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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 13 janvier 1847

(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 469) M. Huveners fait l’appel nominal à 1 heure et quart.

M. de Man d’Attenrode lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps) transmet l'avis émis par la chambre de commerce de Liège sur la pétition qui a pour objet le maintien de la tarification actuelle quant au bois de noyer, et présente des observations contre la demande qui tend à modifier le régime en vigueur. »

- Renvoi à la commission d'industrie.


« Plusieurs marchands de bois, à Liège, présentent des observations contre la pétition du sieur Malherbe, tendant à ce qu'il soit pris des mesures pour empêcher l'exportation des bois de noyer propres à la fabrication des armes. »

- Même renvoi.


« Le sieur Vreven, bourgmestre de la commune de Looz, demande un traitement spécial du chef des fonctions de ministère public qu'il remplit près le tribunal de simple police du canton de Looz. •

- Dépôt sur le bureau pendant ia discussion du budget de la justice.


« Plusieurs habitants de Beveren prient la chambre de s'occuper pendant la session actuelle des projets de loi sur l'enseignement agricole l'exercice de la médecine vétérinaire et sur l'organisation de l'école vétérinaire de l'Etat. »


« Même demande de plusieurs habitants de Moerkerke, Verviers et Courtray. »

- Renvoi aux sections centrales qui seront chargées d'examiner ces projets de loi.


« Le conseil communal de Hannut réclame l'intervention de la chambre pour faire commencer la route de Hannut à Landen. »

M. de Brouckere. - Par la pétition qui vient d'être analysée, le conseil communal de Hannut demande l'intervention.de la chambre afin qu'on ne tarde plus à commencer les travaux de la route de Hannut à Landen.

Messieurs, cette route a été promise depuis très longtemps, les devis et les plans sont achevés, et il est à remarquer que l'arrondissement de Waremme a été très mal partagé dans la distribution qui a été faite des grands travaux publics. De semblables pétitions ont déjà été renvoyées à M. le ministre des travaux publics après rapport de la commission. Je demande que la requête du conseil communal de Hannut lui soit renvoyée immédiatement, et je prie un de ses collègues ici présent, de vouloir bien informer M. le ministre des travaux publics que dans la discussion de son budget nous lui demanderons compte du retard qu'il apporte à la mise en adjudication de la route dont il s'agit.

M. Eloy de Burdinne. - Je me joins à l'honorable M. de Brouckere pour appuyer le renvoi à M. le ministre des travaux publics ; mais je crois pouvoir expliquer la question comme pourrait le faire M. le ministre, car hier encore je me suis rendu chez lui afin d'activer la mise en adjudication de cette route. Tout dépend du rapport qu'on attend des ingénieurs, et s'il y a faute, c'est de la part de l'administration des ponts et chaussées et nullement de la part de M. le ministre, qui ne cesse de presser l'envoi des pièces nécessaires pour la mise en adjudication de la route. Dans tous les cas j'appuie fortement les réclamations de l'honorable M. de1 Brouckere. Il est urgent de faire cesser les retards apportés à la construction de cette route, qui est dans l'intérêt du commerce, dans l'intérêt de l'agriculture et qui procurerait en outre du travail et du pain aux malheureux, qui sont en très grand nombre dans ces localités.

- La pétition est renvoyée à M. le ministre des travaux publics.


« Plusieurs habitants des communes riveraines de la Meuse en amont de Liège demandent la rectification de ce fleuve dans la ville de Liège et son amélioration jusqu'à Chokier. »

M. Delfosse. - La pétition dont M. le secrétaire vient de donner l'analyse, est couverte d'une masse de signatures des plus honorables ; on y trouve les noms des principaux industriels de la province de Liège. Elle reproduit avec de nouveaux développements les considérations que d'autres pétitionnaires vous ont adressées à l'appui du projet de dérivation de la Meuse.

Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée de l'examen du budget des travaux publics, et je saisis cette occasion pour prier MM. les membres de la section centrale de nous dire si elle sera bientôt prête à déposer son rapport. Il est à désirer que nous puissions aborder sans retard l'examen des questions importantes qui se rattachent au budget des travaux publics et surtout aux travaux destinés à nous préserver des inondations.

Si le gouvernement avait été bien pénétré de la gravité des dangers qui nous menacent, et il aurait dû l'être, les avertissements ne lui ont manqué ni dans cette enceinte, ni au dehors, il serait venu nous proposer, avant la discussion du budget des travaux publics et même dès les premiers jours de la session, les mesures que réclament des populations justement alarmées.

Le gouvernement aurait dû d'autant moins hésiter à remplir ce devoir que les dangers se sont aggravés, par suite des obstacles que divers travaux qu'il a entrepris ou dont il a accordé la concession ont mis à l'écoulement des eaux.

M. Lesoinne. - Messieurs, différentes pétitions relatives à cet objet ont été renvoyées à la section centrale du budget des travaux publics. La section centrale a été unanime pour demander à M. le ministre ce qu'il comptait faire pour la dérivation de la Meuse ; mais la maladie de M. le ministre et l'indisposition de M. le rapporteur de la section centrale ont empêché jusqu'à présent d'obtenir les explications demandées.

- La pétition est renvoyée à la section centrale chargée de l'examen du budget de la justice.


M. de Sécus, retenu chez lui par une indisposition, s'excuse de ne pouvoir assister à la séance.

- Pris pour information.


M. d'Elhoungne, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé de huit jours.

- Accordé.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Tournay

M. Jonet, au nom de la commission de vérification des pouvoirs, fait un rapport sur l'élection de M. le comte Charles Le Hon, élu par le collège électoral de Tournay, le 29 décembre 1846, en remplacement de feu M. Savart.

La commission conclut à l'admission de M. Charles Le Hon. Ces conclusions sont adoptées. En conséquence, M. Charles Le Hon est proclamé membre de la chambre des représentants.

Projet de loi visant à la création d'une société d'exportation des produits de l'industrie linière

Motion d'ordre

(page 470) M. Delehaye (pour une motion d’ordre). - Messieurs, avant notre séparation, M. le ministre des affaires étrangères avait déposé sur le bureau un projet de loi relatif à l'organisation d'une société d'exportation. J'avais demandé qu'on voulût bien nous envoyer le projet à domicile ; la chambre adopta ces conclusions. Je sais que le projet a été communiqué, il y a plusieurs jours, à quelques amis du ministère ; je dois à l'obligeance de l'un d'eux d'en avoir eu une copie ; mais il est surprenant qu'aucun de nous, comme membre de la chambre, ne l'ail encore reçu.

Un journal de ce matin, publié dans la capitale, donne le projet. C'est là un grand manque d'égards envers la chambre. Quand la chambre est saisie d'un projet, personne, avant nous, je pense, ne devrait en recevoir communication. Je demanderai donc si ces communications irrégulières sont le fait du gouvernement ; si le gouvernement n'y est pour rien, il devrait faire en sorte que les journaux ne reçussent pas les projets avant les membres de la chambre.

Je fais cette observation pour que désormais on ait plus d'égards pour les membres de cette assemblée ; je demande que quand la chambre a ordonné l'envoi à domicile d'un projet de loi, on respecte à l'avenir cette décision.

Je prierai MM. les questeurs de dire à quelle époque le projet de loi, dont il s'agit, nous sera distribué.

M. le président. - Messieurs, voici les seules explications que la présidence puisse donner : les dernières annexes du projet de loi ne sont parvenues au bureau qu'avant-hier. Le département des affaires étrangères a désiré revoir les épreuves, et la dernière correction n'a eu lieu qu'hier au soir. Je présume donc que demain au plus tard la distribution du projet pourra se faire.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je crois que l'honorable M. Delehaye a été mal informé relativement à des distributions qui auraient été faites à des amis des ministres. D'abord, quant au journal dont on a parlé, je ne pense pas que ce soit à titre d'ami du ministère qu'il a pu recevoir communication du projet de loi. Ce qu'on a distribué à quelques membres de chambres de commerce, ce sont les avant-projets de statuts ; le manuscrit de l'exposé des motifs n'a été communiqué à personne.

M. Delehaye. - Je dirai d'abord qu'il est dans les convenances de ne pas présenter des projets de loi incomplets. Pour avoir l'air d'être diligent, on dépose un projet de loi qu'on ne peut ensuite distribuer que 3 ou 4 semaines après. (Interruption).

On me dit que je n'ai vu que le projet ; j'ai vu les statuts, tels qu'ils se trouvent dans l'Indépendance de ce matin.

Quant aux amis du ministère auxquels j'ai fait allusion et qui ont reçu communication du projet, je n'ai pas entendu dire que l’Indépendance fût l'amie de MM. les ministres. Pour être ami du ministère, il faut être complétement à sa dévotion, et j'ai trop bonne opinion des propriétaires et des rédacteurs de cette feuille pour croire qu'ils veuillent jamais acheter l’amitié du ministère au prix d'un aveugle dévouement, d'une soumission sans bornes.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Le projet de loi était entièrement élabore et complet, lorsqu'il a été soumis à la chambre ; mais quand l'honorable membre aura reçu ce document, il comprendra une chose qu'il ne peut comprendre maintenant, c'est qu'il a fallu 15 jours pour l'imprimer.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l'exercice 1847

Discussion générale

M. Loos (pour une motion d’ordre). - Messieurs, je demanderai que pendant la discussion du budget de la justice, il soit déposé sur le bureau des renseignements sur l'emploi fait en 1846 et celui qu’on se propose de faire en 1847, du crédit porté à l’article 2 du chapitre IX, pour favoriser l'érection et l'amélioration des hospices d'aliénés.

Je demanderai également des renseignements sur l'emploi du crédit porté à l'article 5 du même chapitre, qui comprend le patronage des condamnes libérés.

Ces renseignements ont été déposés l'année dernière, je demande qu'ils le soient également cette année.

Je demanderai ensuite des renseignements sur l'emploi fait en 1845 et 1846, du crédit ouvert par l'article premier du chapitre X, qui comprend entre autres choses les frais de route et de séjour, tant des membres des commissions administratives des prisons que du contrôleur de la comptabilité des prisons et autres fonctionnaires et employés.

Je demanderai de plus qu'on dépose des renseignements sur l'emploi fait, eu 1845, du crédit ouvert par l'article 2 du même chapitre ; ces renseignements nous ont été fournis pour 1846 et 1847 ; mais j'ai besoin de savoir l'emploi qui a été fait en 1845. Ce renseignement a été déposé l'année dernière sur le bureau. M. le ministre possède donc ce tableau que je voudrais consulter de nouveau.

Messieurs, dans le rapport sur le budget de la justice, page 18, M. le rapporteur dit, au sujet de l'augmentation de subsides de 25 mille francs demandée pour le service domestique des prisons, qu'il a été justifié de l'emploi de cette somme par un état ci-joint ; mais cet état, qui n'est pas dans le rapport qui a été communiqué à la section centrale, je désirerais qu'il fût communique à la chambre.

M. Dubus (aîné), rapporteur. - Il est déposé sur le bureau.

M. Loos. - Je ne l'ai pas trouvé parmi les pièces ; s'il y est, je n'ai plus rien à dire à cet égard.

Je demanderai ensuite des renseignements sur l'article 5 du même chapitre : Constructions nouvelles, réparations, etc. ; je désire savoir l'emploi qui a été fait de la somme votée en 1846.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Les renseignements demandés par l'honorable préopinant seront fournis. Je le prierai seulement de me faire passer la note des renseignements qu'il a demandés, car il me serait difficile de retenir ce qu'il a énuméré. D'après ce que j'ai entendu, je pense posséder tous les renseignements réclamés pour ne pas perdre de temps. Je les communiquerai quand nous arriverons aux chapitres auxquels ils se rapportent.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics, pour la cour des comptes

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Malou) présente un projet de loi tendant à allouer au ministère des travaux publics un crédit de 120,000 fr. pour restauration de l'hôtel de la cour des comptes.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet de loi, et le renvoie à l'examen des sections.

M. le président. - MM. les présidents des sections seront convoqués après-demain au bureau de la présidence, pour régler l'ordre du jour des sections.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l'exerfice 1847

Discussion générale

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je dépose sur le bureau la convention faite avec la ville de Louvain relativement à l'emplacement de la prison de cette ville. C'est la pièce dont l'honorable M. Osy a demandé hier le dépôt.

M. Osy. - Je remercie l'honorable ministre de la justice du dépôt de cette pièce ; mais comme le tableau porte une somme globale de 200,000 fr. pour les trois prisons, je demande également le détail des sommes affectées à chaque prison. Nous serons ainsi à même de juger combien on compte affecter à la prison de Louvain, en 1847.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Lorsque nous arriverons au chapitre X, je donnerai toutes les explications que désire l'honorable M. Osy ; mais, dans ce moment je crois inutile de lui donner à un centime près le détail de l'emploi des 200,000 fr.

Je puis, du reste, dès à présent, déclarer que cette allocation ne peut aucunement servir même à commencer seulement les constructions proprement dites de la prison de Louvain.

M. le président. - La parole est à M. le ministre de la justice.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L'honorable M. de Bonne vous a dit hier qu'il avait espéré, que, depuis la dernière session, j'aurais étudié la question, reconnu mon erreur, et que je serais revenu à des idées plus sages, plus constitutionnelles. Il me permettra de lui dire que j'avais conçu le même espoir relativement à l'opinion qu'il a énoncée. J'éprouve également le regret d'avoir été déçu dans cet espoir. Je vois par les nouveaux développements qu'il a donnés hier que l'honorable membre persiste dans les idées qu'il a émises l'année passée, et qu'il considère comme pouvant se réaliser en présence des principes constitutionnels qui nous régissent.

Je pense que je pourrais me borner, pour répondre au discours de l'honorable membre, à invoquer les principes de notre Constitution, écrits dans les articles 14 et 16. Il me semble que la seule lecture de ces articles suffirait pour prouver que l’honorable membre en a complétement méconnu l'esprit, en voulant attribuer au gouvernement ou à toute autre autorité un pouvoir que ces articles leur dénient formellement.

J'ai soutenu cette thèse l'an passé. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de revenir sur les arguments que j'ai fait valoir. Alors l'honorable M. de Bonne les a qualifiés de sophismes. Il les qualifierait peut-être encore de même aujourd'hui. Toutefois j'ai la conviction que ces arguments n'auront pas fait la même impression sur la plus grande partie de la chambre.

Néanmoins, messieurs, quoique je pusse me borner à invoquer ces dispositions constitutionnelles, je ne recule pas devant la discussion qu'a entamée hier l'honorable M. de Bonne, en tant qu'il s'agisse d'interpréter les différents articles organiques qui ont été portés à la suite du concordat. Je crois que sur ce terrain on peut aborder la question devant les chambres législatives ; il ne s'agit pas là de discussions théologiques, mais il s'agit d'examiner si, en présence des articles organiques, la conduite tenue par le gouvernement est conforme à la loi et à nos principes constitutionnels.

Si, du reste, messieurs, je mérite le reproche que m'a adressé l'honorable M. de Bonne, ce reproche doit s'adresser non seulement à moi, mais à tous mes prédécesseurs. Car je ne sache pas qu'aucun d'eux ait partagé, en matière de révocation des desservants, les opinions de l'honorable M. de Bonne.

L'honorable membre auquel je réponds, nous disait également hier : « Je suis intimement convaincu que cet état de choses se modifierait bientôt, si l'on arrachait à l'omnipotence usurpatrice des évêques ce que l'on ose nommer le bas clergé. »

Il ajoute : « J'insiste sur cette question, parce que je suis convaincu que l'indigne abandon par le ministère, et des droits de l'Etat et de ceux du clergé, peut avoir, dans des circonstances graves, les conséquences les plus déplorables pour l’Eglise et pour l'Etat. »

Ainsi, messieurs, l'honorable M. de Bonne, en soulevant la thèse qu'il produit pour la seconde fois devant vous, a en vue et l'intérêt de (page 471) l'Etat et l’intérêt de l'Eglise. Il attaque d'une manière acerbe l'épiscopat, en ce sens qu'il traite son autorité d'autorité usurpatrice.

Messieurs, aux paroles de l'honorable M. de Bonne, je pourrais opposer les paroles d'un grand homme que l'Eglise compte dans son sein : je pourrais opposer les paroles de Bossuet. Cet évêque célèbre disait que défendre l'épiscopat, que l'honorable M. de Bonne attaque, c'était défendre la foi, c'était défendre la discipline.

Voilà, messieurs, les paroles que j'oppose aux attaques dirigées par l'honorable M. de Bonne, dans l'intérêt (il l'affirme et je le crois) de l'Eglise, dans l'intérêt de la discipline ecclésiastique.

J'aborde maintenant, messieurs, la question, la seule véritable question soulevée hier par mon honorable contradicteur.

L'honorable M. de Bonne prétend qu'aux termes de la loi de l'an X les desservants ne sont pas amovibles. Il soutient cette doctrine en s'appuyant sur les articles 31 et 63 de cette loi. Il prétend que si l'article 31 de la loi organique dit que les desservants sont révocables par l'évêque, cet article 31 ne parle pas des desservants des succursales auxquels l'article 63 est, d'après l'honorable membre, seul applicable.

Je pense que tel est l'argument sur lequel se fonde l’honorable M. de Bonne.

Messieurs, à cela la réponse est facile. La loi organique, de même que la loi canonique, ne s'occupe que d'une seule qualité de desservants ; il n’y est pas question d'autres desservants que des desservants des succursales. Le clergé inférieur se divise en curés de plusieurs classes, en desservants, en vicaires, lesquels vicaires sont également subdivisés en simples vicaires et en chapelains. Voilà les différentes classes qui existent dans le clergé inférieur. Antre espèce de desservants, les desservants des succursales figurent parmi les membres de ce clergé.

Il est donc évident que l'article 31, qui parle de la révocation des desservants, s'applique aux desservants dont l'article 63 s'occupe aussi ; mais seulement relativement au droit de nomination. Cela me paraît, messieurs, de la dernière évidence et il me semble qu'il est impossible de soutenir la thèse contraire si on ne vient pas prouver qu'il existe dans notre organisation ecclésiastique deux espèces de desservants.

Il y a plus, messieurs, si même l'article 63 devait être seul appliqué aux desservants des succursales, je n'en soutiendrais pas moins encore que les desservants des succursales sont révocables par l'évêque parce que l’irrévocabilité n'est point écrite dans les lois organiques ; et la preuve que ces lois organiques, conformes aux lois canoniques, ont fait à une distinction marquée entre les curés inamovibles et les simples desservants, cette preuve, messieurs, résulte jusqu'à la dernière évidence de l'article 19 des mêmes articles organiques. Cet article 19, messieurs, porte :

« Les évêques nommeront et institueront les curés. Néanmoins ils ne manifesteront leur nomination, et ils ne donneront l'institution canonique, qu'après que cette nomination aura été agréée par le premier consul »

Ainsi, messieurs, pour les curés il ne s'agit pas seulement de la nomination, mais il s'agit aussi d'une institution canonique. Eh bien, messieurs, l'honorable M. de Bonne ne pourrait certes pas trouver dans la loi de 1801 la possibilité même d'une institution canonique pour les desservants.

Il est donc évident que la différence établie par les lois canoniques elles-mêmes, entre les curés et les desservants, est reproduite dans les articles organiques, puisque cette différence résulte de ce que pour les uns existe l'institution canonique, et de ce que pour les autres prêtres elle n'existe pas. Or, tout le monde sait que l'institution canonique est la seule chose qui donne l'irrévocabilité à la nomination des curés et autres titulaires ecclésiastiques.

M. de Bonne. - C'est la nomination.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - La nomination par elle-même ne donne point l'irrévocabilité ; il faut l'institution canonique, il faut en quelque sorte que le curé soit identifié à sa cure.

Maintenant, messieurs, l'honorable M. de Bonne vous a dit que ces articles organiques devaient être entendus conformément au droit canonique et que dans les lois canoniques on ne reconnaissait pas des desservants amovibles.

Messieurs, un point que l'honorable membre pourra sans doute me concéder, c'est que l'amovibilité ou l'inamovibilité des membres du clergé est un point de discipline. Or, chacun admet sans doute que tout ce qui a rapport à la discipline ecclésiastique appartient exclusivement au saint-siége. Or, le saint-siége, à différentes reprises, a manifesté ses intentions à cet égard, et il les a manifestées récemment encore dans la lettre dont nous a parlé l'honorable membre, lettre écrite par ordre du pape à l'évêque de Liège. Au reste, messieurs, le saint-siége lui-même a, en quelque sorte, préparé le mode de nomination actuelle des desservants ; car lors de la réorganisation du culte en France, le cardinal qui était légat à latere, a supprimé toutes les anciennes cures, avec leurs titres, charges d'âmes, etc. Ainsi les titres antérieurs, quoiqu'ils fussent perpétuels, ont été anéantis. Maintenant il n'y a de canoniquement rétabli qu'une cure par canton ; les succursales n'existent plus comme bénéfices, or comme je le disais tout à l'heure, c'est la qualité de bénéficiers seule qui donne l'inamovibilité aux fonctions ecclésiastiques, parce que le bénéfice seul confère un droit perpétuel.

Ainsi, pour soutenir la doctrine de l'honorable membre, il faudrait admettre que le saint-siége n'a pas eu le droit de faire ce qu’il a fait en 1801, il faudrait soutenir ce que personne ne soutiendra sans doute que la discipline ecclésiastique n'appartient pas au-saint-siége.

Messieurs, la doctrine que je soutiens n'est pas nouvelle ; c'est la doctrine que soutient l'honorable M. de Bonne qui est de fraîche date ; car depuis 1801 jusqu'à présent, jamais les articles organiques n'ont été entendus autrement que je ne les entends.

Non seulement en Belgique, mais en France, et sous le gouvernement des Pays-Bas, toujours les articles organiques ont été appliqués comme ils le sont maintenant.

Jamais à ma connaissance il n'a été fait d'observations à cet égard. Il n'y a pas eu de ces levées de bouclier du clergé inférieur, de ces mécontentements dont on semble nous menacer ; les exceptions sont au moins si peu nombreuses qu'il est à peine besoin de s'y arrêter.

L'année passée, lorsque nous discutions encore la question qui nous occupe maintenant, l'honorable M. Lebeau a lu un passage d'un ouvrage de l'évêque de Digne, intitulé : « Institutions diocésaines ». Il s'agissait alors d'examiner la question de savoir si les évêques ne devaient pas entourer les desservants de certaines garanties, en instituant une officialité à laquelle auraient été dévolus les faits en raison desquels les évêques croiraient devoir révoquer les desservants. L'honorable membre a fait avec raison un éloge très mérité des doctrines de ce prélat. Je pense donc que la chambre voudra bien me permettre de citer l'opinion de ce même évêque relativement à la question soulevée par l'honorable M. de Bonne.

La chambre verra alors de quelle manière l'évêque de Digne, qui voulait entourer les desservants de toutes les garanties possibles, entend la question de la révocabilité des desservants. (Lisez ! lisez !)

« La question de l'inamovibilité des desservants, que nous n'avons pas le dessein de traiter ici, doit être considérée au double point de vue de la canonicité et de l'opportunité. Est-il contre la discipline de l'Eglise que le desservants des paroisses soient amovibles ? Quand on pose ainsi la question on la pose très mal, car il n'y a pas une discipline de l’Eglise immuable. il faudrait donc savoir de quelle discipline on veut parler, si c'est de l’ancienne on de la moderne, de la discipline des premiers siècles, pendant lesquels l'inamovibilité des desservants a été inconnue, ou bien de celle des derniers qui l'ont souvent recommandée. Il vaudrait mieux demander s'il est contraire à la constitution de l'Eglise et à son esprit que les desservants des paroisses ne soient pas pourvus d’un titre inamovible. La réponse alors serait facile. En premier lieu, cet état disciplinaire évidemment n'est pas contraire à la constitution de l'Eglise, car c'est l'état primitif des paroisses dans lesquelles les prêtres du second ordre n'ont été, durant au moins trois cents ans, que comme les vicaires de l'évêque. »

Voilà l'opinion de l'évêque de Digne, qui me semble renverser complétement les doctrines de l'honorable M. de Bonne, qui considère l'irrévocabilité des desservants comme un principe fondamental de l'Eglise.

Cette opinion n'est point admissible, puisque dans les premiers siècles de la chrétienté l'irrévocabilité des desservants était inconnue, et que ce n'est que plus tard que leur inamovibilité fut non ordonnée, mais seulement recommandée.

Il continue en ces termes :

« Dans les circonstances où nous sommes, l'amovibilité des desservants est-elle un bien ou un mal pour l'Eglise de France ? Il y a sans doute beaucoup à dire pour et contre, et ce n'est pas là une question qu'on puisse trancher d'un mot. Nous nous bornerons à faire observer que si la stabilité des pasteurs offrirait, d'un côté, des avantages, en attachant plus étroitement le curé à la paroisse, et la paroisse au curé, elle aurait, d'un autre côté, de graves inconvénients. Autrefois. l'inamovibilité pouvait se perdre par un jugement canonique ; aujourd'hui l'inamovibilité, comme on l'entend, s'appuie moins sur l'Eglise que sur l'Etat, et, même après un jugement canonique, on pourrait la conserver. Autrefois, les prêtres étaient nombreux, les grades que la plupart d'entre eux recevaient, étaient des marques extérieures de capacité ; on pouvait choisir les curés parmi les plus recommandables par la piété, la science et l'âge. Aujourd'hui, dans la plupart des diocèses, on n'a pas le nombre de sujets suffisant pour remplir toutes les paroisses. Il faut confier des cures à de jeunes prêtres sans expérience, sortis à peine du séminaire. Serait-il possible de leur donner ainsi, en les dispensant de toute épreuve, un titre qu'ils ne pourraient plus perdre ? La raison dit que non. »

Voilà l'opinion de l'évêque de Digne que j'ai demandé à la chambre la permission de lui citer. Cette opinion me paraît très importante, parce qu'elle établit que l'amovibilité des desservants n'est pas contraire aux doctrines de l'Eglise, et qu'il n'est pas opportun de changer, quant à présent, l'état de choses actuel.

Les raisons que j'ai fait valoir, et qui m'ont déterminé à soutenir la thèse que j'ai défendue, corroborées par les raisons que je viens de donner, se trouvent en outre confirmées par une décision judiciaire.

Le tribunal de Liège, auquel l'affaire du curé de Xhavée a été déférée, a adopté l'opinion du gouvernement, c'est-à-dire qu'il s'est déclaré incompétent. (Interruption.)

L'affaire est en appel, mais je ne doute pas que la décision qui a été rendue en première instance, sera confirmée.

L'honorable M. de Bonne a abordé une autre question ; l'honorable membre a essayé de ressusciter les appels comme d'abus. L'honorable membre a semblé faire un grief au gouvernement de ne pas user du droit qui lui était jadis attribué, de déférer à une autorité quelconque les abus (page 472) commis per le clergé supérieur en matière de révocation des desservants.

Eh bien, messieurs, en France où les appels comme d'abus peuvent encore exister, la constitution française ne consacrant pas les mêmes principes que la nôtre ; en France, où nous voyons une institution que nous n'avons pas et qui est chargée de porter les décisions en matière d'appel comme d'abus ; en France même, l'on reconnaît qu'il n'y a pas d'appel comme d'abus possible en matière de révocation des desservants.

Je lis dans l'ouvrage de M. Vuillefroy, maître des requêtes au conseil d'Etat : Traité de l'administration du culte catholique, ce qui suit :

« Section deuxième. - Du desservant.

« Nomination VI. - Le desservant est nommé par l’évêque et révocable par lui : l'évêque doit donner avis de la nomination au préfet et au ministre des cultes. »

(Traité de l'administration du culte catholique, par A. Vuillefroy, maître des requêtes au conseil d'Etat. Paris, 1842.)

Ainsi en France même, l'on reconnaît que le droit des évêques, quant à la révocation des desservants, n'est nullement susceptible d'être limité ; qu'il n'est pas possible de saisir le conseil d'Etat d'appels relativement à l'usage qu'un évêque aurait fait de ce droit ; et l'on voudrait, en principe de notre Constitution, aller plus loin qu'en France, et l'on voudrait que le ministre de la justice put saisir les cours d'appel de la question de savoir si un évêque a eu, oui ou non, des raisons fondées pour révoquer un desservant ou un vicaire !

Messieurs, quand on s'appuie sur des autorités aussi imposantes que celles que j'ai citées, il me semble qu'on peut avec quelque confiance persister dans l'opinion que j'ai émise l'année dernière et que j'ai soutenue de conviction, comme je la soutiens encore.

Puisque l'honorable M. de Bonne a cru devoir entamer la question des appels comme d'abus, je demande à la chambre la permission de lui dire quelques mots à ce sujet.

Je ne pense pas qu'il faille traiter ici des questions au point de vue purement théorique ; lorsque les questions se présentent, lorsqu'il y a des faits qui y donnent matière, il est temps alors de les aborder et de les approfondir ; mais il est inutile de traiter des théories, qui n'ont pas d'application actuelle ; comme aussi de nous occuper de toutes les éventualités dont nous a parlé l'honorable M. de Bonne. Ainsi je ne répondrai pas à la question qu'a faite l'honorable membre : « Que ferait-on, si le pape nommait six cardinaux étrangers, par exemple ? » Si cela se présentait, le gouvernement verrait alors ce qu'il a à faire.

Je ne dirai que quelques mots sur la question des appels comme d'abus, uniquement pour relever des erreurs dans lesquelles l’honorable M. de Bonne me paraît être tombé.

D'abord, messieurs, j'avoue que je ne conçois pas la possibilité d'un appel comme d'abus, sous l'empire de notre Constitution, et dans tous les cas en l'absence d'une juridiction appelée à connaître de ces appels.

L'honorable M. de Bonne a pensé qu'un décret de 1813 donnait les moyens de saisir les cours d'appel de ces sortes de questions ; que le conseil d'Etat n'était pas une institution indispensable pour décider ces questions ; que les corps judiciaires pouvaient être appelés à les résoudre.

Messieurs, il est d'abord à remarquer que le décret du mois de mars 1813 a été porté à l'occasion du concordat de Fontainebleau ; mais ce concordat n'était relatif qu'au royaume d'Italie, et le décret de 1813 n'a jamais reçu aucune exécution, pas plus en France qu'en Belgique. Je ne sais si en France le décret de 1813 a été abrogé par des dispositions formelles ; toujours est-il qu'en Belgique il existe des dispositions positives qui y rendent ce décret inapplicable.

Le roi Guillaume a porté deux arrêtés, l'un en 1815, et l'autre en 1816. Par ces arrêtés, il crée une commission du conseil d'Etat qui siégeait à Bruxelles, et à laquelle était dévolue la décision des questions en matière d'appels comme d'abus. Ainsi, sous le gouvernement des Pays-Bas, il était impossible d’invoquer les dispositions du décret de 1813 qui avaient été abrogées par les arrêtés de 1815 et de 1816.

J'ai dit que le décret de 1813 avait été porté uniquement en vue du concordat de Fontainebleau ; or, ce concordat, pas plus que l'une ou l'autre des disposions qui y étaient relatives, n'a été applicable à la Belgique.

En effet, lorsqu'en 1827, le roi des Pays-Bas fit un concordat avec le saint-siége, ce ne sont pas les dispositions du concordat de Fontainebleau qui ont été rendues applicables à la Belgique, mais ce sont les dispositions du concordat de 1801. Dès lors, il est absolument impossible de maintenir l'opinion de l'honorable M. de Bonne, savoir : qu'on pourrait aujourd'hui saisir les cours d'appel des questions qui étaient jadis dévolues au conseil d'Etat.

Les corps judiciaires, créés en Belgique en vertu de la loi de 1832, ont une mission définie ; ils ne peuvent pas sortir du cercle de la mission qui leur a été tracée par les lois de leur institution. En admettant donc que sous notre régime actuel, ce que je crois tout à fait inadmissible, les appels comme d'abus soient encore possibles, je ne pense pas qu'on puisse soutenir que ces appels sont susceptibles d'être déférés aux cours d'appel ; les cours n'ont pas cette mission ; elles ont pour mission de rendre la justice entre les citoyens, de prononcer des peines, lorsqu'il y a infraction à des lois pénales.

Mais les corps judiciaires n'ont pas à s'immiscer dans les matières religieuses, ils n'ont pas à examiner si un évêque a bien ou mal fait de révoquer un desservant. La loi sur l'organisation judiciaire me suffirait pour établir ma thèse, mais en présence des dispositions constitutionnelles je ne comprends pas qu'on puisse soutenir la thèse contraire.

Je terminerai par la citation d'un ouvrage publié en Belgique où cette question est traitée. MM. de Brouckere et Tielemans s'expriment ainsi sur les appels comme d'abus :

« Il est une foule d'autres cas que nous pourrions énumérer, mais il suffit d'avoir établi :

« 1° Que les appels comme d'abus sont abolis en Belgique et qu'aux termes de la Constitution il est impossible de les y rétablir.

» 2° Que cette abolition a complétement désarmé l'autorité civile contre les abus des supérieurs ecclésiastiques envers leurs inférieurs. »

(Répertoire de l'administration et du droit administratif, par MM. C. de Brouckere et F. Tielemans.)

Messieurs, je le répète, je n'ai pas voulu approfondir cette question, mais j'ai voulu ne pas laisser accréditer une doctrine que je considère comme erronée. J'ai voulu surtout réfuter l'opinion qui consiste à induire la compétence des cours en matière d'appels comme d'abus, du décret de 1813 qui n'a jamais été exécutoire en Belgique et qui dans tous les cas a été révoqué par des dispositions postérieures.

M. Verhaegen. - Messieurs, nous examinerons, en temps et lieu, les questions graves qui viennent d'être soulevées, et sur lesquelles, nous nous y attendions, M. le ministre de la justice a énoncé une opinion tout à fait contraire à celle de notre honorable ami M. de Bonne. Nous nous bornerons pour le moment à une discussion générale, sauf à revenir plus tard sur les questions de détail, lors de la discussion des articles.

Messieurs, nous nous sommes engagé à rappeler, dans les discussions générales des budgets, les griefs spéciaux que nous avons à faire valoir contre chacun de MM. les ministres. Dans la séance du 17 décembre, nous nous sommes occupé de M. le ministre de l’intérieur, nous allons aujourd'hui nous occuper de M. le ministre de la justice.

Nous disions à l'honorable M. de Theux que, dans toutes les circonstances, il s'était posé comme homme politique et que l'administration n'avait été pour lui qu'un moyen de donner de la force à l'opinion qu'il représente. Les faits se pressaient pour justifier nos assertions comme les faits vont se presser pour démontrer que M. le baron d'Anethan, en toutes circonstances, a suivi l'impulsion de son collègue de l'intérieur, que peut-être même il a dépassé ses intentions.

M. d'Anethan, qui, lorsqu'il occupait le siège d'avocat général à la cour d'appel de Bruxelles, affichait des opinions très libérales ; qui, sous le ministère de M. Van Volxem, avait été considéré comme trop avancé pour pouvoir remplir les fonctions de secrétaire général, et qui, après tout cela, n'est venu s'asseoir, dans un ministère mixte à côté de l'honorable M. Nothomb, que comme représentant prétendument notre opinion, M. d'Anethan s'est montré dès son avènement comme l'un des serviteurs les plus dévoués de l’épiscopat ; et cela est si vrai, que lorsque nous donnons au ministère actuel la qualification de ministère homogène catholique, M. le ministre de la justice se garde bien de protester contre cette qualification, et de revendiquer son ancienne couleur politique.

Nous allons, messieurs, comme l'année dernière, vous signaler quelques faits principaux de l'administration de l'honorable M. d'Anethan, et nous vous demanderons, après cela, si lui, ancien libéral, n'est pas aujourd'hui l'exécuteur des exagérations théocratiques.

L'affaire Retsin n'est pas encore oubliée, et elle ne le sera pas de sitôt, alors surtout que ce vendeur de reliques jouit en ce moment, à Turnhout, de certains privilèges dont n'a joui jusqu'à ce jour aucun condamné dans une position semblable. L'affaire Retsin, d'ailleurs, depuis quelques mois, a son pendant.

Si M. le baron d'Anethan a été un des plus chauds partisans des lois réactionnaires, présentées sous son ministère, il a aussi favorisé de tous ses moyens les établissements de mainmorte ; il a même contribué comme ministre de la justice à créer des personnes civiles en violation formelle de la loi. Son dévouement à l'opinion cléricale est tel qu'il est allé au-devant de l'espoir énoncé naguère par son collègue de l'intérieur au sujet de la réformation de deux arrêts de la cour d'appel de Bruxelles qui ont déclaré irréguliers et illégaux des arrêtés revêtus de la signature du Roi, accordant les avantages de la personnification civile à des établissements d'instruction dirigés par des dames du Sacré-Cœur.

Dans la séance du 18 décembre dernier, M. le ministre de l'intérieur nous disait : « Mais je ne me considère pas comme coupable, parce qu'une cour d'appel diffère d'opinion avec moi ; l'affaire n'est pas jugée en dernier ressort ; la cour de cassation est appelée à prononcer.

« Il m'est déjà arrivé de voir mes opinions, différentes de celles des cours d'appel, triompher plus tard.....»

Or, M. le ministre de la justice s'est permis de consulter ou de faire consulter sur la question de la mainmorte, décidée par la cour d'appel de Bruxelles, certains membres de la cour de cassation qui seront obligés de s'abstenir lorsque cette cour sera appelée à prononcer sur le pourvoi que nous annonce l'honorable M. de Theux. Inutile de dire que les membres consultés sont indépendants et par caractère et par position de toute influence cléricale et que leur réponse n'a pas été favorable à (page 473) l'opinion du gouvernement. Mais il fallait les écarter et les empêcher de prendre part à la décision sur le pourvoi : c'est un abus que je ne puis assez flétrir et contre lequel je proteste de toute la force de mon âme.

Est-ce à dire que M. le ministre de îa justice fasse preuve d'une grande confiance dans la magistrature dont naguère il a fait partie et qu'il professe pour elle une large estime ? Non, sans doute ; car après avoir, en maintes circonstances, compromis le sort du projet de loi sur l'augmentation des traitements des membres de l'ordre judiciaire, il est allé jusqu'à porter atteinte à leur pouvoir et à leur dignité, en contestant dans cette enceinte la force exécutoire due aux jugements et arrêts passés en force de chose jugée.

Le respect de M. le baron d'Anethan pour l'ordre judiciaire peut être apprécié par les nominations qui lui sont réservées : au lieu de consulter la dignité du corps et l'intérêt des justiciables, il n'écoute que l'intérêt de sa politique et l'esprit de parti.

C'est ainsi, pour ne parler que de la magistrature au premier degré, qu'il a nommé aux fonctions de juges de paix, les plus importantes de toutes peut-être, tant à raison de la mission qui est réservée à ces magistrats d'éviter les procès en conciliant les parties, qu'à raison des actions possessoires hérissées de difficultés de tout genre, qu'il a nommé à ces fonctions des hommes qui n'ont aucune connaissance du droit, dont quelques-uns savent à peine lire et écrire. Voulez-vous, messieurs, que je vous cite des faits ? Je vous dirai qu'à Herzeele, province de la Flandre orientale, c'est un saunier qui l'a emporté sur un grand nombre de compétiteurs, la plupart docteurs en droit ayant plusieurs années de pratique et jouissant d'une réputation de talent et de probité ; il en a été de même à Dixmude, province de la Flandre occidentale ; là un médecin a été nommé juge de paix, lui qui était déjà inspecteur cantonal ! !

Et toutes ces nominations, comme on le présume bien, n’ont d'autre but qu'une vaste organisation d'un système électoral au profit du gouvernement dont le projet de loi sur les juges de paix, que M. le ministre de la justice nous a présenté en vue des élections de juin 1847, doit être le complément.

Les nominations aux fonctions de notaires sont également autant de ressorts électoraux entre les mains de M. d'Anethan : aussi pour être plus à son aise, il ne consulte plus les chambres de notaires, et il défend aux procureurs généraux et premiers présidents des cours d'appel, et aux gouverneurs de province de lui présenter des candidats, comme cela se pratiquait autrefois.

Je me bornerai à citer quelques faits des plus importants et en même temps des plus récents.

Dans le courant de l'année dernière, le notaire Vanderschueren de résidence à Meere, canton d'Alost, fut nommé à la résidence de Denderwindeke, canton de Ninove, commune de 2,000 âmes, en remplacement du notaire de Turck, nommé à la résidence de Viane, canton de Grammont.

A peine le notaire Vanderschueren fut-il nommé, qu'il sollicita le transfert de sa résidence de Denderwindeke à Meerbeke, commune limitrophe de Ninove ayant à peine 5,000 âmes et où résidaient déjà trois notaires !

Les notaires de Ninove ayant été informés des démarches de leur collègue, s'adressèrent vainement à M. le ministre de la justice pour que pareil changement contraire à leur position acquise et surtout à l'intérêt des habitants de Denderwindeke n'eût pas lieu. Vander Schueren obtint la faveur qu'il avait sollicitée ; la position de ses collègues fut sacrifiée, l'intérêt public méconnu et Denderwindeke abandonné à l'exploitation de quelques agents d'affaires. Il s'agissait bien de l'intérêt public ! Le gouvernement avait à récompenser des services électoraux.

Le 20 octobre 1846, le notaire de Turck qui avait été nommé précédemment à la résidence de Viane, commune de 1,600 âmes, obtint également et par les mêmes motifs le transfert de sa résidence de Viane à Grammont, qui n'a qu'une population de 7,000 âmes et où il existe déjà trois notaires.

C'est là, messieurs, dans un but purement politique, non seulement violer la loi, mais aussi se jouer du public et porter atteinte aux possessions acquises d'une manière inouïe, subversive de tout ordre, contraire à toutes notions de justice et de bonne administration. Aussi cet acte inqualifiable a soulevé à Grammont une indignation générale.

Une nomination récente dans la province d'Anvers révèle le même but.

Vous parlerai-je maintenant de cette fameuse circulaire obligeant tous les distillateurs à faire dresser les actes de cautionnement et d'hypothécation pour les crédits permanents qu'on leur accorde par un seul notaire, au choix du ministère, pour deux ou trois cantons réunis, ce qui constitue un monopole au profit de quelques notaires privilégiés ? vous parlerai-je encore de ces permutations accordées aux uns, refusées aux autres, quoique dans des circonstances identiques ? Je pourrais vous citer comme antithèse ce qui a lieu à Dinant et à Liège ? Vous parlerai-je, enfin, de ces places de notaires qu'on a laissées vacantes pendant un an et plus, nonobstant les réclamations incessantes des communes intéressées, par exemple, à Messines et à Warneton (Flandre occidentale) ? Je pourrais vous démontrer, en appuyant sur ces faits, combien le gouvernement sait profiter de tout ce qui se rattache au notariat dans l'intérêt de sa politique.

Mais pourquoi s'arrêter si longtemps à des faits accomplis, lorsqu'il y a peu de jours, au sujet des élections de Nivelles, le maître-clerc d’un des notaires de Bruxelles, qui depuis six ans sollicite en vain une petite résidence rurale, reçoit la promesse formelle d'une nomination immédiate à une résidence de premier ordre s'il voulait contribuer, par son influence locale, au succès du candidat ministériel ! Je m'abstiens, jusqu'à présent, dans l'intérêt même de celui qui a reçu la promesse, de citer des noms propres ; mais plusieurs notaires de la capitale et quelques-uns de mes honorables collègues comprendront parfaitement mon allusion. Le succès n'ayant pas répondu à l'attente, que fera le gouvernement en présence du maître-clerc qui pourrait fort bien un jour donner des explications officielles ?

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Il n'y a pas un mot de vrai. Nommez-le !

M. Verhaegen. - Je pourrais le nommer, mais jusqu'à présent je ne veux pas compromettre l'individu ; probablement avant peu, si on ne tient pas parole, il se nommera lui-même.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je provoque des explications, je les provoque tout de suite.

M. Verhaegen. - Les nominations et promotions faites par M. le ministre de la justice donnent à son administration la couleur qui lui est propre, et pour donner sur ce point une conviction aux plus incrédules, nous parlerons tantôt d'une nomination qui, à elle seule, en dit plus que toutes les autres. Mais nous avons encore à vous parler d'autres actes de M. le baron d'Anethan, se rattachant aux diverses branches de son département, et qui tous constatent son dévouement sans bornes au parti clérical.

S'agit-il de la liberté des cultes proclamée par la Constitution, nous voyons M. le ministre de la justice saisir toutes les circonstances qui lui sont offertes pour porter atteinte à celle liberté.

Dans les prisons, par exemple, on nommait autrefois comme gardiens,, porte-clefs et autres employés d'anciens militaires pensionnés qui dans l'exercice de leurs fonctions ont toujours rendu des services signalés. Aujourd'hui, au grand mécontentement des commissions des prisons, M. le ministre remplace dans certaines localités les anciens militaires par des frères de la charité, autrement dit des ignorantins dont la plupart sont des fils de cultivateurs sans instruction et qui sont loin de répondre à la mission qui leur est confiée.

Dans d'autres localités où les anciens employés ont été jusqu'à présent maintenus, on fait violence à leurs convictions et ou cherche ainsi à les dégoûter, comme on fait violence aux convictions religieuses des détenus, des reclus.

On fait violence aux convictions des employés, anciens militaires, en les soumettant, quant à l'accomplissement de leurs devoirs religieux, à la surveillance inquisitoriale de l'aumônier.

Je trouve la preuve de cette assertion dans une dépêche de M. le ministre de la justice, à l'administration des prisons d'Anvers, en date du 20 janvier 1845.

Cette dépêche porte :

« Le ministre de la justice au gouverneur de la province d'Anvers. Administration des prisons.

« 20 janvier 1845. (Les premiers paragraphes sont relatifs à l'envoi des rapports annuels, etc.) Voici la fin :

« La conduite des employés étant de nature à exercer une certaine influence sur celle des détenus et devant, en tout cas, correspondre aux vues de l'administration, MM. les directeurs et l'aumônier voudront bien s'expliquer en toute liberté à cet égard et mentionner ceux qui ne s'acquitteraient pas convenablement de leurs devoirs.

« Le ministre de la justice, « (Signe) Baron d'Anethan. »

La commission des prisons ne comprit point comment M. l'aumônier pourrait avoir à s'expliquer sur la conduite des employés et à mentionner ceux qui ne s'acquitteraient pas convenablement de leurs devoirs.

Les articles 10, 11 et 12 de l'instruction approuvée par un arrêté royal du 11 octobre 1826 règlent tout ce que MM. les aumôniers ont à faire, service divin, entretien, consolation des détenus, particulièrement les malades. Là se borne leur mission.

Jusqu'ici on a toujours eu à se louer de MM. les aumôniers à Saint-Bernard et jamais ils ne se sont mêlés de la conduite îles employés.

La commission (par l'entremise de M. le gouverneur, M. Malou) écrivit le 8 février 1845 à M. le ministre de la justice « qu'elle ne pouvait se rendre compte des devoirs des employés dont M. l’aumônier aurait à apprécier l'accomplissement et dont il devait faire rapport. »

M. le ministre répondit, le 22 février 1845, dans les termes suivants :

« Par votre lettre du 8 février, vous me demandez, etc.

« J'ai désiré être mis à même d'apprécier la conduite des employés,», de pouvoir juger s'ils répondaient aux vues de l'administration non seulement par leur travail, mais encore par l'influence morale qu'ils doivent exercer sur les détenus.

« Pour le ministre de la justice :

« Le secrétaire général, « (Signé) de Crassier. »

On voit que M. le ministre esquive la question qui louche essentiellement au point délicat de la liberté en matière de culte.

Il l'a si bien senti qu'en publiant sa circulaire dans le recueil intitulé « Appendice au recueil des arrêts des prisons », imprimé en 1845 chez Weissembruch, il a omis les onze derniers mots de la lettre à la commission des prisons d’Anvers, du 20 janvier, étant ceux-ci : « et mentionner (page 474) ceux s'acquitteraient pas convenablement de leurs devoirs. »

On fait violence aux convictions religieuses des détenus, des reclus, car quel que soit le culte qu'ils professent on les soumet aux prescriptions de l’Eglise catholique, en matière de jeûne par exemple, contrairement aux anciens usages, d'après lesquels les prisonniers ont toujours été mis, quant aux jeûnes, sur la même ligne que les militaires ; et ici M. le ministre de la justice a été plus rigoureux que l'archevêque, prince de Méan, dont l'aumônier de St-Bernard invoque encore aujourd'hui la permission non révoquée par l'archevêque cardinal pour ne pas suivre les instructions de M. le baron d'Anethan.

Voici la preuve :

Dans le recueil imprimé, publié par ordre du ministre de la justice, intitulé :

« Appendice au recueil des arrêtés, règlements et instructions concernant les prisons de Belgique » (imprimé chez Weissembruch, 1845) se trouve, page 134, la circulaire suivante :

« Interversion de l’ordre de distribution des différentes espèces de soupes les jours de carême et d’abstinence.

« (N° 12219) Bruxelles, 18 janvier 1845.

« A MM. les Gouverneurs des neuf provinces et au Président du comité de la maison pénitentiaire à St-Hubert.

« Messieurs,

« On a soulevé la question de savoir si l'ordre établi par la circulaire du 28 octobre 1837 (recueil, page 183) peut-être interverti pour des motifs religieux.

« Voulant écarter tout doute à ce sujet, je vous prie de vouloir autoriser les commissions administratives des prisons de votre province à déterminer l'espèce de soupe à distribuer aux détenus les jours de carême ou d'abstinence, tout en maintenant, cependant, le nombre hebdomadaire de soupes grasses prescrit par les règlements.

« Le ministre de la justice. (Signé) baron ; d'Anethan. »

Le 9 mars 1846, on a reçu à Saint-Bernard la circulaire ou note suivante non signée, mais portant au bas le cachet ou timbre du Ministère de la justice.

« Bruxelles, 9 mars 1846.

« Ministère de la justice.

« Note pour M. le Directeur de la maison de correction de Saint-Bernard.

« La circulaire du 18 janvier 1845, n°12219, ne concerne que le temps de l’année pendant lequel la semaine a 4 jours gras et ne touche en rien aux prescriptions ecclésiastiques qui augmentent le nombre des jours maigres, notamment durant le carême.

« C'est donc à tort que l'on considérerait cette circulaire comme autorisant les distributions de soupes grasses contrairement aux prescriptions de l’Eglise catholique.

« (Timbre du ministère ou cachet). »

Il est à remarquer qu'aucune instruction n'était nécessaire puisqu'il existe une permission, antérieure à 1830, de l'archevêque de Malines (prince de Méan), qui assimile les détenus aux militaires et permet de faire gras tous les jours, excepté le Vendredi-Saint, et c'est l'aumônier de Saint-Bernard qui a fait connaître cette instruction du prince de Méan au ministre de la justice !

Au reste, messieurs, voulez-vous savoir comment M. le ministre de la justice respecte la liberté des cultes, comment il accorde une égale protection à toutes les croyances, écoutez la missive que le consistoire israélite a adressée à M. le ministre de l'intérieur, sous la date du 8 janvier, il y a cinq jours seulement.

Vous vous rappelez, messieurs que dans la séance du 17 décembre, l'honorable M. de Theux, en réponse à un de mes griefs, s'exprimait ainsi :

« On prétend que sous mon administration tout s'est fait au profit d'un parti.

« J'ai déjà eu l'honneur de rappeler que sous mon premier ministère le culte juif a obtenu une dotation au budget de l'Etat ; il est vrai que je n'ai pas eu l'honneur de l'initiative, la proposition appartient à l'honorable. M. Lebeau, mais j'y ai donné mon assentiment à l'instant même.

« Ce fait est cependant unique, car je ne pense pas que l'on puisse citer un seul Etat au budget duquel figure une dotation pour le culte israélite. »

Puis on rencontre la même vantise pour ce qui a été fait par le gouvernement en faveur du culte anglican, du culte protestant.

Et l'honorable M. de Theux termine en disant :

« Aussi, messieurs, ne m'est-il arrivé aucune plainte, aucune réclamation pendant que j'ai eu les cultes dans mon administration (et celle administration a été longue), ni de la part des juifs, ni de la part des cultes protestants, ni de la part des anglicans. Voilà, messieurs, la partie la plus délicate de l'administration d'un homme que l'on qualifie d'homme de parti. »

Cette vantise ne pouvait pas rester sans réponse ; aussi le consistoire israélite a-t-il cru nécessaire de rectifier immédiatement une erreur en ce qui concerne l'administration de l'honorable M. de Theux et de dire toute sa pensée à l'égard de l'administration de M. le baron d'Anethan, bien différente encore de celle de son collègue de l'intérieur.

Voici cette pièce :

« Bruxelles, le 8 janvier 1847 ;

« Le consistoire israélite de Belgique à M. le ministre de l’intérieur.

« Monsieur le ministre !

«t Dans la séance de la chambre des représentants du 17 décembre dernier, en rappelant que c'est sous votre premier ministère que le culte Israélite a obtenu une dotation au budget de l'Etat ; vous avez ajouté : « Ce fait est cependant unique, car je ne pense pas que l’on puisse citer un seul Etat au budget duquel figure une dotation pour le culte israélite.

« Nous nous permettons de rectifier votre erreur à cet égard : en. France le culte israélite figure au budget de l'Etat au même titre que les cultes chrétiens. En Allemagne plusieurs Etats constitutionnels, tels que la Saxe royale, le Wurtemberg, la Hesse-Electorale, le duché d'Oldenbourg, etc., etc, ont pris à leur charge des traitements des ministres du culte israélite, et ces dépenses sont portées au budget comme les dépenses occasionnées par les autres cultes. Dans le royaume des Pays-Bas et dans le grand-duché de Luxembourg, le culte israélite reçoit des subsides au budget, et les affaires de ce culte forment même une division spéciale du ministère de l'intérieur à La Haye.

« Dans plusieurs autres pays tels que l'Angleterre, etc., le culte israélite ne figure, à la vérité, pas au budget, mais c'est que dans ces pays, les ministres d'aucun culte ne sont rétribués par l'Etat.

« Nous vous prions, M. le ministre, de vouloir bien faire connaître cette rectification à la chambre lors de la prochaine discussion du budget de la justice.

« Du reste, comme vous le disiez dans la même séance du 17 décembre, nous n'avons eu, M. le ministre, aucune plainte à formuler pendant que les cultes étaient du ressort de votre administration ; nous n'avons rencontré alors, dans votre département, que justice et impartialité. Malheureusement nous n’en pouvons plus dire autant : depuis l’avènement de M. le ministre de la justice actuel, nous n’avons trouvé ni équité, ni la moindre bienveillance dans nos rapports avec son département, et des refus systématiques sont les réponses régulières que toutes nos propositions les plus justes et les plus fondées ont reçues de sa part.

« Veuillez agréer, M. le ministre, l'assurance de notre considération distinguée.

« Le président, Signé, S. Benda.

« Le secrétaire, Signé, J. Stein. »

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je n'ai pas encore reçu cette lettre. Je suis charmé d'en recevoir communication par votre intermédiaire.

M. Verhaegen. - Vous voyez, M. le ministre, que je suis ordinairement bien informé ; aussi, si vous voulez envoyer quelqu'un dans vos bureaux, je ne doute aucunement qu'on ne vous remette tout de suite l'original.

Du reste, ce qui résulte de cette lettre, c'est que, dans l'occurrence, tout en rectifiant une erreur que vous avez commise dans votre discours du 17 décembre, le consistoire du culte israélite rend hommage à votre impartialité, et qu'il s'exprime d'une manière toute différente à l'égard de votre collègue de la justice, dont je m'occupe en ce moment.

De même que les cultes, les établissements de bienfaisance sont confiés à l'administration du département de la justice. Eh bien, s'agit-il d'établissements de bienfaisance communaux en concurrence avec des établissements quelconques du clergé, c'est à ces derniers que M. le baron d'Anethan donne la préférence, méconnaissant, sacrifiant même les droits des premiers.

Des arrêtés dont nous avons parlé déjà lors de la discussion du budget de l'intérieur et dont nous aurons occasion de parler encore plus tard, ont dépouillé les hospices de leurs biens pour les mettre sous la main du clergé et en attribuer l'administration aux évêques.

Et lorsque des hospices ou des communes ont réclamé contre cette violation du droit de propriété, on ne leur a répondu que par un déni de justice, témoin ce qui s'est passé au sujet de la fondation Vander Eyken, dans la commune Saint-Pierre-Capelle, près d'Enghien.

Chaque fois qu'il s'agit de bourses de fondations on en attribue l'administration à des curés, à des vicaires, à l'exclusion des administrations communales, autorités qui sont néanmoins les seules compétentes aux yeux de la loi, et pour arriver à ce résultat on crée autant de personnes civiles qu'il y a de fondations, en s'appuyant sur des arrêtés du roi Guillaume de la même nature que ceux dont on soutient l'illégalité lorsque nous voulons frapper les biens tombés en mainmorte d'un impôt annuel, de 4 p. c. Nous reviendrons, lors de la discussion des articles, sur les« bourses de fondations.

M. le ministre de la justice a une prédilection toute spéciale pour les. établissements de mainmorte. Hier il refusait à mon honorable ami M. Delfosse des renseignements sur le personnel de ces établissements, alors qu'il est évident qu’ils devraient faire partie de la statistique générale qui nous coûte si cher.

Et quand l'année dernière je demandais au gouvernement la (page 475) communication des comptes que doivent rendre annuellement les séminaires, aux termes des articles 79 et 80 du décret du 6 novembre 1813, M. le baron d'Anethan me répondait :

« Quant à la question dè principes, je pense avec l'honorable membre qu'aux termes de l'article 15 du décret de 1809 les congrégations des sœurs hospitalières reconnues doivent rendre compte ; je n'ai pas la même opinion relativement aux comptes que devraient rendre les séminaires.

« Messieurs, je viens déjà de prouver qu'il n'y avait aucune espèce d'intérêt pour le gouvernement de demander ces comptes ; mais abstraction de ces premières observations, la liberté des cultes n'est-elle pas proclamée d'une manière générale et absolue par l'article 14 de la Constitution ? et cette liberté ne serait-elle pas entravée s'il était permis au gouvernement de s'immiscer dans l'examen des comptes des séminaires.... ? »

Et cependant certains séminaires possèdent des biens considérables, et on leur accorde encore des subsides sur le budget, en invoquant ce même décret de 1813, que M. le ministre permet de violer lorsqu'il s'agit de l'obligation de rendre compte !!!

Comme nous l'avons dit dans une autre circonstance, le seul séminaire de Liège jouit d'un revenu de trois cent mille francs, et la fabrique de la cathédrale de la même ville jouit d'un revenu semblable. Voilà donc 600,000 francs qui, à raison de 3 p. c, donnent un capital de 20 millions.

Dans une lettre reproduite par le Journal de Bruxelles, Mgr. Van Bommel a prétendu que le revenu de ces deux établissements ne se montait qu'à deux cent mille francs ? C'est déjà beaucoup, convenons-en, messieurs ; mais nous prouverons, en temps et lieu, et par d'anciens comptes, car on rendait des comptes avant 1830, et par des tableaux et par des actes, que notre chiffre de 600,000 francs est loin d'être exagéré. On conçoit d'après cela que les séminaires ne veuillent pas se soumettre à l’obligation que leur impose le décret de 1815, de rendre un compte annuel ! On conçoit aussi que M. le ministre de la justice, tout dévoué à l'épiscopat, vienne proclamer à la tribune la légitimité du refus des séminaires !

Et tandis que ces établissements du clergé regorgent d'or, tandis que des subsides considérables sont venus encore augmenter leurs ressources, voire entre autres les 400,000 fr. qui ont été accordés au petit séminaire de Rolduc, lequel n'est qu'une dépendance du séminaire de Liége ; tandis que des subsides sont accordés pour l'érection de nouvelles églises, de nouveaux presbytères, pour la réussite de certaines entreprises religieuses, on retire à des établissements communaux les allocations dont ils ont joui jusqu'à présent ; le peuple a faim : il meurt d’inanition et de froid !...

La mendicité est un délit ; ceux qui s'en rendent coupables sont punis ; mais M. le ministre protège les ordres mendiants : d'après lui, la loi est impuissante contre eux.

Les sources de la bienfaisance ont été détournées : depuis deux ans, comme je l'ai dit déjà, les hospices de Bruxelles n'ont reçu ni dons ni legs, et il en a été de même à Gand, à Liège, à Anvers, partout, enfin.

Il y a plus : des biens qui appartiennent aux hospices, aux termes des lois en vigueur, sont convoités par l'épiscopat, et M. le baron d'Anethan prête en ce moment les mains à cette convoitise.

Voici les faits :

Il y a quelques années, l'archevêque de Malines adressa au Roi une requête par laquelle il demanda que les biens des anciens béguinages fussent employés aux usages déterminés par l'intention des fondateurs et des bienfaiteurs, en d'autres termes, qu'ils fussent rendus à leur première destination.

L'honorable M. Leclercq, alors ministre de la justice, envoya une circulaire à MM. les gouverneurs pour leur demander quelle exécution avaient reçue dans leurs provinces les lois relatives à la suppression des béguinages et quelle destination on avait donnée aux biens provenant de ces corporations ? Cette circulaire, comme on le voit, avait pour but de s'enquérir si les lois sur la matière avaient reçu leur exécution.

Le 10 mai 1843, le ministre de la justice, M. d'Anethan, voulant, disait-il, compléter les renseignements recueillis par son prédécesseur, demanda les titres des hospices aux biens de ces ci-devant béguinages, etc. Sa circulaire avait évidemment pour but d'entraver les conséquences dés lois suppressives.

Dans un mémoire imprimé chez Bols Wittouck, à Bruxelles, en septembre 1845 et rédigé par les avocats de l'archevêque, mémoire qui n'a été confié qu'aux adeptes, on soutient :

« 1°Que les Béguinages ont toujours été des établissements de secours ;

« 2° Que les personnes secourues n'étaient autres que les béguines elles-mêmes ;

« 3° Que ces établissements n'ont jamais été supprimés ni les béguines non plus ;

« 4° Qu'au contraire toutes les lois de la république et de l'empire ont formellement reconnu leur existence et leur maintien ;

« 5° Que par suite les biens qui leur ont été anciennement affectés ne peuvent pas servir aux besoins généraux des hospices ni au soulagement des pauvres profanes ;

« 6° Qu'en conséquence, le gouvernement doit imposer aux administrations des hospices l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer aux béguines la conservation de leurs droits et de tous les secours qui leur sont dus aux termes de leur institution ;

« 7° Que si les commissions administratives restaient en défaut de prendre ces mesures, le gouvernement pourrait et devrait les prendre ;

« 8° Qu'il devrait prescrire en même temps de porter les revenus des biens de ces établissements soit dans un budget ou compte particulier, soit dans un chapitre distinct des budgets et comptes des hospices auxquels ils sont réunis, afin de conserver leur affectation spéciale et exclusive. »

On voit qu'il ne s'agit de rien de moins que de renverser un état de choses établi, depuis plus de 30 ans, en vertu des lois de l'empire, de restituer aux Béguinages leur caractère monastique, de circonscrire l'action de la bienfaisance publique en décidant que les biens des Béguinages ne pourront plus être employés qu'en faveur d'un nombre limité de véritables béguines astreintes à d'anciennes règles et à des statuts que l'on veut faire revivre même par arrêté royal, comme si les lois suppressives des béguinages pouvaient être abrogées par arrêtés royaux !! Où donc, grand Dieu ! nous conduit l'esprit de parti ?

Et ce mémoire, vrai type d'exagération, quoique rédigé dans l'intérêt de l'épiscopat, a été imprimé par les soins d'un employé supérieur du ministère de la justice ; les épreuves ont été corrigées dans les bureaux du ministère et les frais d'impression ont été prélevés sur les dépenses imprévues du budget.

Nous pourrions, messieurs, citer beaucoup d'autres faits encore, tous de même nature ; mais le temps nous presse et nous avons hâte de terminer. Nous ferons seulement remarquer que, s'il est beau de faire de la philanthropie, d'aider les mères de famille qui remplissent leurs devoirs religieux, d'établir des crèches où des enfants privilégiés peuvent être reçus, il est pour un ministre des devoirs plus élevés. Il doit respecter les lois et empêcher qu'on s'en écarte ; il doit surtout conserver la propriété de l'indigent. Vous venez de voir, messieurs, comment M. le ministre de la justice comprend une mission si sainte.

Mais il s'agit bien de faire exécuter les lois ; les lois, les décrets de la justice ne sont rien lorsque la politique du gouvernement est en jeu.

N'avons-nous pas vu l'année dernière par les détails d'une affaire à jamais mémorable, celle de Retsin, de quoi le ministère est capable quand il s'agit de récompenser des services rendus à ses amis politiques ?

Aujourd'hui l'affaire Retsin a son pendant.

Ecoutez :

Il existait à Lessines, arrondissement d'Ath, un individu qui avait rendu au ministère et à ses amis de grands services électoraux d'abord à Ath, ensuite à Soignies. C'est cet individu qui l'avant-veille de l'élection de Soignies, fit distribuer dans toutes les communes du canton des pamphlets contre l'honorable M. Rousselle.

Un agent si dévoué, dont les efforts d'ailleurs avaient été couronnés de succès, méritait une récompense : précisément la place de greffier de la justice de paix était vacante, et Désiré Orman, fabricant de chicorée (c'est le nom de l'individu auquel nous avons fait allusion), fut immédiatement désigné pour remplir ces fonctions ; il devint tout à la fois et le candidat du clergé et le candidat du ministère.

Cependant, il se présentait une difficulté, et cette difficulté était grave. Elle prenait sa source dans les antécédents du candidat.

En 1838 déjà, à la mort de son beau-père, M. Jouret-Orman avait sollicité la place de greffier de la justice de paix de Lessines et, quoiqu'il eût été porté d'abord comme candidat sur les tableaux de présentation, les rapports qui furent adressés ensuite à M. le procureur général de Fernelmont lui ayant été des plus défavorables, il échoua dans sa demande. Sa qualité de gendre du défunt titulaire, que l'on invoquera sans doute encore aujourd'hui, ne parvint pas à le faire réussir. M. le ministre de la justice, alors avocat général, doit avoir eu connaissance de ces rapports. Ces rapports, d’ailleurs, étaient basés sur des faits constatés par jugements passés en force de chose jugée.

Le 28 mars 1826, Désiré Orman, par jugement du tribunal correctionnel de Tournay, fut condamné à trois mois de prison pour coups et blessures sur des agents de la force publique, et l'affaire avait un tel degré de gravité, que la demande en grâce, que le condamné avait présentée au Roi, fut rejetée.

Le 10 septembre 1828, Orman fut condamné pour rixe dans un cabaret à une peine de police par la justice de paix de Lessines, dont les archives lui sont en ce moment confiées.

Le 22 décembre 1842, il fut condamné par le tribunal de Tournay pour avoir imité et placé sur ses paquets de chicorée les marque et vignettes de MM. Orban et fils de Liège, et ce jugement fut publié et affiché.

Nous ne parlerons pas, au moins jusqu'à présent, d'un autre jugement rendu par le tribunal de Tournay, le 18 novembre 1837, sous la présidence d'un de nos honorables collègues, par la raison que ce jugement, quoique faisant apprécier l'individu au point de vue de la moralité, ne concerne que des droits civils.

J'entends l'honorable M. Dechamps qui, au point de vue des élections d'Ath, est intéressé dans la question, s'écrier que « c'est indigna d'accuser ainsi, au sein du parlement, un fonctionnaire public qui jouit de la confiance des justiciables. » Oui, il serait inconvenant, il serait indigne de s'abriter derrière l'inviolabilité du député pour articuler légèrement et sans preuves des faits graves contre un fonctionnaire public ; mais, lorsqu'à l'appui de mes allégations, j'invoque des acte authentiques, des jugements passés en force de chose jugée, et que je tiens en mains copies de ces jugements, alors, tout en remplissant un devoir sacré, celui de député contrôlant les actes du ministère, je ne fais dans cette enceinte qu'articuler des faits que je pourrais articuler partout (page 476) ailleurs sans donner lieu au moindre blâme, loin de m'exposer à aucune poursuite quant à la confiance dont jouirait à Lessines Désiré Oman, je m'en rapporte volontiers à la notoriété publique.

Il y avait, d'ailleurs, une autre difficulté pour faire adopter la candidature du sieur Orman ; plusieurs candidats recommandables sous tous les rapports, et en première ligne M. Lepoivre, cousin germain du dernier titulaire, qui pendant la longue maladie de son parent avait rempli les fonctions de commis-greffier à l'entière satisfaction de M. le juge de paix et qui était appuyé par toutes les autorités tant judiciaires qu'administratives, venaient faire concurrence au protégé du clergé que vous connaissez maintenant.

M. Lepoivre, contre lequel il ne s'était jamais élevé la moindre plainte, loin qu'il eût eu dans aucune circonstance des démêlés avec la justice civile ou correctionnelle, avait joint à sa requête au Roi des certificats de moralité les plus beaux qu'un candidat puisse invoquer.

Voici ces certificats :

Le premier, du collège des bourgmestre et échevins de la ville de Lessines, est ainsi conçu :

« Le collège des bourgmestre et échevins de la ville de Lessines certifie que M. Auguste Lepoivre, clerc de notaire, domicilié en ladite ville, remplit les fonctions de commis-greffier près de la justice de paix de Lessines, depuis plusieurs années ; que sa conduite est irréprochable, et qu'il jouit de l'estime de ses concitoyens.

« Lessines, le 18 mai 1846.

« Ont signé : D. Maincq, bourgmestre ; Liépin, échevin, et Provoieur, secrétaire. »

Le second certificat est délivré par les conseillers communaux de la ville de Lessines ; il porte :

« Nous soussignés conseillers et anciens conseillers communaux de la ville de Lessines, affirmons que le sieur Louis-Auguste Lepoivre, candidat notaire en cette ville, remplit depuis plusieurs années la charge de commis-greffier près de la justice de paix du canton de Lessines, qu'il s'est acquitté de ses fonctions à l'entière satisfaction de tous ceux qui le connaissent, et qu'il mérite sous tous les rapports la bienveillance du gouvernement pour obtenir la charge de greffier de ladite justice de paix vacante par la mort de son cousin germain, le sieur Joseph-Edouard Lepoivre.

« Lessines, le 8 mai 1846.

« Signé : L. Liépin, échevin. F.-J. Janssens, conseiller, N.-A. Olivier, P. Tacquenier, conseiller, B. Carion, notaire et conseiller, F. Jouret, notaire et conseiller, J. Mercenier, J. Willame, D. Vandenkerckhoven.»

Le troisième certificat, émanant de M. Olivier, juge de paix, dit en termes :

« Nous, juge de paix du canton de Lessines, certifions que le sieur Louis-Auguste Lepoivre, candidat notaire en cette ville, remplit depuis le 17 août 1838 les fonctions de commis-greffier près de notre justice de paix, qu'à cause de l'état maladif dans lequel notre greffier le sieur Joseph Lepoivre s'est constamment trouvé depuis la dite époque, ledit sieur Louis-Auguste Lepoivre, cousin germain de ce dernier a dû faire presque entièrement le travail du greffe ; qu'il nous a assisté dans toutes les affaires pour crimes et délits que nous avons été appelé à instruire depuis huit ans ; que dans toutes les circonstances et particulièrement dans celles où il s'agissait de la justice répressive, il a montré le plus grand zèle ; qu'il n'a cessé de faire preuve de capacité et d'intelligence, qu'il jouit dans ce canton de l'estime publique ; qu'enfin nous estimons qu'il mérite la bienveillance du gouvernement pour obtenir la charge de greffier près de notre justice de paix.

« Lessines, le 5 mai 1846.

« (Signé) N.-A. Olivier. »

Le quatrième certificat, délivré par tous les bourgmestres du canton de Lessines, est ainsi conçu :

« Nous bourgmestre des communes du canton de Lessines, certifions qu'il est à notre connaissance que depuis plusieurs années le sieur Louis-Auguste Lepoivre, commis-greffier de la justice de paix de ce canton, remplit les fonctions de son cousin germain le sieur Joseph-Edouard Lepoivre, décédé greffier à Lessines, qu'il jouit de l'estime publique et qu'il mérite sous tous les rapports la bienveillance du gouvernement pour obtenir la place de greffier vacante par la mort du titulaire. » Donné les 17, 18 et 19 mai 1846.

« Le bourgmestre de Deux-Acren, signé V. De Bagenrieux,

« Le bourgmestre de Biévène, signé J. J. Jouret.

« Le bourgmestre d'Ollignies, signé Th. Dubois.

« Pour le bourgtmestre de Bois de Lessines, signé Buidin, échevin.

« Le bourgmestre de Papignies, signé Dufief.

« Le bourgmestre de Wannebecq, signé Jouret.

« Le bourgmestre d'Oeudeghem, signé Deneubourg.

« Le bourgmestre d'Ogy, signé A. Lelubre.

« Le bourgmestre de Ghoy, signé, V.-J. Couvreur. »

Le cinquième certificat enfin, délivré par M. Jouret, notaire et alors suppléant de la justice de paix, porte :

Je soussigné François-Léopold-Henri Jouret, notaire à la résidence de Lessines (Hainaut), certifie que le sieur Louis-Auguste Lepoivre, candidat notaire, demeurant à Lessines, a fait un stage de quinze années en qualité de premier clerc en mon étude, que par son aptitude au travail, son zèle et sa probité, il a mérité toute mon estime, qu'il réunit toutes les qualités qui font l'homme de bien, et qu'ainsi il est digne des faveurs du gouvernement pour l'obtention d'une place de notaire ou de greffier.

« En foi de quoi, je lui ai délivré le présent certificat à Lessines, le 5 mai 1846.

« Signé F. Jouret.»

M. Jouret ne s'est pas contenté de délivrer un certificat à M. Lepoivre, il s'est rendu à Bruxelles pour appuyer sa candidature auprès de M. le ministre de la justice, et pour faire connaître la moralité de son compétiteur Désiré Orman ; il est même allé jusqu'à dire que si Orman venait à être nommé, lui Jouret « se verrait dans la nécessité de donner sa démission des fonctions de juge suppléant, attendu qu'il ne pourrait jamais se résigner à siéger à côté d'un pareil homme ».

Ce n'est pas tout encore : la requête de M. Lepoivre avait été appuyée et par l'avis favorable de M. le gouverneur du Hainaut et par les avis non moins favorables de MM. les premier président et procureur général de la cour d'appel de Bruxelles.

Désiré Orman ne pouvait invoquer rien de semblable ; ses antécédents étaient connus depuis longtemps de la justice, et on les avait fait connaître au gouvernement. Orman n'avait pour lui que la protection du clergé : on sait pourquoi ; mais cette protection était puissante auprès de M. le ministre de la justice, et devant elle toute autre considération devait nécessairement fléchir.

A la suite de plusieurs visites du doyen de Lessines et d'un autre ecclésiastique, Désiré Orman fut nommé greffier de la justice de paix par un arrêté daté de Zurich le 6 septembre 1846.

M. le notaire Jouret, conseiller communal, envoya au Roi sa démission de juge suppléant par une adresse en date du 18 septembre 1846, dont j'ai sous les yeux la copie.

Elle porte :

« A Sa Majesté le Roi des Belges.

« Sire !

Le ministre de la justice ayant proposé à Votre Majesté la nomination du sieur D. Orman, comme greffier de la justice de paix du canton de Lessines, et cette nomination ayant eu lieu par arrêté royal donné à Zurich, le 6 de ce mois, je viens, Sire, déposer entre vos mains ma démission des fonctions de premier juge suppléant à cette justice de paix que vous m'avez confiées le 29 janvier 1833, parce qu'il m'est impossible de me trouver dans le cas de siéger à côté d'un homme dont l'ignorance et l'incapacité sont connues de tout le canton et qui a été frappé en 1826 d'une condamnation à l'emprisonnement qu'il a dû subir, malgré les démarches qui ont été faites pour obtenir sa grâce, circonstances qui ont été signalées au ministre qui n'en a eu aucun égard.

« Recevez, Sire, l'hommage de mon profond respect.

« (Signé) : F. Jouret.

« Notaire et conseiller communal. »

Ici je m'arrête, tout commentaire devient inutile.

Nous avons eu en 1846 l'affaire Retsin, dont le pays conservera longtemps encore le souvenir ; nous avons aujourd'hui l'affaire Orman, qui en est réellement le pendant. De pareils actes font à eux seuls apprécier un cabinet.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, différentes accusations plus ou moins graves ont été articulées contre moi par l'honorable M. Verhaegen. La plupart de ces accusations reposent sur de simples allégations. Il ne me sera pas difficile d'en faire justice. L'honorable membre, en m'engageant à ne pas l'interrompre, m'a dit qu'il attendait ma réponse. J'attends à mon tour de sa loyauté qu'en présence des réponses péremptoires que je lui promets, il sera le premier à reconnaître l'erreur dans laquelle il a été induit quant aux faits qui ont motivé les accusations qu'il a dirigées contre moi.

L'honorable membre, messieurs, a commencé par citer mes antécédents.

Il vous a dit qu'en 1843 j'étais avocat général à la cour d'appel de Bruxelles, que j'étais alors un très grand libéral, que j'étais qualifié comme tel, que c'était en cette qualité que j'étais entré au ministère, en 1843, après avoir été, en 1842, trouvé trop libéral pour être nommé secrétaire général du même département.

Messieurs, ce que j'étais en 1843, je le suis encore en 1847. Je n'ai abandonné aucun des principes que j'ai professés pendant toute ma carrière magistrale. Je défie qu'on cite un seul acte de ma vie publique et politique qui puisse justifier le reproche d'avoir changé d'opinion.

Pendant 16 ans, j'ai occupé des fonctions dans la magistrature. Pendant 16 ans, j'ai rempli les devoirs qui m'étaient imposés avec zèle, intégrité et dévouement. J'ai toujours été, dans toute ma carrière, un homme modéré, un homme gouvernemental, un ami sincère de nos institutions libérales. Depuis mon entrée au ministère, je suis resté fidèle aux mêmes convictions, je n'ai posé aucun acte qui donne le droit de dire que j'aie abandonné aucun des principes que j'avais, lorsque, pour la première fois, je suis entré dans cette chambre.

Il est facile sans doute de dire : Vous étiez jadis un très grand libéral. Vous êtes aujourd'hui un très grand clérical. Mais il faudrait citer des faits pour établir en quoi consiste cette transformation. Je suis encore à attendre ceux que voudra bien sans doute me citer l'honorable M. Verhaegen.

Je le répète donc : en 1843, j'avais les opinions que j’ai encore maintenant. Seulement, avant I«45 n'étant pas un homme politique, je n'avais donc posé aucun acte politique. J'étais connu, j'ose le dire, par la modération de mes opinions, par mon dévouement à mes devoirs ; ces qualités (page 477) ne m'ont pas plus abandonné au banc ministériel que quand je remplissais mes fonctions dans la magistrature.

L'honorable M. Verhaegen a ensuite rappelé l'affaire de Retsin, et il a terminé par s'occuper d'une affaire qu'il a appelée le pendant de l'affaire de Retsin.

Je suis heureux, messieurs, que l'honorable M. Verhaegen m'ait de nouveau fourni cette occasion de dire quelques mots sur cette dernière affaire.

Il faut d'abord lui rendre ses véritables proportions qu'on a singulièrement, pour ne pas dire ridiculement exagérées. Au bout du compte, de quoi s'agissait-il ? Il s'agissait d'un individu coupable qui avait été condamné, auquel la grâce avait été refusée deux fois ; il s'agissait d'un individu se trouvant dans une position de santé qui m'avait été dépeinte comme réclamant des soins et un traitement dans une maison de santé. Cet individu, mis provisoirement en liberté, avait abusé de la permission qui lui avait été accordée ; il a été arrêté de nouveau, et il subit maintenant sa peine.

Ainsi tout, dans cette affaire, se borne à ceci : qu'une autorisation provisoire de mise en liberté a été légèrement, indûment, si vous voulez, accordée à un individu condamné.

Voilà tout mon crime ! J'ai peut-être trop légèrement adopté un rapport qui m'avait été fait par un fonctionnaire qui jouit à bon droit de toute ma confiance ; personnellement ni lui, ni moi, nous n'avions aucune connaissance de l'individu condamné, ni de l'état de sa santé ; mais Retsin avait été signalé à M. l'administrateur, comme atteint d'une maladie qui exigeait un traitement spécial dans une maison de santé. Voilà l'affaire réduite à sa plus simple expression. S'il y a faute, elle consiste uniquement à ne pas avoir accepté trop légèrement peut-être les certificats qui ont été produits. Voilà tout ce qu'on peut me reprocher, et vous savez, messieurs, dans quelles circonstances ce fait a eu lieu. Nous étions à la veille d'une dislocation ministérielle, et j'étais chargé, indépendamment du portefeuille de la justice, de celui de la guerre ad intérim.

Je disais tout à l'heure que j'étais heureux d'avoir l'occasion de m'expliquer de nouveau sur cette affaire ; non pas pour moi ; car je pense que les explications que j'ai données, l'année passée, étaient suffisantes, mais pour le fonctionnaire honorable auquel j'ai fait allusion.

Il m'a paru qu'il était resté dans l'esprit de quelques honorables membres de la chambre des doutes au sujet des certificats sur lesquels M. Hody avait basé son rapport. Ces certificats avaient été remis à M. Hody par une personne qui les tenait de Retsin. M. Hody avait cru pouvoir les restituer après que la décision avait été prise. Dans le désir bien naturel d'établir complétement le fondement du rapport qu'il m'avait fait et de répondre à tous les soupçons, il a tenu à se procurer de nouveau les certificats.

Je les ai , je puis les produire à la chambre ; ils sont au nombre de quatre ; ils émanent de médecins très connus dj Bruxelles, de Termonde, etc., ils attestent, comme le disait M. Hody dans son rapport, la réapparition fréquente de la même maladie chez le condamné. Mais, il y a plus, depuis que Retsin est dans la prison de Turnhout, il est constamment malade, comme le prouve un certificat également joint à mon dossier.

On prétend maintenant que Retsin est l'objet, dans la prison de Turnhout, de ménagements et de faveurs. Cette allégation est tellement peu exacte que la faveur de la pistole qu'il avait demandée lui a été refusée par le gouverneur d'Anvers. C'est-à-dire qu'on a été plus rigoureux à son égard qu'à l'égard d'aucun de ceux qui ont obtenu l'autorisation de subir une peine correctionnelle dans une maison d'arrêt. Je ne dis pas cela pour m'en faire un mérite auprès de la chambre ; car ce n'est pas le ministre qui accorde la faveur de la pistole ; c'est le gouverneur ; celui de la province d'Anvers l'a refusée ; il m'en a rendu compte, et j'ai approuvé sa conduite.

Voilà ce que j'avais à ajouter sur cette affaire. Je le répète, les certificats sont joints au dossier ; ils pourront être consultés par les membres de la chambre, ils prouvent la vérité de tout ce que j'ai avancé l'année dernière.

L'honorable M. Verhaegen a passé ensuite à un second grief ; il m'a fait un reproche qui serait très grave, s'il était fondé ; il m'a dit que pour empêcher en quelque sorte les membres de la cour de cassation de juger une question de mainmorte, je les avais consultés, pour les obliger à se récuser dans les affaires de même nature. A cela je dois répondre par un démenti formel. Les renseignements qu'a l'honorable membre sont complétement inexacts. Je n'ai consulté aucun membre de la cour de cassation sur aucune question de mainmorte

Seulement il existe au département de la justice, non pas depuis que j'y suis, mais depuis l'arrêté du roi Guillaume de 1823 sur les fondations des bourses d'étude un comité composé de magistrats appartenant à la cour de cassation, à la cour d'appel ; ce comité donne son avis sur les difficultés relatives aux fondations des bourses d'étude. Non seulement des magistrats en font partie, mais aussi des fonctionnaires du département de la justice au nombre desquels figurait jadis mon honorable ami M. Malou.

L'honorable M. Malou ayant été nommé gouverneur de la province d'Anvers, et un magistrat ayant donné sa démission, deux autres membres des cours de cassation et d'appel ont été nommés pour les remplacer. Ce sont M. Paquet, ancien secrétaire du département de la justice, et M. Vanhoogten, conseiller à la cour d'appel. Il ne s'agissait aucunement de consulter ces messieurs sur la question de mainmorte récemment soumise à la cour d'appel ; mais il s'agissait de compléter le comité institué au département de la justice pour les fondations de bourses d'étude, et je pense qu'en nommant les deux magistrats que je viens de citer, je donne la preuve à la chambre qu'il était impossible de faire un meilleur choix.

L'honorable membre m'a dit qu'il pourrait me citer, après la séance, les noms des magistrats que j'aurais consultés dans le but de les engager à se récuser dans l'affaire dont il a parlé. J'espère qu'il voudra bien tenir sa promesse et me citer le nom des personnes auxquelles il a fait allusion.

J'ai été étonné, messieurs, que l'honorable membre soit venu me dénier le peu de mérite que je puis avoir eu en défendant et en faisant adopter par la chambre la loi sur l'augmentation des traitements des membres de la magistrature. Il semblerait, d'après lui, que loin d'avoir favorisé l'adoption de ce projet, je l'aurais entravée. Je pense, messieurs, que la manière dont j'ai défendu alors la cause de la magistrature ne me méritera ni de votre part, ni de la part de l'ordre judiciaire, les reproches injustes que m'a faits l'honorable M. Verhaegen.

Messieurs, l'honorable M. Verhaegen n'a probablement tenu ce langage que pour pouvoir arriver à cet autre grief consistant dans le peu de respect que, selon lui, j'aurais manifesté pour l'autorité de la chose jugée. Les doctrines, messieurs, que j'ai émises, je crois pouvoir et devoir les maintenir. Elles ont pour base la division des pouvoirs et, je pense, quant à ces doctrines, être d'accord avec beaucoup de membres de cette chambre et même avec beaucoup d'amis de l'honorable M. Verhaegen. Je pourrais notamment citer l'honorable M. Delfosse qui en 1844 a dit qu'il partageait eu tous points la doctrine que j'avais émise sur cette question.

M. Delfosse. - Je n'ai pas voté comme vous.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Il ne s'agit pas du vote, mais de la doctrine. Je suis trop rarement d'accord avec l'honorable M. Delfosse pour ne pas citer avec plaisir la circonstance où cet accord a existé.

L'honorable M. Verhaegen a ensuite passé en revue différentes nominations. Il a cité notamment la nomination d'un juge de paix à Herzeele, et celle d'un juge de paix à Dixmude.

L'honorable membre a dit que j'avais nommé juge de paix à Herzeele un saunier et à Dixmude un docteur en médecine ; qu'il y avait pourtant pour ces deux emplois des candidats très recommandables qui se présentaient.

Messieurs, je n'ai jamais pensé qu'il fût indispensable d'être docteur en droit pour obtenir une place de juge de paix, pas plus que la chambre ne l'a pensé, pas plus que l'honorable M. Delfosse ne l'a pensé, pas plus qu'un honorable collègue que nous avons perdu il y a quelque temps, l'honorable M. Savart, ne l'a pensé lui-même. Car ces deux honorables membres avaient proposé l'un et l'autre des amendements lorsqu'il s'est agi de la loi sur l'ordre judiciaire ; l'honorable M. Delfosse proposait une disposition portant qu'on pourrait nommer comme juges de paix des personnes qui auraient été, non pas docteurs en droit, mais candidats en droit ; et l'honorable M. Savart voulait que l'on pût également nommer à ces fonctions les personnes qui auraient été juges suppléants pendant cinq ans ou qui auraient exercé pendant le même temps des fonctions administratives. La chambre, messieurs, n'a pas même voulu mettre cette restriction aux droits du gouvernement ; elle a pensé qu’il était indispensable dans certaines circonstances de pouvoir faire des choix en dehors des catégories mêmes que fixaient l'honorable M. Delfosse et l'honorable M. Savart.

M. Delfosse. - La chambre ne s'est pas prononcée.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - La chambre a rejeté votre amendement.

M. Delfosse. - C'est une erreur. Il y a eu renvoi à l'examen d’une commission.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je croyais me rappeler que vous aviez vous-même demandé la discussion immédiate. Il est possible que je me trompe et que votre amendement a été renvoyé à une commission ; mais enfin cette restriction ne se trouve pas dans la loi.

Je fais, du reste, cette observation uniquement pour prouver que l'opinion de l'honorable M. Delfosse et de l'honorable M. Savart était qu'il n'était pas indispensable d'être docteur en droit pour être nommé juge de paix.

Or, messieurs, qu'ai-je fait pour Herzeele ? J'ai proposé, comme juge de paix un homme éminemment recommandable, un homme éminemment capable, qui avait été juge suppléant à Ninove pendant onze ans.

Il se présentait, en effet, des avocats de mérite qui demandaient cette place ; je ne veux pas discuter leurs titres. Je pense, messieurs, avoir rempli mon devoir en prouvant que le candidat nommé convenait à la place ; mais j'ajouterai que j'avais ici un motif spécial pour ne pas nommer un des jeunes avocats qui se présentaient, et voici ces motifs :

Les titulaires antérieurs n'avaient jamais demeuré à Herzeele ; ils habitaient Gand, et ils se rendaient une fois par semaine à Herzeele pour y remplir leurs fonctions ; aussi étaient-ils à peine connus du canton. M. le procureur général à la cour d'appel de Gand m'a conseillé fortement, dans cette circonstance, de tâcher d'avoir comme juge de paix à Herzeele un individu qui, si je puis m'exprimer ainsi, considérerait la place comme son bâton de maréchal, et non comme un marche-pied qui devait le conduire à d'autres fonctions. Il m'a fait sentir qu'il était indispensable d'établir dans ce canton un magistrat qui y résiderait, un magistrat que les personnes de la localité considéreraient comme devant rester d'une manière permanente dans le canton ; et c'est par ce motif, qu'en présence (page 478) de l'intention qu'avait manifestée le titulaire actuel de se fixer à Herzeele, j'ai cru devoir le nommer.

Messieurs, quant au juge de paix de Dixmude, il n'est pas docteur en droit. Mais je dois dire qu'il m'aurait été bien difficile de satisfaire même aux conditions que voulait poser l'honorable M. Delfosse dans l'amendement qu'il avait proposé, attendu que, pour cette place, il ne s'est présenté aucun docteur en droit. Il n'y avait que deux candidats, et celui qui a été nommé a été spécialement recommandé par toutes les autorités.

Je crois, messieurs, par ces explications, avoir suffisamment justifié les nominations de Dixmude et d'Herzeele.

J'ai déjà, messieurs, donné des explications suffisantes, me paraît-il, relativement aux motifs qui m'avaient dirigé lorsque j'avais engagé les fonctionnaires auxquels je demande des avis, à ne pas me faire de présentations, mais uniquement à m'indiquer ce qu'ils pensent de chaque candidat. Je ne reviendrai pas sur les explications que j'ai données à différentes reprises sur cet objet.

Je regrette de ne pouvoir donner dans ce moment les explications que désire l'honorable M. Verhaegen relativement à la nomination du notaire Vander Schueren à Denderwindeke. Je n'ai pas présents à la mémoire les motifs pour lesquels ce changement de résidence a été autorisé. Si on le désire, je rechercherai le dossier et je pourrai donner ces explications.

L'honorable membre a ensuite parlé des actes de cautionnement qui jadis étaient reçus par tous les notaires indistinctement auxquels s'adressait l'individu qui devait fournir le cautionnement. Messieurs, il est vrai que non pas moi, mais M. le ministre des finances a autorisé les receveurs à désigner eux-mêmes le notaire à l'individu qui devait fournir le cautionnement.

Mais, messieurs, les receveurs sont responsables des cautionnements, et en conséquence ils ont un intérêt dans l'acte qui doit être passé. Ils doivent désirer que le notaire qui reçoit cet acte soit un homme capable, un homme en qui ils aient toute confiance. Il était donc naturel de leur donner le choix du notaire, de manière à couvrir complétement leur responsabilité.

Voilà l'explication de cet acte de mon honorable ami M. le ministre des finances.

Je crois, messieurs, dans les mutations auxquelles j'ai consenti pour le notariat, mutations assez rares, beaucoup plus rares du moins que celles qui ont eu lieu sous mes prédécesseurs, avoir toujours agi dans l'intérêt du public.

L'honorable membre a cependant cité deux cas ; il a dit qu'une mutation avait été refusée à Liège et qu'une mutation avait été accordée à Dinant.

Le motif, messieurs, est fort simple. D'abord Liège est une résidence de première classe, et on doit plus difficilement permettre à un notaire de troisième classe de passer à un notariat de première classe, qu'à un notaire de troisième classe de passer à un notariat de seconde classe, comme à Dinant. Mais dans l'affaire de Dinant, il s'agissait du fils d'un ancien notaire qui avait été nommé dans une commune des environs de Dinant et qui a désiré saisir une occasion de reprendre en quelque sorte l'héritage de son père. Or, messieurs, un pareil motif n'existait pas pour Liège. D'ailleurs, je dois le déclarer, je n'ai agi, dans l'affaire de Dinant, que de l'avis conforme de toutes les autorités sans exception.

L'honorable membre, messieurs, a commis deux erreurs lorsqu'il a parlé des notariats de Warnelon et de Messines. Le notariat qu'il se plaint de ne pas voir rempli, l'est depuis assez longtemps.

M. Rodenbach. - Depuis trois mois.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Quant au notariat de Messines, il est vacant seulement depuis deux mois, et il m'a été impossible de présenter au Roi aucune espèce de nomination, parce que les rapports des autorités qui ont été consultées ne me sont pas encore parvenus.

L'honorable membre, messieurs, vous a entretenus de la promesse que j'aurais faite à un premier clerc de notaire de Bruxelles, d'obtenir une nomination, s'il voulait aider le gouvernement dans les efforts qu'il suppose avoir été faits pour une élection récente.

Messieurs, je dois déclarer de la manière la plus formelle que les renseignements qui ont été fournis à l'honorable membre sont complétement inexacts, et je dois dire que je ne me figure même pas la personne à laquelle il a voulu faire allusion. J'attends encore, messieurs, de la loyauté de l'honorable membre qu'il veuille bien me communiquer, en particulier, s'il ne veut pas le dire dans la chambre, le nom de la personne à laquelle il a voulu faire allusion, et je m'engage bien volontiers, lui, M. Verhaegen, en tiers, à avoir une conversation avec cette personne.

L'honorable membre, passant à une autre partie de mon administration, s'est attaché spécialement aux prisons. Il vous a dit que jadis on nommait comme gardiens d'anciens militaires et que maintenant on remplaçait les gardiens par des frères ignorantins.

Messieurs, quel est le ministre qui a proposé au Roi un arrêté portant que les anciens militaires seraient, à l'exclusion de toute autre personne, appelés aux fonctions de gardiens des prisons ? C'est le ministre qui a l'honneur de vous parler dans ce moment, et à cette occasion j'ai reçu des félicitations en pleine chambre de la part de l'honorable M. Pirson. Cet arrêté que j'ai soumis au Roi, est encore exécuté, et l'on peut voir dans le Moniteur, si l'on se donnait la peine de le lire, que presque tous les gardiens qui sont nommés sont d'anciens militaires. Ainsi, messieurs, ce qu'a dit l'honorable M. Verhaegen à cet égard est encore complétement inexact ; les faits sont là pour lui donner un démenti complet.

Je ne m’attendais pas, messieurs, d'être accusé de violer la liberté des cultes. Il me semble qu'au commencement de cette séance, j'ai pris la défense de cette liberté avec assez d'énergie pour ne pas mériter ce reproche, et que mon discours en réponse aux théories de l'honorable M. de Bonne avait bien pour base le principe de la liberté des cultes et du maintien de cette liberté.

M. de Bonne. - Je demande la parole.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Mais l'honorable membre m'attaque pour une circulaire du 20 janvier ; et cette circulaire que l'honorable membre prétend que je n'ai pas osé reproduire en entier dans mon recueil imprimé, oblige simplement les aumôniers qui sont en rapport avec les employés des prisons à faire un rapport non pas à moi, mais à la commission des prisons. L'honorable membre dit que dans mon recueil imprimé je n'ai pas osé signalé l’aumônier comme devant faire un rapport. Je tiens, messieurs, à prouver à la chambre que cette circulaire se trouve presque en entier dans le recueil que je tiens à la main.

En effet j'y lis :

« La conduite des employés étant de nature à exercer une certaine influence sur celle des détenus, et devant en tous cas correspondre aux vues de l'administration, MM. les directeurs et aumôniers des prisons voudront bien s'expliquer en toute liberté à cet égard dans leurs rapports annuels prescrits par l'article 69 du règlement du 4 novembre 1821 et par la circulaire du 7 février 1833. »

M. Verhaegen. - Voici les mots omis : « Et mentionner ceux qui ne s'acquitteraient pas convenablement de leur devoir. »

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Il me semble qu'un rapport, pour signifier quelque chose, doit indiquer les personnes qui se conduisent bien, celles qui remplissent, celles qui négligent leurs devoirs.

Un membre. - Pourquoi cette phrase ne se trouve-t-elle pas dans le recueil imprimé ?

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Parce que ce n'est qu'un extrait. Je dois même dire une chose qui peut-être sera l'objet de dénégations de la part de mes honorables adversaires : c'est la première fois que je lis cet extrait imprimé. On n'exigera certainement pas que je collationne toutes les pièces que je livre à l'impression. J'ai ordonné de recueillir toutes les circulaires émanées de mon département ; la personne chargée de ce travail a omis je ne sais pour quel motif cette phrase ; cette omission est insignifiante, mais je n'en suis pas responsable.

Je croyais que l'honorable M. Verhaegen disait qu'on avait omis dans le recueil imprimé le nom de l'aumônier, et il n'en est rien.

Les aumôniers sont donc chargés de faire des rapports ; et c'est là un grief. Messieurs, je crois que les rapports que font les aumôniers aux commissions administratives des prisons sont fort utiles. Je crois que les aumôniers étant continuellement en rapport avec les gardiens, il est très important qu'ils fassent connaître aux commissions administratives la manière dont ceux-ci se conduisent.

Je crois qu'alors que nous poursuivons avec zèle l'œuvre de la moralisation des détenus, il est important que les aumôniers signalent les gardiens qui se permettraient, par exemple, vis-à vis des détenus, des propos qui seraient de nature à annihiler les effets de l'instruction morale et religieuse. Je ne conçois donc pas que ce grief puisse être articulé sérieusement contre mon administration.

L'honorable membre prétend que j'ai fait violence aux consciences, en obligeant à changer dans les prisons la nourriture à certains jours de la semaine, aux jours de carême et d'abstinence. Il suffit de lire la circulaire du 8 janvier 1845, pour apprécier ce grief à sa juste valeur. Différentes commissions administratives de prisons m'avaient demandé si, aux jours maigres, on devait changer le régime alimentaire ; elles n’avaient en conséquence demandé ce qu’elles avaient à faire sous ce rapport, quand il y avait dans les prisons des individus de différentes religions ; j’ai répondu à ces commissions administratives que c'était là une question de ménage intérieur ; qu'elles devaient arranger cela selon les circonstances ; que je ne croyais pas devoir me mêler de cette affaire. Il y a loin de là à une violation quelconque exercée envers les détenus à raison de pratiques religieuses.

Il y a plus ; il y a dans le prison d’Alost quelques israélites auxquels, à certains jours de l’année, il est défendu de manger certains aliments ; il m’a été rendu compte de ce fait ; j’ai ordonné que ces jours-là on donnât à ces israélites une nourriture spéciale. Voilà encore une fois comment j'ai violé la liberté des cultes et des consciences.

L'honorable membre a dit que j'avais dépouillé les hospices, enlevé le bien des pauvres, pour le faire passer à des corporations religieuses. Je suis prêt à répondre à ce qu'a dit l'honorable membre relativement à ces faits ; mais comme l'honorable préopinant a déclaré l'intention d'établir une discussion spéciale sur cet objet, j'ajournerai jusque-là ma réponse.

Arrivant à l'administration des cultes, l'honorable M. Verhaegen a fait connaître à la chambre les biens immenses des séminaires et des cathédrales ; il vous a dit que la loi était violée, parce que les séminaires ne rentraient pas de comptes, comme le veut le décret de 1813.

J'ai déjà fait connaître l'année dernière les motifs pour lesquels je pensais qu'il ne fallait pas exiger de comptes ; j'ajouterai que ces comptes n'ont jamais été rendus ; j'ai dit alors que, du reste, il n'était pas nécessaire, (page 479) dans l'intérêt de l'Etat, d'obtenir la production annuelle de ces comptes ; mais j'ai ajouté que je me faisais rendre compte, en temps opportun, de la situation des séminaires, pour savoir s'il était convenable de maintenir les allocations portées dans le budget en faveur de ces établissements. Je veux parler des bourses créées en vertu du décret de 1807 et d'arrêtés postérieurs ; je fais également allusion aux 8,000 francs qui ont été accordés aux séminaires en 1834.

L'honorable M. Verhaegen reconnaîtra sans doute avec moi que l'honorable M. Rogier, contresignataire de l'arrêté royal d'allocation des 8,000 fr., s'était assuré qu'à cette époque les séminaires avaient besoin de cette somme. J'aime à croire qu'à cette époque l'honorable M. Rogier s'est fait produire les comptes ; quant à moi je puis déclarer que je n'allouerais jamais une somme annuelle de 8,000 fr. à un établissement quelconque, sans qu'il eût préalablement justifié de l'insuffisance de ses ressources.

Depuis 1834, la richesse des séminaires a-t-elle augmenté dans une proportion si forte qu'il soit possible de supprimer totalement l'allocation ? Non, messieurs, cinq des séminaires diocésains ont tous les ans des déficits : les comptes qui m'ont été fournis le constatent. Un seul séminaire a un boni : c'est le séminaire de Liège ; toutefois ce séminaire est bien loin d'avoir les revenus dont parle l'honorable M. Verhaegen.

Le séminaire de Liège a un revenu de 141,138 fr. 14 ; il a des charges pour 93,075 fr. 88 ; dans le revenu de 141,138 fr. 14, sont compris 11,000 fr. pour l'arriéré des années précédentes ; il résulte de là que le séminaire de Liége a un boni réel de 37,062 fr. 26 c. Mais il faut remarquer que des emprunts considérables, excédant 300,000 fr., ont été faits par le séminaire de Liège ; que ce séminaire doit payer les intérêts de ces 300,000 fr. et amortir le capital. Quand on aura amorti cette dette au moyen du boni annuel, on pourra alors examiner, et alors seulement, s'il y a lieu de réduire l'allocation portée au budget en faveur de ce séminaire.

Quant à la cathédrale de Liège, elle a un revenu de 110,636 fr. 58 c, et elle a une charge de 103,926 fr. 62 c. ; de manière qu'il y a un boni de 6,709 fr. 96 c, boni qui est destiné à l'entretien des bâtiments. Or. avec cette somme on ne peut pas entretenir convenablement la cathédrale, s'il y a des travaux un peu importants à faire. Du reste, la cathédrale ne demande pas de subside ; si elle en sollicitait pour la restauration des bâtiments ou pour toute autre dépense obligatoire, nous aurions alors à examiner si sur le boni annuel de 6,700 francs, la cathédrale n'a pas pu faire des économies suffisantes pour pouvoir faire face à cette dépense, sans recourir au gouvernement.

Je croyais avoir, dans le cours de mon administration, amélioré, autant qu'il était en moi, le service de la bienfaisance publique. Si je ne craignais d'abuser des moments de la chambre, je pourrai rappeler tout ce qui a été fait à cet égard depuis que j'ai l'honneur de diriger le département de la justice.

Je pourrais rappeler plusieurs institutions, notamment les comités de charité de la ville de Bruxelles, comités de charité dont la ville se glorifie avec juste raison ; ces comités ont été organisés à l'aide de règlements émanés du département de la justice ; je pourrais prouver que pour toutes les institutions quelconques, tout ce qui a été fait de bon et d'utile a été exclusivement fait à l'aide d'instructions et de conseils émanés de mon département.

L'honorable M. Verhaegen ne fait même pas grâce à cette partie de mon administration ; voudrait-il lui attribuer la diminution des dons et legs en faveur des établissements de bienfaisance ?

Du reste, s'il y a eu diminution quant aux dons aux bureaux de bienfaisance et aux hospices, il y a eu aussi diminution quant aux dons accordés pour le culte ; il y a eu diminution sur ces deux chapitres dans la période des quatre dernières années. Ainsi, pendant les années de 1836 à 1840, les établissements de bienfaisance ont reçu 613,606 fr. ; les fabriques d'église n'avaient reçu dans la même période que 511,738 fr. Pendant la période de 1840-1846, les bureaux de bienfaisance ont reçu 424,891 fr., les fabriques d'église ont reçu 501,221 fr.

En parlant des années antérieures à 1836, nous trouvons une diminution continue pour les établissements religieux, tandis que pour les établissements de bienfaisance, dans la période de 1836 à 1840, il y a une augmentation sensible sur les années antérieures.

En parlant des établissements de bienfaisance, l'honorable M. Verhaegen a mentionné les béguinages auxquels, selon lui, je voudrais restituer les biens administrés maintenant par les commissions des hospices ; il a cité une circulaire d'un de mes prédécesseurs, M. Leclercq, par laquelle il demandait des renseignements sur l'origine et l'administration des biens des béguinages ; quand je suis arrivé au ministère des renseignements sur cet objet avaient également été demandés par M. Nothomb qui a eu l'intérim du ministère de la justice.

Ces renseignements, je les ai complétés. On ne peut pas sans doute faire un reproche au gouvernement de prendre des renseignements sur une question aussi importante que celle-là ; on pourrait lui faire un reproche s'il prenait une décision contraire aux lois, contraire à l'intérêt des hospices ; mais aucune décision de cette nature n'a été prise, et dès lors ce grief n'a pas de fondement, car l'honorable membre ne pourrait pas citer une disposition prise par moi, par laquelle j'aurais cherché à enlever aux hospices les biens des béguinages.

L'honorable membre dit que je n'ai pas répondu à ce qu'il a dit concernant un mémoire imprimé sur cette question. Tout ce que je peux dire c'est que je n'ai aucun souvenir d'un mémoire de cette espèce. Si un fonctionnaire de mon département a corrigé les épreuves d'un semblable mémoire, je n'en sais rien ; c'est possible, mais je suis convaincu qu'aucun mémoire qui aurait été fait pour une autre autorité et à mon insu n'a été payé sur les fonds du ministère de la justice. Je m'informerai du fait et s'il a eu lieu, je le ferai connaître à la chambre avec toutes les explications les plus complètes.

Maintenant j'arrive à la dernière accusation, à celle relative à la nomination du greffier de Lessines. L'honorable membre a fait un portrait très noir du fonctionnaire qui a été nommé, il l'a représenté comme un homme incapable et flétri par plusieurs condamnations. Je dois dire qu'au moment où la nomination a été faite, j'ignorais complétement la condamnation dont M. Orman a été l'objet ; pour que l'honorable M. Verhaegen acquière cette conviction, je lui offre la preuve qu'aucun des rapports qui ont été faits ne mentionnait cette condamnation.

M. Verhaegen.- Et la démission motivée du suppléant.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Elle a suivi la nomination. Je déclare donc que j'ignorais la condamnation, et je puis en fournir une preuve péremptoire ; au surplus, je déclare que si même j'avais eu connaissance de la condamnation prononcée en 1826 contre Orman, cela ne m'aurait pas empêché de faire la nomination.

Un membre. - C'est très fort.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - C'est très vrai, et très naturel. Veuillez m'écouter.

M. Verhaegen a prétendu, comme je le disais tout à l'heure, que j'avais nommé un individu incapable et flétri par différentes condamnations. Je dois dire que l'individu que l'honorable membre vient d'attaquer d'une manière si grave et si compromettante a, il est vrai, été condamné en 1826 à l'âge de 20 ans, pour voies de fait, à trois mois de prison. Mais faut-il pour cela, pour une faute de jeunesse, flétrir devant un parlement un homme honorable et justement considéré ? En effet, messieurs, Orman a été nommé membre du conseil communal à la presque unanimité, il est membre du bureau de bienfaisance où il rend de grands services. Il m'a été signalé comme un citoyen probe et estimé ; et, messieurs, il a reçu à cet égard des témoignages flatteurs des nombreux membres des conseils communaux du canton où il remplit ses fonctions.

Mais, messieurs, l'honorable M. Verhaegen a été plus loin ; il a, se basant sur des renseignements inexacts, énoncé un fait absolument faux ; l'honorable M. Verhaegen a dit : Orman, en 1838, avait déjà demandé la place de greffier, il y avait des charges graves contre lui, voilà pourquoi M. de Fernelmont l'a écarté alors.

Or, messieurs, loin que M. de Fernelmont ait écarté le sieur Orman, il l'avait au contraire présenté, en 1838.

Je dirai plus, c'est que M. de Fernelmont ne l'avait présenté qu'en suivant l'opinion de M. Cuvelier, alors procureur du roi à Tournay. L'honorable M. Verhaegen peut encore prendre connaissance du dossier ; je lui montrerai les présentations écrites de la main de M. de Fernelmont et de M. Cuvelier, en 1838. Les condamnations dont a parlé l'honorable membre remontent à 1826 ; il n'en est pas dit un mot dans les documents de 1838. Et l'on voudrait que quand je suis arrivé au ministère en 1845, j'aie deviné les condamnations prononcées contre Orman, lesquelles n'étaient mentionnées nulle part ! Il me semble donc que sous tous ces rapports cette nomination est inattaquable.

Je crois, messieurs, avoir complétement répondu à l'honorable M. Verhaegen.

M. Verhaegen. - Et les pièces !

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je ne sais de quelles pièces veut parler l'honorable membre.

Ce qui est pour moi d'une grande importance, c'est une pièce émanée, en 1838, d'un homme aussi honorable et que j'estime autant que M. de Fernelmont, d'un magistrat impartial et consciencieux, que pendant ma carrière magistrale j'ai appris à connaître et à respecter.

M. Verhaegen. - Et la démission du suppléant de la justice de paix !

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je sais très bien qu'on s'était arrangé de manière à vouloir m’intimider et m'obliger à nommer un candidat dont je ne méconnais pas le mérite, mais qui, d'après moi, ne devait pas l'emporter sur Orman. Je n'ai pas voulu céder ; de là l'irritation, le mécontentement de certaines personnes.

J'ajouterai que la place que M. Orman occupe avait été remplie par son beau-père, dont il avait été le commis-greffier pendant plusieurs années, avant que son concurrent, qui était très jeune alors, ne pût remplir des fonctions publiques.

Les antécédents de M. Orman justifient le choix que j'ai fait ; on ne parviendra pas à flétrir ce citoyen honorable à cause d'un jugement rendu contre lui, quand il avait 20 ans.

On a voulu, je le répète, m'imposer un candidat, on a mis en avant qu'il était commis-greffier.

Sans doute, messieurs, lorsqu'il s'agit de nommer à une place quelconque, il est bien naturel de donner la préférence à celui qui est déjà fonctionnaire, parce que le gouvernement, en le nommant une première fois a déjà pu apprécier son mérite.

Mais je n'admettrai jamais qu'un greffier qui nomme son commis-greffier, sans l'intervention du gouvernement, puisse forcer par cela même le gouvernement à nommer ce commis-greffier à l'emploi de greffier, lorsqu'il devient vacant.

Le gouvernement avait un droit à exercer, un devoir à remplir. On a voulu limiter son droit, il ne l'a pas souffert et en cela il a rempli son devoir.

- La séance est levée à quatre heures trois quarts.