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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 4 février 1847

(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)

(Présidence de M. Dumont, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 711) M. A. Dubus fait l’appel nominal à 1 heure et quart.

M. Van Cutsem lit le procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Dubus communique l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le conseil communal de Turnhout présente des observations en faveur du projet de loi sur le défrichement des bruyères. »

« Mêmes observations des habitants de Baelen, Arendonck et Moll. »

« Mêmes observations des conseils communaux des communes de Gheel et Meerhout. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la matière.


« Le sieur Gérard-Frédéric Maupers, sergent au 11ème régiment de ligne, né à Namur, d'un père étranger, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Les conseils communaux de Lommel, d'Overpelt, d'Achel, de Caulille, de Lille-Saint-Hubert, de Hamont, de Neerpelt et de Bocholt, prient la chambre d'allouer au gouvernement les fonds nécessaires pour l'élargissement de la première section du canal de la Campine, pour la construction de l'embranchement du canal de la Pierre-Bleue à Hasselt, et pour l'exécution de la route de Hechtel à Beeringen et d'autres travaux publics. »

M. Huveners. - Messieurs, dans cette pétition on fait connaître la misère qui règne en ce moment dans la Campine. Le tableau en est vraiment effrayant. Les pétitionnaires indiquent différents travaux publics dont l'exécution immédiate pourrait avoir lieu, entre autres l'élargissement de la première section du canal de la Campine, l'embranchement du canal de la Pierre-Bleue à Hasselt, et la route de Hechtel à Beeringen, et différents travaux de défrichement. Je regrette que M. le ministre des travaux publics ne soit pas présent ; mais j'espère qu'il verra par le Moniteur dans quel état déplorable se trouve cette partie de la Campine ; j'ai déjà fait auprès de M. le ministre différentes démarches, pour obtenir l'adjudication de la route de Hechtel à Beeringen ; toutes les études sont faites ; la commission d'enquête a terminé ses travaux, et il est vraiment inconcevable qu'on ne mette pas la main à l'œuvre, surtout qu'il ne s'exécute aucun travail important dans la Campine. Il s'agit de donner du travail à de nombreux ouvriers qui sont aujourd'hui sans pain. J'espère que M. le ministre n'attendra pas la discussion du budget des travaux publics pour adjuger la route de Hechtel à Beeringen, cependant je ne puis que demander le renvoi de la pétition à la section centrale du budget des travaux publics.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Bourgeois, notaire à Dottignies, demande qu'on établisse une incompatibilité entre les fonctions de notaire et celles de secrétaire communal, surtout dans la même commune. »

M. Desmet. - Messieurs, la section centrale du projet de loi sur le notariat ayant terminé ses travaux, je demande que la pétition soit renvoyée à la commission des pétitions.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur de Corte, secrétaire communal à Hautem-St-Lievin, présente des observations sur l'industrie linière et propose des mesures pour relever la fabrication des toiles faites avec du fil à la main. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs fabricants de Verviers présentent des observations sur la formation d'une société d'exportation. »

M. Lys. - Messieurs, le comité industriel de Verviers et beaucoup de fabricants du district demandent que les opérations de la société d'exportation embrassent aussi l'exportation des draps.

les pétitionnaires se plaignent de ce que le gouvernement, loin de faire quelque chose pour eux, nuit à leurs intérêts dans beaucoup de circonstances, tantôt par des traités, au moyen desquels il retire les avantages qu'il avait accordés à cette industrie, avantages au moyen desquels ils avaient augmenté leurs affaires et dont le retrait leur a fait faire des pertes énormes ; tantôt en excluant les draps des opérations d'une société d'exportation.

Messieurs, je crois que le projet de loi n'a pas entendu exclure les draps et tissus de laine, car il s'explique généralement en disant : Tous les tissus. Je ne vois pas non plus dans les statuts, que l'exportation des draps soit interdite à la société ; mais dans les développements du gouvernement on fait entendre que les tissus foulés ne peuvent pas être exportés par la société. Je ne pense pas que les sections aient entendu la loi ainsi ; du moins, dans la section dont je faisais partie, il a été entendu que tous les tissus quelconques, les draps foulés comme les autres, seraient compris dans les opérations de la société.

Je dirai que dans les pays transatlantiques nos plus grandes maisons font de brillantes affaires ; nos petits fabricants ne peuvent pas y aller parce que leurs moyens ne leur permettent pas de faire d'aussi longs crédits que nos grandes maisons. La société d'exportation pourrait faire de très bonnes affaires en transportant sur ces marchés des draps et des tissus de laine, tandis qu'elle n'en ferait que de très mauvaises si elle se bornait à transporter des tissus liniers. Je demanderai le renvoi de cette pétition à la section centrale ; et comme elle n'est pas très longue et qu'elle contient de très bons renseignements, je demanderai l'impression au Moniteur.

M. David. - J'ajouterai quelques mots à ce que vient de dire l'honorable M. Lys, pour obtenir le renvoi de la pétition de Verviers à l’examen de la section centrale.

Une société de commerce n'aurait aucune chance de succès, si au lieu de généraliser la vente des produits de l'industrie belge, elle allait justement (page 712) proscrire les draps, un des articles qui font l'honneur de notre pays.

Je dirai plus : il serait souverainement impolitique et dangereux pour le projet du gouvernement et l'amélioration de la situation des Flandres, de se mettre en hostilité avec les autres industries que vous repoussez. Comment voudriez-vous donc alors obtenir votre souscription de 4 millions de francs ? Vous aurez déjà bien du mal à réussir en ne blessant aucune industrie. (Interruption.)

M. le ministre des finances (M. Malou). - Mais je ferai observer que M. David traite le fond de la question.

M. David. - Mais n'est-il donc pas permis de dire quelques mots qui touchent au fond de la question, dans le but d'appuyer le renvoi de la pétition à la section centrale ? Je ne comprends pas que l'on puisse ainsi fermer la bouche aux orateurs.

M. Rodenbach. - Je demande l'ordre du jour. Personne n'a contesté le renvoi. Tous les objets manufacturés pourront être exportés par la société qu'il s'agit de fonder ; ainsi il n'est pas question de lui interdire l'exportation des draps.

- Le renvoi à la section centrale est ordonné ainsi que l'impression au Moniteur.


« Le sieur Denis Haine fils réclame l'intervention de la chambre pour obtenir la restitution partielle des droits d'entrée perçus sur des bois d'acajou femelle ou cèdre odorant. »

M. Osy. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission d'industrie et de commerce, car c'est une affaire commerciale ; il s'agit d'un différend entre M. le ministre des finances et le commerce. Je voudrais avoir sur ce différend l'opinion de la commission d'industrie.

- Cette proposition est adoptée.

Rapport sur une pétition

M. Desmet, rapporteur de la commission d'industrie. -Messieurs, un négociant en toiles de la ville d'Alost, le sieur Cans, a adressé à la chambre une pétition qui a pour objet d'établir une estampille sur les toiles, afin de distinguer les toiles à la main des toiles mécaniques.

Dans une précédente séance vous avez renvoyé cette pétition a l'avis de votre commission permanente d'industrie et de commerce.

Le pétitionnaire expose que pour récupérer en partie notre ancien commerce de toiles et faire revivre l'industrie linière dans les contrées qui souffrent aujourd'hui si cruellement de la misère, il serait nécessaire qu'une marque fût établie, pour que dans le commerce on pût avoir une certitude que la toile qu'on présente à la vente est faite, ou avec du fil à la main ou avec du fil mécanique.

Ce sera, dit-il, un moyen certain pour prévenir la fraude et donner la garantie que les toiles ont la qualité pour laquelle on les vend ; et rétablir ainsi la confiance qui a toujours régné dans le commerce belge.

Le pétitionnaire ajoute que la mesure de l'estampille a été mise en usage en Bohême et que cet Etat en a déjà retiré un grand avantage pour son commerce.

Afin de vous démontrer combien les toiles de fil à la main sont supérieures en solidité à celles tissées avec du fil mécanique, le sieur Cans a joint à sa pétition deux pièces de toile des deux différentes espèces, pour être soumises à votre appréciation.

Il accompagne ces objets de conviction de deux certificats délivrés par des autorités compétentes, par lesquels il démontre que la toile à la main a un prix de revient moindre que celle à la mécanique, et que cependant ayant été soumises toutes les deux à une expertise de négociants habiles, la première a été jugée, pour la qualité, de plus de valeur que la dernière.

Messieurs, ainsi que le fait remarquer le pétitionnaire, l'idée de l'institution d'une estampille ou d'une marque de fabrication n'est pas neuve en Belgique ; depuis plusieurs années elle a fait l'objet des discussions des économistes et des négociants du pays ; déjà en 1840, le comité directeur de l'association nationale pour le progrès de l'ancienne industrie linière l'avait conçue et la proposa au conseil général de cette association.

Voici comment ce comité directeur s'exprimait dans un rapport qu'il fit au conseil général le 20 juillet 1841 :

« Vous n'avez pas oublié, messieurs, que dans notre dernière réunion et dans d'autres circonstances encore, vous nous avez signalé que le principal tort causé à notre commerce de toile à l'étranger par les tissus mécaniques, provenait de l'emprunt ou de l'usurpation faite par ces derniers de la qualification de toile fabriquée en fil à la main.

« C'est un fait constant que, pour tromper les consommateurs, des détenteurs de tissus fabriqués à la mécanique les offrent à la vente comme toiles confectionnées en fil à la main, nous causant ainsi un double préjudice, et par la vente dont ils nous privent, et par le tort que la mauvaise qualité de leurs tissus fait à la réputation des nôtres. La mesure adoptée par les régences de Courtray et de quelques autres communes, de désigner sur le marché une place spéciale pour les toiles faites en fil mécanique, était un premier pas ; mais il n'avait d'effet que pour la vente locale.

« A l'étranger, ou même hors du marché, les tissus mécaniques pouvaient être offerts et revendus comme toile à la main. Nous avons senti la nécessité de revenir à une mesure plus générale, à un moyen plus complet, celui d'une estampille, dont pourraient être revêtues toutes nos toiles fabriquées en Belgique en fil à la main, qui constaterait leur origine, et qui étant, autant que possible, indélébile produirait son effet aussi bien à l'étranger qu'à l'intérieur du pays.

« L'institution de cette estampille fut décidée à la fin de janvier par le comité-directeur ; il arrêta en outre que, pour augmenter l'authenticité de cette marque et pour lui donner une sanction officielle, les autorités communales seraient priées, dans l'intérêt général, d'apposer leur sceau sur les toiles revêtues de l'estampille de l'association.

« Nous nous occupons, dans ce moment même, des moyens d'exécution, et comme, pour que l'application de l'estampille eût lieu en même temps sur tous les marchés, il fallait disposer les esprits à l'avance, nous avons recommandé d'une manière toute particulière à nos inspecteurs, de préparer les voies à cette institution pour laquelle nous aurons probablement, en outre, à réclamer le concours du gouvernement.

En résumé, nous pouvons dès à présent vous dire, sur ce point, que tous nos comités sont unanimes pour approuver l'établissement de l'estampille ; tous ont promis de donner leur appui à son exécution.

« Nous poursuivrons l'établissement de l'estampille, pénétrés que nous sommes de son utilité, et sans nous faire illusion sur les nombreuses difficultés qui nous attendent encore. Nous avons tout récemment reçu un encouragement sur ce point, en voyant de bons esprits réclamer en France une mesure analogue, comme garantie de la fabrication loyale des produits de l'industrie. Nous aurons la joie de devancer nos voisins. »

Depuis lors, la question de la marque obligatoire d'origine et de qualité a fait, en France, un grand pas en avant. Déjà des conseils généraux s'en sont occupés et tout particulièrement celui du département qui a dans son sein la capitale, et qui vient de proposer cette mesure comme chose très utile à l'industrie nationale et dont on doit attendre d'excellents résultats.

Votre commission ne vous présente point des considérations sur le contenu et la portée de la pétition ; elle ne peut le faire, n'ayant pas des données suffisantes pour asseoir une opinion motivée ; elle pense que le gouvernement sera plus à même d'approfondir cette grave question ; c'est pourquoi elle a l'honneur de vous proposer d'en ordonner le renvoi au ministre de l'intérieur, mais en même temps d'engager le ministre à examiner s'il n'y a pas lieu de conseiller aux administrations communales des localités qui ont des marchés de toiles, à insérer, dans leurs règlements de police sur les marchés, des dispositions qui obligeraient à l'estampille ; ou bien de présenter un projet de loi, qui établirait une mesure générale pour instituer un signe propre à faire connaître aux acheteurs l'origine et la qualité des fabricats qu'on présente à la vente.

- Ces conclusions sont mises aux voix et adoptées.

Projet de loi rétablissant le canton judiciaire de Sichen

Rapport de la commission

M. Simons. - Je dépose sur le bureau le rapport de la commission des circonscriptions cantonales sur un projet de loi qui a pour objet le rétablissement du canton judiciaire de Sichen, dans la province de Limbourg. Je demanderai à la chambre de fixer la discussion de ce projet de loi, qui probablement ne soulèvera aucune opposition, immédiatement après le projet de loi relatif à la nomination des juges de paix. (Interruption.)

Messieurs, ce canton est dans le même cas que les autres cantons. C'est une justice de paix qui a toujours existé, mais qui, à cause de l'occupation de la ville de Maestricht par les troupes hollandaises, a dû provisoirement être desservie par le juge de paix d'un autre canton.

Le conseil provincial et toutes les autorités consultées ont donné un avis favorable à ce projet.

La commission a été unanime. Ce sera donc probablement l'affaire d'un vote. Il n'y aura pas la moindre discussion.

Je pense que, pour ce canton, comme pour les autres, il convient que la nomination du juge de paix ait lieu avant le 15 mai.

Au reste puisque ma proposition rencontre quelque opposition, je demanderai la mise à l'ordre du jour après la discussion du projet de loi relatif au défrichement des terrains incultes.

M. Delfosse. - A la bonne heure ! II faut que le rapport soit imprimé et qu'on ait eu le temps de l'examiner.

- La chambre ordonne l'impression et la discussion de ce rapport, et met ce projet de loi à l'ordre du jour après la discussion du projet de loi relatif au défrichement des terrains incultes.

Projet de loi qui modifie les droits de douanes sur les sabots et déchets de sabots du bétail et des chevaux

Discussion générale

M. Lebeau. - Messieurs, à voir l'insistance que l'on met à faire discuter le projet de loi actuel, on serait tenté de croire qu'il s'agit d'un intérêt extrêmement grave, d'un intérêt qui touche à un très grand nombre d'industries.

Eh bien, je crois que par le simple exposé des faits, la chambre verra que ce projet est bien loin de présenter un pareil degré d'importance. Il est même regrettable que dans une session aussi chargée, aussi courte que la nôtre, la chambre soit obligée de consacrer une partie de son temps à la discussion d'un pareil projet.

S'il ne s'y rattachait pas ce que j'ai appelé hier une question de principe, je croirais réellement abuser des moments de la chambre et déroger à la gravité de nos débats en l'entretenant longtemps d'un pareil sujet.

J'ai dit hier et je répète aujourd'hui que le projet de loi touche à une question de principe, et je m'explique.

Dans la discussion d'un de nos traités de commerce, M. le ministre (page 713) des affaires étrangères et du commerce a dit avec une certaine solennité à la chambre que, dans son opinion, le système restrictif avait fait son temps, en ce sens qu'en respectant les positions qui se sont formées à l'abri de ce système, au moins le gouvernement devait s'arrêter, ainsi que les chambres, que le gouvernement et la chambre devaient s'abstenir d'y donner de nouveaux développements.

Eh bien, je regrette de le dire, l'honorable M. Dechamps n'a pas tardé a donner des démentis à ces paroles ; c'est le même homme qui est venu nous présenter naguère une restriction à la sortie d'une matière première et qui s'est montré prêt à accepter l'extension que la pensée du gouvernement avait subie dans le sein de la section centrale.

C'est encore le même homme qui prête son appui à un nouvel acte du système restrictif.

Et savez-vous pourquoi on vient de nouveau agiter de pareilles questions ? Savez-vous, messieurs, pour quel grave intérêt, pour quelles nombreuses industries la chambre est appelée à revenir sur de pareilles questions ? Je vais l'exposer en peu de mots :

Dans la séance du 12 mai 1846, il a été donné connaissance à la chambre d'une pétition ainsi analysée :

« Le sieur Kennis demande que les sabots de chevaux, de vaches et de veaux, et les déchets de cornes soient prohibés à la sortie ou soumis à un droit de 10 fr. par cent kilog.

« M. de la Coste demande le renvoi à la commission permanente d'industrie avec invitation de faire un prompt rapport.

« Ces conclusions sont adoptées. »

Voici ce qu'avait dit l'honorable M. de la Coste à l'appui de sa demande de renvoi et de prompt rapport.

« Cette pétition émane d'une fabrique que vous connaissez tous, que vous voyez à peu de distance de Louvain quand vous allez à Liège ou que vous en revenez. C'est une de celles qui ont introduit en Belgique une industrie nouvelle, celle des produits chimiques, etc. »

Et à l'appui de cette demande, l'honorable M. de la Coste ajoutait : La fabrique des réclamants ne suffit pas aux demandes de l'intérieur. Elle fournit en outre des produits à l'étranger.

Ainsi, messieurs, c'est pour un seul établissement, pour un établissement qui n'est pas en souffrance, qui est en voie de prospérité, qui a peine à suffire aux commandes de l'intérieur et de l'étranger, qu'on est venu demander à la chambre d'entrer plus avant encore dans le système restrictif.

Un rapport fut fait sur cette pétition, le 1er juillet 1846, par la commission d'industrie. Le rapport est signé de l'honorable M. Zoude, comme président, et de l'honorable M. de La Coste, comme rapporteur.

Vous en devinez aisément les conclusions. Les conclusions sont de toutes parts favorables à la demande du pétitionnaire ; mais par une modération bien grande, comme vous allez voir, on réduit le droit de 10 fr., demandé par la pétition, à 8 fr. par 100 kilog. ; et quand on sait à quel objet s'applique un pareil droit de sortie, c'est une modeste prime de 80 p. c., à peu près, substituée à un droit de quelques centimes. En effet, le droit de sortie est aujourd'hui de 5 p. c. à la valeur ; c'est là le droit du tarif actuel. Cette restriction, cette prime, est demandée pour une seule fabrique, qui, de l'aveu du pétitionnaire lui-même, n'est pas en souffrance, qui est, au contraire, dans un état de prospérité complète.

M. de La Coste. - Elle a staté.

M. Lebeau. - On nous apprend que cette fabrique a staté.

M. de La Coste. - Cette fabrication.

M. Lebeau. - Mais quand il y a, dans le pays, beaucoup d'autres fabriques de produits chimiques que celle du sieur Kennis, je suis bien surpris dès lors de ne pas voir la chambre assaillie de réclamations, venant de toutes les parties de la Belgique, contre la facilité de la sortie de la matière première, si cette facilité est, en effet, de nature à paralyser cette industrie. Si donc la fabrique de M. Kennis a staté, il est permis de croire que c'est par d'autres raisons que celles qui sont indiquées dans la pétition.

Je comprends d'autant moins l'insistance avec laquelle on demande la prohibition de la sortie de ces résidus, que l'exportation en a été, jusqu'à présent, moins considérable de beaucoup que l'importation. Cela résulte des indications données par la commission d'industrie elle-même sur le mouvement de l'importation et de l'exportation de 1839 à 1843 ; alors, il est vrai, les cornes y étaient comprises. Aujourd'hui on fait grâce aux cornes, mais on n'en insiste que plus sur les sabots. J'ignore ce qui a valu aux cornes le privilège d'échapper aux coups que leur portent les honorables proposants. (Interruption.) Eh bien, messieurs, l'importation moyenne a été, de 1839 à 1843, de 40,850 fr., et l'exportation a été, également en moyenne, de 25,663 fr. Ainsi l'importation présente un excédant de 15,187 fr. par an.

En 1843 et 1844, l'exportation est encore inférieure à l'exportation, d'environ 10,000 fr.

J'avoue que j'ai peine à comprendre l'appui que le gouvernement donne à ce projet. Le gouvernement dira que le système de restrictions à la sortie figure déjà comme principe dans notre tarif de douanes. Eh bien, messieurs, nous ne proposons pas de toucher au tarif des douanes. Nous voyons dans le tarif des douanes un système vicieux, mais nous avons déjà dit que ce système, à la faveur duquel on a élevé des établissements considérables, des établissements nombreux, mérite les plus grands ménagements.

Nous ne voulons pas toucher au statu quo. Ceux qui veulent toucher au statu quo, c'est la commission d'industrie et le ministère. Le statu quo, c'est le droit de sortie de 3 p. c. ; c'est nous qui sommes les conservateurs, vous les novateurs ; nous demandons le maintien de ce qui existe. Si vous prétendez aujourd'hui encore que parce que le système des restrictions à la sortie des matières premières a été introduit dans notre tarif, ce système doit être généralisé, alors vous donnez des armes très fortes aux partisans d'autres restrictions ; par exemple, à ceux qui trouveront parité de raisons pour empêcher la sortie du lin. En effet, le lin est aussi une matière première, et une matière première nécessaire à une des plus respectables, des plus importantes de nos industries.

Ainsi, messieurs, si j'ai pris la parole dans cette discussion, c'est parce que j'ai vu qu'on posait encore un antécédent fâcheux, qu'on démentait les promesses ministérielles, qu'on posait un antécédent ensuite duquel on viendra plus tard demander peut-être la prohibition à la sortie du lin. Vous avez vu naguère par l'encouragement que le gouvernement avait donné aux protectionnistes, par la restriction apportée à la sortie des étoupes, surgir un projet de restriction plus sévère encore, et une section centrale, renchérissant sur le projet ministériel, proposer de frapper aussi la sortie d'une espèce de lin, la sortie du snuit. cette extension, complaisamment acceptée par M. le ministre des affaires étrangères, malgré ses professions de foi libérales, a été heureusement repoussée par la chambre, par les deux côtés de la chambre ; car, par parenthèse, j'ai voté en cette circonstance avec l'honorable M. Eloy de Burdinne. (Interruption.)

Eh bien, messieurs, je ne vois absolument aujourd'hui non plus aucune raison pratique pour que nous fassions un nouveau pas dans le système restrictif. Remarquez que rien n'est moins propre à l'exportation que le résidu de bétail dont il s'agit. Si réellement on ne veut pas rançonner les quelques malheureux qui les recueillent et qui vivent de ce métier, si réellement on ne veut pas exercer à leur égard une espèce de monopole, si on veut leur donner des prix raisonnables, il faudrait qu'ils fussent insensés pour aller de gaieté de cœur et à grands frais livrer ces produite à l'étranger.

Il n'y a donc pas une seule raison pour dévier du système actuel et entrer plus avant dans le régime restrictif ; mais je ne veux pas faire à l'intérêt qui est maintenant en discussion l'honneur d'y rattacher un débat économique, et je borne ici mes observations.

M. Osy. - Comme il s'agit ici d'une question commerciale et industrielle, je crois que M. le ministre du commerce devrait être présent, pour rencontrer les observations que l'honorable M. Lebeau vient de présenter.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Mon collègue des affaires étrangères va venir.

M. de La Coste. - Messieurs, je me flatte qu'une grande partie des objections soulevées par l'honorable M. Lebeau disparaîtront devant le simple exposé des faits. Je serais très fâché d'employer des expressions contraires à la gravité de cette assemblée. Cependant, lorsqu'une question intéresse l'industrie, il me semble que c'est un intérêt assez grand pour qu'on me pardonne des termes dont il m'est absolument impossible de ne pas me servir, puisqu'il faut bien appeler les choses par leur nom, au moins dans cette occasion.

Je pense aussi que la question ayant été posée déjà à la session dernière, la chambre ayant déjà commencé alors à s'en occuper, il n'y a pas eu d'indiscrétion de ma part à désirer de la voir figurer à l'ordre du jour ; la chambre paraît avoir partagé mon opinion, puisque c'est par un effet, non de ma volonté, mais de celle de la chambre, que la loi est aujourd'hui en discussion.

Selon moi, il faut enfin que la question soit résolue dans un sens ou dans un autre. Certainement, il n'y a pas des intérêts immenses en jeu, mais enfin il y a un intérêt légitime qu'il est de la dignité et assurément de l'équité de la chambre de ne pas repousser par un simple déni de justice.

Je ne sais pas quelles inductions l'honorable M. Lebeau veut tirer de ce que j'ai appuyé la pétition et de ce que j'ai présenté le rapport. Si j'ai présenté le rapport, c'est encore par un motif tout à fait indépendant de ma volonté : je ne me suis pas nommé rapporteur moi-même ; c'est la commission d'industrie qui m'a nommé son rapporteur.

Au surplus, je suis persuadé que l'honorable M. Lebeau a attaqué la proposition avec une pleine conviction ; mais je dois le dire, c'est avec une pleine conviction que je la défends.

Messieurs, je vous le disais déjà hier, et permettez-moi de le répéter, lorsque le bétail est abattu et livré à la consommation, il reste certains déchets qui sont matière première pour certaines industries. C'est pour cela, messieurs, et je ne veux pas examiner maintenant si c'est à tort ou à raison ; c'est pour cela que ces déchets sont soumis à des droits de sortie, afin de les conservera notre industrie.

Ces droits de sortie en général sont de 5 à 12 fr. les 100 kil., et dans le courant même de cette session, quand il s'est agi de modifier le tarif, relativement aux peaux, les droits de 5 francs et de 12 francs ont figuré dans la colonne du droit de sortie, et la chambre, par un nouvel acte, a sanctionné ce droit.

Parmi ces déchets, il y en a un qui est taxé fort bas ; il y en a un autre qui est oublié dans la nomenclature. Le déchet qui est taxé fort bas, ce sont les cornes dont il ne s'agit plus maintenant ; et pourquoi ne s'en agit-il plus ? Ce n'est pas qu'on craignît de blesser la susceptibilité de qui que ce fût ; mais parce qu'il s'est élevé une réclamation de la part du commerce. (page 714) Le commerce, par l'organe de notre honorable collègue M. Osy, a fait une réclamation ; et effectivement ces objets sont la matière d'un certain commerce. Il en arrive d'Amérique pour l'exportation. (Interruption.)

L'honorable M. Osy veut bien donner la réponse que je lui ai faite et qu'il n'a pas acceptée. L'honorable M. Osy dit : Nous avons le transit. C'est ce que j'ai eu l'honneur de dire à l'honorable M. Osy. Il m'a répondu : Non, le commerce ne veut pas faire usage du transit, il veut avoir des droits très bas pour pouvoir déclarer en consommation, et exporter avec des droits très faibles. C'est pour ce motif qu'on a mis de côté cette partie du projet. C'est ainsi que je l'ai entendu ; si l'on s'est mépris sur le sens des observations de l'honorable M. Osy, je lui en demande pardon pour ma part, mais je croyais avoir rendu, en y déférant, un juste hommage aux connaissances en matière de commerce de l'honorable M. Osy.

Messieurs, laissons donc les cornes de côté, et n'en parlons plus. C'est le moyen de simplifier la discussion. Puisqu'on se plaint de ce que nous sommes trop chargés d'affaires, ne nous occupons pas de ces malheureuses cornes que, pour moi, je veux laisser en paix.

Messieurs, occupons-nous donc simplement de l'objet en discussion. Cet objet n'est pas compris dans la nomenclature des déchets d'animaux. Qu'a-t-on fait ? On l'a assimilé aux cornes, La douane a trouvé de l'analogie entre la corne des pieds et les cornes, et elle a assimilé les sabots à celles-ci ; on aurait pu les assimiler aux os, et alors ils payeraient 5 fr. S'il en était ainsi, je me tairais, je trouverais la chose juste et je n'en parlerais pas.

L'honorable M. Lebeau a dit qu'il s'agissait d'une fabrique en voie de prospérité. Cette fabrique fournit différents produits. Je souhaite qu'elle soit en voie de prospérité.

Mais quant à la fabrication du prussiate de potasse, je puis garantir qu'elle a staté après que de très grandes dépenses avaient été faites pour son introduction dans le pays et qu'un brevet d'invention avait été pris. Pourquoi a-t-elle staté ? Parce que la matière première, qui se vendait 4 francs, est montée au prix de 16 et 18 francs ; et qu'il était impossible d'atteindre à ce prix.

C'est précisément la même question que celle des peaux pour les tanneries ; là on a établi le droit de 5 à 12 fr. et ceci est un droit intermédiaire, 8 fr. Mais, dit-on, il s'agit d'une seule fabrique ; et peut-être que pour les tanneurs il s'agissait de vingt fabriques, supposons même de cent. Messieurs, quand on est seul on est plus faible que vingt, que cent ; mais quand on est vingt ou cent, on n'a pas pour cela vingt fois ou cent fois raison. Supposez qu'il y ait cinquante tanneries et que quarante-neuf profitassent du bénéfice de la loi ; serait-il juste qu'une seule en fût privée ? Et cela est-il plus juste envers une fabrique de prussiate qu'envers une tannerie ?

Il ne s'agit pas, à proprement parler, de changer le tarif, mais de ranger un objet qui appartient à la catégorie des déchets d'animaux, sous la rubrique à laquelle il devrait appartenir, et ceci est une question d'existence pour une fabrication, une condition absolue, faute de laquelle la fabrication a cessé. Je demande : Est-ce que cela fait tort à quelqu'un ? est-ce que cela nuit à une branche d'industrie quelconque ? On a dit : C'est la même question que celle de la sortie du lin.

Je remercie l'honorable M. Lebeau de m'avoir donné pour appuis tout ceux qui veulent apporter quelques restrictions à la sortie des lins. Mais ceux qui repoussent cette restriction ne doivent pas pour cela repousser notre proposition ; il n'y a aucune parité.

En effet, ceux qui repoussent le droit à la sortie des lins, disent : Vous allez nuire à l'agriculture, vous allez restreindre la culture du lin, vous n'obtiendrez aucun autre résultat.

Ce raisonnement est-il bon ? C'est ce que je n'examine pas ; mais ces motifs sont ici sans application ; en adoptant la proposition de la commission vous ne restreindrez pas l'élève du bétail. Cela ferait à peine une différence de quelques centimes sur une pièce de bétail ; sur la viande, c'est une fraction infiniment petite, en un mot cela se réduit à rien.

Messieurs, on a parlé des malheureux qui rassemblent ces objets ; ils continueront à gagner leur salaire, ils fourniront les fabricants du pays, voilà toute la différence.

On craint de blesser le principe de la liberté du commerce ; mais pour blesser un principe, il faut que ce principe existe.

Je ne vois pas que le principe de la liberté du commerce soit établi dans notre pays. Si la fabrication dont il s'agit est immolée au principe de la liberté du commerce, ce sera là une illustre mort ; mais il faudra que bien d'autres industries assistent à ce cortège.

J'avoue qu'elles ne courent point risque qu'on les traite de même. Il arriverait ce qui arrive trop souvent : le petit serait sacrifié ; au gros honneur et paix ! Tond-il la largeur de sa langue sur le champ de la protection, haro sur lui ! mais aux lions il faut laisser leur part.

A ce compte, la liberté du commerce ressemblerait fort chez nous à une de ces vertus qui, après de nombreuses défaites, s'irritent de la moindre liberté que l'usage autorise.

Je regarde la liberté du commerce comme un très grand principe, pour lequel j'ai les plus grandes sympathies. Je considérerais comme un très beau jour pour l'humanité celui où la bannière de la liberté du commerce sera relevée et saluée de toutes les nations ; mais je ne puis voir cette bannière dans quelques misérables lambeaux arrachés capricieusement au pavillon sous lequel nous sommes réellement rangés pour le présent, et qui est celui d'une protection modérée.

M. Osy. - Je dirai à l'honorable M. de La Coste, que le commerce est désintéressé dans la question ; ce qui est importé pour la consommation est mis en entrepôt, et ce qui est destiné pour l'étranger transite.

J'ai pris la parole pour soutenir l'opinion, que nous ne devons pas persister dans un système prohibitif. L'honorable M. de La Coste s'est appuyé sur le droit qu'on a établi à la sortie des peaux et des cuirs. Il est dans l'erreur, le droit sur les cuirs et peaux et de 12 fr. par 100 kilog., mais les 100 kilog. de cuirs et peaux valent 120 fr., tandis que l'objet dont il parle n'en vaut que 16 à 18 ; de manière que le droit de sortie sur les peaux de bœufs et de vaches est de 10 p. c, tandis que M. de La Coste et M. le ministre des finances demandent un droit de 50 p. c., un droit de 8 fr. sur une valeur de 16 à 18 fr.

J'ai pris la parole surtout parce que j'ai craint que si on adoptait la proposition faite par M. le ministre des finances, M. de La Coste et la commission d'industrie, on ne vînt, bientôt après, demander un droit de sortie très élevé sur les lins. C'est le même système ; une fois qu'on y sera entré, on s'y engagera davantage. Permettez-moi de vous dire quelques chiffres. En 1845 on a importé pour 81 mille francs de cornes, sabots, etc.

Eh bien ! le commerce du pays n'en a acheté que pour 25,000 francs. On a donc exporté à l'étranger pour 165,000 francs.

J'ai vu par la statistique que nous avons exporté pour 19,000 francs seulement de produits indigènes.

Voulez-vous, pour un objet si minime, revenir à un système beaucoup plus prohibitif ? Pour une industrie si peu importante, nous aurions tort d'adopter ce système.

Je ne puis donner mon assentiment à la loi.

L'intérêt du commerce n'est pas grand dans cette affaire, l'intérêt de l'industrie est moindre encore. Il n'y a qu'une fabrique. Si elle faisait de bonnes affaires, il s'en établirait d'autres.

Il n'y a qu'un seul acheteur. Si vous établissez un droit prohibitif, l'acheteur fera la loi au détriment de tous les producteurs et de tous ceux qui ramassent ces objets de minime valeur.

Nous ferons bien de ne pas adopter la loi. Nous examinerons du reste la question, lorsque nous nous occuperons de l'ensemble du tarif.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je m'étonne de voir surgir une discussion de principe à propos du projet de loi dont nous nous occupons.

En effet, le but du projet de loi est simplement de fixer à 8 fr. par 100 kilog. le droit de sortie sur les sabots et déchets de sabots de bétail et de fixer comme suit le droit d'entrée :

Par pavillon belge, importés directement d'un pays hors d'Europe : 11 fr. 05

Par pavillon étranger, importés directement d'un pays hors d'Europe : 40 c.

Importés d’ailleurs, par pavillon belge ou étranger : 50 c.

Ces objets, maintenant assimilés aux cornes, sont soumis à un droit d'entrée de 50 c. lorsqu'ils sont importés sous pavillon belge, de 2 fr. 50 lorsqu'ils sont importés sous pavillon étranger. Le droit de sortie est de 3 fr. par 100 francs.

D'un autre côté, le tarif pour les os est fixé comme il suit :

Droit d'entrée, 20 c. pour 1,000 kilog., soit 2 c. pour 100 kilog.

Droit de sortie, 50 fr. pour 1,000 kilog., soit 5 fr. pour 100 kilog.

En ce qui concerne les cuirs, on s'est plaint (l'honorable préopinant qui vient de se rasseoir est dans ce cas) de ce que le tarif à l'entrée était beaucoup trop élevé ; ce qui portait atteinte à certains intérêts commerciaux et industriels. On demandait en outre une réduction du droit d'entrée, dans l'intérêt des fabriques de produits chimiques qui emploient les sabots de bétail.

C'est ce qu'on vous propose. On vous propose, pour les sabots du bétail, ce qu'a demandé l'honorable membre lui-même pour les cuirs.

Quant aux droits de sortie, voici le système de notre législation :

Par une loi votée, il y a peu d'années, nous avons supprimé presque tous les droits de sortie ; mais cependant pour certains articles nous avons adopté des droits qui sont prohibitifs. Tel est notre système de législation. S'il fallait le discuter dans son ensemble, je crois qu'il ne serait pas difficile de démontrer qu'en ces matières on applique, suivant l'intérêt du pays, les principes de la liberté commerciale, ou le système prohibitif, mais qu'il n'y a rien d'absolu.

La législation de différentes nations peut avoir une tendance soit vers le système prohibitif, soit vers le système de la liberté commerciale. Mais nulle part, dans les pays même où le tarif est le plus libéral, on n'a posé comme principe absolu qu'il n'y aurait aucun droit prohibitif.

Ainsi, en Angleterre, en Hollande, il existe des droits prohibitifs et même des prohibitions formelles.

Il s'agit donc (toute question de système laissée à part) de savoir s'il existe un intérêt suffisant, pour établir sur cette matière première, destinée à certaines industries, un droit de sortie que je veux bien considérer comme prohibitif. Vous pourriez vous convaincre, en examinant le tarif, qu'une augmentation du droit de sortie est nécessaire, que les mêmes motifs d'intérêt public existent pour établir un droit plus élevé sur ces déchets d'animaux et sur d'autres déchets, notamment sur les os.

Il ne faut pas croire qu'il s'agit de consacrer un système, de poser un antécédent fâcheux. La législature est toujours appelée à apporter des modifications au tarif, lorsqu'elles sont justifiées ei conformes à l'intérêt public.

(page 715) M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Mon intention n'est pas d'entretenir la chambre des principes de protection industrielle ou de liberté commerciale, à propos d'une loi concernant les sabots de bétail. Je pense que les partisans et les adversaires du libre échange trouveront une meilleure occasion d'ouvrir des débats sérieux.

Je n'ai demandé la parole qu'à l'occasion d'une observation faite tout à l'heure par l'honorable M. Osy, et qui avait été faite auparavant par l'honorable M. Lebeau. Je veux parler de la crainte exprimée par ces honorables membres, de voir le gouvernement entrer plus avant dans un système de droits de sortie, et aller, par exemple, jusqu'à proposer un droit de sortie sur les lins.

Je saisis volontiers cette occasion qui m'est offerte, de déclarer que l'intention du gouvernement n'est nullement de proposer à la chambre une loi relative à un droit à imposer à la sortie des lins.

Je fais cette observation dans un but d'utilité immédiate ; j'ai appris que le pétitionnement organisé dans une partie des Flandres avait jeté des craintes sérieuses dans l'esprit des cultivateurs de lin, et qui pourraient avoir pour effet de décourager et de restreindre encore la culture du lin, déjà trop circonscrite en Belgique depuis quelques années ; ce qui irait à rencontre du but que poursuivent les pétitionnaires, qui est l'abaissement du prix de la matière première.

Cette question sera discutée plus tard à l'occasion de la discussion du projet de loi relatif à la société d'exportation. Qu'il me soit permis cependant de faire connaître trois faits qui doivent exercer une grande influence dans cette question, c'est 1° l'amoindrissement de la culture du lin en Belgique depuis plusieurs années, 2° la diminution successive et presque permanente de nos exportations de lin, depuis 10 ans, surtout vers l'Angleterre, 3° la quantité considérable de lin étranger importé en Belgique. Ces trois faits doivent déterminer le gouvernement à encourager la culture du lin pour la développer et rendre cette matière première plus abondante et moins chère, et non à la restreindre par les entraves mises à l'exportation.

En présence de ces faits le gouvernement croit devoir déclarer que son intention n'est pas de proposer une loi relative à la sortie des lins.

Plusieurs membres. - Très bien !

M. Desmet. - Il paraît que M. le ministre qui vient de parler a déjà pris des renseignements sur l'opportunité ou la nécessité de restreindre la sortie des lins bruts, car il vient de nous annoncer que le gouvernement est décidé à ne proposer aucune mesure pour conserver au pays une matière première si précieuse, pendant une époque où elle manque presque totalement et où la misère est si grande dans cette classe malheureuse qui ne trouve son existence que dans le travail du lin.

M. le ministre dit que le gouvernement s'est pressé de prendre cette décision pour que les cultivateurs ne diminuent pas la culture du lin, et que surtout dans un moment où les terres destinées à la culture du lin doivent être préparées, il était dans l'intérêt de ces cultivateurs qu'ils fussent informes de l'opinion du gouvernement sur le droit à mettre à la sortie des lins.

Je ne condamne pas la précaution du ministre en faveur de l'agriculture ; mais les cultivateurs savent bien que la mesure qui a été demandée en faveur de l'industrie linière et des pauvres ouvriers, n'avait pas pour but de prendre une mesure de principe sur la sortie des lins, mais uniquement une mesure du moment, jusqu'à la récolte prochaine, cela dans un but de nécessité, pour donner du travail et du pain à toute une population qui meurt de faim, et que la misère décime quotidiennement.

Je n'en dirai pas plus sur cet objet, mais j'engage le gouvernement et tout particulièrement le ministre auquel je réponds de peser mûrement la chose et de ne pas repousser à la légère les nombreuses pétitions qui arrivent à la chambre pour demander qu'on conserve au pays, en quantité suffisante, cette matière première, que les étrangers viennent enlever chez nous, pour nous faire une concurrence ruineuse.

Je n'en dirai pas davantage sur cet objet ; mais je désire répondre deux mots à l'honorable M. Lebeau.

L'honorable M. Lebeau, tout en attaquant aussi bien M. le ministre des affaires étrangères que la commission d'industrie, dans des termes assez durs, vous a fait comprendre que cette commission avait une opinion systématique en faveur du système restrictif. L'honorable M. Lebeau doit savoir comment est composée cette commission ; il n'y a pas parmi ses membres que des protectionnistes ; mais il s'y trouve de très grands partisans du libre échange, et je pourrais citer l'honorable M. Pirmez.

Ainsi, si la commission d'industrie vous propose une mesure pour conserver dans le pays quelques matières premières, c'est parce qu'elle a pensé que tel était l'intérêt général du pays.

Messieurs, en parlant des sabots de bétail, l'honorable M. Lebeau vous a dit qu'il s'agissait d'un objet tellement minime, que la chambre ne devrait pas perdre son temps à s'en occuper.

Messieurs, cet objet est minime comme tous les autres objets qui concernent les matières premières ; mais dans une époque de manque de travail, dans une époque de manque de pain, on ne doit reculer devant aucune mesure pour assurer du travail aux pauvres.

L'honorable M. Lebeau est encore revenu sur la question du snuit, mais que l'honorable membre se tranquillise, la récolte du lin a tellement mal réussi, que l'on ne doit pas craindre qu'il y ait du snuit à exporter.

Messieurs, à entendre l'honorable M. Lebeau, il paraîtrait qu'on ne peut plus rien faire pour une industrie du pays. Jamais, messieurs, de pareilles doctrines n'ont eu d'écho à la chambre ; toujours on a dit que s'il y avait des motifs pour protéger l'une ou l'autre industrie, on pourrait prendre des mesures pour la protéger. Si, messieurs, ce malheureux système de libre entrée en Belgique de fabricats étrangers n'eût pas souvent prévalu dans nos mesures douanières, je crois que nous n'aurions pas vu manquer à ce point le travail, et que par conséquent vous n'auriez pas autant de misère dans le pays. Je suis aussi convaincu que vous auriez eu de meilleurs traités de commerce que ceux que vous ayez faits jusqu'à présent, et que déjà depuis longtemps vous auriez pu négocier, sur des bases égales, un traité avec la France. Mais comment peut-on espérer des relations favorables pour notre industrie, quand on laisse entrer à peu près librement les fabricats étrangers, et que l'on ne fait rien pour protéger notre travail manufacturier contre la concurrence étrangère ?

Plusieurs membres. - La clôture !

M. le président. - La parole est à M. Lebeau.

M. Lebeau. - Si l'on veut clore, je renoncerai à la parole.

- La clôture de la discussion est mise aux voix et prononcée.

Vote de l’article unique

M. le président. - Voici l'article unique du projet :

« Par modification au tarif des douanes, les droits d'entrée et de sortie sur les sabots et déchets de sabots de bétail et de chevaux sont établis comme il suit :

« Droits d’entrée :

« Importés directement d’un pays hors d’Europe, les 100 kil. par pavillon belge : 5 c.

« Importés directement d’un pays hors d’Europe, les 100 kil. par pavillon étranger : 40 c.

« Importés directement d’ailleurs, les 100 kil. par pavillon belge et pavillon étranger : 50 c.

« Droits de sortie : 8 fr.


M. Osy. - Je demande la division. Je demande que l'on vote séparément sur les droits d'entrée et sur le droit de sorlie.

M. le président. - En ce cas je mets d'abord aux voix les droits d'entrée.

« Importés directement d'un pays hors d'Europe, par pavillon belge fr. 0,05. »

- Adopté.


« Pavillon étranger fr. 0,40. »

- Adopté.


M. le président. - Je mets aux voix le droit de sortie, 8 fr. par 100 kil.

Plusieurs membres. - L'appel nominal !

M. le ministre des finances (M. Malou). - Si ce droit était rejeté, il serait cependant nécessaire qu'il y eût un droit de sortie quelconque.

Plusieurs membres. - 3 p. c.

M. Lebeau. - Si le droit proposé est rejeté, le statu quo est maintenu.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je dois faire remarquer qu'il est impossible d'avoir, pour un même article, des bases différentes à l'entrée et à la sortie. Le droit que vous venez de voter est établi par 100 kil., et le droit dans le tarif actuel est établi par 100 fr. Si vous n'adoptez pas le droit de sortie qui est proposé, il est néanmoins nécessaire de prendre la base de 100 kil. pour le droit de sortie.

M. de Brouckere. - Il est évident que si nous rejetons le droit de sortie, nous rejetterons ensuite la loi tout entière et nous retomberons dans le statu quo.

M. de La Coste. - Je proposerai le droit de 5 fr. au lieu de 8 ; c'est le droit établi sur les os.

Plusieurs membres. - Il est trop tard. Le vote est commencé.

M. de Corswarem. - Messieurs, nous avons voté les droits d'entrée pour les importations directes d'un pays hors d'Europe ; mais je ferai remarquer que nous n'avons pas voté le droit d'entrée pour les importations d'ailleurs.

(page 716) M. le président. - Si la chambre le décide, je mettrai d'abord aux voix ce droit :

« D'ailleurs, par 100 kil. 50 centimes. »

- Ce droit est adopté. 65 membres sont présents.


Il est procédé au vote par appel nominal sur le chiffre de 8 fr. à la sortie.

3 s'abstiennent.

8 adoptent.

54 rejettent.

Eh conséquence, le chiffre n'est pas adopté.

Ont voté l'adoption : MM. Dechamps, de La Coste, de Man d'Attenrode, de Roo, Desmet, de T'Serclaes, Malou, Van den Eynde, d'Anethan.

Ont voté le rejet : MM. de Bonne, de Breyne, de Brouckere, de Corswarem, de Lannoy, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de Meester, de Naeyer, de Saegher, Desmaisières, de Terbecq, de Tornaco, d'Hoffschmidt, Donny, A. Dubus, Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Goblet, Henot, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Mast de Vries, Mercier, Orban, Orts, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Verhaegen, Veydt, Vilain XIIII, Anspach, Biebuyck, Castiau, Clep, David.

MM. de Garcia, de Haerne et Dubus (aîné) se sont abstenus.

M. de Garcia. - Messieurs, la discussion ne m'a pas permis de me former une opinion nette sur la matière ; c'est pourquoi je n'ai voulu voter ni pour ni contre le chiffre.

M. de Haerne. - Je n'ai pas voté pour la proposition, parce que je ne savais pas si le droit de 8 francs n'était pas trop élevé, j’avais d'autant plus de doutes à cet égard que l'honorable rapporteur a proposé lui-même, au moment du vote, de réduire le droit à 5 fr.

Je n'ai pas voté contre, parce que, en présence des débats qui ont eu lieu, j'aurais craint d'adhérer à uu principe de liberté absolue du commerce, en toutes circonstances, principe que j'envisage comme dangereux, et d'où il résulterait par exemple que l'on devrait permettre la libre sortie (erratum, p. 773) des grains, même dans les circonstances les plus défavorables.

En conséquence, messieurs, j'ai cru devoir m'abstenir.

M. Dubus (aîné). - Je pense qu'il y avait lieu à élever le droit de sortie ; mais je me suis trouvé absent de la séance, dans le moment où l'on a discuté la quotité du droit. J'ai donc cru devoir m'abstenir.

M. le ministre des finances (M. Malou). - J'ai fait remarquer qu'il est nécessaire d'avoir la même base pour le droit d'entrée et pour le droit de sortie. Je propose donc de fixer le droit de sortie à 50 c. C'est le statu quo avec une augmentation de deux centimes.

J'espère que la majorité, qui vient de rejeter le droit de 8 fr., adoptera celui de 50 c.

M. Delfosse. - Pourquoi changer le statu quo pour deux centimes ?

M. le ministre des finances (M. Malou). - Pour faire une somme ronde, et parce que la chambre a adopté, à la session dernière, une loi qui oblige le gouvernement à forcer toutes les fractions dans la rédaction du nouveau tarif officiel.

M. le président. - Je consulte la chambre sur cette proposition.

M. de La Coste, rapporteur. - N'y a-t-il donc plus de discussion possible ?

M. le président. - Non, il y a clôture.

- La chambre consultée fixe le droit de sortie à 50 centimes par 100 kilogrammes.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

Voici le résultat du vote :

Nombre des votants, 67.

58 votent pour l'adoption.

9 votent contre.

La chambre adopte.

Ont voté pour l'adoption : MM. de Bonne, de Breyne, Dechamps, de Corswarem, de Garcia de la Vega, de Haerne, de Lannoy, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de Meester, de Naeyer, de Roo ,de Saegher, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Tornaco, de Villegas, d'Hoffschmidt, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Goblet, Henot, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Lys, Maertens, Malou, Mercier, Orban, Orts, Osy, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Troye, Verhaegen, Veydt, Anspach, Biebuyck, Castiau, Clep, d'Anethan et David.

Ont voté contre : MM. de Brouckere, de T'Serclaes, Loos, de Man d'Attenrode, Mast de Vries, Vilain XIIII, Vanden Eynde, de La Coste et Sigart.

Projet de loi relatif à la nomination des juges de paix

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale est ouverte.

M. Delfosse. - J'ai présenté, lors de la discussion de la loi relative au traitement des membres de l'ordre judiciaire, un amendement par suite duquel nul ne pourrait être nommé juge de paix, s'il n'est docteur ou au moins candidat en droit. Si mes souvenirs sont fidèles, cet amendement a été renvoyé à la commission qui était chargée de l'examen du projet de loi sur la circonscription cantonale.

Il est à regretter que cette commission n'ait pas encore fait son rapport sur l'amendement dont je viens de parler ; nous aurions pu le discuter en même temps que le projet de loi qui est à l'ordre du jour.

M. de Brouckere. - Messieurs, le rapport de la section centrale vous a fait connaître les motifs pour lesquels cette section a demandé qu'un délai fatal fût fixé, endéans lequel les nominations devaient avoir lieu. Ce délai a été fixé par la majorité de la section centrale au 15 mai. Mais le rapport nous apprend en même temps que plusieurs membres de la section avaient désiré que le délai fût celui du 1er mai.

Je demanderai à M. le ministre de la justice de vouloir bien déclarer à la chambre s'il trouverait quelque inconvénient à ce que le délai proposé par la majorité de la section centrale fût abrégé.

Remarquez, messieurs, qu'en fixant le délai au 1er mai, M. le ministre de la justice aurait près de trois mois pour préparer les nominations ; je dis près de trois mois, car il peut dès à présent recueillir tous les renseignements et réunir les documents nécessaires, pour que les nominations soient présentées à la sanction du Roi avant le 1er mai. D'un autre côté, la loi pourra être votée par le sénat avant la fin de février, de manière qu'elle sera exécutoire à partir du 1er mars. Eh bien, M. le ministre, à partir de cette époque, aura deux mois pleins pour des nominations dont l'instruction est déjà probablement très avancée.

J'attendrai, pour juger s'il y a lieu de renouveler la proposition de la minorité de la section centrale, que M. le ministre de la justice ait donné quelques explications.

(page 725) M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, je croyais que l’amendement présenté en 1845 par l’honorable M. Delfosse avait été rejeté. D’après ce qu’a dit l’honorable membre, la chambre, sans se prononcer, aurait renvoyé cet amendement à une commission. Toujours est-il que cette commission n’a pas fait son rapport, et qu’ainsi il est impossible de discuter maintenant une question aussi grave que celle dont s’occupe l’amendement de l’honorable M. Delfosse.

L’honorable M. de Brouckere m’a demandé s’il y aurait, d’après moi, des inconvénients à abréger le délai proposé pour la nomination des juges de paix, et à fixer le terme au 1er mai, au lieu du 15. Messieurs, s’il ne s’agissait que de la nomination des juges de paix, je pourrais peut-être consentir à cette proposition ; mais je prie l’honorable membre de bien vouloir remarquer qu’il y aura à nommer aussi des juges suppléants en très grand nombre, et qu’il serait ainsi à peu près impossible de recevoir et d’examiner tous les rapports avant le 1er mai.

Je crois donc devoir maintenir la date du 15 mai proposée par la section centrale. J’ajouterai que cette date est assez éloignée des élections pour répondre aux craintes qui avaient été manifestées.

(page 716) M. Delfosse. - La chambre ayant décidé que mon amendement serait examiné par une commission, je ne puis exiger qu'il soit discuté avant que cette commission ait fait son rapport. Je suis, sur ce point, de l'avis de M. le ministre de la justice.

Mais je suis en droit de demander, et je demande que la commission ne laisse pas dormir mon amendement dans ses cartons ; cet amendement, M. le ministre de la justice vient de vous le dire, a une grande importance ; il est digne de toute l'attention de la chambre.

Je prie le bureau de revoir la décision qui a été prise, et de la faire exécuter.

M. le président. - Cela sera fait.

La discussion générale est close. On passe à la discussion des articles.

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. La loi du 30 juillet 1834 est rapportée. »

M. Delfosse. - Lorsque M. le ministre de la justice a présenté ce projet de loi, j'ai cru y voir une tactique électorale, et j'étais disposé à le combattre.

Il paraît que mon opinion a été partagée par la section centrale, puisqu'elle nous a proposé un amendement qui obligerait le gouvernement à faire les nominations de juges de paix avant l'époque fixée pour la réunion des collèges électoraux.

Cet amendement nous donnant des garanties suffisantes, je n'ai plus de raison pour refuser mon assentiment au projet de loi.

- L'article premier est adopté.

Article 2

« Art. 2. (Projet de la section centrale auquel M. le ministre de la justice s'est rallié.) La nomination des juges de paix et de leurs suppléants sera faite avant le 15 mai 1847. »

- Adopté.

Article 3

« Art. 3. Les juges de paix et leurs greffiers sont tenus de résider au chef-lieu du canton.

« En cas d'infraction à cette disposition, les juges de paix sont avertis par écrit, soit d'office, soit sur la réquisition du ministère public, par le président du tribunal de première instance. Faute de s'être conformés à la loi dans le mois de l'avertissement, ils sont cités, par le procureur général, devant la cour d'appel qui les déclare démissionnaires, ou, suivant les circonstances, leur accorde un nouveau délai, lequel ne pourra excéder un mois.

« Les pièces de l'instruction sont adressées dans les huit jours au Ministre de la justice. »

M. Dumortier. - Je crois que l'article en discussion est trop absolu. Il me semble qu'il est inutile d'exiger que les juges de paix résident au chef-lieu du canton ; il suffit d'exiger la résidence réelle dans le canton ; il y a dans beaucoup de cantons des juges de paix qui résident ailleurs qu'au chef-lieu, mais qu'ils s'y rendent fréquemment, qui s'y rendent toutes les fois qui doivent siéger. Ce qui s'est passé jusqu'à ce jour se passera nécessairement à l'avenir ; il pourra se présenter des circonstances où une personne habitant un village voudra solliciter la place de juge de paix, si elle n'est pas tenue d'aller résider au chef-lieu. Cela vous permettra de faire des choix excellents. Les fonctions des juges de paix sont des fonctions de conciliation. Celui qui est domicilié depuis longtemps dans un endroit, qui y jouit d'une position honorable, peut mieux que personne connaître les habitudes et les habitants du canton.

Si la loi que nous allons faire exige que le titulaire soit domicilié au chef-lieu du canton, on trouvera rarement des personnes qui consentent à abandonner leur domicile pour en aller prendre un autre au chef-lieu. Je crois que c'est inutile et qu'il suffirait d'exiger la résidence dans le canton. C'est tout ce qu'on peut demander ; c'est aller trop loin que de demander qu'il réside au chef-lieu. Ce serait par trop rigoureux en (page 717) présence des faits qui se passent sous nos yeux. Nous voyons des membres de la cour d'appel et de la cour de cassation résider dans les faubourgs, quand ils devraient résider dans la capitale ; pourquoi exiger de pauvres juges de paix plus qu'on n'exige des fonctionnaires les plus élevés ? Je pense que M. le ministre de la justice voudra bien consentir à la modification que je demande ; elle ne peut que donner plus de facilité au gouvernement pour faire ses choix.

M. de Saegher. - Messieurs, je pense que le principe posé dans l'article 3, § 1er du projet est nécessaire. Il importe que les juges de paix habitent les chefs-lieux et y tiennent leurs audiences ; de cette manière les relations des justiciables avec les juges de paix sont plus faciles, et cette facilité de relations est indispensable, personne ne peut le contester. D'un autre côté, il est incontestable aussi que les greffiers doivent être à proximité des juges de paix pour recevoir leurs ordres et les accompagner dans la plupart de leurs opérations.

Eh bien, le seul moyen d'obtenir que le greffier soit toujours à la disposition du juge de paix, c'est de leur assigner une même résidence. De graves inconvénients résultent de l'état actuel des choses ; il arrive aujourd'hui que le juge de paix habite une extrémité du canton, tandis que le greffier demeure à l'autre extrémité ; dans les opérations qui requièrent de la célérité, par exemple, dans les appositions de scellés, il arrive que les intéressés ne parviennent pas à réunir dans un jour le juge de paix et son greffier. Dans ces cas, les opérations urgentes, très urgentes quelquefois, doivent être remises jusqu'au lendemain. Je dis que cela peut donner lieu à des inconvénients et même à des fraudes. Je suppose une apposition de scellés dans une succession à laquelle des mineurs soient intéressés ; le mobilier et les titres dépendant de la succession sont entre les mains des majeurs par suite du décès de l'individu de la succession duquel il s'agit ; si les scellés ne peuvent pas être apposés dans la journée même du décès, il est possible que des fraudes soient commises ; or, si le juge de paix habite une extrémité du canton et que le greffier habite l'autre extrémité, il est souvent impossible de réunir ces deux fonctionnaires dans la journée même, et par conséquent de prendre des mesures pour empêcher le détournement d'objets dépendant de la succession.

Je pourrais dire la même chose, messieurs, de la police judiciaire. Quand il s'agit d'un crime qui doit être constaté immédiatement, il est presque impossible au juge de paix de faire des opérations importantes, que les circonstances exigent, sans être assisté de son greffier, et souvent le greffier est absent, parce que sa résidence est trop éloignée de celle du juge de paix.

Messieurs, il me paraît que nous devons examiner un autre point encore. Ne conviendrait-il pas de laisser aux cours d'appel plus de latitude que le paragraphe 2 de l'article 3 du projet ne leur en accorde ?

Le délai d'un mois, prescrit dans ce paragraphe, est-il suffisant ? Il est des chefs-lieux de canton où il n'existe pas d'habitation convenable pour le juge de paix ; peut-on alors obliger le juge de paix à aller résilier au chef-lieu de son canton dans les deux mois de sa nomination ? Ce délai n'est-il pas trop court ?

Ne pourrait-on pas dire dans la loi, que lorsqu'il sera reconnu qu'il n'existe pas au chef-lieu du canton une habitation convenable pour le juge de paix, la cour d'appel pourra accorder un dernier délai d'un an (ou de six mois), endéans lequel le juge de paix sera tenu d'y établir sa résidence définitive.

Je ne fais pas encore à cet égard un amendement formel ; je désirerais connaître d'abord l'opinion de M. le ministre.

M. Delehaye. - Je partage entièrement l'avis émis par l'honorable M. Dumortier. Je pense qu'il suffit, pour la bonne administration de la justice, que le juge de paix réside dans le canton, et qu'il n'est pas nécessaire que ce soit précisément au chef-lieu du canton.

A l'appui de mon opinion, je citerai plusieurs cas dans l'arrondissement de Gand.

L'honorable préopinant doit savoir que le juge de paix de l'un des principaux cantons de cet arrondissement ne réside pas au chef-lieu de canton, que cela ne donne lieu à aucune réclamation, que les scellés sont toujours apposés en temps utile. Ce juge de paix, homme très recommandable, qui remplit très bien ses devoirs, au su de l'honorable M. de Saegher, réside dans une commune éloignée du chef-lieu.

Vous n'avez pas à craindre, messieurs, qu'en général le juge de paix ne réside pas au chef-lieu. C'est le centre de la population ; c'est en général la résidence la plus agréable.

Ensuite les déplacements continuels auxquels sera astreint le juge de paix qui résidera dans une commune éloignée seront à sa charge. Son agrément et son intérêt le convieront donc à résider au chef-lieu. Mais il faut tenir compte des difficultés, de l'impossibilité qu'il peut y avoir, pour le juge de paix, dans certaines parties du pays, à trouver une résidence convenable au chef-lieu.

On vous a dit qu'il est impossible que le greffier réside dans une autre commune que le juge de paix. C'est ce que je ne puis admettre. Quoique ne résidait pas dans la même commune, le juge de paix et le greffier se réuniront les jours d'audience, et chaque fois que ce sera nécessaire pour une apposition de scellés.

En terminant je ferai remarquer que si l'on ne veut pas autoriser les juges de paix et greffiers actuellement en fonctions, qui résident hors du canton, à continuer d'y résider, il faut changer la rédaction de l'article 5 ; car il porte : « qui ne résident pas au chef-lieu. » Or, évidemment, ceux qui résident hors du canton, ne résident pas au chef-lieu. Ils pourraient donc invoquer le bénéfice de cet article.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Les honorables MM. Delehaye et Dumortier se bornent à demander le statu quo ; car aux termes de la loi de floréal an X, l'obligation de résider dans le canton existe déjà. Ainsi l'adoption de la proposition des honorables membres ne serait que la continuation de l'état actuel des choses, qui, ainsi que l'a fort bien prouvé l'honorable M. de Saegher, donne lieu à de nombreux abus.

Je commencerai par répondre à l'observation qu'a faite sur l'article 5 l'honorable M. Delehaye. Cet article porte : « Les juges de paix et greffiers actuellement en fonctions qui ne résident pas au chef-lieu ne seront tenus de transférer leur résidence que dans le cas où ils quitteraient la commune habitée par eux, lors de la publication de la présente loi. » D'après l'honorable membre, on pourrait contester l'applicabilité de cet article aux magistrats qui ne résident pas dans le canton ; et soutenir qu'il ne concerne que ceux qui, sans résider au chef-lieu, habitent une commune du canton. Mais cette interprétation n'est pas admissible. Je n'ai certes pas voulu consacrer une infraction à la loi actuelle. Je n'ai pas pu supposer que les juges de paix se trouvent maintenant en contravention à la loi. L'observation ne pourrait être fondée que si la loi dans l'état actuel n'imposait pas aux juges de paix l'obligation de résider dans le canton. Cette obligation existait, j'ai pris pour point de départ l'état légal actuel.

J'ai dit que la législation maintenant en vigueur avait amené de nombreux inconvénients. Ces inconvénients ont frappé votre commission qui a proposé d'adopter l'opinion du gouvernement, énoncée dans le projet de 1834. Il suffit, pour se ranger à cette opinion, de faire attention que, dans l'état actuel des choses, le juge de paix peut habiter une commune peu peuplée à l'extrémité de son canton, et rester en quelque sorte inconnu au chef-lieu centre de la population. Il peut de plus changer de résidence, non selon la convenance des justiciables, mais selon sa propre convenance.

Or les places sont faites non pour les individus qui les occupent, mais dans l'intérêt des administrés et des justiciables.

L'autre abus signalé par l'honorable M. de Saegher, est trop évident pour que je m'y arrête de nouveau.

Il n'est pas douteux que le juge de paix et son greffier ne doivent habiter la même commune. Or on ne peut astreindre le greffier à suivre le juge de paix dans toutes les communes du canton où il lui plairait de résider. Il faut une désignation légale pour fixer la résidence, tant pour le juge que pour le greffier ; cette désignation légale ne peut être que le chef-lieu de canton.

Si l'on admet que le juge de paix peut résider où bon lui semble, il faut admettre la même latitude pour le greffier. Que deviendront alors les archives de la justice de paix ? Elles pourront être complètement abandonnées ; car, aux termes des lois, les archives doivent être annuellement déposées au local de la justice de paix, soit dans la maison commune, soit dans le local fourni par la commune. Si le greffier n'habite pas le chef-lieu, il ne pourra guère s'occuper des archives ; elles seront abandonnées, ce qu'il est important d'éviter.

Je pense, messieurs, que les deux considérations tirées de la garde des archives, et de la nécessité d'avoir le juge de paix dans la même résidence que le greffier, détermineront la chambre à adopter la proposition que je lui ai faite, et qui n'est, je le répète, que la reproduction de la proposition qui avait été faite en 1834 par l'honorable M. Lebeau, et qui avait été adoptée par la commission nommée à cette époque.

On dit, messieurs, que les juges de paix se fixeront en général dans le chef-lieu de canton, parce que ordinairement c'est la commune qui offrira le plus d'avantages, le plus d'agréments même pour les juges de paix. Cependant, messieurs, dans ce moment il y a 43 juges de paix qui ne résident pas dans le chef-lieu de canton. Je pense qu'il faut faire à l'avenir cesser cet état de choses, et que les inconvénients qui en résultent sont assez palpables pour ne pas avoir besoin de démonstration ultérieure.

L'honorable M. de Saegher a pensé que le délai d'un mois fixé par l'article 3 que nous discutons en ce moment, était trop court ; il a pensé que les cours d'appel devraient pouvoir accorder le délai d'un an. Je ferai remarquer que ce n'est pas seulement un délai d'un mois que l'on accorde ; puisqu'on accorde un premier mois pour se conformer à l'avertissement, et qu'ensuite la cour d'appel peut encore donner un second délai d'un mois. Il est donc évident qu'on arrivera ainsi à un délai de plus de trois mois, vu les retards inévitables des avertissement et citation.

Je pense, messieurs, que le délai d'un an serait trop long. Cependant, prenant en considération les observations de l'honorable M. de Saegher, je ne m'opposerai pas à ce qu'on substitue dans l'article le délai de trois mois à celui d'un mois. Si l'honorable membre propose un amendement dans ce sens, je m'y rallierai.

M. Orts. - Messieurs, je vous avouerai que je ne m'attendais pas à voir critiquer le projet de loi, tel qu'il vous a été présenté par M. le ministre de la justice. J'y voyais une disposition qui est absolument conforme aux principes de la justice distributive, aux principes de la non-rétroactivité. On faisait la part des juges de paix et des greffiers à nommer, et celle des juges de paix et des greffiers qui sont en possession de leur office, et on la faisait très largement. D'ailleurs, s'agit-il d'établir un état de choses nouveau ? Mais non (page 718) comme vient de le dire M. le ministre de la justice, on maintient à l'égard des juges de paix ce que les lois antérieures avaient statué.

Et qu'il me soit permis d'ajouter uu mot. On ne pourrait méconnaître que les juges de première instance et les conseillers des cours, si la loi était exécutée à la rigueur, devraient habiter la commune où est le siège du tribunal ou de la cour à laquelle ils appartiennent.

Sans vouloir pousser plus loin mon examen à cet égard, sous le rapport de la légalité, je verrais avec peine qu'on voulût se prévaloir d'un fait pour consacrer un droit qui ne doit pas être consacré, et je désirerais qu'on revînt dans la magistrature supérieure à ce que les lois me paraissent exiger, le domicile réel dans le lieu où siège le tribunal ou la cour.

Messieurs, l'observation que l'honorable M. de Saegher vous a faite est frappante. De deux choses l'une, ou il faudra que le greffier se règle sur son juge de paix et aille demeurer dans une commune qui n'est pas le chef-lieu du canton, parce qu'il plaît au juge de paix d'y demeurer, ou il habitera dans une autre commune, ce qui présentera de graves inconvénients. Or, je crois que vous ne pouvez forcer le greffier à quitter son domicile pour aller habiter la commune qu'il plaira au juge de paix d'habiter.

Il me semble qu'il y aurait là injustice ; pour moi, le greffier est sur la même ligne que le juge, quand il s'agit de l'exercice d'un droit. Tout est concilié, messieurs, quand ces deux fonctionnaires résident là où la loi veut qu'ils résident.

Mais, dit-on, l'inconvénient ne sera pas bien grand, parce qu'il est fort rare que ce ne soit pas au chef-lieu de canton que réside le juge de paix. Messieurs, cela n'est pas aussi rare qu'on paraît le croire, surtout dans les cantons qui avoisinent les grandes villes, comme Bruxelles, Gand et Anvers. Ici, messieurs, nous avons des justices de paix dont les titulaires demeurent dans les faubourgs, tandis que le chef-lieu de canton est à une ou à deux lieues de là. Il y a des cantons qui sont très étendus.

Ainsi le canton de Leeuw-St-Pierre louche à Anderlecht d'une part et à la ville de Hal d'autre part ; il enveloppe deux lieues et demie à trois lieues de distance.

Vous voyez donc que la mesure que l'on vous propose est extrêmement sage et toute dans l'intérêt du justiciable. Il doit en être ainsi, messieurs ; les magistrats se doivent aux justiciables ; vous ne pouvez exiger que ceux-ci soient obligés de faire trois lieues pour venir trouver le juge, et cela dans une juridiction où l'intervention du magistrat est plus fréquente que dans toute autre. Car les juges de paix sont conciliateurs, ils président les conseils de famille, ils connaissent des matières civiles dans les limites de leur compétence, ils sont juges en fait de simple police, ils apposent les scellés, etc., etc., et vous voudriez que les justiciables dussent faire 3 et 4 lieues pour aller trouver le juge !

Messieurs, le projet me paraît conçu dans les principes les plus justes, et je lui donnerai mon assentiment.

M. de Saegher. - Messieurs, l'honorable M. Delehaye s'est trompé sur mes intentions, lorsqu'il a fait allusion à un juge de paix de la Flandre orientale, qui remplit, dit-il, parfaitement ses fonctions et qui cependant ne réside pas au chef-lieu de son canton.

Il y a, messieurs, dans la Flandre orientale, plusieurs juges de paix qui ne résident pas au chef-lieu du canton ; mais je n'ai pu avoir l'intention qu'on m'a prêtée, surtout en présence de l'article 4 du projet qui permet aux juges de paix de continuer à résider dans le lieu qu'ils habitent actuellement. Je déclare même que si le projet avait porté que les greffiers et les juges de paix qui résident maintenant hors du chef-lieu de leur canton, seraient obligés de changer immédiatement de résidence, pour aller habiter le chef-lieu, ce projet n'aurait pas eu l'appui de mon vote.

Quant aux inconvénients qui résultent de ce que souvent le greffier ne réside pas dans la même commune que le juge de paix, on les a niés. Cependant, messieurs, ces inconvénients sont évidents, reconnus par tout le monde, et l'exemple que je vous ai cité devrait suffire pour vous les prouver. Sur ce point, on n'a pas même essayé de répondre.

En ce qui concerne l'amendement que j'avais proposé, je déclare me rallier à la nouvelle proposition de M. le ministre de la justice, tendant à ce que le dernier délai d'un mois fixé au paragraphe 2 de l'article en discussion soit porté à trois mois. En conséquence, je modifie mon amendement en ce sens.

M. Fleussu. - Messieurs, j'applaudis aussi aux dispositions nouvelles qui nous ont été présentées par M. le ministre de la justice. Je pense qu'il est convenable, qu'il est de l'intérêt des justiciables que les juges de paix et les greffiers résident aux chefs-lieux de canton. Mais j'aurai quelques interpellations à faire à M. le ministre de la justice pour l'intelligence des articles.

« Les juges de paix et leurs greffiers sont tenus de résider au chef-lieu du canton. » Messieurs, cela ne souffrira aucune difficulté dans les cantons ruraux, mais il arrive qu'une grande ville est partagée, par exemple, en quatre cantons de justice de paix.

Je demande à M. le ministre si dans son intention un juge de paix est tenu de résilier dans la partie de la commune qui forme son canton, ou s'il suffira qu'il habite la commune. Je crois que dans l'intention du gouvernement il suffira qu'il habile la ville ou la commune, mais pour qu'il n'y ait pas de difficultés sur ce point dans l'avenir, je prierai M. le ministre de nous dire quelle est son opinion.

« En cas d'infraction à cette disposition, les juges de paix sont avertis par écrit, soit d'office, soit sur la réquisition du ministère public, par le président du tribunal de première instance. »

Je demanderai à M. le ministre de la justice quel moyen on emploiera pour qu'il y ait date certaine à l'écrit.

Comme il y a un délai fatal qui court après l'avertissement, je voudrais que, dans l'intérêt des juges de paix, il y eût une date certaine à l'écrit.

Je crois que dans des lois antérieures il s'agit aussi d'avertissement donné à certains magistrats, et que c'est à l'aide d'une lettre chargée à la poste que cet avertissement est donné. Je voudrais que la même garantie fût assurée aux juges de paix, pour qu'on ne pût pas venir leur dire à tort : Vous avez été averti à certaine époque ; le délai est écoulé, par conséquent vous êtes considéré comme démissionnaire.

Maintenant, c'est la cour d'appel qui doit statuer sur le sort du juge de paix, lorsqu'il ne se sera pas conformé à l'avertissement du président du tribunal. Je voudrais savoir si c'est la cour en corps, ou si c'est une section de la cour. La loi n'en dit rien. Il pourrait se présenter des difficultés ; il est bon de les prévenir.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je pense avec l'honorable M. Fleussu que, lorsqu'une ville est divisée en plusieurs cantons de justice de paix, il suffira que le juge de paix habite la ville même ; sans que ce doive être précisément la fraction de la commune qui forme la circonscription de la justice de paix.

On doit, me paraît-il, admettre cette interprétation de l'article 3. L'administration de la justice n'aura pas à souffrir de ce que le juge de paix habite une rue de la ville plutôt qu'une autre.

L'honorable préopinant, pour donner une date certaine à l'avertissement envoyé au juge de paix, a proposé que la lettre du président soit chargée à la poste. Je ne vois pas la moindre difficulté à adopter ce mode que prescrit la loi de 1845, dans un cas analogue. Je déclare donc me rallier à cet amendement.

Dans la loi de 1845, on avait exigé que la décision fût prise par les chambres réunies, en assemblée générale dans la chambre du conseil. On conçoit qu'il soit nécessaire d'exiger cette solennité et ces garanties pour un magistrat d'un ordre supérieur, et lorsqu'il s'agit d'apprécier s'il est ou non capable de remplir ses fonctions. Il s'agit là d'une appréciation délicate et difficile.

Mais lorsqu'il s'agit de constater un fait simple, tel que celui de la résidence, une section de la cour me paraît suffire.

Je pense que l'article, pour plus de clarté, peut être modifié en ce sens.

M. Verhaegen. - J'adopte aussi le principe des dispositions qu'on nous présente comme amendement. Maïs en dispensant les juges de paix qui ne demeurent pas au chef-lieu, d'y transférer leur résidence, ne conviendrait-il pas d'ajouter :

« Néanmoins les audiences seront toujours données au chef-lieu. »

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Cela va de soi.

M. Verhaegen. - Je ne sais si cela va de soi ; car l'article 8 du Code de procédure porte : « … Ils (les juges de paix) pourront donner audience chez eux, en tenant les portes ouvertes. »

On conçoit combien il pourrait être gênant pour les justiciables qu'un juge de paix demeurant à l'extrémité du canton, loin du chef-lieu qui est le centre de population, donnât ses audiences chez lui.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - J'ai répondu à l'honorable M. Verhaegen : « Cela va de soi. » Mais je reconnais que j'ai proféré trop tôt ces paroles. Je croyais que l'honorable membre faisait allusion à une autre disposition.

Il n'est pas douteux que les juges de paix, ceux qui ne résident pas comme ceux qui résident au chef-lieu, n'aient, aux termes de l'article 8 du Code de procédure, le droit de tenir leurs audiences chez eux. Mais, ne convient-il pas de maintenir transitoirement cette faculté pour tous ? Autrement la dispense de résider au chef-lieu qui est transitoirement accordée, par la loi, aux titulaires actuels non résidants, deviendrait en quelque sorte illusoire.

Si vous obligez à venir au chef-lieu, pour rendre la justice, le juge de paix qui aura été autorisé à ne pas résider au chef-lieu, n'est-ce pas lui retirer en partie d'une main ce que vous lui donnez de l'autre ?

Je ne verrais toutefois pas d'inconvénient à un amendement dans le sens indiqué par l'honorable M. Verhaegen, du moins en ce qui concerne l'administration de la justice ; mais la faveur que je voulais accorder aux quarante-trois juges de paix qui ne résident pas au chef-lieu sera moins complète.

Mais je reconnais qu'en principe l'honorable M. Verhaegen a raison.

M. Dumortier. - Messieurs, je ne crois pas qu'on ait rencontré l'observation principale que j'ai eu l'honneur de présenter à la chambre : c'est que dans la plupart de nos cantons ruraux, il n'y a pas de local au chef-lieu pour loger le juge de paix qui serait nommé, et dès lors la loi aboutirait à une impossibilité. Il y a une foule de chefs-lieux de cantons ruraux qui ne sont que de très petits villages ; lorsque vous aurez exigé impérieusement d'un juge de paix qu'il aille résider dans un de ces petits villages et qu'il ne trouve pas à s'y loger, que ferez-vous alors ? Dans une multitude de circonstances, je le répète, la loi sera impossible. Toute la Belgique ne se compose pas de grands villages semblables à ceux qu'on trouve dans l'arrondissement de l'honorable M. de Saegher.

Qu'est-ce que mes honorables contradicteurs m'ont répondu ? Il y a (page 719) aujourd'hui, ont-ils dit, un grand nombre de juges de paix qui n'habitent pas le chef-lieu du canton, et qui par l'article 6 (si je ne me trompe), obtiendront la faculté de continuer à résider dans la commune où ils sont placés maintenant.

Mais que faut-il conclure de cette observation ? C'est que jusqu'aujourd'hui on a été dans l'impossibilité dans une foule de chefs-lieux de canton de trouver un logement pour le juge de paix ; est-ce en présence de cette impossibilité matérielle que vous voulez exiger, des juges de paix qui sont nommés, qu'ils viennent résider dans le chef-lieu du canton ?

L'honorable M. Verhaegen a fait une observation judicieuse : « II faut, a-t-il dit, que les juges de paix rendent justice au chef-lieu du canton. »

Voilà tout ce qu'on peut exiger du juge de paix. Qu'il habite ou qu'il n'habite pas le chef-lieu du canton, cela importe peu à l'administration de la justice.

On dit qu'il y aura une grande distance entre le juge de paix et le greffier.

Cela est une pure supposition. Remarquez, d'ailleurs, que dans les cantons ruraux, l'apposition des scellés ne se fait pas avec la même rapidité que dans les villes.

Voyez combien on tombe dans l'absurde ?

Dans une ville d'une grande étendue, à Liège, par exemple, on n'exigera pas que le juge de paix réside dans le canton, il pourra résider dans un autre canton, à une lieue ou à deux lieues peut-être de distance. Et cependant là les locaux ne manquent pas ! Eh bien ! là vous accordez faveur, tandis que la défaveur est pour les cantons ruraux, où il y a presque toujours impossibilité pour le juge de paix à trouver un logement.

Cela a été si bien compris sous le gouvernement des Pays-Bas, que dans la loi d'organisation judiciaire du royaume des Pays-Bas du mois d'août 1827, l'article 34 était conçu en ces termes :

« Le juge du canton et les assesseurs devront avoir leur domicile dans le canton, et seront tenus d'avoir leurs audiences au chef-lieu du ressort où le greffier sera tenu de résider. »

C'est une excellente disposition qui me paraît de nature à être accueillie par la chambre ; je propose à la chambre de l'adopter. J'ajouterai que cet article est complètement dans l'intérêt de l'avenir : le passé vous en est un sûr garant, car si dans le passé on a été obligé d'accorder un domicile à un grand nombre de juges de paix en dehors du chef-lieu du canton, il est évident qu'une pareille chose se présentera dans l'avenir, et qu'il ne faut pas se priver du moyen de pourvoir à ce besoin.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, le seul argument de l'honorable M. Dumortier est celui-ci : Il y a plusieurs communes dans lesquelles il n'existe pas d'habitation convenable pour le juge de paix. S'il en était ainsi, il en résulterait uniquement que les chefs-lieux sont mal placés, et qu'il y a lieu de recourir à la loi pour les changer ; mais il n'en résulterait pas qu'il faut renoncer à une disposition qui obligerait les juges de paix à résider dans les chefs-lieux de canton.

Cette observation de l'honorable membre ne me paraît pas de nature à devoir nous engager à abandonner d'une manière absolue un principe que je considère comme salutaire dans l'intérêt bien entendu des justiciables.

L'honorable M. Dumortier nous dit : Ce qui est important, c'est que le juge de paix rende la justice au chef-lieu du canton.

Oui, cela est très important, et c'est un des buts que nous voulons atteindre en obligeant les juges de paix à la résidence au chef-lieu.

Mais les fonctions du juge de paix ne se bornent pas à rendre la justice ; il en a encore d'autres à remplir qui constituent même une des parties les plus importantes de sa mission.

Ainsi, comme l'a fort bien dit l'honorable M. de Saegher, lorsqu'il s'agira d'une mise de scellés, lorsqu'il s'agira d'un conseil de famille, d'un avis à demander, faudra-t-il que les justiciables aillent courir à deux ou trois lieues pour trouver le magistrat que la loi leur assigne ? Mais ce serait en quelque sorte manquer le but de l'institution de ces magistrats conciliateurs ! Nous devons chercher à placer les juges de paix en quelque sorte au milieu des personnes sur lesquelles il peut exercer sa salutaire influence, le système de l'honorable M. Dumortier pourrait avoir pour résultat de diminuer les rapports des juges de paix avec les habitants de leur canton.

L'honorable M. Dumortier ne s'est préoccupé que d'un inconvénient possible, celui que dans quelques communes, les juges de paix ne trouvent pas à se loger convenablement. Mais l'honorable membre reconnaîtra, sans doute, que les inconvénients qui résulteraient de son système sont bien plus graves, puisqu'il permet au juge de paix d'aller se fixer à l'extrémité du canton, loin du centre de la population.

J'ai encore signalé, dans le système de l'honorable M. Dumortier, un autre inconvénient : on permettait au juge de paix d'habiter une commune quelconque autre que celle où devrait de droit résider le greffier ; ils habiteraient donc nécessairement deux communes différentes ? Cette dernière considération me semble fournir un nouveau motif pour ne pas adopter la disposition contenue dans le projet de loi auquel l'honorable M. Dumortier avait fait allusion.

L'honorable M. Dumortier a cru trouver une inconséquence dans le système que je soutiens. Dans les grandes villes, a-t-il dit, vous permettez au juge de paix d'habiter un canton qui n'est pas le sien ; et dans les cantons ruraux, vous lui refuserez la permission d'habiter, dans le même canton, une commune autre que celle du chef-lieu ? Rien, dit l'honorable membre, ne justifie cette faveur exceptionnelle, car dans les villes on peut toujours se loger dans le canton même où l’on doit exercer ses fonctions. Je répondrai à l'honorable membre que l'inconvénient qui résulte de la non-résidence du juge de paix au chef-lieu dans un canton rural n'existe pas dans les villes, où la population est tellement agglomérée que le juge de paix, quelle que soit la rue qu'il habile, n'est jamais très éloigné des personnes qui doivent s'adresser à lui ; mais il n'en est pas de même dans un canton rural un peu étendu.

Les juges de paix dans une ville même divisée en divers cantons n'ont qu'un même local pour rendre la justice ; quelques-uns d'entre eux sont forcés de sortir de leur canton pour remplir leur mission, dès lors on conçoit une certaine tolérance pour le quartier à habiter.

Un honorable membre a cité avec raison les cantons voisins de Bruxelles. Les faubourgs de la capitale appartiennent à des cantons ruraux ; eh bien, les juges de paix peuvent habiter ces faubourgs, se loger à la porte de la ville, et alors, je vous le demande, ne sont-ils pas plutôt habitants de Bruxelles que de leur canton ? S'ils habitaient le chef-lieu, ils seraient bien plus en rapport avec les habitants du canton, ils se feraient connaître davantage de leurs justiciables et seraient plus à même de rendre les services qu'on est en droit d'attendre des juges de paix.

M. de Saegher. - Je viens appuyer l'amendement de l'honorable M. Verhaegen. (Interruption.) Messieurs, je vous prie de me prêter encore un moment d'attention. La loi dont il s'agit a une très grande portée, pour les campagnes surtout. Je viens donc appuyer l'amendement de l'honorable M. Verhaegen tendant à ce que les juges de paix soient obligés de tenir leurs audiences au chef-lieu du canton. Aux motifs qu'a fait valoir l'honorable membre, j'en ajouterai un autre. Si ma mémoire est fidèle, il y a dissentiment sur l'interprétation à donner à l'article 8 du Code de procédure. Plusieurs auteurs prétendent, quant aux audiences que le juge de paix est autorisé à tenir chez lui, que cela ne peut s'entendre que des audiences des juges de paix qui demeurent au chef-lieu du canton ; d'autres prétendent que cette restriction n'existe pas. Eh bien, je crois qu'il importe de faire cesser ce doute en ajoutant à la loi une disposition expresse quant au lieu où doivent se tenir les audiences. J'adopte d'ailleurs les autres motifs développés par l'honorable M. Verhaegen.

M. le ministre de la justice a objecté : Si vous admettez cette proposition, vous allez retirer aux juges de paix le bénéfice qui leur est accordé par l'article 4 du projet. Je crois qu'il n'en est pas ainsi .Je crois qu'en général les juges de paix tiennent leurs audiences au chef-lieu et que ce n'est qu'exceptionnellement qu'ils tiennent leurs audiences dans leur maison.

Il y a là encore un grand inconvénient, c'est que pour ces audiences exceptionnelles il n'y a pas de publicité réelle ; le public n'assiste pas à ces audiences ; souvent elles ne sont connues de personne. Sous ce rapport encore je crois qu'il est utile d'adopter l'amendement de M. Verhaegen.

L'honorable M. Dumortier vous a dit qu'il y aurait impossibilité d'exécuter la loi, à cause de la difficulté pour les juges de paix de se procurer un domicile au chef-lieu de canton. Mais remarquez bien, messieurs, que la loi n'est faite que pour l'avenir ; les juges de paix actuels pourront continuer à résider là où ils se trouvent. N'oublions pas, en ce qui concerne les juges qui seront nommés dans la suite, que lorsqu'un fonctionnaire public est nommé, ce n'est que sous la condition tacite qu'il aura son domicile dans la localité où il exercera principalement ses fonctions. Je ne comprends pas pourquoi on ferait une exception pour les juges de paix, pour ceux-là même que par la nature de leurs fonctions sont obligés de résider non seulement dans le canton, mais au centre du canton. En effet, ces fonctionnaires sont principalement institués pour opérer des conciliations. Pour concilier, il faut inspirer de la confiance aux justiciables, et pour inspirer de la confiance aux justiciables, il faut habiter avec eux et avoir eu des relations fréquentes avec eux.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je prends la parole pour faire une simple observation. L'amendement proposé par M. Fleussu, et le mien, doivent se trouver à l'article 3: il faudrait les voter avant d'aborder les autres articles.

M. Vanden Eynde. - M. le ministre de la justice vient de proposer un amendement d'après lequel une chambre de la cour d'appel réunie en chambre du conseil statuerait sur le sort du juge de paix qui ne résiderait pas dans le chef-lieu.

Cette disposition, telle que la propose M. le ministre, est contraire à une disposition formelle de la Constitution. L'article 100 porte : qu'aucun juge ne peut être prive de sa place ni suspendu que par un jugement.

L'article 97 porte : Tout jugement est motivé. Il est prononcé en audience publique.

Si vous admettez que la section de la cour doit procéder sur la demande du ministère public, en la chambre du conseil vous ne pouvez cependant décider que l'arrêt y soit prononcé, puisque tout jugement doit être prononcé en audience publique ; l'amendement n'est donc pas acceptable.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Quand la loi de 1845 a été votée, on n'a pas eu ces scrupules, car une disposition de cette loi porte que la cour en assemblée générale et en chambre du conseil statuera sur la question de savoir si un magistrat peut ou non continuer à remplir ses fondions. La question a été débattue alors, et l'on n'a pas pensé qu'il résultât une violation de la Constitution de la solution donnée par la loi de 1845. La Constitution a voulu une décision judiciaire pour (page 720) empêcher l'arbitraire et donner pleine garantie à la magistrature. Une décision rendue en chambre du conseil ne diminue pas cette garantie, et ne perd pas le caractère de décision judiciaire. Du reste, si on désire que décision soit rendue en séance publique, je ne m'y oppose pas.

M. Vanden Eynde. - L'amendement doit nécessairement être changé. Il est évident qu'une erreur s'est glissée dans la loi de 1845. Voici à quelle occasion mon attention a été appelée sur ce point. Malheureusement la cour d'appel de Bruxelles a eu à connaître d'une mesure de discipline à l'égard d'un magistrat ; elle l'a fait en la chambre du conseil, parce qu'il ne s'agissait pas de prononcer la suspension ou la privation de la place, de sorte qu'elle pouvait traiter cette affaire en la chambre du conseil.

La question a été soulevée récemment. C'est ce qui fait que l'amendement de M. le ministre de la justice a fait immédiatement impression sur moi.

Je crois qu'une erreur s'est glissée dans la loi de 1845. Ce ne peut être un motif pour insérer dans la loi actuelle une disposition évidemment contraire à la Constitution.

Remarquez d'ailleurs que la cour peut toujours satisfaire aux convenances en entendant d'abord le magistrat dans la chambre du conseil, et en prononçant ensuite l'arrêt en séance publique.

M. de Villegas. - Je ne me lève pas pour combattre le principe de l'article 2, proposé comme amendement, par M. le ministre de la justice. Je pense que, dans l'intérêt des justiciables, son adoption ne peut pas souffrir la moindre difficulté.

Je n'ai demandé la parole que pour appuyer les observations extrêmement justes qu'un honorable préopinant a présentées pour combattre la proposition de M. le ministre de la justice, relativement aux formalités judiciaires à suivre, en cas de contravention à l'article. 2.

Je crois avec l'honorable M. Vanden Eynde que, pour maintenir les principes constitutionnels sur l'inamovibilité des juges, il est nécessaire que le fait de la non-résidence soit judiciairement constaté, et que l'arrêt soit rendu en séance publique.

Il est vrai que, d'après la loi du 28 floréal an X, le juge de paix qui ne réside pas dans le canton sera réputé démissionnaire après sa mise en demeure et qu'il sera pourvu à son remplacement ; mais il est à remarquer, ainsi qu'il est dit dans un document parlementaire publié et distribué en 1845, que ces formes si simples qui se lient au système d'après lequel les fonctions de juge de paix étaient conférées par voie d'élection, ne peuvent évidemment plus être suivies sous le régime de la Constitution qui sanctionne l'inamovibilité des juges.

Un membre. - Un amendement vient d'être présenté dans le sens de vos observations.

M. de Villegas. - Tant mieux. Si l'amendement annoncé consacre les garanties constitutionnelles que je viens de rappeler, je serai satisfait.

M. le président. - M. Fleussu vient de déposer un amendement tendant à substituer aux mots « devant la cour d'appel » les mots « devant celle des chambres de la cour d'appel où siège habituellement le premier président. »

M. Fleussu. - C'est appliquer au fait dont il s'agit les dispositions des lois antérieures, en vertu desquelles toutes les affaires disciplinaires, concernant des fonctionnaires de l’ordre judiciaire ou administratif sont portées devant cette section de la cour.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Cela est vrai. Je me rallie à cet amendement.

- L'amendement proposé par M. Dumortier est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

La chambre adopte successivement l'amendement proposé par M. de Saegher, et les deux amendements proposés par M. Fleussu.

En conséquence, l'article 3 est adopte dans les termes suivants :

« Art. 3. Les juges de paix et leurs greffiers sont tenus de résider au chef-lieu du canton.

« En cas d'infraction à cette disposition, les juges de paix sont avertis, par lettre chargée à la poste, soit d'office, soit sur la réquisition du ministère public, par le président du tribunal de première instance. Faute de s'être conformés à la loi dans le mois de l'avertissement, ils sont cités par le procureur général, devant celle des chambres de la cour d'appel où siège habituellement le premier président, qui les déclare démissionnaires, ou, suivant les circonstances, leur accorde un nouveau délai, lequel ne pourra excéder trois mois.

« Les pièces de l'instruction sont adressées dans les huit jours au ministre de la justice. »

Article 4

« Art. 4. Si les suppléants ne résident pas dans l'une des communes du canton, il est procédé à leur égard, comme il est dit à l'article précédent. »

- Adopté.

Article 5

« Art. 5. Les juges de paix et greffiers actuellement en fonctions, qui ne résident pas au chef-lieu, ne seront tenus d'y transférer leur résidence que dans le cas où ils quitteraient la commune habitée par eux lors de la publication de la présente loi. »

M. le président. - M. Verhaegen a proposé à cet article l'amendement suivant, auquel M. le ministre de la justice se rallie :

« Néanmoins, les audiences seront toujours données au chef-lieu. »

- L'article est adopté avec l'amendement de M. Verhaegen.

Article 6

« Art. 6. Les fonctions de greffier particulier des tribunaux de simple police sont supprimées : l'un des greffiers de justice de paix du ressort du tribunal de simple police remplira, à tour de rôle, ces fonctions.

Néanmoins les greffiers actuels des tribunaux de simple police sont maintenus dans leurs fonctions.

« Mais il ne sera pas pourvu aux places qui deviendront vacantes. »

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, je n'ai qu'une seule observation à faire relativement à cet article. Je l'ai introduit dans la loi pour légaliser ce qui existe.

On n'a plus nommé depuis longtemps des greffiers particuliers près des tribunaux de simple police, et on a admis que les greffiers des justices de paix rempliraient leurs fonctions.

J'ai pensé qu'il était convenable de légaliser ce qui se passait depuis longtemps.

M. Henot. - Messieurs, il me paraît que l'article 6 contient un véritable pléonasme. Quand on a déclaré que les fonctions de greffier particulier des tribunaux de simple police sont supprimées, il est inutile de dire qu'il ne sera pas pourvu aux places qui deviendront vacantes. Je demande donc que les mots : « Mais il ne sera pas pourvu aux places qui deviendront vacantes, » soient supprimés.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L'observation est juste ; je me rallie à cette proposition.

- L'article modifié, comme le propose M. Henot, est adopté.

Le vote définitif du projet est renvoyé à samedi.

La séance est levée à 4 heures et demie.