Accueil Séances
plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note d’intention
Séance précédente
Séance suivante
Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 14 janvier 1847
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétitions relatives aux lois sur la milice (de Baillet) et aux travaux d’entretien du chemin de fer
de l’Etat (de Baillet, de Roo)
2) Motion
d’ordre relative à l’emploi, des sommes accordées au gouvernement, pour
exécution de travaux publics, en vue de venir en aide des classes nécessiteuses
par suite de la crise linière (Delehaye, Lebeau, Delehaye, Malou)
3) Projet
de loi portant le budget du département de la justice pour l’exercice 1847.
Discussion générale. Contrôle de l’Etat sur le temporel des établissements
religieux (séminaires) (Delfosse, d’Anethan),
nomination partisane d’un juge de paix (Desmet, Clep), droit pour les évêques de nommer les desservants du
culte sans intervention de l’Etat (de
Bonne), nominations partisanes de notaires et de juges de paix (Osy, d’Anethan), limites du droit de
contrôle parlementaire, droit pour les évêques de nommer les desservants du
culte sans intervention de l’Etat (de
Foere), limites du droit de contrôle parlementaire, nominations partisanes
de juges de paix et de notaires, atteinte à la liberté religieuse, culte
israélite, accaparement des établissements de bienfaisance par le clergé, contrôle
de l’Etat sur le temporel des établissements religieux (séminaires), nomination
à une justice de paix d’un condamné judiciaire (Verhaegen),
nomination à une justice de paix d’un condamné judiciaire (Dechamps,
Dubus (aîné))
(Annales parlementaires
de Belgique, session 1846-1847)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 481)
M. Huveners fait l’appel nominal
à 1 heure et quart.
M.
de Man d’Attenrode lit le procès-verbal de la séance précédente ;
la rédaction en est approuvée.
M. Huveners présente l’analyse
des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur Rubbrecht, secrétaire
de la commune de Haringhe, prie la chambre de statuer sur la pétition des
secrétaires communaux de l'arrondissement d'Ypres, qui a pour objet d'améliorer
la position de ces fonctionnaires et de modifier le mode de leur nomination. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
_________________
« Le sieur Willems, ancien militaire, prie la chambre de statuer sur sa
demande tendant à lui faire obtenir une pension du gouvernement des Pays-Bas. »
- Même renvoi.
_________________
« Le sieur Vansevendonck, ancien
militaire, demande une augmentation de pension. »
- Même renvoi.
_________________
« Les docteurs en médecine,
en chirurgie et en accouchements, et les chirurgiens et officiers de santé à
Anvers prient la chambre d'adopter les conclusions du rapport de la section
centrale sur le projet de loi relatif au service sanitaire de l'armée, et
d'interdire aux médecins militaires la pratique civile. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
_________________
« L'administration communale
de Saint-Médard prie la chambre de rejeter le projet de lot sur le défrichement
des bruyères. »
« Même demande des membres du conseil communal d'Anlier. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
_________________
« Le sieur Gillet, chef de bureau
au ministère des finances, demande la place de greffier de la cour des
comptes. »
« Même demande du sieur Charles Heyvaert, chef de division à la cour des
comptes, et du sieur Victor Mison, commissaire de l'arrondissement de Mons. »
-Dépôt au bureau des renseignements.
« Le sieur Gouvion prie la
chambre de s'occuper du projet de loi qui modifie la législation sur la milice.
»
M. de Baillet. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section
centrale chargée d'examiner le projet sur la milice. »
- Cette proposition est adoptée.
« Plusieurs négociants en bois
demandent que le ministre des travaux publics substitue le bois de chêne du pays
au bois de sapin du Nord dans l'avis qu'il a fait publier d'une adjudication de
50,000 billes pour le 13 janvier. »
M. de Baillet. - Je demanderai que cette pétition soit renvoyée à la
commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport. J'ai déjà eu
l'honneur d'adresser des observations à M. le ministre des travaux publics au
sujet de l'emploi des billes en chêne de préférence aux billes en sapin.
J'attends toujours les explications de M. le ministre sur ces observations.
M. de Roo. -
Je demanderai que ce rapport soit fait avant le 10 du mois prochain, époque à
laquelle l'adjudication doit avoir lieu. Je crois que la pétition contient des
raisons très péremptoires contre cette adjudication.
- La pétition est renvoyée à la commission des pétitions avec demande
d'un prompt rapport.
_________________
« Le sieur Demat offre de
céder au gouvernement, pour y déposer les archives du royaume, une propriété
qu'il possède, rue du Nord, à Bruxelles, et prie la chambre de la faire
examiner avant de ne prononcer sur l'acquisition proposée par le gouvernement.
»
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de
loi relatif à cette acquisition.
_________________
M. Dumont informe la chambre qu'une indisposition l'empêche de prendre
part à ses travaux.
- Pris pour information.
COMPOSITION DES BUREAUX DE SECTION
Première section
Président : M. Fallon
Vice-président : M. Desmet
Secrétaire : M. Lejeune
Rapporteur de pétitions, M. Clep
Deuxième section
Président : M. Dubus (aîné)
Vice-président : M. de Renesse
Secrétaire : M. Van Cutsem
Rapporteur de pétitions, M. de Roo
Troisième section
Président : M. Brabant
Vice-président : M. Eloy de Burdinne
Secrétaire : M. Scheyven
Rapporteur de pétitions, M. Dedecker
Quatrième section
Président : M. Lebeau
Vice-président : M. Lys
Secrétaire : M. Lesoinne
Rapporteur de pétitions, M. Kervyn
Cinquième section
Président : M. de Foere
Vice-président : M. Lange
Secrétaire : M. Veydt
Rapporteur de pétitions, M. de Lannoy
Sixième section
Président : M. Rogier
Vice-président : M. de Corswarem
Secrétaire : M. de Breyne
Rapporteur de pétitions, M. Zoude
MOTION D’ORDRE
M. Delehaye. - Messieurs, le gouvernement, en nous présentant ses
projets de loi relatifs aux denrées alimentaires et aux mesures nécessaires
pour venir au secours des classes nécessiteuses dans les Flandres, nous avait
dit que le moyen le plus utile de secourir la classe pauvre était l'achèvement
des travaux publics.
Depuis une année déjà nous avons mis à la disposition du gouvernement
une somme importante pour des travaux de ce genre. Je suis très étonné que
jusqu'à présent on n'ait pas disposé d'un denier de cette somme.
Lorsqu'avant notre séparation le gouvernement nous avait demandé un
crédit provisoire pour le ministère des travaux publics, j'avais dit que je
regrettais l'absence du chef de ce département, parce que je désirais lui
adresser des interpellations.
J'espérais qu'à notre retour M. le ministre, qui n'est plus indisposé,
s'empresserait de se rendre à la chambre pour entendre ces interpellations ;
cependant nous ne l'avons vu ni hier ni avant-hier ; aujourd'hui encore, il
fait défaut. Dès lors, messieurs, je me trouve dans la nécessité, surtout dans
l'intérêt des classes malheureuses, de prier la chambre de faire inviter M. le
ministre des travaux publics à se trouver demain à la séance. Je lui ferai
alors les interpellations que je me propose de lui adresser et peut-être
pourra-t-il dissiper une partie des craintes que l'on a conçues.
Messieurs, la lenteur du gouvernement est
vraiment déplorable. Au moment où je parle, les intéressés dans la construction
du canal de Schipdonck sont seulement convoqués pour samedi prochain, afin
d'être entendus dans l'enquête de commodo et incommodo ; de sorte qu'il est
probable que les travaux ne pourront pas être commencés d'ici à deux mois
Il faut, messieurs, que le gouvernement supporte la responsabilité de
ces retards ; quant à moi, je veux décliner toute part dans cette
responsabilité, comme membre de la chambre, et j'aurai rempli mon devoir en
mettant cet objet sous les yeux du gouvernement.
Je prie donc MM. les ministres d'inviter leur collègue à se trouver
demain à la séance.
M. Lebeau. - Je dois dire d'abord qu'on ne peut
adresser aucun reproche à M. le ministre des travaux publics, de ce qu'il ne
s'est pas présenté à nos séances depuis quelque temps. M. le ministre des travaux
publics n'est pas membre de la chambre, et il ne doit en général y venir que
lorsqu'il a des projets de loi à présenter ou à défendre. Je sais très bien
que, quand la chambre désire la présence de M. le ministre, elle peut
manifester ses intentions à cet égard, conformément à la Constitution ; mais
elle ne l'a point fait jusqu'à présent. Ensuite je crois savoir, et je me hâte
de le dire ici parce que dans une autre circonstance j'ai, en acquit de mon
devoir, attaqué M. le ministre des travaux publics avec une certaine animation,
je crois savoir que M. le ministre des travaux publics est retenu par un motif
extrêmement grave, je crois savoir que la mère de M. le ministre est
dangereusement malade.
M. Delehaye. - Si M. le ministre des travaux
publics ne peut pas se rendre à la chambre, je demanderai au moins que l'un de
ses collègues veuille bien le remplacer ou bien qu'on nomme un commissaire
spécial. Voilà cinq semaines que M. le ministre des travaux publics ne s'est
pas rendu à la chambre, bien que j'eusse annoncé que j'avais des
interpellations à lui adresser. Je demande donc formellement que la chambre
invite M. le ministre à se rendre à la séance de demain.
M. le ministre des finances (M. Malou). - On répondra demain.
M. Delehaye. - Je me contente de cette déclaration. Ainsi il est
bien entendu que demain le ministère pourra répondre à mon interpellation.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Mon honorable collègue des travaux
publics aura connaissance de la motion de l'honorable membre ; il aura un motif
pour se rendre à la séance dès le commencement, si c'est possible ; et si ce
n'est pas possible je lui demanderai quelques expliquons que je puisse
transmettre à l'honorable membre.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA
JUSTICE POUR L’EXERCICE 1847
(page 482) M. Delfosse. - Je demanderai à M. le ministre de la justice de
vouloir bien déposer sur le bureau les pièces à l'aide desquelles il s'est
assuré que les séminaires n'ont pas des ressources suffisantes. M. le ministre
de la justice a reconnu hier que l'Etat ne doit accorder des subsides à ces
établissements que dans le cas d'insuffisance de leurs ressources, et il a dit
que les séminaires qui reçoivent des subsides se trouvent dans ce cas. Mais,
messieurs, il ne suffit pas que le gouvernement se soit assuré qu'il en est
ainsi ; il faut que la chambre, avant de voter les fonds, s'en assure aussi. Je
ne pense pas que la section centrale ait eu les pièces sous les yeux, c'est
pourquoi je demande qu'elles soient déposées sur le bureau.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). -
Messieurs, les renseignements que j'ai donnés résultent de la correspondance
avec les chefs diocésains, et je ne pense pas devoir déposer cette
correspondance sur le bureau. Les chiffres que j'ai cités sont littéralement
des comptes que j'ai reçus. Je m'en rapporte pleinement aux évêques qui sont
tirés incapables d'avancer des faits inexacts.
M. Delfosse. - Ainsi, rien n'est justifié ! M le ministre
reconnaît que les séminaires ne doivent obtenir des subsides que dans le cas
d'insuffisance de leurs ressources ; et il en accorde sans faire produire une
seule pièce justificative. M. le ministre croit les évêques sur parole, c'est
une singulière manière d'administrer, et qui caractérise bien la politique du
gouvernement.
M. Desmet. -
Messieurs, j'avais demandé la parole hier, quand l'honorable député de
Bruxelles a allégué des faits qui concernaient un fonctionnaire de mon district
; mais il est presque inutile de revenir sur ce point puisque M. le ministre de
la justice a tellement bien justifié la nomination dont il s'agit qu'il serait
impossible de le faire mieux. Je ne puis cependant m'empêcher de faire observer
que ce fonctionnaire a été attaqué d'une manière très peu délicate, lorsqu'on a
dit qu'il ne savait ni lire ni écrire. Quel est, messieurs, ce fonctionnaire ?
C'est un ancien suppléant qui a siégé pendant plusieurs années à la justice de
paix de Ninove et qui y a rendu les plus grands services.
C'est un homme qui jouit d'une grande considération, c'est un homme de
beaucoup d'instruction. Si cet homme n'est pas docteur en droit, il a un grand
usage en tout ce qui concerne les jugements à rendre par les juges de paix. On
a donc fait une excellente nomination, et tout le canton en est fort satisfait.
Je crois, quant à moi, qu'on a beaucoup mieux fait de nommer un homme
d'expérience, un homme d’une grande probité, un homme jouissant de la
considération générale, que de nommer tel ou tel jeune avocat qui aurait certes
rempli les fonctions avec beaucoup moins de zèle et d'une manière beaucoup
moins utile pour les justiciables.
On a encore allégué que c'était un négociant. Cela est vrai : il avait
antérieurement un commerce dans sa maison ; mais aujourd'hui qu'il est
titulaire de la justice de paix d'Herzeele, il habite Herzeele ; et il n'est
plus ni commerçant, ni industriel. Il serait dès lors injuste de lut adresser
un reproche de ce chef.
îl est un point auquel M. le ministre de la justice a répondu hier :
c'est qu'on aurait établi une résidence de notaire à Meerbeke. Si l'honorable
M. Verhaegen connaissait l'arrondissement d'Alost, il reconnaîtrait qu'on
aurait dû depuis longtemps établir une résidence de notaire à Meerbeke et que
le gouvernement, en prenant cette mesure, a rendu encore un grand service au
district.
MjdA - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau les diverses
pièces que m'a demandées hier l'honorable M. Loos. Ces pièces sont :
1° L'état indicatif des subsides qui ont été
accordés aux institutions de bienfaisance ;
2° L'état des subsides qui ont été accordés aux sociétés de patronage ;
3° L'état justifiant l'emploi de la somme qui a été consacrée en 1845 et
en 1846 à la liquidation des frais de route et de séjour des membres des
commissions administratives des prisons, ainsi que du contrôleur ;
4° Le tableau indicatif de l'emploi de la somme qui a été votée au
budget de 1845 pour les traitements ;
5° Le tableau indicatif de l'emploi, pour 1846, et de l'emploi projeté,
pour 1847, du crédit affecté aux constructions de bâtiments pour prisons.
M. Clep. - Je suis tout étonné d'avoir
entendu critiquer la nomination de M. Verwilghen comme juge de paix à Dixmude.
Je suis certain que M. Verhaegen, mon honorable collègue de Bruxelles, aura été
induit en erreur, car j'habite une commune voisine de Dixmude el je puis
assurer à la chambre, qu'il est généralement connu dans nos localités que M.
Verwilghen, quoique n'étant pas docteur en droit, réunit toutes les capacités
requises à un bon juge de paix. Du côté de la considération, rien non plus ne
lui fait défaut ; il appartient par lui-même à l'une des premières familles du
canton, et par alliance, si je ne me trompe, il est le cousin germain de l'honorable
député de Dixmude. Si donc M. de Breyne avait pu assister à celle séance, je
suis persuadé qu'il m'eût devancé ou qu'il se serait joint à moi pour défendre
son parent contre les insinuations erronées de l'honorable député de Bruxelles.
M. Verhaegen s’est encore trompé lorsqu'il a avancé que M. Verwilghen a été
médecin.
M. de Bonne. - La réponse que m'a faite hier M. le ministre de la
justice prouve qu'il a, plus que l'année dernière, examiné la question sur
laquelle nous sommes divisés d'opinion.
Je ne crois pas nécessaire de répéter ce que j'ai dit sur les droits
résultant des articles 14 et 16 de la Constitution. Chacun de nous les entend à
sa manière. Il m'a attribué d'avoir accusé l’épiscopat en général d'exercer un
despotisme exorbitant, et a cité Bossuet pour en justifier l'utilité.
Tout ce qu'a dit cet illustre prélat est vrai ; mais, s'il eût été notre
contemporain et en Belgique, il se fût exprimé autrement ; car je n'ai entendu
parler principalement que de l'épiscopat belge, quoiqu'on fasse le même
reproche à l'épiscopat français. Je suis charmé de voir l'estime de M le
ministre pour le grand Bossuet, défenseur de la déclaration de 1682 qui, soit
dit en passant, est devenue la nôtre, en vertu de l'article 24 de la loi
organique.
M. le ministre se méprend sur la portée de mes observations. Je ne
demande pas des innovations contraires aux lois de l'Eglise et aux droits de
l'épiscopat. Je reconnais l'utilité des droits des évêques, et je ne voudrais
en enlever aucune parcelle. Seulement je réclame contre l'abus de l'exercice
qu'ils en font.
L'objection la plus sérieuse de M. le ministre est celle de
l'institution donnée aux curés, et qui seule, donne, dit-il, l'irrévocabilité.
La question de l'institution canonique, donnée aux curés par l'article 19 de la
loi organique ne peut pas tirer à conséquence appliquée aux succursalistes. Le
silence du législateur à cet égard n'implique pas une exclusion formelle de
leurs droits. On voit que le premier consul a voulu subordonner l'institution
canonique au fait préalable de la reconnaissance et de l'agréation du titulaire
faite par lui. Ce qui n'est que temporaire et tout à fait exceptionnel, et ce
qui a cessé d'exister chez nous par l'article 16 de la Constitution, qui nous défend
d'intervenir dans la nomination et l'installation des ministres des cultes.
Ainsi le fait et le droit sont différents à notre égard, et nous devons
rentrer dans la voie légale et régulière.
Quant à l'institution canonique considérée en elle-même et comme base de
l'inamovibilité, c'est là un point controversé à l'égard des évêques eux-mêmes,
lorsqu'il s'est agi de résoudre la question de savoir si les évêques ne peuvent
pas la donner à un titulaire nommé par un gouvernement en cas de refus de la
part du pape.
Je ne veux pas entrer dans cette discussion qui serait ici déplacée. Ce
qu'il importe de bien établir, c'est que le droit que je réclame pour les
succursalistes est un droit inhérent non pas à leur titre qui doit nous être
indifférent, mais à leurs fonctions qui sont essentielles, c'est-à-dire au
bénéfice à charge d'âmes.
Il n'est pas nécessaire d'être canoniste, pour comprendre que les
fonctions des curés proprement dits et des succursalistes sont les mêmes, sont
identiques.
Cela étant, le privilège de l'inamovibilité sera-t-il attaché à la chose
ou au nom ? Evidemment c'est à la chose, c'est-à-dire aux fonctions, de même
que le privilège d'exterritorialité est inhérent aux fonctions d'un ambassadeur
et non au titre dont il peut être revêtu.
Le principe de l'inamovibilité est constitutionnel à l'Eglise. Il
résulte des déclarations des conciles et de toutes les dispositions que j'ai
rappelées et que je crois inutile de citer de nouveau.
Le pape seul ne prend pas sur lui d'abroger ces principes constitutionnels,
et il l'a si peu voulu pour la question qui nous occupe, que sa réponse à
l'évêque de Liège est précisément contraire à ce que M. le ministre lui fait
dire.
Le Saint-Père se borne à répondre qu'on ne change rien, nihil immutatur,
ce qui signifie qu'il reconnaît un fait existant, et tel que l'évêque le
déclare.
Reconnait-il en droit un principe fondamental ?
Je le nie formellement : car s'il avait entendu le reconnaître comme
tel, il n'aurait pas manqué d'ajouter que le fait était conforme au droit, aux
règles de l'Eglise, aux conciles et à la tradition catholique.
Voilà les formes usuelles que le Saint-Siège emploie toutes les fois
qu'on s'adresse à lui, pour obtenir l'interprétation ou la déclaration relative
aux dogmes ou à la discipline ecclésiastique.
Maintenant continuons l'examen de sa réponse.
Après la reconnaissance du fait, le pape entre dans l'examen du
principe. Qu'ajoute-t-il ? Qu'on remarque bien ses paroles : donec aliter
statutum fuerit, tant qu’autrement on n'aura pas statué : c'est-à-dire tant que
le fait existant n'aura pas été remplacé par le droit ou, ce qui revient au
même, par le retour aux principes sur la matière.
Croit-on que le pape aurait employé la locution que je viens de
rapporter, s'il avait considéré la loi organique comme conforme, de tous
points, aux principes canoniques dam son application ? S'il en était ainsi, les
réclamations n'auraient pas lieu, l'interprétation demandée par l’évêque eût
été superflue, et je n'aurais pas à en occuper la chambre.
Les appels comme d'abus en France n'ont jamais été admis contre la
révocation d'un desservant, a dit M. le ministre.
Mais, pour régler sa conduite et ses actes, est-ce la France qui doit
servir de règle à M. le ministre ? Ne gouverne-t-il son département que
conformément à ce qui se fait en France ?
Je l'ai dit et je le répète, aucune destitution de desservant sous
l'empire n’est connue, et ce n'est que sous la restauration que cet abus a
commencé.
L'article 6 est positif, il ne fait aucune distinction.
(page 483) Le décret
du 25 mars 1815 a été rendu pour le royaume d'Italie, a-t-il dit.
Mais où a-t-il puise cette idée ? Ce décret est général, et ne parle pas
plus de l'Italie que de la Belgique et du Piémont.,
Il a ensuite invoqué l'opinion de M. Vuillefroy, conseiller d'Etat.
Moi, j'invoque celle de M. Merlin, qui soutient et établit la compétence
des cours d'appel. Cette autorité vaut bien celle de M. Vuillefroy. Si le
décret du 25 mars 1815 n'est d'aucune valeur, n'a jamais été exécuté, pourquoi
Louis XVIII a-t-il fait une ordonnance, le 19 juin 1814, pour renvoyer les
appels comme d'abus au conseil d'Etat ? Cela était inutile. Mais le
gouvernement de la restauration était encore moins téméraire que M. le
ministre, et il n'a pas osé franchir cette barrière.
Une commission a été instituée par le roi Guillaume, par un arrêté du 16
septembre 1815. Cet arrêté, qu'a cité M. le ministre, n'a jamais été publié.
L'eût-il été, il ne contient rien pour les appels comme d'abus. Il n'a pour
objet que de créer une commission, qui aujourd'hui forme une division au
ministère de la justice, chargée de tout ce qui est relatif aux cultes.
Cet arrêté, s'il eût eu la portée qu'on lui suppose, eût été
inconstitutionnel, car les juridictions, par commission, étaient contraires à
la loi fondamentale.
Enfin, messieurs, M. le ministre a invoqué l'opinion des auteurs du
Répertoire de droit administratif. Ce sont des hommes que j'ai en haute estime,
dont j'apprécie tout le mérite et l'étendue des connaissances. J'ai lu ce
qu'ils ont dit sur les appels comme d'abus.
Mais j'ai trouvé que nulle part ils n'ont fait mention du décret du 25
mars 1813 : d'où je conclus qu'il leur a échappé, qu'il leur est resté inconnu.
Je suis persuadé qu'avant la fin de ce précieux ouvrage, dont l'utilité
est incontestable, un supplément nous fixera sur le point de droit que nous
examinons. Alors, je pourrai accepter ou combattre leur opinion.
En repoussant l'insinuation de M. le ministre, d'avoir déversé le blâme
sur l'épiscopat en général, de l'avoir accusé de despotisme, j'ai dit que je
n'avais entendu parler que de l'épiscopat belge.
Oui, messieurs, je ne qualifierai point sa puissance sur le ministère ;
vous lui donnerez l'épithète qui vous conviendra, je ne rapporterai que
quelques faits.
Le 24 mai 1652, Joachim Raguez a fondé à Tournay une maison ou
établissement destiné à entretenir six filles pour apprendre à lire, à écrire,
le catéchisme et à tricoter à des petits enfants de parents pauvres.
L'administration des hospices de Tournay a été mise en possession de
cette fondation en vertu de la loi du 16 vendémiaire an V (7 octobre 1796).
Elle l'a donc administrée depuis près de 50 ans, en se conformant strictement à
la volonté du fondateur.
Eh bien, qu'a fait M. le ministre de la justice ? Sans consulter ni
l'administration communale, ni celle des hospices, le 20 janvier 1845, il a
fait signer un arrêté royal qui dépossède l'administration des hospices de
Tournay des biens de la fondation Raguez et la remet aux curés de Notre-Dame.
Un succès aussi heureux a encouragé les prétentions et les demandes, et
un second arrêté royal, du 31 décembre 1845, dépossède les mêmes hospices de
Tournay d'une fondation créée par la veuve de François Hardy, qui a pour objet
l'instruction des garçons pauvres. Cette même fondation est transmise au curé
de l'église Saint-Jean, à Tournay.
Enfin, un troisième acte vient s'adjoindre aux deux premiers, et achever
cette série de spoliations.
M. l'évêque de Tournay a présenté une pétition à Sa Majesté, le 27
octobre 1846, pour obtenu la mise en possession de la fondation dite des
Anciens Prêtres.
Cette fondation, comme les deux premières, fut transmise à
l'administration des hospices, en vertu de la loi citée du 16 vendémiaire an V
; l'administration des hospices entretient 13 vieillards, anciens prêtres, à
l'hospice de la Vieillesse. Les intentions et le but du fondateur sont
observés.
Ainsi, l’on ne peut critiquer l'emploi des revenus de la fondation ; mais
je dois vous expliquer la cause de cette demande de la part de l'évêché. Les
biens de cette fondation donnent un revenu de 15 à 16,000 fr. Après les
dépenses faites pour les vieillards de l'hospice de la Vieillesse, il reste
environ 4,000 fr., qui sont employés en secours aux indigents.
Il paraît que M. l'évêque a une destination plus harmonieuse à donner à
cet excédant, celui de payer un corps de musiciens pour sa cathédrale.
Jusqu'à présent, M. le ministre n'a pas encore fait signer l'arrêté
royal qui enlèverait cette fondation aux hospices ; mais la demande est faite,
et, s'il attend, ce ne ne peut être que par suite du conflit ou du refus par
l'administration des hospices d'obéir aux arrêtés royaux que j'ai cités.
Sans vouloir discuter à fond l'illégalité des deux premiers arrêtés, je
prendrai la liberté de faire observer que les arrêtés des 26 décembre 1818, 2
décembre 1823 et 12 février 1829, qui servent de motifs aux deux arrêtés
royaux, ne sont pas applicables aux fondations dont il s'agit.
Ils ne concernent que les bourses d'étude et les collèges. Or, les
écoles pour des petits enfants et pour des garçons à qui on ne doit apprendre
qu'à lire et à écrire ne peuvent être considérées comme des collèges.
Lorsque on parle d’études, ce sont celles nécessaires pour prendre des
grades dans les universités et non celles que nous appelons instruction
primaire.
Aussi le troisième arrêté du 12 février 1829, est-il important à
consulter ; car il explique la portée des deux premiers.
L'article 1er porte : « Nos arrêtés du 26 décembre 1818 et du 2 décembre
1823 sont applicables à toutes fondations de bourses ou autres secours en
argent en faveur du éludes créées depuis le dernier de ces arrêtés, etc. »
L'article 2, il est vrai, a pour objet les fondations anciennes, mais
dans la province de la Frise, et toujours en faveur des études, sous la
dénomination de Leeren.
L'article 3 est le seul que M. le ministre puisse invoquer pour atténuer
l'irrégularité de sa mesure : « Notre ministre de l'intérieur, y est-il dit, pourra
nous faire des propositions pour rendre les susdits arrêtés aussi applicables à
d'autres fondations anciennes qui en sont susceptibles. »
Ces derniers mots et l'esprit comme la lettre des arrêtés qui n'ont pour
objet que des études prouvent que les fondations d'écoles, pour les enfants
pauvres, n'étaient pas comprises dans celles que réglementaient ces arrêtés.
J'ajouterai qu'il y aurait lieu, au besoin, d'examiner jusqu'à quel
point on peut exproprier, dépouiller un établissement de ses biens, eu vertu
d'un simple arrêté royal.
M. le ministre sait, aussi bien que moi, que l'administration des
hospices est propriétaire légale, et que ce n'est pas, par un arrêté royal
interprétatif, qu'on peut la dépouiller. C'est donc encore un abus de pouvoir.
M. le ministre s'est appuyé aussi sur l'article 84 de la loi communale
dont le deuxième paragraphe a pour objet la nomination des membres des
administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance. Le dernier alinéa
de ce paragraphe est ainsi conçu :
« Il n'est pas dérogé, par les dispositions qui précèdent, aux
actes de fondations qui établissent des administrateurs spéciaux. »
Cette disposition, en la supposant applicable, a-t-elle pu avoir un
effet rétroactif ?
Non, et telle n'a pas été l'intention du législateur : il suffit de
recourir au Moniteur (séances du 26 novembre 1834 et du 25 février 1836. »
M. Jullien avait combattu la disposition, en tant qu'on pourrait lui
donner un effet rétroactif.
M. le ministre de l'intérieur a répondu : « Les appréhensions de
l'honorable préopinant n'ont pas le moindre fondement ». Et après avoir
cité les articles 63 du règlement des villes et 40 de celui du plat-pays, sous
le gouvernement des Pays-Bas, il a terminé par dire que la disposition en
discussion n'avait pour objet que de maintenir le règlement en vigueur. Alors
M. Jullien a dit : Puisque la loi ne peut avoir d'effet rétroactif, je retire
ma proposition.
Je saisis cette circonstance, messieurs, d'émettre mon opinion sur des
prétentions qui grandissent et prennent des proportions qui m'effrayent.
Pour les faire comprendre, je dois revenir aux fondations que possèdent
les hospices de Tournay, et dont je viens de parler.
La première, celle de Raguez, appelait parmi ses administrateurs le Père
recteur du noviciat des jésuites à Tournay ; un autre père, je ne puis dire de
quel ordre, mais cela importe peu, était appelé à celle de Hardy.
Parce qu'il y a en Belgique des jésuites, des récollets, des carmes, des
capucins, etc., M. le ministre croit-il que l'on pourrait choisir pour
administrateur un religieux de ces ordres, même si l'acte de fondation le
mentionnait ? Nullement : ils n'existent plus pour nous, ce sont des
associations particulières qui n'ont pour nous aucune existence légale.
Je sais bien que ce n'est pas à ces religieux que les fondations dont il
s'agit ont été remises ; mais il pourrait arriver que les curés le crussent, ou
peut-être que lui-même pensât à appeler ces révérends pères à ces fonctions
d'administrateur, ce qui est impossible, parce que l'existence légale des
différents ordres religieux sous le gouvernement autrichien, ne leur a pas été
rendue.
Grande serait l'erreur, et vaine serait l'espérance de ceux qui
prétendraient nous ramener à ces époques à jamais passées. Il pourra y avoir
chez nous des associations, mais jamais des corporations religieuses. Nos
libertés constitutionnelles autorisent toutes les associations, je le sais, et
Dieu me garde de faire jamais la critique de ce bienfait ! Mais veuillez bien
remarquer, s'il vous plaît, que la loi emploie le mot association, et non celui
de corporation.
La première permise n'est pas un être moral, une mainmorte. Elle le
deviendrait, si le gouvernement pouvait lui donner l'autorisation de le
devenir, comme il a essayé de le faire. Mais la cour d'appel de Bruxelles, par
un arrêt des plus remarquables, vient de décider qu'il ne le peut pas.
Je vais plus loin, et je saisis cette occasion de manifester mon
opinion. Je ne crois pas que nous-mêmes, la chambre législative, nous pourrions,
par une loi, créer une corporation religieuse, et, au besoin, cela ne serait
pas, je le pense, difficile à démontrer.
Reste la fondation des anciens prêtres créée par un ancien évêque de
Tournay, au XIIIème siècle, dit-on (en 1249) par Walter Marvis et approuvée par
Innocent IV.
On prétend 1° qu'elle doit avoir trois administrateurs nommés par
l'évêque, les dignitaires du chapitre et les chanoines ;
2° Que l'établissement est diocésain, et que les seuls prêtres sous la
juridiction de l'évêque peuvent y être reçus ;
3° Que l'évêque seul et le chapitre ont le droit de connaître des droits
et titres des prêtres qui sollicitent d'y être admis, etc.
(page 484) Toutes ces
conditions pourraient être observées et suivies si l'ancien diocèse de Tournay
subsistait encore, si l'évêque actuel était un successeur de saint Platon,
qu'on prétend avoir été le premier évêque de cette ville.
Mais ce n'est plus aujourd'hui l'ancien évêché de Tournay, il a été
aboli ainsi que tous ceux de la Belgique et de la France. On a tout rasé :
évêchés, abbayes, congrégations, etc, tout a été détruit.
Le concordat et la loi organique n'ont pas rétabli les anciens évêchés
et paroisses, ils en ont créé de nouveaux, aussi bien en France qu'en Belgique
; une nouvelle circonscription a été donnée aux évêchés et aux paroisses.
(Voyez les articles 2 et 9 du concordat.)
Ce n'est donc que de l'an X (1802) que date l'évêché de Tournay ; la loi
du 3 ventôse an III décréta que l'Etat ne salariait plus les cultes, qu'il ne
fournissait plus de local, etc., en un mot tout fut supprimé. Les évêques
nouveaux ne sont pas les successeurs des anciens ; ils n'ont donc recouvré ni
les anciens privilèges, ni les anciens droits de leur diocèses, relatifs au
temporel. La succession est purement spirituelle, nous ne la leur contestons
pas. Mais il paraît qu'elle ne leur suffit pas.
Je résume ce que j'ai eu l'honneur de vous dire ; mes observations, par
une suite de la discussion, se sont agrandies et leur application s'étend à
presque tout le ministère. La loi organique a une importance qui n'est pas
appréciée ; aussi en recommandé-je l'étude à M. le ministre de la justice, pour
qu'il maintienne les droits de l'Etat que l'épiscopat envahit, et qu'il veuille
bien protéger légalement le clergé inférieur. Ce qui ne sera pas une
bienveillance de sa part, mais un devoir. Je lui recommande l'étude de
l'article 24 tout particulièrement.
A M. le ministre de l'intérieur, pour qu'il invite MM. les gouverneurs
de provinces à surveiller les actes de l'épiscopat et à les dénoncer par appel
comme d'abus à l'autorité judicaire qui en poursuivra l'annulation s'ils sont
contraires aux lois ; ce sera le moyen de fixer la question.
A M. le ministre des finances pour qu'il veille à la transmission
souvent frauduleuse, ou par personne interposée, des biens de toutes ces
associations religieuses, et aussi pour qu'il exige l'exécution de l'article 73
de la loi organique ainsi conçu : « Les fondations qui ont pour objet
l'entretien des ministres et l'exercice du culte ne pourront consister qu'en
rentes constituées sur l'Etat : elles seront acceptées par l'évêque diocésain,
et ne pourront être exécutées qu'avec l'autorisation du gouvernement. »
C'est là un moyen de consolider le crédit des finances de l'Etat et
d'augmenter la circulation productive des immeubles.
A M. le ministre de la guerre, je recommanderai l'observation de
l'article 25 de la loi organique, pour qu'il lui soit envoyé la liste des
jeunes séminaristes qui, comme tels, sont exempts de la milice, avec prière de
remarquer que ceux qui entrent dans les associations religieuses ne sont pas
compris dans cette catégorie.
M. le ministre des affaires étrangères pourrait
recommander à nos agents diplomatiques de surveiller le placement des capitaux
dans les fonds publics étrangers et l'acquisition d'immeubles que font les
associations religieuses, afin de les soumettre en cas de décès aux droits de
succession.
Il n'y a que M. le ministre des travaux publics à qui je n'ai aucune
recommandation à faire, la loi organique ne contenant rien qui le concerne.
Quelque extraordinaires qu'aient pu sembler mes observations, je crois
utile pour le gouvernement d'examiner la législation qui régit les cultes, afin
qu'il apprécie la position anormale qu’il s'est donnée : pour la bien
comprendre je l'invite à lire l'article 17 du concordat, cela suffira pour
qu'il s'occupe de réformes nécessaires et réclamées depuis longtemps.
L'article que j'ai cité suffira pour lui faire comprendre qu'un plus
long retard peut devenir dangereux.
M. Osy. -
Dans tout le pays on se plaint des nominations aux places de notaires ; M. le
ministre ne se conforme pas aux lois et arrêtés en vigueur, et il oublie tout à
fait la circulaire émise par lui au début de sa carrière ministérielle, et à
laquelle que tout le monde a rendu justice dans le temps.
Mais M. le ministre ne pouvant pas se soustraire aux hautes influences,
surtout à celle dont nous avons souvent parlé, perd tout à fait de vue ce qu'il
a prescrit lui-même.
Moi-même lorsque j'ai été dans le cas de faire quelque recommandation à
M. le ministre, il m'a toujours désarmé en s'appuyant sur les lois et me
protestant qu'il n'accorderait jamais rien à la faveur et qu'il ne prenait en
considération que la justice et le droit.
Je ne vous dirai rien de ce qui se passe dans d'autres provinces ; je
vous parlerai seulement de la mienne. Ne connaissant pas assez les détails,
cependant nous devons demander des explications sur la nomination d'un officier
de cavalerie à la place de notaire, dont on a beaucoup parlé, car il me paraît
que cette nomination doit faire du tort à ceux qui sans interruption ont suivi
la carrière du notariat et doivent avoir été lésés dans leurs droits, en se
voyant primés par quelqu'un qui n’aurait pas suivi la carrière de son père.
Je ne parlerai donc que de ce qui se passe dans mon arrondissement, et
cela vous démontre, messieurs, comment M. le ministre s'y prend pour ne pas
donner suite aux demandes des membres de l'opposition et comment il fait pour
les demandes venant des membres de la chambre qui peuvent lui être utiles et
lui faire conserver son portefeuille et s'il peut résister aux sollicitations
de hauts et puissants seigneurs et surtout à cette malheureuse camarilla qui
fait tant de mal au pays.
Il y a plus de deux ans je recommandais à M. le ministre, pour une place
de notaire à Cappellen, un homme que je croyais être le plus âgé de tous les
stagiaires et qui avait les meilleures recommandations et les plus beaux
certificats de la chambre des notaires.
M. le ministre me répondit que je me trompais et qu'il était seulement
le second ; or comme il se tenait strictement à la loi, il ne pouvait pas cette
fois nommer mon recommandé. Je pris des renseignements. Effectivement mon
recommandé ayant devant lui un homme très honorable, j'approuvai le choix qui
fut fait et j’espérais que finalement M. le ministre entrerait dans la bonne
voie. Mais ma confiance dans les bonnes intentions de M. le ministre ne dura
pas longtemps.
Peu de temps après, par des mutations, la place de notaire à Stabroek
devint vacante ; la personne à qui devait revenir cette place et qui maintenant
était le stagiaire le plus ancien, se mit sur les rangs et vint m'en prévenir.
J'en parlai à M. le ministre et fort de ses paroles de justice qu'il avait
prononcées à plusieurs reprises, je ne doutai pas de la nomination du
titulaire.
Mais un autre député d'Anvers, membre de la majorité, avait un autre
candidat. Alors les belles paroles de justice distributive furent bien vite oubliées,
et celui qui était un des plus jeunes stagiaires fut nommé.
Si on m'avait demandé de solliciter une faveur, je m'y serais refusé,
comme je ne veux de faveurs de personne ; mais toujours on me trouvera prêt à
protéger quand je trouve un droit et surtout quand je puis me servir des
promesses de justice de MM. les ministres. Mais malheureusement je vois tous
les jours de plus en plus qu'il y a des ministres qui tiennent double langage.
Envers nous, la loi et rien que la loi ; et envers d'autres, la loi et les
règlements sont mis de côté, quand il s'agit dé favoriser ou d'être agréable à
la majorité et aux hautes et puissantes protections de personnes haut placées,
dont on veut être bien vu.
Il me reste à vous parler d'un autre cas plus récent qui a fait, dans
notre province, le plus mauvais effet, tant auprès de la chambre des notaires,
que parmi tous les clercs de notaires qui attendent depuis si longtemps le
moment d'être placés.
C'est la nomination récente faite à la résidence de Westmalle, canton de
Brecht.
Le canton de Brecht a cinq résidences, 5 notaires, le maximum de la loi
de ventôse, nombre évidemment au-dessus de ses besoins.
M. le ministre lui-même l'a reconnu par son nouveau projet de loi, qui
n'admet que trois notaires minimum, quatre maximum pour ce canton.
Cette opinion du ministre est celle de la chambre des notaires d'Anvers,
basée sur le nombre d'actes passés depuis dix ans dans ce canton.
La résidence de Westmalle vacante était celle qu'il convenait le mieux
de supprimer.
Situé à une lieue et demie d'Ostmalle, à une lieue de Brecht, deux
résidences de ce canton, à une lieue de deux autres résidences du canton
voisin, Westmalle ne pouvait pas se plaindre, et rien n'était plus opportun que
d'attendre le vote de la loi proposée.
La chambre de discipline d'Anvers a représenté toutes ces circonstances
et a saisi cette occasion de rappeler au ministre ses prérogatives, ses
attributions que le ministre semblait méconnaître depuis quelque temps.
Cependant on ne consulte ni la chambre de discipline d'Anvers, du
ressort de laquelle il s'agissait ; on se passe de l'avis de celle de Turnhout,
où le nouveau notaire nommé à Westmalle, avait passé son examen en 1835 ; on ne
recourt pas à celles de Louvain et de Bruxelles, dans le ressort desquelles il avait
hanté diverses études, sans inscriptions régulières dans aucune chambre.
M. le ministre, sans aucune de ces formalités et sans attendre le vote
de la loi, propose sans hésiter un notaire à Westmalle à la nomination du Roi,
nomination qui a eu lieu depuis peu.
Je dirai sans phrases, la source de cette nomination fabuleuse, car
l'indiquer, c'est faire juger M. le ministre par toute la Belgique.
C'est lui attribuer le blâme qu'il mérite et qui engagera ses
successeurs à respecter régulièrement les dispositions qui régissent la
matière.
Je dis ses successeurs, car pour M. le baron d'Anethan, par tous les
actes d'injustice commis, je n'espère plus rien de lui ; il est tellement
enlacé dans les filets de suggestion et de favoritisme, qu'il ne s'en tirera
plus ; et pour ma part, je suis persuadé que sa retraite sera accueillie avec
joie par tout le pays. Aussi sans détour je lui promets de voter toujours
contre les budgets qu'il nous présentera.
M. le baron d'Anethan, sur les pressantes instances d'une noble dame de
la cour, avait nommé récemment un jeune candidat, de 25 ans à peine, en
remplacement de M. Peeters, appelé à la résidence de Westerloo, par le décès de
son père, et sur les représentations d'un candidat qui se croyait lésé, M. le
ministre reconnut l'injustice faite, c'est-à-dire à ses droits à passer avant
le protégé de la noble dame. M. d'Anethan promit la première place vacante.
Ainsi M. le ministre répare ses fautes par d'autres fautes, en rompant
tous les rangs, en jetant le désespoir dans le cœur des plus dignes et des
autres clercs qui attendent depuis si longtemps pour être placés.
Ces nominations ne sont pas seulement injustes de ces chefs, elles sont
encore illégales en ce que la loi est violée dans son texte comme dans son
esprit.
En effet la loi organique du 25 ventôse an XI exige que l'aspirant se
munisse d'un certificat de capacité et de moralité, non pas issu de la première
chambre de discipline venue, mais de celle du ressort dans lequel il devra
exercer ; l'article 43 est formel.
Or l'examen de 1835 pouvait tout au plus servir à une nomination dans
l'arrondissement de Turnhout, et encore un ministre prudent eût-il (page 485) demandé, à coup sûr, à la
chambre qui avait délivré le certificat en 1835, si rien n'était survenu qui avait
porté atteinte, pendant ces onze ans durant, à cette moralité ; si la capacité
était restée la même par une constante pratique, si les lois de la discipline
n'avaient tien à redire à l'ensemble de ce candidat.
Mais non, M. d'Anethan, va son chemin, sans connaître aucun frein, il
sait tout par lui-même ou par les dames qui l'entourent. Il a peut-être
consulté le gouverneur de la province, mais demandons-le à ce haut
fonctionnaire, si les renseignements les plus minutieux, les plus vrais doivent
procéder des chambres de discipline, appointées par les lois, pour constater
tous les faits conférant des droits.
Les faits comme ceux que je viens de dénoncer engagent la responsabilité
de M. le ministre de la justice à un haut degré ; ils constituent une violation
de la loi, une injustice flagrante, dans une carrière si ingrate pour les
aspirants.
Je demanderai maintenant à M. le ministre des renseignements sur la
place de greffier de la justice de paix vacante dans le canton de Sandoven
depuis longtemps. Cette place on la destinait à un jeune homme de 20 ans ; la
nomination allait être faite, mais vous pensez bien que c'était une chose qui
ne pouvait pas avoir lieu. Une personne qui avait été attachée à la justice de
paix du canton d'Anvers demande la place ; M. le ministre de la justice ne
donne aucune suite à l'affaire, sous le prétexte qu'un seul candidat se
présentait pour postuler l'emploi. Le requérant auquel je pris attention, lésé
dans des intérêts, devait naturellement être étonné de ne pas voir cette place
rem plie, vacante depuis plusieurs années, alors que toutes les autorités
l'avaient fortement recommandé. Finalement, pour se débarrasser de ce
postulant, on l'a nommé à Wilryck ; on voulait donner à l'enfant donc j'ai
parlé, le temps de grandir, pour lui donner la place de Sandhoven, quand il
remplirait les conditions d'âge. Je demande donc à M. le ministre de la justice
pourquoi la place de greffier de la justice de paix est vacante aussi
longtemps, quoiqu'il se soit présenté un candidat très recommandable qui l'ait
postulée, et qu'on a nommé depuis à une autre place, pour pouvoir dire de
nouveau, que cette place n'est pas demandée.
Je demande donc la raison pour
laquelle cette place est restée si longtemps vacante. Comme vous ne la direz
pas, moi je vais la dire : le grand-père avait rendu de grands services
électoraux, il fallait récompenser son petit-fils ; je ne prends jamais de
voies détournées, je voudrais que tout le monde fît comme moi. Voilà pourquoi
cette place est restée vacante. Vous ne pouvez pas dire qu'il n'y a pas eu de
postulant pour cette place, car celui qui l'avait demandée, vous l'avez nommé
ailleurs.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, à entendre M. Osy,
j’aurais commis un grand nombre d'énormités, j'aurais souvent violé la loi ;
toutes les nominations que j'ai faites seraient entachées de favoritisme,
jamais je n'aurais fait attention aux titres des candidats ; cependant,
l'honorable membre devra reconnaître, à moins de s'accuser lui-même, que j'ai
eu égard récemment aux titres de certains candidats, puisque j'ai proposé à la
nomination du Roi deux individus recommandés par M. Osy ; l'un pour les
fonctions de juge de paix, l'autre pour celles de greffier. Cela prouve que la
recommandation des membres de l'opposition, quand les individus recommandés
réunissent les qualités requises, ne m'empêche pas de les nommer aux places
sollicitées par eux.
Je demande pardon à l'honorable M. de Bonne de ne pas lui répondre
maintenant ; l'honorable M. Verhaegen ayant annoncé qu'il se proposait de
traiter la question des fondations de bourses, je désire attendre pour répondre
en même temps à M. Verhaegen et à M. de Bonne ; c'est le seul motif qui
m'engagea répondre d'abord à l'honorable M. Osy.
L'honorable membre a passé en revue différentes nominations faites par
moi ; je vais le suivre pas à pas et j'espère prouver à la chambre combien sont
peu fondées les accusations dont j'ai été l'objet. Je dis à la chambre, car je
n'espère rien auprès de l'honorable M. Osy. N'a-t-il pas annoncé, en effet, que
dorénavant il voterait contre tous les budgets qui seraient présentés par moi ?
De sorte que, quels que soient les actes de mon administration, il est décidé à
me combattre, et à tout rejeter quels que soient les motifs que j'allègue à
l'appui de mes propositions.
Je ne parle donc pas pour l'honorable M. Osy, mais pour la chambre.
M. Osy a signalé d'abord la nomination d'un officier à une place de
notaire ; il a dit que cet officier avait été nommé notaire, bien qu'il n'eût
aucune des qualités voulues pour l'être. Messieurs, le jeune homme qui vient
d'être pourvu d'une charge de notaire dans la ville de Louvain, avait fait un
stage complet ; il était fils du notaire décédé ; quand la mort est venue frapper
son père, chef d'une famille nombreuse, ce jeune homme était en Algérie ou il
s'était distingué de manière à mériter la croix de chevalier de la Légion
d'honneur. Cependant, n'écoulant que l'intérêt de sa famille, il n'hésita pas à
renoncer à la brillante carrière des armes qu'il avait si glorieusement
commencée, il n'hésita pas à venir passer l'examen de candidat notaire, dans
l'espoir de succéder à son père, afin de pouvoir être le soutien de sa famille.
Le certificat que lui a donné la chambre des notaires a prouvé sa capacité, il
réunissait ainsi toutes les qualités nécessaires pour occuper la charge à
laquelle il a été nommé.
On ne peut pas lui faire un grief de ce qu'il a abandonné l'étude de son
père pour courir la carrière des armes, dès qu'à son retour il a prouvé qu'il
avait la capacité et les qualités nécessaires pour remplacer son père enlevé à
sa famille à l'âge de 40 ans.
Il n'y a pas de nomination qui ait été, j'ose le dire, entourée de plus
de soin que celle que l'on critique ; j'ai consulté deux fois la chambre de de
discipline de l'arrondissement de Louvain.
Et pourquoi l'ai-je fait dans cette circonstance ? Parce que le père
étant mort ne pouvait certifier l'existence de la durée du stage de son fils.
L'inscription était prouvée ; mais la durée du stage ne l'était pas ; je
n'avais d'autre moyen de l'établir que par la notoriété publique a l'aide des
déclarations des membres de la chambre de discipline de Louvain. Un premier
avis m'a été donné dans ce sens ; il ne m'a pas paru assez formel ; j'en ai
demandé un second, qui m'a paru concluant.
Messieurs, l'avis de la chambre des notaires de l'arrondissement de
Louvain a été contrôlé, minutieusement contrôlé, j'ose le dire, par le
procureur du Roi et par le président du tribunal. Le procureur du Roi et le
président du tribunal ont été d'avis que la nomination pouvait légalement se
faire. Le procureur général de la cour d'appel de Bruxelles, le premier
président de.la même cour ont émis le même avis qui a été partagé par le
gouverneur.
Voilà, messieurs, dans quelle circonstance a eu lieu la nomination du
sieur Hollanders ; c'est la personne à laquelle l'honorable membre a fait
allusion. Cette nomination, je le soutiens, a été bien faite ; elle est légale
; elle est conforme à tous les précédents. Car ce n'est pas le seul officier
qui ait été nommé pour remplacer son père. Nous avons eu un cas semblable dans
la capitale en 1834.
Certes, messieurs, on ne considérera pas la carrière si honorable des
armes comme devant être une exclusion pour un fils qui aspire à remplacer son
père dans le notariat. Tout ce qu'on pourrait dire, c'est que s'il s'était
écoulé un temps assez long entre l'examen et la nomination, le jeune homme qui
se serait livré à la carrière des armes pourrait avoir oublié les connaissances
qu'il doit posséder pour aspirer à la place de notaire. Mais, dans l'espèce, le
jeune Hollanders avait passé son examen après être revenu de l'Algérie, et, en
conséquence, il avait prouvé sa capacité en temps opportun.
Et quant à la couleur politique que l'on reproche à toutes mes
nominations, il suffirait de citer celle dont je viens de m'occuper pour
prouver que je suis loin d'être exclusif quand il s'agit de candidats de mérite
et qui ont des titres incontestables.
Je passe aux autres nominations qui ont été l'objet d'un blâme de la
part de l'honorable membre, et je pense que je serai assez heureux pour prouver
à la chambre combien ce blâme est peu mérité.
Remarquez d'abord, messieurs, que l'honorable membre a lui-même reconnu
qu'à un candidat qu'il m'avait recommandé j'en avais avec raison préféré un
autre. Ainsi l'honorable membre doit bien reconnaître que, même d'après lui, de
temps en temps au moins, je suis les règles de la justice.
Mais, et c'est un peu de l'histoire ancienne, car je crois que la nomination
à laquelle l'honorable membre a fait allusion, remonte à 1844, l'honorable
membre prétend qu'un autre candidat moins ancien que celui qu'il m'avait
primitivement recommandé, lui a été préféré et il attribue cette nomination à
l'influence d'un membre de la majorité.
Je crois, messieurs, que l'honorable membre veut faire allusion à la
nomination du notaire Mertens. (Interruption
de M. Osy.) Je pense, messieurs, que l'honorable membre n'exige pas que
j'aie dans la mémoire le nom de tous les notaires et des places qu'ils
occupent. Je demande que l'honorable membre veuille bien venir en aide à ma
mémoire, et me dire si ce n'est pas du notaire Mertens qu'il a entendu parler.
M. Osy. -
Oui.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, le notaire Mertens
nommé à Stabroek est un jeune homme du plus grand mérite ; son père avait été,
si je me le rappelle bien, jadis notaire. Le père était très considéré dans la
commune et je pense même que pour la nomination de ce jeune homme, il y a eu
des pétitions nombreuses de plusieurs communes du canton. Les renseignements
ont d'ailleurs été des plus favorables.
Ce sont là les motifs pour lesquels M. Mertens a été nommé.
Messieurs, qu'il y avait des candidats plus anciens que celui qui a été
nommé, c'est ce que je ne nie pas ; mais je dois déclarer que je ne considère
pas toujours l'ancienneté comme étant un motif décisif pour faire obtenir une
nomination. Ainsi, si un aspirant au notariat, quoique plus jeune qu'un autre,
a des relations dans le canton, s'il a l'intention d'y établir sa résidence
d'une manière fixe et définitive, je pense qu'il doit avoir la préférence sur
un autre candidat qui n'aurait l'intention que d'obtenir la place vacante pour
passer prochainement à une autre résidence.
Messieurs, je passe maintenant à la nomination d'un autre notaire qui a
été nommé à Tongerloo.
Ce candidat-notaire, messieurs, avait été dès ses jeunes années
stagiaire de notre ancien collègue M. Peeters. M. Peeters le considérait en
quelque sorte comme son fils, et ce jeune homme, pendant les absences de M.
Peeters pour des services publics, pour remplir son mandat législatif, occupait
son étude, l'entretenait et, de concert avec le frère de M. Peeters, notaire à Herzeele,
il continuait les affaires de la clientèle.
Messieurs, dans cette circonstance comme dans toutes les autres, le
gouvernement a eu égard aux désirs de l'ancien notaire, en nommant à un
notarial le clerc qui avait contribué au succès de son élude.
Messieurs, ce qui a été fait dans cette circonstance l'a été dans
maintes autres ; et le titulaire sans qu'il soit besoin de rechercher s'il
était recommandé par une haute dame dont a parlé l'honorable M. Osy et qu'il
aurait été convenable, me semble-t-il, de s'abstenir de faire intervenir (page 486) dans nos débats, a été nommé
étant le candidat du gouverneur de la province d'Anvers.
M. Dubus (aîné). -
Et le mien aussi.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L'honorable M. Dubus, avec la
loyauté que tout le monde lui connaît, veut bien dire qu'il m'avait lui-même recommandé
ce candidat, et j'avoue que le témoignage d'un homme comme l'honorable M.
Dubus, me suffit pour avoir toute garantie sur le mérite et la capacité d'un
candidat.
Messieurs, cette nomination qui avait été faite et qui n'avait excité,
quoiqu'en pense l'honorable M. Osy, aucune espèce de réclamation, n'a pu
exercer aucune influence sur la nomination de Westmalle, dont s'est également
occupé l'honorable M. Osy ; et quant à cette nomination de Westmalle, je dois
dire à l'honorable membre qu'il a été encore plus malheureux que pour toutes
les autres nominations qu'il m'a reprochées.
II existe, messieurs, dans le canton de Brecht, cinq notaires, et des
nominations successives avaient eu lieu, sans la moindre réclamation, notamment
en février 1833, en septembre 1840, en janvier 1845. Une place devint vacante
en 1846, à Westmalle, commune assez importante ; elle est sollicitée par
différents titulaires ; l'instruction se fait ; les autorités sont consultées ;
leurs avis sont donnés.
Pendant que l'instruction se faisait, une réclamation m'est arrivée de
la part des notaires du canton. cette réclamation, messieurs, fut envoyée à
l'avis de toutes les autorités, et toutes les autorités, sans exception,
déclarèrent qu'il était nécessaire de maintenir la résidence de Westmalle.
M. Osy. -
Et l'avis de la chambre des notaires ?
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - La chambre des notaires qui avait
réclamé cette suppression, n'a certainement pas demandé qu'on maintînt la place
; cela est évident ; mais les autorités avaient été consultées, et toutes
unanimement, le gouverneur, le procureur général, le procureur du roi ont été
d'avis qu'il fallait maintenir la place de Westmalle ; et ces fonctionnaires
ont surtout été guidés par cette considération qu'il y avait eu une réclamation
de la part de la commune même pour que la résidence fût maintenue.
Messieurs, quant au choix en lui-même, le candidat nommé a été présenté
en première ligne par toutes les autorités.
M. Fleussu. -
Fait-on encore des présentations ?
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je réponds à l'observation de
l'honorable M. Fleussu. Les fonctionnaires donnent leur avis sur tous les
candidats qui se présentent, et lorsqu'ils ont des motifs spéciaux de
recommander tel ou tel individu, ils sont autorisés à me le signaler, et c’est
ce qui a eu lieu. M. le procureur général à la cour d'appel de Bruxelles, M. le
gouverneur me l'ont présenté en première ligne comme étant le candidat qui
avait le plus de droits. Ainsi les reproches que m'a adressés l'honorable M.
Osy, j'en partage la responsabilité avec tous ces fonctionnaires honorables que
le préopinant n'a sans doute pas l'intention d’attaquer.
L'honorable M. Osy m'accuse d'avoir, dans cette nomination, violé la loi
; je dirai à l'honorable membre qu'il me paraît très peu connaître la loi, et,
s'il m'accuse de l'avoir violée, il doit adresser le même reproche à tous mes
prédécesseurs. Car, messieurs (l'honorable membre ne le sait sans doute pas,
sans cela il ne m'aurait pas adressé ce reproche), la loi du 25 ventôse, au
moins l'article 43, n'est plus observée depuis 1815 ; un arrêté du roi
Guillaume a modifié ce qui se pratiquait sons la loi de l'an XI. Maintenant les
requêtes des aspirants sont, par l'entremise des procureurs du roi, envoyées à
la chambre des notaires qui donne son avis, non pas en vue d'une place dans tel
ou tel arrondissement, mais d'une manière générale ; et lorsqu'une fois la
chambre des notaires a donné son avis, on considère le candidat comme étant
apte à remplir les fonctions de notaire dans tout le pays, peu importe la
chambre des notaires devant laquelle il a été interrogé. C'est l'application
que la loi de ventôse a reçue depuis l'émanation de l'arrêté de 1815 ou 1816.
Ainsi, messieurs, je pense qu'on ne peut pas sérieusement insister sur
le reproche que m'a fait l'honorable M. Osy d'avoir violé la loi et, quant au
maintien de la résidence de Westmalle, je pense qu'il est justifié par l'avis
unanime des autorités.
Je passe au dernier grief articulé par l'honorable M. Osy. Il s'agit
d'une place de greffier à Sandhoven. Lorsque la place de greffier est devenue
vacante à Sandhoven par le décès du titulaire, ce titulaire avait un
petit-fils, très jeune encore et qui l'avait aidé à remplir ses fonctions.
Aucun candidat ne se présentait et les autorités consultées étaient d'avis, à
la demande spéciale du juge de paix, qui, d'après l'honorable M. Osy,
s'intéressait à autre candidat, les autorités, à la demande spéciale du juge de
paix, ont été d'avis qu'il convenait de laisser la place vacante et de
permettre qu'elle fût remplie intérimairement par le petit-fils du titulaire.
Comme il n'y avait alors aucun postulant, je ne trouvai pas d'inconvénient à
faire droit à la demande, basée sur des considérations d'humanité.
Cependant un jour l'honorable M. Osy est venu me dire qu'il était très
étonné que je ne nommais pas à cette place, el qu'il y avait un candidat qui la
demandait ; je répondis à l'honorable membre que je l'ignorais, mais que je
ferais instruire la demande de ce candidat, et que nous verrions alors s'il y
avait lieu de le nommer ou bien de maintenir l’intérim. Cette instruction eût
lieu en même temps que l'instruction de demandes relatives à d'autres places
vacantes dans l'arrondissement d'Anvers et notamment à celle Wilryck, que,
d’après une décision de la chambre, je devais remplir.
Eh bien, messieurs, le candidat recommandé par M. Osy, dont M. Osy
m'avait particulièrement vanté le mérite, ce candidat a été nommé à Wilryck, et
c'est l'honorable M. Osy qui m'adresse un reproche de ce chef ! Aucun autre
candidat ne se présentait pour la place de greffier à Sandhoven, et, je dois le
dire encore, toutes les autorités, le gouverneur, le procureur général, le
premier président, demandaient qu'on laissât la place vacante, attendu que le
service n'en souffrait pas, et que, dans quelques mois, on pourrait nommer le
jeune homme dont j'ai parlé et qui avait rendu de véritables services.
M. Veydt.
- Il faut encore deux ans avant qu'il ne soit majeur.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - D'après les rapports que j'ai reçus
du gouverneur, je pense que dans trois mois il sera apte à être nommé. Du
reste, quant à des détails de cette nature, (Interruption.) il est possible que le titulaire soit un homme très
connu, mais ce qui est certain, c'est que moi je ne le connais pas. (Nouvelle interruption.) Messieurs, je ne
puis, ce me semble, faire autre chose que de prendre des renseignements auprès
des autorités. Que voulez-vous que fasse le ministre, s'il ne peut pas s'en
rapporter au premier président d'une cour d'appel, au procureur général, au
gouverneur de la province ? Le service, souffre-t-il ou ne souffre-t-il pas ?
Voilà toute la question. Eh bien,
les autorités affirment que le service ne
souffre pas, et demandent, par des considérations d'humanité qu'on
laisse la place vacante. Y a-t-il là un grand mal ? Je ne le pense pas, car
s'il y avait des inconvénients, il serait du devoir du procureur-général de me
les faire connaître, et jusqu'à présent aucun inconvénient ne m'a été signalé.
Je pense, messieurs, avoir répondu à tout ce qu'a
dit l'honorable M. Osy, et je suis heureux d'avoir pu à peu près dans chaque
circonstance m'appuyer sur l'avis unanime de toutes les autorités. |
Cependant, messieurs, je ne crois pas que l'avis conforme des autorités
soit nécessaire pour justifier une nomination ; le ministre doit apprécier le
mérite des candidats d'après les renseignements qu'il recueille ; mais il
lui appartient, sous sa responsabilité, de choisir celui qu'il croit mériter la
préférence dans l'intérêt bien entendu du service.
M. de
Foere. - Messieurs, l'honorable député d'Anvers vient de
nous dire trois ou quatre fois que jamais il n'use de détours. Cependant, il me
semble à moi que l'honorable membre a fait des détours considérables. En effet,
son point de départ est un pouvoir législatif, dont il est investi ; son point
d'arrivée a été l'exercice du pouvoir exécutif. Selon lui, le ministre aurait
dû nommer des candidats autres que ceux qu'il a nommés.
Messieurs, la distinction des pouvoirs est un principe que les chambres
législatives ne peuvent violer, sans exposer le pays aux plus graves
conséquences. C'est la distinction des pouvoirs qui sert de garantie à toutes
les libertés publiques. La confusion des pouvoirs les compromet toutes.
De semblables discussions ne s'élèvent pas au parlement anglais. Là la
distinction des pouvoirs est religieusement pratiquée. On en reconnaît toute
l'importance. Le droit de nomination à des fonctions publiques y est
exclusivement attribué au pouvoir exécutif, sans qu'on lui conteste les choix.
II résulte encore de cette confusion des pouvoirs des conséquences
déplorables. En effet, dans la séance d'hier et d'aujourd'hui, la chambre est,
en quelque sorte, transformée en bureau de dénonciations injurieuses à des fonctionnaires
honorables que d'autres membres de la chambre ont cru devoir justifier. Il en
résulte, dis-je, des discussions odieuses de personnes que la chambre devrait
écarter avec beaucoup de soin dans l'intérêt de sa propre dignité.
L'honorable M. Osy a fait des détours dans une autre direction. Pour
atteindre son point d'arrivée, il est allé se placer sur le chemin des dames de
tous parages. Le ministre aurait nommé, selon lui, des candidats par la
recommandation et par l'influence de dames.
Je demanderai à M. Osy s'il a par devers lui quelque moyen d'empêcher
que les dames ne parlent ? (Interruption.)
Si elles parlent au ministre, c'est à lui de peser leurs paroles, d'apprécier
leurs motifs et d'examiner les titres que les divers candidats produisent à
l'obtention d'une place.
J'arrive à une autre question.
Messieurs, le mémoire, dont vous avez entendu la lecture dans la séance
d'avant-hier et auquel l'honorable auteur de ce mémoire a donné de nouveaux
développements dans la séance d'aujourd'hui, ce mémoire, dis-je, est, dans mon
opinion, une œuvre tout à fait inconstitutionnelle. L'article 16 de la
Constitution est trop clair, trop précis, pour qu'il puisse donner lieu dans
les chambres législatives, non seulement à une discussion quelconque, mais même
à une interprétation tout autre que celle que comportent les termes dans
lesquels cet article est formulé.
Le mémoire est bâti tout entier sur une législation antérieure à celle
qui régit actuellement le pays. L'honorable auteur de cette œuvre canonique l'a
implicitement avoué ; car, parmi les nombreux jurisconsultes civils et
canoniques, qu'il a cites pour appuyer son opinion, il n'en a pu invoquer aucun
qui l’eût soutenue depuis la mise en exécution de la Constitution du pays,
tandis que, de son côté, le ministre de la justice a invoqué l’autorité de
jurisconsultes belges qui, depuis 1831, ont traité la question et qui l'ont
résolue dans le sens du ministre.
Quoique toutes les parties de cette dissertation canonique, considérées
sous le rapport du fond, puissent être contestées, à telle enseigne qu'il n'en
resterait plus rien debout, je n'entrerai cependant pas dans le fond de cette
discussion pour plusieurs raisons.
(page 487) Je n'en produirai
que deux :
Je crois que ce serait un antécédent fort dangereux, si, sans opposition
à leur compétence, les chambres législatives s'attribuaient le pouvoir de
discuter des questions purement théologiques ou canoniques. Ensuite, supposez
même que, par galanterie de partis parlementaires, une majorité quelconque
s'attribuât ce droit, la discussion serait oiseuse, si elle ne devait aboutir à
aucune solution parlementaire. Mais, pour porter une semblable décision en
matière théologique ou canonique, il faut des juges. Or, qui, dans cette
enceinte, voudrait se donner le ridicule de se poser en juges compétents en
matière théologique ou canonique ?
Serait-ce, par exemple, M. Verhaegen d'un côté et M. de Mérode de
l'autre ? M. Delfosse et M. d'Anethan ? M. Sigart et M. Rodenbach ?
Pour ces motifs, je n'entrerai pas, messieurs, dans le fond de cette
discussion canonique. Je le déclare franchement, je me garderai bien de
transformer la chambre en concile national, ou d'affubler mes honorables
collègues de bonnets de docteurs de Sorbonne.
Personne ne contestera, je pense, que sous l'empire de la Constitution
qui nous régit, les principes purement théologiques, ou canoniques, soient en
dehors des pouvoirs des chambres législatives. Or, telle est la question de la
révocation d'un curé par l'évèque, son supérieur ; car de quelque manière que
vous tourniez et retourniez cette question, il faudrait toujours remonter aux
principes du droit canonique. L'honorable M. de Bonne l'a prouvé de la manière
la plus évidente ; car sa dissertation tout entière est basée sur le droit
canonique. Je conçois qu'au point de vue libéral, il puisse convenir à quelques
esprits de soulever et de provoquer une discussion de cette nature ; mais telle
n'est pas la question. Il s'agit de savoir si les chambres législatives sont
compétentes pour discuter et pour résoudre des questions purement théologiques,
ou canoniques. Si elles étaient compétentes pour poser des principes en matière
de théologie, ou de droit canonique, elles le seraient aussi pour leur donner une
solution. Or, l'excentricité constitutionnelle d'un semblable pouvoir doit
sauter aux yeux même de M. de Bonne.
La question se présenterait sous un autre point de vue, si une solution,
donnée par l'autorité compétente à un point de droit canonique controversé,
créait ou imposait de nouvelles charges à l'Etat. Dans ce cas, les chambres
législatives auraient à discuter, non pas les principes qui auraient amené une
semblable solution, mais les charges qui en résulteraient pour l'Etat. Elles
auraient le droit de les accorder ou de les refuser. Cette distinction est
clairement établie par la Constitution.
Maintenant, messieurs, j'abandonnerai l'argumentation dans laquelle je
suis entré pour prouver l'incompétence de la chambre. Je poserai la question
sur un autre terrain, pour démontrer cette même incompétence.
J'invoque encore ici le grand principe de la distinction des pouvoirs.
Je dirai que, si la révocation d'un curé donne lieu à une question litigieuse
en matière civile, ce n'est pas à la chambre qu'appartient le droit de juger
cette question. Les tribunaux seraient exclusivement investis de ce droit. Ce
serait un nouvel abus de pouvoir que la chambre commettrait si elle s'arrogeait
un semblable droit. La chambre n'a qu'un pouvoir législatif. Là, se bornent ses
attributions. Je pense que toute la chambre partagera, sous ce rapport, mon
opinion.
Je prie la chambre de ne pas inférer de cette observation, que je
reconnaisse au pouvoir judiciaire le droit de juger en matière purement
canonique. Je lui conteste formellement ce droit. Cependant, si la question lui
est déférée, il doit en être saisi, et, je n'en fais aucun doute, il déclarera
son incompétence.
Aux chambres législatives est attribué, comme je l'ai dit, le seul
pouvoir en pareille matière, d'accorder ou de refuser les charges nouvelles
qu'une nomination ou une révocation canonique pourrait amener.
Ainsi, comme l'a supposé M. de Bonne, le chef de l'Eglise pourrait
investir encore six évêques de la dignité du cardinalat ; ces nominations
seraient inattaquables ; mais il n'en résulterait pas que la chambre dût
augmenter l'indemnité de six évêques, nommés cardinaux. Il entrerait dans son
pouvoir d'accorder, ou de refuser cette augmentation. Dans mon opinion, si un
seul de nos évêques était nommé cardinal, elle ferait bien de lui refuser cette
augmentation. Mais, la dignité de cardinal n'en resterait pas moins conférée et
n'en serait pas moins à l'abri du contrôle de la chambre. Tel est notre droit
constitutionnel.
Puisque la révocation d'un ministre de l'Eglise n'impose pas de
nouvelles charges à l'Etat, et qu'elle reste dans le cercle d'un acte purement
canonique, je propose à la chambre l'ordre du jour sur cette question, soulevée
par l'honorable M. de Bonne.
M. le président. - Je prie M. de Foere de vouloir bien formuler sa
proposition et la déposer sur le bureau.
M. de
Foere. - Il n'est pas d'usage de formuler par écrit la
demande d'un ordre du jour. Ma proposition est d'ailleurs fort simple. Je
demande que l'on passe à la discussion générale sur le budget de la justice.
Des membres. - Quel ordre du jour ?
M. de
Foere. - La discussion générale sur le budget de la
justice, moins la question soulevée par l'honorable M. de Bonne.
M. le président. - M. de Foere désire-t-il que la chambre aille aux
voix sur sa proposition ?
M. de
Foere. - S'il n'y a pas d'opposition, je n'y tiens pas.
M. Verhaegen. - Messieurs, ce qui m'a convaincu que j'ai frappé
juste, ce sont les murmures qui, sur les bancs de la droite, ont accueilli mes
paroles et les applaudissements qui sont partis du même côté pendant le
discours de M. le ministre delà justice. C'est le deuxième acte de la comédie qu'on
a jouée l'année dernière quand nous avons parlé de l'affaire Retsin ; mais,
qu'on le sache bien, sur les bancs de la gauche, les murmures comme les
applaudissements ne sont rien ; et nous saurons jusqu'au bout remplir notre
tâche.
M. l'abbé de Foere vient de faire à notre honorable ami M. le baron Osy
un reproche que je considère comme dénué de toute espèce de fondement. Tous
nous rendons hommage à la franchise et à la sincérité de l'honorable baron Osy.
Quand il nous dit que toujours et dans toutes les circonstances il va droit au
but sans détour et sans arrière-pensée, je suis convaincu que personne
n'oserait lui donner un démenti ; aussi n’est-ce pas dans ce sens, j'ai hâte de
le dire, que l'honorable abbé de Foere a parlé des détours du baron Osy ; il en
a parlé, si je puis m'exprimer ainsi, à un point de vue métaphysique.
« L'honorable M. Osy, selon M. l'abbé, aurait fait des détours, parce
qu'il aurait pour point de départ le mandat législatif et qu'en faisant des
évolutions il serait arrivé au pouvoir exécutif », et d'après l'honorable
membre c'est une confusion de pouvoirs.
Je suis d'accord avec M. de Foere sur la nécessité de conserver à chacun
des pouvoirs sa liberté d'action, son indépendance ; mais je ne pense pas qu'il
y ait confusion de pouvoirs quand la chambre vient examiner une fois par an
seulement l'administration, les actes de chacun des ministres.
J'ai toujours cru, messieurs, que c'était là l'objet des discussions
générales en matière de budget. J'ai cru que nous faisions le compte une fois
par an de MM. les ministres, et que le premier article de ce compte devait
comprendre les actes les plus importants de leur administration. Or, rien n'est
plus important que les nominations aux emplois dans toutes les branches, et je
m'étonne que l'honorable abbé de Foere, qui invoque toujours les principes
appliqués en Angleterre, vienne présenter aujourd'hui une thèse contraire à ces
principes. En Angleterre, plus que partout ailleurs, on tient au droit qu'a le
parlement de contrôler les actes des ministres qui sont de nature à faire
apprécier la moralité de leur administration.
Je le disais dans une autre circonstance : en Angleterre, on va beaucoup
plus loin ; le parlement se permet même de contrôler quelquefois le choix des
dames d'honneur.
M. de
Foere. - C'est, en Angleterre, un principe politique.
M. Verhaegen. - Il est fort singulier que l'honorable membre, quand
il s'agit du contrôle des dames d'honneur, voie là l'application d'un principe
parlementaire, et qu'il conteste le principe parlementaire quand il s'agit,
comme dans l'espèce, de contrôler les actes des ministres ! Il y a dans ce
système de l'honorable membre une contradiction flagrante.
On dit que c'est faire de l'administration que s'occuper de nominations.
On prétend que le pouvoir exécutif a carte blanche pour toutes les nominations
sans exception, quel que soit l'individu qu'il nomme, il faut que la chambre
dise amen, c'est-à-dire que la mission de la législature se borne à enregistrer
les actes du pouvoir exécutif !
J'en ai dit assez sur la question de principe, mais y a-t-il donc deux
poids et deux mesures ?
Pourquoi sous le ministère de 1840 (je ne citerai que deux faits)
l'honorable M. de Theux est-il venu critiquer d'une manière si vive, je
pourrais dire si passionnée, une décoration donnée à un honorable fonctionnaire
de la ville de Liège, pour le récompenser du zèle qu'il avait apporté dans la
recherche de biens celés au domaine ? Et vous mon honorable collègue (l'orateur s'adresse à M. de Foere), vous
êtes en contradiction avec vous-même ; car vous êtes venu blâmer, en 1840, la
nomination de l'honorable M. de Stassart à une mission extraordinaire à Turin,
nomination que vous avez qualifiée alors d'injustifiable.
M. de
Foere. - Pas la nomination, j'ai interpellé, sous un autre
rapport, le ministère sur cet acte.
M. Verhaegen. - Voilà comment on ne veut pas permettre aux autres
ce qu'on se permet à soi-même et aux siens. Les hommes changent avec le temps,
et plus d'un député change avec les ministères.
Je reviens, messieurs, à la discussion des actes de M. le ministre de la
justice, puisque j'ai prouvé qu'elle rentre dans nos attributions.
Pour avoir dit des choses vraies, j'ai été, hier, l'objet d'attaques
très acerbes. A en croire certains orateurs, j'aurais agi à la légère ; on
criait même sur le banc ministériel à l'indignité, à l'inconvenance ! eh bien,
je n’ai qu'un mot à répondre à cette accusation de légèreté, c'est que si,
parfois, en acquit de mon mandat législatif, je m'occupe de faire des
recherches sur les actes de l'administration, je prends toutes les précautions
dictées par la prudence et j'ai toujours soin d'avoir des écrits à opposer, en
cas de dénégation.
C'est ainsi, messieurs, que je mets ma responsabilité d'homme public à
couvert. Non, je ne m'abriterai jamais (car là il y aurait de l'inconvenance et
de l'indignité) derrière l'inviolabilité de député. Non, je ne dirai, comme
député dans cette enceinte, que ce que je pourrais dire sans encourir aucun
blâme, sans être soumis à aucunes poursuites du chef de calomnie, partout
ailleurs que dans le parlement. Ceci soit dit une fois pour toutes !
J'avais, dans la discussion du budget de la justice, à vous faire
apprécier l'administration de l'honorable M. d'Anethan : j'ai fait cette
appréciation pour toutes les branches de son département, et j'ai cite à peu
près pour chacune de ces branches quelques faits principaux.
Oh ! comme vous le disait tantôt mon honorable ami, M. Osy, si nous (page 488) avions entre nos mains tous
les documents qui reposent dans les bureaux du ministère, si tous les
renseignements quelconques pouvaient nous être donnés, nous vous signalerions
bien d'autres abus ; mais il faut encore que le hasard nous favorise pour
pouvoir vous citer quelques faits principaux, et surtout pour pouvoir vous
rapporter des preuves à l'appui de nos assertions, car nous sommes habitués aux
dénégations les plus téméraires.
D'abord j'ai parlé du peu de respect que porte M. le ministre de la
justice à la magistrature, à cette magistrature dont il faisait naguère partie.
Et bien, ce que j'en ai dit résulte de faits que constate le Moniteur, et cela
est d'ailleurs de notoriété publique.
Quant aux nominations dans l'ordre judiciaire de nature à appuyer mes
assertions, je me suis arrêté à la magistrature au premier degré, que
j'appellerai en quelque sorte la pépinière de toutes les autres, je veux parler
des justices de paix.
J'ai fait voir, messieurs, que l'intérêt des justiciables, l'intérêt du
corps n'était rien pour M. d'Anethan quand il s'agissait de pourvoir à des
fonctions de juge de paix devenues vacantes, et j'ai cité deux faits
principaux. Ces faits, on a voulu les expliquer, et au secours de M. le
ministre de la justice sont arrivés deux honorables membres que vous avez
entendus il n'y a qu'un instant ; mais ce concours officieux, j'ai dû le
prévoir ; car les nominations dont j'ai eu l'honneur de vous entretenir portent
cette couleur à laquelle les honorables membres appartiennent. Il eût été fort
extraordinaire que M. le ministre de la justice ne trouvât pas appui chez eux.
A entendre M. le ministre de la justice, les places de juge de paix sont
(je me sers de ses expressions) le bâton de maréchal de celui qui les obtient.
Et il a nommé à Herzeele un saunier, ailleurs un médecin, parce que l'un et
l'autre étaient d'un âge très avancé et qu'ils ne prenaient pas, comme
d'autres, ces fonctions à titre de marchepied pour arriver à des fonctions
supérieures ; il a dit qu'il a écarté, d'ailleurs, les jeunes docteurs en droit
bien famés qui se présentaient pour remplir ces fonctions, parce qu'ils
demeuraient tous à Gand et qu'ils auraient continué d'y demeurer après leur nomination,
ce qui eût été contraire aux intérêts des justiciables. Pour moi, messieurs,
j'ai toujours pensé que les fonctions de juge de paix étaient réservées aux
docteurs en droit, aux jeunes avocats surtout ; j'ai toujours considéré les
justices de paix comme la pépinière de la magistrature. Je n'ai jamais entendu
dire que ces places dussent être considérées comme un bâton de maréchal.
Au reste, veuillez ne pas le perdre de vue, les fonctions de juge de
paix sont des plus importantes.
En Angleterre (ici je fais appel à l'honorable M. de Foere qui nous
parle souvent de ce qui se passe au-delà du détroit), les juges de paix sont
pris parmi les hommes les plus instruits et les plus remarquables ; c'est à eux
que sont réservées les missions les plus délicates. Les fonctions de juges de
paix, en effet, sont importantes et au point de vue des transactions qu'amènent
ces magistrats lorsque leurs connaissances spéciales s'y prêtent, et au point
de vue des actions possessoires, qui, dans notre législation surtout, sont
hérissées de difficultés de tous genres et présentent les questions les plus
difficiles à juger.
On a nommé à Herzeele un saunier qui, si mes renseignements sont exacts,
réside à Ninove. (Dénégations de la part
de M. le ministre de la justice.)
Au reste, pour en finir avec cette résidence d'Herzeele, il y a sur ce
point toute une enquête qu'on trouve dans la Belgique judiciaire ; là tous les
faits sont constatés d'une manière irréfragable. Aussi cette nomination
d'Herzeele a-t-elle fait un très mauvais effet dans le public.
Quoi qu'en ait dit un honorable membre, les mêmes observations
s'appliquent à la justice de paix de Dixmude.
Pour le notariat, il en est de même que pour les justices de paix. Vous
venez d'entendre l'honorable M. Osy. Il a, lui aussi, cité des faits, et je ne
pense pas qu'ils aient été renversés par ce qu'a dit M. le ministre de la
justice.
Et si chacun des honorables députés des différentes localités voulait
mettre la main sur la conscience et prendre de leur côté des renseignements sur
les nominations de juges de paix et de notaires, je crois qu'il vous serait
signalé d'autres faits encore de la même nature que ceux que nous avons eu
l'honneur de vous faire connaître dans la séance d'hier.
Tantôt ce sont des permutations que l'on accorde, tantôt des
permutations qu'on refuse dans des circonstances identiques. Nous en avons
cité, et je ne pense pas que les raisons données par M. le ministre de la
justice soient venues justifier la différence qui existerait pour les localités
que nous avons signalées.
Tantôt encore des places ouvertes sont laissées vacantes pendant
longtemps, et nous en avons indiqué les motifs. Nous avons parlé de Warneton et
de Messines, et aussitôt on nous a donné un démenti sur ce point. Mais comme je
ne signale jamais des faits que lorsque j'ai une garantie par écrit, j'avais
pour ces deux communes une lettre écrite par un négociant de Warneton à l'un de
mes honorables collègues de cette chambre, lettre par laquelle ce collègue
était prié de signaler le fait à la législature. On prétend que ces vacatures
ne datent pas d'aussi loin ; on ajoute qu'il a été pourvu depuis quelque temps
à l'une d'elles. Mais les faits tels que je les ai signalés se trouvent
constatés par la lettre à laquelle j'ai fait allusion et qui a été adressée à
mon honorable ami M. Delfosse sous la date du 16 décembre 1846. Je tiens cette
lettre à la disposition de M. le ministre.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - il était bien mal informé,
celui-là ; vous n'avez qu'à lire le Moniteur.
M. Verhaegen. - Il y avait deux vacatures : celle de Warneton et
celle de Messines.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Celle de Messines ne date que de
deux mois, et je n'ai aucun rapport.
M. Delfosse. - Combien de temps la place de Warneton est-elle
restée vacante ?
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je ne me le rappelle pas.
M. Delfosse. - On écrit qu'elle est restée vacante plus d'un an.
M. Verhaegen. - La lettre dont j'ai fait mention constate tout
cela.
On a parlé, messieurs, d'une nomination faite à Louvain. Je ne
m'occuperai pas de cette nomination, je ne connais pas les faits ; mais les
raisons par lesquelles M. le ministre de la justice a voulu la justifier me
paraissent en opposition avec tous les faits que M. le ministre de la justice a
posés et avec le système qu'il nous a développé dans la séance d'hier.
Il a nommé à Louvain M. Hollanders. Je répète que je n'examine pas si
cette nomination est bonne ou mauvaise ; je ne connais pas les faits et je ne
me hasarde pas à parler de faits que je ne connais pas. Mais si je m'en
rapporte à M. le ministre de la justice, il a fait cette nomination, parce que
le candidat avait été appuyé par toutes les autorités judiciaires et
administratives, qu'il avait en sa faveur, l'avis de la chambre de discipline,
l'avis du procureur général, l'avis du premier président, l'avis du procureur
du roi, l'avis du gouverneur, en un mot de toutes les autorités.
Pourquoi donc M. le ministre de la justice dans d'autres circonstances,
lorsque toutes les autorités ont aussi donné des avis favorables, pourquoi
vient-il nous dire que ce concours d'avis constitue une cabale et qu'il ne veut
pas céder à une cabale ? En effet, messieurs, ce concours existait en faveur du
candidat Lepoivre pour la place de greffier. Lepoivre avait, lui aussi, l'appui
de toutes les autorités judiciaires et administratives, et M. le ministre, pour
se justifier de ne pas l'avoir nommé, est venu nous dire qu'il n'a pas voulu
cédera une cabale.
Ainsi, voilà un moyen très élastique : lorsque le candidat qu'on a nommé
était appuyé par toutes les autorités on se retranche derrière cet appui ; et
lorsqu'on a nommé le candidat qui n'était pas appuyé, on dit qu'on ne veut pas
céder à une cabale ! Alors tous ceux qui ont donné un avis favorable sont donc
des cabaleurs !
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Cela ne s'applique pas du tout aux
fonctionnaires que j'ai cités.
M. Verhaegen. - Comme je l'ai dit déjà, nous n'avons pas toujours
en notre possession tous les avis, tous les rapports qui précèdent les
nominations, et cependant il serait bon que nous en eussions communication pour
pouvoir répondre d'une manière adéquate à M. le ministre qui vient ici nous
parler ex abrupto ; il serait bon que nous pussions les examiner pour voir
s'ils ont, en effet, la portée qu’on leur donne.
Puisqu'il s'est agi de Louvain, au sujet de la nomination de M.
Hollanders, nomination que je n'ai ni à approuver ni à improuver, ne
connaissant pas les faits ; puisqu'il s'est agi de Louvain, je me rappelle
certain petit projet relatif à l'augmentation du personnel du tribunal de cette
ville.
Dans l'exposé des motifs de ce projet de loi, M. le ministre de la
justice s'exprimait en termes tels qu'il fallait supposer que la cour d'appel
de Bruxelles avait été favorable à la mesure : eh bien, messieurs, un de mes
honorables amis demanda l'impression du rapport de la cour d'appel de
Bruxelles, c'était l'honorable M. Delehaye ; le rapport fut imprimé, et qu'en
résulte-t-il ? C'est que la cour d'appel de Bruxelles avait donné un avis tout
à fait défavorable au projet de loi ; qu'elle émettait l'opinion qu'il n'y
avait pas lieu d'augmenter le personnel du tribunal de Louvain. Cela,
messieurs, doit nous mettre tant soit peu en garde lorsque M. le ministre de la
justice vient invoquer des avis, des rapports. Loin de moi de lui supposer de
mauvaises intentions, car il peut s'être trompé, on n'a pas toujours présents à
la mémoire tous les détails ; l'erreur d'ailleurs est possible : errare humanum
est.
Messieurs, tout ce que j'ai dit hier, et à l'égard des juges de paix et
à l'égard des notaires, je le maintiens et je le dis de nouveau. Pour ma
responsabilité personnelle, j'ai toujours tenu et je tiendrai toujours à ce que
les renseignements qu'on me fournit me soient fournis par écrit ; je n'en
accepterai jamais d'autres. Ceux qui m'ont guidé dans l'occurrence sont de
cette nature.
En examinant une autre branche de l'administration de M. le baron
d'Anethan, j'ai dit qu'il ne respectait pas toujours, dans les actes qu'il
posait, la liberté des cultes. On s'est récrié et on m'a jeté un démenti à la
tête. On ne savait pas encore que j'allais invoquer des pièces. J'ai invoqué
des pièces, ces pièces sont imprimées et il suffit de les lire pour être
convaincu que violence a été faite aux convictions des employés des prisons,
comme violence a été faite et est faite encore aux convictions des détenus. On
aura beau équivoquer, on aura beau torturer le sens des mots, on arrivera
toujours au résultat que j'ai indiqué ; les pièces sont là, et j'y renvoie.
J"ai parlé d'une autre pièce, et la production de cette pièce a
étonné et M. le ministre de l'intérieur et M. le ministre de la justice ; mais
ces messieurs n'y ont rien répondu. C'est, messieurs, la lettre adressée par le
consistoire israélite à l'honorable M. de Theux, sous la date du 8 janvier ;
c'est encore là une preuve par écrit que j'apportais à l'appui de mes
assertions. Je le disais hier, messieurs, le consistoire du culte israélite (page 489) en rectifiant une erreur
commise par l'honorable M. de Theux, rend hommage à son impartialité ; mais il
ne peut pas, dit-il, en agir de même à l'égard de l'administration de M. le
ministre de la justice. Cette pièce porte entre autres :
« Depuis l'avènement de M. le ministre de la justice actuel nous n'avons
trouvé ni équité ni la moindre bienveillance dans nos rapports avec son
département, et des refus systématiques sont les réponses régulières que toutes
nos propositions les plus justes et les plus fondées ont reçues de sa
part. »
Voilà, je crois, une pièce qui constate à suffisance l'exactitude de mes
allégués à cet égard.
Messieurs, je me suis occupé ensuite des établissements de bienfaisance
et j'ai dit que M. le ministre de la justice, lorsqu'il y avait conflit entre
les établissements communaux et les établissements du clergé, donnait toujours
la préférence à ces derniers.
J'avais ajouté que non seulement on mettait de la partialité dans les
discussions qui surgissaient entre les établissements communaux et les
établissements du clergé, mais qu'on prêtait même les mains à une convoitise
des biens des hospices, des biens qui leur appartiennent aux termes des lois de
l'empire sur la suppression des béguinages.
J'ai remarqué à mon grand étonnement, et mes honorables amis auront
probablement remarqué comme moi, que M. le ministre de la justice, qui au
premier abord paraissait n'avoir aucune connaissance de cette affaire, est venu
cependant parler en pleine connaissance de cause, et qu'il a présenté la question
comme une question énorme sur laquelle il devait avoir des renseignements de
toutes les autorités, avant de prendre une mesure réglementaire, avant de
soumettre un arrêté à la signature du Roi.
Eh bien, messieurs, pour moi, cette question n'est pas énorme, et il
suffit de l'exposer pour la résoudre.
Les béguinages ont été supprimés par les lois de l'empire ; il n'y a
plus de béguinages aujourd'hui, légalement parlant ; les biens des béguinages
supprimés sont la propriété des hospices ; et je ne sache pas qu’il soit jamais
possible au gouvernement, au moyen d'un règlement ou d'un arrêté royal,
expliquant je ne suis quoi, de faire revivre d'anciens usages, d'anciens droits
que les lois de l'empire ont explicitement abolis.
J'engage fortement M. le ministre de la justice ; et j'espère que
l'honorable M. de Foere, qui n'aime pas la confusion des pouvoirs, sera
d'accord avec moi ; j'engage fortement M. le ministre de la justice à ne pas
empiéter, quant à cette question, sur le pouvoir législatif.
Messieurs, quoi qu'en ait dit M. le ministre de la justice, il était
bien informé ou du moins il devait être bien informé : on avait soumis
préalablement aux autorités qu'on voulait consulter, et moi je dirai qu'on
avait soumis à certains adeptes, le mémoire de l'archevêque ; ce mémoire a été
imprimé, par les soins du ministre de la justice, ou si vous l'aimez mieux) par
les soins d'un employé supérieur de ce département ; les épreuves ont été
corrigées au ministère, et j'ai des raisons de croire que les frais d'impression
avaient été prélevés sur les dépenses imprévues. M. le ministre de la justice
m'avait dit qu'il prendrait des informations sur ce point ; eh bien, ces
informations, je les attends...
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je répondrai !
M. Verhaegen. - Ici je ne veux compromettre personne, mais je dois
dire que j'ai entre les mains une pièce irrécusable, au moyen de laquelle je
puis établir le fait que j'avance. Je ne veux pour le moment qu'alléguer une
chose : « la correction des épreuves du mémoire au ministère de la justice. »
Mais si, après les informations qu'on va prendre, on me donnait un nouveau
démenti, alors je verrais quel parti il me resterait à prendre.
Messieurs, j'ai ainsi parlé de l’empathie de M. le ministre de la
justice pour les établissements de mainmorte ; el j'ai fait remarquer que si
dans la séance d'hier il avait refusé à mon honorable ami M. Delfosse, les
renseignements statistiques sur les corporations qui devaient être compris dans
la statistique générale, il nous avait dit, l'année dernière que, selon lui,
les grands séminaires, personnes civiles reconnues par la loi, n'étaient pas
obligés à rendre des comptes annuels quoique le décret de 1815 leur en imposât
formellement l'obligation ; et cela pourquoi ? Parce que ce serait, a-t-il
prétendu, une atteinte à la liberté des cultes.
Voyez donc, messieurs, l'intérêt que porte M. le ministre de la justice
à cette liberté précieuse proclamée par la Constitution, lui qui, en d'autres
circonstances, en a fait un si bon marché ! Comment ! On porterait atteinte à
la liberté des cultes, parce qu'à des établissements qui tiennent leur
existence uniquement de la loi, auxquels on accorde des subsides sur le budget
en exécution de la loi, parce qu à ces établissements, dis-je, on demande un
compte que la loi elle-même, dont ils se font un titre pour réclamer certains
avantages, les oblige de rendre !
Messieurs, vous avez entendu ce que M. le ministre vient de répondre à
une demande officielle que mon honorable ami, M. Delfosse, a faite dans la
séance d'aujourd'hui. L'honorable M. Delfosse avait demandé à M. le ministre
les documents officiels qui pussent constater que les assertions
ministérielles, quant à l'importance des revenus et charges du séminaire de
Liège et de la cathédrale de la même ville, sont exactes ; et M. le ministre de
la justice a répondu qu'il n'avait pas de semblables documents el qu'il s'en
était rapporté aux allégués de l'évêque.
Eh bien, messieurs, puisqu'il faut que je fasse l'office de M. le
ministre de la justice, j'établirai moi, par des pièces, quelle est importance
des sommes qui ont été appliquées depuis 1830, pour compte et du séminaire et
de la cathédrale de Liège ; j'invoquerai les arrêtés d'autorisation qui sont
intervenus relativement à tous ces appliquats ; j'ai commencé un travail sur ce
point, et je me propose de vous le présenter, lors de la discussion des
articles ; je n'anticipe pas sur ce point, car je ne veux pas prolonger ma
réponse à M. le ministre de la justice dans la discussion générale et distraire
ainsi votre attention des points culminants.
Messieurs, j'ai terminé mon discours d'hier, en disant que l'on n’a pas
plus de respect au ministère de la justice pour les décisions judiciaires que
l'on n'en a pour la loi elle-même.
A cette occasion je n'avais fait que rappeler, sans entrer dans des
détails, la mémorable affaire de Retsin, et j'y avais accolé une autre que j'ai
appelée son pendant. M. le ministre est entré dans des détails qui engageront
sans doute d'autres collègues qui siègent sur les mêmes bancs que moi et qui
doivent avoir, à raison des localités qu'ils habitent, des renseignements
précis à lui répondre. Quant à moi j'en ai assez de l'affaire Retsin, elle est
trop sale pour que je veuille y toucher encore ; cette affaire appartient
à l'histoire du ministère, et elle fera époque dans les annales parlementaires.
L'affaire qui doit servir de pendant à l'affaire de Retsin est celle
d'Orman. Pour m'exprimer ainsi que je l'ai fait il fallait des preuves, des
preuves irrécusables, et ces preuves je les ai produites.
Messieurs, quoique je n'eusse pas communiqué d'avance à M. le ministre
de la justice mes observations sur Orman, quoiqu'il dût ignorer que je ferais
de cette affaire l'objet d'un de mes griefs contre son département, il est
néanmoins venu à la séance d'hier entièrement préparé à l'attaque, car il avait
devant lui toutes les pièces ; or, qui donc lui a fait connaître mon plan
d'attaque ?
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Les journaux.
M. Verhaegen. - Je ne le pense pas. Voici ce qui a eu lieu : je
m'étais adressé à un monsieur de Lessines, pour avoir par écrit des
renseignements qui me servissent à contrôler ceux qui m'avaient été donnés
verbalement à Bruxelles.
J'avais écrit une première lettre, et je n'avais pas reçu de réponse ;
j'avais écrit une seconde lettre qui était restée aussi sans réponse. (On rit.) Oh riez !! riez ! Alors je
m'adressai à un homme occupant des fonctions publiques à Lessines, et je lui
donnai connaissance de mes deux lettres restées sans réponse, el celui-là me
fit part aussitôt que ces lettres avaient été remises à celui qui était l'objet
de mes investigations. Comment cela s'est-il fait ? Je n'en sais rien, je
n'accuse personne, et surtout je n'en fais aucun reproche à M. le ministre de
la justice, qui peut avoir été informé par un tiers des démarches que j'ai
faites.
Maintenant les renseignements que le deuxième individu auquel je me suis
adressé m'a donnés, je les ai par écrit ; il m'a indiqué les jugements, car il
n'y en a pas un seul, mais quatre ; j'en ai fait demander de suite expédition
au greffe de Tournay ; on m'a repondu qu'il était défendu de délivrer des
extraits des jugements correctionnels ; je me suis alors adressé au procureur
général près la cour d'appel, qui m'a répondu qu'il ne pouvait autoriser la
délivrance d'extraits de jugements correctionnels que pour autant que je me
présentasse au nom d'une partie en cause.
Eh bien, tout cela, messieurs, ne m'a pas découragé ; et je suis parvenu
à mon but par une autre voie.
Le condamné avait subi sa peine à Tournay, mention du jugement de
condamnation devait être portée sur le registre d'écrou ; c'est à cette source
que j'ai puisé et j'ai réussi. Comme vous le voyez, je n'ai rien épargné ; j'ai
mis tout en œuvre pour connaître la vérité, et je m'en fais gloire ; car cela
prouve que je n'agis pas à la légère.
Il y a contre Orman quatre jugements, le premier du 28 mars 1826 ; il
n'était pas encore majeur, il n'avait que 20 ans, dit-on ; mais il a été
condamné à trois mois de prison pour coups et blessures sur des agents de la
force publique, ce qui constituait à proprement parler le délit de rébellion ;
et la demande en grâce, comme on me l'écrit, a été rejetée tellement le fait a
été considéré comme grave. Quelques années après, par un deuxième jugement, il
a été condamné, pour rixe dans un cabaret, à une peine de police par le juge de
paix de Lessines ; et maintenant qu'il est greffier de ce siège il a sous la
main l'original du jugement qui le condamne ; comme on dit à mes côtés, lui
certes n'en aurait pas délivré un extrait, l'extrait que j'ai sous les yeux m'a
été remis par un autre fonctionnaire.
Le troisième jugement est de 1842 ; il n'était plus mineur alors ; il a
été condamné par le tribunal de Tournay pour avoir mis sur ses paquets de
chicorée la marque et l'étiquette de M. Orban et fils de Liége.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Ce fait sans doute est blâmable,
mais en Angleterre, en France et dans les pays industriels, on imite tous les
jours les marques des fabriques étrangères, sans que l'on attache à ce fait un
tel caractère de criminalité.
M. Verhaegen. - Vous dites, M. le ministre des affaires étrangères,
que c'est encore là un fait insignifiant ? Cela se fait, prétendez-vous, tous
les jours en Angleterre ! Mais si cela se fait en Angleterre, cela ne se fait
pas d'Anglais à Anglais ; on ne trompe pas ainsi ses concitoyens, et d'après
moi on ne trompe pas non plus des étrangers. Si d'autres pensent différemment,
je le regrette ; il y a là un fait d'indélicatesse, je le dis tout haut,
puisque des interrupteurs osent me provoquer. On m'a jeté des reproches assez
amers à la tête, on me permettra sans doute bien de me défendre !
Qu'on en prenne bonne note, je dirai publiquement partout qu’on voudra
ce que je dis ici à cette tribune, et si M. le ministre des affaires étrangères
veut encore révéler que ce que j'incrimine se fait tous les (page 490) jours, je lui répondrai qu'il
y a bien d'autres choses qui se font tous les jours et qui ne sont pas
honorables.
M. Delfosse. - C'était un agent électoral du district d'Ath.
M. Dubus (aîné). -
Pas du tout ! Il appartient au district de Soignies.
M. Verhaegen. – Il est à cheval sur les deux districts ; il a un
pied dans le district d'Ath, l'autre dans le district de Soignies, et c'est
précisément pour cela qu'il est beaucoup plus important que celui qui ne serait
assis que dans un seul district.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - C'était si peu un agent électoral
que j'avais recommandé à mon collègue de la justice M. Lepoivre, le candidat
dont l'honorable membre a pris la défense.
M. Delfosse. - Vous l'appuyez ici.
M. Verhaegen. - Enfin il y a un quatrième jugement, mais la
condamnation qu'il constate, j'en conviens, se réduit à une condamnation
civile.
Il a été rendu par le tribunal de Tournay, sous la présidence de
l'honorable M. Dubus (aîné). Mais comme je mets beaucoup de réserve dans mes
attaques, et qu’il ne s'agit que d'une condamnation ordinaire au civil, je me
borne à citer la date du jugement, qui est du 18 novembre 1837. Si l'on veut
que j'aille plus loin, je le ferai ; mais je ne pense pas que ce soit dans les
formes parlementaires. (Parlez !
parlez !) Soit ! Je parlerai.
On peut avoir un enfant naturel reconnu ; cela peut arriver au plus honnête
homme du monde, c'est ce que l'on appelle une faute ; mais quand on a reconnu
un enfant naturel, il faut pourvoir à son alimentation.
M. de
Foere. - C'est odieux !
M. Verhaegen. -Vous trouvez que c'est odieux ; mais on m'a provoqué
à parler.
M. de Foere. - Vous
devriez résister à de semblables provocations !
M. Verhaegen. - Vous trouvez donc que vos amis ont tort de me
provoquer, soit ! Retenez-les à l'avenir.
Je n'irai pas plus loin sur ce terrain. Si l'on veut que j'en dise
davantage, on m'interpellera. L'honorable M. Dubus sait encore mieux que moi ce
qui en est.
M. Dubus (aîné). -
Je n'en sais pas le premier mot. L'honorable membre ne suppose pas sans doute
que j'apprenne par cœur les jugements auxquels je prends part.
M. Verhaegen. - Le jugement porte le nom de M. Dubus, président.
Toujours est-il que voilà quatre actes authentiques, quatre jugements,
qui autorisent toute personne à dire à ce fonctionnaire : Vous avez été
condamné à trois mois de prison pour sévices envers des agents de la force
publique ; vous avez été condamné par un tribunal de police, pour rixe dans un
cabaret ; vous avez été condamné par le tribunal de Tournay pour avoir mis sur
vos paquets de chicorée des marques que vous n'aviez pas le droit d'y mettre ;
vous avez été condamné civilement par le même tribunal pour prestation
d'aliments au profit d'un enfant naturel, et ce fonctionnaire n'aurait rien à
répondre !
Pour cet homme que nous venons de faire connaître de nouveau, on n'avait
pas les recommandations des autorités judiciaires et administratives, mais on
en avait d'autres. II a été nommé greffier ; et il est greffier aujourd'hui en
fonctions.
Je dis, moi, que c'est injustifiable.
Aussi comment M. le ministre de la justice cherche-t-il à se justifier ?
Il m'a d'abord donné un démenti, quant à ce qui s'est passé en 1838, lors d'une
première vacature.
En 1838, est venu à mourir, à Lessines, M. Jouret, beau-père d'Orman.
Orman demande la place, il est vrai, comme l'a dit M. le ministre de la
justice, qu'Orman a été présenté comme premier candidat par M. le procureur
général et par M. le procureur du roi. Mais il n a pas été nommé, et pourquoi ?
Parce que les renseignements sont arrivés à temps pour apprendre qui il était.
En quoi donc ai-je mérité le démenti que vous m'avez donné ?
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - En disant qu'il a été écarté par
M. le procureur général qui l'a présenté comme premier candidat, ainsi que le
procureur du roi.
M. Verhaegen. - Il n'a pas été nommé ; il a donc été écarté. Il
était cependant le gendre de M. Jouret.
M. Lepoivre, compétiteur d'Orman, avait, de toutes les autorités, les
attestations les plus favorables qu'un candidat puisse obtenir. Orman n'avait
rien de semblable ; il n'avait à invoquer que des condamnations.
Pourquoi M. le ministre de la justice a-t-il nommé Orman ? Pourquoi
n'a-t-il pas nommé Lepoivre qui avait en sa faveur tous ces certificats que
vous avez pu lire dans le Moniteur de ce matin, Lepoivre en faveur de qui le
juge de paix et son suppléant étaient venus solliciter M. le ministre ?
C'est, nous dit M. d'Anethan, parce que tout le monde voulait Lepoivre,
C'est parce qu'il y avait une cabale organisée à son profit et qu'il n'a pas
voulu céder à une cabale !
Mais s'il y avait une cabale organisée en faveur de Lepoivre, cabale
dont était tout le monde, jusque et y compris un collègue de M. d'Anethan, M.
Dechamps, qui vient de le proclamer tout à l'heure, croira-t-on que ceux qui
avaient organisé cette cabale en faveur de Lepoivre ne soient pas venus dire à
M. le ministre de la justice qui était son compétiteur, croira-t-on qu'ils ne
lui aient pas fait connaître que c'était un homme flétri par la justice ? Les
cabaleurs profilent de tous les moyens. Comme l'a dit M. le ministre de la
justice lui-même, on a mis en avant tous les moyens possibles ; et certes, on
n'a pas omis celui résultant de la moralité d Orman ; rien ne s'opposait
d'ailleurs à l'emploi de ce moyen.
Messieurs, j'ai eu l'honneur de vous dire, et j'ai prouvé que le
gouvernement était parfaitement informé des condamnations d'Orman, avant sa
nomination, qui date du 6 septembre 1846.
J'avais des renseignements précis sur ce point dans une correspondance
qui porte, entre autres, que le juge de paix de Lessines, qui avait donné un
certificat en faveur de Lepoivre, était même venu à Bruxelles solliciter en sa
faveur et qu'il avait informé le gouvernement du véritable état des choses ; de
plus que M. le juge suppléant Jouret (un autre Jouret, le notaire) était aussi
venu à Bruxelles et que celui-ci avait même déclaré que si l'on nommait Orman,
il aurait donné sa démission, attendu qu'il ne pouvait pas siéger à côté d'un
homme tel que celui-là. Il y avait tout cela, messieurs, et on a osé me donner
un dément !
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Et je vous le donne encore.
M. Verhaegen. - Vous me le donnez encore. Le démenti est au moins
très imprudent.
La nomination ayant eu lieu, M. Jouret, notaire, premier suppléant,
donna, comme il en avait prévenu le gouvernement, sa démission. Ce fait est-il
vrai ?
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). – Très vrai.
M. Verhaegen. - Il la donna dans les termes que j'ai indiqués. Le
fait est-il encore vrai ?... Il dit à Sa Majesté, en termes fort respectueux,
comme il le devait, qu'il ne pouvait pas siéger à côté d'un homme tel que
celui-là, et il termina en disant que toutes ces circonstances avaient été
portées à la connaissance du ministère.
Voilà ce que dit M. Jouret en donnant sa démission au Roi. Voilà ce que dit,
dans un acte officiel un homme respectable, un conseiller communal. Oh ! mais à
M. Jouret comme à moi-même, M. le ministre donne un démenti, et entre celui qui
affirme et celui qui nie, il y a partage. Heureusement, messieurs, que la
Providence a veillé pour constater de quel côté est la vérité ! Il y avait hier
dans la tribune réservée un autre conseiller communal de Lessines, et ici je
prie M. le ministre de la justice de faire une attention toute spéciale ; cet
autre conseiller communal de Lessines lui avait fait demander, dans le courant
du mois d'août 1846, par une personne qui a de l'influence sur son esprit, une
audience à l'effet de lui parler de la place vacante du greffe de la justice de
paix de Lessines. Celle audience lui fut accordée un jour, à 7 heures du matin,
et voici, messieurs, puisqu'il faut un tiers qui vide le partage, la
conversation qui eut lieu ; ceci va probablement rafraîchir la mémoire à M. le
ministre ; on parla d'abord du congrès libéral.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Est-ce chez moi ?
M. Verhaegen. - Oui, à 7 heures du matin. Vous avez demandé des
renseignements sur le congrès libéral, puis vous avez parlé de l'affaire de
Lessines ; vous avez déclaré qu'il n'y avait que deux candidats sérieux ; un
nommé Provoieur et un nommé Lepoivre ; cela remplissait le but de celui qui
avait demandé l'audience, mais par mesure de précaution, comme tout autre
l'aurait fait en pareille occurrence, il ajouta : « Il ne s'agira jamais,
n'est-ce pas, de nommer Orman ? Orman a été condamné plusieurs fois. » Et vous
avez répondu : « Il ne peut pas être question de cela ; j’en sais assez par le
juge de paix et par son suppléant. (Interruption).
Le fait n'est-il pas vrai ?
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je n'ai pas vu le juge de paix ni
le suppléant.
M. Verhaegen. - Vous donnez donc aussi un démenti à ce conseiller
communal ?
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Le démenti est celui-ci, c'est que
lorsque Orman a été nommé j'ignorais complètement la condamnation dont il a été
frappé. Voilà ce que je déclare, et j'en ai la preuve, écrite dans mon dossier.
M. Verhaegen. - Eh bien, je vais lire une partie de la lettre qui
m'a été adressée aujourd'hui à cet égard. Je ne la lirai pas entièrement parce
qu'il y a un passage que je veux passer sous silence : mais l'original est à
l'inspection de M. le ministre.
Voici cette lettre :
« 14 janvier 1847,
« Monsieur le représentant,
« J'étais à la tribune réservée lorsque vous avez parlé de l'affaire
d'Orman ; la réponse de M. le ministre m'a grandement surpris, et je dois vous
dire que tous les faits que vous avez articulés sont conformes à la vérité.
« Recommandé par un des affidés du ministre de la justice, j'ai eu
chez ce dernier une audience particulière, à 7 heures du malin, dans un des
jours du mois d'août 1846 ; et là, après avoir parlé du congrès libéral sur
lequel il me demandait des renseignements, il m'a dit qu'il n'y avait pour la
place de Lessines que deux candidats sérieux, Lepoivre et Provoieur ; je lui ai
parlé des différentes condamnations contre Orman et de ses antécédents ; et il
m'a répondu qu'il ne pouvait pas être question de lui, qu'il en savait assez
par le juge de paix et son suppléant Jouret.
(page 491) « Je dois
ajouter que si Orman a été nommé il y a quelque temps, à la fin de 1845 à ce que
je crois, conseiller communal, il doit cette nomination aux démarches du clergé
dont il avait secondé les vues dans les élections générales.
« Je vous autorise à lire la présente lettre à la chambre et j'ai
l'honneur, etc.
« (Signé) F. Janssens,
« conseiller communal à Lessines. »
Est-ce clair ? le tiers pour vider le partage s'est présenté, et il m'a
dispensé d'en dire davantage.
- La séance est levée à quatre heures et demie.