je l'en remercie ; le Demer aurait sa part ; je ne fais pas de ceci une condition de mon vote. Qu'on me pardonne cette observation, car je ne veux blesser personne, je ne cherche pas à entrer dans une coalition d'intérêts pour faire passer cette idée : je m'en rapporterai à la justice du gouvernement, à la justice de la chambre.

L’intérêt que vous prenez à vos grands fleuves qui sont plus féconds en résultats importants, nous le prenons au nôtre qui procure moins d’avantages. N’est-il pas juste que cet intérêt soit pris aussi en considération ? Il faut, il est vrai, moins de frais pour donner au Demer les avantages non seulement de l’asséchement, mais de la navigation au moyen de ce canal latéral que nous avons réclamé et que réclame aussi le Limbourg. Il suffirait d’une petite somme offerte à des concessionnaires qui l’exécuteraient à leur frais. Je sais qu’une petite somme passe moins facilement qu’une grande. Il est rare qu’une dépense de 6 à 7 millions trouve de l’opposition. Il n’en est pas moins vrai qu’une proposition qui pourvoirait à tous les besoins suivant leur degré d’utilité et dans une échelle correspondante de dépense aurait un caractère plus équitable, plus élevé que des propositions partielles. Cette idée de l’honorable M. d’Hoffschmidt, j’ai cru de mon devoir de l’appuyer.

Il me semble que si l’honorable ministre des travaux publics adoptait l’idée de son prédécesseur, s’il déclarait qu’il fera tous ses efforts pour la réaliser, nous pourrions tous être satisfaits, et nous contenter quant à présent de cet engagement.

M. Dubus (aîné). - Je me lève pour appuyer la plupart des observations qui ont été faites par mon honorable ami M. Dumortier et par un honorable député d’Audenarde.

Je viens aussi soutenir dans cette enceinte les plaintes et les réclamations des riverains de l'Escaut, plaintes qui se font entendre depuis près de 15 ans sans qu'on ait rien fait pour remédier aux calamités qui pèsent sur ces propriétés.

Aujourd’hui, après une longue instruction qui avait pour but de trouver ces remèdes, nous allons arriver à une déception véritable, à une complète mystification, pour ces propriétaires qui souffrent depuis si longtemps.

Ces plaintes sont anciennes, je l’ai dit. En effet, elles remontent à 1831. Dès lors les travaux qui avaient été exécutés en France à l’Escaut et à la Scarpe avaient amené ce résultat que les eaux de ces rivières arrivaient à notre frontière si précipitamment et en si grande quantité qu’elles occasionnaient de longues et fréquentes inondations.

Des travaux considérables ont été faits à l’Escaut français et à la Scarpe. Les eaux, on vous l’a dit, arrivent maintenant en plus grande abondance et avec une vitesse triple. Il y a dès lors engorgement à notre frontière. Le territoire français même, une partie de la vallée de la Scarpe souffrent beaucoup de cet état de choses. Il en est résulté que le gouvernement français a demandé au gouvernement belge l’exécution de certains travaux à l’Escaut, qui dégageraient la vallée de la Scarpe ; et notre gouvernement a eu la faiblesse d’y consentir. Je dis « la faiblesse » ; car certainement nous n’y étions pas obligés. S’il est vrai que les fonds inférieures sont tenus de recevoir les eaux des fonds supérieurs, ce sont les eaux qui en découlent naturellement, et sans que la main de l’honorable y ait contribué. Mais alors que c’étaient les travaux des ingénieurs français qui étaient la cause du désastre, nous avions le droit non seulement de résister à la demande du gouvernement français, mais encore de demander nous-mêmes la réparation du dommage que ces travaux causent aux propriétés belges, en amont d’Antoing.

Au lieu de répondre comme on aurait dû le faire aux insistances du gouvernement français, on y a cédé ; on a consenti à donner au débouché du canal d’Antoing une ouverture plus que double de celle qui existait précédemment. Par ce moyen on a amené dans les environs de Tournay des inondations qu’on n’y connaissait pas autrefois.

Ainsi, il y a eu tout à la fois acte de faiblesse de la part du gouvernement et acte de profonde injustice envers les propriétaires riverains de l’Escaut.

Si cela est vrai, qu’en résulte-t-il ? N’est-il pas évident qu’il en découlait une obligation d’autant plus étroite pour l’Etat belge de faire cesser les causes de ces désastres et d’y apporter un remède prompt et efficace ; or ce remède, on le diffère constamment, et, aujourd’hui encore, in l’ajourne indéfiniment.

Ce sont surtout les riverains de l’Escaut qui souffrent depuis longtemps, qui éprouvent le dommage le plus considérable ; c’est aux riverains de l’Escaut qu’on n’apporte aucun soulagement, aucune réparation, précisément parce qu’ils souffrent depuis longtemps, parce qu’ils souffrent beaucoup.

Tandis qu’on reconnaît la nécessité de prendre des mesures très dispendieuses pour parer aux inondations de la Lys qui sont bien moins calamiteuses et surtout qui sont tout à fait récentes, bien que les travaux faits à la Lys française sont postérieure de dix ans aux travaux exécutés à l’Escaut français et à la (page 1489) Scarpe, on fait valoir en premier lien qu'il faut d'abord travailler en aval ; mais il aurait fallu commencer par adopter ce principe ; or on a commencé au contraire par travailler en amont, de manière à déplacer les inondations de la vallée de la Scarpe et à les amener dans les environs de Tournay.

Ce que l'on a commencé, on doit le continuer. Sinon on est complétement injuste à l'égard des propriétaires riverains de l’Escaut, vers Tournay et Audenarde. Ainsi on a commencé par travailler en amont, pour accabler les propriétaires des environs de Tournay. Cela fait, on s'arrête ; on ne propose plus rien pour les tirer de la position déplorable où on les a placés. Mais on retourne en aval, où l'on vient se borner à faire d'abord les ouvrages qui leur sont le plus étrangers. Les riverains de l'Escaut souffrent depuis 15 ans. Il faudra ajouter peut-être 15 ans encore, avant que nous voyions rien faire pour les soulager.

Mais c'est des inondations de la Lys qu'on se préoccupe. En effet, depuis 1841, je crois, on commence à se plaindre des inondations de la Lys belge. Depuis 1841 ! Ah ! c'est trop longtemps souffrir ; là, quoi qu'il en coûte, il faut vite trouver un remède. Les millions ne doivent point être épargnés dès qu'il s'agit de prévenir dorénavant les inondations de la Lys qui sont peu fréquentes et peu considérables, et qui ne se produisent que depuis peu d'années. Ce n'est rien qu'un premier canal de Zelzaete qui coûtera plus de cinq millions ; ce n'est rien que le canal de Terneuzen, pour lequel nous payons encore une forte rente à la Hollande ; il faut multiplier, pour la Lys, les moyens d'écoulement, mais pour l'Escaut, rien. Voilà le système qu'on vous présente.

Mais comparons un instant la situation des deux rivières.

Comme je vous l'ai dit, d'un côté les souffrances durent depuis 15 ans ; de l'autre elles sont toutes récentes ; mais comparez la hauteur du dommage : on a évalué à six millions celui que souffrent les riverains de l'Escaut. Je ne veux pas me rendre garant de l'exactitude du calcul ; car je n'ai pas eu l'occasion de le vérifier.

Mais ce que j'ai remarqué, c'est que l'on estime le dommage qu'éprouvent les riverains de l'Escaut au sextuple du dommage qu'éprouvent les riverains de la Lys. En effet, messieurs, l'Escaut parcourt 25 lieues depuis la frontière. Ce sont 25 lieues d'inondation. Les inondations y sont de toutes les années ; elles y sont fréquentes. La Lys ne souffre que de loin en loin et dans des circonstances extraordinaires.

Ainsi les inondations de l'Escaut sont à la fois plus anciennes, beaucoup plus considérable, plus fréquentes, et j'ajouterai, messieurs, elles sont plus durables. Nous en avons la preuve en ce moment. Les prairies des environs de Tournay et en aval d'Audenarde sont encore inondées, et depuis plus d'un mois la Lys est rentrée dans ses rives ; il n'y a plus d'inondation. Ainsi il y a plus d'un mois de différence dans la durée des inondations, et ce mois c’est celui pendant lequel le séjour prolongé des eaux cause tous les désastres. C'est pendant ce mois que se consomme la perte de la récolte. Lorsque les eaux se retirent au mois d'avril, on a encore des récoltes dans les prairies. Mais lorsqu'elles couvrent la terre pendant loin le mois de mai, il n'y a plus de récolte à espérer.

Ainsi les véritables dommages sont sur les rives de l'Escaut, et c'est pour les rives de l'Escaut qu'en ne veut rien faire.

Mais poursuivons la comparaison entre les deux rivières.

La Lys a déjà, indépendamment du lit du fleuve dans lequel elle se jette, d'autres voies directes d’écoulement, dont à la vérité les propriétaires riverains n'ont pas joui complétement jusqu'aujourd'hui, mais dont ils entrent en quelque sorte maintenant en pleine jouissance, de sorte que nous apprécierons par la suite quel sera l’effet de ces nouvelles voies.

Ainsi, messieurs, c'est la Lys qui est à Gand en communication avec le canal de Bruges ; c'est la Lys qui est à Gand en communication avec le canal de Terneuzen.

Jusqu'ici le canal de Bruges ne pouvait servir que très imparfaitement à l'écoulement des eaux surabondantes de la Lys. Pourquoi ? Parce que le canal de Bruges à Ostende devait servir principalement à l'écoulement des eaux du nord de Bruges. On vous a rappelé que le canal de Zelzaete, dont la première section s’achève, je crois, en ce moment, étant destiné à recevoir les eaux du nord de Bruges, on ne devra plus baisser celles du canal d’Ostende, pour mettre celui-ci à même de recevoir ces eaux-là, que des lors, comme vous le fait remarquer la commission dans son rapport, l'exécution du canal de Zelzaete va rendre le canal de Bruges complétement disponible dans les grandes crues pour l’évacuation des eaux surabondantes de la Lys.

Voilà donc une voie directe d'écoulement des eaux surabondantes de la Lys, dont jusqu'ici les propriétaires riverains ne jouissaient que d'une manière imparfaite, mais dont ils vont à l'avenir jouir pleinement.

Quant au canal de Terneuzen, jusqu'ici, à défaut du complet achèvement d'ouvrages qui ont fait l'objet de l’un des articles de notre convention avec la Hollande, il ne pouvait pas servir non plus à l'écoulement des eaux surabondantes de la Lys. Mais ces travaux viennent d’être achevés l'hiver dernier et dorénavant le canal de Terneuzen pourra servir exclusivement dans des circonstances de crues extraordinaires, à l'écoulement de ces eaux ; et personne ne peut dire quel sera dans l'avenir le résultat de ce double moyen d'écoulement par le canal de Bruges et par le canal de Terneuzen.

Mais ce n'est pas tout, messieurs ; le canal de Zelzaete, dont la première section vient d'être achevée, devra être prolongé jusqu'à Zelzaete, où il se réunira au canal de Terneuzen, et où il pourra également, dans les circonstances extraordinaires prendre les eaux surabondantes que le canal de Terneuzen aura amenées.

Je sais bien que l'on a mis en doute que le canal de Zelzaete puisse servir à, l'évacuation de ces eaux. Je me rappelle en effet que lors de la lecture qui a été faite, dans le sein de la commission dont j'ai fait partie, du rapport de l'honorable M. Desmaisières, le 29 mai 1845, ce rapport contenait un passage que je n'ai plus trouvé dans le rapport imprimé, mais que, à l’instant même où l'on en donnait lecture, j'ai analysé de la manière suivante :

« L'expérience seule pourra faire connaître si l'on peut jeter dans le canal de Zelzaete des eaux étrangères aux terrains qu'il doit assécher. »

On mettait donc en doute, mais simplement en doute, si le canal de Zelzaete pourrait augmenter les moyens d'action du canal de Terneuzen pour l'évacuation des eaux surabondantes de la Lys dans le temps de crues. Mais remarquez que ce n'était qu'un doute que l'on émettait et qu'on en appelait à l'expérience. Je pourrais donc dire, lorsque l'on parle de travaux nouveaux et très dispendieux, pour détourner et évacuer les eaux surabondante de la Lys : Attendons cette expérience avant d'entrer dans une voie nouvelle et considérable de dépenses ; voyons quel sera le résultat combiné des canaux de Bruges, de Terneuzen et de Zelzaete pour l'évacuation des eaux surabondantes de la Lys. C'est, paraît-il, ce qu'il serait raisonnable de conclure de cette situation des choses. Mais point. Là où il y a déjà deux ou trois moyens directs d'écouler les eaux surabondantes, on veut, au prix de 6 à 7 millions, en ajouter un nouveau ; et d'une autre part, là où les dommages sont les plus anciens, sont les plus considérables, où les inondations durent le plus longtemps, où le moyen d'écoulement est insuffisant, où de plus énergiques et de plus efficaces sont nécessaires, on ne veut rien ajouter au moyen actuel d'écoulement.

Dans l'état actuel des choses, messieurs, l’Escaut n'a pas d'autre moyen d'écoulement que son lit à travers la ville de Gand. Mais, dit-on, il y en a un autre. Il y a un bras de dérivation qui existe depuis plus d'un siècle. Mais, messieurs, c'est absolument comme s'il n'y avait que le lit à travers Gand. Car ce bras de dérivation prend sa naissance à une porte de Gand, et il vient déboucher dans l'Escaut à une autre porte, formant ainsi une espèce de fossé d'enceinte très étroit et qui serre de très près la ville elle-même.

Evidemment cela ne peut être d'aucun secours pour faciliter l’écoulement des eaux.

Au lieu de cela, messieurs, M. l'ingénieur avait proposé à la commission et elle avait adopté l'exécution d'un canal de dérivation qui aurait pris naissance beaucoup plus en amont de Gand, qui aurait débouché dans l'Escaut beaucoup plus en aval et qui aurait pu servir à soulager efficacement les riverains de l'Escaut.

Eh bien, on s'y oppose. Il est vrai que c'est par des motifs difficiles à concilier entre eux : les uns s'y opposent en disant que cela ne serait d'aucune efficacité ; les autres viennent dire que ce serait beaucoup trop efficace, qu'il en résulterait un déplacement des inondations. Vous le voyez, messieurs, il est bien difficile de mettre les opposants d'accord.

On a insisté, messieurs, sur la nécessité qu'il y a de débarrasser le bassin de Gand des eaux surabondantes de la Lys ; mais je vous ai fait remarquer qu'il existe déjà plusieurs moyens de débarrasser le bassin de Gand de ses eaux surabondantes, et plusieurs moyens dont l'effet n'a pas encore pu être suffisamment apprécié, car c'est tout récemment que nous venons d’être placés dans une position à pouvoir faire un plein usage de ces moyens.

Je dirai, de mon côté, qu'il faut débarrasser Gand des eaux surabondantes de l'Escaut, et pour cela vous n'avez d'autre moyen que celui qui a été proposé à la commission.

On nous a représentés, messieurs, comme voulant séparer les intérêts de l'Escaut des intérêts de la Lys, et l'on dit que ces interdis se confondent, que tout ce qu'on fera pour débarrasser Gand du superflu des eaux de la Lys profitera aux riverains de l'Escaut. Mais si les intérêts de l'Escaut et de la Lys se confondent à ce point, je dirai que tout ce qu'on fera pour débarrasser Gand du superflu des eaux de l'Escaut profitera aux riverains de la Lys. Ainsi c'est là encore un argument que l'on pourra perpétuellement rétorquer. Il faut toujours en venir à ceci : Vous voulez un moyeu qui agirait directement au profit des riverains de la Lys, et qui selon vous agirait d'une manière indirecte au profil des riverains de l'Escaut. Nous disons, nous, qu'il faut appliquer le moyen direct et efficace, le moyen le plus énergique, là où il est le plus nécessaire. Or il est le plus nécessaire là où les inondations sont le plus considérables, le plus durables, où le mal est le plus ancien, le plus grand, là où les dommages sont le plus énormes.

Du reste, messieurs, l'honorable député de Gand qui a tant insisté sur la nécessite de débarrasser Gand des eaux surabondantes de la Lys, et qui a annoncé qu'il allait démontrer complétement qu'en débarrassant Gand de ces eaux, on venait efficacement au secours de l'Escaut, cet honorable membre s'est chargé ensuite de démontrer le contraire, car lorsqu'il a voulu représenter comme inutile le canal de Zwynaerde à Melle, que fait nous a-t-il cité ? Il nous a dit : Mais en ce moment-ci les inondations existent à Audenarde, elles existent en aval d'Audenarde, et Gand n'a plus aucune inondation : à Gand les eaux sont au-dessous de la jauge d'été, et même en amont de Gand jusqu'à une certaine distance, l'Escaut est renferme dans son lit.

Eh, messieurs, s'il en est ainsi et si l'on doit en conclure que le canal de Zwynaerde à Melle est inutile aux riverains de l'Escaut, mais à plus forte raison le canal de Schipdonck, qui n'arrive même pas à l'Escaut, serait-il inutile aux riverains de ce fleuve. Je suppose que ce canal soit aujourd'hui exécuté et je voudrais bien, s'il est vrai qu'il n'y a pas surabondance d'eau à Gand, qu'on m'expliquât de quelle manière le jeu des écluses de ce canal pourra être de quelque utilité aux riverains de l'Escaut dont les propriétés sont encore sous l'eau.

Ainsi, messieurs, d'après l'argument même de l'honorable, membre, il est évident qu’il s'est attaché à démontrer le contraire de ce qu'il annonçait (page 1490) au début de son discours, qu’il s’est attaché à démontrer l’inutilité complète du canal de Schipdonck pour venir au secours des riverains de l’Escaut.

Cet honorable membre avait dit aussi vers le début de son discours que, de l’aveu de tous, le principal obstacle à l’écoulement des eaux se rencontre dans la ville de Gand, parce qu’il voulait alors établir que c’était le bassin de Gand qu’il fallait débarrasser. Mais lorsqu’il a proposé ensuite un autre but, lorsqu’il s’est proposé d’établir que le canal de Zwynaerde à Melle serait inutile, alors il a soutenu une thèse contraire, alors il a prétendu que l’obstacle n’était pas à Gand, car voici ce qu’il dit au moment où il s’attache à combattre le canal de Zwynaerde à Melle :

« Persistant dans cette opinion erronée, que les obstacles à l’écoulement des eaux résident à Gand, l’honorable membre a proposé l’établissement d’un canal de Zwynaerde à Melle. » Ainsi quand il s’agit de faire décréter le canal de Schipdonck, les obstacles sont incontestablement à Gand, c’est le bassin de Gand qu’il faut débarrasser. Mais lorsqu’il s’agit d’empêcher l’exécution du canal de Zwynaerde à Melle, alors c’est une opinion erronée que celle qui place l’obstacle à Gand ; il faudrait pourtant être d’accord avec soi-même.

M. de Saegher. - Vous tronquez mon opinion.

M. Dubus (aîné). - Je ne pense pas avoir tronqué l’opinion de l’honorable membre, je crois que vous avez pris à tâche, lorsqu’il s’est agi du canal de Zwynaerde à Melle, d’établir que ce canal serait inutile, parce qu’alors même qu’il n’y a plus d’inondation à Gand, il y a encore des inondations sur le haut Escaut ; dire cela et dire en même temps que l’obstacle à l’écoulement des eaux est à Gand, c’est énoncer deux opinion qui s’entre-détruisent.

M. de Saegher. - Je demande la parole.

M. Dubus (aîné). - C’est à Gand, dit-on, qu’est le confluent de l’Escaut et de la Lys ; c’est à Gand que toutes les eaux de l’Escaut et de la Lys se réunissent ; c’est Gand qu’il faut débarrasser.

Mais j’oppose à cet argument la situation actuelle, où Gand se trouve complétement débarrassé, où toute la Lus est également revenue à son état normal et où les riverains de l’Escaut sont encore en proie à l’inondation. Il y a plus d’un mois que les eaux de la Lys sont rentrées dans leur lit ; Gand est également aujourd’hui complétement à l’abri de l’inondation, et vous ne voulez rien faire pour l’Escaut ; vous ne voulez pas voir les dommages dont souffrent les propriétés riveraines de l’Escaut qui aujourd’hui encore sont sous l’eau ; vous ne voulez pas du moyen proposé pour faire cesser les inondations de l’Escaut en amont de Gand, qui sont cependant à la fois plus considérables et plus durables que les inondations de la ville même de Gand.

On a insisté aussi sur l’insuffisance, constatée par l’expérience, des voies d’écoulement des eaux surabondantes de la Lys. Mais remarquez, messieurs, qu’on n’a pas fait une expérience suffisante, parce qu’on n’a pas encore fait usage des moyens d’écoulement qu’on pourra employer plus tard, par suite des travaux exécutés au canal de Terneuzen et par suite de la construction du canal de Zelzaete. Et, en supposant qu’il y ait eu en effet insuffisance, au moins y a-t-il là des moyens directs qui peuvent diminuer considérablement le canal, tandis que, pour l’Escaut, il n’y a aucun moyen direct, et vous refusez le seul moyen direct qu’on propose.

C’est en amont de Gand que malgré les moyens d’écoulement déjà obtenus, on propose de prendre les eaux de la Lys pour les détourner vers la mer ; eh bien, n’est-il pas beaucoup plus urgent de prendre, en amont de Gand, les eaux de l’Escaut et de les détourner vers le bas Escaut, afin de diminuer les inondations du haut Escaut, auxquelles vous ne pouvez remédier efficacement d’aucune autre manière ?

Le fait même qu’on nous oppose, à savoir que l’inondation a cessé à Gand, ce fait vous prouve, messieurs, que c’est en amont de Gand qu’il faut aller prendre les eaux de l’Escaut, afin de les détourner vers le bas Escaut.

« Mais, dit-on, il y aura danger pour le bas Escaut, vous allez déplacer le mal : l’inondation qui existe en amont de Gand, vous la transporterez en aval. »

Messieurs, il a été répondu à cette objection, qu’on propose un canal de dérivation avec écluses ; il est bien entendu qu’il sera fait un usage intelligent et légitime de ce canal ; on n’a pas le droit de déplacer l’inondation et puisqu’on n’a pas le droit de le faire, on ne le fera pas, et puisqu’il y aura des écluses, on aura le moyen de fermer rigoureusement ce canal, lorsqu’il devra être fermé. Mais, dans la plupart des circonstances, on en fera usage sans aucun dommage. En effet, messieurs, on vous a dit que les inondations qui causent les plus grands désastres, sont les inondations moyennes et intempestives ; ce ne sont pas, en général, les grandes inondations d’hiver qui causent les véritables dommages, ce sont les inondations beaucoup moins considérables qui arrivent hors du temps d’hiver, et qui amènent la perte des récoltes.

Or, ces inondations qui sont moins considérables, quoique plus désastreuses, ne nous apportent pas cependant un volume d’eau tel qu’il y ait danger à faire usage d’un pareil moyen de dérivation. Ainsi, dans les circonstances les plus désastreuses, vous pourrez, sans aucun dommage possible pour le bas Escaut, faire usage du canal de dérivation.

Je citerai le montant actuel. Est-ce que dans ce moment, si le canal existait et qu’on pût faire écouler par ce canal avec plus de rapidité les eaux de l’Escaut vers le bas Escaut, il en résulterait le moindre dommage pour le bas Escaut ? N’est-il pas évident que depuis plus d’un mois on aurait pu en faire usage sans nuire à qui que ce fût ?

Mais, dit-on, ce canal sera inutile, car non seulement l’inondation n’existe plus à Gand, mais elle n’existe pas même à Zwynaerde, où serait le point de départ de notre canal ; par conséquent, si le canal existait, il ne serait d’aucun effet sur les inondations en amont.

Messieurs, j’avoue que j’ai extrêmement peine à me rendre à un pareil argument. Ainsi donc on mettrait à sec l’Escaut à Zwynaerde, et les eaux en amont demeureraient suspendues et ne feraient pas un pas !

Mais ce fait-là serait véritablement miraculeux ; avant de l’avoir vu, je me refuse à y croire.

D’ailleurs l’exécution du canal de Zwynaerde devait être combiné avec celle de certaines coupures qui en auraient rendu l’action d’autant plus efficace ; elles sont marquées sur la carte, il y en a une à Zwynaerde même. O ne peut donc pas en douter, ce serait un moyen efficace de porter remède à l’institution en amont de Zwynaerde.

Il y a sans doute d’autres moyens encore de venir au secours des riverains de l’Escaut, mais on n’en propose aucun ; et en ce qui touche l’Escaut vers Tournay et en amont de Tournay, je demande à M. le ministre des travaux publics s’il n’y a rien à faire pour diminuer les désastres des inondations, si l’on ne pourrait pas, puisqu’on a commis la faute de faciliter le dégagement de la vallée de la Scarpe au grand dommage des propriétés belges, si on ne pourrait pas les mettre à l’abri des inondations qui en sont la conséquence, en formant des digues convenables pour retenir les eaux.

Dans un pays voisin beaucoup de terres sont au-dessous du niveau des eaux qui sont retenues par des digues ; Je demande pourquoi, en présence de tant de dommages qu’on évalue à plusieurs millions par année, on n’endiguerait pas l’Escaut de manière à maintenir les eaux dans son lit.

N’y a-t-il pas moyen aussi de diminuer la masse d’eau qui arrive de la France ? le ministre va-t-il laisser le canal de Décours dans sa situation actuelle ? Ces vannes, au moyen desquelles on pouvait empêcher l’arrivée trop rapide des eaux par ce canal, et ces rives élevées qui contenaient les eaux, est-ce que le ministre n’a pas l’intention de les rétablir telles qu’elles étaient avant leur destruction ? Non ; absolument rien n’est proposé pour venir au secours de ceux qui souffrent le plus cruellement et depuis plus longtemps, dont les souffrances sont en quelque sorte perpétuelles.

Je reviens au canal de Zwynaerde ; on a objecté contre l’exécution de ce canal qu’il pourrait devenir dangereux surtout à cause du flux et reflux dans le temps des hautes marées. La réponse est toujours la même : On connaît d’avance en quelque sorte quand arriveront les hautes marées ; il est bien aisé pour ce moment-là de tenir les écluses du canal fermées.

D’ailleurs le projet qui a été soumis à la commission indiquait un moyen d’éviter les inconvénients du flux et du reflux, c’était celui de portes de flot qui se seraient fermées pour arrêtés les eaux venant de la mer.

Je ne puis donc comprendre pourquoi la proposition du canal de Zwynaerde rencontre tant d’opposition, et pourquoi on lui préfère, pour venir au secours des riverains de l’Escaut, le canal de Schipdonck, qui évidemment ne sera que d’une utilité bien minime, s’il peut être de quelque utilité pour les riverains de l’Escaut.

Dans le sein de la commission le canal de Zwynaerde a été admis par la majorité des membres. Comme l’exécution de ce canal faisait partie d’un système qui comprenait aussi le canal de Schipdonck, je m’étais rallié à la proposition d’exécuter aussi le canal de Schipdonck, mais cela a été pour nous une véritable déception, car à peine avait-on voté à l’unanimité l’exécution du canal de Schipdonck, qu’aussitôt les membres de la commission qui avaient voté avec nous le canal de Zwynaerde sont revues sur ce vote, et sous le prétexte d’une question de priorité, ont abandonné le canal de Zwynaerde, et n’ont plus demandé que le canal de Schipdonck, nous n’avons plus eu d’autre ressource que de protester contre une pareille déception, contre une pareille résolution ; je protesterai également dans la discussion actuelle par un vote négatif sur le projet.

M. Desmet. - J’ai demandé la parole pour m’opposer à l’ajournement. Quand on voit les désastres qui résultent des inondations et des débordements des fleuves et rivières, on ne peut pas refuser au gouvernement une somme d'un demi-million qu'il demande pour exécuter quelques travaux qui doivent affranchir de ces désastres un grand nombre de localités. Je ne suis nullement intéressé dans le cas dont il s'agit en ce moment, je ne parle pas non plus seulement des inondations causées par l'Escaut et par la Lys, mais de celles qu'occasionnent toutes les rivières du pays dont les terrains riverains sont dévastés par des débordements depuis 50 à 60 ans ; car depuis les Français on n'a rien fait pour entretenir les bords de nos rivières. Les Français ne connaissant pas trop le régime qui convenait à nos eaux, on n'a rien fait. On a parlé d’économe, le ministre des finances voulait s’opposer à ce qu'on dépensât un demi-million pour meure un terme à des inondations. On parle de contributions à propos de ces dépenses, mais d'où viennent ces contributions ? Sans cette poule aux œufs d'or qu'on appelle l'agriculture, on ne pourrait pas vous payer des contributions. Faisons donc quelque chose pour protéger l'agriculture contre les éléments, pour protéger les propriétés et les récoltes.

Quand on nous a demandé des sommes pour faciliter le défrichement de la Campine, je les ai votées de grand cœur. Mais si vous voulez défricher des terrains pour les livrer à la culture, vous devez à plus forte raison faire en sorte de conserver les terrains défrichés et qui sont en pleine culture. J'aurais voulu qu'au département de l'intérieur on eût fait un relevé de tous les désastres causés par les débordements qui ont eu lieu dans le pays.

Cela ne monterait pas à six millions, mais de 20 à 30 millions. Je ne parle pas des vallées qui font pour ainsi dire partie de la rivière, dans la saison d'hiver, mais des terres cultivées qui sont en dehors de la vallée. C'est une statistique qu’on devrait faire. On parle toujours de statistique. En voilà une qui est bien utile pour faire comprendre la nécessité d'exécuter (page 1491) des travaux qui mettent fin aux inondations. Cela coûterais beaucoup, vingt millions au moins ; mais quand on envisage bien les choses, on ne doit pas hésiter.

Je dis plus, c'est que le gouvernement devrait instituer un comité central pour aviser aux moyens d'arrêter le désastre. Sous le régime autrichien il y avait à Bruxelles une junte centrale pour aviser aux moyens de prévenir les inondations ; une pareille institution serait du plus utiles en ce moment.

J'insiste donc pour que le gouvernement ne tarde pas à prendre des mesures pour arrêter les désastres que cause le débordement des rivières. C'est un objet de la plus haute importance.

Je me joins aux plaintes des propriétaires riverains de l’Escaut. Je sais qu'ils souffrent et depuis longtemps. Nous venons d'entendre la lecture d'une petite ou de plusieurs communes en amont de Tournay qui souffrent beaucoup des inondations.

Quand on sait ce qu'on souffre dans les communes de la Plaigne et de Péronne, on compatit aux souffrances des pétitionnaires. Le gouvernement a décrété l'exécution des travaux nécessaires et nous avons voté la somme qu'il fallait pour couvrir la dépense.

Indépendamment des moyens qui ont été indiqués dans la pétition, il en est une autre.

Ce qui a fait beaucoup de mal aux communes de la Plaigne et de Péronne, c'est le canal d'Antoing, où il n'y a pour ainsi dire plus de passage pour faire écouler les eaux ; les eaux doivent traverser en dessous du canal par des siphons, et l’on sait que l’écoulement par des siphons ne se fait que très difficilement.

Il est vrai que l’on pourrait construire un canal latéral à la droite de l’Escaut ; mais ce serait un moyen très difficile, car l’espace est très petit entre la côté et l’Escaut. Et encore ce moyen n’obvie pas à la difficulté du passage par-dessous le canal d’Antoing.

J’engage les députés du Tournaisis à ne pas perdre de vue que le canal d’Antoing fait le plus grand mal aux communes de la Plaigne et de Péronnes, et qu’on doit chercher un moyen de faire élargir ces siphons et faciliter l’écoulement des eaux.

Quant au canal du Décours, il est certain qu’il porte beaucoup d’eau dans l’Escaut, puisqu’il s’étend jusqu’à Douai et que l’immense vallée à gauche de la Scarpe apporte beaucoup d’eau.

Les Français ne se sont pas contentés d’enlever les vannes ; ils demandent plus, ils voudraient que le canal du Décours fût prolongé jusqu’en aval du canal d’Antoing. C’était là le principal de la négociation de la France et de notre gouvernement, car pour pouvoir bien dessécher la vallée de la Scarpe, il faut absolument que le Décours se fasse dans l’Escaut en aval du barrage d’Antoing.

Les signataires de la pièce qu'on nous a lue au commencement de la séance demandent que l'on fasse encore des ouvrages en aval. Cependant on en a fait beaucoup. On a élargi et porté à 20 mètres d’ouverture le barrage d’Antoing, on a dévasé et approfondi la partie de l’Escaut qui s’étend d’Antoing à Tournay, et les communes de la Plaigne et de Péronne profiteront de l’agrandissement du barrage d’Antoing, et surtout du dévasement de l’Escaut.

On a de même dévasé, approfondi et élargi un canal de dérivation qui a sa source en amont de l’écluse de la ville de Tournay, et qui se nomme, je pense, la Rivierette. Ce dévasement fera beaucoup de bien pour la descente des eaux ; mais je crois que ce travail laisse encore quelque chose à désirer. Il serait utile, je pense, d’élargir les écluses qui se trouvent à l’entrée de la Rivierette et de descendre le seuil ; car je sais que l’on s’en plaint dans les communes en amont.

L’honorable M. Dumortier dit que cela ne fait rien ; mais je pense que quand il aura examiné la situation de ces écluses, il pensera comme moi. Du reste, c’est un objet qui n’est pas de grande importance, mais j’en faisais l’observation, parce que quand on avait fait la dépense de dévaser et d’élargir la Rivierette, il me semble qu’il aurait été utile de faire une ouverture suffisamment large et profonde pour y entrer.

Ensuite, nous citerons la coupure d’Autryve qui indubitablement a beaucoup contribué à la décharge des eaux.

Un ouvrage aussi de grande importance pour l’écoulement des eaux, c’est le canal d’Eyne on a prolongé ce canal jusqu’en amont d’Audenarde, ce qui contribuera beaucoup à lui faire rendre de plus grands services à l’écoulement ; il recevra à présent directement toutes les eaux qui arrivent dans les grandes plaines de prairies qui, des murs de la ville, s’étendent jusque près de l’église de Meldert. Cependant un ouvrage de grande utilité que l’on pourrait aussi faire près de la ville d’Audenarde, c’est une coupure dans l’Escaut, à l’endroit nommé l’Hinnen Dries.

Ce qui arrêté dans la vallée du haut Escaut la décharge des eaux, c’est une digue qui se trouve dans la plaine en face du bourg de Gavre. Cette forte digue forme un rempart, et n’offre qu’un petit passage ; car le seul pont qui sonne de l’écoulement, n’a qu’un orifice de 8 à 10 pieds d’ouverture. C’est un objet sur lequel j’attire l’attention du gouvernement, on doit sérieusement songer à donner plus de passage dans la digue de la chaussée de Gavre.

Mais voici les motifs pourquoi déjà ce passage n’a pas été donné, c’est que les ponts et chaussées veulent que le pont à faire soit construit aux frais de la commune ; celle-ci s’y refuse, je crois qu’elle a raison ; car ce pont étant d’un intérêt général, doit être à la charge de la généralité. J’appelle sur ce fait l’attention de M. le ministre des travaux publics, car je ne doute pas qu’il partage mon opinion pour ce qui regarde cette dépense.

Un dernier ouvrage qui a été dernièrement exécuté pour faciliter l’écoulement des eaux du haut Escaut, c’est la grande coupure de Schelderal qui coupe une quantité de sinuosité dans la rivière. Je pense que pour le moment on aura fixé des travaux suffisants au haut Escaut, et je pense que pour avoir quelque résultat satisfaisant, il faut nécessairement faire des travaux de décharge en aval de la ville de Gand, il faut tâcher que la grande abondance d’eau qui arrive à Gand soit chassée vers la mer avec toute la promptitude possible. C’est, d’après moi, le seul moyen pour réussir. Tous les autres travaux seront des demi-mesures et même des dépenses inutiles.

Je crois que le remède proposé par l’honorable M. Dumortier et par ceux qui partagent son opinion n’est pas efficace. Si je le considérais comme tel, je me joindrais à eux pour le demander.

La question d’un canal de jonction du haut et du bas Escaut n’est pas nouvelle ; elle est vieille ; il existait même un tracé qu’on appelait le canal français. Mais je crois que le projet de le creuser à cette place a été abandonné, parce que la pente n’était pas assez forte vers le bas Escaut, et c’est pour ce motif qu’on s’est rapproché de la ville pour conduire les eaux du haut Escaut vers le bas Escaut et les faire passer par la ville.

Car vous ne pouvez ignorer, messieurs, que cette jonction existe, elle s’opère à la porte de l’Empereur ou de Bruxelles ; et avant la construction du chemin de fer, elle se trouvait hors des remparts de la ville.

Et si l’on voulait creuser un second canal de jonction vers le bas Escaut, on devrait le creuser presque tout à côté de celui qui existe ; car pour s’en éloigner considérablement, je pense qu’il y a impossibilité physique, la crête de partage est trop grande qu’on on s’éloigne de la ville ; car quand on parle d’un canal de Zwynaerde à Melle, on se place sur un terrain que l’on ne connaît pas ; car pour effectuer le creusement de ce canal on devrait faire un tunnel de grande étendue. Ainsi il y a même impossibilité physique de donner suite à cette idée de construire une voie d’écoulement du haut au bas Escaut.

Je suppose, messieurs, que le canal de jonction soit possible. Encore je dis que l’écoulement par le bas Escaut n’est pas un écoulement efficace. Messieurs, on connaît l’opération du flux et du reflux de la rivière. C’est une des causes premières pour lesquelles l’écoulement n’est pas suffisant, parce que, comme la moitié des 24 heures est employée à la remonte des eaux, on ne peut plus les faire évacuer.

Quel remède a-t-on proposé à cet inconvénient. On a imaginé de placer des portes à flot à Termonde, afin d’arrêter la marée. Messieurs, une enquête a été faite sur le placement de ces portes à flot, et tous les propriétaires riverains en aval de Termonde s’y sont opposés ; ils ont dit que l’exécution d’un pareil travail serait leur ruine ; qu’à chaque instant toute la partie des rives en aval serait submergée et que les digues seraient rompues. Il n’y a eu qu’une voix pour déclarer l’impossibilité d’un pareil projet, et je crois qu’aujourd’hui son auteur lui-même l’a abandonné.

Messieurs, cette question de faire écouler les eaux du haut Escaut par le bas Escaut n’est pas nouvelle ; à toutes les époques on en a parlé, et toujours les ingénieurs ont regardé cette voie d’écoulement comme insuffisante. Messieurs, il existe aux archives de l’Etat un rapport fait en 1788, si je ne me trompe, rapport très détaillé, rédigé par un homme qui avait des connaissances dans la matière, et surtout en ce qui concerne les eaux de l’Escaut, puisqu’il était ingénieur des eaux du Tournaisis et demeurait à Tournay. Eh bien, cet ingénieur, M. Mahteu, déclare positivement qu’il y a impossibilité de chasser suffisamment les eaux de l’Escaut supérieur par le bas Escaut.

Je lis dans un mémoire annexé à ce rapport, qui porte la date du 25 mai 1788 :

« Que le bas Escaut était insuffisant pour donner une prompte décharge aux eaux supérieures ; qu’elles devaient, quand elles étaient abondantes, s’écouler par les canaux et de Bruges et du Sas ; que ces canaux servant en même temps à la navigation, ils ne pouvaient pas être employés continuellement à l’écoulement ; mais pour remédier à cet inconvénient et rendre ces canaux indépendant de la décharge des eaux, il proposa de creuser un canal de Plasschendaele jusqu’à Bruges, longeant la gauche du canal d’Ostende, et de continuer ce même canal depuis Bruges, en se tenant toujours à la gauche du canal de Bruges à Gand ; on proposa de les conduire dans les rivières de la Celenne et de la Liève, par un canal à creuser et qui passerait par un siphon sous ce dernier canal.

En 1809, l’ingénieur en chef Bresson, un des plus habiles ingénieurs que le département de l’Escaut ait eus pendant l’administration française, fit une déclaration dans le même sens que l’ingénieur tournaisien.

Vous voyez, messieurs, que cette question n’est pas nouvelle ; que depuis longtemps on l’a examinée, et que toujours on a jugé que la voie du bas Escaut était insuffisante pour faire écouler les eaux de l’Escaut supérieur.

Nous devons donc tâcher, messieurs, de trouver un autre moyen , un moyen plus efficace, de chasser les eaux vers la mer. Ainsi, si je m’oppose à ce que le canal dont a parlé l’honorable M. Dumortier se fasse, c’est parce que je le regarde comme un moyen d’écoulement tout à fait inefficace ; lorsque les partisans de ce projet se seront rendus sur les lieux, qu’ils l’auront examiné et sérieusement étudié, ils seront de l’avis de tous les ingénieurs qui ont examiné cette question. Je n’en doute pas, et ils reconnaîtront qu’il faut chercher une voie plus directe vers la mer du Nord.

M. Dumortier. - C’est l’ingénieur Wolters qui l’a proposé.

M. de Saegher. - Dans un tout autre système ; avec des portes à flot.

M. Desmet. - Lorsque M. Wolters a proposé de faire écouler une partie des eaux vers le bas Escaut, il a aussi proposé une grande coupure depuis un endroit qu’il appelle le Paawke jusqu’au village de Caleken, et ce travail aurait entraîné à de grandes dépenses.

Messieurs, lorsqu’on veut débarrasser de ses eaux le haut Escaut au moyen (page 1492) du bas Escaut, croit-on donc que celui-ci n'est pas en souffrance ? J'atteste, messieurs, que le bas Escaut souffre tout autant que le haut Escaut Je pourrais même dire que, dans ce moment, il y a plus de dégâts sur le bas Escaut que sur le haut Escaut. Je connais entre autres, aux environs de Schellebeke, une étendue de prairies de je ne sais combien de centaines de bonniers qui est en ce moment entièrement sous l'eau.

L'année dernière au mois de juillet, l'honorable M. de Saegher et moi, nous avons été, dans ces environs, obligés démarcher dans l'eau presque au-dessus du genou.

Ce que je vous dis, messieurs, est tellement vrai que depuis longtemps, un certain M. Coppens, propriétaire à Gand, qui avait ses propriétés sur le bas Escaut, a fait l'impossible pour que la coupure fût construite, afin que les eaux du bas Escaut fussent plus tôt évacuées.

Il faut donc, messieurs, prendre garde d'aggraver le mal, au lieu d'y remédier.

Messieurs, depuis longtemps on s'est occupé de trouver un bon moyen de faire écouler les eaux en aval de Gand. Je crois que lorsqu'on aura bien étudié la question, on reconnaîtra que le moyen le plus efficace, c'est d'abord la dérivation de la Lys, en second lieu un canal vers la mer.

La dérivation de la Lys, parce qu'ainsi cette rivière sera plus près de la mer du Nord, et qu'alors le canal à faire sera plus court. D'ailleurs, messieurs, la Lys est aussi bien en souffrance que le haut Escaut ; de sorte qu'en dérivant la Lys par le canal de Schipdonck ou par une autre voie, je crois qu'on atteindra un double avantage.

Messieurs, qu'on veuille bien y prendre attention. Les contrées qui souffrent le plus devront profiler de ces canaux. Quelles sont les contrées qui souffrent ? Ce sont d'abord les deux rives en amont de Gand, et en second lieu c'est la contrée qu'on appelle le bassin maritime en aval du Gand entre les deux canaux de Terneuzen et de Gand à Bruges, la contrée du district d'Eecloo. Or, si vous ne faites pas le canal proposé, vous allez toujours laisser cette dernière contrée en souffrance. Par le canal de Schipdonck, au contraire, vous procurerez un avantage à tout le monde et vous ferez cesser les inondations, bien entendu et je dois toujours le dire, quand vous le faites avec un canal qui s'étend vers la mer du Nord.

Messieurs, le canal de Schipdonck existe même depuis longtemps, il existe depuis Schipdonck jusqu'à.... ; il ne s'agit que de le faire communiquer avec la Lys. Il y a plus, lorsqu'il y a débordement, les eaux de la Lys s'échappent même par le canal de.... ; et non seulement les eaux de la Lys, mais aussi celles de la Mandel et d'autres petites rivières : c'est le canal de Nevele qui, anciennement, était un bras de la Caelene. et qui a été encore d'une telle importance que l'on trouve qu'elle a porté bateaux.

Je conçois, messieurs, les craintes et les inquiétudes des honorables députés de la Flandre occidentale. Je suis tout à fit de leur opinion. Je dis que des canaux de navigation comme ceux de Bruges à Gand et de Bruges à Ostcnde, ne peuvent pas servir comme voie d'écoulement des eaux de rivières limoneuses comme celles que nous possédons, parce qu'en laissant écouler ces eaux par là, vous produisez des atterrissements et vous diminuez le courant.

C'est ainsi, messieurs, que le canal de Bruges à Ostende, qui avait primitivement 17 pieds de profondeur, n'en a plus que 12. Cela prouve bien qu'en ne peut pas faire servir un canal de navigation de canal d’écoulement. Il faut faire, pour l’écoulement des eaux, des canaux à part. C'est ainsi qu’en France, à côté de la Scarpe canalisée, se trouvent des canaux d'écoulement ; c'est ainsi que le canal du Décours sert pour faire écouler les eaux de la grande vallée de la Scarpe qui se trouve à sa gauche, et qui s'étend jusque près de Douai, et le canal de la Traitoire pour faire effectuer le même écoulement de la partie de la vallée du côté droit.

C’est de même que le grand canal de dessèchement nommé le Jaer, sert pour tenir à sec la vallée de l'Escaut en amont de l'écluse de Bodegnies, et qui s'étend très loin vers Condé et Valenciennes, et qui fait même passer en aval toutes les eaux intérieures des bassins de la Haine et de la Trouille, dans le Hainaut.

Ainsi toutes les eaux du Hainaut, des environs de Mons, et même jusqu'à Binche viennent s'écouler dans l'Escaut, et des lors, quand nous facilitons l'écoulement des eaux de l'Escaut, nous ne favorisons pas seulement la France, mais nous favorisons aussi le Hainaut.

Messieurs, je voterai le demi-million qui nous est demandé pour le canal de Deynze à Schipdonck, mais il faut qu'on nous donne des garanties que ce travail ne s'arrêtera pas là, mais qu'il sera continué jusqu'à la mer.

On a dit tout à l'heure que le canal de Zelzaete pourra servir d'écoulement aux eaux. C'est une question à examiner ; mais je pense, moi, que la chose n'est pas possible et qu'on devra faire un canal latéral pour conduire les eaux vers la mer.

Ou a parlé également du canal de Terneuzen. Ce serait encore une fois arrêter la navigation. Le canal de Terneuzen a trop peu de profondeur ; lorsqu'un bateau doit y passer, il faut élever les eaux à un tel point qu'elles se débordent et occasionnent beaucoup de dommages aux propriétés riveraines. Que l'on y prenne attention ; si vous voulez conserver la navigation libre de vos canaux, ne les faites pas servir à des voies d'écoulement, et je pense qu'ici l'on ne doit pas regarder à la dépense pour servir tout à la fois le commerce et l'agriculture ; si nous allons être économes dans les travaux, nous ferons beaucoup de tort au pays.

Ainsi, messieurs, pour me résumer, je crois que nous devons voter le demi-million demande afin de commencer la construction d'un canal de la Lys à la mer, mais il faut que nous ayons des garanties que le travail ne s'arrêtera pas là. Mais quand je dis de voter un demi-million, c’est pour que nous ayons de quoi commencer des travaux pour favoriser l'écoulement des eaux dont l'inondation dégrade nos terres cultivées. Mais je préférerais voter une somme de 20,000,00 afin de mettre un plus tôt la main à toutes nos rivières et de soulager la grande masse de terrains qui souffrent.

- La séance est levée à 4 heures et demie.