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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 19 janvier 1847
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2) Projet
de loi portant le budget du département de la justice pour l’exercice 1847.
Culte catholique. Evolution politique du ministre de la justice, influence
occulte de l’épiscopat, contrôle de l’Etat sur le temporel des établissements
religieux (séminaires) (Delfosse, (+traitement du
personnel ecclésiastique et droit pour les évêques de nommer les desservants du
culte sans intervention de l’Etat) d’Anethan),
contrôle de l’Etat sur le temporel des établissements religieux (séminaires)
traitement du personnel ecclésiastique (Verhaegen, (+droit
pour les évêques de nommer les desservants du culte sans intervention de l’Etat) Lys), droit pour les évêques de nommer les
desservants du culte sans intervention de l’Etat (de Haerne), contrôle de l’Etat sur le temporel des
établissements religieux (séminaires) (Lebeau, Delfosse, Dubus (aîné), Delfosse, d’Anethan, Delfosse, d’Anethan)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1846-1847)
(Présidence de M. Dumont.)
(page 523)
M. Van
Cutsem fait l'appel nominal à 1 heure et un
quart.
M.
de Man d’Attenrode lit le
procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Huveners présente
l'analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Plusieurs propriétaires cultivateurs, à Ninove, prient la chambre de
s'occuper, pendant la session actuelle, des projets de lois sur l'enseignement agricole,
sur l'exercice de la médecine vétérinaire et sur l'organisation de l'école
vétérinaire de l'Etat.
« Même demande de plusieurs artistes vétérinaires. »
_________________
- Renvoi aux sections centrales qui seront chargées de l'examen des
projets.
_________________
« L'administration communale de
Freux prie la chambre de rejeter le projet de loi sur le défrichement des
bruyères. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet.
_________________
« Le sieur Van Imschot de Brock
demande la restitution du droit qui a été exigé sur les deux chargements de
chanvre importés à Ostende directement du lieu de production et sous pavillon
hollandais. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
_________________
« Le sieur Dierckens, ancien
commis des accises, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir une
indemnité du chef des frais que lui ont occasionnés ses divers changements de
résidence. »
- Même renvoi.
RAPPORTS SUR DES DEMANDES EN NATURALISATION
M. Henot
présente plusieurs rapports sur des demandes en naturalisation.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA
JUSTICE POUR L’EXERCICE 1847
Discussion des articles
Chapitre VIII.
- Cultes
Article premier
M. le président. - La discussion continue sur l'ensemble du chapitre
VIII, Cultes.
(page 524) M. Liedts remplace M. Dumont au
fauteuil.
M. Delfosse. - Messieurs, j'ai déposé hier quelques amendements,
mais je me suis fait inscrire pour présenter quelques considérations générales
sur le chapitre des cultes. Je les présenterai et je profiterai de cette
occasion pour développer mes amendements.
Messieurs, l'influence de l'épiscopat sur le gouvernement et
particulièrement sur M. le ministre de la justice, ne saurait plus être niée.
Je me trompe, on peut la nier comme on nie les choses les plus évidentes, comme
on nie des faits qui résultent d'actes authentiques ; mais ces dénégations ne
trompent personne.
S'il fallait donner de nouvelles preuves de l'influence que je signale,
je les trouverais dans la chaleur que l'extrême droite a mise, cette fois, à
défendre M. le ministre de la justice.
D'honorables collègues de l'extrême droite, hommes graves et éminemment
religieux, ont été jusqu'à faire l'apologie d'un fonctionnaire plusieurs fois
condamné, jusqu'à le présenter comme un homme des plus honorables, victime
d'indignes calomnies. J'ai vu le moment où l’on en ferait un petit saint.
Rassurez-vous, messieurs, mon intention n'est pas de renouveler de
pénibles débats ; l'opinion libérale n'en a pas besoin ; sa cause est désormais
gagnée, l'apologie du sieur Orman et les dénégations de M. le ministre de la
justice porteront leurs fruits comme plus d'une autre affaire a porté les
siens.
M. le ministre de la justice s'écriait il y a quelque temps : « A
Dieu ne plaise que la gauche devienne jamais majorité ! » Ce serait sans
doute un grand malheur pour le pays, qui est, comme on sait, très satisfait de
tout ce qui se passe ; mais, n'en déplaise à M. le ministre de la justice, ce
malheur arrivera et il arrivera bientôt.
Je m'arrête ici, messieurs, je ne voudrais pas donner à M. le ministre
de la justice plus d'importance qu'il n'en a ; je ne voudrais pas le confirmer
dans cette idée, qu'il serait, comme M. Nothomb, le point de mire des attaques
de l'opposition.
L'honorable M. de Brouckere a déjà dissipé hier cette illusion née de
sentiments trop présomptueux. M. Nothomb, l'honorable M. de Brouckere nous l'a
dit, était l'âme du cabinet ; en l'abattant, on abattait le ministère, on
pouvait espérer d'abattre le système.
En abattant M. le baron d'Anethan, on n'abattrait rien du tout, je veux
parler du système.
M. le baron d'Anethan ne ressemble à M. Nothomb que par les petits côtés
; et encore, on peut dire que M. Nothomb subissait les influences cléricales,
au lieu que M. le ministre de la justice court au-devant.
L'influence des évêques sur M. le ministre de la justice est telle qu'il
n'ose pas même supposer que ces dignitaires ecclésiastiques peuvent se tromper.
M. le ministre de la justice va jusqu'à leur accorder des subsides auxquels ils
n'ont droit qu'en cas d'insuffisances de ressource, sans exiger d'eux la
production d'aucune pièce justificative ; M. le ministre de la justice nous l'a
dit naïvement : il croit les évêques sur parole !
Un tel système peut conduire fort loin, et j'aime à croire que M. le
ministre des finances ne le met pas en pratique en matière d'impôts.
« Les évêques, dit M. le ministre de la justice, sont incapables
d'avancer des faits inexacts. » Il y aurait bien des choses à dire à ce sujet.
Des évêques n'ont-ils pas fait servir la franchise de port, qui ne leur est
accordée que pour le service du culte, à l'envoi de circulaires électorales ?
Mais je veux admettre que les évêques soient toujours, en toutes
circonstances, incapables d'avancer des faits inexacts. On pourrait en dire
autant des administrations communales ; et cependant lorsque les
administrations communales demandent des subsides, on exige d'elles la
production de toutes sortes de documents, on les assujettit aux formalités les
plus minutieuses.
L'administration ne doit pas avoir égard à la qualité des personnes ;
quelle que soit la confiance que les personnes lui inspirent, son devoir est de
s'assurer, par l'examen de pièces régulières, de l'existence des faits que l'on
invoque pour puiser dans le trésor public.
La faiblesse de M. le ministre de la justice, dans ses rapports avec le
haut clergé, devrait engager la chambre à prendre quelques mesures pour forcer
M. le ministre de la justice à mieux remplir à l'avenir son devoir. C'est dans
ce but que j'ai présenté un amendement à l'article premier ; j'ai proposé
d'ajouter à l'article premier, dans la colonne d'observations, ce qui suit :
« La partie de cette allocation, destinée aux séminaires, ne sera payée
que dans le cas d'insuffisance de leurs ressources dûment constatée. »
Vous ne voudrez sans doute pas, messieurs, surtout dans un moment où la
misère est si grande, que le trésor public se dessaisisse de sommes
considérables, avant d'avoir acquis la certitude qu'elles sont réellement dues.
L'article 2 du chapitre des Cultes a été considérablement augmenté
depuis quelques années. Vous savez tous que la principale cause de cette
augmentation, a été la création d'une grande quantité de succursales. On en a
créé en une seule année, et par un seul arrêté, plus de trois cent cinquante.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Quatre cent dix.
M. Delfosse. - C'est encore mieux, Je me suis élevé dans le temps
avec force contre cette fournée, qui a été loin d'améliorer la position du
clergé inférieur ; beaucoup de curés et de desservants ont au contraire perdu,
par suite du démembrement de leur paroisse, une bonne partie des avantages dont
ils avaient joui jusqu'alors.
Je ne reviendrai pas là-dessus ; mais le souvenir du passé doit nous
rendre plus prévoyants. C'est pourquoi j'ai aussi présenté un amendement à
l'article 2. J'ai proposé d'ajouter à cet article, dans la colonne
d'observations, qu’ « il ne sera plus créé de place dotée avant que
les chambres n'aient alloué les fonds ».
Quand les places sont créées à la suite d'arrangements intervenus entre
les évêques et le gouvernement, il vous est bien difficile de rejeter la
dépense.
On vient vous dire que c'est un fait accompli, que la place est créée,
que l'ecclésiastique est placé ; ces considérations vous engagent à voter la
dépense. Si vous voulez, messieurs, être entièrement libres dans le vote, vous
devez adopter mon amendement.
M. le ministre de la justice nous propose encore sur cet article une
augmentation de 6,880 fr. C'est peu de chose. Mais cette augmentation n'est pas
justifiée. Je le démontrerai lors de la discussion de l'article. Si M. le
ministre nous propose cette augmentation, c'est probablement pour qu'on ne
puisse pas dire qu'il a laissé passer une seule année sans augmenter le budget
des cultes, sans donner un démenti à la promesse faite pir l'honorable M. de
Theux en 1840, que le chiffre demandé pour le culte catholique serait désormais
un chiffre normal qui ne s'accroîtrait plus.
L'article 3, qui a été aussi considérablement grossi les années précédentes,
ne subit pas cette fois d'augmentation. Je n'en trouve pas moins le chlfire de
440,000 fr. énorme.
Que l'on construise des églises dans les localités où le besoin s'en
fait réellement sentir ; qu'on restaure les édifices du culte pour les mettre à
l'abri des injures du temps ; rien de mieux ; je suis le premier à applaudir à
ces dépenses.
Mais on pourrait se dispenser d'élever des monuments dans de petites
communes qui sont pour ainsi dire sans ressources. On pourrait avoir moins de
cinq églises dans un seul village qui ne compte guère plus de 4,000 habitants.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Où cela ?
M. Delfosse. - A Battice. Je l'ai dit, l'année dernière, et j'en
ai cité d'autres.
On pourrait surtout attendre des temps meilleurs pour se permettre des
dépenses de luxe ; par exemple, pour placer, à l'extérieur, des centaines de
statues, dans des niches qui pourraient rester vides quelques années encore
sans danger pour les édifices, et sans inconvénient pour la religion.
Il y aurait encore un autre moyen de réduire les dépenses de l'Etat ; ce
serait de mieux surveiller l'emploi des revenus des fabriques d'églises. Le
conseil provincial de Liège a pris une mesure que nous ferions bien d'imiter.
Il a décidé qu'il ne serait plus accordé de subsides aux fabriques d'églises
sur les fonds provinciaux qu'autant qu'elles consentiraient à soumettre, chaque
année, leurs budgets et leurs comptes à la députation permanente.
Cette mesure est excellente pour arrêter la tendance que beaucoup da
fabriques montrent à employer l'excédant de leurs revenus à l'achat d'objets de
luxe tels que tableaux, dais, argenterie, etc., etc., sachant bien que,
lorsqu'il faudra plus tard réparer leurs églises, les communes, les provinces
ou l'Etat devront leur venir en aide.
Il y aurait un troisième moyen de réduire les dépenses de l'Etat, ce
serait d'exécuter les dispositions en vigueur qui défendent de faire des
collectes sans autorisation. Si les fidèles étaient moins excités à donner pour
les ordres mendiants, ils donneraient plus souvent et davantage pour les
pauvres et pour l'entretien des églises.
Je n'ai pas besoin de vous dire, messieurs, que je n'attends pas ces
mesures de M. le ministre de la justice.
M. le ministre de la justice nous a
dit l'autre jour une grande vérité ; il nous a dit (en répondant à l'honorable
M. Pirson) qu'il n'était pas changé depuis son entrée au ministère. Je suis
parfaitement de cet avis. Tel M. le baron d'Anethan était lors de son entrée au
ministère, tel il est aujourd'hui, M. le ministre de la justice voudra bien à
son tour reconnaître que je ne suis pas du petit nombre des membres de la
gauche, qui ont pris le change sur son compte, et qui lui ont fait, dans le
principe, un bon accueil.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L'honorable M. Delfosse est revenu
sur les paroles qu'avait prononcées hier l'honorable M. de Brouckere, lorsqu'il
a exprimé son opinion sur ce que j'avais dit relativement aux attaques dirigées
contre moi.
Ces deux honorables membres ont pris singulièrement le change sur le
sens et la portée des expressions dont je me suis servi. Jamais il n'est entré
dans ma pensée de me comparer à l'honorable M. Nothomb. Je reconnais, avec mes
adversaires, le talent si remarquable de mon honorable ami ; et, je le répète,
je n'ai pas la prétention ridicule d'être placé sur la même ligne que lui.
Mais sans avoir le talent éminent de M. Nothomb, on peut pourtant être
un ministre à la hauteur de ses fonctions, et dès lors pouvant rendre service à
mon pays, je suis resté au banc ministériel. Au reste, messieurs, l'honorable
M. Delfosse et l'honorable M. de Brouckere auront bien, je pense, s'ils se
comparaient à mon honorable ami, M. Nothomb, la modestie de se rendre à tous
deux la même justice, que je ne fais aucune difficulté à me rendre à moi-même.
M. Delfosse. - Je ne me suis pas vanté.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). – Je ne me suis pas vanté non plus.
M. Delfosse. - On aurait pu le croire.
(page 525) M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Vous vous êtes complétement
trompé.
Messieurs, je vais répondre au discours qu'a prononcé hier l'honorable
M. Lys ; je répondrai ensuite à celui que vous venez d'entendre de l'honorable
M. Delfosse.
L'honorable M. Lys a débuté en disant qu'il se commettait de nombreux
abus dans l'administration des cultes. J'avais pensé, d'après le début, qu'il
allait développer une longue série de griefs et surtout des griefs nouveaux.
Mais tout s'est borné en grande partie à la répétition du discours prononcé
l'année passée par l'honorable membre et auquel je pense, il a été suffisamment
répondu.
Deux autres nouveaux reproches seulement m'ont été faits par l'honorable
M. Lys, et il a corroboré quelques-unes de ses observations de l'année passée
par de nouvelles observations. Je vais répondre aux faits nouveaux et aux
observations nouvelles que l'honorable membre a présentées à l'appui de ses
anciens griefs.
L'honorable M. Lys a commencé par me demander ce qu'étaient les prêtres
auxiliaires dont, pour la première fois, dit-il, le budget fait mention.
L'honorable membre aura pu remarquer que les développements du budget
sont dressés cette année d'une manière beaucoup plus complète que les années
précédentes ; que les tableaux explicatifs de la manière dont le personnel est
réparti sont beaucoup plus détaillés.
Voilà pourquoi nous avons ajouté cette année une catégorie de prêtres
qui ne figurait pas auparavant dans les détails du budget, les prêtres
auxiliaires. Or, que sont ces prêtres auxiliaires ? Ce sont d'anciens prêtres,
très peu nombreux, qui reçoivent un traitement de 210 fr. qui leur a été
accordé avant 1830. Ces prêtres ont toujours été payés sur les vacances de
place ; ils continueront à l'être, et leur nombre diminue tous les ans. Le roi
Guillaume avait accordé ce traitement de 210 fr. à d'anciens prêtres qui
allaient aider à faire le service dans quelques paroisses, et qu'on employait
dans certaines circonstances ; ils ont continué à recevoir le même traitement
depuis 1830. Mais, comme je l'ai dit, le nombre de ces prêtres va chaque année
en diminuant, aucune nouvelle nomination n'ayant eu lieu.
C'est ainsi qu'avant 1830, il y avait des traitements personnels ou des
augmentations de traitement qui ont continué à être payés, mais qui diminuent
tous les ans.
Voilà l'explication que j'avais à donner quant aux prêtres auxiliaires.
J'arrive à une autre catégorie de prêtres, les prêtres français,
auxquels une indemnité est accordée.
Il existe, messieurs, sur les confins du pays quelques hameaux qui sont
très rapprochés des églises françaises, et qui sont au contraire très éloignés de
nos églises belges. Depuis avant 1830, les personnes appartenant à ces hameaux
vont remplir leurs devoirs religieux en France, et toujours une indemnité a été
accordée aux prêtres français qui desservent les églises où se rendent les
Belges, et se rendent chez ces derniers quand leur ministère est requis. On a
continué à en agir ainsi, et je ne pense pas qu'il y ait lieu de s'en plaindre.
Si l'on abandonnait cette voie, au lieu de donner une indemnité aux prêtres
français, il y aurait lieu à créer de nouvelles chapelles ou de nouvelles
succursales, de manière à permettre aux personnes qui habitent ces hameaux de
l'extrême frontière de remplir leurs devoirs religieux, ce qui constituerait
une dépense plus considérable.
Ainsi, messieurs, je crois que cette légère indemnité accordée à des
prêtres doit être considérée, sainement entendue, comme une véritable économie.
Au reste cela a toujours existé et je pense qu'il y a lieu de maintenir cet
état de choses.
L'honorable M. Lys est revenu, messieurs, sur l'exécution des
différentes dispositions du décret de 1813. L'honorable membre a cité notamment
les articles 80 et 62, le premier relatif à la reddition des comptes, le second
relatif à la nomination des trésoriers. J'ai dit, messieurs, l'année dernière
les motifs pour lesquels j'avais pensé qu'il ne convenait pas d'exécuter à la
lettre les dispositions du décret de 1813. J'ai fait ressortir combien il
pourrait en résulter d'entraves pour l'administration même des séminaires. Je
pensais, messieurs, avoir suffisamment répondu, au moyen des considérations
dans lesquelles j'étais entré, aux différentes observations qui avaient été
faites. Maintenant on revient à la charge ; force m'est donc de donner quelques
développements à ma pensée de l'année dernière.
Messieurs, lorsque les puissances alliées entrèrent en Belgique et
lorsque cessa chez nous le régime français, les puissances alliées donnèrent
une déclaration, en date du 7 mars 1814, qui était de la teneur suivante :
« Les victoires éclatantes que les armées de leurs hautes puissances
alliées ont remportées par le secours de Dieu, ayant affranchi le clergé de la
Belgique de toutes les entraves mises à l'exercice de la religion catholique
apostolique et romaine, le gouvernement, conformément aux intentions de leurs hautes
puissances alliées, maintiendra inviolablement la puissance spirituelle et la
puissance civile dans leurs bornes respectives, ainsi qu'elles sont fixées par
les lois canoniques de l'Eglise et les anciennes lois constitutionnelles du
pays.
« En conséquence, toutes les affaires ecclésiastiques resteront en mains
des autorités spirituelles, qui soigneront et surveilleront en tout les
intérêts de l'Eglise. C'est donc aux autorités ecclésiastiques que l'on devra
s'adresser pour tout ce qui concerne la religion.
« En transmettant cette résolution à votre clergé, vous pouvez,
messieurs, lui assurer la protection spéciale du gouvernement.
« Bruxelles, le 7 mars 1814.
« En l'absence de M. le duc de Beaufort,
« Signé, le comte E. de Robiano.
« Et pour copie conforme :
« P.-J. L'Ortoye.
« Vu et approuvé la déclaration ci-dessus tout à fait conforme aux
vues bienfaisantes des hautes puissances alliées,
« Les commissaires généraux de l'administration de Belgique,
« Signés, comte de Lottum et Délius.
« Pour copie conforme à l'original,
« P.-J. L'Ortoye.»
Voilà, messieurs, la déclaration qui est émanée des puissances alliées
en 1814, et à dater de cette époque, tout le monde a considéré le décret de
1813, qui n'avait, d'ailleurs, jamais été appliqué en Belgique, comme ne
pouvant pas recevoir d'exécution dans plusieurs de ses parties. Aussi,
messieurs, sous le gouvernement des Pays-Bas, jamais le décret de 1813 n'a été
appliqué, ni quant à la nomination des trésoriers, ni quant à la reddition des
comptes. Des observations ont été faites sous le roi Guillaume à l'épiscopat
relativement à la reddition des comptes ; mais par suite des réponses qui ont
été faites à ces observations, le gouvernement, des Pays-Bas a renoncé à
demander cette exécution ponctuelle.
Eh bien, messieurs, je me demande si en présence des principes si larges
de notre Constitution, en présence de l'article qui consacre d'une manière
absolue la liberté des cultes, qui consacre d'une manière absolue
l'indépendance du clergé ; je me demande si c'est le moment de revenir à un
état de choses que n'a pas voulu faire revivre le gouvernement des Pays-Bas. Il
faudrait, pour changer ce qui existe, que l'on signalât les graves
inconvénients de ce qui existe ; il faudrait surtout que l'on prouvât que le
décret de 1813 est encore compatible avec nos institutions et qu'il a encore
force et vigueur.
Or, en présence de la déclaration des puissances alliées et de
l'inaction du gouvernement des Pays-Bas relativement à l'exécution du décret de
1813, je ne pense pas qu'on puisse faire au gouvernement un grief, d'avoir
suivi ce qui a été constamment suivi depuis 1814, ce qui a été suivi par le
gouvernement des Pays-Bas, ce qui a été continué en 1830, sans que jamais aucun
ministre de la justice ait songé à faire revivre toutes les dispositions du
décret de 1813. En répondant tout à l'heure, messieurs, au discours de
l'honorable M. Delfosse et en rencontrant ses différents amendements je dirai
comment j'entends les droits du gouvernement relativement à l'administration temporelle
des séminaires. Je passe maintenant aux autres observations présentées par
l'honorable M. Lys.
L'honorable membre m'a reproché de ne point faire rendre compte par les
corporations religieuses reconnues. Je n'ai pas attendu, messieurs, les
observations qui m'ont été faites dans la chambre, pour m'adresser à qui de
droit, afin d'obtenir la reddition de ces comptes, conformément au décret de
février 1809 ; mais, comme je le disais dans la session précédente, ce n'est
pas alors qu'une disposition n'a pas été appliquée pendant longtemps, et
qu'elle a été considérée par beaucoup de monde, et même par des fonctionnaires
haut placés, comme n'existant plus, ce n'est pas alors que, d'une manière en
quelque sorte brutale, on pouvait faire revivre des dispositions dont
l'inexécution semblait consacrée, sinon par la loi, tout au moins par le
non-usage. Néanmoins, comme ce droit me paraissait une obligation, déjà avant
que l'on ne m'eût adressé des observations à ce sujet, j'avais adressé à M.
l'archevêque et à M.M. les évêques, une circulaire relative à cet objet ; cette
circulaire, messieurs, qui porte la date du 29 novembre 1844, est de la teneur
suivante :
« A MM. le cardinal-archevêque et les évêques de Malines, Bruges, Gand,
Liège et Namur.
« MM. l'archevêque et évêques,
« Je pense que l'article 20 de la Constitution et l'arrêté du
gouvernement provisoire du 16 octobre 1830, ne concernent que les associations
qui n'ont point demandé et obtenu d'être reconnues par le gouvernement comme
institutions publique ; mais que, quant à celles qui existent comme personnes
civiles, en vertu de dispositions du gouvernement, prises aux termes de
l'article 2 du décret du 18 février 1809, elles restent soumises à l'obligation
établie par l'article 15 du décret.
« En effet, comme établissements légaux d'intérêt public, elles ont le
privilège d'acquérir, avec l'autorisation du Roi, des biens, rentes et revenus
pour l'accomplissement de leur mission de charité ; ces biens sont, en réalité,
le patrimoine du pauvre et le gouvernement, tuteur-né des établissements
publics et des intérêts des pauvres, doit pouvoir veiller à la conservation de
ces biens et au bon emploi, à leur destination, de leurs revenus. Cela est de
principe, indépendamment de toute disposition législative, et ce principe,
l'article 15 du décret de 1809 ne fait que le confirmer.
« Je viens, en conséquence, vous prier, MM. l'archevêque et
évêques, de vouloir bien inviter les congrégations hospitalières reconnues qui existent
dans votre diocèse, à m'adresser annuellement le compte de leurs revenus.
« Si, cependant, vous ne partagiez pas mon opinion sur cette gestion, je
vous prierais, MM. l'archevêque et évêques, de vouloir bien me faire connaître
les motifs sur lesquels vous fondez la vôtre.
(page 526) « Agréez,
MM. l'archevêque et évêques, l'assurance de ma haute considération.
« Le ministre de la justice, (Signé) : J. d'Anethan. »
Cette circulaire a amené l'effet désiré. Les comptes des corporations
religieuses, à l'exception d'un seul diocèse, m'ont été rendus et je ne doute
pas que pour l’année qui vient de s’écouler je ne reçoive aussi les comptes des
corporations religieuses, pour le diocèse auquel j’ai fait allusion.
Voilà ce que j'ai fait relativement aux corporations reconnues. Il me
semble que dans ma conduite il y a eu de la prudence, et qu'on ne peut y
trouver la preuve de cet asservissement sans borne aux volontés de je
l'épiscopat, que l'on ne cesse de me reprocher.
L'honorable M. Lys trouve mauvais que les traitements des professeurs ne
soient pas fixés par le gouvernement. Il trouve qu'il serait possible et même
juste que le gouvernement fixât ces traitements, et répartît lui-même la somme
de 8,000 fr. qu’il donne pour compléter ce qui manque aux séminaires pour le
payement des professeurs.
Le reproche de ne pas avoir fixé ces traitements ne peut s'adresser à
moi ; mais il peut plutôt s'adresser à l'auteur de l'arrêté du 28 mars 1834.
L'article 2 de cet arrêté porte : « Il est alloué au séminaire archiépiscopal
et à chacun des séminaires épiscopaux un subside annuel de huit mille (8,000
fr.), qui sera réparti par le chef respectif du diocèse, à titre de
traitements, entre les directeurs, professeurs et autres personnes chargées de
l'enseignement dans lesdits séminaires.
Ainsi, en 1834, on reconnaissait, et avec raison, ce me semble, que
c'était à MM. les évêques à répartir entre les professeurs, suivant leur
mérite, les 8,000 fr. qui étaient accordés par le gouvernement.
Depuis, on a suivi la même marche.
J'ai fait rechercher ce matin les pièces relatives à cet arrêté de 1834,
et il m'a paru que tout s'était passé de commun accord entre les évêques et le
gouvernement.
L'honorable M. Lys a prétendu ensuite que le chiffre des biens de cure
porté au budget en déduction des traitements, était trop peu élevé ; ce chiffre
est, il est vrai, peu considérable, il ne s'élève qu'à 5,000 fr. ; depuis que
je suis au ministère, il s'est déjà augmenté. Depuis assez longtemps je me suis
adressé à M. le ministre des finances, et mon collègue fait faire les
recherches convenables pour s'assurer s'il existe d'autres biens de cure, mais
c'est un travail qui exige beaucoup de temps.
L'honorable M. Lys a terminé son discours en parlant des droits des
desservants à l'inamovibilité, et en critiquant la doctrine que j'avais
adoptée, relativement à l'interprétation des articles organiques ; l'honorable
membre a même dit que l'honorable M. Lebeau avait démontré que ces articles
n'étaient plus exécutoires en Belgique.
Je pense que, si ces articles organiques n'étaient plus d'une manière
générale ni obligatoires, ni exécutoires en Belgique, on serait fort gêné dans
les relations qui existent entre le gouvernement et le clergé ; je ne me
rappelle pas que l'honorable M. Lebeau ait fait la démonstration dont a parlé
l'honorable M. Lys. Si mes souvenirs ne me trompent pas, l'honorable M. Lebeau
a dit que quelques-uns des articles organiques étaient incompatibles avec nos
institutions actuelles, et j'ai donné alors une entière adhésion à ces paroles.
J'arrive maintenant au discours de l'honorable M. Delfosse qui a
présenté divers amendements relativement au budget des cultes.
Le premier amendement, applicable à l'article premier, est conçu en ces
termes :
« Ajouter dans la colonne d'observations :
« La partie de cette allocation, destinée aux séminaires, ne sera payée
que dans le cas d'insuffisance de leurs ressources dûment constatée. »
Messieurs, cet amendement me paraît complétement inutile, attendu que
j'ai déclaré, comme je déclare encore, que c'est seulement en cas
d'insuffisance des ressources que je me propose d'accorder des fonds aux
séminaires qui démontreraient cette insuffisance.
Je ne pense pas qu'il faille mettre, exceptionnellement pour le culte,
une réserve qui est empreinte de défiance et qui n’a été adoptée pour aucun
crédit dans aucun des autres budgets. Il doit suffire que je fasse la
déclaration formelle que les allocations ne seront employées que lorsqu’il sera
justifié que les ressources des séminaires ne sont pas suffisantes. Le
gouvernement ne disposera de ces fonds que lorsqu’il aura acquis cette
certitude ; lors de la discussion du budget de l’année prochaine, on
pourra me demander compte de la manière dont les subsides auront été
alloués ; on pourra me demander de justifier devant la chambre qu’il y a
insuffisance de ressources ; et cette insuffisance, il me sera, je pense,
bien facile de l’établir, comme je le disais avant-hier, en répondant à
l’honorable M. Delfosse.
D’après ma correspondance, et d’après les comptes qui l’accompagnaient,
comptes qui, pour quelques diocèses, se trouvaient dans la correspondance même,
je crois déjà avoir la preuve de l’insuffisance des ressources des séminaires.
Il m’est impossible, comme je l’ai déjà dit, de déposer sur le bureau cette correspondance
qui n’était point destinée à recevoir de publicité ; mais je puis donner
des extraits des comptes de comptes qui m’ont été remis. C’est la première fois
que des comptes de cette nature ont été demandés. (Interruption.) Je n’ai trouvé aucune trace que des comptes
semblables aient été demandés en 1834, alors que les subsides dont j’ai parlé
ont été régularisés pour la première fois. Au reste, si j’avais pu prévoir que
des comptes de cette nature auraient été demandés dans le sein de cette chambre,
je suis convaincu que j’aurais pu les fournir d’une manière régulière ;
l’année prochaine, il me sera facile de mettre sous les yeux de la chambre, des
comptes parfaitement en règle, et qui justifieront complétement l'emploi des
subsides votés au budget.
Je pense donc que l'amendement de l'honorable M. Delfosse n'est pas
nécessaire ; je ne l'accepte pas, parce que c'est une mesure de défiance à
l'égard du clergé, mesure qu'on n'a prise pour aucune autre catégorie de
subside.
II me semble que la chambre ne doit avoir aucune crainte, l'allocation
n'oblige pas le ministre à la dépenser ; et lorsqu'il la dépense, il la dépense
sous sa responsabilité ; il la dépense avec obligation de justifier de
l’emploi qu’il en a fait.
Je ne repousserais pas l'amendement de l'honorable M. Delfosse, si n'y
voyais, je le répète, un caractère de défiance ; mais je puis déclarer à la
chambre que les fonds seront employés conformément aux conditions des
séminaires contenues dans l'amendement de l'honorable membre.
Je passe à l'article 2. L'honorable M. Delfosse propose à l'article 2 un
amendement ainsi conçu :
« Ajouter dans la colonne d'observations :
« Il ne sera plus créé de place dotée avant que les chambres n'aient
alloué les fonds. »
L'honorable membre voudra bien remarquer que pendant toute l'année 1846,
on n'a créé aucune succursale, on n'a créé non plus aucune place de vicaire…
M. Delfosse. - Je ne l’ai pas dit.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je le sais bien ; mais on aurait
pu ne pas le remarquer, et je tiens à le dire.
II n'y a donc pas eu de place nouvelle depuis 1845.
Maintenant je trouve que l'amendement de l'honorable membre pourrait
présenter certains dangers ou, pour me servir d'une expression moins forte,
certains inconvénients.
Supposons que, vers la fin de l'année, il reste des fonds disponibles
par suite de vacance de places, et supposons qu'à la fin de l'année, ou du
moins alors que les chambres ne sont pas assemblées, supposons, dis-je, que la
nécessité de créer une place de vicaire ou une succursale soit démontrée. Si
j'ai au budget les fonds nécessaires pour doter cette place, d'après
l'amendement de M. Delfosse, je ne pourrais pourtant pas la créer, Je
laisserais donc dépourvues des services du culte des agglomérations
d'habitants, aux besoins desquels je pourrais cependant pourvoir dans les
limites du budget ? Ne serait-ce pas là un grave inconvénient ?
Je ne conçois pas, d'un autre côté, quel serait l'avantage que
présenterait cet amendement ; car l'année suivante, la chambre reste toujours
libre de ne pas augmenter le chiffre du budget, et si la chambre ne l'augmente
pas, toutes les places récemment créées resteront sans traitement.
Mais créer les places reconnues nécessaires est un droit du gouvernement
; le gouvernement doit pouvoir en user. De son côté la chambre use de son droit
en refusant les fonds pour payer le traitement de places dont elle ne reconnaît
pas l'utilité.
L'amendement ne présente donc aucun avantage au point de vue financier,
et il peut présenter dans certains cas des inconvénients. Je pense donc que cet
amendement ne doit pas non plus être adopté.
La chambre peut du reste être assurée que j'userai avec une grande
réserve de la faculté accordée au gouvernement ; au vote annuel du budget elle
en acquerra la preuve.
L'honorable M. Delfosse vous a parlé de l'augmentation extraordinaire,
du progrès constant qu'avait suivi le budget des cultes. Il a invoqué, comme on
l'avait déjà fait dans les sessions précédentes, les paroles prononcées par
l'honorable M. de Theux en 1840.
Il suffit de lire ces paroles pour s'assurer qu'elles n'ont pas la
portée que leur assigne l'honorable M. Delfosse.
L'honorable M. de Theux a parlé des besoins qui existaient en 1840 ; il
a dit que, d'après ce qui avait été reconnu alors, on pouvait considérer, du
moins pour quelque temps, le chiffre proposé comme normal ; mais il ne pouvait
entrer dans l'idée de mon honorable collègue d'enchaîner l'avenir et de considérer
comme définitif un chiffre essentiellement variable suivant l'accroissement ou
la diminution de la population.
L'honorable M. Delfosse me reproche d'avoir demandé une augmentation de
six mille francs, qui, selon lui, n'est nullement justifiée. Il a dit que je
n'aurais pas voulu laisser passer un seul budget sans obtenir quelque chose en
faveur du clergé.
Je pense, comme la section centrale, que ma demande est parfaitement
justifiée ; il est impossible de la justifier mieux qu'en mettant en regard le
nombre des places existantes et les allocations demandées pour pourvoir aux
traitements de ces places. Le budget des cultes est maintenant aussi
régulièrement établi que celui de l'ordre judiciaire. Vous votez pour l'ordre
judiciaire autant de traitements qu'il y a de places, sans égard s’il y a un
certain nombre de places vacantes.
C'est de la même manière que le budget des cultes est libellé ; chaque
place a son traitement. Si la place n'est pas remplie, le traitement reste au
budget ; mais dans la limite des places pour lesquelles le traitement a été
voté, le budget doit fournir les moyens de doter les places dont la nécessité a
été reconnue ; le budget se balançant par le nombre de places créées et le
nombre de traitements alloués, et dès lors il est impossible de ne pas
reconnaître que l'augmentation de 6 mille francs est pleinement justifiée.
Si le budget était dressé d'une manière tout à fait normale, il y aurait
lieu même de demander une somme plus forte, car je me suis réservé de payer sur
les vacances de place les coadjuteurs et les augmentations de (page 527) traitements personnels qui
auraient, à la rigueur, dû figurer au budget.
Le traitement des places non remplies profile au trésor ; il restera
notamment cette année une somme d'environ 80 mille francs sans emploi, par
suite des vacances de places.
L'honorable M. Delfosse trouve considérables les augmentations
successives. Il semblerait que depuis 1830 on a augmenté d'une manière
extraordinaire et le budget des cultes et surtout le nombre des membres du
clergé.
Je vais vous faire connaître un résultat qui étonnera peut-être
l'honorable membre ; c'est que maintenant il y a, relativement à la population,
moins de prêtres qu'il n'y en avait en 1801. Nous avions, en 1801, une
population de 3,023,000 habitants ; il y avait alors 4,088 places ; c'était
donc une place sur 735 âmes. Nous avons maintenant 4,335,000 habitants et 4,622
places, par conséquent, une place sur 937 habitants. Ainsi pour un prêtre il y
avait 200 habitants de moins en 1801 qu'en 1847.
Nous avions donc immédiatement après la révolution française et la
réouverture de nos temples, un nombre plus considérable d'ecclésiastiques
relativement à la population que nous n'avons maintenant
On doit bien reconnaître sans doute que le nombre des prêtres doit
augmenter en raison de la population, puisqu'ils peuvent avoir des devoirs à
remplir envers chaque individu ; donc plus il y a de membres de la communion
catholique, plus il faut de prêtres pour le service de cette communion.
L'honorable membre trouve exorbitant le chiffre de 444,000 fr. pour les
édifices destinés aux cultes. Ce chiffre est tellement peu considérable qu'il
est même souvent insuffisant. Il n’y a pas d'année où je ne doive refuser de
nombreux subsides à des communes qui les demandent et qui sont appuyées par les
autorités consultées.
On peut voir de quelle manière les
subsides sont accordés. La répartition se fait d'une manière convenable. Si le
chiffre était plus élevé, ce serait très avantageux non seulement pour la
restauration même des édifices, mais encore pour les communes à l'aide
desquelles on pourrait venir un peu plus efficacement.
L'honorable M. Delfosse a proposé relativement à cet objet un amendement
qu'il développera sans doute lorsque nous serons parvenus à l'article 3. Je me
réserve de m'en expliquer alors. Jusqu'ici je ne vois pas la différence qu'il y
a entre le libellé de l'article et celui qu'il propose.
M. Verhaegen. - Je viens appuyer les amendements de l'honorable M. Delfosse,
comme j'ai appuyé la demande de renseignements qu'il a faite, dans une séance
précédente, relativement aux établissements de mainmorte ; et si je n'ai pas
alors demandé immédiatement la parole sur ce point important pour me joindre à
lui, c'est qu'on ne peut pas parler dans toutes les circonstances et sur tous
les objets à l'ordre du jour.
Le premier amendement de mon honorable ami a pour objet de faire
déclarer qu'on n'accordera plus de subsides aux séminaires, que lorsque
l'insuffisance de leurs ressources sera établi ; et M. le ministre de la
justice combat cet amendement. En agissant ainsi, il se met en opposition avec
lui-même, car il est d'accord avec l'honorable M. Delfosse.
Voici comment raisonne M. le ministre de la justice : « Le gouvernement,
dit-il, n'accorde pas de subside, si le séminaire n'établit pas que ses
ressources sont insuffisantes, et vous pouvez vous en rapporter au gouvernement
; car, s'il abuse de votre confiance, vous aurez le droit de le blâmer l'année
suivante. » Il ajoute « qu'en cas d'attaque, il se justifiera en produisant les
comptes que les séminaires alors ne lui refuseront pas. »
M. le ministre, si je ne me trompe, nous disait dans une séance
précédente qu'exiger la reddition d'un compte de la part d'un séminaire, ce
serait porter atteinte à la liberté des cultes ; et aujourd'hui, pour faire
écarter l'amendement de mon honorable ami, il vient vous dire : «
Rapportez-vous-en au gouvernement pour cette année, et si, l'année prochaine,
vous avez des plaintes à formuler, vous les ferez ; le gouvernement se
justifiera alors, au moyen de comptes que lui auront transmis les évêques ! ! »
Mais, messieurs, ce que nous pourrions faire l'année prochaine, nous
pouvons certes le faire aujourd'hui et même avec beaucoup plus de raison ; car
aujourd'hui nous avons des faits ; ces faits, dont j'ai eu l'honneur de vous
dire déjà précédemment un mot et à l'égard desquels je vais entrer dans
quelques détails en invoquant des documents qui en démontreront la réalité.
Pour établir l'insuffisance des revenus, M. le ministre affirme qu'il a
puisé sa conviction dans la correspondance avec les évêques, et que cette
correspondance il ne peut nous la communiquer, parce que de sa nature elle est
confidentielle. « Il y aurait d'ailleurs, ajoute-t-il, inconvenance à ne pas
s'en rapporter aux assertions de l'épiscopat. Ce serait une marque de défiance,
et l'on n'a jamais fait preuve d'une pareille défiance envers d'autres corps,
envers d'autres établissements. »
Messieurs, si je ne me trompe, on n'accorde des subsides aux fabriques
d'églises que pour autant qu'elles établissent l’insuffisance de leurs
ressources, au moyen de comptes réguliers. C'est là une prescription formelle
de la loi et pour les fabriques et pour les séminaires ; car le décret de 1813
impose cette obligation aux séminaires, comme le décret de 1809 l'impose aux
fabriques d'églises.
Si je ne me trompe encore, les évêques, dans certaines circonstances,
ont droit à des subsides pour leurs palais et églises, mais pour autant
seulement, et autrement pas, que l'insuffisance des ressources soit établie.
Lorsque j'avais l'honneur de siéger au Conseil provincial du Brabant, on
nous soumettait les comptes de l'archevêché quand on nous demandait un subside
soit pour le palais archiépiscopal, soit pour la métropole, et nous nous
permettions de discuter ces comptes ; pourquoi en serait-il autrement quand il
s'agit des séminaires ? Il n'y a pas plus de déférence à avoir dans un cas que
dans l'autre. C'est une règle que la loi prescrit et dont nous demandons
l'application sans restriction.
A en croire M. d'Anethan, le décret de 1813 ne serait plus observé
depuis 1830 ; il serait (pour me servir de son expression) tombé en désuétude.
M. Dubus (aîné). -
Depuis 1814.
M. Verhaegen. - Depuis 1814, dit l'honorable M. Dubus.
Je ne sache pas que des lois puissent être considérées comme abrogées
par désuétude, alors surtout qu'elles imposent à des établissements de
mainmorte des obligations qui ne sont que le corollaire de certaines faveurs
qui leur sont accordées.
Messieurs, la chose est d'autant plus grave, qu'il existe certains faits
qui rendent la communication des pièces indispensable.
Le budget en discussion porte un subside en faveur du séminaire de Liège
; et ce subside, de l'aveu même de M. le ministre, ne peut être accordé que
lorsqu'il est établi que les ressources du séminaire sont démontrées insuffisantes
: or, pour établir cette insuffisance, que faut-il faire ? Il faut indiquer le
montant des revenus, le montant des charges et faire ensuite une soustraction.
Ainsi nous avons tous les éléments du compte que nous demandons.
D'après M. le ministre de la justice, le séminaire et la cathédrale de
Liège (car on confond ces deux établissements, puisqu'ils se donnent la main et
que bien souvent dans les actes d'acquisition, dans les donations et legs, ils
se trouvent confondus), le séminaire et la cathédrale de Liège, dis-je, d'après
M. le ministre de la justice, auraient, si je ne me trompe, 250,000 fr. de
revenus, tandis que d'après les administrateurs, au nombre desquels se trouve
l'évêque, ces revenus ne se monteraient qu'à 200,000 fr.
Ces observations, messieurs, n'ont pour but que de démontrer que M. le
ministre de la justice n'est pas d'accord avec l'évêque de Liège, sur
l'importance des revenus. Maintenant, qui a raison de M. le ministre ou de
l'administration du séminaire et de la cathédrale ?
M. le ministre s'en rapporte cette année aveuglément aux assertions des
évêques et ce serait, d'après lui, une marque de défiance que de leur en
demander la preuve. Et cependant, on promet cette preuve pour l'année prochaine
!! Encore une fois, c'est une contradiction flagrante.
Quand mon honorable ami, M. Delfosse, dans une séance précédente, a
demandé à M. le ministre de la justice de déposer, non pas même les comptes,
mais seulement les pièces au moyen desquelles il avait formé sa conviction, M.
le ministre n'a répondu que par un refus, sous le prétexte que sa
correspondance avec les évêques était confidentielle à cet égard.
Messieurs, puisqu'on ne veut pas même nous remettre les pièces qui sont
entre les mains du gouvernement, loin de nous communiquer des comptes prescrits
par le décret de 1813, nous allons vous faire ces comptes autant qu'il est en
notre pouvoir de le faire ; si, après cela, le ministre veut les contredire ou
les compléter, il invoquera de son côte les documents qu'il jugera utiles, et à
cet égard, il aura plus de facilité que nous.
Je vous ai parlé, messieurs, d'un travail que je croyais important,
indispensable même dans les circonstances actuelles et tendant à démontrer la
valeur des biens tombés en mainmorte depuis 1830 ; ce travail n'est pas tout à
fait achevé, quoique déjà je possède des renseignements nombreux. Je vais,
messieurs, pour le moment me borner à vous donner quelques-uns de ces
renseignements qui sont spécialement relatifs aux séminaires et à la cathédrale
de Liège.
J'ai eu l'honneur de vous le dire dans une séance précédente, avant
1830, quoi qu'en ait dit M. le ministre de la justice, les séminaires rendaient
des comptes, et ces comptes doivent se trouver dans les archives à la Haye. Il
est possible, il est probable même que d'ici à peu de temps nous pourrons vous
mettre ces pièces sous les yeux ; mais, pour le moment, nous allons nous borner
à jeter un coup d'œil rapide sur les acquisitions qui ont été faites depuis
1830 seulement par le séminaire et la cathédrale de Liège. Nous indiquerons les
sources dans lesquelles nous avons puisé ces renseignements ; et encore une
fois si M. le ministre veut les contredire ou les compléter, il indiquera aussi
les sources où il aura puisé ; de cette manière nous pourrons arriver à un travail
complet, ce qui voudra dire que nous aurons un compte.
Vous ne trouverez pas mauvais, messieurs, que je procède de cette
manière ; car enfin, si l'on ne veut pas produire les comptes, si l'on vient
dire que c'est une marque de défiance que de demander à ceux qui sollicitent
des subsides, la justification de l'insuffisance de leurs ressources, alors il
n'y a plus d'autre moyen que de produire nous-même un des éléments du compte,
celui relatif à l’actif, en laissant au gouvernement le soin de produire celui
relatif au passif. Depuis 1837 seulement, le mémorial administratif de la
province de Liège, donne le résumé des décisions de la députation permanente,
entre autres celles relatives aux applicats de fonds, etc., qui concernent la
cathédrale et le séminaire de Liège ; mais le Moniteur nous donne tous les
arrêtés royaux d'approbation, d'acquisitions, de legs et donations depuis 1830
; du moins je dois le croire. Je puis donc faire un calcul ; je puis donner à
la chambre des indications pour les donations, pour les legs et pour toutes les
acquisitions (page 528) en général,
faites par le séminaire et la cathédrale de Liège, depuis 1830, et des
applicats de fonds depuis 1837.
Quant à l'évaluation des biens-fonds obtenus par legs ou donation, elle
ne se trouve pas dans les arrêtés ; mais, à défaut de cette indication,
l'évaluation en est faite dans le travail que je vais vous présenter, d'après
la notoriété publique ; on est même resté, d'après les renseignements que l'on
me fournit, au-dessous de la réalité. Il sera libre, d'ailleurs, à M. le
ministre de la justice de contredire ces évaluations.
J'ai une deuxième observation préliminaire à vous faire : Si les
donations, si les legs que je vais mentionner sont grevés de charges, je laisse
également à M. le ministre le soin d'indiquer ces charges ; cela formera alors
le deuxième élément du compte, et l'on pourra, de cette manière, déduire les
charges du revenu dont je vais, pour ce qui est postérieur à 1830 pour tout ce
qui est acquisitions, et postérieur à 1837 pour ce qui est placements,
indiquer, l'importance.
Je devais, messieurs, agir de la sorte ; car, si on parle de défiance,
il nous est bien permis d'en avoir ; car il est démontré par des documents
incontestables que, quelquefois, lorsque des charges sont attribuées à une
donation ou à un legs, on touche les revenus sans remplir ces charges.
Voici l'aperçu des biens acquis et des applicats faits par la
cathédrale, le séminaire et l'évêché de Liège depuis 1830 (évaluations en
francs) :
10 décembre 1831. Arrêté approuvant la donation par Emile d'Outremont,
du couvent de Saint-Roch avec 44 bonniers, fr. 100,000.
10 octobre 1832. Arrêté approuvant une donation par le même, de
plusieurs biens, fr. 50,000.
25 septembre 1833. Arrêté approuvant l'achat par le séminaire de
l'ancien couvent Stenart à Saint-Trond, fr. 40,000.
22 décembre 1833. Arrêté approuvant la donation d'un capital de 4,000
fr. par J.-J. de Sauvage, fr. 4,000.
22 juin 1833. Arrêté approuvant la donation par G.-J. Danheux, de 8 hectares
47 ares de terre, fr. 30,000.
30 janvier 1835. Arrêté approuvant la donation de plusieurs biens par
F.-J. Gerard, fr. 60,000.
20 juin 1835. Arrêté approuvant la donation de plusieurs biens, par
P.-J. Drion, fr. 60,000.
19 mars et 5 avril 1835. Arrêtés approuvant des donations de rentes et
biens, se montant de notoriété publique à
fr. 65,000.
2 mars 1838. Arrêté approuvant une donation d'un capital de 30,000
francs, par H.-A.-J. de Donner, fr. 50,000.
28 mai 1838. Arrêté approuvant la donation de plusieurs biens, par J.-H.
Servier, évalués très modestement à fr. 90,000.
N. B. Il y avait une fondation établie dans ce legs, mais le proviseur,
qui est l'évêque de Liège, ne se soumet pas à l'arrêté du 2 décembre 1823, qui
l'oblige à rendre compte à la députation. Nous voyons, en effet, dans l'exposé
provincial de Liège de 1841, page 70, le tableau des fondations dont la
députation apure les comptes, la fondation Servier n'y figure pas.
24 août 1838. Arrêté de la députation qui autorise la cathédrale à placer,
fr. 7,000.
12 octobre 1838. Arrêté royal autorisant l'acquisition d'une maison à
Liège par la cathédrale. Fr. 10,506
26 décembre 1838. Arrêté de la députation qui autorise la cathédrale à
placer fr. 4,000.
4 janvier 1839. Arrêté de la députation qui autorise la cathédrale à
placer, fr. 5,282.
22 mars 1839. Arrêté de la députation qui autorisé la cathédrale à
placer fr. 6,350.
5 juillet 1839. Arrêté de la députation qui autorise le séminaire de
Liège à employer une somme de 60,000 fr. en acquisition de rentes, fr. 60,000.
15 juillet 1839 et 24 mars 1845. Arrêté approuvant des legs de plusieurs
biens par Charles de Donner, fr. 40,000.
9 août 1839. Arrêté approuvant la donation de plusieurs biens, par
Vander Vreken, fr. 10,000.
13 décembre 1839. Arrêté qui autorise le séminaire et la cathédrale à
placer à intérêt, fr. 80,000.
24 décembre 1839. Arrêté de la députation qui autorise la cathédrale à
placer fr. 6,250
31 janvier 1840. — Arrêté de la députation qui autorise le séminaire à
placer, fr. 40 000.
5 février 1840. Arrêté approuvant la donation de l’ancien et du nouveau
béguinage de Hasselt avec dépendance, fr. 50,000.
26 janvier 1841. Avis favorable de la députation pour autoriser le
séminaire à accepter la succession Tilquin, que quelques-uns évaluent à un
demi-million, mais que nous né portons, pour rester dans la modération, qu'à
fr. 300,000.
26 octobre 1841. Arrêté de la députation qui autorise la cathédrale à
placer à intérêt fr. 7,000.
29 octobre 1841. Arrêté qui autorise la cathédrale à placer à intérêt un
capital de fr. 40,000.
17 novembre 1842. Avis favorable de la députation autorisant la
cathédrale à accepter une donation par d'Oultremont, fr. 25,000.
14 juin 1843. Dépêche de la députation avec avis favorable sur la
demande du séminaire, tendant à vendre des rentes de l'emprunt belge, fr.
200,000.
3 août 1843. Arrêté autorisant une donation de biens par L.-J.
Toussaint, fr. 12,000.
13 décembre 1843. Arrêté autorisant l'acceptation d'une donation d'un
capital par M. Corbey, fr. 40,000.
7 mars 4844. Arrêté de la députation qui autorise la cathédrale à placer
à intérêt fr. 40,000.
26 mars 1844. Arrêté de la députation qui autorise la cathédrale à
placer à intérêt, fr. 5,000.
22 décembre 1844. Arrêté royal qui confirme la vente de gré à gré faite
par le séminaire de l'établissement de Rolduc. (Pour mémoire, car j'ignore la
cause et le but.)
12 décembre 1845. Arrêté de la députation autorisant la cathédrale à
placer à intérêt fr. 12,000.
1er mars 1845. Arrêté autorisant le legs de deux maisons à Liège, par P.
A. Louwette, fr. 20,000.
27 mars 1845. Arrêté autorisant la donation par un anonyme d'un capital
de fr. 4,000.
12 mars 1845. Avis favorable de la députation, approuvé par le
gouvernement, pour l'acquisition par le séminaire de Liège d'une pièce de terre
enclavée dans le petit séminaire de St-Trond, fr. 8,000.
5 août 1846. Avis semblable pour l'acquisition par le séminaire de Liège
d'un verger appartenant à M. de Pitteurs Hiegaerts à l’usage du petit séminaire
de St-Trond, fr. 15,000.
N. B. Ces avis approuvés par arrêtés royaux ou qui le seront
nécessairement sont une preuve évidente que les grands séminaires associent les
petits séminaires au bénéfice de personnes civiles.
25 septembre 1845. Arrêté de la députation autorisant la cathédrale et
le séminaire à placer à intérêt un capital de fr. 50,000.
19 août 1846. Avis favorable de la députation sur une donation par
Bellefroid d'Oudoumont de plusieurs biens, fr. 12,000.
1er octobre 1845. Arrêté de la députation autorisant la cathédrale à
placer fr. 3,000.
2 septembre 1846. Arrêté de la députation autorisant la cathédrale à
placer fr. 50,000
Par la mort du sieur Drion dernier usufruitier des biens rachetés par
les moines de son ordre (Prémontrés), le séminaire a été mis en possession de
tous les biens de cette communauté dont il était nu propriétaire en vertu de
donations antérieures. On a évalué à Liège ces biens à plusieurs centaines de
mille francs.
D'un autre côté, la succession Boucquiau laissée au président du
séminaire vaut plus d'un million et demi, fr. 1,500,000.
Il est vrai qu'il y a des remplois parmi tous ces placements, des
remplois par suite de remboursements de capitaux. II est vrai aussi qu'à
certains dons et legs sont attachées des charges, des fondations, par exemple ;
mais ce sera à M. le ministre, d'accord avec les évêques, à établir ces
charges, et alors elles figureront au débit du compte. Dans tous les cas, ce
grand maniement de fonds prouve les richesses des établissements dont nous
avons parlé, d'autant plus que ce ne sont là que des échantillons. Les grandes
opérations se font en fonds publics étrangers.
Voulez-vous d'ailleurs d'autres preuves de ces énormes ressources ?
Ecoutez :
La cathédrale a fait faire, il y a deux ans, une chaire de vérité qui,
dit-on, coûte plus de 200,000 fr.
Il y a un an elle a acheté des tableaux de M. *** pour 12,000 francs.
II y a quelques mois la cathédrale a fait un contrat avec un Polonais
pour le charger d'aller faire des copies de tableaux en Italie ; le prix était
de 20,000 fr. ; les copies ont été faites et envoyées ; mais ce sont des
croûtes qu'on n'a pas osé faire encadrer. Et tout cela a été fait sans
l'autorisation de la députation !
La cathédrale a fait dresser dernièrement, par l'architecte, un plan
pour l'embellissement de cet édifice, dont le devis s'élève de cinq à six cent
mille francs.
Pauvres gens qui crient à l'injustice quand on veut imposer 4 p. c. sûr
leurs revenus !
Combien d'établissements qui en 1830 avaient 250,000 fr. de rente,
n'ont-ils pas augmenté leur revenu au moyen de fermages et de beaucoup de
rentes à l'effraction, les effractions et les effractions ne sont-elles pas à
peu près doubles ?
Quand j'aurai les comptes de 1829, que j'attends de jour en jour, je
prouverai par A plus B que le séminaire et la cathédrale ont plus de 600,000
fr. Au reste malgré le démenti des administrateurs, la voix publique à Liège
m'a donné raison.
Je le répète, il sera libre au ministre de détruire mes allégations,
mais par des allégations contraires, c'est-à-dire de nous présenter un compte.
Il y en a plus qu'il n'en faut pour engager le gouvernement à ne plus
combattre l'amendement de l'honorable M. Delfosse, amendement qui me paraît
fondé de tout point.
Il en est de même du second amendement de mon honorable ami. L'honorable
M. Delfosse propose de mettre dans la colonne des observations, qu'il ne sera
plus créé de place dotée, avant que les chambres n’aient alloué des fonds.
M. le ministre de la justice reconnaît le principe qui sert de base à ce
second amendement, comme il a reconnu le principe qui sert de base au (page 529) premier amendement ; mais de
même que, d'après M. le ministre, il y aurait inconvenance à demander aux évêques
la preuve de leurs assertions puisque ce serait une marque de défiance, de même
ici il y a inconvenance à l'égard du gouvernement, parce que le gouvernement a
le droit de créer, et si l'année suivante, la chambre trouve à propos de blâmer
les nouvelles créations elle aura le droit de refuser les subsides.
C'est là de la théorie et rien de plus ; dans la pratique M. le ministre
de la justice sait bien ce qui doit résulter de son système : il créerait deux
fois autant de places qu'il en a créé, que l'on dirait encore amen ; il est
peut-être même quelques membres qui diraient qu'il n'en a pas encore créé
assez. Mais je n'examine pas la question au point de vue de la décision à
intervenir, parce que la majorité sur ce point est évidemment acquise au ministère
; je n'en parle qu'au point de vue de la théorie.
Vous avez le droit, dites-vous, de créer, sauf à la chambre, l'année
suivante, de refuser les subsides pour les places créées. Mais vous répondrez
alors par le fait accompli ; on dira : Maintenant vous voulez défaire ce qui a
été fait ; critiquer le gouvernement, c'est bien ; mais il est impossible de
mettre de côté ce qui existe. C'est toujours l'argument du fait accompli qu'on
nous oppose en pareil cas. Les hommes gouvernementaux, quelle que soit d'ailleurs
leur opinion, disent toujours : « C'est un fait accompli ! blâmons le
ministère, mais nous devons tenir comme valable ce qui a été fait. »
Pour mon compte, je ne partage pas cette opinion,
parce que, dans plus d'une circonstance, j'ai voté contre des faits accomplis
et je trouve que je n'avais pas tort alors, quoiqu'on me jetât à la tête le
reproche d'être un homme anti-gouvernemental, puisqu'aujourd'hui, pour échapper
aux conséquences de l'amendement de l'honorable M. Delfosse, on vient
précisément invoquer le principe que j'invoquais en pareille occurrence ; mais
enfin c'est là de la théorie, c'est en un mot le système des faits accomplis ;
je crois moi qu'il y a un principe d'éternelle vérité, qu'il vaut mieux
empêcher le mal de naître, que de chercher un remède au mal, quand le mal est
fait. C'est là le but de l'amendement de l'honorable M. Delfosse ; cet
amendement est donc tout aussi fondé que le premier.
Comme le troisième amendement n'a pas été développé jusqu'ici, je me
réserve de prendre ultérieurement la parole pour l'appuyer.
M. Lys. -
Messieurs, je n'avais critiqué les petits traitements, payés à des prêtres
auxiliaires, que parce que M. le ministre de la justice ne donnait aucune explication
et que je désirais en avoir. Maintenant, comme je sais que ces quelques
traitements sont perçus par des prêtres qui doivent être aujourd'hui des
vieillards, puisque ces subventions ont été accordées par le roi Guillaume, je
retire l'observation que j'avais faite à cet égard, observation d'ailleurs qui
tendait à ne pas voir admettre un nouveau genre de traitement, et pour éviter
qu'on ne vînt nous dire plus tard que pareil traitement avait déjà été admis.
Mais quant à l'indemnité qu'on donne à des prêtres français, je ne puis
pas l'approuver ; il n'existe aucun motif pour allouer à des prêtres étrangers
des subsides qui appartiennent, avant tout, aux prêtres de la Belgique, qui,
j'en suis persuadé, ne réclament pas le service des prêtres étrangers.
M. le ministre de la justice, pour répondre à mes observations
concernant le décret de 1813, se borne à dire que le décret n'est plus
exécutoire ; il a cité un décret des hautes puissances alliées, qui rendrait au
clergé tous les pouvoirs qu'il avait autrefois. Mais si M. le ministre veut
supprimer le décret de 1813, pourquoi ne pas supprimer aussi le décret de 1809
? Car ce dernier décret est du même genre que l'autre. Le décret de 1809 est
relatif aux églises paroissiales, et le décret de 1813, aux cathédrales et aux
séminaires Pourquoi le décret qu'a invoqué M. le ministre de la justice
s'appliquerait-il particulièrement aux cathédrales et aux séminaires ? et
pourquoi ne s'appliquerait-il pas aux églises paroissiales ?
Ainsi, aujourd'hui une église paroissiale qui aura besoin d'un subside
devra remplir toutes les formalités qui sont exigées par les lois, et justifier
par ses comptes qu'elle est réellement dans le besoin ; et un séminaire,
établissement qui jouit de la personnification civile, ne sera tenu de rien
produire, d'après M. le ministre de la justice ! Le gouvernement nommera une
partie de l'administration des fabriques d'églises, comme il y est autorisé par
le décret de 1809, et il ne pourra pas nommer le trésorier d'un séminaire,
comme il y est autorisé par le décret de 1813 ! Cette jurisprudence peut être
admise par M. le ministre de la justice, qui veut obéir aveuglément aux évêques
et ne veut pas soutenir les droits du gouvernement ; mais évidemment elle ne
peut être admise par une chambre des représentants.
Si vous accordez des subsides aux séminaires qui jouissent de la
personnification civile, c'est alors que le gouvernement doit user de tous les
droits de surveillance que la loi lui accorde ; il ne doit pas se borner à
demander les comptes applicables à l'année dans le cours de laquelle le subside
est demandé ; mais le gouvernement doit, chaque année, faire fournir les
comptes par les établissements qui jouissent de la personnification civile,
parce que le gouvernement est le tuteur-né de ces établissements ; il doit
veiller à ce qu'ils ne fassent pas des dépenses inutiles pendant une année,
dépenses qui pourraient obliger ces établissements à réclamer des subsides
l'année suivante.
Ainsi, je dois le dire, si M. le ministre de la justice persiste à
administrer les cultes comme il l'a fait jusqu'ici, je me verrai forcé de voter
contre tous ses budgets.
M. le ministre de la justice vient de vous avouer qu'il n'a dans ce
moment que des extraits de comptes et que, dans l'état où ils se trouvent, ils
ne peuvent pas être produits à la représentation nationale. Que disait-il, il y
a quelques jours, en parlant de l'honorable M. Rogier ? Il disait que c'était
lui qui le premier avait accordé des subsides et que sans doute il avait
demandé des comptes pour s'assurer que ces subsides étaient nécessaires ; et il
a ajouté : Quant à moi, je n'accorderai de subsides que quand la nécessité me
sera démontrée par la production des comptes.
Voilà ce qu'il a dit. Et il vient dire aujourd'hui que c'est la première
fois que des comptes lui sont donnés et que ce ne sont que des extraits de
comptes qu'on ne peut pas produire ! C'est avec de pareilles réponses que vous
accorderez les subsides qui vous sont demandés !
Je dis que dans une pareille situation la loi vous le défend ; le
séminaire de Liège, tous les séminaires comme les fabriques sont tenus de
justifier du besoin dans lequel ils se trouvent. Comme je l'ai déjà dit, pour
éviter les dépenses inutiles, les établissements qui jouissent de la
personnification civile doivent rendre des comptes à l'Etat qui doit surveiller
leur gestion. S'il en était autrement, s'ils ne devaient produire des comptes
que pour certaines années, quand les besoins de subsides se feraient sentir,
alors le gouvernement n'aurait aucun moyen de parer aux dépenses de luxe, aux
dépenses qui ne sont pas nécessaires.
J'ai démontré que les curés et les desservants recevaient l'institution
canonique. Que répond M. le ministre ? Il vient citer des paroles que j'ai
attribuées à l'honorable M. Lebeau. Ces paroles, c'est dans le Moniteur que je
les ai trouvées ; il a dit que la cour de Rome n'avait jamais reconnu les
articles organiques. Je le soutiens également et je répète que les desservants
comme les curés jouissent de l'institution canonique, non en vertu des articles
organiques, mais par suite des droits dont jouit aujourd'hui le clergé en
Belgique. L'évêque, en donnant à son doyen le pouvoir de mettre un
ecclésiastique en possession de la cure, d'après les termes du procès-verbal
institue à vie le desservant, et n'a plus le droit de le révoquer. M. le
ministre n'a rien répondu à cet égard.
Je ne puis trop le répéter : les
articles organiques existent encore en France. Le gouvernement ne voulait pas
qu'on donnât l'institution canonique aux desservants, parce que le gouvernement
français ne voulait pas avoir une masse de fonctionnaires à vie. Maintenant en
Belgique l'Eglise jouit de toutes ses prérogatives, le gouvernement ne peut pas
se mêler du dogme, de la nomination et de l'installation des ministres du
culte, enfin de tout ce qui concerne le spirituel. Mais il peut et doit se
mêler de tout ce qui est temporel. C'est la seule chose que je veuille
attribuer au gouvernement. Je dis donc que les droits du clergé belge sont bien
établis, et je sais que l'institution canonique est donnée au desservant comme
au curé, et par conséquent selon le droit canonique l'évêque n'a pas le droit
de le révoquer, sinon d'après les règles canoniques.
M. de Haerne. - Je demande la parole pour répondre aux allégations
de l'honorable M. Lys.
Messieurs, mon intention n'est pas d'entrer dans la discussion générale
qui occupe en ce moment la chambre ; mais ayant entendu répéter à plusieurs
reprises par plusieurs honorables membres, notamment par l'honorable M. Lys,
des assertions qui avaient été produites déjà l'année dernière et auxquelles je
crois avoir répondu victorieusement alors, et vu qu'on ne rencontre pas les
arguments que j'ai présentés à cette époque, je crois devoir en toucher quelques-uns.
Je ferai d'abord la remarque que j'ai faite aussi l'année dernière, que
cette discussion est un hors-d'œuvre pour la chambre ; que, d'après la
Constitution, il n'appartient pas à la chambre de décider si la nomination d'un
desservant faite par le chef du culte, par l'évêque ,est oui ou non en règle,
et doit être approuvée ou non par elle ; car si d'après la Constitution les
ministres du culte doivent être nommés et installés par leurs chefs, sans que
le pouvoir civil puisse intervenir, il est évident qu'on ne peut pas intervenir
directement ni indirectement dans la nomination des desservants sans violer cet
article. Si vous dites qu'une révocation d'un desservant est faite d'une
manière injuste, non conforme aux lois, attendu que la révocation ne peut pas
être permise, vous attaquez la nomination même ; car la nomination a été faite
avec la condition de la révocation.
Ce n'est pas à vous à examiner si une nomination peut être ou ne peut
pas être conditionnelle. Si vous réprouvez une telle nomination, vous
intervenez évidemment dans cette nomination et, par conséquent, vous déchirez
la Constitution.
Cependant, puisqu'on a commis l'inconvenance de s'avancer sur ce
terrain, je crois pouvoir m'y placer aussi, pour réfuter quelques erreurs qu'il
importe de ne pas laisser s'accréditer dans le public et d'abord, pour ce qui
regarde la question de l'utilité de la nomination définitive et de
l'inamovibilité des desservants, je répéterai ce que j'ai dit l'année dernière
à ce sujet.
Je dirai que, selon mon opinion, il est conforme à l'esprit de l'Eglise
que les desservants soient inamovibles ; l'intention du chef de l'Eglise était
qu'ils le fussent ; mais pour se rendre compte de la possibilité de la chose il
faut examiner ce qui s'est passé lors de l'institution des desservants. D'après
le concordat, comme l'a dit il y a un moment l'honorable M. Lys, le
gouvernement français a voulu limiter autant que possible le nombre des cures.
D'après le concordat les curés reconnus comme tels devaient (page 530) être agréés par le
gouvernement ; ces curés étaient reconnus comme tels par le gouvernement ; leur
traitement était considéré comme un bénéfice fixe et inamovible, parce qu'il
était stipulé dans un contrat synallagmatique conclu entre le saint-siège et le
gouvernement, et pour ce motif les curés pourvus de ce titre étaient envisagés
comme inamovibles. Les desservants n'ont jamais été nommés ni agréés par le
gouvernement ; ils n'avaient pas de titre admis par les deux pouvoirs.
Il s'ensuit qu'aux yeux du gouvernement les succursalistes n'étaient pas
considérés comme de véritables curés, et qu'ils ne pouvaient être irrévocables.
Cependant il est certain que, de la part de l'épiscopat, les desservants ont
été investis de tous les pouvoirs et de tous les privilèges accordés aux
véritables curés, sauf la condition de la révocation, qui devait s'appliquer
aux desservants.
Il n'a donc pas dépendu du clergé supérieur de ne pas s'écarter de
l'ancien droit canon ; c'est le gouvernement lui-même qui en a été la cause. Il
faut bien considérer, d'ailleurs, que, d'après le concordat et une bulle qui
l'a suivi, toutes les cures qui existaient antérieurement ont été supprimées
par une bulle de Pie VII, qui commence par ces mots : Qui Christi Domini, du 29
octobre 1801, et par un décret du légal, qui commence ainsi : Cum sanctissimus,
du 9 avril 1802.
Toutes les cures indistinctement ont été supprimées ; toutes les
délimitations ont été changées pour les évêchés comme pour les cures. Lorsqu'on
parle de l'institution canonique des curés, on comprend l'institution, non
seulement quant aux personnes, mais encore quant aux cures. C'est-à-dire que
les cures doivent être instituées canoniquement. Et pour qu'elles soient
reconnues comme cures, il faut qu'il y soit attaché un bénéfice. Or, jamais les
cures, qu'on appelle improprement succursales, n'ont été instituées de manière
à pouvoir être regardées comme des cures proprement dites, soit d'après le
droit canonique, soit d'après le concordat. Mais, en exécution du concordat,
quelques cures ont été établies d'accord avec le gouvernement français. Ce sont
les cures cantonales, les cures primaires et secondaires ; et les autres, qui
avaient été supprimées, n'ont jamais été rétablies, n'ont jamais été
considérées comme de véritables cures. Il suffit de connaître un peu l'histoire
du concordat, pour être convaincu de ce que j'avance.
Seulement pour les besoins du culte, les évêques ont compris qu'il
fallait suppléer à l'insuffisance qui se fait sentir en ce moment. C'est par
ces motifs qu'on a créé des places de desservant qu'on a nommées improprement
succursales. Je dis improprement, parce qu'elles ne dépendaient nullement des
cures cantonales. Ces places, qui existent encore aujourd'hui, confèrent aux
titulaires les mêmes droits spirituels que ceux qui sont dévolus aux curés
primaires et secondaires, mais qui cependant ne peuvent, à défaut de véritables
cures, parce qu'il n'y a pas de bénéfice ou de titre reconnu comme inamovible,
ne peuvent établir l'inamovibilité du titulaire, d'après le droit canon ni
d'après le concordat.
L'honorable M. Lys a cru faire une objection solide en citant
l'institution des curés-desservants, telle qu'elle est faite ordinairement par
MM. les doyens. Il est vrai, comme il l'a dit, que l'institution se fait en des
termes tels qu'on reconnaît la possession réelle et actuelle. Je dois dire que
ces termes se trouvent en effet dans la formule d'institution telle qu'elle est
faite par MM. les doyens. Mais il lui a échappé qu'il y a autre chose dans
cette formule. Je ne veux pas lui en faire un reproche ; car quelque soin qu'il
ait apporté aux recherches minutieuses auxquelles il s'est livré, il ne peut
connaître tous ces détails de sacristie.
Je lui dirai qu'il s'est trompé, et que celui qui lui a fourni ces
renseignements ne me paraît pas avoir été de bonne foi. Il est vrai que quand
on institue un curé succursaliste, on reconnaît qu'on lui donne la possession
réelle et actuelle, mais on dit « par commission de l'évêque. »
Or, comment cette commission s'explique-t-elle ? Par les lettres
d'institution qui sont fournies au curé et qui portent « usque ad
revo-candum », jusqu'à révocation. Ainsi, vous voyez que cette formule,
quoiqu'elle porte qu'on confère une possession actuelle et réelle, n'entraîne
par l'inamovibilité, puisqu'il s'agit d'une commission, et que cette commission
est limitée dans les lettres écrites qui portent jusqu’à révocation.
Seulement, messieurs, pour ce qui regarde cette possession réelle et
actuelle, je dirai quel est le sens de ces paroles.
Les évêques ont voulu entrer autant que possible dans l'ancien droit
canon et il n'a jamais dépendu d'eux que l'institution canonique n'eût pas lieu
comme autrefois ; ils ont voulu conférer aux curés succursalistes la
juridiction qui est accordée aux curés de première classe et de deuxième
classe, et ils ont voulu soustraire les curés desservants à la juridiction des
curés primaires et secondaires.
Ce que le gouvernement français aurait voulu, c'est que les desservants
dépendissent des curés primaires et secondaires ; il aurait en quelque sorte
voulu faire de ces desservants des vicaires ; il aurait voulu établir les curés
cantonaux sur un tel pied qu’ils exerçassent les fonctions ecclésiastiques dans
tout le ressort du canton, et que les curés desservants dépendissent entièrement
d'eux comme des vicaires.
Les évêques, messieurs, se sont opposés autant que possible à ce que ces
ecclésiastiques fussent réduits à cet état dégradant dans lequel voulait les
placer le gouvernement, et c'est pour faire voir que leur juridiction était
réelle et que les curés primaires n'avaient pas de pouvoir sur eux, qu'on s'est
servi de cette formule qui d'ailleurs est la même que celle employée dans
l'installation des curés cantonaux.
Voilà, messieurs, le véritable sens de cette formule, et on ne peut
nullement en déduire que l'inamovibilité soit de droit, puisque cette formule
suppose la commission de l'évêque, commission qui pour les desservants stipule
la révocabilité.
Messieurs, je le répète, si l'on veut sortir de la législation actuelle,
de cette législation établie d'après (erratum,
p. 566) les articles canoniques, on se trouvera dans un véritable dédale,
dans un dédale inextricable.
Je crois avoir démontré l'année dernière qu'il serait impossible à
l'épiscopat seul d'entrer dans le régime des lois canoniques et voici comment
la chose se prouve à l'évidence.
Je n'entre pas ici dans la question de savoir si les lois organiques
sont encore en vigueur, ou si elles doivent être conservées en certaines
parties et abandonnées en d'autres. Mais le fait est qu'il y a un usage établi
et qu'on doit tenir à cet usage, qu'il a même force de loi. Car si l'usage
n'avait pas force de loi, par quelle législation, je vous le demande,
remplaceriez-vous l'usage établi d'après les articles organiques ? Vous dites :
Par le droit canonique. Mais c'est une législation tout entière que le droit
canon ; les règles canoniques relatives à l'institution des curés présentent
une législation tout entière, et comme j'ai eu l'honneur de le dire, cette
législation embrasse plusieurs conditions qui ne peuvent être remplies
aujourd'hui.
D'abord, les délimitations sont complétement changées. Certaines de ces
cures ont été entièrement bouleversées ; quelques-unes ont été partagées entre
des diocèses différents ; de sorte qu'il serait impossible d'établir les cures
telles qu'elles étaient autrefois, et elles ne l'ont jamais été depuis le
concordat.
Messieurs, il y a plus, il faudrait, d'après le droit canon, si vous
vouliez adopter cette législation, que vous ne pourriez scinder, il faudrait
rétablir les bénéfices, et ces bénéfices, pour la plupart, étaient des dîmes.
Il faudrait aussi rétablir les droits des anciens collateurs, des
anciens patrons qui conféraient des cures ; c'étaient quelquefois les
universités, comme l'université de Louvain, qui avait le droit d'instituer
plusieurs curés.
Vous comprenez, messieurs, qu'il serait impossible d'entrer d'emblée
dans cette voie ; et, je le répète, vous ne pouvez scinder la législation.
L'épiscopat ne peut pas changer les lois ecclésiastiques, il ne peut changer
les lois de l'Eglise.
Mais, dira-t-on, et c'est une observation qui a été faite dans une
séance précédente, on peut en appeler au souverain pontife. On a même fait
entendre que l'on pourrait provoquer une espèce de pétitionnement près du
saint-siège.
Messieurs, je ne sais pas jusqu'à quel point on prendrait part à ce
pétitionnement en Belgique ; mais ce que je sais très bien, c'est qu'il
arriverait, à l'égard de ces pétitions, ce qui arrive tous les jours à l'égard
de pétitions qui sont adressées à la chambre. Vous renvoyez ces pétitions aux
ministres. Eh bien ! le souverain pontife renverrait celles qui lui seraient
adressées à ses ministres, c'est-à-dire aux évêques, pour les consulter. En
tout cas, le changement que l'on paraît désirer, ne pourrait s'établir que par
l'accord entre le souverain pontife et les évêques belges ; on ne pourrait
procéder d'une autre manière pour arriver à un régime en dehors du droit canon.
Messieurs, qu'il me soit permis de le dire, je m'étonne que cette
demande vienne de la part de certains membres qui paraissent professer un grand
respect pour ce qu'ils appellent les libertés gallicanes ; ce que plusieurs
gallicans, et entre autres Fleury, ont appelé les servitudes de l'Eglise, ce
dont Bossuet a dit : « Abeat quo libuerit déclaratio ! »
c'est-à-dire, qu'il envoyait aux antipodes la déclaration du clergé gallican.
En effet, messieurs, d'après cette déclaration, le souverain pontife est
soumis aux canons ; il ne peut les changer. Or, vous provoquez un changement
dans les canons, puisque vous n'admettriez certainement ni la dîme ni les
collations des cures, tel que cela avait lieu autrefois. Vous provoquez donc un
changement, et par conséquent vous proclamez d'emblée que vous placez le
souverain pontife au-dessus des canons. Il est vrai que c'est l'opinion
générale des catholiques, sauf une fraction qui se trouve en France ; mais
enfin je dis qu'il y a là contradiction.
En tous cas, messieurs, je soutiens que si l'inamovibilité des
desservants pouvait être reconstituée, elle ne pourrait l'être que sur la
proposition de l'épiscopat belge, et d'accord avec le souverain pontife. Mais
je pense que, dans ce cas, le gouvernement, de son côté, devrait également
proposer une loi organique en harmonie avec la Constitution, pour rendre
l'exécution du nouveau régime possible, et à cet égard il y a encore un point
sur lequel j'ai l'honneur d'appeler votre attention et dont j'ai également
parlé l'année dernière.
Il s'agit des officialités ou des tribunaux ecclésiastiques. Messieurs,
d'après le droit canon, le jugement de l'évêque dans cette matière était
remplacé par le jugement des officialités ou des tribunaux ecclésiastiques.
C'étaient ces tribunaux qui étaient appelés à juger des cas de destitution, de
révocation des desservants. D'après le droit canon donc, ces officialités
devraient nécessairement être rétablies. Or, lorsque les officialités avaient
porté un jugement, le bras civil, toujours d'après l'ancienne législation,
devait prêter son appui pour l'exécution de ce jugement.
Ainsi, messieurs, aussi longtemps qu'il n'y aurait pas à cet égard une
loi organique et qu'on ne serait pas certain que le pouvoir civil voudrait
exécuter les décisions prises par les officialités, je dis que le
rétablissement de celles-ci serait impraticable.
Mais, messieurs, dans le cas où les officialités et où l'inamovibilité
seraient rétablie sur l'ancien pied, j'ose dire que l'état actuel des choses ne
(page 531) changerait pas considérablement
en ce qui concerne les résultats.
On s'est apitoyé en quelque sorte sur le sort des curés succursalistes,
des desservants. On les a représentés comme étant sous le coup d'une menace
continuelle, comme étant continuellement exposés à être destitués. Mais,
messieurs, on devrait indiquer les faits ; on devrait voir ce qui se passe.
Quant à moi, je ne connais aucun cas de révocation de desservant dans le
diocèse auquel j'appartiens. Je n'en connais pas non plus dans le diocèse de
Malines, avec lequel j'ai quelques relations, par suite du séjour que je fais
souvent à Bruxelles.
Il est vrai qu'il y a eu des révocations ; mais la question n'est pas de
savoir s'il y a eu des révocations ; la question est de savoir si elles ont eu
lieu pour des motifs fondés et si elles n'auraient pas également eu lieu dans
le cas de l'existence de l'inamovibilité et des officialités. Voulez-vous
savoir, messieurs, ma pensée à cet égard ? C'est qu'avec l'inamovibilité telle
qu'elle existait autrefois et les officialités, les cas de révocation seraient
plus nombreux qu'ils ne le sont aujourd'hui ; et et la pour une raison bien
simple. Voyez la position où se trouveraient les évêques vis-à-vis du clergé ?
Ils n'auraient plus aucune responsabilité à porter. Aujourd'hui toute la
responsabilité pèse sur eux. Voilà la différence entre la position qu'on ferait
dans ce cas aux desservants et celle qu'ils ont maintenant.
Vous supposez à l'épiscopat des intentions malveillantes à l'égard du
clergé inférieur. Mais, messieurs, dans ce cas dont je parle, le tribunal
ecclésiastique étant composé de membres généralement d'accord avec l'évêque et
étant tel que l'évêque y exercerait une grande influence, vos défiances, que je
qualifie d'injustes, pourraient se produire de la même manière sous le régime
de l'inamovibilité et des officialités, telles qu'elles existaient autrefois.
Il ne faut pas vous imaginer que la révocation ne se présenterait jamais ; je
dois le dire, lorsque l'on consulte les faits avec impartialité, on doit
reconnaître que l'étal des choses serait à peu près le même. Cependant, je le
répète ; je pense que l'on peut désirer le rétablissement de l'inamovibilité,
non pas dans l'intérêt des curés succursalistes, mais dans l'intérêt de
l'Eglise même, dans l'intérêt des fidèles, dans l'intérêt de la bonne
administration du culte, et c'est sous ce rapport-là qu'il faut envisager la
question ; car lorsque l'inamovibilité existe, que les curés sont attachés pour
la vie à leur place, que le droit d'être inamovible impose aussi (erratum, p. 566) le devoir de se
considérer comme tel ; certainement, en général, ils connaissent mieux les
besoins de leur paroisse, et par conséquent aussi ils peuvent mieux remplir
leur haute mission. C'est dans cet esprit-là que l'on doit comprendre l'inamovibilité,
et c'est ainsi qu'elle a toujours été entendue dans l'Eglise.
Telles sont, messieurs, les observations que j'ai
cru devoir faire pour redresser quelques erreurs dans lesquelles plusieurs
honorables membres ont versé depuis quelque temps, et que j'ai entendu proférer
encore aujourd'hui. Mais je dois le répéter, quant à la question de savoir si
nous pouvons de notre chef décider si les curés sont amovibles ou inamovibles,
la Constitution s'y opposa. Le gouvernement, comme je l'ai dit l'année dernière,
d'accord en cela avec M. Lebeau, pourrait d'une manière officieuse faire
connaître un désir à cet égard ; mais examiner les révocations en elles-mêmes
au point de vue de la légalité, c'est intervenir dans la nomination des
ministres des cultes, et par conséquent c'est fouler aux pieds un principe
sacré de la Constitution que nous avons juré d'observer.
M. Lebeau. -
J'avais demandé la parole pour combattre une proposition que je croyais avoir
entendu émettre par l'honorable préopinant ; mais j'avais pris le change sur
ses intentions ; il s'est expliqué de la manière la plus claire, et dès lors je
n'ai pas à insister. Je croyais que l'honorable membre avait dit que le
gouvernement n'avait rien à voir dans la question de l'érection des
succursales, que le décret de 1809 et les articles organiques étaient abrogés
en tout ce qui concerne l'érection des succursales et l'administration des
intérêts matériels des institutions religieuses. L'honorable membre ayant
démontré depuis que telle n'était pas son intention, je ne crois pas devoir
prendre la parole.
M. le président. - Si personne ne demande plus la parole sur
l'ensemble du chapitre, nous passerons à la discussion des articles.
L'article premier est ainsi conçu :
« Clergé supérieur du culte catholique et professeurs des séminaires,
bourses et demi-bourses affectées aux séminaires : fr. 403,822 39 c. »
M. Delfosse a proposé d'ajouter dans la colonne d'observations.
« La partie de cette allocation, destinée aux séminaires, ne sera payée
que dans le cas d'insuffisance de leurs ressources dûment constatée. »
M. Delfosse. - Messieurs, je propose, comme vient de le dire
l'honorable président, d'ajouter à cet article, dans la colonne d'observations,
les mots suivants : « La partie de cette allocation destinée aux
séminaires ne sera payée que dans le cas d'insuffisance de leurs ressources
dûment constatée. » M. le ministre de la justice repousse cet amendement
pour deux motifs : d'abord parce qu'il y voit une réserve empreinte de défiance
envers le clergé, ensuite parce qu'aucune réserve de ce genre ne se trouve dans
d'autres budgets. Autant de mots, autant d'erreurs. Vous vous souvenez tous,
messieurs, que l'on a inséré dans la colonne d'observations de plusieurs
budgets la mention qu'aucun employé ne sera payé sur d'autres allocations que
celle qui est destinée au personnel ; cette réserve a été adoptée pour parer à
de graves abus. On aurait pu la repousser aussi, sous prétexte qu'elle était
empreinte de défiance, et cependant MM. les ministres n'y ont pas fait
d'opposition.
Mon amendement n’est pas non plus une mesure de défiance envers le
clergé, mais bien envers M. le ministre de la justice, et cette défiance, il
faut en convenir, était légitime. M. le ministre de la justice n'avait-il pas
refusé, dans une séance précédente, de communiquer les pièces à l'aide
desquelles nous aurions pu nous assurer de l'insuffisance des ressources des
séminaires ? M. le ministre de la justice n'avait-il pas répondu qu'il croyait
les évêques sur parole, que les évêques étaient, selon lui, incapables
d'avancer des faits inexacts ? C'était là un système d'administration tout à
fait inouï, que je ne pouvais admettre, contre lequel je devais protester, et c'est
ce que j'ai fait par mon amendement. M. le ministre de la justice revient
aujourd'hui à de meilleurs sentiments, je l'en félicite. M. le ministre de la
justice reconnaît aujourd'hui qu'il ne faut pas croire les évêques sur parole,
pas plus que les administrations communales, qu'il faut leur demander, comme
aux administrations communales, des pièces justificatives. Cela me suffit, le
but de mon amendement est atteint.
Je demande acte de la déclaration de M. le
ministre de la justice qu'il se fera dorénavant produire des pièces régulières
qui constatent l'insuffisance des ressources des séminaires subsidiés, et que
ces pièces seront communiquées aux membres de la chambre qui en feront la
demande. L'insertion de cette déclaration de M. le ministre de la justice au
procès-verbal tiendra lieu de l'amendement que j'ai proposé.
M. Dubus (aîné). -
L'amendement est retiré, mais on propose de le remplacer par une déclaration au
procès-verbal, qui aurait tout à fait le même effet. Je crois que la question
ne change pas. M. le ministre avait cru que l'amendement impliquait une réserve
empreinte de défiance envers le clergé ; l'auteur de l'amendement vient de dire
que la réserve était empreinte de défiance envers le ministre lui-même ; et
quant à moi, lorsque j'ai entendu les développements de l'amendement, j'ai bien
compris qu'il avait cette portée. On prétendait apparemment qu'à la différence
de ses prédécesseurs, M. le ministre de la justice n'avait pas fait son devoir.
Or il résulte au contraire des faits que c'est le ministre actuel qui a été
plus sévère que ses prédécesseurs dans l'accomplissement des devoirs auxquels
on prétend le rappeler, plus sévère qu'on ne l'a été même sous le gouvernement
du roi Guillaume.
On a beaucoup disserté pour prétendre que tel et tel article que l'on
n'exécute plus du décret de 1813, sont encore en vigueur ; mais à cela que
répond M. le ministre ? Que c'est le gouvernement du roi Guillaume qui a
reconnu lui-même que ces articles ne devaient plus recevoir d'exécution et
qu’il a cessé de les exécuter ; qu'à dater de 1814 le gouvernement a cessé de
nommer les trésoriers des séminaires, qu'à dater de 1814 le gouvernement a
cessé d'approuver les comptes des séminaires ou, ce qui revient au même,
d'autoriser les évêques à les approuver ; car enfin lorsque l'évêque n'approuve
qu'en vertu de l'autorisation du gouvernement, c'est en définitive le
gouvernement qui approuve.
Ce qui s'est pratiqué pendant toute la durée du gouvernement précédent
s'est continué depuis la révolution ; mais pour cela le gouvernement n'était
pas dépourvu des moyens de connaître la situation des séminaires, puisque tous
les actes de quelque importance qui intéressent ces établissements sont soumis
à l'approbation du gouvernement, et nous en avons eu la preuve dans cette
longue série d'arrêtés relatifs au séminaire de Liège, dont on nous a donné
lecture tout à l'heure. Vous voyez par là, messieurs, que les donations, les
legs, les acquisitions, les ventes, les placements, en un mot, tous les actes
qui peuvent accroître ou diminuer les ressources et les revenus des séminaires,
doivent être autorisés par le gouvernement qui, par conséquent, est tenu au
courant de l'accroissement de la dotation des séminaires, lorsque cette
dotation vient à s'accroître.
Le gouvernement n'a donc pu en aucun temps ignorer leur véritable
situation, au moins d'une manière approximative ; et lorsqu'il a pu regarder
comme possible que certains de ces établissements étaient arrivés à un état de
prospérité tel que les allocations du budget qui profitent aux séminaires,
devinssent inutiles, le gouvernement était à même de demander alors des
renseignements plus précis, afin de s'assurer si elles devaient être
maintenues.
Du reste, ces allocations sont établies sur des arrêtés formels qui
n'ont pas cessé d'être exécutés, depuis qu'ils sont intervenus.
Quant à la somme payée à chaque séminaire pour les traitements des
professeurs, ce point a été régularisé par un arrêté royal du 29 mars 1834
contresigné par l'honorable M. Rogier, et qui a été aussi constamment exécuté
depuis ; et antérieurement à cet arrêté, des allocations semblables ont été constamment
payées, comme vous pouvez vous en assurer, notamment pour la période qui s'est
écoulée de 1830 à 1834, en recourant aux budgets de l'époque ; ainsi dans les
développements du budget de 1833, vous trouvez une somme allouée par chaque
diocèse pour les traitements des professeurs des séminaires.
Quant aux allocations pour les bourses, elles résultent d'un décret du
30 septembre 1807, ainsi que de plusieurs arrêtés du gouvernement précédent qui
ont augmenté le nombre des bourses pour certains séminaires, après avoir
reconnu que le nombre fixé par le décret de 1807 était insuffisant. Ce ne sont
donc pas des subsides que le ministre accorde d'une manière arbitraire, ces
subsides sont fixés par des arrêtés formels qui remontent déjà à un assez grand
nombre d'années et qui ont été exécutés sans difficulté depuis qu'ils ont été
portés.
M. le ministre, comme j'ai compris ses paroles, a toujours déclaré qu'il
n'entendait accorder de subside que moyennant justification ; et cela est si
vrai que cela lui était encore reproché tout à l'heure, sous le nom de
contradiction, par un ou deux honorables membres du côté opposé. (page 532) Les actes du ministre sont
conformes à ses paroles, puisque ce qui n'avait pas encore été fait depuis
1830, il l'a fait : il a demandé des renseignements plus précis ; ces
renseignements lui ont été donnés ; il est à même de s'assurer que la situation
actuelle de tous les séminaires, y compris celui de Liège, est telle, que la
nécessité des allocations subsiste et subsiste pour tous.
C'est du séminaire de Liège que plusieurs honorables membres ont dit
qu'il avait des ressources suffisantes, en invoquant sur ce point une prétendue
notoriété ; mais ce qui est plus notoire, c'est que les autres séminaires sont
en déficit, que leurs ressources sont très exiguës. (Interruption.) Quant à moi, je puis dire qu'il est de notoriété que
les ressources du séminaire de Tournay, par exemple, sont tout à fait
insuffisantes et que ce séminaire est en très grand déficit ; je pense que
personne ne le contestera.
Quant au séminaire de Liège, on argumente d'une longue série d'arrêtés
d'autorisation à chacun desquels on a ajouté le chiffre de l'évaluation faite
par celui qui a rassemblé ces documents ; et tous ces chiffres, si on les additionnait
les uns avec les autres, formeraient une somme considérable ; mais remarquez
aussi que si vous additionniez ces chiffres, ce serait additionner l'actif avec
le passif pour en faire un total ; car enfin, si je fais une acquisition, et
si, pour payer cette acquisition, je fais une vente ; si alors vous additionnez
le prix de l'acquisition avec le prix de la vente, évidemment vous additionnez
l'actif avec le passif. Si je possède des capitaux, si des capitaux me sont
donnés ou légués et que j'en fasse emploi ; si vous additionnez la donation
avec le réemploi, vous additionnez encore une fois l'actif avec le passif. (Interruption.)
L'honorable député de Bruxelles me dit qu'il avait fait lui-même cette
objection ; il a, en effet, terminé par une objection dans ce sens ; mais
il n'avait pas commencé par là, il avait commencé par une objection qui avait
une portée toute contraire ; et dans une séance précédente, il avait surtout
mis en avant une affirmation qui avait paru fixer l'attention : il avait dit
qu'il prouverait par des pièces que la fortune du séminaire de Liège s'élevait
à une rente annuelle de 600,000 fr. ; mais au moment où il est venu fournir la
preuve annoncée, il a renoncé à la conclusion ; il est obligé de reconnaître
que la prétendue preuve qu'il a faite, ne peut donner à personne une idée nette
de la fortune du séminaire de Liège.
L'honorable membre dit maintenant que les documents indiqués justifient
le doute ; mais je ferai remarquer que telle n'était pas sa première assertion
; sa première assertion était celle-ci : qu'il aurait prouvé, pièces en mains,
que le séminaire de Liège avait une fortune de 600,000 francs de rente ; eh
bien, cette preuve nous échappe complétement. L'honorable membre a lu une
nomenclature d'actes, ayant rapport à des valeurs assez considérables, mais de
laquelle vous ne pouvez pas conclure quel est le montant, même approximatif, de
l'actif net total ; vous n'y trouvez pas un mot qui vous autorise à infirmer
l'assertion de M. le ministre, que la balance du revenu total avec les charges
annuelles présente un boni de 30 et quelques mille fr., boni qui est appliqué à
amortir une dette considérable ; et il faut aussi tenir compte des dettes ;
celle-ci serait au capital de 300,000 fr. Ainsi, ce sera seulement lorsqu'au
bout d'un certain nombre d'années on sera parvenu à amortir la dette, par
l'emploi de ce boni, qu'il sera vrai de dire qu'il y aura un excédant du revenu
des biens sur les charges. Voilà quel a été le renseignement que nous a fourni
M. le ministre de la justice, en nous donnant des chiffres précis ; eh bien, je
le répète, rien dans ce qu'on a produit, ne peut tendre le moins du monde à
infirmer les assertions de M. le ministre de la justice. (Interruption.)
On dit et on répète : « Qu'on produise les comptes. »
Je vous le demande, messieurs, est-ce au moment où l'on discute le
budget de la chambre qu'on voudrait faire produire des comptes ? Est-ce que
cela peut se discuter convenablement à la tribune ? J'aurais compris qu'on eût
demandé les comptes, si sérieusement on voulait les avoir ; car, en définitive,
je vois qu'on n'a voulu que provoquer, de la part de la chambre, une
manifestation hostile au clergé ; si réellement on voulait des comptes, que ne
les demandait-on lors de l'examen du budget en sections, que n'invitait-on la
section centrale à se les faire produire ? Là il était possible peut-être de
les examiner ; mais il est dérisoire, quand la discussion est ouverte sur le
budget, de penser à discuter des comptes semblables.
Je répète que je n'ai pas compris jusqu'ici que M. le ministre se fût
refusé à demander des comptes. Je crois me rappeler, au contraire, un passage
de son discours où il a dit qu'il avait réclamé des comptes et qu'il les avait
obtenus. Ce que M. le ministre a déclaré en outre, c'est que dans son opinion,
on ne pouvait plus soumettre ces comptes à l'approbation du gouvernement, ou,
ce qui revient au même, exiger de l'évêque qu'il ne les approuve qu'après avoir
reçu, à cet effet, l'autorisation du gouvernement.
A ce dernier égard, M. le ministre a dit que ce n'est pas d'aujourd'hui
ni même depuis 1830 seulement que cette autorisation n'est plus demandée, mais
même depuis l'avènement du gouvernement précédent et pendant tout le temps de
sa domination.
Depuis 1814 le gouvernement des Pays-Bas a renoncé à soumettre à son
approbation les comptes des séminaires, comme il a renoncé à nommer les
trésoriers des séminaires.
Je me serais donc prononcé contre
l'amendement de l'honorable M. Delfosse, parce que non seulement je le trouve
inutile, mais parce que la portée de cet amendement me paraissait telle que je
ne pourrais pas lui donner mon assentiment.
Je pense que le gouvernement actuel a fait son devoir et que par
conséquent il n'y avait pas lieu de l'y rappeler.
Maintenant l'honorable membre en retirant son amendement veut qu'il soit
donné acte au procès-verbal d'une déclaration qu'a faite aujourd'hui M. le
ministre, sous le prétexte qu'elle serait contraire à ses déclarations
précédentes, et qu'il se serait amendé.
Comme je n'adopte pas les motifs de cette insertion, je m'oppose
également à cette deuxième motion.
M. Delfosse. - Je ne sais si je dois répondre sérieusement à
quelques-unes des raisons que l'honorable M. Dubus vient de m'opposer. J'avoue
que je ne puis reconnaître, dans la logique actuelle de l'honorable député de
Turnhout, la logique que l'on se plaisait souvent à reconnaître dans l'ancien
député de Tournay.
L'honorable M. Dubus me reproche, entre autres choses, de n'avoir pas
demandé les comptes lors de l'examen en sections, de ne les avoir demandés
qu'au moment de la discussion du budget de la justice en séance publique.
J'avoue que je ne m'imaginais pas que l'on viendrait soutenir dans cette
enceinte qu'une demande de renseignements est tardive parce qu'elle n'aurait
pas été faite en sections ; j'avais toujours cru et je crois encore que le
droit des membres de la chambre est de demander, en tout temps, les
renseignements dont ils ont besoin pour s'éclairer, et que le devoir du
gouvernement est de les donner ; pouvais-je, d'ailleurs, supposer que la
section centrale, dont l'honorable M. Dubus est rapporteur, allouerait les
fonds sans se faire produire les pièces justificatives ? L'honorable M. Dubus
nous a dit qu'il serait impossible de discuter, en séance publique, les comptes
des séminaires au moment même où l'on viendrait les déposer, Où a-t-on vu que
mon intention serait de soumettre ces comptes à l'épreuve d'une discussion
publique ?
L'honorable M. Dubus nous apprend que les bourses accordées aux séminaires
ont été créées par un décret de 1807 et que les traitements des professeurs ont
été établis par un arrêté de 1834. Je n'ai pas critiqué le moins du monde les
dispositions en vertu desquelles les bourses et les traitements sont payés. Mon
amendement était uniquement fondé sur le principe incontestable que l'Etat ne
les doit que quand les séminaires n'ont pas des ressources suffisantes.
L'honorable M. Dubus a parlé de beaucoup de choses, mais il ne nous a
pas fait connaître son opinion sur la question de savoir si l'Etat doit des
subsides aux séminaires quand les ressources de ces établissements sont
suffisantes. Nous pouvons du reste nous passer de l'adhésion de l'honorable M.
Dubus, puisque nous avons celle de M. le ministre de la justice. M. le ministre
de la justice a reconnu formellement que l'on ne doit accorder de subsides aux
séminaires que dans le cas d'insuffisance de leurs ressources.
Il a encore reconnu, ce qu'il n'avait pas fait l'autre jour, que le
gouvernement doit s'assurer de cette insuffisance, en exigeant la production de
pièces régulières dont la communication ne peut pas nous être refusée. J'ai
demandé acte de cette déclaration, qui peut tenir lieu de mon amendement. M. le
ministre de la justice ne peut pas me refuser acte d'une déclaration qu'il
vient de faire publiquement. Je ne demande pas, remarquez-le bien, qu'il soit
dit dans le procès-verbal que cette déclaration est en opposition avec des
déclarations antérieures de M. le ministre de la justice ; je ne demande pas
que des contradictions, dans lesquelles M. le ministre de la justice est tombé,
soient constatées par le procès-verbal ; je demande seulement qu'on y mentionne
la déclaration qu'il nous a faite tantôt.
Que cette déclaration soit en opposition avec des déclarations antérieures,
c'est ce qui ne peut faire doute pour personne. Quand j'ai demandé dernièrement
à M. le ministre de la justice la production des pièces justificatives, ne
m'a-t-il pas répondu qu'il n'avait que la correspondance avec les évêques, et
que cette correspondance n'était pas de nature à être communiquée à la chambre
? N'a-t-il pas ajouté que les évêques sont incapables d'avancer des faits
inexacts ?
Je pense que je suis maintenant
d'accord, sinon avec l'honorable M. Dubus qui paraît avoir des opinions
extrêmes en cette matière, au moins avec M. le ministre de la justice.
J'engage M. le ministre de la justice à répéter la déclaration qu'il a
faite tantôt ; il ne faut pas qu'il y ait de malentendu, et je ne vois pas quel
inconvénient il y aurait à la mentionner au procès-verbal.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L'honorable M. Delfosse me
félicite maintenant d'être revenu à des sentiments meilleurs. Pour moi, je
voudrais pouvoir le féliciter d'avoir une meilleure mémoire.
Il a dit, dans la séance du 14 janvier :
« Je demanderai à M. le ministre de la justice de vouloir bien déposer
sur le bureau les pièces à l'aide desquelles il s'est assuré que les séminaires
n'ont pas des ressources suffisantes. M. le ministre de la justice a reconnu
hier que l'Etat ne doit accorder des subsides à ces établissements que dans les
cas d'insuffisance de leurs ressources, et il a dit que les séminaires qui
reçoivent des subsides se trouvent dans ce cas. Mais, messieurs, il ne suffit pas
que le gouvernement se soit assuré qu'il en est ainsi ; il faut que la chambre,
avant de voter les fonds, s'en assure aussi. Je ne pense pas que la section
centrale ait eu les pièces sous les yeux, c'est pourquoi je demande qu'elles
soient déposées sur le bureau. »
Je tiens à rappeler à l'honorable membre cette partie de la discussion
pour lui prouver que mes paroles étaient alors les mêmes qu'aujourd'hui.
Qu'ai-je répondu ?
(page 533) « Les
renseignements que j'ai donnés résultent de la correspondance avec les chefs
diocésains, et je ne pense pas devoir déposer cette correspondance sur le
bureau. Les chiffres que j'ai cités sont littéralement tirés des comptes que
j'ai reçus. Je m'en rapporte pleinement aux évêques qui sont incapables
d'avancer des faits inexacts. »
Ainsi, ma déclaration a été expresse, il en résulte que j'avais réclamé
les comptes. L'honorable membre a donc tort de prétendre que j'ai varié dans
mes paroles, attendu que j'ai reconnu, comme je reconnais maintenant (ce qui est
la seule déclaration que je puisse faire) que, dans mon opinion, il ne faut
accorder de subsides aux séminaires que quand ils ont justifié d'une manière
régulière et complète de l'insuffisance de leurs revenus.
M. Delfosse. - Je demande en outre que les pièces soient
communiquées aux membres de la chambre qui le désireront.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Les comptes existeront, au
ministère ; ils seront mis sous les yeux de la section centrale et des membres
de la chambre qui le désireront.
M. Delfosse. - Je demande acte de cette déclaration.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je ne m'opposerais en aucune façon
à ce qu'acte soit donné à la chambre et à M. Delfosse lui-même de cette
déclaration. Mais je pense que l'insertion dans le Moniteur doit suffire.
Plusieurs membres. - Oui ! oui !
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Il me reste à répondre quelques
mots à M. Verhaegen. Cet honorable membre a trouvé une contradiction dans mes
paroles, ou plutôt dans mes doctrines. Il a dit : « : Le ministre reconnaît que
les séminaires doivent rendre des comptes. Jadis il a soutenu le contraire. »
C'est également ce qu'a dit l'honorable M. Lys.
Mais quand j'ai soutenu qu'on ne pouvait, sous l'empire de nos
institutions, demander des comptes annuels aux séminaires, je n'ai pas parlé
des comptes, dans le cas de demande de subside, mais des comptes prescrits par
le décret de 1813 et qui doivent être soumis à l'approbation du gouvernement.
Je persiste à penser que, si les séminaires ne demandent rien, le gouvernement
n'a rien à voir dans leurs comptes. Voilà ce que j'ai dit, et ce que je maintiens.
Je ne pense pas que ce soit en opposition avec ce que je dis aujourd'hui.
Je répondrai seulement un mot à ce qu'a dit M. Verhaegen de la
différence qu'il y a entre le chiffre que j'ai cité comme étant celui du revenu
du séminaire de Liège et le chiffre publié dans un journal d'après une lettre
du chapitre.
Je crois pouvoir dire que la différence provient de ce que j'ai tenu
compte des minervalia, tandis que, dans le compte fait par le chapitre, on n'en
a pas tenu compte. Il n'est pas étonnant alors que je sois arrivé à un chiffre
plus élevé. Je crois exacte cette raison de différence sans pouvoir l'affirmer.
La chambre aura sans doute remarqué que dans les données qu'a produites
l'honorable M. Verhaegen, il y avait une véritable confusion : d'abord celle
qu'a fait ressortir l'honorable M. Dubus, ensuite la confusion résultant de ce
qu'il a mêlé les biens des cathédrales et des séminaires. Or, ce sont deux
institutions différentes, ayant des administrations différentes qu'on ne peut
confondre.
Il est à remarquer que la cathédrale
de Liège ne demande rien, que l'on n'a rien à voir à ses comptes. Elle
posséderait des millions, qu'on n'aurait pas de contrôle à exercer à cet égard.
L'honorable membre a dit un mot des petits séminaires dont il a paru
méconnaître l'existence légale. Si la discussion s'engageait sur ce point, je
crois qu'il me serait facile de lui démontrer que, sous le concordat de 1827 et
sous l'arrêté du roi Guillaume de 1829, les petits séminaires sont aussi légaux
que les grands séminaires.
M. Delfosse. - M. le ministre de la justice soutient bien à tort
que sa dernière déclaration n'est pas en opposition avec ses déclarations
antérieures. Il est vrai que M. le ministre de la justice avait reconnu
précédemment que les séminaires n'ont droit aux subsides qu'en cas
d'insuffisance de leurs ressources. Mais lorsque je l'ai pris au mot, lorsque
je lui ai dit : «Si l'insuffisance des ressources est établie, produisez les
pièces, » il m'a répondu : « Je n'ai d'autres pièces que la correspondance des
évêques et je ne puis la produire. » Je n'ai pas pour ma part entendu le mot
« comptes » qui s'est trouvé le lendemain au Moniteur et je doute
qu'il ait été prononcé.
Si M. le ministre de la justice avait parlé de comptes ce jour-là,
aurait-il laissé sans réponse les paroles suivantes que j'ai prononcées :
« Ainsi rien n'est justifié ; M. le
ministre reconnaît que les séminaires ne doivent obtenir des subsides que dans
le cas d'insuffisance de leurs ressources, et il en accorde sans faire produire
une seule pièce justificative. M. le ministre croit les évêques sur parole,
c'est une singulière manière d'administrer et qui caractérise bien la politique
du gouvernement. » (Annales parlementaires, p. 482.)
Il y a d'ailleurs un fait certain, c'est que M. le ministre de la
justice n'avait pas alors de pièces à nous communiquer, et qu'il promet d'en
avoir à l’avenir ; j'avais donc raison de trouver une grande différence entre
les déclarations antérieures de M. le ministre de la justice et celle qu'il
nous fait aujourd'hui.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L'honorable M. Delfosse pense que,
parce que je n'ai pas répondu à sa deuxième observation, j'ai passé
condamnation. Je crois avoir répondu à peu près à tout ce qui a été dit dans
cette longue discussion ; mais on ne peut rien conclure de ce que j'aie laissé
une observation sans réponse.
M. Delfosse. - J'ai retiré mon amendement, la déclaration de M. le
ministre en tenant lieu.
Je n'insiste plus pour la mention au procès-verbal. L'insertion au
Moniteur suffira ; j'aime à croire que le Moniteur reproduira exactement les
paroles de M. le ministre, et j'en appellerai au besoin au souvenir de mes
honorables collègues.
- L'article premier est mis aux voix et adopté.
La séance est levée à 4 heures et demie.