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Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 1 février 1847
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre
2) Rapports sur des
demandes en naturalisation (Henot, Osy,
de Garcia, Henot)
3) Tirage au sort des
membres sortants du jury d’examen
4) Projet de loi portant le
budget du département de la guerre pour l’exercice 1847. Discussion générale.
Chiffre global du budget (Prisse, Rogier,
Prisse), équilibre général entre recettes et dépenses (Malou), (Lejeune), révision des lois
sur la milice (notamment remplacement) (de Lannoy),
équilibre général entre recettes et dépenses (Rogier, Malou)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1846-1847)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 667) M. Huveners procède à l'appel nominal à 2 heures.
- La séance est ouverte.
M. Van
Cutsem donne
lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. Huveners communique l'analyse des pièces
adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« L'administration
communale de Bras prie la chambre de rejeter le projet de loi sur le
défrichement des bruyères. »
- Dépôt sur le bureau
pendant la discussion du projet.
_________________
« Le notaire Evit,
président de la commission des notaires cantonaux et de la chambre des notaires
de Termonde, prie la chambre de discuter, pendant la session actuelle, le
projet de loi sur le notariat, et présente un mémoire sur la nécessité
d'accorder aux notaires le droit exclusif de procéder aux ventes de biens immeubles.
»
(page 668) - Dépôt
sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
_________________
« Le conseil communal d'Ath demande que les
arrondissements d'Ath et de Soignies alternent pour la nomination du troisième
représentant que le gouvernement propose d'accorder à l'arrondissement de
Soignies. »
- Dépôt sur le bureau
pendant la discussion du projet de loi sur la répartition des représentants et
des sénateurs.
_________________
« La chambre de commerce de Liège présente des
observations contre le projet d'établir une société d'exportation des produits
liniers. »
- Renvoi à la section
centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la formation d'une société
d'exportation.
_________________
« Le sieur Clément demande le remboursement de
la retenue qui a été opérée sur son traitement de capitaine de première classe.
»
- Renvoi à la commission
des pétitions.
_________________
« Plusieurs habitants de Swevezeele demandent
une loi qui permette le défrichement des terrains incultes, dits Vry-geweyd. »
- Dépôt sur le bureau
pendant la discussion du projet de loi sur le défrichement des bruyères..
RAPPORTS SUR DES DEMANDES EN NATURALISATION
M. Henot. - Messieurs, j'ai l'honneur de
déposer différents rapports sur des demandes en naturalisation ordinaire, et un
rapport sur une demande en grande naturalisation.
- Ces rapports seront
imprimés et distribués.
M. Henot. - Messieurs, les rapports en
naturalisation ordinaire que je viens de déposer concernent tous des demandes
faites par des capitaines et par des seconds de navire au long cours.
L'article 8 de la loi du
21 juillet 1844 a décidé que ces individus seraient exempts du droit
d'enregistrement sur les naturalisations, pourvu qu'ils obtinssent l'indigénat
endéans les trois ans de la promulgation de cette loi. Ce terme sera écoulé au
mois de juin prochain. Il est donc urgent que la chambre s'occupe des demandes sur
lesquelles je viens de faire rapport. Sans cela, la faveur que la loi sur les
droits différentiels a voulu accorder à ces personnes serait illusoire.
Je propose donc,
messieurs, de mettre le vote sur la prise en considération des demandes en
naturalisation faites par les capitaines au long cours, à la suite des objets
qui se trouvent déjà à l'ordre du jour.
M. Osy. - Je proposerai de fixer le vote sur la prise en
considération de ces demandes au lundi qui suivra le vote sur le budget de la
guerre. Il faut que le sénat s'occupe aussi de ces demandes, et si nous
retardions trop longtemps notre vote, peut-être les lois accordant les
naturalisations ne pourraient-elles être votées dans cette session.
- La proposition de M.
Osy est adoptée.
M. de Garcia. - Je demanderai
que la chambre veuille bien s'occuper le même jour d'un autre feuilleton
comprenant diverses demandes sur lesquelles il nous a déjà été fait rapport.
Comme la chambre vote simultanément sur plusieurs feuilletons, on gagnerait
ainsi du temps.
M. Henot. - J'appuie la proposition de
l'honorable M. de Garcia. Le feuilleton dont il parle contient aussi 7 ou 8
noms de capitaines au long cours.
- La proposition de M.de
Garcia est adoptée.
TIRAGE AU SORT DES MEMBRES SORTANTS DU JURY D’EXAMEN
Le sort désigne comme
devant sortir, les membres suivants :
Doctorat en droit :
Membre titulaire. M. Delcour, professeur à l'université de Louvain. Membre
suppléant. M. Schollaert, professeur à la même université.
Candidature en
droit : Membre titulaire. M. De Kemmeter, professeur à l'université de
Gand. Membre suppléant. M De Rote, professeur à la même université.
Doctorat en
médecine : Membre titulaire. M. Hubert, professeur à l'université de
Louvain. Membre suppléant. M. Haan, professeur à l'université de Louvain.
Candidature en
médecine : Membre titulaire. M. Lebeau, professeur à l'université de
Bruxelles. Membre suppléant. M. de Roubaix, professeur à l'université de
Bruxelles.
Sciences : Membre
titulaire. M. Cantraine, professeur à l'université de Gand. Membre suppléant.
M. Leschevin, agrégé à l'université de Gand.
Philosophie et
lettres : Membre titulaire. M. Burggraaf, professeur à l'université de
Liège. Membre suppléant. M. Loomans, agrégé à l'université de Liège.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA GUERRE POUR
L’EXERCICE 1847
Discussion générale
M. le ministre
de la guerre (M. Prisse). - Messieurs, dans la séance de samedi dernier un amendement,
indiqué par l'honorable M. de Brouckere, présenté par l’honorable M. Osy, et
tendant à diminuer l'effectif de l’armée d'un dixième pendant l'exercice de 1847,
a été déposé sur le bureau de la chambre. Avant que vous en veniez à la
discussion de cet amendement, je demanderai, au risque de me répéter, à
présenter encore quelques considérations sur la nécessité impérieuse de
maintenir l'effectif actuel, effectif implicitement admis par la chambre en
1845 et maintenu par elle jusqu'aujourd'hui.
Messieurs, l'effectif
dépend d'abord des hommes à appeler chaque année sous les armes pour y recevoir
l'instruction nécessaire. Vous savez que 2 classes sur 8 n'ont pas pu jusqu'à
présent recevoir cette instruction. Une nouvelle modification à apporter à la
loi de milice, modification qui est soumise en ce moment aux délibérations des
sections de la chambre, viendra parer à cet inconvénient, et à l'avenir les 8
classes de la milice qui doivent former le contingent de guerre de l'armée,
seront instruites. Mais au moment où j'ai l'honneur d'entretenir la chambre de
cet objet, nous avons deux classes qui ne le sont pas. C'est une première
nécessité qui sera reconnue, j'espère, de tous les membres de la chambre, et
qui portera sans doute l'assemblée à ne diminuer en rien le nombre des
miliciens qui seront appelés cette année sous les armes.
Messieurs, ainsi que j'ai
déjà eu l'honneur de l'annoncer dans les séances précédentes, il me sera
possible d'effectuer une certaine réduction sur les dépenses portées au budget
; pour peu que la situation reste ce qu'elle est aujourd'hui, on pourra appeler
les miliciens plus tard que d'habitude, et les renvoyer dans leurs foyers le
plus tôt possible, c'est-à-dire lorsque leur instruction sera, non pas complète
(on ne fait pas l'instruction du soldat en si peu de temps), mais un peu
dégrossie, permettez-moi l'expression.
De ce chef, j'espère,
d'après mes calculs, pouvoir opérer une réduction de 150,000 francs.
Un second élément de
l'effectif, ce sont les hommes que l'on maintient toute l'année sous les
drapeaux. J'ai déjà cherché à démontrer qu'il était impossible d'en réduire le
nombre. Nos compagnies d'infanterie surtout sont d'un effectif tellement faible
qu'elles suffisent à peine au service qu'on est en droit d'exiger d'elles.
J'expliquerai tout à l'heure à la chambre, en décomposant cet effectif, que
nous sommes à la dernière limite, et que le réduire encore d'un dixième, c'est
nous mettre dans l'impossibilité d'assurer le service et d'avoir dans les
cadres les hommes nécessaires pour l'instruction des recrues.
Je ne parlerai pas de la
réduction d'un dixième sur la cavalerie et l'artillerie, car, en aucun cas, je
ne pourrais m'y rallier. Ces armes ne sont pas trop fortes. Si on peut leur
faire un reproche, c'est d'avoir un effectif trop faible ; mais enfin dans
l'état où ces armes se trouvent, il est indispensable de les maintenir, et je
ne pourrai consentir à une réduction quelconque.
Je joindrai également les
tableaux décomposant un escadron de cavalerie, ainsi qu'une batterie
d'artillerie ; et par l'examen de ces tableaux, on pourra se convaincre que
l'effectif est réduit aux dernières limites. D'ailleurs, il est universellement
reconnu que ces armes ont besoin de beaucoup de temps pour leur instruction, et
qu'une fois désorganisées, on ne parvient pas facilement à les remettre sur un
pied respectable.
L'honorable M. Rogier
s'est particulièrement appuyé, dans la séance de samedi, sur sa ferme volonté
de maintenir l'intégrité des cadres. Messieurs, c'est sans doute le premier
élément de la bonne constitution d'une armée que d'avoir un cadre suffisant et
bien fourni en officiers et sous-officiers ; mais qu'il me soit permis d'en
appeler à d'anciens souvenirs et de citer un exemple qui prouvera à la chambre
qu'il peut arriver que le meilleur cadre ne suffise pas dans certaines
circonstances, quand il n'a pas, comme partie constituante, des soldats exercés
pour le seconder dans l'instruction des miliciens. Un cadre, quelque bon qu'il
soit, ne suffit pas ; il faut qu'avec lui marchent des soldats exercés et en
nombre suffisant.
Au commencement de 1809,
l'empereur décréta l'organisation des deux premiers régiments de la jeune
garde. On prit dans le dépôt des conscrits de la garde, à Versailles, deux
mille hommes pour former chacun de ces régiments. Ce dépôt était composé de dix
mille hommes tirés de toutes les conscriptions de l'empire, hommes de choix et
sachant presque tous lire et écrire ; quelques-uns étaient d'anciens soldats,
quelques-uns avaient été tirés des gardes départementales. On forma les cadres
des deux régiments d'officiers de la vieille garde ; les sous-officiers et les
caporaux sortaient également de la garde
Il n'y avait dans le
cadre que huit jeunes officiers (j'étais du nombre) sortis de l'école militaire
quelques mois auparavant. Ces régiments, dans lesquels le dernier caporal avait
au moins quatre campagnes, partirent pour l'Allemagne. Arrivés à Metz on fut
obligé de nous arrêter parce que nos jeunes soldats, malgré l'instruction
qu'ils avaient reçue à Versailles, ne présentaient pas la consistance
nécessaire pour entrer en ligne ; nous restâmes trois semaines ou un mois à
Metz et nous entrâmes en ligne dans l'Ile de Loban quelques jours avant la
bataille de Wagram. Si, au lieu de composer nos compagnies avec d'excellents
cadres, et des conscrits, on avait pris un noyau d'anciens soldats, cela ne
serait pas arrivé.
La preuve, c'est que
depuis cette campagne le régiment, qui chaque année perdait cependant la moitié
environ de son monde, a continué à se maintenir au moyen des nouvelles recrues
qui, amalgamées aux vieux soldats, permettaient de le tenir en campagne sans
interruption. Partis de Paris au nombre de 2,400 hommes, nous y étions revenus
en décembre 1809 avec un effectif de 780 dont environ 600 soldats ; eh bien, ce
noyau a suffi ; depuis, jamais le régiment n’a cessé de faire la guerre jusqu'à
l'abdication de l'empereur.
Voilà une preuve entre
mille de la nécessité d'avoir, à côté d'un bon cadre de compagnie, des soldats
exercés.
Une autre condition qui
doit porter à maintenir un nombre suffisant de soldats sous les armes, c'est
que pour qu'un cadre reste bon, il faut qu'il soit exercé lui-même, pour cela
il faut qu'il ait assez de monde pour faire l'exercice, faire le service des
gardes et de garnison ; sans cela, un cadre, quelque bon qu'il soit, doit peu à
peu se réduire à rien.
(page 669) J'ai dit que j'aurais l'honneur d'exposer à la chambre
comment il était impossible d'en venir à l'exécution de l'amendement de M. Osy.
A cet effet, il me
suffira de communiquer à la chambre les tableaux que j'ai ici sous les yeux :
Dans les douze régiments
d'infanterie et les 2ème et 3ème chasseurs à pied, la force de la compagnie est
de 50 hommes.
En déduisant le cadre
composé de 6 sous-officiers, 6 caporaux, 6 tambours, il reste 36 soldats.
Ces corps ont en ce
moment aux hôpitaux, 472 hommes, en jugement, 82. Soit par compagnie, 3
Malades au quartier,
2 ; cuisiniers, 1 ; ordonnances des officiers montés et ouvriers
cordonniers et tailleurs, 1 ; prisons, cachots et école régimentaire,
1 ; en petite permission et recrues volontaires non instruites, soit 11.
Reste 25 hommes.
Ce dernier chiffre
comprend en outre les hommes proposés pour la réforme, la pension, la compagnie
de discipline, etc.
Reste donc 25 hommes.
Voulez-vous que je supprime le dernier chiffre ? Mettez 28, si vous voulez. Je
vous le demande, avec 28 soldats et un cadre de 16 hommes, non compris les 3
officiers, pouvons-nous diminuer d'un dixième ? Que resterait-il ?
Quant à moi, je ne
répondrais pas de faire mouvoir, d'une manière utile, l'infanterie avec un
effectif réduit davantage.
En France, lors de la
discussion du budget de 1843, on a voulu également réduire l'effectif de
l'armée ; on a proposé de diminuer l'infanterie de 14,000 hommes ; car on se
serait bien gardé de toucher à l'effectif soit de la cavalerie, soit de
l'artillerie.
Ces compagnies qu'on
voulait réduire étaient de 63 hommes, 83 hommes y compris les cadres. Jamais le
maréchal Soult n'a voulu consentir à une réduction. A quoi serait-on arrivé ? A
n'avoir que 47 hommes sous les armes. Le maréchal Soult, qui est une autorité
des plus respectables sous le rapport militaire, a dit qu'avec un effectif
ainsi réduit, il était impossible de continuer à l'infanterie la consistance
nécessaire.
Plusieurs membres de la
chambre française se sont bornés à citer ce chiffre, et ils se sont arrêtés,
disant que ce chiffre disait tout. C'était un chiffre de 47 hommes. Nous n'en
avons que 27.
Indépendamment de ce que
j'ai dit d'une manière générale sur l'effectif de la cavalerie et de
l'artillerie, je crois utile de soumettre aussi à la chambre le tableau de la
réduction de l'effectif au dixième pour ces deux armées.
Dans les cinq régiments
de cavalerie à six escadrons, la force de l'escadron est de (pour 100 chevaux)
112 hommes. En déduisant le cadre composé de 8 sous-officiers, 12 brigadiers, 3
trompettes, 2 maréchaux ferrants, il reste en cavaliers, 87 hommes.
Ces corps ont en ce
moment aux hôpitaux 135 hommes, en jugement, 10. Soit par escadron, 5
Recrues appelées
récemment sous les armes et non instruites 17, malades au quartier 4,
cuisiniers 2, ordonnances des officiers, ouvriers tailleurs, selliers, etc. 9,
prison et cachot 1, école régimentaire 1, détachés au cours d'équitation 1, en
petite permission, 3 ?
Reste 44 hommes.
Dans ce chiffre sont
compris les hommes proposés pour la réforme, la pension et pour la compagnie de
discipline.
Il résulte de ce qui précède
que, dans le moment actuel, chaque cavalier a plus de deux chevaux à soigner.
Le service intérieur des
corps et la garde des écuries absorbent un nombre d'autant plus considérable
d'hommes, qu'un régiment peut à peine fournir dix cavaliers par jour pour le
service de garnison.
1° L'effectif d'une
batterie à cheval est de (Pour 70 chevaux de selle et 40 de trait.) 120 hommes.
En déduisant le cadre composé de 11 sous-officiers, 12 brigadiers, 3
trompettes, 2 maréchaux ferrants, il reste en canonniers, 92 hommes.
Les quatre batteries ont
en ce moment 31 hommes aux hôpitaux, 5 en jugement. Soit par batterie, 9.
Recrues appelées
récemment sous les armes et non instruites 28, malades au quartier 4,
cuisiniers 2, ordonnances des officiers, ouvriers tailleurs, selliers, etc. 9,
prison et cachot 1, école régimentaire 1, en petite permission, 3.
Reste 35 hommes.
Dans ce nombre sont
compris les hommes proposés pour la réforme, la pension, la compagnie de
discipline, etc.
Il résulte des calculs
ci-dessus que, actuellement, chaque homme a près de 3 chevaux à soigner ; aussi
ces batteries ne fournissent-elles aucun homme pour le service de garnison ni
pour les travaux dans les arsenaux.
2° L'effectif d'une
batterie montée est de 80 hommes (Plus 40 chevaux.). A déduire le cadre : 10
sous-officiers, 8 brigadiers, 2 trompettes, 4 maréchaux ferrants.
Reste, 56 hommes.
Les 15 batteries montées
comptent aux hôpitaux 38 hommes, en jugement 9. Soit par batterie, 3.
Les recrues appelées
récemment sous les armes et non instruites 22, malades au quartier 2,
cuisiniers 1, ordonnances des officiers montés, ouvriers tailleurs etc. 6,
prison, cachot et école régimentaire 2, en petite permission 2.
Reste 18 hommes.
Dans ce nombre sont
compris les hommes proposés pour la réforme, la pension, etc.
Ces batteries ne peuvent
concourir au service de garnison et ne fournissent qu'un très petit nombre
d'hommes pour le service des magasins.
3° L'effectif d'une
batterie de siège est de 82 hommes.
Cadre à déduire : 8
sous-officiers, 8 brigadiers, 2 trompettes, 3 ouvriers charrons, etc.,
Reste 61 hommes.
Les 24 batteries de siège
comptent aux hôpitaux 46 hommes, en jugement, 8. Soit par batterie, 2
Les recrues appelées
récemment sous les armes et non instruites 22, malades au quartier 2, cuisinier
1, ordonnances des officiers, ouvriers tailleurs, cordonniers, etc. 6, prison,
cachot et école régimentaire 2, en petite permission, et détachés à l'école de
pyrotechnie 3.
Reste 23 hommes.
(page 670) Dans ce nombre sont compris les hommes proposés pour la
réforme, la pension, la compagnie de discipline, etc.
Les batteries de siège ne
fournissent qu'un très petit nombre d'hommes pour le service de garnison. En
maintes circonstances, leur effectif est insuffisant : c'est ainsi que tout
récemment, à Anvers, on a été obligé d'employer des hommes appartenant à
l'infanterie, à la confection de cartouches.
L'effectif de notre
armée, sur le pied de paix, est presque partout inférieur à celui des autres
armées. L'effectif de paix forme en Belgique, le 1/139 de la population.
En France, le 1/97
Aux Pays-Bas, le 1/120
En Sardaigne, le 1/121
En Bavière, le 1/190
En Prusse, le 1/124
En Autriche, le 1/100
En Russie, le 1/93
Au Portugal, le 1/111
En Espagne, le 1/93
Au Hanovre, le 1/88.
Ainsi, la Bavière seule a
un effectif de paix proportionnément moindre que la Belgique.
La Bavière n'est pas dans
la même situation topographique et politique que nous, il est inutile de le
faire remarquer.
D'ailleurs, l'armée n'est
pas absolument destinée à rester dans ses garnisons. Il faut qu'elle puisse, à
un moment donné, se porter, en force suffisante où le besoin l'exige. Nous
sommes dans un état de tranquillité qui se maintiendra, il faut l'espérer. Mais
on doit prévoir toutes les éventualités. Si l'on veut maintenir une armée, il
faut qu'elle soit sur un pied respectable.
Dans la dernière séance
de la chambre, on a insisté sur ce point que la réduction proposée ne serait
que temporaire. Ne fût-elle que temporaire, je la considérerais encore comme
extrêmement fâcheuse, extrêmement nuisible ; car pendant la durée de cette
réduction temporaire, le moral de l'armée souffrirait.
Le moral de l'armée est,
j'ose le dire, excellent. L'armée est bonne ; elle est dévouée. Il faut la
maintenir dans cette situation morale. Il faut qu'elle sache que le pays a
toujours les yeux sur elle, que le pays s'intéresse toujours à elle, est prêt à
faire tous les sacrifices pour la conserver sur un pied respectable. Vous
l'avez satisfaite, messieurs, par la loi d'organisation de 1845 ; ne changez
rien à cet état de choses ; maintenez l'effectif tel qu'il a été arrêté.
On a dit que la situation
malheureuse dans laquelle on se trouvait sous le rapport de la cherté des
subsistances, demandait des sacrifices de tous genres, et l'on s'est appuyé en
partie sur ces circonstances pour demander une diminution dans l'effectif.
Messieurs, ces
circonstances malheureuses peuvent se maintenir ; et alors la réduction
temporaire se prolongerait. Ces circonstances peuvent même devenir plus
mauvaises encore. Faudrait-il de nouveau réduire l'effectif ? Faut-il que
l'effectif dépende de la cherté des céréales ? Je ne le crois pas, je crois
qu'il faut maintenir un effectif raisonnable et subir les conséquences des
calamités qui peuvent nous survenir.
J'ai fait, messieurs, un
relevé de la cherté des vivres dans deux ou trois époques différentes, et je me
suis demandé ce que deviendrait l'armée, si l'on devait, chaque fois que la
cherté des subsistances devient un véritable fardeau pour le pays et le trésor,
réduire en proportion l'effectif de nos troupes.
Messieurs, en 1817, la
moyenne du prix du froment a été de 35 fr. Aujourd'hui, le froment est à 28 fr.
30. Eh bien ! si nous avions le malheur d'arriver à une sorte de disette, à des
nécessités telles qu'en 1817, et si le froment arrivait au prix de 35 fr., mais
il faudrait donc en quelque sorte ne plus avoir d'infanterie.
D'un autre côté,
permettez-moi de vous rappeler que lorsque vous avez fixé un effectif à peu
près satisfaisant, le froment ne coûtait que 19 fr. 22.
Vous
voyez donc bien que ce n'est pas là l'élément convenable pour déterminer la
force de l'effectif de l'armée.
Je n'hésite pas à dire
qu'il faut à tout prix maintenir un effectif raisonnable ; qu'il est une
certaine limite qu'on ne peut franchir ; qu'il est des sacrifices que toute
nation qui tient à son indépendance doit savoir s'imposer.
Je me résume, messieurs.
J'ai déjà peut-être été trop long. Mais je défends une cause qui a toutes mes
convictions. Je vous prie, avec instance, au nom de l'armée, de maintenir
l'effectif de l'infanterie. J'ai cité tout à l'heure l'illustre maréchal Soult,
lorsqu'en 1843, on voulait obtenir de lui une réduction de l'effectif ; il a
dit alors que ce serait raccourcir l'épée de la France. Eh bien ! n'oublions
pas que la nôtre n'est pas trop longue.
M. Rogier. - Messieurs, les
sentiments que M. le ministre de la guerre vient d’exprimer, je les partage à
tous égards. Dans toutes les discussions relatives à l'armée et au budget de la
guerre, j'ai professé absolument les mêmes principes, j'ai témoigné les mêmes
sympathies que M. le ministre de la guerre.
Il m'est donc très
pénible d'avoir en quelque sorte à continuer la lutte, alors que je m'adresse à
un ministre dont tous les principes sont les miens et pour lequel, je dois le
dire, j'ai des sympathies particulières.
M. le ministre de la
guerre sait très bien qu'il n'y a rien qui puisse ressembler, de près ou de
loin, à une querelle de personnes dans les observations que j'ai présentées. Il
est possible, messieurs, que dans la forme il y ait eu quelque vivacité ; mais
enfin M. le ministre de la guerre est persuadé que dans mes observations rien
au fond ne lui était personnel. Il connaît les sentiments que je lui porte
depuis longtemps.
M. le ministre de la
guerre est beaucoup plus près de notre opinion qu'il ne le dit lui-même. Nous
n'avons pas demandé à M. le ministre de la guerre de réduire d'une manière
définitive l'effectif de l'armée ; mais nous lui avons demandé, si, à défaut
d'autres moyens, il ne serait pas possible de retenir pendant moins longtemps
les hommes sous les armes. M. le ministre de la guerre dit que son intention
est de le faire. Je crois même qu'il a donné à entendre qu'il prendrait
l'initiative de quelques réductions qu'il jugeait compatibles avec le bien du
service. Eh bien ! quand nous en serons arrivés à l'examen des articles, il est
possible que nous parvenions à nous entendre entièrement avec M. le ministre de
la guerre.
Messieurs, le sentiment
qui me domine dans cette discussion est précisément le même qui me dominait
dans les discussions antérieures, et notamment dans la discussion de 1843 sous
le général de Liem. A cette époque, j'exprimais mes regrets que la situation
financière du pays pesât d'une manière défavorable sur les sentiments de la
chambre. J'ai regretté que notre situation financière fût telle que, dans des
vues d'économie indiquées par les circonstances, la chambre ne se montrât pas
alors aussi bien disposée pour l'année qu'elle aurait pu l'être, si la
situation financière avait été meilleure.
Cette opinion, messieurs,
je l'ai exprimée en 1843, il est inutile de reproduire ici ce que j'ai dit
alors. Mais enfin je me suis exprimé d'une manière très catégorique.
J'ai même été, lors du
vote sur la demande des centimes additionnels, jusqu'à m'abstenir, alors que la
chambre en masse votait contre cette demande. L'honorable comte de Mérode et
moi nous nous sommes abstenus en disant que la situation du trésor public
paraissait exiger des ressources nouvelles. Toute la chambre vota alors contre
les centimes additionnels ; les quatre ministres seuls votèrent pour ; et dans
la discussion du budget des voies et moyens, déjà en vue du budget de la
guerre, j'exprimai le regret que le gouvernement ne se fût pas mieux mis en
mesure d'établir le trésor public sur de bonnes bases, de renforcer ses
ressources de telle manière que la pénurie du trésor n'exerçât pas sur les lois
relatives à l'armée une influence fâcheuse.
Messieurs, les
circonstances de 1843 sont-elles changées en 1847 ? Les préoccupations d'alors
doivent-elles avoir disparu ?
Non, messieurs, les
circonstances pèsent encore plus fortement aujourd'hui sur nos délibérations
qu'elles ne devaient le faire alors, car il me sera facile de démontrer que la
situation financière, loin d'être améliorée, est moins bonne peut-être encore
qu'en 1843. Si la situation financière avait été bonne, je le déclare tout de
suite, je n'aurais probablement pas soumis à la chambre les observations que
j'ai été forcé de présenter.
En 1843 (et c'est là
l'espèce de reproche que l'honorable M. Brabant m'a adressé), en 1843, la
situation financière, dit-on, était mauvaise, et cependant nous votâmes le
chiffre demandé par le général de Liem, sans avoir égard à la situation
financière. En effet, messieurs, en 1843, l'équilibre n'avait pu se rétablir
entre les recettes et les dépenses que par une émission de bons du trésor, de
21 millions de francs ; mais aujourd'hui ce n'est pas une émission de 21
millions de fr. de bons du trésor devant laquelle nous nous trouvons, ce sera,
si toutes les dépenses proposées sont votées, ce sera devant une émission de
bons du trésor de 30 millions de francs, au minimum, à moins qu'on ne crée
d'autres ressources. Aux dépenses nouvelles déjà proposées viendront
nécessairement se joindre d'autres demandes encore. Je ne pense pas que M. le
ministre des finances puisse contester cette éventualité. Nous sommes déjà très
près des 30 millions, si toutes les dépenses demandées sont votées. Et
cependant, messieurs, depuis 1843, toutes les ressources du trésor, provenant
des impôts ou d'autres revenus, ont toujours été croissantes. Voilà la position
bizarre où se trouve le pays : augmentation successive des ressources et
accroissement du déficit. Si nous comparons les budgets de 1843 et de 1847,
voici les résultats généraux que nous rencontrons :
Foncier :
1847 : 18,359,000 ; 1843 : 17,749,000. Accroissement :
610,000 fr.
Personnel :
1847 : 9,149,000, 1847 : 8,500,000. Accroissement : 649,000 fr.
Patentes :
1847 : 3,003,000 ; 1843 : 2,876,000. Accroissement :
127,000 fr.
Douanes :
1847 : 11,397,000 ; 1843 : 10,634,000. Accroissement :
763,000 fr.
Accises :
1847 : 20,006,000 ; 1843 : 19,255,000. Accroissement :
751,000 fr.
Postes : 1847 :
3,575,000 ; 1843 : 3,220,000. Accroissement : 355,000 fr.
Chemin de fer (excédant
des recettes sur les dépenses) : 1847 : 5,346,000 ; 1843 :
3,594,000. Accroissement : 1,752,000 fr.
Toutes ces augmentations
réunies ont pour résultat un accroissement pur le trésor public de 5,007,000
fr. Cependant nous ne sommes pas plus avancés ; au contraire nous sommes
obligés d'émettre plus de bons du trésor qu'en 18430
(page 671) Ajoutons qu'en présence de rentrées certaines, on aurait
pu voter, en 1843, les sommes demandées pour le département de la guerre, alors
qu'on ne les voterait pas, en 1847, année où les mêmes ressources ne se
présentent pas.
En 1843, la fin de nos
différends avec la Hollande est arrivée. Il y a eu une liquidation définitive
qui a fait rentrer des sommes au trésor de l'Etat, et a amélioré sensiblement
la situation financière.
Ainsi par la conversion
du 5 en 4 1/2 p c., et par le mode de remboursement appliqué par la Belgique au
compte de la Hollande, notre dette publique a été diminuée de 1,291,147, somme
consignée dans le rapport de l'honorable M Mercier sur les opérations de la
conversion. Il y a eu donc à payer, en moins, une somme de 1,291,147.
Notre situation financière
s'est trouvée améliorée de cette somme.
Ce n'est pas tout : la
banque a remboursé en 1843 et 1844 les avances qui lui avaient été faites par
le gouvernement des Pays-Bas. Ayant liquidé d'avance, elle a payé à la Belgique
et à la Hollande des sommes qu'elle ne devait rembourser qu'en 1849.
De ce chef, la banque
nous a payé : d'abord, 2,500,000 fl., indépendamment de la rétrocession de la
forêt de Soignes, puis 2,400,000 fl. Ces millions ont été absorbés par les
dépenses.
M. le ministre
des finances (M. Malou). - C'est une erreur !
M. Rogier. - Ces millions
ont été payés par la banque.
M. le ministre
des finances (M. Malou). - Ils ont été payés au roi Guillaume, d'après la convention.
M. Rogier. - Pardon !
2,500,000 florins furent payés au roi de Hollande, en déduction de tous les
droits, avances et créances que le gouvernement des Pays-Bas avait en Belgique,
pour travaux exécutés sur le territoire belge ; mais cette somme n'était pas
comprise dans les 4,900,000 fl. ; elle n'entra pas dans les caisses de l'Etat,
et je n'en tiens pas compte.
Aux mêmes époques encore,
dans la loi même de conversion, il fut décidé que 10 millions de dette
flottante seraient consolidés ; cette consolidation a eu lieu ; la dette
flottante a été diminuée d'autant ; eh bien, malgré toutes ces améliorations,
nous nous trouvons encore en 1847 en présence d'un déficit de près de 30
millions de francs. Je vous le demande, messieurs, peut-on comparer les deux
situations ?
C'est donc placé devant
cette situation financière que nous avons dû présenter nos observations à
l'occasion d'une nouvelle demande supplémentaire de 1,300,000 francs faite par
M. le ministre de la guerre. Je ne parle pas des deux millions qui ont été
demandés à l'ouverture de la session ; il y avait urgence ; personne n'aurait
songé à contester la nécessité du crédit ; mais si un autre crédit avait été
soumis à la chambre avant celui de la guerre, les observations que j'avais à
faire sur la situation financière, je les aurais présentées et avec beaucoup
moins de répugnance que je ne le fais en ce moment, alors qu'il s'agit d'une
institution que j'ai toujours eu à cœur de défendre.
Je suis entièrement
d'accord avec M. le ministre de la guerre. Si les réductions proposées devaient
porter atteinte à l'institution même de l'armée, je les combattrais comme lui ;
mais je ne crois pas que les moyens qui ont été indiqués soient de nature à
exercer, sur l’institution de l'armée, cette fatale influence que M. le
ministre de la guerre est venu signaler. Du reste, quand nous arriverons à la
discussion des articles, c'est un point que l'on pourra approfondir.
M. le ministre de la
guerre a fait, il est vrai, quelques réductions dans son budget. Mais ce que je
regrette, c'est que ces réductions n'aient pas profité à l'armée elle-même. Si
M. le ministre de la guerre avait fait ces réductions, pour améliorer, par
exemple, le matériel, et entre autres le matériel de l'artillerie (si je suis
bien informé, ce matériel est jusqu'à un certain point défectueux, suffisant),
alors, messieurs, j'aurais applaudi à ces réductions, j'y aurais vu un nouvel
avantage pour l'armée, j'y aurais vu une véritable amélioration. Mais je dois
le dire, les réductions faites par M. le ministre de la guerre ne profilent pas
à l'institution même de l'armée ; ce n'est qu'un transfert d'un article à
l'autre.
Je trouve, dans l'exposé
des motifs du budget de la guerre, une première réduction qui consiste à
enlever aux grenadiers des douze régiments de ligne les trois centimes de solde
supplémentaire qu'ils reçoivent au-delà de la solde des voltigeurs ; on les met
sur le même pied que les voltigeurs ; on a pu avoir de bonnes raisons pour
cette réduction, mais le budget n'en profite pas. Voici comment on a opéré :
Il y a environ 1,600
grenadiers de ligne ; la suppression de trois centimes, faite au détriment des
grenadiers des douze régiments de ligne, profite à tous les hommes du régiment
qui se trouve à Bruxelles en garnison permanente ; on enlève trois centimes aux
grenadiers des régiments de ligne, mais on élève à six centimes la solde
supplémentaire dont jouissent tous les hommes qui appartiennent au régiment
d'élite. Je ne vois pas trop en quoi le budget de la guerre se trouve amélioré
par là. (Interruption.)
On dit que les soldats du
régiment d'élite ont beaucoup plus de dépenses à faire à Bruxelles ; que le
service y est plus rigoureux et qu'ils usent plus leurs vêtements ; cela est
possible, mais cette considération s'appliquerait, me semble-t-il, aux soldats
des autres régiments en garnison à Bruxelles, ils ont les mêmes services à
rendre, et cependant on ne leur donne pas ce supplément de solde.
Du reste, si cette
observation est juste, elle serait peut-être plus applicable encore à messieurs
les officiers qu'aux soldats, car les officiers qui sont en garnison permanente
à Bruxelles, ont dans cette position des charges que n'ont pas les officiers
des autres garnisons.
Ainsi donc, s'il est
reconnu indispensable d'améliorer la solde des soldats d'élite, je crois que
par là même, sous peine d'être inconséquent, il faudrait améliorer la solde des
officiers.
II y a une seconde
observation ; et ici déjà l'on touche à ce que, dans mon opinion, on aurait dû
respecter malgré la situation ; on touche indirectement à la solde du soldat.
Sous ce rapport, je ne partage pas l'opinion de l'honorable M. Lebeau. Mon
honorable ami a indiqué une réduction sur la solde du soldat comme une
ressource éventuelle d'économies à opérer sur le budget de la guerre, il n'a
pas dit toutefois qu'il fallait réduire la solde du soldat dès maintenant ; il
a très bien compris que la cherté actuelle des vivres exerçait une influence
fâcheuse sur le revenu du soldat, et que ce ne serait pas le moment de réduire
ce léger revenu.
Eh bien, déjà on atteint
indirectement la solde du soldat. Aujourd'hui, il y a pour masse d'habillement
une première mise de fonds, faite par l'Etat, laquelle est de 50 fr. pour un
cavalier et de 36 fr. pour un fantassin. Or, M. le ministre de la guerre
retranche à cette première mise de fonds faite par l’Etat, savoir : 10 fr. par
cavalier et 6 fr. par fantassin. Je sais que 6 ou 10 fr. ne sont pas une somme
considérable.
M. le ministre
de la guerre (M. Prisse). - C'est pour les six années de service.
M. Rogier. - Mais enfin
lorsque le soldat doit quitter le service ; s'il n'a pas éteint la dette qu'il
avait au corps, il éprouve toute espèce de difficultés, et c'est beaucoup pour
les familles auxquelles appartiennent les miliciens que 10 fr. d'une part et 6
fr. de l'autre.
Ainsi on a touché à la
solde du soldat, non d'une, manière très forte, mais on y a touché légèrement ;
et je ne vois pas qu'il en soit résulté une amélioration quelconque au budget
de la guerre.
II y a une autre
augmentation dont je n'ai pas pu me rendre compte pour le régiment des guides,
c'est une augmentation de deux centimes par homme pour l'entretien du colback.
Autrefois le colback était fourni sur le chiffre : Harnachement et buffleterie
; à l'avenir, le soldat sera chargé de fournir le colback ; on lui donnera deux
centimes de plus par jour ; mais je n'ai pas vu qu'on ait diminué le chiffre
Harnachement et buffleterie. Je ne sais si c'est une augmentation indirecte de
solde qu'on a voulu accorder aux soldats du régiment des guides. Si les
circonstances exigent cette augmentation, puisqu'on l'a fait pour l'infanterie,
je conçois qu'on le fasse pour la cavalerie, mais on devrait s'en expliquer
franchement.
Je trouve une réduction
de 102 mille francs provenant de l'extinction d'officiers au-dessus du complet
fixé par la loi d'organisation ; mais encore une fois je ne vois pas à quel
article du budget cette réduction a été favorable. Y a-t-il eu pour certains
officiers de l'avancement ? Des officiers qui depuis longtemps occupent des
grades de lieutenant et de sous-lieutenant ont-ils pu trouver là une occasion
d'avancement, ou a-t-on amélioré quelques autres parties du budget ? Cela n'est
pas expliqué.
Il y a encore différentes
petites réductions, 8 mille francs sur la cavalerie, 5 mille francs sur
l'artillerie, 5 mille francs sur des rations de généraux, etc.. ce sont des
détails minutieux dans lesquels je ne veux pas entrer. Mais je maintiens mon
observation générale.
En fait d'augmentation,
la seule augmentation sérieuse, nécessitée par des besoins réels, serait celle
à laquelle aurait donné lieu l'extension du corps de la gendarmerie, et qui
figure pour 148 mille francs.
A cette occasion, je dois
rectifier une erreur ; on a dit que l'augmentation de 1,300,000 fr. provenait
en partie de l'augmentation de la gendarmerie, il n'en est rien, les 148,000
fr. demandés pour cet objet figuraient dans le projet primitif de budget
présenté en 1846. Ainsi, ce n'est pas de ce chef qu'une partie des 1,300,000
fr. est demandée ; la gendarmerie est en dehors.
Il y a ensuite une
demande de fonds pour 96 chevaux de cuirassiers. Il paraît que les cuirassiers
montés ne sont pas assez nombreux, qu'on reconnaît la nécessité d'augmenter le
nombre des chevaux, parce que les escadrons ne peuvent pas manœuvrer
convenablement. Je demanderai à M. le ministre si cette acquisition est
indispensable, si on ne pourrait pas la réduire.
Il y a une autre
augmentation de dépenses, c'est pour le camp de Beverloo ; l'année dernière il
a duré trente jours, cette année on veut le faire durer trente-deux jours. Je
serais très contraire à la suppression du camp de Beverloo ; si on la
demandait, je la combattrais ? Je crois que trois semaines passées au camp
valent mieux que six mois de garnison, pour l'instruction et le moral du
soldat.
J'aimerais mieux, si on
le pouvait, renvoyer toute l'armée le reste de l'année pour réunir pendant un
certain temps un beaucoup plus grand nombre d'hommes au camp de Beverloo ;
ainsi je ne suis pas partisan de sa suppression ; je le considère comme la
grande école de l'armée ; si elle se perfectionne dans son instruction, c'est à
Beverloo ; hors de là, grâce à l'éparpillement de l'armée dans une foule de
petites garnisons, elle fait très peu de progrès. Une fois par an elle se
trouve réunie en masse sur un seul point, elle peut se livrer à des exercices
sérieux : hors ce temps ce n'est qu'exceptionnellement que les officiers et les
soldats peuvent utilement s'exercer. Mais, faut-il prendre deux jours de plus
cette année ? Si, eu égard à l'augmentation d'autres articles on réduisait la
durée du camp à 25 jours, ce serait une économie. Mais c'est une chose à
laquelle je ne voudrais pas toucher légèrement ; dans tous les cas, la
nécessité de porter à 32 jours la durée du campement qui, l'année dernière, n'a
été que de 30 jours, n'existe pas.
(page 672) En résumé j'ai l'espoir que mes observations, auxquelles
je veux ôter toute espèce de caractère hostile envers M. le ministre, ne seront
pas restées peut-être sans quelque fruit.
Elles ont pour but
d'engager le gouvernement à réfléchir mûrement sur la situation ; elles ont
pour but d'engager le gouvernement à aviser ; car ces observations ne
s'appliquent pas seulement au budget de la guerre ; elles doivent
nécessairement se reproduire chaque fois que des dépenses nouvelles nous sont
proposées sans ressources nouvelles. C'est la situation générale du trésor qui
pèse d'une manière fâcheuse sur toutes les nouvelles demandes de crédit qui
nous sont faites. C'est pour cela que j'appelle sur cette situation l'attention
de M. le ministre des finances.
Du reste, en cela, je ne
fais que répéter ce qui nous a été dit par ceux qui se sont succédé au banc
ministériel. Les honorables MM. Mercier et Malou ont en quelque sorte fait
notre éducation sous ce rapport ; ils ont demandé non seulement qu'il y eût des
ressources pour toute création de nouvelles dépenses, mais encore qu'il y eût
une réserve. Cette doctrine a toujours été professée et défendue par MM. les
ministres. Je ne fais que la reproduire.
Nous ne venons pas dire
qu'il faut en ce moment une réserve ; nous sommes loin de pousser jusque-là
notre ambition financière, mais ce que nous demandons, c'est que le déficit
n'aille pas chaque jour en croissant, c'est qu'en l'absence de ressources que
l'on n'est pas disposé à créer, on ne crée pas de dépenses nouvelles, ou qu'on
se montre très modéré dans les dépenses qu'on décrète.
Je crois que cette
doctrine doit être celle de toute la chambre.
On nous a dit, dans le
discours du Trône, qu'il y a équilibre entre les recettes et les dépenses.
Cette assertion manque aujourd'hui d'exactitude.
Le budget des voies et
moyens présenté par M. le ministre des finances en 1846, pour l'exercice 1847,
rapproché du budget des dépenses, s'équilibrait avec un excédant de 255,674
francs. Il est évident que cet excédant est aujourd'hui absorbé par la création
de services nouveaux, puisque pour le seul budget de la guerre, il y a
1,300,000 francs proposés en plus. De ce chef donc, il y a, dans l'équilibre,
une défaveur de plus d'un million.
Il est évident que
l'équilibre n'existe plus pour 1847, et que de plus vous aurez avant la fin de
1847 une dette flottante de 30 millions.
Cette
situation n'est pas belle ; elle doit engager la chambre à réfléchir ; elle
doit engager le gouvernement à entrer, autant que possible, dans la voie des
économies, puisque les circonstances (je le reconnais), non plus que les
dispositions des ministres ne se prêtent pas à l'augmentation des impôts.
Je n'en dirai pas
davantage. J'attendrai la discussion sur les articles. Je serai heureux de me
trouver d'accord avec M. le ministre de la guerre. Il me serait pénible d'avoir
à émettre un vote négatif sur son budget. Sous tous les ministères, j'ai voté
pour le budget de la guerre. Je ne voudrais pas être forcé de déroger à cette
habitude vis-à-vis du général Prisse, pour lequel je professe depuis longtemps
de bons sentiments.
M. le ministre
de la guerre (M. Prisse). - J'imiterai l'exemple de l'honorable M. Rogier. Je
différerai ma réponse aux observations qu'il vient de présenter jusqu'à la
discussion des articles du budget. Cependant comme j'ai annoncé la ferme
intention de faire à mon budget toutes les économies compatibles avec la
nécessité et avec l'intérêt de l'armée, il m'est agréable de pouvoir, dès à
présent, en signaler une qui ne sera pas sans une certaine importance.
Si vous voulez jeter les
yeux sur le budget (chapitre II, section 2, article premier, Solde
d'infanterie) vous y trouverez en dépenses extraordinaires une somme de 62,280
42
J'avais
annoncé pour cette somme une économie de 17,748 85
La dépense devait donc
être limitée à 44,472 17.
Eh bien, je puis, dès à
présent, faire connaître à la chambre que je compte faire sur ce chiffre une
économie de 40,000 fr. Je prends rengagement de me contenter de 4,472 fr. 17 c.
M. le ministre
des finances (M. Malou). - Comme les questions relatives à la situation financière ont été assez
longuement traitées dans la discussion du budget des voies et moyens, je
m'efforcerai, dans les observations que j'ai à faire sur le discours de
l'honorable membre, d'être extrêmement concis.
Les budgets de 1830 à
1841 sont ou réglés ou sur le point de l'être. L'honorable rapporteur de la
commission des finances vient de m'indiquer le chiffre de clôture de tous les
exercices clos jusqu'en 1841. Nous avons jusqu'à cette époque un déficit de 4 millions
et demi. Tel est le découvert pour les onze premières années de l'indépendance
de la Belgique, au milieu des circonstances les plus défavorables.
Vous le savez, messieurs,
la clôture des négociations avec la Hollande a mis depuis lors à la disposition
de la Belgique des valeurs importantes. De commun accord chambres et
gouvernement ont reporté à 1843 le solde débiteur de tous les exercices
antérieurs. Ainsi quand nous réglerons l'exercice 1843, le déficit de 1841 sera
converti, en 1843, en un excédant.
Si l'on ne peut prédire
le résultat des exercices en cours d'exécution, nous savons du moins que,
depuis cette époque, depuis la clôture des différends avec la Hollande, il n'y
a pas eu de déficit permanent. Il y a eu un faible excédant sur certains exercices,
et un faible déficit sur d'autres exercices. Mais je n'hésite pas à le
déclarer, l'équilibre, y compris tous les crédits supplémentaires demandés,
l'équilibre, tel que je viens de le définir, existe et a été maintenu.
L'honorable membre
persiste à confondre les capitaux consacrés à l'exécution de travaux d'utilité
publique avec ce que l'on appelle dans tous les pays de l'univers des déficits
de budget.
II y a cependant une très
grande différence.
J'en citerai un exemple :
trois millions et demi sont affectés au creusement du canal de Liège à
Maestricht. Je suppose que ce canal ne donne pas immédiatement 5 p. c.
d'intérêt. Si je renonce à percevoir cet intérêt au moyen de péages, c'est que,
comme pour les routes, je veux trouver l'intérêt dans l'utilité indirecte, dans
la réaction opérée sur la prospérité publique. C'est un capital que la nation
lève pour l'amélioration du territoire, en faisant, si je puis m'exprimer
ainsi, acte de bon propriétaire. C'est, en d'autres termes, une utile
application du crédit public.
Plusieurs membres. - Très bien !
M. le ministre
des finances (M. Malou). - Vous voyez, messieurs, que nous sommes plus près d'être d'accord que
je ne le pensais l'autre jour.
Transformer des emprunts
définitifs ou temporaires en déficits, n'apprécier la situation financière que
d'après le chiffre de la dette flottante à un moment donné, ce serait commettre
une grave, j'allais presque dire une inexcusable erreur.
Si toutes les
propositions soumises à la chambre sont adoptées, nous aurons émis non pour 30
millions, mais pour 25 millions de dette flottante. J'en appelle aux documents
distribués à la chambre ; ils démontrent que, sauf les deux millions votés pour
la crise des subsistances et pour cette année seulement, ces sommes sont des
emplois de capitaux, en vue d'un revenu direct ou d'une utilité indirecte.
Nous avons fait des
emprunts temporaires, au lieu d'un emprunt définitif, par des considérations
d'économie, pour ne pas avoir à payer l'intérêt sur tout le capital, avant
qu'il fût employé à des travaux d'utilité générale.
Il ne faut donc pas voir
la situation financière dans le chiffre de la dette flottante ; il faut voir si
nous avons rétabli l'équilibre entre les voies et moyens et les dépenses
ordinaires.
A ce point de vue les
recettes opérées en 1846 (je dois l'avouer) m’ont étonné moi-même. La crise des
subsistances par suite du manque de la récolte des pommes de terre et du prix
élevé des céréales rendait probable une grande diminution du revenu. Cependant,
considérées dans leur ensemble, les prévisions du budget ont été atteintes à
peu de chose près.
Nous devons conclure de
ce fait que dans des circonstances moins malheureuses, le développement du
revenu public, n'y eût-il aucun changement dans l'assiette des impôts, nous
donnerait des ressources nouvelles.
Les prévisions de 1847
ont été établies avec une très grande modération. A moins que le prix des
céréales se maintienne à un prix fort élevé pendant toute l'année, les recettes
prévues seront dépassées dans la réalité. Faudrait-il s'affliger, après tout,
si pour une dépense de première nécessité, pour maintenir l'année sur un pied
respectable, nous avions, lorsqu'il faut traverser une année aussi
exceptionnelle, un déficit de 5 à 600,000 fr. dans la balance des budgets ?
Faudrait-il croire qu'un déficit, réduit à ces termes pût avoir pour l'avenir
de nos finances un danger sérieux ?
Messieurs, qu'il me soit permis de le redire encore ; en
appréciant dans leur ensemble la gestion des finances publiques depuis 1830 ;
en appréciant surtout quelles ont été les causes de l'augmentation successive
des dépenses et des recettes, la Belgique, j'en suis profondément convaincu,
peut avoir pleine confiance dans son avenir financier.
M. le président. - La parole est à M. Lejeune.
M. Lejeune. - M. le président, je ne me sens pas
très disposé à parler aujourd'hui, et je ne voudrais pas empêcher la chambre de
continuer la discussion générale et même de la clore. Car je pourrai présenter
mes observations à l'occasion d'un chapitre du budget.
M. de Lannoy. - Il m'a toujours semblé que le
principe d'égalité de tous à la participation aux charges nécessaires dans tout
gouvernement, et que l'on a cherché à établir le plus possible dans toutes nos
institutions ; que ce principe était singulièrement violé par le mode
actuellement suivi pour le recrutement de l'année. J'ai pensé que l'on rendrait
un grand service au pays entier si l'on pouvait parvenir à trouver un mode plus
équitable de répartition de cet impôt, que nous avons entendu qualifier, il y a
peu de jours encore, d'impôt du sang, quoique cette qualification ne soit plus
depuis assez longtemps littéralement exacte, mais qu'elle reste toujours en
usage pour signaler le plus dur de tous les impôts.
Qui est chargé par la loi
actuelle de la répartition de cet impôt ? Le hasard, qui frappe n et libère
l'autre ; le sort aveugle qui frappe le pauvre et épargne le riche, qui aurait
eu une manière facile et peu gênante pour lui de se libérer ; car la loi
autorise le remplacement dont il profite toujours : car pour lui ce n'est
qu'une question d'argent, quand les chances de cette loterie lui ont été
défavorables, de cette loterie qui a survécu à celle réprouvée par tous comme
immorale et où l'enjeu n'était que de l'argent : tandis que dans celle
conservée dans la loi sur la milice le malheureux père de famille vient jouer
la liberté et peut-être la vie de son enfant.
Le remplace ment devait
être admis dans la loi actuelle : toutes les carrières civiles ne pouvaient pas
être brisées, interrompues pendant plusieurs années. Mais pour remédier à un
inconvénient on est tombé (page 673)
dans un autre, car j'ai toujours entendu citer le remplacement comme une
véritable plaie pour l'armée.
La fourniture des
remplaçants est devenue un commerce très lucratif, dit-on, quoiqu'il s'exerce
le plus souvent avec de la marchandise très avariée ; car où ces industriels
vont-ils chercher leurs recrues ? C'est parmi les hommes à qui la mauvaise
conduite a ôté d'autres moyens d'existence ; qui sont devenus à charge à leurs
concitoyens, à leur famille et à eux-mêmes ; qui, ayant tout vendu, finissent
par se vendre eux-mêmes.
Ces hommes arrivés dans
les régiments y apportent le désordre ; leur démoralisation trouve encore un
nouvel aliment dans le produit du marché qu'ils viennent de conclure : ils
peuplent les salles de police et les prisons militaires ; ils sont la première
cause de corruption des jeunes soldats.
J'ai vu, dans un compte
rendu de la justice militaire en France, que sur un effectif qui montait en
1839 à 145,377 hommes, la proportion des condamnations avait été de 1 sur 259 ;
tandis que sur 70,405 remplaçants, la proportion était de 1 sur 62.
Je n'ai pas trouvé les
mêmes renseignements pour la Belgique, mais je pense que, dans des situations
analogues, les résultats devaient être à peu près les mêmes.
Devant de semblables
faits, il n'est pas étonnant qu'il soit si difficile de faire recevoir des
remplaçants dans l'armée, et qu'à leur grand étonnement on leur découvre, dans
les visites minutieuses qu'ils doivent subir, des infirmités qui les rendent
impropres au service et dont ils n'avaient pas eux-mêmes connaissance.
Le principe qui a fait
introduire dans la loi actuelle le remplacement étant reconnu nécessaire et
impossible à changer, la loi admettant le remplacement, admet comme conséquence
que l'on peut se libérer du service militaire à prix d'argent ; c'est ce
système de libération à prix d'argent que je pense que l'on pourrait établir
d'une manière très avantageuse, tant pour les familles que pour l'armée, dans
la révision de la loi sur la milice.
La loi établissant que
tout Belge doit contribuer de sa personne ou de sa fortune à l'organisation de
l'armée, et par suite, à la défense du pays et de ses institutions, les
inconvénients du remplacement viendraient à cesser avec le remplacement
lui-même. |
Tout Belge, parvenu à
l'âge de l'appel à la milice, devrait déclarer s'il a l'intention de servir
activement ou de se libérer pécuniairement. Dans ce cas, il devrait déposer,
dans un terme donné, le montant de la somme fixée par loi, et qui pourrait être
inférieure, vu le grand nombre de personnes appelées à contribuer, à celle que
l'on demande maintenant pour un remplaçant.
Les conseils de milice
seraient chargés de constater la validité des exemptions aussi larges que
possible, accordées par la loi : mais desquelles je voudrais que les personnes
qui jouissent d'une certaine aisance, ne pussent pas profiter.
Nous ne verrions plus les
malheureux habitants de la campagne si souvent victimes des exactions de ces
industriels flétris du nom de marchands d'hommes, qui viennent leur arracher
jusqu'à leurs dernières ressources pour leur fournir un remplaçant.
D'autres, qui n'étaient
pas assez riches pour satisfaire à la rapacité des agents, tâchent de conclure
eux-mêmes un marché plus avantageux en apparence, mais qui leur causera encore
plus de tribulations ; ils trouvent un remplaçant qui, pendant tout le temps de
son service, tiendra toujours levée sur eux la menace de désertion, s'ils ne
satisfont pas à toutes ses exigences, menace qu'ils exécutent quand tout ou la
plus grande partie de la somme convenue leur a été payée ; alors le malheureux
cultivateur ruiné se voit encore enlever son fils pour être incorporé.
Si la contribution
militaire était admise, les pères de famille connaissant les exigences de la
loi se mettraient à l'avance en état d'y faire face ; les jeunes gens eux-mêmes
qui ne voudraient pas servir activement, en économisant pendant quelques années
sur le fruit de leur travail, pourraient venir, en cette occasion, au secours
de leur famille.
La loi fixerait l'ordre
dans lequel les jeunes gens qui n'auraient point de motifs d'exemption et qui
n'auraient point payé la contribution militaire devraient être appelés sous les
drapeaux selon les besoins de l'armée.
Ces mesures si fort dans
l'intérêt des familles ne seraient pas moins dans l'intérêt de l'armée ; en
employant toules les sommes fournies pour les contributions militaires à une
caisse de pensions pour les sous-officiers et soldats : je crois qu'elle serait
plus que suffisante pour fournir à tout militaire qui aurait fait un certain
terme de bon et loyal service une pension, qui serait plus considérable pour
les sous-officiers et augmenterait pour les services plus longs.
De cette manière le
service militaire serait pour les soldats une véritable carrière : ce service
ne serait plus regardé comme une charge pénible : ceux qui auraient employé
leurs plus belles années au service de l'Etat seraient dignement récompensés ;
les soldats auraient en perspective la récompense de leur bonne conduite.
De retour dans leurs
familles, ils auraient une existence assurée, tandis que maintenant le
cultivateur, l'ouvrier qui a été obligé d'abandonner pendant quelques années
ses travaux revient chez lui ayant le goût du travail ; ayant contracté dans
les villes où il a été en garnison des habitudes souvent mauvaises qu'il
n'avait pas auparavant, il trouve plus difficilement de l'ouvrage et la misère
le porte bientôt à des excès.
Quel
avantage il y aurait encore dans le système que je voudrais établir, d'avoir
disséminé dans le pays tous ces hommes pensionnés, d'une conduite éprouvée, qui
seraient intéressés à la tranquillité et à la stabilité de nos institutions et
que l'on pourrait réunir encore dans un moment de danger !
J'abandonne ces
réflexions à MM. les ministres de la guerre et de l'intérieur, les priant de
vouloir bien les examiner quand ils s'occuperont de la révision de la loi sur
la milice.
M. Rogier. - M. le ministre
des finances a été très court ; je suivrai son exemple.
M. le ministre des
finances croit que je commets une erreur qu'il ne s'explique pas, en confondant,
dit-il, deux choses essentiellement distinctes : une insuffisance dans les
capitaux et un déficit dans les revenus.
Messieurs, j'ai constaté
(vous l'appellerez comme vous voudrez) qu'il y a un manque de fonds dans le
trésor jusqu'à concurrence de 30 millions. Appelez cela un déficit ! Appelez
cela une insuffisance ! Appelez cela un découvert, ou encore des bons du trésor
! Je ne tiens pas beaucoup aux termes. Mais malheureusement, ce qui est réel,
c'est qu'il y a dans le trésor un vide à remplir de 30 millions de francs.
On me dit : Mais cette
insuffisance, représentée par des bons du trésor, est ou sera occasionnée par
des travaux publics.
Messieurs, de ce que les
bons du trésor sont appliqués à des travaux publics, et cela n'est pas
entièrement exact, il ne s'ensuit pas moins qu'il manquera au trésor public une
somme de 30 millions à couvrir par des bons du trésor.
M. le ministre des
finances, lorsqu'il attaquait les bons du trésor, savait aussi bien
qu'aujourd'hui qu'ils étaient affectés à des travaux publics ; cela n'empêchait
pas l'honorable M. Malou de gémir périodiquement sur la nécessité où nous
étions d'émettre des bons du trésor ; et à cette époque, les bous du trésor ne
s'étaient pas élevés à la somme considérable où ils sont arrivés aujourd'hui.
Il reconnaissait alors avec moi qu'il était très dangereux d'émettre trop de
bons du trésor, même lorsqu'on les appliquait à des travaux publics, et il
soutenait qu'il fallait les renfermer dans les plus étroites limites.
C'est aussi, messieurs, ce
qu'avait compris son prédécesseur ; et le budget de 1845, présenté par
l'honorable M. Mercier, ne demandait plus qu'une émission de 7 millions de bons
du trésor.
Depuis lors, messieurs,
cette somme s'est toujours accrue, et bientôt elle arrivera, je le répète, à 30
millions.
Je sais fort bien qu'il
s'agit ici de capitaux et non de revenus ; je sais fort bien qu'il n'y a pas
dans nos revenus une insuffisance annuelle de trente millions. Messieurs, si un
déficit de trente millions devait se renouveler sur chaque exercice, il ne
faudrait plus songer à être nation, ou il faudrait grever bien durement le
pays.
Mais ce que j'ai dit est
clair pour tout le monde, c'est que nous nous trouvons en présence d'une
insuffisance de trente millions. Je m'étonne réellement que M. le ministre des
finances ne veuille pas le comprendre. Ce défaut d'intelligence me paraît
inexplicable, je dirai même inexcusable de sa part. Ne discutons pas sur les
termes ; aurez-vous, oui ou non, une insuffisance de trente millions ?
M. le ministre
des finances (M. Malou). - Non !
M. Rogier. - Ce non, je ne
me l'explique pas, et je ne l'excuse pas. Il ne faut pas tromper le pays !
M. le ministre des
finances compte sur des éventualités favorables ; mais il y a aussi des
éventualités défavorables. Il compte sur les excédants, sur les boni des
exercices antérieurs. Mais il y a aussi des crédits supplémentaires à demander
encore sur les exercices antérieurs.
Il n'est d'ailleurs pas
exact de dire, messieurs, que les bons du trésor soient exclusivement appliqués
à des travaux publics.
A défaut d'autres
revenus, vous devrez appliquer les bons du trésor à payer d'abord les deux
millions pour les subsistances ; puis l'excédant de dépenses demandé pour le
budget de la guerre. Vous proposez ensuite de prendre 2 millions d'actions dans
une société d'exportation ; et c'est encore par des bons du trésor que vous
pourvoirez à ces dépenses.
Vous voyez donc bien
qu'il n'est pas exact de dire que les bons du trésor sont exclusivement
appliqués à des travaux publics. Le fussent-ils, ils n'en révéleraient pas
moins une insuffisance dans le trésor, et cette insuffisance, je le répète,
pèse et pèsera d'une manière très fâcheuse sur toutes les propositions de
dépenses nouvelles qui nous sont faites.
Il ne
faut pas vouloir entourer les bons du trésor d'un prestige qu'ils n'ont
réellement pas ; ils ne couvrent qu'une insuffisance de ressources.
Je ne fais que répéter au
surplus ce que M. le ministre des finances a constamment proclamé dans cette
enceinte, avec tous les représentants, sans exception, qui prennent la parole
dans les questions financières.
M. le ministre
des finances (M. Malou). - Messieurs, je n'ajouterai qu'un mot. Lorsque l'honorable. M. Rogier
m'a demandé s'il y avait un déficit de 30 millions...
M. Rogier. - Une
insuffisance.
M. le ministre
des finances (M. Malou). - Soit ! une insuffisance, si vous le voulez, à concurrence de 30
millions, je me suis permis de répondre que non ; et pour justifier cette
réponse, je vous prierai de consulter la situation du trésor et l'exposé qui
vous a été fait au commencement de la session. Je ne veux pas revenir sur des
débats épuisés : je rappellerai seulement qu’il résulte, et des documents
soumis à la chambre, et de ses discussions, qu'en tenant compte à la fois du
passif du trésor d'après la situation des exercices clos ou en cours
d'exécution, et de l'actif que le (page
674) trésor possède, la dette flottante dont l’émission est actuellement
autorisée, doit se réduire dans un avenir prochain à 6 millions à peu près.
- La discussion générale
est close.
La séance est levée à 4
heures et demie.