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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 3 février 1847
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre, notamment pétition relative au projet de société d’exportation linière
(de Haerne, Rodenbach)
2) Projet de loi accordant
des crédits supplémentaires au département des affaires étrangères (Osy)
3) Projet de loi portant le
budget du département de la guerre pour l’exercice 1847. Discussion des
articles. Matériel de l’artillerie et du génie, forteresses (Goblet),
neutralité militaire et nécessité d’un plan de défense général centré sur
Anvers (système Eenens) (Lejeune), système des
forteresses (Lebeau, Goblet, Lebeau), réplique générale (Prisse, Lejeune), pensions militaires (de Corswarem,
Osy, Prisse, de
Corswarem), dépenses imprévues (table des officiers) (Osy,
Prisse, Osy, Prisse)
4) Projet de loi portant
modification de limites communales (Lambusart-Moignelée) (de
Theux, Pirmez, de Garcia, Orban, de Theux, Fallon,
Orban, de Theux, Fallon, Mercier)
5) Projet de loi accordant
des crédits supplémentaires au budget du département de la guerre pour créances
arriérées (Prisse, de T’Serclaes,
Mast de Vries, Osy, Prisse,
de T’Serclaes, Mast de Vries, Lys, Mast de Vries)
6) Projet de loi modifiant
les droits sur les sabots (Malou, Lebeau,
de La Coste, Osy)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1846-1847)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 700) M. A. Dubus procède à l'appel nominal à 1 heure.
- La séance est ouverte.
(page 701) M. Van Cutsem donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La
rédaction en est adoptée.
M. A.
Dubus communique
l'analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Les président et
membres de la chambre des notaires de l'arrondissement de Termonde prient la
chambre de discuter, pendant la session actuelle, le projet de loi sur le
notariat, et demandent que dans ce projet on réserve aux notaires le droit
exclusif de procéder aux ventes de biens. »
- Dépôt sur le bureau
pendant la discussion du projet de loi.
________________
« Le sieur de Goër prie
la chambre de lui continuer, à titre de pension de retraite, le traitement de 5,000
fr. dont il jouissait avant 1830. »
- Renvoi à la commission
des pétitions.
________________
« Le sieur Boucher, colonel pensionné, prie la
chambre de lui faire rembourser le montant des retenues qui ont été opérées sur
ses appointements depuis le mois de janvier 1840 jusqu'à la fin de mai 1841. »
- Même renvoi.
________________
« Le sieur Georges présente des observations
sur les traitements des fonctionnaires, sur les remises dont jouissent les
receveurs des contributions, particulièrement dans les villes, et demande que
la rétribution exigée pour la délivrance des extraits de plan ou de matrice du
cadastre soit réservée au trésor.»
- Même renvoi.
« Plusieurs habitants de Renaix demandent que
la société d'exportation ne puisse opérer sur des marchés d'Europe ni se livrer
à la fabrication. »
M. de Haerne. - Je demande le renvoi de cette
pétition à la section centrale chargée d'examiner le projet de société
d'exportation. Déjà cette décision a été prise sur d'autres pétitions du même
genre ; mais j'ai cru devoir prendre la parole parce que, il y a quelques
jours, un grand nombre de pétitions conçues dans le même sens, demandant que la
société d'exportation ne puisse s'occuper de fabrication ni exploiter les
marchés exploités déjà par le commerce privé en Europe, ont été adressées à la
chambre, et il n'en a pas été fait mention dans le Moniteur. Parmi ces
pétitions, il y en avait des arrondissements de Thielt, de Roulers, de Dixmude
et de Courtray.
M.
Rodenbach. - Si on prend cette mesure pour la pétition dont on vient de faire
l'analyse, il faut la prendre également pour toutes les autres. Toutes les
communes du district de Roulers ont également pétitionné ; plusieurs sont en
désaccord avec Courtray ; je demanderai qu'on les insère toutes, si on en
insère au Moniteur. Mais je ferai observer qu'il en arrive considérablement.
J'ai demandé un rapport spécial de la section centrale sur toutes ces requêtes
; il me semble qu'au moyen de ce rapport elles recevront suffisamment de
publicité et qu'on pourrait se dispenser de les insérer au Moniteur.
M. de Haerne. - Je n'ai pas dit que la chambre
avait décidé l'insertion au Moniteur des pétitions dont je viens de parler ; je
n'ai pas demandé non plus que cette insertion fût ordonnée ; mais j'ai dit
qu'il convenait que le Moniteur fît mention de ces pétitions qui ont été
adressées à la chambre, de celle de l'arrondissement de Roulers comme des
autres.
Je me joins à l'honorable
M. Rodenbach, pour demander que mention soit faite de toutes les pétitions de
quelque nature qu'elles soient ; j'appuie également la demande d'un rapport
spécial sur toutes ces requêtes.
M. le président. - L'observation de M. de Haerne se
trouvera au Moniteur ; elle tiendra lieu de la mention.
- Le renvoi à la section
centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la création d'une
société d'exportation, est adopté.
________________
« La dame Berlingen, veuve Nélis, demande que
son fils Alexis soit exempté du service militaire. »
- Renvoi à la commission
des pétitions.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU DEPARTEMENT DES
AFFAIRES ETRANGERES
M. Osy. - J'ai l'honneur de déposer le
rapport sur la demande de crédits supplémentaires du département des affaires
étrangères.
- Ce rapport sera imprimé
et distribué. La chambre fixera ultérieurement la mise à l'ordre du jour.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA GUERRE POUR
L’EXERCICE 1847
Discussion des articles
Chapitre V. - Matériel
de l’artillerie et du génie
Discussion
générale sur le chapitre V
M. le général Goblet. - Messieurs, deux motifs distincts
m'ont déterminé à soumettre à la chambre quelques courtes observations sur le
chapitre actuellement en délibération. D'abord, j'ai le désir de lui faire
partager ma conviction que la somme qu'on réclame cette année pour le matériel
de l'artillerie et du génie n'est susceptible d'aucune réduction. En second
lieu, messieurs, il m'a paru d'un grand intérêt que personne ne conservât de
fausses idées sur la situation de notre matériel militaire.
On a semblé considérer le
budget que nous discutons comme étant le budget normal du département de la
guerre. Cela peut être vrai pour certains de ses chapitres ; je ne le nie pas,
mais c'est une assertion très peu fondée en ce qui concerne celui qui nous
occupe en ce moment.
Vous en jugerez,
messieurs, par quelques explications que je vais avoir l'honneur de vous
soumettre.
Le chapitre pour le
matériel de l'artillerie et du génie s'élève pour cette année, comme pour
l'année précédente, à la somme de 1,692,000 francs. Il se divise de la manière
suivante : 540,000 fr. sont destinés au matériel de l'artillerie, et le reste,
montant à 1,152,000 francs, à celui du génie.
Cette dernière somme se
partage en dépenses ordinaires et en dépenses extraordinaires. Les premières
s'élèvent à 748,000 francs et les secondes à 404,000 fr.
Pour faire comprendre que
les dépenses de ce chapitre sont réduites cette année, de même que les années
précédentes, je ne dirai pas à leur minimum, mais au-dessous de ce minimum, je
dois présenter quelques considérations sur la manière dont on formait le budget
général des dépenses de l'Etat dans les temps antérieurs et lorsqu'il ne
s'agissait pas encore d'un budget normal pour le département de la guerre.
Chaque ministre composait
celui de son département en ayant principalement égard à ses propres nécessités
et, par suite, il arrivait presque toujours qu'en faisant le total des
différents budgets, le cabinet se voyait dans l'obligation de rabattre les
prétentions de chacun de ses membres. Le ministre des finances s'efforçait de
convaincre ses collègues de faire le sacrifice de quelques-unes de leurs
exigences, soit en supprimant certaines dépenses, soit en leur persuadant de
les reporter à l'exercice suivant.
Dans cet examen, on avait
pris généralement l'habitude de regarder le budget de la guerre comme le plus
élastique ; on imposait à ce département une limite qu'il ne devait pas
dépasser, et cette limite n'avait d'autre base que le désir de niveler les
dépenses générales aux recettes générales.
Ne pouvant espérer, dans
cette situation, d'obtenir les fonds nécessaires à toutes les dépenses urgentes
de son département, le ministre de la guerre était bien obligé de les
distinguer e deux catégories suivant le plus ou moins de facilité de les
ajourner. En première ligne était placé naturellement le personnel, et quoique
le matériel soit également indispensable, il ne présentait rien d'aussi
impérieux. Pressé par les besoins du moment, on n'éprouvait pas d'embarras à
l'oublier pour quelque temps.
Pour le personnel, en
effet, il est une limite au-dessous de laquelle il est impossible de descendre
sous peine de désorganisation. Il faut le faire vivre, le loger et
l'entretenir. En cela, le ministre de la guerre ne pouvait transiger à aucun
prix ; et ses collègues mêmes n'auraient pas osé le lui proposer. Des exigences
de ce genre frappent tous les yeux ; à tous elles paraissant absolues,
incontestables ; mais il n'en est pas de même du matériel de l'artillerie et du
génie ; en ces matières, les épargnes peuvent certes se faire sans bruit ; les
murailles ne réclament pas, le matériel de l'artillerie ne s'agite pas. Mais,
messieurs, les réductions n'en sont pas moins fort regrettables.
En résumé, messieurs, la
manière dont on procédait obligeait le ministre de la guerre à se préoccuper
avant tout des instruments vivants de la défense, si je puis m'exprimer ainsi,
en bornant les autres dépenses au montant de ce qui restait disponible.
Il est même résulté de
cet état de choses que le département de la guerre prit l'habitude de ne plus
se régler sur les besoins qui lui étaient signalés, mais de se borner à
déclarer chaque année à ceux qui étaient chargés d'en faire l'estimation,
qu'ils devaient se renfermer pour le matériel de l'artillerie et du génie dans
telle ou telle somme ; et c'est ainsi que je m'explique que bien des personnes
ont fini par prendre pour un état normal ce qui avait été imposé par des
nécessités financières, sans avoir égard aux véritables besoins.
Je vais chercher en peu
de mots, messieurs, à faire saisir plus complètement ma pensée.
Par exemple, en ce qui
concerne l'entretien des places fortes, on s'est vu forcé par le peu de fonds
accordés chaque année, d'abandonner à peu de choses près toute espèce
d'amélioration et même de ne pourvoir en général, qu'aux réparations qu'exigeaient
la sécurité publique, la santé des hommes et la conservation du matériel de
l'artillerie. On ne se contentait pas de remettre à d'autres temps ce qui
pouvait être différé à la rigueur, on se voyait même forcé d'en agir de même,
pour des objets qu'en d'autres circonstances l'on eût regardés comme étant
urgents. L'on a pu à peine exécuter les travaux indispensables aux ponts, aux
portes, aux écluses et aux autres objets dont l'état défectueux pouvait
compromettre la sûreté des communications publiques ou entraver les voies
d'écoulement fournies par les manœuvres d'eau dépendantes des fortifications.
Ce ne sont donc pas tous les travaux reconnus indispensables qui furent
exécutés chaque année ; on fut sans cesse obligé de se borner à ceux dont l'exécution
était pour ainsi dire immédiatement inévitable.
M le ministre de la
guerre vous a bien dit qu'il ne vous était demandé aucune somme pour
l'entretien des ouvrages de fortification proprement dite des places fortes,
dont l'existence était mise en question par une convention ancienne ; cela est
très vrai ; on les traite encore avec plus de parcimonie que celles dont la
conservation nous est imposée par la même convention.
Mais, messieurs, il ne
vous a pas dit, veuillez-le remarquer, que ces dernières ne laissaient rien à
désirer. Cet honorable général, dont la sollicitude la plus vive s'étend à tous
les objets du département qui lui est confié, a demandé et s'occupe, comme il
vous l'a annoncé dans une séance précédente, à recueillir tous les renseignements
sur cette matière, et il ne tardera pas, sans doute, à se convaincre de toutes
les lacunes qu'elle offre encore.
La chambre elle-même ne
sera pas étonnée d'un tel résultat, si elle veut bien se rappeler les
observations faites à ce sujet dans les développements des budgets de
quelques-unes des années précédentes.
(page 702) En effet,
dès l'année 1842, son attention a été appelée sur l'insuffisance des fonds
réclamés pour cet objet, dans la colonne d'observations de l'article 2 du
chapitre V. Le ministre de la guerre avait eu bien soin d'y consigner une
remarque où il prévenait la chambre que le tableau des besoins qui lui était
soumis ne pouvait être considéré comme donnant par la suite les éléments du
budget normal des dépenses du matériel du génie, et que plus tard il serait
nécessaire de créer de nouvelles ressources pour mettre nos places fortes en
état de pouvoir, le cas échéant, rendre le service qu'on doit en attendre.
Le budget de l'année
suivante (1843) reproduisit une réserve semblable. On y déclara bien
formellement qu'on se bornait aux travaux urgents et les plus nécessaires, que
le chiffre demandé était inférieur aux estimations, et que l'insuffisance des
ressources du trésor avait forcé de réduire ce chiffre au-dessous même de la
somme allouée pour 1842.
Enfin, des réserves
entièrement identiques furent insérées aux budgets subséquents jusqu'en 1846.
Aujourd'hui donc, qu'il
semble peut-être à beaucoup de personnes que le budget peut être considéré
comme normal sous tous les rapports, il m'a paru bien essentiel de ne pas
laisser échapper la présente occasion d'empêcher que cette erreur ne
s'accréditât.
Quant à l'artillerie,
messieurs, il est facile de faire voir que, sous le même rapport, ce service se
trouve dans une situation analogue à celui du génie. Je me contenterai de
rappeler à votre souvenir les données qui sont consignées dans un document
émané du département de la guerre dans les premiers mois de 1843, sous le titre
d' « observations du ministre » et distribué aux membres de
cette chambre.
Dans cette pièce, on lit,
page 33.
« D'après l'évaluation
des principaux attirails de guerre qui manquent pour compléter l'armement de
toutes les places fortes du royaume, il y aura à faire de ce chef une dépense
de fr. 12,795,513. Cette évaluation ne porte que sur des objets principaux, de
sorte que si l'on y ajoutait le montant de l'immense quantité d'objets de toute
espèce qui seraient d'un besoin indispensable en temps de guerre, la dépense
s'élèverait, sans la moindre exagération, à 14 millions. »
Il ne paraît même pas,
messieurs, que cette somme, déjà fort considérable, comprenne l'estimation des
objets qui sont à renouveler parmi le matériel de l'artillerie actuel ;
cependant on ne peut pas perdre de vue qu'une partie de ces objets ont déjà une
assez longue existence ; ils ont généralement été confectionnés dans la période
de 1818 à 1821. Il y en a donc qui sont bien près de dépasser la durée qui est
attribuée aux objets de l'espèce, et par suite une grande quantité d'entre eux
devront être bientôt renouvelés. Or, la somme accordée chaque année pour le
matériel de l'artillerie ne suffit pas même à ce dernier objet.
Il est donc évident,
messieurs, que pour l'artillerie aussi bien que pour le génie, les sommes
portées jusqu'ici au budget sont inférieures aux besoins réels.
Les conséquences d'un tel
état de choses sont faciles à saisir : sous le rapport financier, on ne peut
que perdre en laissant s'accumuler les besoins. Dans les places fortes, par
exemple, certaines restaurations faites à propos préviendraient des dépenses
beaucoup plus considérables.
Sous le rapport de la
sécurité du pays, les inconvénients sont plus grands encore. Des circonstances
menaçantes peuvent surgir, et en supposant même qu'alors les ressources
financières fussent des plus abondantes, on n'aurait peut-être plus le temps de
faire tous les travaux de défense, de confectionner ou de réunir tout le
matériel qu'on aurait laissé en souffrance pendant de nombreuses années de
calme et de paix.
Chacun doit comprendre,
et l'histoire de notre pays le prouve surabondamment, qu'il peut être plus
dangereux qu'utile de posséder des places fortes qui seraient dépourvues des
moyens nécessaires pour les rendre capables d'une résistance énergique :
l'appui que l'armée espère y trouver devient illusoire, si même il n'est tourné
contre elle par l'ennemi qui s'en est emparé sans grands efforts. Alors, ces
remparts élevés à grands frais et que le pays était en droit de considérer comme
des garanties solides de son indépendance, peuvent devenir d'un moment à
l'autre, faute de prévoyance, les instruments de son oppression !
Des considérations qui
précèdent, on peut conclure que, pour des motifs plus ou moins fondés, on n'a
pu jusqu'à ce jour arriver à un état normal du matériel de la défense. On
n'aura atteint ce but que lorsque des fonds suffisants auront été votés pour
compléter d'abord tous les objets dépendant du service de l'artillerie et du
génie. Alors il ne s'agira plus que de maintenir une situation régulière, et le
chapitre V du budget deviendra normal comme les autres.
Quand on sera arrivé à ce
point, l'on peut espérer que la somme annuelle ne sera certes pas aussi
considérable qu'elle l'a été jusqu'à ce jour.
En ce qui regarde l'artillerie,
je n'ai rien à ajouter aux observations générales que j'ai présentées pour
démontrer cette opinion.
Mais, pour le matériel du
génie, je désirerais entrer dans quelques détails et ajouter quelques
considérations que vous ne trouverez pas, je l'espère, sans à-propos.
Les dépenses ordinaires
formant l'une des deux catégories qui partagent l'article 2 du chapitre V, sont
évaluées à 748,000 fr. Cette somme s'applique presque entièrement à des travaux
d'entretien et de réparations, qu'on ne pourrait différer, comme je l'ai fait
remarquer, sans que les restaurations à faire plus tard s'accrussent dans une
proportion de plus en plus considérable.
Mais on se tromperait
fort si l'on ne remarquait pas que cette somme de 748,000 est loin d'être
exclusivement destinée au» ouvrages des places fortes et à leurs bâtiments
militaires. Le service du génie comprend aussi l'entretien et la construction
des bâtiments militaires, tels que casernes hôpitaux, etc., dans les villes de
garnison non fortifiées, ainsi que dans les camps ; et une partie considérable
des fonds de la première catégorie est applicable à ces divers bâtiments
Pour mieux faire juger
des nombreux besoins auxquels la somme de 748,000 francs doit pourvoir, je la
diviserai, selon les distinctions principales qu'il me paraît utile de vous
faire saisir :
1° 164,543 fr. sont
affectés au simple entretien des bâtiments dans les forteresses et autres
villes de garnison, ainsi qu'à divers objets faisant partie des fortifications
;
2° 148,729 fr. à la
construction ou réparations des bâtiments militaires dans les forteresses et
villes de garnison non fortifiées ;
3° 199,848 fr. seulement
sont consacrés à quelques ouvrages de fortification et même principalement à
des objets mixtes qui sont à la fois ouvrages de défense et bâtiments
militaires ;
4° 150,000 fr. sont
destinés à l'entretien des camps, à la construction de quelques nouveaux
logements et à des travaux de défrichement ;
5° 77.380 fr. sont
applicables à divers objets qui ont rapport au service du génie et qui sont
détaillés au budget
Cette classification de
dépenses vous permettra de vous convaincre, messieurs, qu'elles n'intéressent
pas seulement la défense, mais encore la circulation publique, le bien-être du
soldat, sa santé et même son instruction comme celle de la troupe en général.
Quant à ce qui concerne
les fonds demandés pour travaux extraordinaires, ils sont destinés à la
continuation de la citadelle de la place de Diest.
On a demandé s'il est
bien indispensable, en 1847, de dépenser une somme de 404,000 fr. pour la
continuation de ces travaux.
Messieurs, quand la
construction d'une forteresse à Diest a été décrétée, l'utilité en avait été
incontestablement démontrée. On dit que dans le moment actuel les circonstances
sont grandement changées. C'est vrai ; mais ne peuvent-elles pas changer encore
et ne peut-on faire aucune supposition qui ramène des circonstances tout autres
que celles où l'on juge se trouver actuellement. Ce n'est pas, messieurs, sur
des situations très variables que l'on doit établir le système permanent de la
défense du pays. Il est fort heureux pour une nation d'avoir des motifs de
croire à la sympathie de ses voisins mais la plus sûre garantie de son
indépendance réside dans sa propre force.
Si les travaux exécutés à
Diest formaient dans leur état actuel un ensemble qui ne dût être que renforcé,
peut-être bien alors y aurait-il moins d'inconvénient à ralentir encore la
faible activité qu'on met à les continuer ; mais il n'en est pas ainsi : on ne
doit point perdre de vue qu'aussi longtemps que la citadelle ne sera point
achevée, la forteresse n'existera pas ; la citadelle est un de ses principaux
éléments.
Or, messieurs,
voudrait-on s'exposer au danger, dans certaines éventualités, d'avoir en pure
perte sacrifié les sommes très considérables déjà dépensées ?
La continuation immédiate
des travaux de la citadelle de Diest se justifie, en outre, par des motifs
fondés sur la nature même des ouvrages et sur lesquels ce n'est pas ici le lieu
de donner des explications techniques : les travaux ont été dirigés en 1846
dans la prévision qu'ils seraient continués eu 1847, et il résulterait les
préjudices les plus considérables non seulement de toute interruption de
travail, mais même d'une diminution de la somme demandée. D'ailleurs,
messieurs, ce n'est pas seulement dans leur but spécial qu'il importe
d'envisager cette année les travaux du génie qui s'exécutent à Diest et même
ailleurs.
Dans les circonstances où
nous sommes, d'après les preuves d'intérêt que vous avez déjà données à la
classe ouvrière, vous verrez sans doute dans ces travaux un nouveau moyen de
venir à son secours.
Pour ma part, je ne
concevrais pas l'idée de supprimer ou même de ralentir des travaux utiles
dépendant du département de la guerre à si peu de distance du moment où l'on
recherchait dans toutes les parties du royaume ce qui pourrait être exécuté par
celui des travaux publics. Après avoir accordé à ce dernier des fonds
considérables pour qu'il pût donner du travail aux indigents, on lui a reproché
assez vivement de ne point commencer les travaux dont il est chargé ; et
d'autre part, messieurs, on voudrait interrompre ceux du département de la
guerre dont l’utilité est incontestable, et qui, sur presque tous les points du
royaume, viennent, dans une certaine mesure, adoucir les malheurs du temps !
Les fortifications de Diest, notamment, ne sont pas une ressource sans
importance pour les ouvriers de la Campine. Déjà, dans une grande partie de
l'hiver dernier, on y a employé moyennement 6 à 700 ouvriers. Dans l'hiver
actuel, 400 ouvriers encore y trouvent de l'occupation.
Messieurs,
le département de la guerre ne vient pas vous demander des fonds pour des
travaux dont les projets n'existent même pas ; il vient en réclamer, au
contraire, pour des objets qui n'attendent que votre vote favorable pour être
adjugés. Tous les devis de ces travaux sont achevés, revus et approuvés ; c'est
donc un secours très prochain que vous assurerez à la classe laborieuse, et
cette fois, vous serez bien certains au moins que vos intentions généreuses
seront remplies sans retard, et c’est, messieurs, ce qui me donne la conviction
que vous n'hésiterez pas a donner un vote approbatif au chapitre du budget dont
il s'agit en ce moment.
M. Lejeune. - On a parlé de forteresses ; on a
discuté presque tous (page 703) les
articles du budget de la guerre sous le rapport financier, au point de vue des
économies qu'il serait possible de faire. Ces motifs d'économie sont très
respectables sans doute, mais il n'en est pas moins vrai qu'ils resteront un
sujet d'étonnement pour les hommes sérieux qui se tiennent au courant des
discussions parlementaires.
Il doit être permis de
prendre occasion de cette discussion, et principalement du chapitre concernant
le matériel du génie, pour dire un mot de la défense du pays.
Un honorable député de
Bruxelles, en signalant une diminution possible sur le chapitre actuel, et
notamment sur les travaux à faire à Diest, a dit, entre autres, que ce n'était pas
là que le pays courait le plus grand danger, qu'il n'y a pas tant de hâte à
achever ces travaux. Je ne suis pas très loin de partager cette opinion.
Il est possible que les
ouvrages que l'on a faits à Diest n'étaient pas les plus indispensables, les plus
urgents. Mais je n'oserais pas dire qu'ils ne sont pas très utiles. Je
n'oserais pas le dire en présence de ce que vient de vous dire à ce sujet
l'honorable général Goblet, qui est compétent pour en juger, et en présence des
explications que le même honorable général a données dans une autre occasion,
notamment lorsqu'il s'est agi de la tête de pont d'Aerschot.
Si mon opinion s'accorde
avec celle de l'honorable M. Lebeau quant à l'importance relative des travaux
de fortifications, à Diest, elle n'est pas fondée sur les mêmes motifs, Je ne
pense pas que nous puissions nous reposer entièrement sur la sympathie de nos
voisins, quelque vive qu'elle fût. Mais, le danger venant de ce côté, notre
armée est en état de prendre l'armée hollandaise corps à corps, le soldat belge
vaut bien sans doute le soldat hollandais.
Je regrette que dans
cette chambre et au dehors on ne se préoccupe pas d'un plan de défense pour la
Belgique, pour le cas d'une guerre générale. L'esprit public, l'opinion
publique n'est pas ce qu'elle doit être en Belgique, au sujet de la défense du
pays. Il règne d'un côté un optimisme que l'on pousse trop loin. On dit, avec
l'optimiste : « La guerre ! Mais on s'éclaire enfin, on ne l'aura plus guère !
» On ne se contente plus d'appeler la guerre un mal nécessaire ; on l'appelle
un art funeste.
Rendons-nous compte des
idées qui frappent d'abord, lorsqu'on parle de l'armée : une des pensées qui
viennent tout d'abord, c'est que nos soldats sont très braves, que l'armée
belge donne annuellement la preuve qu'elle sait manœuvrer aussi bien que toute
autre armée, elle se distingue même sous ce rapport.
Mais on dit immédiatement
que cela coûte fort cher ; on se fait cette question : Que ferait le
gouvernement en cas de guerre ?
A cette question,
messieurs, on tombe de suite dans le vague le plus désolant. Et qu'y a-t-il, en
effet, à répondre dans ce moment ? Comment faut-il rassurer l'opinion publique
?
L'armée, dit-on, que
ferait-elle contre nos puissants voisins, s'ils venaient envahir notre pays ?
Toute valeureuse qu'elle est, que peut-elle contre une armée trois fois, quatre
fois plus forte qu'elle ? On ne trouve pas de réponse satisfaisante à cette
question.
Je viens, messieurs, de
rappeler une discussion dont j'ai relu une partie ce matin, et où j'ai trouvé
l'expression d'une espèce de quiétisme, qui devrait presque nous faire
regretter tout ce que nous dépensons actuellement pour l'armée.
On a exprimé l'opinion
qu'il fallait se reposer sur la paix générale, sur notre neutralité, et, ce qui
est infiniment regrettable, sur la prétendue impossibilité de nous défendre
dans certaines circonstances.
Messieurs, il me paraît
qu'il est désirable de donner une autre direction à l'esprit public.
Quand des membres de
cette chambre ont pris la parole dans cette question, ils ont presque toujours
pris la précaution de décliner leur compétence, de dire qu'ils n'étaient pas en
état de juger la question.
Pour moi, je me bornerai
à dire que je suis bien loin de prétendre faire autorité, ni même d'avoir une
opinion formée. Mon but est simplement d'appeler la discussion, même en dehors
de cette chambre. Car un jour la chambre aura à dire un mot dans la question de
la défense du pays, et la chambre alors doit être éclairée. Il sera utile pour
elle qu'au-dehors les hommes compétents se soient occupés de la question.
La grande affaire pour la
Belgique, messieurs, c'est de prévoir une conflagration générale. Nous sommes
un pays neutre. Nous n'aurons jamais à songer à la guerre offensive ; mais nous
pouvons avoir à nous défendre, et quel plan de défense suivrons-nous en cas
d'invasion par des forces infiniment supérieures aux nôtres ?
Je ne sais, messieurs, si
l'on regarde la discussion d'une pareille question comme une chose qu'il serait
nuisible de produire en public. Messieurs, je pense tout le contraire. Je pense
que la publicité serait non seulement favorable, mais qu'elle est nécessaire.
Car un plan de défense quelconque doit être préparé de très longue main ; il
exigera des travaux et des dépenses qui ne peuvent pas se faire au dernier
moment, qui ne peuvent pas se faire en peu de temps. Je conçois que certains
moyens d'exécution doivent rester secrets, doivent être gardés dans le cœur du
chef de l'armée.
Quel doit être notre plan
de défense ? Ce n'est certainement pas de moi, messieurs, que vous attendez une
réponse à cette question ; mais je rappellerai qu'un honorable officier
supérieur, le lieutenant-colonel Eenens, est entré hardiment dans la question.
Vous connaissez, sans doute, messieurs, un travail de quelques pages, écrites
par cet honorable militaire et intitulé : « Anvers et la nationalité
belge ». Dans cet écrit très substantiel, l'auteur expose un plan de
défense, et je suis étonné qu'aucune réponse n'y ait été faite, qu'aucune
discussion n'en ait été la suite. A quoi, messieurs, cela peut-il tenir ?
Est-ce que le sujet n'est pas assez important ?
Est-ce peut-être que les
officiers généraux ne croient pas devoir entrer en discussion avec un
lieutenant-colonel ? Est-ce que les officiers supérieurs et subalternes, parmi
lesquels il en est certainement beaucoup qui pourraient très utilement traiter
cette question, ne se croient pas assez haut placés pour entrer en lice ?
Messieurs, je déplore le silence qui a accueilli ce travail remarquable, et
s'il y avait quelques motifs personnels dans ce silence, je le regretterais
beaucoup : car, messieurs, il ne s'agit pas ici d'une question de personnes, il
s'agit d’une question de science.
L'auteur de cet ouvrage
n'a pas prétendu poser des principes nouveaux et inconnus ; j'ai pu m'assurer
moi-même que cet honorable lieutenant-colonel, loin de poser des principes
nouveaux, s'est attaché à étudier les principes reconnus par les plus grandes
célébrités militaires.
Ce qu'il a prétendu
faire, c'est d'indiquer le mode le plus avantageux de mettre ces principes en
pratique pour la défense du pays. Maintenant, s'est-il trompé, ne s'est-il pas
trompé ? On nous laisse malheureusement, nous étrangers au métier, dans
l'incertitude à cet égard, puisque personne ne se donne la peine de l'approuver
ou de le combattre.
Je me trompe, messieurs,
en disant que l'ouvrage n'a pas attiré l'attention publique ; cela est vrai, en
grande partie, pour notre pays ; mais le travail de M. Eenens a fait l'objet
d'une appréciation très honorable pour lui au-delà de nos frontières. Un
journal allemand s'en est occupé et je vous lirai seulement quelques lignes
pour vous donner une idée de l'opinion que l'on a conçue de cet ouvrage :
« Ce petit écrit
intéressant ne contient que 16 pages in-8° ; mais il offre plus de matière à
réflexion que bien de gros volumes, et l'auteur, en le publiant, s'est acquis
le mérite d'avoir rendu à son pays un service réel, si l'on suit ses conseils.
» La fin de l'article est ainsi conçue :
« Il est bien entendu que
le critique ne s'est occupé que des points généraux ; mais il peut assurer que
ce petit ouvrage, d'une grande portée, est écrit avec une profonde connaissance
des choses. C'est pourquoi il se croit d'autant plus obligé de le signaler à
l'attention de ceux surtout qui, par devoir, ont à s'occuper des combinaisons
politiques de l'Etat. »
C'est le Journal des
Flandres qui a donné la traduction de cet article critique dont je viens de
citer quelques lignes ; je regrette que ce journal n'aii pas indiqué la source,
et se soit contenté de dire que c'est une opinion qui a été exprimée en
Allemagne ; il aurait bien fait de préciser la source, car le journal où cet
article a été puisé, fait autorité en Allemagne ; il a été tiré de la Gazette
militaire et littéraire de Berlin, rédigée par MM. Maliszewski et L. Blesso, et
fondée par le général Von Decker.
D'après l'opinion du
lieutenant-colonel dont j'ai cité le travail, il faudrait nécessairement à la
Belgique une place de dépôt, un camp retranché. Si cette question était
décidée, on pourrait faire une grande partie, des dépenses du budget de la
guerre dans cette prévision, pour atteindre à la longue le but qu'on doit se
proposer.
Messieurs, je terminerai
par émettre une opinion sur la guerre défensive. Je m'empresse de dire que
cette opinion ne m'appartient pas, je l'ai seulement recueillie ; je le dis
pour deux motifs : d'abord, parce que les convenances l'exigent, et en second
lieu, pour que vous vouliez bien y donner un peu d'attention.
Pour ceux qui ont lu
l'ouvrage de M. le lieutenant-colonel Eenens, ils trouveront sans doute que
cette opinion sur la guerre défensive est une complète approbation de tout ce
qu'il a dit.
« On a demandé, dans le
dernier siècle, si les fortifications étaient de quelque utilité.
« Il est des souverains
qui les ont jugées inutiles et qui en conséquence ont démantelé leurs places.
« Quant à moi, je
renverserais la question, et je demanderais s'il est possible de combiner la
guerre sans des places fortes, et je déclare que non.
« Mais combien faut-il de
places fortes ? C'est ici qu'on se convaincra qu'il en est des places fortes
comme des placements de troupes.
« Prétendez-vous défendre
une frontière par un cordon ? Vous êtes faibles partout, car enfin tout ce qui
est humain est limité :
« Artillerie, argent,
bons officiers, bons généraux, tout cela n'est pas infini, et si vous êtes
obligés de disséminer partout, vous n'êtes forts nulle part.
« II existe plusieurs
forts sur la frontière ; ces forts peuvent être utiles ; mais leur utilité
n'est que secondaire.
« Ils peuvent servir et
aider aux mouvements et aux manœuvres de l'armée ; mais ils tombent du moment
que la supériorité de l'ennemi est constatée.
« Il n'est aucun
moyen d'empêcher une armée double ou triple en force d'obtenir des avantages
sur la nôtre.
« Mais faut-il que notre
armée soit détruite ou sans ressources après quelques combats ? Faut-il que nos
munitions, nos hôpitaux, nos magasins, disséminés à l'aventure, tombent et
deviennent la proie de l'ennemi, du moment qu'il aurait acquis la supériorité
en campagne sur notre armée ?
« Non !
« C'est ce qu’il importe
de prévoir et d'éviter. On ne peut le faire que par l'établissement d'une
grande place, d'une place de dépôt qui soit (page 704) comme le réduit
de toute la défense du pays ; qui contienne tous les hôpitaux, les magasins,
les établissements ; où toutes nos troupes viennent se reformer, se rallier,
soit pour s'y renfermer, soit pour reprendre la campagne, si telles sont la
nature des événements et la force de l'armée ennemie.
« Cette place, je
l'appelle place centrale. Tant qu'elle existe, nos troupes peuvent avoir perdu
des combats, mais n'ont essuyé que les pertes ordinaires de la guerre ; tant
qu'elle existe, elles peuvent elles-mêmes, après avoir pris haleine et du
repos, ressaisir la victoire ou du moins offrir cet avantage de donner trois ou
quatre mois de temps pour arriver à leur secours ; car tant que la place n'est
pas prise, le sort du pays n'est pas décidé et l'immense matériel attaché à sa
défense n'est pas perdu.
« Ainsi tous les autres
forts ne sont que d'une utilité secondaire. On ne doit travailler à les
améliorer que lorsque les travaux de la place principale seront arrivés à un
degré suffisant de force et que les munitions de guerre, les hôpitaux, les
magasins d'habillement et de bouche seront centralisés dans la place de dépôt,
qui doit fournir ce qui est nécessaire à la défense des localités, mais de
manière qu'en peu de temps tout puisse se reployer sur cette place, afin d'éprouver,
en cas d'invasion de la part de l'ennemi, la moindre perte possible.
« Une place centrale une
fois existante, tous les plans de campagne doivent y être relatifs.
« Une armée
supérieure fait-elle invasion, le soin des généraux doit être de diriger toutes
leurs opérations, de manière à ce que leur retraite sur la place centrale soit
toujours assurée. Ne pouvant défendre le pays tout entier, ils doivent voir le
pays dans la place centrale. Tous les magasins de l'armée y seront concentrés ;
tous les moyens de défense s'y trouveront prodigués, et un but constant se
trouvera donné aux opérations des généraux.
« Tout devient simple,
facile, déterminé, rien n'est vague quand on établit de longue main le point
central d'un pays. On sent combien de sécurité et de simplicité donne
l'existence de ce point central et combien de contentement elle met dans
l'esprit des individus qui composent l'armée.
« Trop d'inquiétude anime
l'armée si elle n'a pas, pour tous les événements, un plan simple et tracé.
Quand on a toujours, pour pis-aller, de s'enfermer dans une place forte et
abondamment approvisionnée, on a plus que la sûreté de la vie, la sûreté de
l'honneur. »
Messieurs, ne dirait-on
pas que ce que je viens de lire a été écrit pour approuver complètement le plan
de l'ouvrage : « Anvers et la nationalité belge ». Cette opinion sur
la guerre défensive n'est-elle pas conforme à celle que défend le
lieutenant-colonel Eenens ? Eh bien, messieurs, cette opinion, c'est tout
simplement l'extrait d'un ordre de Napoléon, donné en 1806, pour la défense de
la Dalmatie. On ne récusera pas sans doute cette autorité.
On retrouve là réunis
tous les principes que cet officier propose de mettre en pratique pour la
défense du pays ; c'est le mode d'appliquer ces principes qui fait l'objet de
son travail.
Je pourrais prouver, par
d'autres citations, qu'il ne s'agit pas ici d'une opinion individuelle, mais de
la mise en pratique de principes reconnus ; je pourrais vous citer le maréchal
Marmont, duc de Raguse ; mais je m'aperçois qu'il est temps de mettre un terme
à mes observations.
Je crois sincèrement que
si l'on ne se hâte d'adopter un plan de défense, de fixer ainsi les esprits
tant dans l'armée que dans le pays entier, il est à craindre que la discussion
du budget de la guerre ne consiste à l'avenir, comme aujourd'hui, à marchander
en quelque sorte des diminutions plus ou moins fortes sur les allocations
réclamées.
Quant
au chiffre en discussion pour le matériel du génie militaire, si une
proposition de diminution était faite, je ne la voterais pas, parce que les
fortifications de Diest, je les considère comme un fait accompli, et je les
considère de plus comme très utiles. Je pense qu'il est de l'intérêt du pays de
les achever le plus tôt possible, et même de faire après cela les dépenses
indispensables pour appuyer les fortifications. Ainsi je ne serais pas étonné
de voir revivre bientôt la tête de pont d'Aerschot.
L'honorable général
Goblet a donné un antre motif pour ne pas diminuer ce crédit. Nous cherchons
tous les moyens d'occuper la classe ouvrière ; il s'agit ici d'un des travaux
publics les plus utiles : en l'exécutant dans les circonstances actuelles, nous
atteindrons un double but.
M. Lebeau. - Je n'insisterai pas longtemps sur
l'article en discussion, dans la situation d'esprit où se trouve la chambre ;
c'est à cette situation d'esprit qu'il faut attribuer le peu d'attention donné
aux observations très judicieuses que j'ai pu saisir de l'honorable préopinant.
Une révélation très
importante a été faite tout à l'heure par une autorité grave en ces matières,
par l'honorable général Goblet. L'honorable général vous a dit que, pour mettre
le matériel de nos places fortes dans une situation tout à fait normale, il
faudrait dépenser une somme d'environ 10 millions de francs. Cela vient
singulièrement à l'appui de l'insistance que j'ai mise, dans les séances
antérieures, à représenter la nécessité pour le gouvernement de se former une
opinion et de la soumettre à la chambre pour autant qu'elle soit compétence en
ces matières. J'entends parler de compétence morale, car notre compétence pour
le vote des fonds nécessaires n'est pas contestable. Il faut qu'on sache à quoi
s'en tenir sur la conservation de tout ou partie de nos forteresses. Il faut savoir
si, comme quelques bons esprits le soutiennent dans l'armée, le système de
défense ne doit pas être profondément modifié, singulièrement simplifié, sous
ce rapport.
Il est inutile de venir,
en aucun temps, demander à la chambre, non pas la somme indiquée par
l'honorable général Goblet, mais le quart de cette somme, avant d'avoir mis les
chambres en mesure de se faire une opinion sur l'utilité de la conservation de
tout ou partie des places qu'il s'agit de ravitailler. Cependant s'il s'agit du
maintien définitif de ces places, de leur donner toute leur force défensive, et
qu'on doive, pour cela, procéder à des travaux qui occasionnent des dépenses
considérables, le gouvernement serait gravement coupable, il engagerait
gravement sa responsabilité s'il s'endormait dans une quiétude aveugle, si,
faute de se faire une opinion et de la faire sanctionner par les chambres, il
laissait dépérir de plus en plus le matériel de nos places fortes. J'insiste
donc pour que cette question, sous le rapport diplomatique, aussi bien que sous
le rapport stratégique, fasse l'objet des méditations du gouvernement.
Je n'insisterai pas
beaucoup, eu égard aux considérations par lesquelles le général Goblet a
terminé son discours, pour la suppression des 400 mille francs que le département
de la guerre se propose d'affecter aux travaux de la citadelle de Diest.
Cependant je persiste à avoir de très graves doutes sur l'utilité et
spécialement sur l'urgence de ces dépenses, au point de vue de la défense
extérieure.
Les circonstances politiques
viennent parfois modifier profondément le système de la défense d'un pays.
C'est sous l'empire de cette conviction sans doute que l'honorable général
Goblet a signé, après les événements de 1830, une convention qui avait pour
objet la démolition de plusieurs de nos forteresses les plus importantes. On a
tenu compte sans doute alors des modifications intervenues dans nos relations
internationales.
Or, il est intervenu
entre une autre puissance et la Belgique, sous le point de vue politique, des
modifications au moins aussi importantes que celles qui avaient pu permettre au
gouvernement belge de signer dès 1831 une convention dont la portée vous est
connue.
Ainsi la fortification de
la ligne hollando-belge, c'est avant 1839, en quelque sorte dans les premières
années qui ont suivi notre révolution, qu'elle a été décrétée. Non seulement on
a décrété qu'on fortifierait Diest, mais encore Aerschot et Hasselt : on a été
jusqu'à faire quelques ouvrages de défense à Louvain. Tous ces ouvrages ont été
abandonnés, excepté les fortifications de Diest ; on a même procédé à la
démolition des travaux de Hasselt ; et l'année dernière, quand le département
de la guerre est venu demander de nouveaux fonds pour continuer les travaux à
Aerschot, la chambre a ajourné cette dépense dont elle était loin de
reconnaître l'urgence ; d'où je conclus que la chambre a compris que les
événements qui, avant 1839, avaient amené le gouvernement à fortifier a ligne
du Nord-Est autrement qu'elle ne l'est, que ces événements avaient cessé d'agir
avec la même énergie après 1839.
Je dis donc, messieurs,
que la nécessité ou au moins l'urgence des travaux extraordinaires proposés au
budget actuel, quant à ce qui concerne Diest, est très problématique.
Il y a cependant une
considération qui m'empêchera de proposer une réduction, c'est celle, je l'ai
déjà dit, par laquelle l'honorable général Goblet a terminé ; c'est la
nécessité, dans la situation où se trouve le pays, de procurer par tous les
moyens possibles, du travail à la classe ouvrière.
Je
vois bien par là que c'est encore un supplément à la loi des 2 millions que
nous allons voter, et il serait peut-être plus franc de nous dire que c'est
surtout cette considération qui a fait porter ce crédit au budget. C'est un
supplément, si l'on veut, ou à la loi des 2 millions pour les substances
alimentaires, ou bien à la loi des deux millions pour les travaux que vous a
indiqués M. le ministre des travaux publics, et avec cette raison, de plus, que
les travaux dont il s'agit peuvent être immédiatement commencés.
D'après cette dernière
déclaration, je le répète, je ne ferai pas de proposition ; mais j'insiste
spécialement, et je m'appuie aussi sur les observations présentées par
l'honorable M. Lejeune, pour que le gouvernement ne perde pas un seul instant
de vue la question des forteresses.
M.
Goblet. -
Messieurs, je désire faire remarquer que je n'ai fait aucune révélation à la
chambre. Il ne me convient pas d'en faire, ce serait même contre mon devoir. Je
n'ai communiqué à la chambre, pour appuyer ce que j'ai dit, que des motifs qui
ont été antérieurement imprimés et distribués à la chambre. Relativement au
génie, les observations que j'ai faites, sont dans les budgets que la chambre a
entre les mains ; et quant à ce qui concerne l'artillerie, les documents à
l'appui de ce que j'ai annoncé se trouvent dans les observations de M. le
ministre de la guerre, distribués en 1843, en réponse aux observations de M.
Brabant, à propos du budget de ladite année.
Je tenais à faire cette
observation pour ne pas être accusé d'avoir manqué aux convenances de ma
position spéciale.
M. Lebeau. - Je n'ai rien insinué de semblable.
M. Goblet. - Vous avez commencé par dire que
le général Goblet avait fait une révélation à la chambre. C'est contre ce mot
de révélation que j'ai cru devoir réclamer.
M. Lebeau. - L'honorable général Goblet a mal interprété ma pensée.
Quand j'ai dit qu'il nous avait fait une révélation, j'ai voulu dire que le
général Goblet nous avait appris, sur une branche de notre organisation
militaire, des choses que nous ignorions où dont nous avions perdu le souvenir.
L'honorable général
Goblet sait bien que je connais trop les convenances de sa position, et, j'ose
le dire, les convenances parlementaires pour avoir pu parler de loi autrement
que comme collègue, comme membre de cette chambre.
M. le ministre
de la guerre (M. Prisse). - Messieurs, les deux honorables (page 705) membres qui viennent de s'occuper du chapitre en
discussion, ont considéré les dépenses de ce chapitre sous deux points de vue
différents : sous celui de la défense du royaume en général ; sous celui des
travaux de Diest en particulier.
Le discours de
l'honorable M. Lejeune, messieurs, renferme des observations sérieuses, et qui
méritent d'être examinées.
L'honorable M. Lejeune a
commencé par énoncer l'opinion que l'on n'avait pas assez étudié la question de
la défense du pays. Il a ajouté qu'on ne l'avait surtout pas assez étudiée au
point de vue de l'opinion publique. Cette défense, non seulement doit être
étudiée par les hommes compétents, mais elle doit entrer en quelque sorte, si
j'ai bien compris l'honorable orateur, dans le domaine de l'opinion publique,
et il faut que chacun dans le pays sache en quoi elle consiste, sauf cependant
à laisser dans le secret quelques-uns des moyens de défense qu'on voudrait
employer.
Messieurs, je crois que
la question de la défense du pays est beaucoup plus soigneusement étudiée que
ne semble le croire l'honorable M. Lejeune. Mais ces études se font par des
hommes spéciaux ; elles se font dans le secret, et je crois qu'il doit en être
ainsi jusqu'au moment où il conviendra de venir saisir la chambre d'un plan
général de défense, auquel on travaille tous les jours.
Messieurs, comme
l'occasion se présentera plus tard de donner plus d'explications sur ce point,
je demande à revenir sur ce que l'honorable M. Lejeune a dit d'une brochure
remarquable due au talent du lieutenant-colonel d'artillerie Eenens. Cet
ouvrage, messieurs, ainsi que je viens de le dire, offre un intérêt réel. Il en
est de la brochure du lieutenant-colonel Eenens dans l'armée, quant à l'examen
qu'elle mérite, comme de la défense du pays. Beaucoup d'entre nous s'en sont
occupés. La controverse s'est établie, j'aime à le croire, sur les plans du
lieutenant-colonel Eenens, et je ne sache pas que jusqu'à présent personne ait
décliné la discussion d'un ouvrage qui, dans tous les cas, prouve, de la part
de son auteur, beaucoup de zèle, beaucoup d'amour du métier et de désir d'être
utile au pays.
J'apprends avec plaisir
que cet ouvrage a eu quelque retentissement et a été l'objet d'éloges à
l'étranger. C'est une preuve qu'il contient de fort bonnes choses que nous
examinerons lorsqu'on discutera les derniers éléments de la défense du pays. On
pourra peut-être puiser dans les idées du lieutenant-colonel Eenens d'heureuses
inspirations. Mais je ne crois pas que le moment soit venu d'en entretenir la
chambre.
Messieurs, la question de
la défense du pays est la question dominante de mon département. C'est à elle
qu'aboutissent, en dernière analyse, tous les détails de l'administration de
l'armée, comme à leur but définitif et suprême.
Il est évident que c'est
cette question qui a dû, avant tout, fixer mon attention ; aussi, dès mon
entrée au ministère de la guerre, elle n'a pas cessé de faire l'objet de mes
études et de mes soins, comme elle est celui des constantes préoccupations de
tous les chefs de l'armée.
Mais cette question,
prise même dans toute sa généralité, a plus d'une face, et d'après celle qu'on
envisage, la solution diffère par la nature des moyens qu'elle suppose et par
les rapports que l'application de ces moyens peut amener entre les chambres et
le gouvernement.
Ainsi, messieurs, j'ai
dû, comme tous mes prédécesseurs, me demander de quelle manière il convient
d'employer les forces actives et les moyens matériels qui sont actuellement à
ma disposition, pour pourvoir à la sûreté extérieure et intérieure du pays ; et
cela, sans sortir, pour le moment, des limites des ressources actuellement
disponibles.
J'ai dû examiner ensuite
quel serait, dans l'hypothèse d'événements extraordinaires, le complément de
moyens à ajouter à nos ressources actuelles, pour que nous nous trouvions à la
hauteur des exigences de la situation nouvelle que ces événements auraient pu
amener ; quelles sont, en d'autres termes, les premières mesures à prendre
immédiatement dans des cas supposés de guerre.
Sous l'un et l'autre
point de vue, la question de la défense du pays est résolue. Mes vues sont
arrêtées et mes mesures concertées dans l'une et l'autre suppositions, et nous
n'avons pas à craindre que les événements ne viennent nous surprendre sous
l'empire des influences les plus nuisibles : celles de l'incertitude et de
l'hésitation. Nous sommes préparés à appliquer nos ressources permanentes et
celles qui peuvent être créées instantanément à la défense de nos propres
droits et à l'accomplissement de la grande tâche que les traités nous imposent
vis-à-vis de l'Europe.
Mais, à côté de
l'application de nos ressources actuelles et des ressources immédiatement
réalisables, se place la création de celles qui ne s’improvisent pas, la
constitution nominale des moyens permanents de défense qui doivent se préparer
de longue main.
Après s'être rendu compte
de l'usage de ce qui est et de ce qui peut être, il faut créer ce qui doit
être.
Considérée sous cette
face, la question de la défense du pays, sans augmenter peut-être de gravité,
est plus difficile et plus compliquée, et sa solution devient plus longue et
plus laborieuse.
La loi d'organisation de
l'armée a fait faire un pas immense à la question ainsi posée et l'a en grande
partie et heureusement résolue, en ce qui concerne le personnel de l'armée, et
il ne reste, pour en compléter la solution, qu'à arrêter également, autant
qu'elle peut l'être, l'organisation normale de nos moyens matériels de défense.
Le dernier travail qui a
successivement occupé mes devanciers et dont de nombreux éléments existent
déjà, je l'ai repris à mon tour, et je m'en occupe concurremment avec les chefs
des grands services de l'armée aussi activement que son importance l'exige.
Mais, messieurs les résultats auxquels l'examen de ce côté de la question aura
conduit ne peuvent être réalisés que dans des circonstances données et dans des
conditions de situation financière du choix desquelles le gouvernement doit
sous sa responsabilité, rester le juge. Tout ce qu'à cet égard les chambres ont
intérêt à demander du gouvernement, c'est que celui-ci se fixe le plus tôt
possible sur le principe et les détails d'un système général de défense
permanente, afin qu'il soit en mesure de profiter des circonstances et des
conditions favorables où le pays pourra se trouver ; et sous ce rapport, je
puis donner à la chambre l'assurance qu'aucun moyen ne sera négligé pour
arriver à ce résultat qu'il est également de l'intérêt du gouvernement d'amener
le plus promptement possible.
Messieurs, quant à ce qui
concerne les travaux à exécuter à la forteresse de Diest, je ne sais s'il
convient de donner de nouveaux éclaircissements après ceux qu'a développés avec
tant de clarté et de talent l'honorable inspecteur général du génie.
L'honorable général Goblet vous a fait connaître de quelle importance il était,
sous le rapport de l'utilité militaire et par conséquent de l'utilité
nationale, de ne pas interrompre les travaux de Diest. Il vous a fait connaître
que l'interruption temporaire de ces travaux ne ferait que reculer les dépenses
et les rendre plus considérables ; car ce qu'on peut faire aujourd'hui avec
1,000 francs, l'an prochain, en demanderait peut-être 1,500. C'est ce qui a été
suffisamment démontré.
La
dernière considération sur laquelle s'est appuyé l'honorable général Goblet,
considération qui, je l'espère, à part toutes les autres qu'on pourrait
présenter, sera toute puissante sur l'esprit de la chambre, c'est celle de ne
pas supprimer, par l'interruption des travaux de Diest, les secours que ces
travaux assurent à la classe ouvrière, non seulement de la ville, mais encore
du dehors.
J'espère que telle
considération, jointe à celles que j'ai fait valoir d'accord avec l'honorable
général Goblet, déterminera la chambre à donner un vote approbatif à cet
article du budget.
M. Lejeune. - Si je n'avais fait que provoquer
les explications que vient de donner l'honorable ministre de la guerre,
j'aurais déjà lieu de ne pas regretter les observations que je me suis permis
de présenter à la chambre.
Je n'ai pas voulu
prétendre qu'au département de la guerre on ne s'occupait pas de la défense du
pays ; ce serait absurde. Je crois qu'on s'en occupe toujours et j'ai appris
avec plaisir que la controverse s'établissait aussi sur l'ouvrage que j'ai
signalé.
Je ne désire pas non plus
que le département de la guerre fasse de l'administration en place publique. Si
j'ai exprimé l'opinion que la publicité serait favorable, j'ai voulu faire
allusion à cette publicité qui s'établit en dehors de l'administration, en
dehors du département de la guerre. Ce que j'ai voulu dire, c'est que cette
opinion, regrettable et nuisible, est très répandue, savoir qu'il n'existe pas
de plan arrêté pour la défense du pays.
Quand on aura un plan
arrêté, une très grande partie des questions qui s'y rattachent devront bien
être connues et traitées publiquement : car ce n'est qu'après un certain laps
de temps et avec le concours des chambres qu'on parviendra à mettre un plan,
quel qu'il soit, à exécution.
- La discussion est
close.
Articles
1 et 2
« Art. 1er. Matériel
de l'artillerie : fr. 540,000. »
- Adopté.
_________________
« Art. 2. Matériel
du génie : fr. 1,152,000. »
- Adopté.
Chapitre VI -
Traitement divers et pensions
Article
premier
« Art. 1er. Traitements
temporaires de non-activité, réforme, etc. : fr. 277,198 39 c. »
M. de Corswarem. - A propos du
chapitre : Traitements divers et pension-, je dois faire quelques critiques sur
la facilité, pour ne pas dire la prodigalité, avec laquelle l’on accorde des
pensions au ministère de la guerre. Peut-être ne sont-ce pas des pensions ;
mais des mises à la réforme, en disponibilité ou en non-activité. Comme je ne
suis pas du métier je ne sais guère faire la distinction entre toutes ces
catégories ; mais le fait est que je connais plusieurs officiers supérieurs qui
sont encore très capables de servir pendant de longues années, et qui ont été
mis en non-activité. Je crois qu'en cela l'intérêt du trésor est inutilement
lésé.
Il y a deux espèces de
sollicitations contre lesquelles j'engage M. le ministre de la guerre à se
prémunir désormais. Ce sont d'abord des sollicitations d'officiers déçus dans
leurs espérances d'avancement. Il y en a qui demandent de l'avancement, qui se
trouvent capables de remplir des fonctions supérieures à celles qu'ils
occupent, et qui, n'ayant pu obtenir cet avancement font valoir des infirmités,
des maladies et demandent et obtiennent à ce titre leur mise à la pension.
S'ils étaient capables de remplir un emploi supérieur, ils étaient bien
capables aussi, sans doute, de continuer à remplir les mêmes fonctions.
Une autre sollicitation,
contre laquelle j'engage M. le ministre à se prémunir, c'est celle d'officiers
qui espèrent obtenir de l'avancement en en faisant mettre d'autres à la réforme
ou en disponibilité.
On a mis
à la pension tous les officiers qui ont atteint un âge déterminé. C'est ainsi
qu'on a appliqué la loi des pensions. Or, quand nous avons discuté cette loi,
nous ne l'avons point entendu ainsi. Nous avons (page 706) dit que les officiers qui auraient atteint tel âge
pourraient être mis à la pension ; mais il faut qu'ils soient incapables de
continuer leurs fonctions.
Je ne nommerai personne ;
mais je connais des officiers pensionnés qui sont aussi forts physiquement
qu'aucun autre de l'armée et beaucoup plus forts que la moitié des officiers du
même grade en activité de service. Sous le rapport de la capacité, ils ont fait
dans les grades inférieurs, il est vrai, une besogne fort difficile que d'autres
n'ont pas voulu ou n'ont pas pu faire. Cela prouve assurément leur capacité ;
cependant ils ont été mis à la réforme.
Je ne puis trop engager
M. le ministre à mettre le plus de parcimonie possible dans les mises en
disponibilité.
M. Osy. - Lorsque nous avons fait la loi sur les pensions, M. le ministre a
déposé la liste des pensionnés civils du département de la guerre ; mais il
serait utile que, l'année prochaine, M. le ministre joignit au budget la liste
de tous les pensionnés militaires. Je lui demanderai s'il trouve quelque
difficulté à prendre l'engagement de déposer ce document qui nous faciliterait
bien des recherches.
M. le ministre
de la guerre (M. Prisse). - L'honorable M. de Corswarem a appelé mon attention sur un
fait qui serait réellement un abus, s'il existait, comme paraît le croire
l'honorable membre.
Je n'entreprendrai pas la
défense de toutes les pensions qui ont été accordées depuis que l'armée existe,
mais je puis dire que toutes celles qui ont été données depuis que j'ai
l'honneur d'être au département de la guerre, l'ont été en vertu des
règlements. Ces règlements sont très clairs, très positifs ; on sait les cas où
il est convenable, où il est légalement permis de pensionner un officier, et
c'est dans ces cas seulement que la pension est accordée. Il faut un certain
âge ou un certain nombre de campagnes et d'années de service lorsque l'âge
n'est pas complétement atteint ; puis il y a un maximum d'âge au-delà duquel on
a généralement admis qu'il convient de pensionner les officiers des grades
subalternes. Ainsi, les capitaines, lieutenants et sous-lieutenants âgés de
plus de cinquante-cinq ans sont ordinairement admis à la retraite.
Du reste, messieurs,
toutes les fois qu'une pension est accordée, l'arrêté est publié au Moniteur
avec tous les détails, tous les considérants qu'il comporte ; et si l'honorable
M. de Corswarem voulait examiner les pensions accordées depuis le mois de mars
dernier, je pense qu'il aurait toute espèce de satisfaction à l'égard du grief
dont il a parlé.
Quant aux officiers en
disponibilité, en non-activité, en réserve, je sais depuis longtemps que
l'intention de la chambre est d'en diminuer le nombre le plus possible ; et
pour vous prouver, messieurs, avec quel soin je me suis conformé à cette
intention, permettez-moi de vous citer quelques chiffres et j'ose espérer que
vous les trouverez satisfaisants.
II existait, à la date de
la confection du budget de 1846, en trop dans les corps ou à la section de
réserve :
Infanterie : 29
capitaines de première et deuxième, 34 lieutenants et 53 sous-lieutenants.
Total : 116.
Cavalerie : 7
sous-lieutenants.
Il ne fut pas demandé de
fonds pour ceux-ci, dans la certitude où l'on paraissait être de voir ce nombre
d'officiers absorbé avant l'exercice 1846.
Artillerie : 2
commandants en résidence.
Train d'artillerie : 3
Capitaine et lieutenants
Total : 128.
Ce chiffre se trouve
réduit à 5 officiers de l'artillerie et du train, qui n'ont pu être replacés.
En disponibilité :
Officiers généraux et supérieurs : en 1846 9, en 1847 7 ;
En non-activité :
Officiers généraux et supérieurs : en 1846 170, en 1847 157.
Réforme : Officiers
supérieurs et subalternes : en 1846 14, en 1847 6.
Total :
en 1846 193, en 1847 170.
En moins, 23 de ces catégories, et 125 de la réserve.
Total, 148.
Vous le voyez, messieurs,
partout où il m'a été possible d'opérer des réductions, je l'ai fait ; je
continuerai à le faire ; je rappellerai à l'activité, autant que les
circonstances le permettront, tous les officiers qui sont encore capables de
rendre des services.
L'honorable M. Osy a
demandé le dépôt sur le bureau de la chambre, de la liste de toutes les
pensions accordées dans le courant de l'exercice ; à l'avenir cette liste sera
déposée comme celle que j'ai eu l'honneur de présenter pour les employés civils
du département de la guerre.
M. de Corswarem. - Messieurs, je
n'ai nullement voulu dire que M. le ministre de la guerre eût agi d'une manière
illégale en accordant des pensions. J'ai très bien vu que les pensions dont
j'ai parlé étaient très régulièrement accordées, mais cela n'empêche pas qu'on
a pensionné des officiers qui étaient encore capables de remplir pendant
longtemps leurs fonctions.
M. le ministre de la
guerre a paru croire qu'un général qui a, par exemple, 55 ans d'âge et 30 ans
de service....
M. le ministre
de la guerre (M. Prisse). - J'ai dit le contraire ; l'observation à laquelle vous
faites allusion s'appliquerait aux officiers subalternes.
M. de Corswarem. - Je voudrais
que l'on conservât aussi longtemps que possible les officiers généraux qui ont
fait la guerre sous l'empire. Nous n'en avons déjà pas trop.
Je sais aussi très bien,
messieurs, que les pensions ne sont accordées que sur la production d'un
certificat de médecins ; mais, qu'il me soit permis de le dire, les médecins
sont souvent très légers à délivrer ces certificats et j'engage beaucoup M. le
ministre à ne pas s'en rapporter uniquement à de semblables pièces, mais à agir
aussi d'après la connaissance personnelle qu'il peut avoir des officiers qui
demandent leur mise à la pension.
- L'article est mis aux
voix et adopté.
Articles
2 à 5
« Art. 2. Traitement
des aumôniers : fr. 32,500. »
- Adopté.
« Art. 3.
Traitements d'employés temporaires : fr. 5,850. »
- Adopté.
« Art. 4. Pensions
civiles : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 5. Pensions
de militaires décorés sous l'ancien gouvernement, et secours sur le fonds de
Waterloo : fr. 22,251 61 c. »
- Adopté.
Chapitre VII. -
Dépenses imprévues
« Article unique.
Dépenses imprévues, fr. 45,336 82 c. »
La section centrale
propose d'ajouter au libellé les mots : « non libellés au budget ».
M. Osy. - Messieurs, je ne viens pas
combattre l'augmentation qui est proposée à cet article, mais je dois demander
un renseignement à M. le ministre de la guerre. Les journaux nous ont
entretenus d'une nouvelle institution établie dans la capitale, la table des
officiers. Je demanderai au gouvernement si le subside accordé pour cet objet
est pris sur le crédit dont nous nous occupons en ce moment. Je ne viens ni
critiquer ni approuver l'institution dont il s'agit ; je me borne à faire
observer que si cette institution était subsidiée sur le budget, cela pourrait
nous entraîner à des dépenses considérables, car il est très possible qu'on
veuille l'établir dans toutes les garnisons. Je fais toutes mes réserves à cet
égard.
M. le ministre de la guerre (M. Prisse). - L'honorable M. Osy demande si les
fonds qui ont été employés pour l'établissement d'une table d'officiers, par
voie d'essai, si ces fonds ont été prélevés sur le chapitre des dépenses
imprévues. Je déclare formellement qu'il n'en est rien ; les avances qui ont
été faites pour l'établissement d'une table pour les officiers du régiment
d'élite, l'ont été sur un fonds spécial du régiment, provenant des économies
des officiers et soldats, et le règlement d'administration autorise le
gouvernement, dans certaines circonstances, à disposer de ces fonds dans
l'intérêt général du régiment, sauf à déterminer, dans l'arrêté pris à ce
sujet, l'objet qui l'a nécessité.
M. Osy. - Je remercie M. le ministre de la guerre des renseignements qu'il vient
de donner. Il est donc bien constaté eme si l'on jugeait convenable d'établir
des tables d'officiers dans d'autres garnisons, ce ne sera pas une nouvelle
charge pour le budget. C'est ainsi que j'entends la réponse de M. le ministre
de la guerre.
M. le ministre
de la guerre (M. Prisse). - Messieurs, sans la position fâcheuse dans laquelle se
trouve le pays par suite du renchérissement des denrées, j'aurais soumis une
proposition à la section centrale, pour me mettre à même de faire un essai plus
en grand. En effet, je considère l'établissement des tables d'officiers dans
l'armée comme une véritable amélioration morale et matérielle.
Lorsque dans cette
enceinte on a parlé de la solde d'infanterie, l'honorable M. Rogier a dit que
si l'on avait quelques motifs légitimes pour maintenir la solde du régiment
d'élite à un taux un peu plus élevé que celle des autres corps, motifs puisés
dans la cherté des vivres à Bruxelles et dans le surcroit de dépenses
d'habillement et de logement, ces motifs étaient encore plus puissants en ce
qui concerne les officiers.
Or, comme nous ne pouvons
pas, eu égard à la situation du trésor, demander une augmentation de solde ni
une indemnité pour les officiers de la garnison de Bruxelles, j'ai cru leur
rendre service, comme je croirai rendre un véritable service à toute l'armée,
en établissant une table d'officiers sur des bases convenables ; les officiers
y trouvent une économie notable ; l'esprit de corps se forme et se développe ;
les relations deviennent tous les jours meilleures. Tous les membres de la
chambre qui voudront parler de cette table commune à l'un ou à l'autre des
officiers qui y participent, recevront, je n'en doute pas, des renseignements
satisfaisants à cet égard.
Si plus tard l'épreuve
est concluante et que les circonstances financières soient plus favorables,
j'examinerai s'il y a lieu de proposer une allocation de ce chef au budget de
mon département, afin d'établir l'institution dans toute l'armée.
- Personne ne demandant
plus la parole, l'article unique du chapitre VII est mis aux voix et adopté.
Chapitre III. - Ecole
militaire
Article
premier
Sur la proposition de M. le président., la discussion est rouverte sur
l'article premier du chapitre III. La chambre fixe le chiffre de cet article à
la somme de 55,424 fr. 99 c.
(page 707) - La
chambre décide ensuite qu'elle votera séance tenante sur l'ensemble du budget
du département de la guerre.
Second vote des articles, vote des dispositions légales et vote sur
l’ensemble du projet
Elle vote définitivement
l'article 7 nouveau du chapitre premier (fr. 5,000), formé d'un transfert de
pareille somme de l'article 7 de la section II du chapitre II, lequel article
est réduit à 85,000 fr. par suite de ce transfert.
Elle passe ensuite au texte
de la loi, qui est ainsi conçu :
« Art. 1er. Le
budget du ministère de la guerre est fixé, pour l'exercice 1847, à la somme de
29,405,200 fr., conformément au tableau ci-annexé. »
- Adopté.
________________
« Art. 2. La
présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
- Adopté.
________________
On passe à l'appel
nominal sur l'ensemble du budget de la guerre.
71 membres prennent part
au vote.
68 membres répondent oui.
3 répondent non.
En conséquence, la
chambre adopte.
Le projet de loi
contenant le budget de la guerre sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM.
Anspach, Biebuyck, Cans, Clep, d'Anethan, David, de Baillet, de Brouckere,
Dechamps, de Corswarem. Dedecker, de Garcia de la Vega, de La Coste, de Lannoy,
Delehaye, d'Elhoungne, de Meester, de Mérode, de Roo, de Saegher, de Sécus,
Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de T'Serclaes, de Villegas,
d'Hoffschmidt, Dolez, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dumont, Dumortier,
Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Goblet, Henot, Huveners, Jonet, Kervyn,
Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Malou, Manilius,
Mast de Vries, Mercier, Orban, Orts, Pirmez, Rodenbach, Scheyven, Sigart,
Simons, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vandensteen, Veydt, Vilain XIIII et Liedts.
Ont répondu non : MM. de
Bonne, Delfosse et Osy.
PROJET DE LOI PORTANT MODIFICATIONS DES LIMITES TERRITORIALES ENTRE LES
COMMUNES DE LAMBUSART (HAINAUT) ET MOIGNELEE (NAMUR)
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - J'ai reçu une lettre de la députation de la province de
Namur, en date du 28 janvier, par laquelle elle m'annonce qu'on a découvert
plusieurs documents qui établissent qu'il y a eu une erreur à l'égard de l'impôt
foncier payé sur une partie du territoire en litige entre les deux communes, et
qu'il résulterait de cette erreur que le plan joint au projet présenté à la
chambre attribuerait à la commune de Lambusart une quantité du terrain contesté
supérieure à celle qui lui revient.
Elle
insiste pour que le gouvernement fasse réunir les deux conseils communaux pour
tâcher de les amener à une transaction. La députation ajoute qu'une partie du
territoire contesté, si elle était réunie à Moignelée, pourrait être utile pour
construire de nouvelles habitations, et que, réunie à Lambusart, elle ne
pourrait jamais être habitée ; elle demande que les conseils communaux des deux
communes soient réunis et qu'on convienne d'une autre délimitation plus
avantageuse à leurs intérêts respectifs. On demande pour tout délai la remise
au 15 mars. Je pense ne pas pouvoir refuser à la députation provinciale de
Namur de faire part à la chambre de sa demande et de l'appuyer. Il n'y a pas
péril en la demeure ; on ne pouvait pas prévoir l'erreur qui a pu se trouver
dans ces documents.
M. Pirmez. - J'avais déjà fait remarquer que
la question de délimitation entre Moignelée et Lambusart était pendante depuis
près de 40 ans.
Dans le mois de décembre,
quand déjà M. le ministre est venu demander un délai, il avait promis que la
discussion du projet aurait lieu définitivement le 1er
février. Les communes, que l'on devait tâcher de concilier entre elles pendant
cet intervalle, n'ont pu sans doute être amenées à la conciliation qu'on
espérait, et une seule des parties, les états de la province de Namur viennent
demander un nouveau délai, sous le prétexte qu'ils ont fait une nouvelle
découverte. Cette découverte est bien tardive ; sans doute il s'est fait une
multitude de découvertes depuis 40 ans. Les parties ont eu tout le temps de
produire tous les moyens à l'appui de leurs prétentions. Ce n'est pas au moment
où la solution définitive doit être donnée à une contestation qui dure depuis
si longtemps, qu'on peut venir demander un ajournement nouveau en s'appuyant de
pareilles raisons.
Remarquez-le bien, c'est
une seule partie qui demande l'ajournement. Si les étals du Hainaut s'étaient
joints aux états de la province de Namur pour faire la proposition de réunir
les conseils des deux communes afin de les amener à une conciliation, je
concevrais qu'on accordât le délai ; mais c'est une seule partie qui se
présente devant vous. Au surplus réunir les conseils des communes, comme le
propose M. le ministre de l'intérieur, c'est renouveler la procédure, c'est
remettre tout en question.
M. de Garcia. - Je dirai un
mot pour appuyer l'ajournement proposé par M. le ministre de l'intérieur, sur
la demande de la députation de la province de Namur. S'il s'agissait d'un
ajournement indéfini et de laisser ainsi en suspens la question à laquelle
l'honorable M. Pirmez attache un si grand intérêt, je ne l'appuierais pas ;
mais de quoi s'agit-il ? D'un délai de trois semaines.
La
raison de combattre cet ajournement de la part de l'honorable M. Pirmez, c'est
qu'il serait étonnant qu'on eût fait des découvertes sur cet objet après 25 ou
30 ans que cette contestation est soulevée. Le temps écoulé entre l'origine de
cette discussion et les découvertes faites ne peut être l'objet de nos
discussions ; et pour moi, s'il y a quelque chose d'étonnant à propos de cet
incident, c'est qu'on veuille ôter les éléments nécessaires à la discussion.
Tous les jours on voit des procès qui, après avoir duré très longtemps, sont décidés
par des pièces qu'on découvre au dernier moment. Pourquoi en serait-il
autrement devant le parlement que devant les tribunaux ?
Je le répète, si la
proposition de M. le ministre avait pour objet d'ajourner indéfiniment la
solution d'une question à laquelle l'honorable M. Pirmez attache un grand
intérêt, je m'y opposerais ; mais dans l'état des choses, je pense que la
chambre ne refusera pas d'accorder jusqu'au 15 mars pour décider définitivement
cette affaire. Une mesure semblable ne peut conduire qu'à une solution prudente
autant que juste.
M. Orban. - Messieurs, en qualité de
rapporteur de la commission chargée d'examiner ce projet, je dois témoigner mon
étonnement de la marche que M. le ministre suit dans cette affaire. D'abord, il
est fort étrange que quand un projet de loi a été présenté à la chambre, qu'il
a été examiné par une commission spéciale et que cette commission a déposé son
rapport, le ministre vienne, au moment de la discussion, déclarer qu'il y a
lieu de renvoyer l'objet de ce projet à une instruction nouvelle. Il y a là, en
quelque sorte, un manque d'égards envers la commission qui avait examiné le
projet qui lui avait été renvoyé, et qui l'avait fait, je crois pouvoir le
dire, avec une attention toute particulière.
Toutefois M. le ministre
s'était borné à demander un ajournement à bref délai, et cela par le motif, que
je me suis permis de révoquer en doute, que les communes intéressées étaient
sur le point de tomber d'accord. C'était impossible ; aussi l'accord qu'on
s'était promis d'amener n'a pas eu lieu.
On
vient maintenant, pour demander un nouveau délai, exposer différentes
considérations que fait valoir la députation de la province de Namur.
L'honorable M. Pirmez
vous a dit que la contestation existait depuis 40 ans ; moi je vous dirai que
depuis 40 ans les mêmes raisons sont données par la députation de la province
de Namur, et que votre commission n'a pas cru devoir y avoir égard.
Cette affaire demande une
solution. Je ne comprends pas qu'une demande d'ajournement arrive de la part du
chef du département de l'intérieur qui devrait être le premier à demander la
décision de cette interminable affaire.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Le département de l'intérieur n'a
absolument aucun intérêt à ce que la question soit tranchée en faveur d'une
commune plutôt que de l'autre ; mais il a un devoir à remplir : c'est de porter
à la connaissance de la chambre les faits nouveaux qui surviennent, afin que la
chambre statue en connaissance de cause.
Je ne pense pas qu'il y
ait rien d'offensant pour la commission à donner communication des
renseignements parvenus au gouvernement.
Ce que la chambre et la
commission doivent désirer, c'est d'être éclairées. Le délai qu'on demande
n'est pas exorbitant. II n'y a nul péril en la demeure. Je ne vois pas pourquoi
la chambre voudrait statuer immédiatement, alors que la députation permanente
de Namur, autorité respectable, demande un délai, et établit qu'il est
nécessaire.
M. Fallon. - Je désire présenter quelques
considérations qui me paraissent de nature à déterminer la chambre à adopter la
proposition de l'honorable ministre de l'intérieur.
Il n'y a pas urgence ; il
y a, malgré ce que vient de dire l'un de mes honorables voisins, espoir fondé
de conciliation entre les deux communes. D'un autre côté l'instruction n'est ni
régulière, ni complète.
D'abord, il n'y a pas
d'urgence. L'honorable M. Pirmez a dit que la contestation existe depuis 40
ans. Mais, chose bien remarquable, c'est que, depuis ce laps de temps, ces deux
communes n'ont eu que des relations d'excellent voisinage. L'action
administrative n'a été gênée ni entravée dans aucune de ces deux communes.
Mon honorable voisin a
dit que, pour les terrains qui font l'objet de la contestation, on a fait à
certaines époques payer les contributions dans les deux communes. Mais cet
inconvénient a cessé ; il est évident qu'on ne pouvait faire payer, en double
emploi, les contributions dans les deux communes, et que si pareille chose
arrivait encore, il y aurait lieu à restitution en faveur de celui qui se
trouverait imposé doublement.
J'ai dit qu'il y avait
espoir de conciliation et que l'instruction n'était pas assez complète pour que
la chambre prît une résolution en pleine connaissance de cause. Pour le
prouver, je me bornerai à vous donner lecture de la dépêche de la députation
permanente de la province de Namur.
Voici cette dépêche qui
fait connaître le véritable état des choses : « Les recherches que nous avons
prescrites dans les archives provinciales et dans celles de la commune de
Moignelée, nous ont fait découvrir des documents qui établissent que, dès
l'origine de son érection en commune, le village de Moignelée a été en possession
au moins d'une partie du territoire contesté, comprise dans les limites que
l'on veut assigner à la commune de Lambusart. »
C'est par arrêté des
représentants du peuple que les deux communes ont été érigées. Mais cet arrêté
ne détermine les limites ni de l'une ni de l'autre commune. La commune de
Lambusart prétend qu'elle formait ci-devant une seigneurie, que par conséquent
elle doit en avoir les limites.
(page 708) D'autre part, la commune de Moignelée prétend qu'elle
formait une paroisse et elle conclut qu'elle doit en avoir l'ancienne
circonscription. Voilà l'origine de la contestation.
« Les motifs du projet de
loi soumis à la chambre sont uniquement puisés dans la circonstance que toutes
les parties du territoire contesté se trouvent inscrites à la matrice du rôle
de contribution foncière rédigée en l'an XIII, pour la commune de Lambusart. »
Effectivement faute
d'avoir pu découvrir des renseignements sur les limites des deux communes, on a
cru devoir recourir à la matrice du rôle de la commune de Lambusart pour l'an
XIII, qui s'appliquait effectivement à toutes les parcelles du terrain contesté
; mais vous allez voir qu'on ne s'était pas mis en peine de rechercher ce qui
avait eu lieu précédemment à cet égard.
« Or, il en résulte d'une
matrice de rôle de contribution foncière pour la commune de Moignelée rédigée le 24 messidor an VII, d'un
état de mutation à cette matrice en date du 15 messidor an XI, d'un état
général de la contribution foncière du 27 août 1812, des rôles de contribution
foncière pour les ans 1811 et 1812, que tous les terrains composant la section
du Grand-Volinchamps sont portés dans ces rôles et matrices : et cette section
comprend toute la partie du territoire la plus rapprochée du village de
Moignelée et renfermée dans les limites proposées par le conseil provincial de
Namur. »
J'ai dit qu'il y avait
espoir de conciliation. Vous le remarquerez, puisque la commune de Moignelée ne
demande plus que quelques parcelles de terrains qui avoisinent le village de
cette commune, et qui sont fort éloignées de Lambusart.
« Ces documents doivent
nécessairement diminuer la force que l'on veut attribuer à la matrice de l'an
XIII. »
« Vous comprendrez, M. le
ministre, qu'en présence de ces documents, il y aura lieu à modifier les
limites indiquées dans le projet de loi, et nous aurons l'honneur de vous faire
à cet égard de nouvelles propositions motivées accompagnées d'un plan et des
pièces que nous venons de vous signaler.
« Mais auparavant il est
indispensable que le conseil de la commune de Lambusart soit entendu sur ces
nouvelles propositions, et que les pièces lui soient communiquées.
« A cet effet, il y
a lieu d'ordonner la réunion des deux conseils intéressés, sous la présidence
d'un membre de chacune des députations permanentes de Namur et du Hainaut,
conformément à l'arrêté royal du 28 juillet 1821 ; cet arrêté répond, M. le
ministre, à l'observation consignée dans votre dépêche du 5de ce mois, première
division, n° 1109, B.
« C'est la marche qui a
constamment été suivie et que l'on suit encore lorsqu'il s'agit de contestation
de limites entre des communes de différentes provinces. On ne peut, du reste,
considérer comme de véritables actes de juridiction les procès-verbaux tenus
dans la réunion de deux conseils, procès-verbaux qui ne contiennent que les
dires de chaque partie. Nous vous prions donc, M. le ministre, d'ordonner la
réunion des conseils des communes de Lambusart et de Moignelée, ainsi qu'il
vient d'être dit, et nous avons tout lieu de penser que ces deux conseils
parviendront maintenant à proposer de commun accord une limite qui conciliera
tous les intérêts.
« Mais
pour remplir ces formalités, un nouveau délai devient indispensable, et vous
jugerez sans doute qu'il y a lieu, de votre part, à prier la chambre des
représentants de proroger au 15 mars la discussion qu'elle a fixée au 1er
février, du projet de loi destiné à régler les limites des deux communes dont
il s'agit. »
Comme vous le voyez, la
députation de Namur s'est empressée de profiter du délai accordé jusqu'au 1er
février, et d'écrire au ministre pour obtenir l'exécution de l'arrêté royal
relatif à la réunion des deux conseils.
Mon honorable voisin
s'est donc plaint à tort de ce que la députation n'avait rien fait. Il y a eu
malentendu. Voilà l'état de l'affaire.
Dans un tel état de
choses, la chambre ne peut refuser d'accorder un délai de quelques semaines.
M. Orban. - Il y a au fond de cette affaire
une question d'attributions que je désire voir vider. Il me semble que les
attributions de M. le ministre de l'intérieur, dans cette affaire, sont
épuisées.
Il appartenait à M. le
ministre de l'intérieur d'apprécier la demande, comme il l'entendait, et, après
avoir examiné les avis des conseils communaux et provinciaux, de décider s'il y
avait lieu de proposer à la chambre un projet de délimitation, ou non.
Mais une fois cette
détermination prise, une fois le projet soumis à la chambre, il ne lui
appartient plus, me semble-t-il, que de retirer ce projet ou de lui laisser
suivre le sort de tous les autres projets qui sont soumis à la chambre. Si l'on
demande une instruction nouvelle, il n'appartient qu'à la chambre de l'ordonner
; il n'appartient qu'à la commission, saisie de cette affaire, de décider s'il
y a lieu de compléter l'enquête qui a eu lieu et de déclarer qu'elle n'est pas
suffisamment éclairée. (Interruption.)
Messieurs, ce que je me
propose de vous demander, c'est le renvoi de cette affaire à la commission qui
en a fait l'examen. Cette commission appréciera si les nouveaux renseignements
que l'on annonce sont de nature à amener une solution autre que celle qui vous
est proposée.
Je me crois d'autant plus
fondé, messieurs, à faire cette proposition que l'ajournement proposé par M.
Fallon repose sur un fait complètement inexact.
Il vous a dit que
l'instruction était incomplète ; que les conseils communaux n'avaient pas été
réunis, comme ils devaient l'être, sous la présidence d'un membre de la
députation. Messieurs, c'est une erreur. Les deux conseils communaux ont été
réunis, sous la présidence d'un membre de la députation permanente de la
province du Hainaut et la vice-présidence d'un membre de la députation
permanente de la province de Namur.
C'est
donc un point à vérifier. La commission vérifiera si le fait annoncé par
l'honorable M. Fallon est inexact, comme je crois pouvoir l'affirmer à la
chambre.
D'un autre côté,
messieurs, si la commission reconnaît que les faits qui ont été allégués ne
sont pas de nature à retarder la décision de cette affaire, je pense que vous
ne serez pas d'avis de prononcer un nouvel ajournement. Renvoyer ce projet au
15 mars, c'est peut-être et probablement le renvoyer aux calendes grecques.
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je pense qu'au 15 mars la chambre sera aussi à
même de statuer qu'aujourd'hui. Ce n'est donc pas un motif d'écarter la
proposition d'ajournement qui vous a été faite.
L'honorable M. Orban
pense qu'après avoir proposé un projet de loi, le gouvernement ne peut plus
communiquer à la chambre de nouveaux documents relativement à ce projet et
demander une remise de la discussion.
Messieurs, cette doctrine
est contraire à tous les errements de la chambre, est contraire à la marche
naturelle d'une affaire. Il serait superflu d'insister sur ce point.
L'honorable
membre demande que l'affaire soit renvoyée de nouveau à la commission qui a
fait un rapport. Ce renvoi, messieurs, n'avancerait à rien. La commission n'est
pas saisie des nouveaux documents dont la députation de la province de Namur
annonce la découverte, et la réunion de cette commission n'atteindrait pas le
but que se propose la députation permanente, et qui est la conciliation entre
les deux communes, soit par un nouveau tracé, soit même au besoin par un
échange de territoire.
Dès lors, je ne vois
aucune espèce de motif pour adopter la proposition qui vous est faite par
l'honorable M. Orban, car la même demande d'ajournement pourrait encore être
reproduite à la suite du rapport de la commission, et ce serait alors un délai
ultérieur.
Mieux vaut laisser
instruire maintenant l'affaire à toute fin et fixer le délai au 15 mars.
M. Fallon. - S'il existait réellement quelque
embarras administratif à laisser les deux communes dans l'état où elles se
trouvent, je concevrais l'insistance que l'on met à empêcher que cette affaire
ne s'instruise complètement et surtout à ce qu'un délai jusqu'au 15 mars soit
accordé.
Du reste, j'appuie la
proposition de l'honorable M. Orban. Je demande aussi qu'au 15 mars on renvoie
les pièces à la commission pour qu'elle en fasse l'objet d'un nouvel examen.
M. Mercier. - Messieurs, il ne faut pas que
cette affaire soit ajournée indéfiniment. Je demande à M. le ministre de
l'intérieur de bien vouloir presser de tout son pouvoir la nouvelle
instruction, et je demande, en outre, qu'aussitôt que les documents lui seront
parvenus, il les transmette à la commission, non pas au 15 mars, mais aussitôt
qu'il aura pu les obtenir, afin que la commission nous fasse son rapport
immédiatement après l'examen de ces pièces.
M. Fallon. - Je me rallie à cette proposition.
M. Orban. - Mais en tout état de choses la
discussion au 15 mars.
-La discussion est close.
La proposition faite par
M. le ministre de l'intérieur, et tendant à ajourner au 15 mars la discussion
du projet, est mise aux voix et adoptée.
PROJET DE LOI ACCORDANT DES CREDITS SUPLEMENTAIRES AU BUDGET DU
DEPARTEMENT DE LA GUERRE POUR CREANCES ARRIEREES
M. le président. - La section centrale propose de
réduire le crédit de 536,909 fr. 78c, demandé par le gouvernement, à 292,990
fr.75c. M. le ministre de la guerre se rallie-t-il à cette proposition ?
M. le ministre
de la guerre (M. Prisse). - Non, M. le président, je ne puis m'y rallier.
La somme de 500,000
francs, pétitionnée par le projet de loi présenté dans la séance du 3 juillet
1846, avait pour but de mettre le département de la guerre à même de satisfaire
au payement des indemnités dues du chef des inondations tendues en 1815 autour
des places de Mons et d'Ostende, à mesure que les transactions auraient été
passées. On évitait ainsi de soumettre à la chambre des demandes de crédits
supplémentaires, et l'on faisait une économie au trésor en évitant le payement
d'intérêts résultant du retard apporté dans le payement du capital. La
commission des finances n'a pas accepté ce chiffre, et elle propose de le
réduire à 260,000 francs.
Ce
chiffre forme le montant du capital des créances réglées par transaction
jusqu'au 30 mai 1846, sans tenir compte du montant des intérêts dus sur ce
capital, qui courent depuis les années 1837 à 1845.
On peut donc évaluer
approximativement le montant de ces intérêts à 70,000 francs. Il y a aussi à
payer les frais de procès, évalués au moins à 5,000 fr. Depuis le 30 mai 1846,
de nouvelles transactions ont été passées jusqu'à concurrence d'un capital
d'environ 15,000 francs ; ce qui porte à 90,000 fr. la somme dont devrait être
augmentée celle de (page 709) 260,000 fr. allouée par la
commission des finances, et ce, dans le but de pouvoir satisfaire aux
transactions passées jusqu'aujourd'hui. D'après cela, j'ai l'honneur de
proposer à la chambre de porter à 350,000 fr. la somme dont il s'agit.
M. de T’Serclaes. - Messieurs, en parcourant le
tableau des créances arriérées qui se trouve joint au projet de loi destiné à
allouer un crédit supplémentaire au département de la guerre, j'ai été étonné
de ne pas y voir figurer une créance qui a déjà occupé deux fois la chambre,
qui me paraît juste et légitime, et sur laquelle je demande à dire quelques
mots.
En 1833, plusieurs
propriétaires et habitants de la commune de Zwyndrecht ont eu des arbres
abattus par les officiers du génie de l'armée française, venue pour faire le
siège de la citadelle d'Anvers. Les dégâts ont été évalués par des experts
nommés immédiatement et dans la forme légale, par le gouverneur de la Flandre
orientale ; le chiffre de l'indemnité a été régulièrement fixé ; toutes les
pièces ont été envoyées en 1833, au ministère de la guerre, qui en a accusé
réception. Vous voyez, messieurs, que l'administration locale et les intéressés
ont pris toutes les précautions nécessaires pour faire constater leurs droits.
Néanmoins, bien des
années se sont écoulées, et ces créances restent encore à payer aujourd'hui.
Les personnes lésées se sont adressées à la chambre en 1845 et 1846, votre
commission des finances a fait un rapport favorable, la chambre a ordonné le
renvoi des pièces au ministre de la guerre. Cependant aucune décision n'est
intervenue, et j'ai peine à m'expliquer comment le présent projet de loi, qui
semblait offrir une occasion naturelle, reste muet sur ces réclamations si bien
fondées.
L'objet en lui-même n'est
pas d'une grande importance ; je me reprocherais, messieurs, d'arrêter la
chambre sur cette affaire, s'il n'y avait dans le long délai qui s'est écoulé,
dans le silence du gouvernement, une sorte de déni de justice dont les intérêts
des habitants de ces communes ont vivement à souffrir.
Les réclamations des
habitants de Zwyndrecht s'élèvent à la somme de 7,550 fr. 68 c. Les
pétitionnaires exposent que, tandis que les propriétaires de la rive droite de
l'Escaut sont depuis longtemps indemnisés des dégâts de l'espèce, ceux du
district de St-Nicolas, habitant la rive gauche, frappent vainement à toutes
les portes.
J'ai pris à cet égard des
informations. La pétition des habitants de Zwyndrecht a été soumise, avec un
grand nombre d'autres, à l'examen de la commission chargée, en vertu de la loi
du 1er mai 1842, de la liquidation des pertes éprouvées par suite des
événements de guerre de la révolution.
Une des questions les
plus difficiles dont la commission de liquidation ait eu à s'occuper, avait
pour objet de déterminer exactement quelles étaient les pertes résultant du
siège de la citadelle d'Anvers, qui tombaient sous application de la loi du 1er
mai 1842.
Après une longue
correspondance entre le ministre de l'intérieur, le département de la guerre et
le commissaire royal près la commission de liquidation, il fut arrêté que
toutes les pertes occasionnées pendant l'opération du siège, endéans le rayon
stratégique, seraient admises en liquidation ; mais que celles résultant de
l'occupation de l'armée française, en dehors de ce rayon (comme celles de la
commune de Zwyndrecht) seraient régularisés par le département de la guerre.
Voilà comment il s'est
fait que les propriétaires de Berchem, Wilryck et autres communes comprises
dans le rayon, ont obtenu une solution, tandis que ceux de Zwyndrecht, classés
dans une autre catégorie, ont été renvoyés au département de la guerre. Mais
cette circonstance n'excuse pas le retard que l'on met à répondre à ces
derniers.
J'appelle
l'attention la plus sérieuse de l'honorable ministre de la guerre sur la
réclamation dont je me fais l'organe en ce moment. Le droit des réclamants est
incontestable, les sommes ont été régulièrement déterminées, le délai a été
bien long.
J'ajouterai que la
plupart des réclamants appartiennent à une classe peu aisée, et que, dans les
circonstances douloureuses où les Flandres sont placées, une somme, quelque
minime qu'elle pût être, leur ferait le plus grand bien. Je demande donc que le
gouvernement présente le plus tôt possible le projet de loi destiné à terminer
cette affaire trop longtemps négligée.
M. Mast de Vries, rapporteur. - Je pense, messieurs, qu'il y a
une erreur dans ce que vient de dire M. le ministre de la guerre. Le crédit de
500,000 fr. relatif aux inondations, concerne les places de Mons et d'Ostende.
Quant à Ostende, il est intervenu une transaction, et il n'y a pas d'intérêts à
payer ; en ce qui concerne Mons, les intérêts sont compris dans l'état qui a
été dressé par le gouverneur de la province. Cet état s'élève à 109,667 fr. 75
c., et l'état concernant la place d'Ostende monte à la somme de 145,555 fr. 58 c., soit ensemble 253,223 fr.
13 c.
Eh bien, messieurs, nous
avons demandé un crédit de 260,000 fr. parce que les intérêts compris dans la
somme que je viens de citer, n'ont été calculés que jusqu'à la date de la
présentation du projet.
Maintenant, messieurs,
depuis cette époque, il est possible que d'autres transactions auront été conclues
entre le département de la guerre et des intéressés ; mais nous avons pensé que
ces transactions devaient être soumises à la chambre, et c'est pour ce motif
que nous avons accordé seulement une somme de 260,000 fr. Quant aux sommes qui
seraient dues en vertu de nouvelles transactions, il faudra, pour marcher
régulièrement, que le gouvernement en fasse l'objet d'une nouvelle demande de
crédit.
M. Osy. - Messieurs, la commission des
finances a reconnu en principe que nous devons une somme d'environ 500,000 fr.,
à la suite de jugements, mais nous avons cru qu'il était de l'intérêt du trésor de n'accorder des
fonds que pour les créances dont le gouvernement peut nous soumettre la
liquidation définitive, parce que, aussi longtemps que la chambre n'a pas voté
les fonds, le gouvernement est beaucoup plus à même d'obtenir des transactions
moins onéreuses. Ainsi la somme de 260,000 fr. que nous proposons d'accorder
est destinée au payement des créances à l'égard desquelles une transaction nous
a été communiquée. Si maintenant il est intervenu de nouvelles transactions,
que le gouvernement nous les communique également en faisant une nouvelle
demande de crédit, et je l'engagerai à le faire immédiatement pour éviter au
trésor le payement d'intérêts ultérieurs.
Quant
à l'affaire dont l'honorable M. de T'Serclaes nous a entretenus, il y a déjà 5
ans que la chambre s'en est occupée. Beaucoup de communes avaient adressé des
réclamations au gouvernement du chef de pertes que la campagne de 1832 leur
avait fait éprouver. La commission des finances, qui avait été saisie de ces
réclamations, les a renvoyées au gouvernement, je pense, en 1843, pour qu'il
s'occupât de négocier des transactions et qu'il soumît ensuite ces transactions
à la commission. Le retard apporté à cette affaire provient donc uniquement du
département de la guerre, et je joins mes instances à celles de l'honorable
député de Saint-Nicolas pour que le gouvernement s'occupe le plus tôt possible
de ces réclamations, car les communes dont elles émanent sont réellement dans
une position fâcheuse.
M. le ministre de la guerre (M. Prisse). - D'après les observations qui ont
été présentées par les honorables membres de la commission des finances, je
ferai de nouvelles demandes de crédit à mesure que des transactions ultérieures
auront été conclues.
Quant à l'observation de
l'honorable M. de T'Serclaes, appuyée par l'honorable M. Osy, je m'informerai
immédiatement de la cause des retards qui ont été apportés à cette affaire, et
je m'efforcerai de la terminer le plus tôt possible.
M. de
T’Serclaes. -
J'ajouterai que votre commission des finances, dans son premier rapport sur la
pétition des habitants de Zwyndrecht, avait proposé des moyens de transaction ;
je n'ai point à me prononcer sur ceux-ci ; je sais que les intéressés s'en sont
montrés médiocrement satisfaits ; mais, on pouvait attendre de la démarche de
votre commission, que le gouvernement entrerait en pourparlers avec les intéressés.
Or il n'y a eu aucune correspondance sur ce sujet ; c'est précisément de cette
absence d'intérêt, à l'égard de ces pauvres réclamants, que je me plains. Du
reste j'ai lieu d'espérer que ces observations seront suivies d'effet. S'il en
était autrement, je croirais de mon devoir d'insister encore.
M. Mast
de Vries, rapporteur. - Je dois faire observer, messieurs, qu'il ne pouvait pas y avoir de
correspondance entre le gouvernement et la commune de Zwyndrecht, comme l'aurait
désiré l'honorable M. Osy. En effet, le département de la guerre avait renvoyé
l'affaire à la commission de liquidation des indemnités ; cette commission a
décidé que la commune de Zwyndrecht n'étant pas comprise dans le rayon de la
forteresse, sa réclamation ne pouvait pas entrer dans la catégorie de celles
que concerne la loi du 1er mai ; maintenant le département de la guerre est de
nouveau saisi de cette affaire, et je pense qu'il ne tardera pas à s'en
occuper.
-
Personne ne demandant plus la parole sur l'ensemble du projet, la chambre passe
à l'examen des articles.
L'article premier du
projet de loi de la section centrale, auquel M. le ministre de la guerre s'est
rallié, est ainsi conçu :
« Art. 1er. Il est
ouvert au département de la guerre, sur l'exercice 1845, un crédit de deux cent
quatre-vingt-onze mille neuf cent quatre-vingt-dix francs soixante et quinze
centimes (fr. 292,990 75), applicable au payement de créances se rapportaut à
des exercices clos, qui restent à liquider, et qui sont détaillées dans le
tableau annexé à la présente loi.
(Suit le tableau de l’état des créances arriérées, non repris dans cette
version numérisée.)
(page 710) M. Lys. - Il y a probablement dans le rapport de la section centrale
une erreur aux articles 11 et 12. Je lis à l'article 11 : « Cette gratification
(la gratification de Devisschers) annuelle de 60 francs n'a été payée que
jusqu'à la fin du mois d'août 1831.» Je crois qu'il s'agit d'une gratification
annuelle de 60 florins ; sinon, le pétitionnaire aurait droit non pas à 1,312
fr. 16 c, mais seulement à 600 fr.
Il en est de même de
l'article 12 ; on y parle d'une gratification annuelle de 56 francs qui a été
accordée au sieur Vandenbulcke, il faut sans doute lire 56 florins.
M. Mast
de Vries. - Evidemment, ce sont deux faute d'impression. Il s'agit de deux
gratifications qui ont été accordées sous le gouvernement des Pays-Bas.
- L'article premier, avec
le tableau y annexé, est mis aux voix et adopté.
________________
« Art. 2. La
présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
- Adopté.
________________
On passe à l'appel
nominal.
Le projet de loi est
adopté à l'unanimité des 61 membres qui ont pris part au vote, et qui sont :
MM. Biebuyck, Cans, Clep, d'Anethan, de Brouckere, de Corswarem, Dedecker, de
Garcia de la Vega, de La Coste, Delannoy, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de
Meester, de Roo, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de
T'Serclaes, de Villegas, d'Hoffschmidt, Dolez. Donny, Dubus (aîné), Dubus
(Albéric), Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Goblet, Henot,
Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Le Hon, Lejeune, Loos, Lys, Maertens, Malou,
Manilius, Mast de Vries, Mercier, Orban, Orts, Osy, Pirmez, Scheyven, Sigart,
Simons, Thienpont, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Veydt, Vilain XIIII
et Liedts.
Le projet de loi sera
transmis au sénat.
PROJET DE LOI RELATIF AUX DROITS SUR LES SABOTS
Des membres. - A demain !
M. le ministre
des finances (M. Malou). - Messieurs, on pourrait utiliser la fin de la séance par la discussion
du projet de loi qui figure en quatrième lieu à l'ordre du jour ; il s'agit de
la question des sabots.
Celte question, dont la
solution a été interrompue à la fin de la (page
711) dernière session, pouvait paraître assez grave. Depuis lors, les
intéressés ont restreint leur demande ; il ne s'agit plus aujourd'hui des
cornes ni même des bouts de corne ; il s'agit uniquement de sabots et de
déchets de sabots de bétail. Maintenant que la demande est renfermée dans ces
limites, il n'y a plus aucune question de principe ou de grands intérêts en jeu
; il s'agit réellement, conformément à tous les principes de notre législation,
de conserver dans le pays une matière de très peu de valeur et qui est
nécessaire à l'une de nos industries.
M. le président. - M. le ministre des finances a déposé un amendement qui
réduirait le projet de loi aux termes suivants.
« Par modification au tarif
des douanes, les droits d'entrée et de sortie sur les sabots et déchets de
sabots de bétail et de chevaux sont établis comme il suit :
« Importés
directement d'un pays hors d'Europe (100 kil.). Droits d’entrée, pavillon
belge : 5 c. ; pavillon étranger ; 40 c.
« Importés
d’ailleurs (100 kil.). Pavillons belges et étrangers. Droits d’entrée : 50
fr.
« Droits de
sortie : 8 fr. »
M. Lebeau. - Je demande le renvoi à demain. Il est impossible a près
les graves discussions auxquelles la chambre vient de se livrer, qu'elle
accorde une attention convenable à l'objet dont il s'agit. Quoi qu'on en dise,
cette question, en apparence si frivole, est une question de principe, et c'est
pour cela que je demande le renvoi à demain.
M. de La Coste. - Messieurs, si la chambre désire
remettre à demain la discussion, je ne m'y oppose pas ; mais je désire
cependant que des derniers mots prononcés par l'honorable M. Lebeau, il ne
résulte pas d'avance une prévention défavorable contre le projet. (Non ! non !) Je ne pense pas que ce soit
une question de principe ; car la question de principe a été résolue, il y a
peu de temps, lors de la discussion de la loi sur les cuirs. Ici c'est
absolument la même chose : il s'agit d'un autre déchet du bétail, auquel le
même principe, consacré de nouveau par la chambre dans cette occasion, serait
appliqué.
Je me bornerai, pour le
moment, à ces observations.
M. Osy. - J'appuie le renvoi à demain, et je
demande que l'amendement de M. le ministre des finances soit imprimé et
distribué.
- Cette proposition est
adoptée.
________________
M. le président. - M. le ministre de la justice a
présenté quelques amendements au projet de loi sur les juges de paix ; on
pourrait également les faire imprimer et distribuer. (Oui ! oui !)
- La séance est levée à 4
heures et un quart.