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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 10 mars 1847
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre notamment pétition relative à la falsification des denrées alimentaires
(de Villegas), à la pension d’un légionnaire de
l’empire (de Garcia)
2) Projet de loi relatif à
la répression des offenses à la personne royale (Van Cutsem)
3) Propositions de loi
tendant à exiger certaines conditions de capacité des juges de paix (Henot)
4) Projets de loi accordant
des crédits supplémentaires au département de l’intérieur. Instruction primaire
(de Brouckere)
5) Projet de loi relatif à
la nouvelle répartition des représentants et des sénateurs. Réforme électorale
(Delfosse), base de la répartition (Lebeau,
de Theux, Clep, Delfosse, de Naeyer, Lys, Dedecker, Desmet,
de Breyne, de Naeyer, de Theux, Lys, Delfosse,
Dedecker, de Breyne, Desmet), considérants de la loi (Dubus
(aîné), Le Hon, Dubus (aîné), Le Hon)
6) Projet de loi tendant à
proroger le délai d’exécution du chemin de fer du Luxembourg
7) Motion d’ordre relative
au canal de Schipdonck (Delehaye)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1846-1847)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1082) M. Huveners procède à
l'appel nominal à 1 heure moins un quart.
M.
de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en
est approuvée.
M. Huveners communique l'analyse des pièces
adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le conseil communal de
Wavre demande que la fabrication du genièvre avec du seigle et des pommes de
terre soit interdite jusqu'au 1er janvier 1848. »
- Renvoi à la commission
d'industrie.
« Plusieurs habitants de
Renaix demandent qu'il soit pris des mesures pour empêcher les falsifications
des substances alimentaires. »
M. de Villegas. - Messieurs,
cette pétition, revêtue de la signature de plusieurs habitants notables de
Renaix, signale le danger de certaines sophistications ou adultérations des
denrées alimentaires. Si le fait est vrai, il mérite l'attention la plus
sérieuse du gouvernement et de la chambre. Je propose de renvoyer cette requête
à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
- Cette proposition est
adoptée.
« Le sieur Van
Muysewinkel, ancien militaire de l'empire, réclame l'intervention de la chambre
pour obtenir les arrérages de sa pension. »
M. de Garcia. - Messieurs,
cette pétition émane d'un ancien militaire, et dès lors il me semble qu'elle
doit être accueillie avec bienveillance par la chambre. Je proposerai de la
renvoyer à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
- Cette proposition est
adoptée.
PROJET DE LOI RELATIF A LA REPRESSION DES OFFENSES A LA PERSONNE ROYALE
M. Van
Cutsem dépose le
rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi tendant à apporter
quelques modifications à différentes dispositions du Code d'instruction
criminelle.
- La chambre ordonne
l'impression et la distribution de ce rapport. Elle fixera ultérieurement le
jour de la discussion.
PROPOSITIONS DE LOI TENDANT A EXIGER CERTAINES CONDITIONS DE CAPACITE
DES JUGES DE PAIX
M. Henot dépose le rapport de la commission
de circonscription cantonale, sur les propositions de MM. Delfosse et Savart
tendant à exiger (page 1083)
certaines garanties de capacité des personnes appelées à exercer les fonctions
de juges de paix.
- Ce rapport sera imprimé
et distribué. Le projet sera mis ultérieurement à l'ordre du jour.
PROJETS DE LOI ACCORDANT DES CREDITS SUPPLEMENTAIRES AU DEPARTEMENT DE
L’INTERIEUR
M. de
Brouckere. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la
section centrale que vous aviez chargée de l'examen de deux demandes de crédits
supplémentaires formées par M. le ministre de l'intérieur.
A cette occasion,
messieurs, je dois faire une observation qui me paraît mériter toute
l'attention de la chambre. Dans le rapport que j'ai eu l'honneur de présenter
sur le projet de budget pour l'exercice 1847, dans ce rapport avait été traitée
longuement la question relative aux obligations du gouvernement vis-à-vis des
communes, en ce qui concerne l'enseignement primaire. Lors de la discussion du
budget de l'intérieur, la chambre a décidé qu'elle remettrait l'examen de cette
question jusqu'au moment où elle serait appelée à se prononcer sur la demande
de crédit supplémentaire qu'avait annoncée M. le ministre de l'intérieur. Eh
bien, messieurs, cette demande de crédit supplémentaire est une de celles sur
lesquelles j'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale. Je
demanderai à la chambre si elle veut qu'à la suite du rapport soit réimprimée
la partie du rapport sur le budget de l'intérieur qui concerne cette question.
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Oui ; ce serait bien.
- La chambre décide que
le rapport sera imprimé avec le passage du rapport sur le budget de
l'intérieur, qui a été indiqué par M. de Brouckere.
Le jour de la discussion
de ce projet sera fixé ultérieurement.
PROJET DE LOI RELATIF A LA NOUVELLE REPARTITION DES REPRESENTANTS ET DES
SENATEURS
Discussion des articles
Article premier
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite
de la discussion du projet de loi relatif à une nouvelle répartition des
sénateurs et des représentants.
La discussion continue
sur l'article premier.
Je dois prévenir les
orateurs que lorsque la discussion sera close sur cet article, elle le sera
relativement à toutes les provinces.
(page 1094) M. Lebeau. - J'ai renoncé à la parole il y a trois jours, en priant M.
le président de m'inscrire pour parler sur l'article premier, ne voulant pas
mêler une discussion de chiffres à une discussion politique. J'en appelle au
souvenir de la chambre.
M. le président. - Les choses se sont réellement
passées ainsi ; mais comme la discussion de l'article premier a été ouverte
hier en mon absence, il en résulte que l'honorable membre n'a pas été appelé le
premier.
M. Delfosse. - Je demanderai quand on discutera
l'amendement de l'honorable M. Castiau.
M. le président. - Cet amendement ne se rattachant
pas à l'article premier, il convient d'en faire un article spécial.
M. Delfosse. - Ainsi cet amendement viendra après
le vote des articles ? (Oui ! oui !)
C'est bien.
M. le président. - La parole est à M. Lebeau sur
l'article premier.
M. Lebeau. - Hier, M. le ministre de
l'intérieur, après avoir entendu les motifs exposés par d'honorables membres
appartenant à la Flandre occidentale, à l'appui d'un amendement, s'est rallié
sans difficulté à la proposition de ces honorables membres. Si ce pouvait être
le présage d'un rapprochement entre M. le ministre de l'intérieur et moi, au
sujet de l'amendement que j'ai développé dans une séance précédente, je m'en
féliciterais doublement et pour la chambre et pour moi, car je ne veux prendre
ici personne au dépourvu. Cette discussion, si je suis obligé de la renouveler,
sera extrêmement fastidieuse ; elle le sera pour ceux qui voudraient la suivre,
elle le sera pour moi-même. Je demanderai donc si M. le ministre de
l'intérieur, après avoir examiné les considérations que j'ai présentées à
l'appui d'une proposition qui, selon moi, se borne à maintenir intacts les
principes mêmes de son projet de loi, persiste à combattre mon amendement.
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Oui, je persiste...
M. Lebeau. - En ce cas, je vous laisse la
responsabilité de l'ennui attaché à la prolongation de cette aride discussion.
Il peut paraître
surprenant qu'un député étranger aux localités intéressées vienne prendre la
cause de ces localités avec une persistance tout à fait insolite. Eu égard à la
valeur pratique du résultat que je poursuis, on pourrait voir dans cette
persistance quelque chose de puéril ; et eu égard au peu de rapports que j'ai
avec les districts intéressés, on pourrait voir en outre dans cette persistance
une sorte de Don Quichotisme parlementaire. J'ai besoin de dire à la chambre que
si je suis peu touché des résultats pratiques de l'adoption ou du rejet de mon
amendement, je suis particulièrement ému d'une question qui n'est pas une
question locale, de la violation d'un principe de justice, de la violation d'un
droit qui, selon moi, résulte formellement de la proposition du gouvernement.
Le droit, on le disait
encore naguère dans une autre assemblée, le droit n'est jamais une petite
chose, et c'est ici une pure question de droit, de justice distributive que
nous avons à examiner.
S'il est vrai, comme on
l'a dit dans plusieurs discours, que le principe de la loi repose avant tout
sur l'équité, en opposition avec la rigueur d'une règle mathématique, eh bien,
on a très grand tort de proscrire le système de l'alternat introduit dans la loi
de 1831 ; il n'y a pas de système qui soit plus propre à faire disparaître ces
inégalités choquantes au premier coup d'œil, entre la représentation de tel
district électoral et celle de tel autre, telles qu'elles résultent de leurs
populations respectives.
Le système le plus propre
à faire disparaître ces inégalités, c'est l'alternat.
(page 1095) Eh bien, l'alternat, c'est le ministère qui le proscrit,
d'accord avec la section centrale. Evidemment si l'alternat avait été maintenu,
le conflit qui existe entre Alost et Termonde, entre Liége et Verviers, qu'on a
tenté d'élever entre Ath et Soignies et qu'on pourrait élever avec un égal
fondement entre Turnhout et Malines, et entre beaucoup d'autres districts
électoraux, évidemment n'existerait pas, et l'alternat les mettrait tous
d'accord.
Le système de l'alternat,
ce n'est pas dans l'intérêt des districts qu'il est proscrit. Qu'il me soit
permis de le dire avec une entière franchise : si le système de l'alternat est
incommode, c'est surtout pour les députés ; c'est donc moins dans l'intérêt des
électeurs que dans l'intérêt des députés qu'on a proscrit l'alternat. Avec
l'alternat, messieurs, un député est à cheval sur deux districts ; je n'ai pas
à rappeler ici certain proverbe d'une formule trop peu parlementaire, mais dont
le sens vous est assez connu, pour justifier la répugnance que rencontre chez
nous le système adopté en 1831. (Interruption.)
Quoi qu'il en soit,
l'alternat est proscrit, et personne que je sache n'a fait la proposition de le
réintroduire dans notre système électoral. Il y a donc, sous ce rapport, une
innovation complète, une innovation radicale entre le système de 1847 et celui
du congrès.
Malgré ce que j'ai dit
tout à l'heure en faveur de l'alternat, je pense que le système de la
préférence à accorder aux fractions les plus fortes, et le droit attribué à ces
fractions d'absorber les fractions inférieures, est en réalité le système le
plus juste, car il a pour effet de proscrire tout arbitraire.
Remarquez qu'en 1831
l'alternat a été tantôt appliqué, tantôt négligé. Malgré des circonstances à
peu près identiques, suivant les convenances locales et les efforts plus ou
moins heureux de certains membres du congrès, l'alternat a été admis ou
repoussé. Il y a eu bien des hasards, bien des irrégularités, sous ce rapport,
dans le travail du congrès.
Et puis, dans
l'application de l'alternat, si on le maintenait, où s'arrêterait-on pour être
juste ? Devrait-il toujours, comme en 1831, être borné à deux districts dont
les populations présenteraient des excédants à peu près égaux ? Si le cas se
présentait pour trois districts, comme cela existait, par exemple, en 1831,
dans la province de Liège, où Verviers, exclu de l'alternat, l'a été pour une
différence en moins de 80 habitants, faudrait-il encore ne pas appliquer
l'alternat à ces trois districts ? Tout au moins ne serait-ce pas le cas du
concours entre divers districts comme on l'a fait dans beaucoup de cas, en
1831, pour les élections de sénateurs ?
Si donc le système de
l'alternat paraît, au premier abord, le plus équitable, dans l'application il
peut donner lieu et il a en effet donné lieu à beaucoup d'arbitraire.
Il n'y a qu'une seule
règle admissible, parce qu'elle domine toutes les influences de parti et de
majorité, parce qu'elle est d'une rigueur mathématique, qu'elle exclut tout
arbitraire, c'est la règle de la préférence à accorder, soit pour les
représentants, soit pour les sénateurs, à la fraction la plus élevée, avec la
propriété pour cette fraction d'absorber les fractions inférieures des autres
districts ou des autres provinces.
Là, messieurs,
quelquefois il y a en apparence des anomalies ; mais il n'y a pas d'injustice
possible, parce que c'est l'arithmétique qui pose les prémisses et que la loi
se borne à déclarer les conséquences.
Et, quant à un prétendu
système de compensation qui est en opposition formelle avec cette règle de la
fraction la plus forte sur laquelle repose le projet de loi, et qu'on a rendue
plus absolue par la suppression de l'alternat, pourquoi ce système de
compensation s'appliquerait-il à deux cas seulement, lorsqu'on trouve dans le
projet de loi vingt autres occasions de faire prévaloir un tel principe de
compensation, si vous ne l'aviez pas systématiquement proscrit par le nouveau
principe de votre projet de loi, principe qui recevra son exécution dans tous
les cas, sauf deux seuls ?
Mais si le système de
compensation devait être introduit dans le projet actuel, pourquoi accorde-t-on
à Termonde (faites attention à cette étrange anomalie), pour 16,248 habitants
un représentant, qu'on refuse à Turnhout pour 20,466 ?
Je viens de prendre cet
exemple dans deux provinces différentes, et sous ce rapport on pourrait ne pas
le trouver concluant. Je vais en prendre un dans la même province.
Vous donnez à Malines (je
l'ai déjà dit) pour 36,215 habitants un représentant, et pour les mêmes 36,215
habitants, il reçoit un sénateur ; et vous refusez à Turnhout, dans la même
province, un représentant pour 20,466 habitants et un sénateur pour ces mêmes
20,466 habitants !
Certes, s'il devait y
avoir compensation, c'eût été le cas ; car Malines reçoit d'abord un
représentant pour un chiffre inférieur à 40,000 habitants, puis un sénateur
pour moins de 40,000, quand Turnhout, pour un chiffre supérieur à 20,000
habitants, ne reçoit ni représentant ni sénateur.
Si le principe de
compensation devait être introduit ou maintenu dans le projet de loi, c'était
bien le cas de l'appliquer ; pourquoi ne l'applique-t-on pas ? Uniquement,
parce que cette fois on est resté dans le système du projet de loi, qui est la
préférence à accorder à la fraction la plus forte, avec faculté d'absorber les
fractions inférieures dans la même province.
Hors de ce système, je le
répète, vous n'avez que l'arbitraire. C'est ce qu'a dit l'honorable M. de
Naeyer ! c'est ce qu'a reconnu l'honorable M. Dedecker ; mais avec cette
différence que l'honorable M. de Naeyer a combattu l'arbitraire qui lui était
nuisible (je crois qu'il l'aurait fait en toute autre circonstance), et que
l'honorable M. Dedecker l'a accepté, parce qu'il lui était utile, sans que je
veuille dire pour cela que, dans une autre hypothèse, il ne l'aurait pas
combattu s'il l'avait aussi clairement aperçu que l'honorable M. de Naeyer. (Interruption.)
Messieurs, on s'est
attaché dans les séances précédentes à soutenir que le système de compensation
n'est pas nouveau, qu'il a été introduit par le congrès en 1831.
A l'égard de ce qui s'est
passé au congrès, le langage de M. le ministre de l'intérieur a quelque peu
varié d'une séance à l'autre.
Voici ce qu'il disait du
travail du congrès dans la séance du 5 mars :
« Je dirai d'ailleurs que
la répartition du congrès ayant eu lieu simplement en fait, et non d'après des
règles posées par une loi, cette répartition ne nous lierait pas si nous
reconnaissions aujourd'hui qu'il est de toute justice que les districts qui ont
un excédant de représentation à la chambre doivent avoir moins de
représentation au sénat, et réciproquement. »
Ainsi, dans la séance du
5 mars, M. le ministre de l'intérieur disait que la répartition du congrès
avait eu lieu simplement en fait, et non d'après des règles posées par une loi
; et c'est la vérité, messieurs, mes souvenirs à cet égard confirment ceux de
M. le ministre de l'intérieur.
Mais dans la séance du
lendemain, le langage de M. le ministre avait quelque peu changé ; voici
comment il s'y est exprimé sur les intentions du congrès :
« J'avais dit dans
l'exposé des motifs que le congrès avait pris pour système d'accorder des
compensations lorsqu'il y avait des excédants de population, soit dans diverses
provinces, soit dans divers districts.. L'honorable M. Lebeau a contesté cette
assertion. Eh bien, messieurs, qu'il me soit permis de donner lecture d'un
passage du rapport que j'ai présenté au congrès au nom de la commission chargée
de préparer le projet de loi électorale. Voici ce que porte ce rapport, etc.. »
M. le ministre en a donné
lecture à la chambre. On peut le voir à la page 1048 des Annales
Parlementaires. Cette lecture avait pour objet de prouver que le congrès avait
admis un système de compensation, que le système exposé par M. de Theux,
rapporteur de la commission d'alors,, était celui que le congrès avait accepté,
bien qu'il eût déclaré la veille que la répartition arrêtée par le congrès
avait eu lieu simplement en fait, et non d'après des règles posées par une loi.
Messieurs, il n'y a à
cela qu'une petite difficulté, c'est que le système présenté par l'honorable M.
de Theux, rapporteur de la première commission chargée de s'occuper d'un projet
de loi électorale, a été complètement renversé par le congrès ; c'est que ce
système n'a pas même eu les honneurs de la discussion ; c'est que le tableau de
la répartition proposé par la commission dont l'honorable M. de Theux était
rapporteur, n'a pas même été jugé digne d'un débat public ; il a été renvoyé
purement et simplement à une nouvelle commission composée d'un député de chaque
province.
Il y a de ma part,
messieurs, peut-être une certaine humilité à faire cet aveu, car j'étais membre
de la commission dont l'honorable M. de Theux était rapporteur. Mes souvenirs
ne me sont pas trop fidèles ; ils ne me permettent pas de savoir jusqu'à quel
point je puis décliner la solidarité du travail de l'honorable M. de Theux ; je
sais seulement que j'ai présenté beaucoup d'amendements dans la discussion de
la loi électorale ; je sais de plus que j'ai voté deux fois contre cette loi.
La loi électorale de 1831 n'a été adoptée qu'au second vote, elle avait été
d'abord rejetée ; mais par deux fois j'ai persisté à la repousser.
Vous pouvez voir, messieurs,
les détails de ce qui s'est passé à cet égard dans le tome V de l'utile recueil
de M. Huyttens, des travaux du Congrès. Voici ce qui est dit dans ce travail,
tome V, p. 102.
« Dans la séance du 20
décembre 1830, le congrès décida, sur la proposition de M. de Tiecken de
Terhove, que chacune des sections nommerait un de ses membres pour former une
commission chargée de rédiger un projet de loi électorale.
« La commission présenta
une partie de son travail le 10 février 1831, par l'organe de M. de Theux
(n°279) ; cette partie comprend les 51 premiers articles du projet et le
tableau du cens électoral.
« Le 17 février,
elle compléta son travail par des articles supplémentaires et le tableau de la
répartition des représentants et des sénateurs. (n°280) ; le 18 février,
l'assemblée s'occupa du tableau de la répartition, des représentants et des
sénateurs. Elle le trouva défectueux et en ordonna le renvoi à l'examen d'une
commission composée d'un membre de chaque province.
« Dans la séance du 19
février, M. Nothomb fit le rapport de cette commission.
« Après une longue
discussion, 114 voix contre 7 adoptèrent la proposition faite par M. de Theux,
de fixer à 102 le nombre des représentants, et à 51 celui des sénateurs, ainsi
que la répartition des représentants et des sénateurs entre les provinces,
établie sur ces bases par M. C. de Brouckere. »
J'ai pris le soin de
comparer le travail présenté au congrès par l'honorable M. de Theux et le
travail que le congrès y a substitué ; vous allez voir ce que le congrès a fait
du système de compensation qu'on lui proposait.
(pages 1096 à 1101) (Remarque du webmaster : le Moniteur
reprend le détails par province de la répartition faire par la première
commission, le 17 février 1831, rapport de M. de Theux et ensuite, le tableau
définitif. Ces tableaux ne sont pas repris dans la présente version numérisée).
(page 1102) On voit aussi par ce tableau que M. de Theux ne suivait
point le système de compensation entre Malines et Turnhout et qu'il leur
appliquait l'alternat. C'est le congrès qui a écarté l'alternat et donne 3
représentants à Malines, en vertu de la règle de préférence due à la fraction
la plus élevée. C'est cet alternat que l'honorable M. Dubus voudrait faire
introduire dans le projet de loi, si l'alternat était admis.
M. Dubus (aîné). - Non, ce serait avec Anvers.
M. Lebeau. - Peu importe. Je conçois que
l'honorable membre soit quelque peu....
M. Dubus (aîné). - Me supposez-vous une intention qui
ne serait pas droite ?
M. Lebeau. - Non ; Dieu m'en préserve !
L'honorable M. de Theux
avait d'abord soutenu qu'il avait fait consacrer par le congrès un système de
compensation, et avait lu, à l'appui de cette assertion, une partie de son
rapport ; sans doute il prétend que c'est aussi par ses efforts que la
compensation entre Bruges et Courtray a été introduite dans le décret de 1831.
On a pu voir par mes tableaux que M. de Theux n'y avait pas songé et qu'il
avait admis l'alternat entre les deux districts, la différence entre eux
n'étant que de 19 habitants.
C’est le congrès, cédant
peut-être à quelques-unes de ces influences contre lesquelles ses graves
préoccupations politiques ne le tenaient pas toujours assez en garde, pressé
d'ailleurs par le temps, qui a introduit cette anomalie, qu'on nomme à tort, je
persiste à le dire, une compensation.
Ce n'est pas, d'ailleurs,
au district du chef-lieu, mais à Courtray qu'on donne un sénateur. Ce qui est
l'opposé de ce qu'en fait de compensation, M. de Theux voulait, « eu égard (ce
sont ses expressions en 1831), à la plus grande facilité qu'a le chef-lieu de
choisir un bon sénateur. »
Courtray, s'il a été
consulté alors, n'était donc pas de l'avis de l'honorable M. Dubus sur la
valeur respective du sénateur et du représentant, non plus que l'honorable M.
Eloy.
M.
Eloy de Burdinne. - Je prie l'honorable membre de s'abstenir d'insinuations à mon égard.
M. Lebeau. - Je vais mettre mon honorable
collègue parfaitement à l'aise ; il croit que j'ai fait une insinuation ; il se
trompe ; j'ai fait une déclaration positive ; il n'y a pas là d'insinuation ;
l'honorable membre a soutenu un système et il avait le droit de le soutenir.
M.
Eloy de Burdinne. - Je le soutiens encore.
M. Lebeau. - Si vous le soutenez encore, quel mal
y a-t-il de dire que vous l'avez fait ?...
M.
Eloy de Burdinne. - Mon système est juste.
M. Lebeau. - Si votre système est juste, vous
devez vous applaudir de ce que je vous en fais hommage. J'ai dit que les
députés de certains districts n'avaient pas partagé, en 1831, sur la valeur
respective des sénateurs et des représentants, l'opinion qu'ont émise
l'honorable M. Eloy de Burdinne et quelques autres membres. Ai-je, oui ou non,
le droit de dire cela ? Est-ce de l'histoire et de l'histoire toute fraîche,
oui ou non ? (Interruption de M. Eloy de
Burdinne.)
Je n'ai pas pris
l'engagement de ne dire que des choses qui vous fussent agréables ; mais je
vous prie de croire que parfois l'on me rend la pareille. (Interruption.) Je vous écoute ; rendez-moi la pareille ; je vous
écoute d'ordinaire avec beaucoup plus de patience que vous n'en mettez
aujourd'hui à m'entendre.
Je reviens à ce que je
disais, quand j'ai été interrompu par l'honorable M. Eloy de Burdinne. (Ici l'orateur donne lecture de quelques
parties des tableaux annexés à son discours.)
Je demande pardon à la
chambre de l'arrêter si longtemps sur des chiffres ; mais il n'y a pas moyen de
discuter cette question autrement ; c'est plutôt une question de mathématicien
ou de calculateur qu'une question de droit ou de politique.
(Après avoir parcouru encore ces mêmes tableaux, M. Lebeau poursuit
ainsi :) Voilà quelques-unes des modifications apportées par les
délibérations du congrès au travail présenté par l'honorable M. de Theux, comme
rapporteur de la première commission. Vous voyez donc que ce système qu'on a
prétendu être celui que le congrès avait sanctionné, a été bouleversé dans ses
bases et dans toutes ses conséquences ; le système a été complètement changé.
J'avais dit que dans le
travail du congrès, qui dans presque toutes les circonstances avait été fidèle
au principe de la préférence à accorder à la fraction la plus élevée, soit pour
les représentants, soit pour les sénateurs, il y avait eu une erreur commise
aux dépens de la Flandre orientale et au profit du Limbourg ; il suffit pour
cela de voir les tableaux n°1 et 2 annexés à mon premier discours. On l'a nié,
mais cela est clair comme le jour, ou bien je ne connais plus rien à la valeur
des chiffres.
En 1831, et celle
fois-ci, je le reconnais, ce n'est plus le travail de l'honorable M. de Theux,
c'est le travail du congrès lui-même ; en 1831, la Flandre orientale avait
741,241 habitants ; et on lui donne d'abord connue droit rigoureux 18
représentants ; il lui restait un excédant de 21,241 habitants. On lui donne
d'abord, aussi comme droit rigoureux, 9 sénateurs, et il lui restait un même
excédant de 21,241 habitants. Et cependant la Flandre orientale est demeurée
avec son contingent de 18 représentants et de 9 sénateurs.
Le Limbourg, au
contraire, a obtenu un représentant pour 18,095 habitants, près de trois mille
âmes de moins que l'excédant de la Flandre orientale ; il a obtenu quatre
sénateurs, ce qui lui laissait seulement un même excédant de 18,095, et
toujours inférieur de près de 3,000 âmes à celui de la Flandre orientale. Ainsi
des deux côtés, 18,095 habitants viennent battre 21,241 habitants. Je demande
si ce n'est pas là tout au moins le résultat d'une erreur évidente !
On a si bien senti que
l'argumentation mise en avant dans une première séance était battue en brèche
par ces chiffres, que les honorables membres qui ont soutenu l'existence de ce
système de compensation entre la Flandre orientale et le Limbourg en 1831, ont
été obligés d'abandonner cette argumentation pour en choisir une autre.
Voici ce que l'honorable
M. de Theux a dit dans une de vos dernières séances :
« L'honorable M. Lebeau a
assigné au hasard, ou, en quelque sorte, à la distraction du congrès, ou à je
ne sais quelle influence, l'attribution d'un neuvième représentant à la
province de Limbourg, tandis qu'un dix-neuvième représentant aurait dû être
attribué à la Flandre orientale. Eh bien, messieurs, loin de trouver dans ce
fait une distraction du congrès, un indice d'une influence, nous y trouvons la
confirmation du principe énoncé dans notre rapport, c'est-à-dire le système de
compensation.
« Et en effet, messieurs,
les deux Flandres étaient envisagées comme n'ayant, en quelque sorte, qu'un
seul et même intérêt, la province de la Flandre orientale ne fut distraite de
l'ancienne Flandre que lors de la division du territoire, opérée par le
gouvernement français après la conquête. Jusque-là les deux Flandres avaient
toujours été réunies, et depuis la séparation, l'on peut dire que les deux
provinces ont toujours été considérées comme ayant une communauté d'intérêts.
Eh bien, la Flandre occidental avait obtenu, quant aux sénateurs, l'excédant de
représentation, à raison de 43,000 habitants. Le congrès recula devant
l'attribution d'un représentant à la Flandre orientale, parce que, encore là,
il aurait fallu attribuer un excédant de représentation. Et que fit le congrès
? Il attribua le représentant à la province de Limbourg, province qui avait un
excédant de population de 18,000 habitants, quant à sa représentation au sénat,
et qui aurait eu également le même excédant de population pour sa
représentation à la chambre, si on ne lui avait attribué un neuvième
représentant. »
Ainsi vous voyez que ce
n'est plus par des chiffres qu'on veut prouver cette fois qu'une compensation
n'était pas due à la Flandre orientale. La Flandre orientale est lésée, on est
obligé de le reconnaître ; mais la Flandre occidentale reçoit une compensation
! Cette compensation devait être faite au profit de la Flandre orientale qui
était lésée ; mais on a cru pouvoir la faire au profit de la Flandre
occidentale, parce que ces deux provinces n'en font en quelque sorte qu'une !
Voilà la raison qui a fait accorder un représentant de plus au Limbourg aux
dépens de la plus populeuse, de nos provinces. Si je le disais moi-même, on ne
le croirait, pas ; c'est le ministre qui le dit : Les deux Flandres étaient
considérées comme une seule province. On n'en disait mot cependant en 1831.
L'argument est tout neuf.
La Flandre orientale est
lésée ; qu'elle se console, la Flandre occidentale est favorisée. (Interruption.)
C'est là une logique
extrêmement commode. Quoi qu'il en soit, ce qu'on n'a pas fait en 1831, pour la
Flandre orientale et le Limbourg, c'est-à-dire prendre pour règle la préférence
à donner à la fraction la plus élevée, la seule règle véritablement juste,
parce qu'elle est mathématique, qu'elle exclut tout arbitraire, qu'elle est
inflexible comme le calcul lui-même, on le fait aujourd'hui, en 1847, pour Ath
et Soignies.
Cette règle dont on n'a
pas voulu pour la Flandre orientale et le Limbourg en l831, on l'applique en
1847 à Ath et à Soignies. Voyons ce que dit l'honorable M. de Theux pour
justifier la préférence donnée à Soignies sur Ath.
L'honorable M. Lebeau a
parlé d'Ath et de Soignies. Messieurs, il était impossible d'ôter le
représentant à Soignies et de le donner à Ath ; car Soignies a un excédant de
population quant aux sénateurs aussi bien qu'Ath, mais un excédant plus fort,
et si l'on avait donné le représentant à Ath, on aurait établi une véritable
injustice. »
Cet argument, qui paraît
excellent aujourd'hui à M. de Theux (et c'est mon avis aussi) pour donner à
Soignies la préférence sur Ath, est précisément celui qui aurait dû faire
donner en 1831 la préférence à la Flandre orientale sur le Limbourg. En effet,
les positions sont identiques. La Flandre orientale avait une fraction de
21„241 pour la chambre des représentants et une fraction de 21,241 pour le
sénat, tandis que le Limbourg n'avait qu'une fraction de 18,095 pour la chambre
des représentants et de 18,095 pour le sénat.
Si je ne craignais
d'abuser par trop de vos moments, je vous ferais voir par de nombreux passages
de la discussion de la loi de 1839, conséquence du traité avec la Hollande, que
les orateurs de tous les côtés de cette chambre, les amis mêmes de M. le
ministre de l'intérieur, ont été d'accord pour reconnaître qu'en 1851 on a
procédé constamment par la i règle de préférence à la fraction la plus élevée. Je
me bornerai à quelques courts extraits, car ce serait à n'en pas finir. Je
croyais qu'il était inutile de prouver que deux et deux font quatre, mais je
vois que le nombre des arguments à présenter en faveur de cette thèse si simple
en fait la plus grande difficulté.
Voici ce que disait le 23
mai 1839 M. Dumonceau :
« Chaque fois qu'il y a
eu une fraction de plus de 20,000 âmes en sus (page 1103) du nombre fixe pour un député, on a donné un
représentant de plus, de même qu'on n'a pas tenu compte des fractions
inférieures à 20,000 âmes.
« Lorsqu'on a trouvé
qu'un district se composait d'un nombre d'habitants excédant 40,000, mais
n'arrivant pas à 60,000, on ne lui a pas donné 2 représentants ; tandis que la
population dépassant 60,000 habitants, on lui en donnait 2 à élire. Quelquefois
on faisait alterner avec un district voisin, qui était dans le même cas, le
district qui n'avait pas une population suffisante pour nommer un second
député. »
L'honorable M. Devaux,
qui avait fait partie du congrès, s'est exprimé ainsi :
« M. Devaux. (Séance du
23 mai 1839.) - Quelle base a suivie le congrès ? Une base extrêmement
équitable. Il a dit : Nous allons répartir les 102 députés de telle façon, que
dans la province où il y aura un excédant de moins de moitié, cet excédant ne
comptera pas, et dans celle où il y aura un excédant de plus de moitié, il y
aura un député de plus. C'est ainsi que le congrès est arrivé naturellement au
nombre total de 102 députés.
« Je vais citer des
chiffres qui prouveront ce que j'avance. Ils viennent de m'être communiqués par
M. Verdussen, et dès lors on peut compter sur leur exactitude, etc.
« Flandre orientale
(chiffres ronds) 338,000, excédant de 18,000 sur le chiffre qu'il fallait pour
18 députés. Eh bien, malgré cet excédant, on n'a pas donné à cette province un
député de plus : l'excédant ne dépassant pas les 20,000 qui forment la moitié.
« Dans le Limbourg,
338,000 habitants. C'est la seule province, avec le Luxembourg, pour laquelle
on a dévié de la règle générale, et cela, sans doute, par des motifs qui se
rattachaient à la ville de Maestricht. L'on a compté les 338,000 habitants pour
360,000, et le Limbourg a eu 9 députés. »
MM. Liedts et Mercier ont
déclaré adhérer à ce que venait dédire l'honorable M. Devaux. M. de Behr à son
tour s'exprime ainsi :
« M. de Behr (en 1839). -
Quand il se présentait des fractions de 40,000 âmes, si elles étaient au-dessus
de 20,000 habitants, on comptait en leur faveur les excédents que présentaient
d'autres provinces, et avec les fractions on élisait un député. »
Enfin l'honorable M.
Verdussen s'est exprimé dans des termes plus formels encore :
« M. Verdussen.- Je ne me suis jamais prononcé que pour ce qui
me paraissait juste, et j'espère ne jamais me départir de cette règle de
conduite. D'après cela, je m'opposerai à la proposition qui nous est faite.
« J'ai fait le relevé des
chiffres de 1831, et j'ai trouvé qu'en appliquant le nombre de 102
représentants aux différentes provinces dont se composait la Belgique, il y
avait, chiffre rond, environ 4,078,000 habitants, et qu'on a, par conséquent,
forcé la fraction en faveur du pays de plus de 2,000 habitants pour tout
l'étendue du royaume Si j'applique maintenant les chiffres spéciaux aux
différentes provinces, je trouve alors que c'est surtout en faveur du Limbourg
et du Luxembourg que les chiffres appliqués au nombre des députés ont été
forcés, afin de leur en donner un plus grand nombre, et que, par exception, ce
sont les deux provinces la plus avantagée... »
Selon lui, on donnait 1
député au Limbourg pour 2,000 habitants.
Je vous ferai remarquer
qu'il se passait un fait qui a quelque analogie avec les dérogations que je
signale aujourd'hui pour Termonde et pour Verviers.
C'est ce que dit M.
Verdussen, aussi il a voté contre la proposition avec 28 membres parmi lesquels
se trouvaient MM. de Muelenaere, Mercier, Liedts, etc.
L'honorable M. de Langhe,
dans une circonstance analogue, s'exprimait dans ces termes : « Si la chambre
accordait 8 députés au Limbourg, tout en respectant sa décision, je ne pourrais
m'empêcher de dire cela n'est pas juste. »
Au sénat l'honorable M.
Dumon-Dumortier a dit que c'était là une violation formelle des lois de la
justice et de l'équité.
L'honorable M. de Theux a
répondu à l'honorable M. Dumon-Dumortier, mais il s'est gardé de prononcer le
mot de compensation ; il n'a pas présenté une seule fois des raisonnements
tirés des chiffres respectifs des provinces entre elles pour établir de
compensation ; il n'a pas même prononcé ce mot ; il s'est borné à des
considérations politiques qui militaient, je le reconnais, en faveur des
provinces du Limbourg et du Luxembourg.
Messieurs, quoi qu'il en
soit, le projet de loi ne repose pas sur le principe de la compensation ; car
alors on ne devrait pas l'appliquer à deux districts seulement.
Votre système de
compensation, vous l'avez proscrit par l'alternat ; vous l'avez proscrit sans
exception pour les provinces. Voyez la page 4 du rapport de la section
centrale, et vous reconnaîtrez que votre système proscrit toute idée de
compensation entre les provinces.
C'est l'honorable
rapporteur de la section centrale qui le reconnaît, qui rend hommage au
principe de votre projet de loi ; voici ce qu'il dit :
« Le chiffre de la
population donnant lieu, comme nous l'avons dit, à 108 députés, et la répartition
de ce chiffre entre les provinces n'en admettant de plein droit que 104, il
fallait attribuer les quatre représentants restants aux provinces dont les
excédants sont les plus élevés. C'est ce qui explique comment la province de
Namur, qui ne vient qu'en cinquième rang, n'a pu profiter de l'excédant
favorable que sa population lui assigne. Aller au-delà devenait
inconstitutionnel. »
Or, la province de Namur
a, d'après le projet de loi, un excédant de 23,430 habitants (rapport de la
section centrale, p. 4), qui ne sont représentés ni au sénat ni à la chambre
des représentants.
Le Limbourg n'a de plus
que Namur que 2,483 habitants ; et le Limbourg obtient pour cela le
représentant de plus, ce que cette fois je regarde comme parfaitement juste.
On me dira : Il n'y a pas
moyen de faire alterner deux provinces. Je réponds : Pourquoi serait-il plus
difficile de faire alterner deux provinces que deux districts ?
Si l'alternat était trop
difficile, c'était le cas de donner à la province de Namur un sénateur de plus,
le système de compensation étant la base du projet de loi. Car ce système n'a
pas dû être imaginé uniquement en faveur de deux districts, lorsque des
provinces et vingt districts pouvaient en réclamer le bénéfice ; c'était, je le
répète, le cas de donner à la province de Namur un représentant ou un sénateur
de plus, en compensation d'un excédant de 23,430 habitants, quand vous donnez
un représentant tout entier à la province de Limbourg, pour un excédant de
23,913 habitants, excédant qui ne dépasse celui de la province de Namur que de
2,483. Mais non ; on s'est conformé, pour accorder la préférence au Limbourg
sur Namur, sans nulle compensation, à la règle du projet de loi qui est la
préférence accordée à la fraction la plus forte, avec la faculté d'absorber les
fractions inférieures (celles des provinces de Liège, Brabant, Anvers et de la
Flandre occidentale).
Avec le système qu'on a
adopté, la province de Namur aura un excédant de 23,430 habitants, sans
représentation soit au sénat,. soit à la chambre, sans compensation, et cette
conséquence, je l'accepte comme une conséquence nécessaire du système sur
lequel repose tout le projet de loi.
Mais d'après cette règle,
c'est Alost et non Termonde qui devait profiter de l'excédant d'Eecloo et de Termonde.
Il suffit, pour s'en convaincre, de jeter les yeux sur mon tableau (n°5 et 6).
Alost a 18,211 habitants
négligés à la chambre des représentants.
Termonde à 16,848
habitants, négligés à la chambre des représentants.
Alost a 58,211 habitants
de plus que pour un seul sénateur. Ce qui lui donne droit à en avoir deux.
Termonde n'a que 16,148 habitants de plus que le nombre nécessaire à son unique
sénateur.
Ainsi, si vous appliquez
l'opération que l'on a faite dans tout le projet, vous trouvez qu'Alost ayant
un excellant de 18,211 habitants, pour les représentants, et Termonde un
excédant du même chef, de 16,848 habitants, on devrait donner d'abord la
préférence à l'arrondissement d'Alost pour le représentant de plus à classer.
Si vous considérez le
chiffre de l'excédant, pour le sénat, qui est d'une part de 58,211 habitants,
pour l'arrondissement d'Alost, d'autre part de 16,848 habitants, pour
l'arrondissement de Termonde, vous reconnaissez que la préférence doit encore,
de ce chef, être évidemment accordée à l'arrondissement d'Alost, car l'excédant
d'Alost est le plus élevé qu'il y ait pour le sénat dans toute la province ; il
est presque quatre fois plus fort que celui de Termonde.
Cette même règle,
préconisée pour la province, exige qu'on applique à Huy d'abord, puis à Liége,
les excédants de Verviers et de Waremme, puisque c'est Huy et Liège qui ont les
excédants les plus élevés. Par ce procédé, c'est Liège et non Verviers qui doit
obtenir le représentant de plus.
C'est par une même
application de cette règle que Huy, Liége et Waremme doivent profiler de
l'excédant de Verviers pour avoir 1 sénateur, puisque, de ce chef, la fraction
de Verviers est la plus faible des quatre.
Hors de cette règle, il
n'y a, répétons-le, sous couleur d'équité, que caprice, bon plaisir,
arbitraire, injustice.
Qu'importe maintenant le
rapport de l'honorable M. Dumortier, a l'appui de la thèse de M. le ministre de
l'intérieur ?
Voici ce que l'honorable
M. Dumortier dit à la page 6 de son rapport :
« La majorité a
répondu que, d'après la population, ni Alost, ni Termonde, n'avaient droit à un
représentant de plus, puisque le premier district n'a que 45 p. c. et le second
42 p. c. au-dessus du chiffre de ses représentants ; par conséquent, ce qu'on
leur accordait en sus, ils ne le tirent pas de leur propre droit, mais bien des
excédants des autres districts de la province. »
Mais, n'en est-il pas
ainsi d'après la règle suivie pour les provinces elles-mêmes et approuvée par
l'honorable M. Dumortier, règle en vertu de laquelle le Limbourg a le
représentant de plus à l'exclusion de la province de Namur ? N'est-ce pas en
vertu de cette même loi que tous les districts favorisés l'emportent sur les
autres ?
Si vous n'appliquez pas
cette règle à Alost et à Liège, vous avez donc deux poids et deux mesures,
suivant les circonstances.
L'honorable M. de Theux,
sur la même question, vous disait, le 6 mars, répondant à l'honorable M. Le Hon
:
« Mais, dit l'honorable
membre, il eût été plus juste cependant de donner la double représentation au
district qui a l'excédant le plus considérable ; car par votre système de
compensation, dit-il, vous faites détruire par le représentant de Termonde ce
que le sénateur d'Alost peut édifier au profit de son district.
(page 1104) « Eh bien, messieurs, c'est équilibrer les forces
parlementaires là où il y a équilibre de population. Le système que voudraient
y voir substituer les honorables MM. Le Hon et Lebeau serait un système
d'injustice, car ce serait donner tous les avantages à l'un et laisser tout le
détriment à l'autre. »
Ainsi vous l'entendez,
l'honorable M. de Theux veut que l'on équilibre les forces parlementaires là où
il y a équilibre de population. Il préconise ce système pour les
arrondissements de Termonde et de Verviers, au détriment des arrondissements de
Liège et d'Alost. Mais l'honorable M. de Theux oublie complètement ce principe,
quand il s'agit d'Ath et de Soignies. Ainsi il accorde tout à Soignies et rien
à Ath, après avoir établi une règle diamétralement contraire entre Termonde et
Alost, entre Liège et Verviers. Ou je m'abuse, ou M. le ministre est ici tout à
fait en contradiction avec le système qu'il préconise.
Remarquez, messieurs,
qu'Ath d'abord a deux représentants et une fraction de 13,679 habitants, et
qu'il a un sénateur et une fraction de 13,679 habitants.
Soignies a deux
représentants et une fraction de 16,549 habitants, et un sénateur et une
fraction de 16,549 habitants. Soignies a donc, dans vies deux cas, une fraction
plus forte qu'Ath.
Je suis d'avis qu'on fait
bien de donner à Soignies l'avantage au sénat et l'avantage à la chambre des
représentants. Mais que devient alors le système de l'équilibre ? Et si l'on
veut que, par un système de compensation, Termonde vienne faire équilibre dans
certains cas à Alost et Verviers à Liège, pourquoi ne voulez-vous pas qu'Ath
vienne faire à son tour équilibre à Soignies soit au sénat, soit à la chambre
des représentants ?
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je demande la parole.
M. Lebeau. - Les positions sont tout à fait
identiques, et c'est encore le cas de dire que vous avez ici deux poids et deux
meures.
Aussi, messieurs,
l'honorable M. de Theux, pour justifier l'opposition qu'il y a entre la manière
dont le projet de loi résout la question à l'égard d'Ath et Soignies et à
l'égard de Termonde et Verviers, ne s'est-il pas borné à la question de
chiffre. Vous l'avez vu invoquer, dans une séance précédente, une circonstance
entièrement étrangère aux bases du projet de loi. Il vous a parlé de la
population de fait, qu'il fallait défalquer dans deux cas, qu'il fallait
défalquer à Alost et qu'il fallait probablement défalquer à Liège ou bien à
Ath, à l’encontre de Soignies. Mais M. le ministre de l'intérieur n'a pas le
droit de faire cette distinction entre la population de fait et la population
de droit. Si le recensement n'a pas distingué la population de fait de la
population de droit, c'est par suite des instructions formelles du département
de l'intérieur. En vertu des arrêtés royaux contresignés par M. le ministre de
l'intérieur, en vertu des instructions données par ce même ministre, il a été
recommandé expressément de comprendre dans le recensement de 1847, comme on
datait fait dans le recensement de 1829, la population de fait avec la
population de droit, le seul système qui fût réellement praticable. On ne peut
donc argumenter pour certains districts de la population de fait.
Messieurs, je ne sais pas
même si la compensation ne serait pas un fait inconstitutionnel. Je doute que
nous ayons le droit de faire des compensations entre les représentants et les
sénateurs.
D'abord je fais remarquer
que la chambre des représentants occupe une section spéciale dans la
Constitution :
« SECTION PREMIÈRE.
« De la chambre des
représentants.
« Art. 47. La
chambre des représentants se compose des députés élus directement par les
citoyens payant le cens, etc.
« Art. 48. Les élections
se font par telles divisions de province et dans tels lieux que la loi
détermine.
«t Art. 49. La loi
électorale fixe le nombre des députés d'après la population ; ce nombre ne peut
excéder la proportion d'un député sur 40,000 âmes. Elle détermine également,
etc. »
Voilà donc, messieurs,
une première opération à faire, quand il s'agit de la répartition des
représentants, opération qui n'est pas prescrite par la loi, mais qui est
prescrite par la Constitution même.
Quand il s'agit du sénat,
messieurs, la Constitution ne s'exprime plus de la même manière. C'est d'abord une
rubrique différente.
« SECTION II.
« Du sénat.
« Art. 83. Les membres du
sénat sont élus, à raison de la population de chaque province, par les citoyens
qui élisent les membres de la chambre des représentants.
« Art. 54. Le sénat se
compose d'un nombre de membres égal à la moitié des députés de l'autre chambre.
»
Messieurs, il me semble
que l'article 49 de la Constitution donne aux populations un droit absolu,
indépendant de ce qui peut se pratiquer pour le sénat. Vous n'avez pas,
messieurs, le droit de venir infirmer cette prérogative qu'accorde la
Constitution, en donnant un représentant de moins et en le compensant par un
sénateur.
En tout cas, messieurs,
s'il pouvait constitutionnellement et équitablement y avoir compensation,
comment devrait-elle s'opérer ? Évidemment vous devriez la donner dans le sens
indiqué par les honorables MM. de Naeyer et Desmet. Ces honorables membres,
sans manquer, plus que je ne veux le faire moi-même, de respect au sénat, vous
ont fait voir que l'importance d'un représentant est en général, dans l'opinion
des districts, bien supérieure à l'importance d'un sénateur. Consultez-vous,
messieurs ; mettez-vous dans la position des districts menacés, et
demandez-vous, la main sur la conscience, si l'on vous offrait une compensation,
ce que vous choisiriez ? Et quant à la valeur respective (il s'agit, bien
entendu de la valeur d'influence politique, je ne veux manquer de respect à
aucune de nos institutions),il me semble qu'il y a quelque chose de plus
clairvoyant que tout ce que vous pouvez dire ici en faveur des districts
intéressés, c'est l'instinct même de ces districts, c'est le langage que ces
districts tiennent ; c'est l'appréciation qu'ils font de la compensation que
vous voulez leur offrir. Il faut y mettre, messieurs, une entière franchise, et
ne pas avoir l'air d'enrichir ceux que l'on veut dépouiller.
Mais, messieurs, le
système actuel repousse toute compensation.
Le système actuel procède
uniquement du droit, et la preuve qu'il procède du droit, c'est qu'il n'y a que
deux déviations à une règle générale : ce sont celles sur lesquelles nous
sommes occupés à discuter depuis plusieurs jours. Je le répète, le système de
compensation n'existe pas dans le projet. S'il existait, il faudrait
l'appliquer à la province de Namur pour près de 24,000 habitants qui ne sont
représentés ni au sénat ni à la chambre des représentants ; il faudrait
l'appliquer à Turnhout pour plus de 20,000 habitants qui ne sont représentés,
non plus, ni à la chambre des représentants ni au sénat.
Quant à l'argumentation
tirée des fractions centésimales, l'honorable M. de Naeyer en a déjà fait
justice. II y a à remarquer d'abord, qu'on additionne ensemble des fractions
qui n'ont pas une valeur égale, les unes exprimant de 40,000ème les autres de
80,000ème. Je vais faire voir en outre par un seul exemple, l'inanité de ces
calculs de fractions centésimales à l'aide desquels on veut établir le droit de
préférence accordé à Verviers et à Termonde.
Je prends le travail de
l'honorable M. Dumortier, page 6, et voici ce que j'y trouve. L'honorable M.
Dumortier réunit les fractions d'Alost pour les représentants et pour les
sénateurs, et les compare à celles de Termonde ; de cette manière il se trouve
que pour les représentants, Alost a 45/100 de fraction et que Termonde en a 42
; d'où l'on tire la conséquence singulière que la préférence doit être accordée
à Termonde. Pour les sénateurs Alost a une fraction de 75/100 et Termonde n'en
a qu'une de 21/100. Ainsi en additionnant les fractions, mais en n'additionnant
rien que les fractions, on trouve 118 d'un côté et 63 de l'autre, différence en
faveur d'Alost 55/100.
Si vous additionnez les
deux fractions de chaque côté pour Liège et Verviers, le même résultat se
présente : pour les représentants, Liège a 58/100 et Verviers seulement 50/100
; pour les sénateurs, Liège a 79/100 et Verviers 25/100. Total des fractions
réunies : pour Liège 137, pour Verviers 75 ; différence en faveur de Liège,
62/100. Le gouvernement ne donne donc rien à Alost pour 55/100 de plus que
Termonde ; il ne donne rien à Liège pour 62/100 de plus que Verviers.
J'ai déjà dit qu'il y a,
selon moi, une autre confusion faite par l'honorable rapporteur, c'est qu'il
combine des fractions, dont les unes représentent des 80,000èmes et les autres
des 40,000èmes. Il réunit un certain nombre de nominations, tandis que ces
nominations ne sont pas homogènes, que les unes s'appliquent à des sénateurs,
les autres à des représentants.
Voulez-vous un exemple,
messieurs, des singuliers résultats auxquels peuvent conduire les combinaisons
centésimales que l'honorable M. Dumortier a insérées dans son rapport ?
Supposons deux arrondissements en présence : l'arrondissement A,
l'arrondissement B. L'arrondissement A a 145,000 âmes de population,
l'arrondissement B 119,999. On donne trois représentants à l'arrondissement à ;
fraction excédante 25,000 ; on donne deux représentants à l'arrondissement B ;
fraction excédante 39,999. On donne un sénateur à chacun ; l'arrondissement A a
un excédant de 65,000 âmes ; l'arrondissement B a un excédant de 59,999 âmes,
et il y a un représentant de plus à classer. Pour ce représentant de plus à
obtenir, la fraction A a 90,000 d'excédant à invoquer, et la fraction B
seulement 79,998 ; différence en faveur de l'arrondissement A 10,002. A aurait ainsi
le représentant, malgré son déficit de 15,000 habitants ; et B, auquel il ne
manque qu'un seul habitant, ne l'aura pas !
Voilà, messieurs, où l'on
arrive avec le procédé de l'honorable M. Dumortier, reproduit dans la
discussion par plusieurs collègues. Je vous laisse à penser quelle est la
valeur de ce procédé et quelle est l'importance que vous pouvez attacher à
l'argument qu'on en tire. Je puis, messieurs, qualifier ce système par un seul
mot : on donne moins, dans les deux cas, à qui a plus, dans les deux cas.
Messieurs, vous pouvez
décider la question dans le sens de M. le ministre de l'intérieur. Une majorité
peut, même de très bonne foi, décider que 2 et 2 font 5 ; mais la vérité reste,
et, pour moi, j'ai la conviction absolue que ce que je soutiens, c'est que 2 et
2 font 4. Je dirai comme l'honorable M. de Naeyer, qu'il n'y a d'autre raison
que celle-ci : Sit pro ratione voluntas, en faveur du système proposé par le
gouvernement.
Messieurs, j'ai attaché
quelque importance à faire ressortir le vice absolu des deux dérogations à un
système que je crois vrai, que j'ai recommandé moi-même, dans les discussions
antérieures, à M. le ministre. J'insiste surtout pour qu'on ne pose pas un
nouveau précédent. On a posé en 1831 un précédent fâcheux. On a, selon moi,
consacré une véritable injustice aux dépens de la Flandre orientale et au
profit du Limbourg ; eh bien, messieurs, c'est cette dérogation à la règle très
juste (page 1105) posée par le
congrès national, à la règle de la loi de 1831, qui a exercé une influence
fâcheuse sur la nouvelle répartition des représentants et des sénateurs opérée
en 1839 en exécution du traité de paix. C'est alors que des députés, amis du
ministère, ont déclaré qu'on donnait au Limbourg un représentant pour 2,000
habitants.
Et, messieurs, pour
justifier ce qu'on faisait en 1839, on a argumenté de ce qui s'était fait en
1831 ; c'est ainsi qu'un précédent fâcheux est presque toujours productif d'un
nouvel abus. L'honorable M. Dumortier à son tour rappelle la loi de 1839, et aurait
pu en argumenter. Eh bien, j'attache à de pareils précédents la réprobation
qu'y attachait l'honorable et non suspect M. Verdussen, quand il disait que
c'était une injustice criante que de donner à une province un représentant pour
deux mille habitants.
Dans
le sénat, les mêmes protestations se faisaient entendre. Si nous maintenons le
système préconisé par M. le ministre de l’intérieur à l'égard de quatre
arrondissements, je crois que nous établirons un précédent dont tôt ou tard on
pourra abuser dans un intérêt de parti et dans une mesure peut-être beaucoup
plus large que celle dans laquelle on se renferme aujourd'hui. Voilà les
convictions qui ont dicté les considérations que je viens d'exposer à la
chambre. Je lui demande pardon de l'avoir occupée si longtemps, et, selon toute
apparence, si inutilement.
(page 1083) M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je commencerai par où
l'honorable préopinant a terminé son discours, et je dirai qu'il ne faut ni
beaucoup de temps, ni beaucoup de talent, pour prouver que 2 et 2 font 4 ; une
pareille thèse est claire et s'énonce en peu de mots. Mais il faut beaucoup de
temps et beaucoup de talent pour prouver que 2 et 2 font 5. Eh bien, c'est
précisément ce à quoi s'est attaché l'honorable membre dans un discours qui n'a
pas duré moins de sept quarts d'heure.
Messieurs, l'honorable
membre, revenant sur la discussion du congrès, quant au tableau de répartition,
vous a dit que le tableau, qui avait été présenté par la commission, avait subi
d'importants changements.
Nous-mêmes nous en étions
convenus ; et comme rapporteur de la commission, je n'ai pas hésité à faire cet
aveu ; et l'honorable M. Lebeau qui était membre de la commission avec notre
ancien collègue, M. Jottrand, avait approuvé le travail que j'avais présenté ;
il a donc participé à cet échec, si échec y a eu.
Mais je n'ai pas besoin
de descendre à un tel degré de modestie, ni pour moi, ni pour ces deux anciens
honorables collègues : j'ai dit que les renseignements nous avaient été fournis
d'une manière incomplète par le département de l'intérieur, et la raison en est
simple : c'est qu'il n'était pas dépositaire de toutes les archives et qu'ayant
alors dressé un tableau de répartition sur une population de 4 millions
d'habitants, on en était venu à reconnaître plus tard que la population était
de 4,100,000 habitants. J'ai ajouté qu'en suite une erreur avait été constatée,
en ce qui concernait l'une des deux Flandres.
Voilà donc des causes qui
ont dû amener un changement au tableau préparé par la commission. Mais ce que
j'ai dit, c'est que la commission et le congrès avaient admis le système de
compensation ; quant à la commission, cela n'est pas douteux ; quant au
congrès, cela n'est également pas douteux ; des chiffres vous ont été cités
tant par moi que par d'honorables collègues pour défendre le projet de loi en
discussion.
Et indépendamment de
cette compensation, en donnant à un district un sénateur, alors qu'on donnait à
un autre district un représentant, il y avait dans le système du congrès une
autre compensation résiliant des alternats. Le congrès avait donc cru qu'un
système de compensation était fondé sur la justice. Or, le congrès ne s'est pas
attaché à des compensations minutieuses ; mais il s'est attaché à de grandes
inégalités de chiffres.
L'honorable membre dit
que le projet de loi n'établit pas même le système de compensation de province
à province ; que le projet repose sur la plus forte fraction d'excédant de
population. Eh bien, messieurs, il se trouve que l'on peut envisager notre
projet comme reposant soit sur le système de compensation, soit sur le système
qui a été défendu par l'honorable membre, celui de la plus forte fraction, car
dans l'un et l'autre cas le résultat est le même.
Les provinces de Brabant
et de Liège ont ensemble 28 représentants et 15 sénateurs ; si l'on avait youlu
attribuer à ces deux provinces le même nombre de représentants, on aurait dû
leur en donner 30 Cependant personne ne le réclame ; on se contente de 28 représentants
et de 15 sénateurs pour les provinces de Brabant et de Liège. Par contre le
Limbourg et le Luxembourg, qui ont 10 représentants ensemble,, n'ont que 4
sénateurs ; et voilà comment l'équilibre se trouve maintenu et comment nous
arrivons au résultat total de 108 représentants et de 54 sénateurs.
L'honorable membre bous a
rappelé la discussion de 1839. Mais cette discussion et les opinions qui ont
été émises alors n'ont aucun rapport avec ce qui se passe aujourd'hui. A cette
époque, le Limbourg et le Luxembourg devaient subir un nouveau remaniement dans
leur représentation aux deux chambres.
Eh bien, messieurs, sous
l'influence du malheur qui avait frappé ces deux provinces, les chambres ont
usé de générosité, et ont forcé la fraction en faveur de ces deux provinces, en
réunissant l'excédant des autres provinces. Et voilà comment on est resté tout
à la fois dans le chiffre fixé par la Constitution et qu'on a pu en même temps
avoir égard à des considérations de politique et d'équité.
Messieurs, pour bien
apprécier la répartition que nous avons faite, veuillez fixer votre attention
sur ce point, que le vote de la chambre des représentants et le vote du sénat
ont en définitive le même résultat ; il s'ensuit que, d'après le nouveau
projet, une majorité de 55 voix à la chambre des représentants n'a pas plus de
valeur qu'une majorité de 28 sénateurs ; il s'en suit donc qu'il faut ramener
l'influence parlementaire dans chacune des deux chambres à la fraction de 100,
et vous aurez pour l'importance du vote d'un sénateur, 2, et pour l'importance
du vote d'un représentant, 1.
Partant de cette base,
voyons quelles seraient les conséquences du système qui a été préconisé par
l'honorable M. Lebeau.
Je passe au district de
Liège ; nous trouvons dans ce district 223,000 habitants ; dans celui de
Verviers, 100,143 habitants ; le projet de loi attribue au district de Liège
cinq représentant et trois sénateurs. Cela vaut donc 11 voix. Le projet
attribue au district de Verviers trois représentants et un sénateur, cinq voix.
Maintenant, suivant l'opinion de M. Lebeau, nous aurions pour Liège six
représentants et trois sénateurs, 12 voix ; et pour Verviers deux représentants
et un sénateur, 4 voix ; Liège aurait 12 voix, tandis que Verviers n'aurait que
4 voix dans la représentation nationale. Ces 8 voix de plus, Liège les
obtiendrait pour un excédant de 123,000 âmes.
Maintenant veut-on
admettre un autre système, donner un sénateur à Verviers et un représentant à
Liège ? Vous arriverez à ce résultat que Liège aura six représentants et deux
sénateurs, dix voix, et Verviers aura deux représentants et deux sénateurs, six
voix. Il suffit de signaler ces conséquences des deux systèmes proposés, soit
en changeant les sénateurs de place, soit en donnant tous les avantages à
Liège, pour voir qu'un pareil système est inadmissible. Il n'est pas étonnant
qu'on ait employé sept quarts d'heure pour démontrer que le projet du
gouvernement ne devait pas être adopté.
Quelle est la population
des districts d'Alost et de Termonde ? Le district d'Alost compte 138,211
habitants ; celui de Termonde en compte 96,818. Alost a trois représentants et
deux sénateurs, 7 voix ; Termonde a trois représentants et un sénateur, 5 voix.
Ainsi Alost a deux voix de plus que Termonde, d'après le projet du gouvernement,
pour une différence de 42 mille habitants. Je le demande, Alost a-t-il à se
plaindre ? Admettant le système de M. Lebeau, Alost aurait quatre représentants
et deux sénateurs, huit voix, et Termonde aurait deux représentants et un
sénateur, quatre voix ; de sorte qu'Alost aurait quatre voix de plus que
Termonde, pour une différence de 42 mille âmes.
Maintenant adoptons le
système de M. de Naeyer, donnons le sénateur à Termonde et le représentant à
Alost. Je dirai, en passant, que la chose n'est pas praticable, puisque les
deux sénateurs sont élus déjà à Alost ; mais si la chose était praticable,
Termonde aurait deux sénateurs, quatre voix et deux représentants ; ensemble,
six voix ; et Alost aurait un sénateur, deux voix et quatre représentants, six voix
; pour les 42 mille âmes qu'il a en plus, il n'aurait rien. Vous arriveriez à
cette anomalie qu'Alost aurait un sénateur et quatre représentants, tandis que
Termonde aurait deux sénateurs et deux représentants. Est-il possible de
défendre sérieusement une pareille thèse ?
On a parlé de Malines et
de Turnhout. Si on attribuait le sénateur à Turnhout, Turnhout aurait deux
sénateurs et deux représentants, tandis que Malines aurait trois représentants
et un sénateur. Je dis qu'il y a ici une circonstance spéciale, c'est que
l'excédant du chiffre se répartit entre Anvers et Malines, c'est ce qui fait
que la différence est moins saillante qu'entre Alost et Termonde, et Liège el
Verviers. D'ailleurs Malines es± en possession de ses trois représentants.
On a
réfuté ce que j'ai dit de l'équilibre à établir entre deux districts
différents. Pour être conséquent, il faudrait l'admettre aussi, a-t-on dit,
entre Soignies et Ath. C'est impossible, il n'y a qu'un représentant en plus
pour ces deux districts, le district auquel vous l'attribuerez, viendra rompre
l'équilibre ; s'il y avait à nommer un représentant et un sénateur, l'objection
pourrait être vraie. Si j'attribue le représentant à Ath, il rompra l'équilibre
dans une proportion plus forte parce que la population d'Ath est moins forte
que celle de Soignies. Il était impossible de faire autrement à moins de
rétablir l'alternat dont on ne veut plus.
Comme ma thèse est
claire, qu'elle repose sur une simple opération d'arithmétique, je borne là mes
observations.
M. Clep. - Messieurs, après les observations
pleines de justesse et de raison qui vous ont été présentées par mon honorable
collègue, M. Donny, en faveur de mon amendement, j'aurais pu me dispenser de (page 1084) rien
ajouter. Toutefois, je dirai quelques mots pour démontrer combien peu sont
fondées les objections du représentant de Dixmude.
La loi en vigueur
aujourd'hui accorde, comme vous le savez, messieurs, aux trois arrondissements
réunis de Furnes, d'Ostende et de Dixmude le droit de nommer un sénateur et
d'alterner avec Ypres pour l'élection d'un second membre au sénat.
Vous avez vu, messieurs,
que le projet de loi en discussion tend à donner aux arrondissements électoraux
de Furnes et d'Ostende réunis la nomination d'un sénateur, et celle d'un
deuxième membre du sénat à l'arrondissement de Dixmude exclusivement.
Ainsi, le projet de loi
accorde plus d'influence représentative à ces trois arrondissements réunis,
mais principalement en faveur de Dixmude, que la loi existant encore aujourd'hui.
Voyons maintenant sur
quoi aurait dû être basée cette augmentation d'influence électorale en faveur
principalement de Dixmude.
La population actuelle
des deux premiers arrondissements de Furnes et d'Ostende, se monte à 74,739.
Celle de ces arrondissements, en 1831, était de 65,464, et la population
actuelle de l'arrondissement de Dixmude est de 46,915. Elle était, en 1831, de
43,019.
La population des deux
arrondissements de Furnes et d'Ostende s'est donc accrue depuis 1831 dans une
proportion plus progressive que celle de l'arrondissement de Dixmude, et il y
aurait eu bien plus de raison et d'équité à accorder plus d'influence
représentative, ou tout au moins autant, aux arrondissements de Furnes et
d'Ostende réunis qu'à l'arrondissement de Dixmude.
Aussi le gouvernement
a-t-il compris la justice de ma réclamation, qui ne demande en faveur de Furnes
et d'Ostende, dans l'augmentation de l'influence électorale, qu'une part égale
à celle de l'arrondissement de Dixmude, et il s'est rallié à mon amendement.
D'autres considérations
eussent pu entrer encore en ligne de compte pour déterminer le gouvernement à
accorder aux deux arrondissements de Furnes et d'Ostende, tout au moins autant
d'influence représentative qu'à l'arrondissement de Dixmude. Ces deux
arrondissements comprennent, en effet, deux villes fortes avec ports de mer
d'une grande importance ; une troisième ville, celle de Furnes, chef-lieu d'un
arrondissement judiciaire, un commerce maritime très étendu et la pèche
nationale à laquelle prennent part le village de la Panne, les villes de
Nieuport et d'Ostende.
Eh bien, messieurs,
malgré l'importance de ces remarques et une population presque double, nous ne
demandons cependant aucune faveur au préjudice de Dixmude, mais nous nous
bornons à réclamer, par mon amendement, à être placés vis-à-vis de Dixmude et
avec son arrondissement sur la même ligne qu'en 1831, c'est-à-dire que le
projet de loi maintienne, comme à cette dernière époque, le concours des trois
arrondissements pour l'élection des deux sénateurs.
Nous savons tous, messieurs, que l'on ne peut pas déterminer
la représentation nationale avec une précision mathématique, mais ce que je
viens de dire réfute complètement, je pense, les objections de mon honorable
collègue de Dixmude ; aussi j'attends avec confiance la décision de la chambre
sur mon amendement auquel le gouvernement a bien voulu se rallier.
Un grand nombre de voix. - La clôture ! la clôture !
M. le président. - M. Delfosse a la parole sur la clôture.
M. Delfosse. - J'étais inscrit, après l'honorable
M. de Naeyer, pour parler contre le système de compensation que le projet de
loi applique à Liège et Verviers, à Alost et Termonde, et dont il s'écarte pour
Malines et Turnhout, et je désirerais présenter quelques observations ; elles
seront très courtes, car l'honorable M. Lebeau et d'autres orateurs ont dit à
peu près tout ce qu'il y avait à dire sur la question.
Je remercie l'honorable
M. Lebeau des efforts qu'il a faits, non dans l'intérêt de Liège el d'Alost,
mais dans l'intérêt de la justice, qui est évidemment violée par le projet de
loi, et je me garderai bien de lui adresser, comme l'honorable M. de Theux, le
reproche d'avoir parlé pendant sept quarts d'heure ; je dirai, au contraire,
que M. le ministre de l'intérieur, quoiqu'il ait parlé moins longtemps, m'a
paru plus long que l'honorable M. Lebeau.
M. de Naeyer. - Messieurs, je viens m'opposer à
la clôture ; je -n'ai pas l'habitude d'abuser de la parole. Je pense que sous
ce rapport on me rendra justice. Je désire présenter quelques nouvelles
considérations sur la question qui nous occupe ; si on ne veut pas m'entendre,
je me résignerai.
M. Lys. - Je viens prier la chambre de ne
pas fermer la discussion. L'assemblée vient d'entendre un discours très long en
faveur de Liège et contre les prétentions de Verviers ; on ne peut pas refuser
la parole à un député de Verviers, pour répondre à une partie de ce discours.
M. Dedecker. - Après la
discussion qui a eu lieu, je pense que maintenant la plupart des membres
doivent avoir leur opinion faite ; je ne tiendrai donc pas à prolonger ces débats.
Mais si on entendait encore un député d'Alost, je demanderais à la justice de
la chambre de m'accorder la parole pour prendre la défense des intérêts qui
m'ont été confiés,
M. Desmet. - A mon avis, l'honorable M. Lebeau a défendu la cause de la
justice. D'après la manière dont lui a répondu M. le ministre de l'intérieur,
on croirait cette question simple et claire comme deux et deux font quatre. Si
l'on veut entendre l'honorable M. de Naeyer, il prouvera qu'il n'en est pas
ainsi. J'insiste pour que la parole lui soit accordée.
M. de Breyne. - L'honorable
député de Furnes vous a présenté un amendement que j'ai combattu à la séance
d'hier ; et l'honorable député d'Ostende est venu prêter son secours au député
de Furnes. Vous venez d'entendre l'honorable M. Clep soutenir, par de nouvelles
considérations, l'amendement dont il est l'auteur. Je désirerais pouvoir
répondre aux discours de ces deux honorables collègues.
M. de Naeyer. - Je désirerais présenter quelques
nouvelles observations ; parce que la question a été dénaturée par mon
honorable collègue M. Dedecker. (Interruption.)
Messieurs, j'explique le
motif qui me détermine à insister pour avoir la parole.
Cet honorable membre
s'est attaché à des considérations qui auraient dû rester étrangères à la
discussion.
Voilà pourquoi je désire
prendre de nouveau la parole.
- La clôture est mise aux
voix ; l'épreuve est douteuse, en conséquence la discussion continue.
M. le président. - La parole est à M. de Naeyer.
M. de Naeyer. - Je commence par regretter le
temps que nous venons de perdre par la question de clôture qu'on a eu le tort
de soulever.
Messieurs, je pense qu'on
me rendra cette justice que, dans les observations que j’ai présentées contre
le système du gouvernement, je me suis renfermé rigoureusement dans les limites
naturelles de la question. J'ai écarté soigneusement tout ce qui pouvait
imprimer à cette discussion le caractère d'un débat de clocher à clocher ; je
regrette vivement qu'un honorable voisin, qui a parlé après moi, n'ait pas cru
devoir user de la même réserve.
L'honorable M. Dedecker,
qui a combattu mon opinion et soutenu chaleureusement le système du
gouvernement, nous avait annoncé d'abord qu'il ne voulait pas plaider une
question de localité, qu'il s'agissait, pour lui, d'une question d'un ordre
beaucoup plus élevée. Malheureusement après ce pompeux exorde, l'honorable
membre s'est appuyé, pour ainsi dire, exclusivement sur des considérations de
localité.
Je ne l'en blâme pas ;
car je crois qu'il serait difficile de discuter la question d'une autre
manière. Mais je me plains de ce qu'il s'est attaché à des considérations qui
auraient dû rester étrangères à la question, et qui, constitutionnellement
parlant, ne peuvent exercer aucune influence sur la décision que nous sommes
appelés à prendre.
En effet, quelle est la
seule et unique base posée par la Constitution, pour fixer le nombre des
représentants et des sénateurs, par conséquent aussi pour en faire la
répartition ? Cette seule et unique base, c'est la population. La
Constitution ne s'occupe en aucune manière ni de l'importance des communes, ni
de l'importance relative des populations ; elle s'attache au chiffre de la
population, rien qu'à cela.
Il paraît que mon
honorable contradicteur s'est trouvé un peu gêné dans ce cercle tracé par la
Constitution. En effet, cela se conçoit facilement. Quand on ne considère que
la population, la supériorité des droits des arrondissements de Liège el
d'Alost est évidente, palpable. A Alost, il y a un excédant de population de
plus de 42 mille habitants, relativement à l'arrondissement de Termonde ; et vous
voudriez que les deux arrondissements fussent représentés de la même manière
dans la chambre des représentants ! En plaçant la question sur ce terrain, le
seul constitutionnel, la thèse de nos adversaires devient extrêmement difficile
à soutenir.
On a trouvé convenable
d'aborder un autre ordre d'idées : La population, qui n'est que de 90 mille
habitants dans l'arrondissement de Termonde, a, a-t-on dit, une importance
relative plus grande que la population d'Alost. II faudrait en conclure que les
96 mille habitants de l'arrondissement de Termonde valent au moins 110 mille,
120 mille, que sais-je ? peut-être même 130 mille habitants d'Alost ? (Interruption.)
Messieurs, je vous avoue
qu'il me répugne beaucoup de suivre l'honorable membre sur ce terrain-là. Une
discussion de ce genre ne méritait pas les honneurs parlementaires, elle
n'était guère propre qu'à amuser les loisirs de nos bons commettants, lorsqu'il
leur prend envie (comme cela arrive quelquefois) de se livrer à certaines
querelles de clocher à clocher. Mais enfin, je dois cependant détruire les
évaluations, complétement fausses, auxquelles l'honorable M. Dedecker a été
entraîné.
Quelles sont donc les
puissantes considérations que l'on fait valoir pour établir cette supériorité
relative des habitants de Termonde sur les habitants d'Alost ? Voici comment on
a procédé.
Première considération ;
elle consiste à dire qu'il y a dans l'arrondissement de Termonde un électeur
sur 91 habitants, et dans l'arrondissement d'Alost un électeur sur 95
habitants. D'abord, cette considération est étrangère à la question ; car, aux
termes de la Constitution, le chiffre de la représentation nationale doit être
fixé, non d'après le nombre des électeurs, mais d'après le chiffre de la
population.
Ainsi vous avez d'un côté
la proportion d'un à 91 ; d'un autre côté, vous avez la proportion d'un à 95.
La différence n'est pas bien grande. Elle est, si je ne me trompe, de 4 1/2
pour cent. Mais voyons le résultat général. Le voici : c'est que malgré cette
différence de proportion, il y a dans l'arrondissement de Termonde 1,056
électeurs, et dans l\arrondissement d'Alost 1,444 électeurs, différence assez
sensible ; car elle est non pas de 4 1/2 pour cent, mais de 43 pour cent.
On veut donc accorder à
1,056 électeurs les mêmes droits qu'à 1,444 électeurs.
(page 1085) Evidemment, l'honorable membre a une opinion tout aussi
exagérée sur l'importance relative des électeurs que sur la supériorité
relative de la population.
Les électeurs sont dans
une proportion plus forte dans l'arrondissement de Termonde que dans
l'arrondissement d'Alost. D'où cela peut-il venir ? L'honorable M. Dedecker a
attribué cette différence à une plus grande importance commerciale,
industrielle, agricole. Mais il y a une autre petite cause qui paraît avoir
échappé à l'attention de l'honorable membre et que je vais vous faire
connaître. Cette toute petite cause qui peut quelquefois engendrer d'assez
grands effets, la voici : c'est que, dans l'arrondissement d'Alost, le cens
électoral est plus élevé que dans celui de Termonde. A Alost, pour être
électeur, il faut payer 84 fr. 64 c.
M. Dubus (aîné). - Dans la ville.
M. de Naeyer. - Sans doute ! Mais la ville fait,
je pense, partie de l'arrondissement.
Ce que je dis est une
vérité mathématique ; cela se trouve consigné dans des documents officiels.
Eh bien, messieurs,
quoique Termonde soit un port de mer, on y est électeur pourvu que l'on paye 74
fr. 6 c.
Quoique le cens électoral
soit plus élevé à Alost qu'à Termonde, nous avons cependant, sur une population
de 17,215 habitants, 261 électeurs. Si l'on y abaissait le cens électoral au
même niveau qu'à Termonde, bien certainement nous aurions au-delà de 300
électeurs. Car remarquez bien que la différence qui en résulte à notre
désavantage est de plus de 15 pour cent.
Messieurs, je vous
rappellerai à cet égard ce qui a eu lieu, lorsqu'il y a quelques années on a
commencé, pour établir le cens électoral, à déduire des contributions payées
les centimes additionnels au profit des provinces et des communes. La
différence qui en est résultée quant à la formation du cens électoral n'était
pas même une augmentation de 15 p. c. et cependant quelles en ont été les
conséquences ? Messieurs, je connais des communes où cela a eu pour résultat de
diminuer le nombre des électeurs d'une moitié.
Ainsi, messieurs, cet
argument que l'on a tiré du nombre relatif des électeurs, ne signifie
absolument rien ; on a attribué à une prétendue supériorité industrielle,
commerciale et agricole ce qui de fait n'est que le résultat d'un privilège. Ce
genre d'argumentation peut être très adroit, mais enfin cela n'est ni logique
ni même juste.
Messieurs, on s'est
attaché à une autre considération pour faire ressortir cette grande supériorité
du district de Termonde sur celui d'Alost. Cette autre considération, la voici
: On vous a dit : « Mais vous autres, vous n'avez que de très petites communes
; il est vrai que vous en avez un grand nombre, mais ce sont de petites
communes. Dans l'arrondissement de Termonde, il y a peu de communes, mais ce
sont de grandes, de fortes communes.
Messieurs, quand j'ai
entendu cette argumentation-là, je n'ai pu m'empêcher d'interrompre mon
honorable collègue et de lui dire : Cependant il y a dans l'arrondissement
d'Alost trois villes, et vous autres vous n'en avez qu'une seule et unique,
c'est Termonde. Mon honorable collègue m'a répondu : Oui, il y a trois villes,
mais quelles villes ! Eh bien, je vais lui faire connaître ces villes.
Nous avons d'abord la
ville d'Alost. Je vous ai déjà dit que sa population était de 17,000 et des
habitants, et qu'elle avait 261 électeurs, et que, sans le cens différentiel,
elle en aurait au-delà de 300.
En présence de ces
chiffres, voilà que je suis autorisé à dire que notre chef-lieu a une
importance double de celle du chef-lieu de l'arrondissement de Termonde. Car
Termonde n'a que 8,000 et quelques habitants et 144 électeurs. Or, d'après une
simple règle d'arithmétique incontestable, 17,000 forment bien le double de
8,000 et 300 et des forment bien le double de 144.
Avec Alost, nous avons
encore Grammont, qui est parfaitement connu de l'honorable membre et dont il ne
peut pas raisonnablement nier l'importance.
Messieurs, cette ville de
Grammont a une population de près de 8,000 habitants et 139 électeurs,
c'est-à-dire 5 électeurs de moins que Termonde ; et chose étonnante, messieurs,
la proportion entre les électeurs et les habitants est absolument la même que
pour Termonde. Voilà donc que notre seconde ville devient à peu près aussi
importante que la seule et unique ville de votre district.
Nous avons ensuite une
troisième ville, c'est Ninove. Elle a une population de 4,742 habitants et 109
électeurs ; c'est-à-dire un électeur sur 45 habitants. Nulle part, messieurs,
ni dans l'arrondissement de Termonde, ni dans l'arrondissement d'Alost, ni dans
aucun autre arrondissement de la Flandre orientale, vous n'avez une proportion
aussi favorable ; nulle part ailleurs vous n'avez un électeur sur 45 habitants.
Voilà donc, messieurs,
que la ville de Ninove, à laquelle je suis attaché par des liens tout spéciaux,
j'en conviens, devient, en vertu de la règle d'appréciation posée par mon
adversaire, relativement la plus importante de toute notre province. Je
voudrais bien accepter le compliment ; il est cependant un peu exagéré. En
résumé donc nous avons une population urbaine de près de 30 mille habitants,
c'est-à-dire à peu près quatre fois aussi importante que la population urbaine
de l'arrondissement de Termonde ; évidemment cela signifie quelque chose.
Messieurs, on a parlé des grandes communes de l'arrondissement de Termonde.
Oui, il y a des grandes communes dans l'arrondissement de Termonde. Je citerai
notamment la commune de Zele, qui se glorifie, à bon droit, d'avoir donné le
jour à un homme aussi distingué que l'honorable M. Dedecker... (Interruption.)
Cette commune est la plus
grande de l'arrondissement. Mais savez-vous quelle est la proportion des
électeurs par rapport aux habitants dans cette commune si importante ? Il y a
un électeur sur 96 habitants. Voilà donc que je devrai admettre, d'après votre
règle d'appréciation, que Ninove a une importance relative plus que double de
celle de Zele. Si cette conséquence très logique ne convient pas à l'amour
filial de mon honorable contradicteur, évidemment il doit retirer les principes
dont elle découle, principes qui forment cependant toute la base de son
argumentation.
L'argument tiré par
l'honorable membre de l'importance des communes, pour avoir quelque valeur,
devrait signifier que la population est plus agglomérée, plus compacte dans
l'arrondissement de Termonde que dans celui d'Alost. Or, c'est justement le
contraire qui a lieu. Il y a dans l'arrondissement d'Alost un habitant par 34
ares 16 centiares ; dans l'arrondissement de Termonde, la proportion n'est que
d'un habitant par 36 ares 12 centiares ; différence, en notre faveur, de près
de 6 p. c, et vous savez que mon honorable contradicteur ne néglige pas les
petites différences de 4 1/2 p. c, bien entendu quand elles militent en faveur de
sa thèse favorite.
Messieurs, l'honorable
membre s'est encore attaché à une autre considération, toujours pour soutenir
sa thèse favorite ; c'est l'accroissement de population. Il a trouvé que
l'arrondissement de Termonde avait une importance plus grande que celui
d'Alost, parce que là l'espèce humaine, depuis quelque temps, s'est multipliée
dans une proportion beaucoup plus grande. (Interruption.)
Messieurs, je ne sais ce
qui excite vos rires, ce que vous trouvez là de ridicule ; quant à moi, je ne
me ris pas du tout de cette grande fécondité de la population du district de
Termonde.
Je n'ai abordé cette
discussion, messieurs, qu'avec répugnance ; j'aurais voulu pouvoir m'en
abstenir. Mais il fallait bien répondre aux considérations plus ou moins en
dehors du projet que vous avait présentées l'honorable M. Dedecker, et j'ai
tâché de le faire.
Messieurs, je me suis
principalement attaché, pour combattre le système mis en avant par le
gouvernement, à deux arguments.
Je vous ai dit que ce
système n'était pas admissible, parce qu'il était arbitraire, parce que, dans
son application, il n'était soumis à aucune règle, à aucun principe ; parce
qu'on l'admettait dans un cas et qu'on le rejetait dans l'autre ; parce qu'on
le rejetait, par exemple, pour la province de Namur ; parce qu'on le rejetait
encore quand il est question de décider entre Turnhout et Malines ; parce qu'on
le rejetait quand il est question de décider entre Nivelles et Louvain ; parce
qu'on le rejetait encore quand il s'agissait de décider entre Tournay et Ath,
et qu'on l'admettait seulement dans deux cas spéciaux.
M. Lebeau. - Entre Soignies et Ath.
M. de Naeyer. - Non ; plutôt entre Tournay et
Ath. Tournay est doublement privilégié, et Ath est doublement négligé. Si vous
admettez le système des compensations, vous devez changer cet ordre de choses.
Vous avez à Tournay un député pour une fraction de population, et un sénateur
pour une fraction de population. Il existe à Ath une fraction pour les
représentants et une fraction pour les sénateurs, et ces deux fractions sont
négligées.
Ce qui me porte donc à
rejeter le système du gouvernement, c'est l'arbitraire qu'il consacre, et je
repousse l'arbitraire, non parce qu'il m'est nuisible, mais parce que c'est de
l'arbitraire, et je le repousserai toujours, sur les bancs de la gauche comme
sur ceux de la droite. Et la preuve évidente, messieurs, que le système
présenté par le gouvernement est entièrement arbitraire, c'est que je le défie
de formuler ce système de manière qu'on sache quand il doit être appliqué et
quand il ne doit pas l'être. C'est là une preuve évidente de l'arbitraire qui
domine dans ce système.
Il y a un autre motif qui
me détermine à repousser le système dont il s'agit, c'est qu'il agit réellement
à rebours. En effet, messieurs, c'est au nom de l'équité qu'on veut introduire
ce système ; et quel en est le résultat ? Mais le résultat en est, comme l'a
fort bien dit l'honorable M. Lebeau, d'accorder le plus à celui qui a le moins
de titres et d'accorder le moins à celui qui a le plus de titres. Ce résultat
n'est-il pas en opposition manifeste, flagrante avec le principe de l'équité,
que l'on prend pour base de ce système ? Je suis donc fondé à dire que c'est un
système qui opère à rebours.
Messieurs, on a contesté
que le droit de nommer un représentant est plus important que celui de nommer
un sénateur ; mais les considérations que j'ai fait valoir à l'appui de la
thèse contraire n'ont pas même été abordées. Est-il vrai, oui ou non, que les
attributions des représentants sont plus étendues ? Est-il vrai, oui ou non,
que la chambre des représentants a l'initiative de toutes les mesures de
dépenses ? Est-il vrai, oui ou non, que les mesures de dépenses peuvent avoir une
importance extrêmement grande pour une localité ? Est-il vrai, oui ou non, que
le contrôle des électeurs s'exerce tous les quatre ans sur les représentants,
et qu'il ne s'exerce que tous les huit ans sur les sénateurs ? Est-il vrai, oui
ou non, que dans ce contrôle plus fréquent se trouve une garantie, et une
garantie très forte de la bonne gestion des intérêts des électeurs, de la
défense active de leurs droits ? Maintenant de quoi s'agit-il ? De régler des
droits électoraux, de faire une distribution des droits électoraux. Eh bien,
qu'est-ce que le droit électoral ? C'est une garantie accordée à l'électeur de
la bonne gestion de ses intérêts.
(page 1086) Je suis donc fondé à dire que, pour apprécier
l'importance du droit électoral, vous n'avez qu'à mesurer l'importance de la
garantie accordée à l'électeur. Or, le contrôle qui s'exerce au bout de quatre
ans est certainement beaucoup plus important que celui qui ne s'exerce qu'au
bout de huit ans. Cela est clair comme le jour.
Je le répète, messieurs,
il ne faut pas même s'attacher aux attributions du sénat et de la chambre des
représentants ; ce n'est là que l'accessoire ; la question principale, c'est le
droit d'élection s'exerçant à l'égard des représentants et à l'égard des
sénateurs. Or, la valeur de ce droit est plus grande à mesure que la garantie
donnée à l'électeur devient plus grande, et cette garantie est plus grande
lorsque l'élection se renouvelle tous les quatre ans, que lorsqu'elle se
renouvelle seulement tous les huit ans. La différence est du double.
Messieurs, on a prétendu
que le système de compensation a été suivi en 1831. Je ne sais pas si je dois
revenir sur cette observation. L'honorable M. Lebeau, qui a pris une part très
large au décret de 1831, a, je pense, démontré à la dernière évidence, que le
système de compensation préconisé aujourd'hui, a été complètement abandonné en
1831.
Effectivement,
l'honorable M. Dubus a cherché avec soin s'il ne trouverait pas une toute
petite application de ce système dans la loi de 1831, et il en a découvert une,
mais c'en est une que je puis appeler homéopathique. Voici ce qui a eu lieu.
Il s'agissait de savoir
s’il fallait accorder un représentant en plus à Bruges ou bien à Courtray. Or
il est arrivé qu'on l'a accordé à Bruges, bien que Bruges eût une fraction de
population un peu moins élevés que la fraction excédante de Courtray ; il y
avait une différence de 19 habitants, ce qui ne faisait pas 1 par 1,000. Eh
bien, messieurs, s'agit-il aujourd'hui d'une différence de cette nature ?
S'agit-il encore une fois d'une différence de 1 par 1,000 ? Non c'est une
différence qui va de 10 à 15 par cent. C'est bien différent, mais c'est
toujours le même système.
M. Dubus (aîné). - C'est notre système, c'est le
système de l'honorable M. Lebeau qui veut dans tous les cas accorder tous les
avantages au chiffre le plus élevé, quelque faible que soit la différence.
M. de Naeyer. - Et votre système, s'il était
raisonnablement appliqué, devrait avoir pour résultat que jamais aucune
localité ne pût être doublement avantagée quels que fussent les excédants de
population. C’est ainsi qu’il est formulé dans l’exposé des motifs. Eh bien,
dans l’application vous reculez devant ce système, vous reculez devant les conséquences
de votre œuvre, cela a été démontré à satiété. En 1831, on a négligé une
différence qui n'était pas même d'un par mille, et cela, dit-on, par un
principe de compensation. Aujourd'hui on veut faire de la compensation même
avec une différence de 10 à 15 p. c., on n’en veut pas encore avec une
différence de 20 ou 30 p. c., et l'on viendra soutenir qu'il y a de l'unité
dans une telle conduite, qu'il s'agit là d'un système ! Mais vous voyez bien
que vous ne savez pas où vous vous arrêterez. II n'y a aucune limite fixée par
un principe, par une idée régulatrice ; c'est de l'arbitraire et rien que de
l'arbitraire.
Messieurs, on a prétendu
qu'Alost n'avait pas à se plaindre parce que déjà Alost jouit, depuis 1831,
d'une représentation exagérée au sénat.
On a oublié d'ajouter en
quoi consistait cette représentation exagérée. Alost avait une fraction très
forte pour obtenir la nomination d'un second sénateur ; cette fraction allait à
70 p. c. D'ailleurs s'il y avait sous ce rapport un avantage, personne évidemment
ne pouvait invoquer avec quelque apparence de raison un titre en concurrence
avec celui de l'arrondissement d'Alost. Mais si, sous ce rapport, il y a un
petit avantage, d'un autre côté, nous avons eu, depuis 1831, une fraction de
population assez importante qu'on a négligée, pour notre représentation dans la
chambre où j'ai l'honneur de siéger ; cette fraction est de 30 p. c. On n'est
donc pas fondé à dire que nous avons été privilégiés d'une manière quelconque.
On dit qu'après tout les
arrondissements de Liège et d'Alost n'auront pas à se plaindre, parce que Liège
n'a pas un droit absolu à la nomination de six représentants, ce district
n'ayant pas une population de 240,000 habitants.
D'un autre côté, le
district d'Alost n'a pas un droit absolu à la nomination de 4 représentants,
puisque la population est inférieure à 160,000 habitants.
Mais, messieurs,
s'agit-il ici de droits absolus ? Evidemment non ; il s'agit de prononcer entre
deux districts concurrents.
Dans cette position, à
quoi faut-il s'attacher ? A la recherche du droit absolu ? Mais non ; puisqu'il
s'agit de se prononcer seulement entre deux districts, il faut s'attacher
exclusivement au droit relatif le plus fort.
Et comment ! Liège
n'aurait pas à se plaindre ! Cependant la population de ce district est
supérieure de 123,000 habitants à celle du district de Verviers, de manière que
Liège a un droit rigoureux à avoir à la chambre des représentants 3
représentants de plus que Verviers. Et quel résultat amène le projet de loi ?
C'est que Liège n'aura que deux représentants de plus que Verviers. Evidemment
il y a là violation d'un droit relatif rigoureux.
La même observation est
applicable à Alost. Ce district a une population de 42,000 habitants de plus
que celui de Termonde, par conséquent Alost a un droit rigoureux à avoir un
représentant de plus que Termonde, parce que, pour avoir ce droit, il ne lui
faudrait que 40,000 habitants de plus, et Alost a 42,000 habitants de plus que
le district de Termonde.
Encore une fois avec
votre système de compensation, vous violez ce droit, vous le méconnaissez
complètement, puisque vous accordez le même nombre de représentants aux deux
districts.
Je veux bien qu'on fasse
de l'équité ; mais l'équité ne peut venir qu'en aide à la justice ; il ne faut
pas que l'équité vienne renverser le résultat que la justice indique ; il ne
faut pas que l'équité puisse entraîner la violation d'un droit. Cela est
évident.
L'honorable M. Dedecker a
dû reconnaître que le système que nous combattons, n'exclut pas l'arbitraire ;
mais il a ajouté que l'arbitraire est une chose pour ainsi dire inévitable,
quand il s'agit de procéder par voie d'équité.
Je ne partage pas cette
opinion ; l'équité a ses principes, ses règles qu'il faut respecter. Or, un
principe évident d'équité veut qu'on n'accorde pas le plus à celui qui a le
moins de titres et qu'on n'accorde pas le moins à celui qui a le plus de
titres. Un autre principe d'équité, c'est qu'on n'ait pas deux poids et deux
mesures. Cela est en quelque sorte élémentaire. Eh bien ! ces deux principes
d'équité, on les viole, on les foule aux pieds et l'on prétend sérieusement que
c'est là de l'équité !
Ne dites donc pas que
l'arbitraire est ici l'effet nécessaire d'un système d'équité ; cela n'est pas
; ce n'est pas de la bonne équité, il ne faut pas une équité élastique que l'on
peut arranger selon les intérêts, les passions du moment. Une semblable équité,
c'est de l'arbitraire. Pour faire de la bonne équité, il faut des règles, des
principes ; or, l'absence de principes et de règles, dans l'application du
système qu'on cherche à faire prévaloir, prouve évidemment que ce n'est pas ici
la bonne équité qu'on veut suivie.
Messieurs, ainsi que je
l'ai dit dans un premier discours, il s'agit avant tout de déterminer l'ordre
dans lequel nous devons procéder. A cet égard, la Constitution nous trace la
marche que nous avons à suivre. Qu'a fait la Constitution ? Elle a fixé avant
tout le nombre des membres de la chambre des représentants ; elle a fixé ce
nombre d'après la population. Ce n'est qu'en second lieu qu'elle s'est occupée
du nombre des sénateurs et elle a déterminé ce nombre d'après le nombre des
représentants. Voilà la marche que nous avons à suivre : faisons d'abord la
répartition des représentants ; faisons-la en prenant en considération la
population des différents districts ; et évidemment alors nous devrons donner
la préférence à la fraction la plus forte, parce que là existe le droit relatif
le plus fort.
La question des
compensations ne peut venir qu'en second lieu ; en faisant votre répartition
des sénateurs, si alors vous pouvez, sans anomalie, accorder une compensation à
tel ou tel district, je suis prêt à y donner la main ; mais je repousse le
système des compensations faites à priori, alors qu'aucun avantage n'est encore
accordé.
Vous avez rejeté le
système des alternats. Pourquoi l'avez-vous rejeté ? Vous ne l'avez pas rejeté,
parce qu'il n'est pas équitable ; tout le monde convient que c'est le système
le plus juste et le plus équitable, puisqu'il a pour objet de proportionner le
droit au titre ; mais vous l'avez rejeté, parce qu'il pouvait amener des
difficultés dans l'exécution.
Eh bien, si dans la seule
compensation équitable qui puisse être pratiquée, vous découvrez des anomalies,
des difficultés, des inconvénients, ce n'est pas, pour moi, une raison de faire
une mauvaise compensation.
C'est une raison pour
rejeter lotit le système et rien autre chose.
Messieurs, on s'est
récrié contre le système de la prépondérance numérique el les conséquences
qu'il pourrait entraîner. D'abord avec ce système il n'y a pas d'injustice
possible, nulle part il ne donne lieu à la violation d'un droit rigoureux ;
puisque vous attachez toujours le droit à la fraction la plus forte, vous
donnez la préférence au titre relatif le plus fort.
Mais après tout, ce
système n'est-il pas la base du régime constitutionnel ? N'est-ce pas la
prépondérance numérique qui obtient la préférence dans cette enceinte ?
N'est-ce pas la prépondérance numérique qui fait les lois ? Songe-t-on à
établir une compensation ?
Quand une majorité a fait
une loi sur un objet, propose-t-en d'accorder à la minorité par compensation le
droit de faire la loi sur un autre objet ? Dans les collèges électoraux,
n'est-ce pas la même chose ? Quand un candidat l'a emporté à une faible
majorité, par exemple à la majorité d'une voix ou même d'une demi-voix, la
minorité très forte qui s'est prononcée contre cette nomination pourrait dire
avec quelque raison qu'elle n'est pas représentée, que le candidat
qui a été élu ne représente pas ses intérêts, ses besoins, ses idées, ses
opinions à elle. Songe-t-on alors à faire de la compensation ? Dit-on à cette
minorité : Consolez-vous, nous n'avons pu vous accorder la nomination du
sénateur, par exemple, vous ne serez pas représentée au sénat, mais l'équité
veut que vous ayez quelque chose ; eh bien, vous nommerez le représentant.
Voilà des idées qui ne viennent à l'esprit de personne. C'est que la
prépondérance numérique est l'essence du régime constitutionnel. Il faut donc
admettre également ici cette règle, ce principe comme une nécessité
constitutionnelle, comme la base nécessaire du droit, sans cela, vous tomberez
dans l'arbitraire, dans le régime du bon plaisir dont je ne veux en aucune
manière. J'ai dit.
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Nous ne suivrons pas l’honorable représentant d'Alost dans
l'appréciation de l'importance relative des districts d'Alost et de Termonde ;
mais puisqu'il a reproduit l'accusation d'injustice contre le projet du
gouvernement, qu'il nous permette de reproduire l'accusation d'une injustice
bien autrement grave contre son projet.
Il est
bien facile de l'établir. Pour le sénat et pour la chambre, il y a à répartir
entre Alost et Termonde six représentants et trois sénateurs, ensemble douze
voix. La différence entre les populations des deux districts est de 41,363 en
faveur du district d'Alost ; eh bien, Alost obtient (page 1087) sept voix et
Termonde cinq ; il s'ensuit que pour 41,363 habitants de plus que Termonde.
Alost obtient deux voix de plus. M. de Naeyer voudrait qu'on lui en attribuât
trois en plus. Ne suffit-il pas d'exposer ces chiffres pour faire tomber d'un
coup tout son discours ?
Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !
M. Lys. - Je demande la parole contre la clôture. Messieurs, vous avez entendu
les discours de deux membres à l'appui de l'amendement présenté ; ces deux
discours ont tenu toute la séance, et vous n'avez pas entendu un seul membre
qui ait pris la parole pour rétorquer leurs arguments. Si la chambre veut bien
m'entendre, je m'engage à ne pas l'occuper plus de cinq minutes. Il y aurait
inconvenance, je dis même qu'il y aurait déni de justice à ne pas m'accorder la
parole en cette circonstance.
- La clôture est mise aux
voix, elle n'est pas adoptée.
M. le président. - La parole est à M. Delfosse.
M. Delfosse. - Je n'ai rien à ajouter au discours
plein de raison que vous venez d'entendre.
M. Lys. - Mon honorable ami M. Delfosse m'a
donné dans une précédente séance une petite leçon de conduite parlementaire ;
il a dit que j'aurais mieux fait de ne pas me mêler du débat et de laisser
parler ceux de mes collègues qui sont désintéressés dans la question ; que
Liège et Verviers ne devraient jamais se combattre dans cette enceinte, mais au
contraire toujours se donner la main. Il me semble que l'honorable membre n'a
pas remarqué que c'est précisément ainsi que je me suis d'abord conduit. A la
première séance, je n'ai pas pris la parole ; la discussion générale a été sur
le point d'être close.
L'honorable M. Lebeau
avait pris la parole contre mon système. M. le ministre de l'intérieur lui
avait répondu, je pensais qu'il y avait compensation ; mais dans la deuxième
séance l'honorable comte Le Hon est venu parler en faveur du système de M.
Lebeau, j'ai cru alors qu'il convenait que je prisse la parole en faveur du
district de Verviers. Si j'avais gardé le silence, on aurait pu en inférer que
Verviers n'avait rien de bon à objecter à l'amendement présenté.
L'honorable M. de Naeyer
vous a dit que Liège l'emportait sur Verviers, que Liège avait 1.37 à faire valoir,
tandis que Verviers n'avait que 0.75.
L'honorable membre n'a
pas remarqué que, dans la loi proposée, Liège recevait un sénateur en plus ;
que, par suite, au lieu d'avoir 4.57, il n'avait plus à faire valoir que 0.37
tandis que Verviers lui en oppose 0.75 ; peut-on donner à Liège un représentant
pour 37 centièmes, tandis que Verviers pour 75 n'en recevrait pas ? Vous
donneriez ainsi un représentant à qui il manque 2/3 pour y avoir droit et vous
le refuseriez à qui il ne manque qu'un quart, à Verviers ! Si nous consultons
le chiffre de la population, nous aurons la preuve évidente que le projet du
gouvernement, en ce qui concerne Liège et Verviers, est de la plus rigoureuse
exactitude.
La population du district
de Liège est de 223,121 habitants ; pour avoir droit à cinq représentants,
comme on les lui donne dans le projet, il faut 200 mille habitants ; ainsi de
ce chef il n'a que 23,121 habitants d'excédant ; mais d'un autre côté, on donne
à Liège trois sénateurs. Pour avoir droit à trois sénateurs, il faut 240 mille
habitants ; il lui manque donc là 16,879 habitants. Ainsi on a donné à Liège un
sénateur en plus, ce qui compense largement la perte qu'il fait sur le
représentant. Si vous donniez à Liège six représentants, Liège aurait un
déficit de 16,879 habitants pour ses représentants et un déficit de 16,879
habitants encore pour ses sénateurs.
De sorte que le déficit
serait de 33,758 habitants.
Si vous ne donnez pas à
Verviers un représentant de plus, ce district aura, pour la chambre des représentants, un
excédant de vingt mille cent quarante-trois habitant, pour le sénat un excédant
de vingt mille cent quarante-trois habitais. Ce qui fait un excédant de
quarante-mille deux cent quatre-vingt-six habitants. Ainsi à celui qui aurait
un déficit de 33,758 habitants vous donnerez un représentant. A celui qui
aurait un excédant de 40,286 habitants vous n'en donnerez pas.
Si, après avoir comparé
la population, nous comparons le nombre des électeurs des deux districts, vous
reconnaîtrez qu'il y aurait la même injustice. Elle serait même bien plus
forte. En effet, l'arrondissement de Liège a 2,095 électeurs ; celui de
Verviers en a 1,316. Ainsi, d'après le projet de loi qui donne cinq
représentants à l'arrondissement de Liège, on lui donnerait un représentant par
419 électeurs. Le projet de loi, en donnant trois représentants à
l'arrondissement de Verviers, lui en donnerait un par 438 électeurs.
Ainsi
le nombre des électeurs est, relativement à la population, plus considérable à
Verviers.
Si vous admettez les prétentions
de l'amendement de l'honorable M. Lebeau, l'arrondissement de Liège aura un
représentant par 349 électeurs ; l'arrondissement de Verviers n'en aura qu'un
par 658 électeurs.
Vous voyez l'énorme
différence ; elle serait de près de moitié.
Je crois que cela
démontre combien il y a de justice d'admettre la proposition du gouvernement,
en ce qui concerne Liège et Verviers.
M. Dedecker. - Je ne tiendrai pas la chambre
longtemps. Je conçois parfaitement qu'elle ait hâte d'en finir.
Au début de la séance
actuelle, l'honorable M. Lebeau a défendu de nouveau, comme vient de le faire
l'honorable M. de Naeyer, leur opinion primitive qui consiste à ne reconnaître
à la loi de 1831 que la seule base de la préférence à accorder aux excédants de
population les plus élevés.
Je crois inutile
d'examiner de nouveau ce système ; les convictions de part et d'autre sont
formées ; je ne pense pas que les considérations qu'on pourrait faire valoir
dans un sens ou dans un autre, pourraient y rien changer.
Il me tarde de faire
remarquer cependant que cette argumentation est surabondante, qu'elle n'est
nullement concluante. Sans doute, messieurs, il est à désirer qu'il y ait de
l'esprit de suite dans la législation, qu'on respecte les traditions parlementaires,
qu'on évite autant que faire se peut de modifier profondément le principe des
lois qu'on est appelé à réviser. Mais, ne le perdons pas de vue, avant tout il
faut tâcher de faire des lois justes, sans trop se préoccuper des antécédents
parlementaires.
Ainsi, en supposant même
que le système de compensation ne fût pas consacré par la loi de 1831, encore
faudrait-il prouver que dans les cas spéciaux auxquels on propose de
l'appliquer, notamment pour les arrondissements de Termonde et d'Alost, la compensation
ne serait pas rationnelle et équitable. Or, la position respective de ces
arrondissements vous prouve que la compensation est le seul moyen d'arriver à
ce qui constitue le but de la loi, c'est-à-dire à la répartition la plus exacte
possible de la population. C'est pour ce motif que j'ai demandé la conservation
dans la loi d'un principe d'équité, représenté par la formule de la
compensation. En général, je l'avoue franchement, je ne suis point partisan des
principes d'équité, en ce sens que, dans leur application, ils prêtent plus ou
moins à l'arbitraire. Mais, parce qu'on redoute un arbitraire possible dans
l'avenir, faut-il consacrer, en ce moment, une injustice réelle ?
Dans le projet de
répartition proposée par le gouvernement, y a-t-il | arbitraire ? Voilà toute
la question.
Car, ne trouvant qu'une
population insuffisante pour donner ouverture à un droit rigoureux, nous devons
bien avoir forcément recours à l'admission d'un principe d'équité.
Que vous demande
l'arrondissement d'Alost ? Car je ne sais plus vraiment quelles sont ses
prétentions. L'honorable M. Lebeau demande que le représentant en plus soit
attribué à Alost ; c'est-à-dire que le district d'Alost aurait 4 représentants
et conserverait 2 sénateurs, tandis que celui de Termonde ne conserverait que
ses 2 représentants et son seul sénateur. El pourquoi tous ces avantages
accumulés en faveur du district d'Alost ? Parce qu'il manque au district de
Termonde 2,000 habitants pour avoir le même droit que celui d'Alost à la
nomination du représentant en plus. On parle de violations de principes,
d'anomalies ; c'est là que je trouve la violation d'un principe, c'est là que
je signale une anomalie !
Messieurs, cette
prétention, cette proposition de l'honorable M. Lebeau a paru tellement
exorbitante même aux honorables membres qui représentent spécialement le
district d'Alost et aux habitants même d'Alost, qu'ils n'osent pas aller
jusque-là ; ils se contenteraient de volontiers moins.
Alost ne demande pas,
paraît-il, à obtenir un représentant en plus, tout en conservant son deuxième
sénateur ; non, ce district fait bon marché d'un de ses deux sénateurs, pourvu
qu'on lui accorde un nouveau représentant. C'est en ce sens qu'a parlé
l'honorable M. de Naeyer ; c'est en ce sens, si je ne me trompe, qu'est
formulée la pétition d'Alost déposée suc le bureau.
Malheureusement,
messieurs, en voulant éviter une anomalie on en rencontre une autre infiniment
plus choquante. En effet, dans ce système, le district d'Alost aurait quatre
représentants et seulement un sénateur ; celui de Termonde aurait le même
nombre de représentants que de sénateurs. En d'autres termes, le district
d'Alost serait représenté à la chambre en raison de 160,000 habitants, et, au
sénat seulement en raison d'une population de 80,000 habitants ! Ce seul
rapprochement me paraît tellement choquant que je ne puis considérer cette
proposition comme sérieuse.
M. Desmet, lui, met en
avant un autre système, qui consiste à demander le rétablissement de
l'alternat, dont personne ne veut plus. En définitive, que veut donc
l'arrondissement d'Alost ? Voici donc, messieurs, comment il convient
d'envisager la position respective des deux districts. Le district d'Alost
ayant été privilégié depuis seize ans, pour sa représentation au sénat, en ce
sens qu'il a eu, depuis seize ans, un deuxième sénateur auquel il n'avait pas
un droit rigoureux, il faut aujourd'hui tenir compte de cet avantage. Il ne
faut donc pas lui accorder par la loi actuelle un représentant de plus, alors
que l'excédant de population donnant droit à cette augmentation de
représentation, est à peu près le même pour les deux districts. Messieurs, je
n'insisterai pas davantage.
L'honorable M. de Naeyer,
attachant une importance exagérée à des considérations secondaires que je
n'avais fait valoir que pour prouver l'importance du district qu'on propose de
sacrifier à celui d'Alost, a trouvé l'occasion d'exercer sa verve. Nous savions
tous que notre honorable collègue a beaucoup d'esprit ; il nous en a donné une
preuve rigoureux à une augmentation de représentation, pas plus que celui de
Termonde, qu'il faut donc recourir à l'application d'un principe d’équité. Or,
dans une question d'équité il y a beaucoup de considérations dont on doit tenir
compte et qui, dans d'autres circonstances, pourraient être négligées ; car si
je ne veux pas que l'une population soit sacrifiée à l'autre, je ne veux pas,
moi non plus, de l'arbitraire ; je ne veux que l'équité.
(page 1088)
Messieurs, je termine. Je ne demande qu'une chose, c'est que la chambre juge la
question qui lui est soumise avec son bon sens ordinaire, avec sa bonne foi
ordinaire.
- La clôture est
demandée.
M. de Breyne (contre la clôture). - Messieurs, je
voudrais que la chambre me permît de dire quelques mots.
M. Desmet (contre la clôture). - Messieurs, je
n'aurai que deux mots à dire. Je désire faire observer que M. le ministre de
l'intérieur n'a nullement répondu à nos discours.
- La clôture est mise aux
voix et prononcée.
_________________
M. le président. - Le premier amendement se rattache
à la Flandre occidentale. C'est celui de M. Clep, ainsi conçu :
« Les arrondissements de
Furnes, d'Ostende et de Dixmude éliront ensemble deux sénateurs. »
Je mets cet amendement
aux voix.
Plusieurs membres. - L'appel nominal !
- Il est procédé au vote
par appel nominal sur l'amendement de M. Clep.
73 membres répondent à
l'appel nominal.
35 votent l'adoption.
36 votent le rejet.
2 (MM. Mercier et Eloy de
Burdinne) s'abstiennent. En conséquence l'amendement n'est pas adopté.
Ont voté l'adoption : MM.
Henot, Huveners, Lejeune, Malou, Mast de Vries, Orban, Rodenbach, Scheyven,
Simons. Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Vilain XIIII, Wallaert, Brabant,
Clep, d’Anethan, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Haerne, de Lannoy, de Man
d’Attenrode, de Meester, de Mérode, de Saegher, de Sécus, Desmet, de Terbecq,
de Theux, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Dumortier, Fallon.
Ont voté le rejet : MM.
Joint, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Liedts, Loos, Lys, Manilius, Nothomb, Orts,
Pirmez, Pirson, Rogier, Sigart, Troye, Verhaegen, Veydt, Anspach, Biebuyck,
Cans, Castiau, David, de Bonne, de Breyne, de Brouckere, de Garcia de la Vega,
Delehaye, Delfosse, d’Elhoungne, de Naeyer, de Renesse, de Tornaco, de
Villegas, d’Hoffschmidt, Dolez, Fleussu.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus
sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Mercier. - Messieurs, je me suis abstenu
parce que, d'une part, je reconnais que des considérations d'équité militaient
en faveur de l'amendement, mais que, d'autre part, je crois que cet amendement
était contraire au principe admis dans d'autres dispositions de la loi.
M.
Eloy de Burdinne. - Messieurs, je me suis abstenu parce je reconnais que diverses
considérations militaient en faveur de l'amendement, mais que, d'autre part, il
était contraire au principe que j'ai défendu, qu'il est utile de ne pas avoir
des districts électoraux trop étendus.
_________________
M. le président. - Je mets aux voix la disposition
introduite dans le projet par la section centrale, et à laquelle M. le ministre
de l'intérieur s'est rallié :
« Ces deux
arrondissements éliront ensemble un sénateur ; le bureau principal est établi à
Furnes. »
- Cette disposition est
adoptée.
__________________
M. le président. - Nous passons à la Flandre
orientale. M. Lebeau propose un amendement ainsi conçu :
« Arrondissement
d’Alost : quatre représentants, deux sénateurs.
« Arrondissement de
Termonde : deux représentants, un sénateur. »
Je mets cet amendement
aux voix.
- Le vote par appel
nominal est demandé. En voici le résultat :
73 membres prennent part
au vote.
29 votent pour
l'amendement.
44 votent contre.
En conséquence,
l'amendement n'est pas adopté.
Ont voté pour
l'amendement : MM. Jonet, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Loos, Manilius, Orts,
Pirson, Rogier, Sigart, Verhaegen, Anspach, Cans, Castiau, de Bonne, de Breyne,
de Brouckere, de Haerne, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de Naeyer, de Sécus,
Desmet, de Tornaco, de Villegas, d'Hoffschmidt, Dolez, Fleussu.
Ont voté contre : MM.
Henot, Huveners, Lejeune, Liedts, Lys, Malou, Mast de Vries, Mercier, Nothomb,
Orban, Pirmez, Rodenbach, Scheyven, Simons, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde,
Vandensteen, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Biebuyck, Brabant, Clep, d'Anethan,
David, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Garcia de la Vega, de Lannoy, de
Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Renesse, de Saegher, de Terbecq, de
Theux, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Dumortier, Eloy de Burdinne,
Fallon.
_______________
M. le président. - Un second amendement présenté par
M. Lebeau concerne la province de Liège ; il est ainsi conçu :
« Arrondissement de
Liége, six représentants, trois sénateurs.
« Arrondissement de
Verviers, deux représentants, un sénateur. »
- Cet amendement est mis
aux voix ; il n'est pas adopté.
________________
M. le président. - Reste l'article premier tel qu'il
est proposé par la section centrale.
« Art. 1er. Le tableau de
la répartition des représentants et des sénateurs annexé à l'article 55 du
décret du 3 mars 1831, modifié par la loi du 3 juin 1839, est remplacé par le
tableau suivant :
« Anvers. »
10 représentants et 5
sénateurs :
« Arrondissement
d'Anvers. Cinq représentants, deux sénateurs.
« Arrondissement de
Malines. Trois représentants, deux sénateurs.
« Arrondissement de
Turnhout. Deux représentants, un sénateur.
« Brabant.
« 17 représentants
et 9 sénateurs.
« Arrondissement de
Bruxelles. Neuf représentants, cinq sénateurs.
« Arrondissement de
Louvain. Quatre représentants, deux sénateurs.
« Arrondissement de
Nivelles. Quatre représentants, deux sénateurs.
« Flandre occidentale.
« 10 représentants
et 8 sénateurs.
« Arrondissement de
Bruges. Trois représentants, un sénateur.
« Arrondissement
d'Ypres. Trois représentants, un sénateur.
« Arrondissement de
Courtray. Trois représentants, deux sénateurs.
« Arrondissement de
Thielt. Deux représentants, un sénateur.
« Arrondissement de
Roulers. Deux représentants, un sénateur.
« Arrondissement de
Furnes. Un représentant.
« Arrondissement
d'Ostende. Un représentant.
« Ces deux derniers
arrondissements éliront ensemble un sénateur ; bureau principal est établi à
Furnes.
« Arrondissement de
Dixmude. Un représentant, un sénateur.
« Flandre orientale.
« 20 représentants
et 10 sénateurs
« Arrondissement de
Gand. Sept représentants, trois sénateurs.
« Arrondissement
d'Alost. Trois représentants, deux sénateurs.
« Arrondissement de
St-Nicolas. Trois représentants, deux sénateurs.
« Arrondissement
d'Audenarde. Trois représentants, un sénateur.
« Arrondissement de
Termonde. Trois représentants, un sénateur.
« Arrondissement
d'Eecloo. Un représentant, un sénateur.
« Hainaut.
« 18 représentants
et 9 sénateurs.
« Arrondissement de
Mons. Quatre représentants, deux sénateurs.
« Arrondissement de
Tournay. Quatre représentants, deux sénateurs.
« Arrondissement de
Charleroy. Trois représentants, deux sénateurs.
« Arrondissement de
Thuin. Deux représentants, un sénateur.
« Arrondissement de
Soignies. Trois représentants, un sénateur.
« Arrondissement
d'Ath. Deux représentants, un sénateur.
« Liège.
« 11 représentants
et 6 sénateurs
« Arrondissement de
Liège. Cinq représentants, trois sénateurs.
« Arrondissement de
Huy. Deux représentants, un sénateur.
« Arrondissement de
Verviers. Trois représentants, un sénateur.
« Arrondissement de
Waremme. Un représentant, un sénateur.
« Limbourg.
« 5 représentants et
2 sénateurs.
« Arrondissement de
Hasselt. Deux représentants, un sénateur.
« Arrondissement de
Tongres. Deux représentants.
« Arrondissement de
Maeseyck. Un représentant.
(page 1089) « Ces deux derniers arrondissements éliront
ensemble un sénateur ; le bureau principal est établi à Tongres.
« Luxembourg
« Arrondissement
d'Arlon. Un représentant.
« Arrondissement de
Bastogne. Un représentant.
« Arrondissement de
Marche. Un représentant.
« Arrondissement de
Neufchâteau. Un représentant.
« Arrondissement de
Virton. Un représentant.
« Les
arrondissements réunis de Neufchâteau et de Virton éliront un sénateur ; le
bureau principal est établi à Neufchâteau.
« Les
arrondissements d'Arlon, de Bastogne et de Marche éliront également ensemble un
sénateur ; le bureau principal est établi à Arlon.
« Namur.
« 6 représentants et
5 sénateurs.
« Arrondissement de
Namur. Trois représentants, un sénateur.
« Arrondissement de
Philippeville. Un représentant.
« Les
arrondissements de Namur et de Philippeville éliront alternativement un
sénateur. La première élection appartiendra à Philippeville.
« Arrondissement de
Dinant. Deux représentants, un sénateur. »
- Cet article est mis aux
voix et adopté.
« Dispositions
transitoires.
Article 2
« Art. 2. La présente
répartition sera appliquée aux élections pour le renouvellement partiel ou
intégral des chambres.
« Les membres des deux
chambres à élire, en exécution de la présente loi, pour les provinces dont la
députation n'est pas renouvelée cette année, ne seront nommés que pour le délai
qui reste à courir jusqu'à l'expiration du mandat des districts qu'ils seront
appelés à représenter. »
- Adopté.
Considérants
M. le président. - M. Le Hon a proposé d'ajouter aux
considérants ces mots : « Vu les articles 49 et 55 de la Constitution. »
M. Dubus (aîné). - Messieurs, j’appellerai
l'attention de la chambre sur le nouveau système dans lequel on veut la faire
entrer : c'est d'ajouter à la loi des considérants. Je ferai remarquer que cela
est contraire à tous les précédents parlementaires. Soit au congrès, soit à la
chambre, on a toujours été d'avis que les lois n'auraient ni motifs ni
considérants. Je me rappelle que plus d'une fois, sur la proposition de l'honorable
M. de Brouckere, on a supprimé les considérants qui étaient joints à un projet
de loi.
A cet
égard, messieurs, j'appelle l'attention de la chambre sur la loi électorale
elle-même. S'il y avait une loi en tête de laquelle il aurait été convenable de
rappeler les articles 49 et 55 de la Constitution, c'est la loi électorale. Eh
bien, vous ne lisez pas en tête de cette loi : « Vu les articles 49 et 55 de la
Constitution. » Pourquoi ajouterait-on cette phrase en tête du projet actuel ?
Je n'en vois réellement pas la nécessité, et ce serait contraire, je le répète,
à la règle que les chambres se sont prescrite jusqu'ici dans la rédaction des
lois.
M. Le Hon. - Messieurs, si le projet de loi
n'était précédé d'aucune considération, si l'on ne relatait, avant l'article
premier, aucune loi antérieure, je n'aurais certes pas soulevé l'objection ni
présenté de proposition formelle. Mais quel est le début du projet de loi ?
« Vu les résultats du
recensement de la population du royaume, opéré le 15 octobre dernier ;
« Vu le décret du 3
mars 1831 et la loi du 3 juin 1839 ;
« Les chambres ont adopté
et nous sanctionnons ce qui suit. »
J'ai
demandé que l'on fit précéder ces mots par ceux-ci : «< Vu les articles 49
et 55 de la Constitution.» Je ne comprends pas que, lorsque vous voulez, en
conformité de ces dispositions constitutionnelles, compléter le chiffre des
membres de la représentation nationale, et lorsque vous rappelez des lois
secondaires, vous ne mentionniez pas le principe, l'origine de ces lois.
Pourquoi ces lois
ont-elles été faites ? Sans doute comme corollaires de la Constitution, dont
elles organisaient l'exécution, et comme conséquence des articles 49 et 55. Dès
lors, ou vous devez effacer toute mention des lois antérieures, ou vous devez
mentionner la loi des lois, les articles 49 et 55 de la Constitution.
Je propose donc la
suppression de tous considérants, ou l'adjonction de la mention des articles 49
et 55 de la Constitution.
M. Dubus (aîné). - L'honorable préopinant a tout à
fait raison, s'il suppose que ce qui se trouve en tête du projet de la section
centrale, doit se trouver en tête de la loi. Mais il n'en est pas ainsi. Les
considérants qui se trouvent en tête du projet de la section centrale sont le
résultat d'une erreur d'impression. Car ces considérants ne se trouvent pas
visés en tête du projet de loi qui nous a été soumis par le gouvernement ; ils
sont simplement visés en tête de l'arrêté royal qui charge le ministre de
présenter ce projet.
Voici ce que nous
trouvons en tête du projet présenté par le gouvernement :
« Le projet de loi dont
la teneur suit sera présenté en notre nom à la chambre des représentants, par
notre ministre de l'intérieur :
« Loi
sur la répartition des représentants et des sénateurs.
« Art. 1er. Le
tableau, etc. »
Il n'y a aucun
considérant.
Mais le Roi, dans
l'arrêté par lequel il ordonne que ce projet de loi sera présenté en son nom à
la chambre des représentants, prend en considération les résultats du recensement,
et il vise le décret du 3 mars 1831. Ce sont, je le répète, les motifs de
l'arrêté royal et nullement les motifs du projet.
Ainsi, l'honorable membre
est bien fondé à demander le retranchement des considérants qui se trouvent en
tête du projet de la section centrale et qui ne s'y trouvent que par erreur.
M. Le Hon. - Je n'ai demandé la mention de la
loi constitutionnelle, que parce que j'ai vu le visa d'une loi secondaire. S'il
est supprimé, cela ne préjuge rien ni pour, ni contre mon système, et par
conséquent, je n'insiste pas.
- La chambre, consultée,
décide que les considérants seront supprimés.
M. le président. - Nous arrivons à l'amendement de M.
Castiau.
Plusieurs membres. - A demain !
PROJET DE LOI TENDANT A PROROGER LE DELAI D’EXECUTION DU CHEMIN DE FER
DU LUXEMBOURG
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay). -
Messieurs, j'ai l'honneur de présenter à la chambre un projet de loi tendant à proroger
le délai d'exécution du chemin de fer du Luxembourg.
- Il est donné acte à M.
le ministre de la présentation de ce projet de loi. Il sera imprimé et
distribué.
La chambre le renvoie à
la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif à la concession du
chemin de fer du Luxembourg.
MOTION D’ORDRE
M. Delehaye. - Messieurs, le gouvernement vient
de présenter ce projet de loi, évidemment dans le but de procurer du travail à
la classe ouvrière. Depuis trois semaines, l'adjudication du canal de
Schipdonck a eu lieu ; jusqu'à présent on n'a pas mis la main à l'œuvre, parce
que le gouvernement n'a pas approuvé l'adjudication.
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay). -
Elle est approuvée depuis deux jours.
M. Delehaye. - La décision n'a pas encore paru au
Moniteur ; du reste, je remercie M. le ministre de l'avoir prise.
- La séance est levée à 4
heures et demie.