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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 17 mars 1847

(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)

(Présidence de M. Vilain XIIII, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1163) M. Huveners procède à l'appel nominal à midi trois quarts.

M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.

« Les notaires du canton de Cumptich présentent des observations contre le projet de loi sur le notariat. »

« Les notaires cantonaux de l'arrondissement judiciaire d'Ypres déclarent adhérer aux observations faites par leurs collègues de l'arrondissement de Gand, sur le même projet de loi. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Le sieur Vasmeer, employé à Stockheim, né à Maestricht, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur Gervais demande que le bénéfice du projet de loi, annoncé par le gouvernement, pour étendre les exemptions du droit d'enregistrement sur les naturalisations, s'applique aussi à ceux qui, nés en Belgique d'un père étranger et d'une mère née en Belgique, ont négligé de faire la déclaration prescrite par l'article 133 de la Constitution.»

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs fabricants, négociants et ouvriers de la commune de Mozet demandent qu'on fasse le relevé des grains qui se trouvent dans le pays, et qu'une loi en ordonne la vente. »

M. de Baillet. - Je proposerai le renvoi de cette requête à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Legrand, cantonnier au canal de Pommerœul à Antoing, demande une récompense honorifique pour divers actes de dévouement. »

- Même renvoi.


« Les avoués près le tribunal de première instance de Nivelles demandent la prompte discussion du projet de loi qui augmente le personnel de ce tribunal, et prient la chambre d'adjoindre à ce tribunal un second commis-greffier, et de s'occuper du projet de loi relatif à la révision du tarif des frais en matière civile. »

- Renvoi aux sections centrales chargées d'examiner les projets de loi.


M. le président. - Conformément à la décision d'hier, le bureau a nommé M. Vandensteen pour être adjoint à la commission chargée d'examiner le projet de loi relatif à la délimitation des communes de Lambusart et de Moignelée.

Voici la composition de la commission chargée d'examiner les projets de loi présentés par M. Lebeau et par M. Nothomb, alors ministre des travaux publics : MM. Lys, Lejeune, Veydt, Dubus (aîné), Lebeau, de Man d'Attenrode et Nothomb.

Rapports sur des pétitions

M. Clep, rapporteur. - Messieurs, dans la séance du 13 février 1847, vous avez renvoyé à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport, la requête de M. Deyn, notaire à Ninove, qui présente des observations relatives au projet de loi sur le notariat.

Le pétitionnaire fournit des renseignements sur les inconvénients de la nomination d'un trop grand nombre de notaires, sur la délicatesse et la dignité de ces fonctions honorables, et sur les dangers résultant pour le public de la tolérance du gouvernement à permettre l'enregistrement et la transcription d'actes portant une ou plusieurs croix pour signatures.

Ces renseignements se rattachent, messieurs, à des mémoires et à des écrits nombreux adressés à la chambre depuis la présentation du projet de loi sur le notariat, et comme la section centrale a déjà nommé son rapporteur sur cette loi, la commission des pétitions a l'honneur de vous proposer, messieurs, d'ordonner le dépôt de cette requête sur le bureau de la chambre durant la discussion de la même loi.

- Ces conclusions sont mises aux voix et adoptées.


M. Clep, rapporteur. - Messieurs, dans la séance du 4 février 1847, vous avez renvoyé à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport, une requête de M. Bourgeois, notaire à Dottignies, demandant qu'on établisse, dans la nouvelle loi projetée sur le notariat, une incompatibilité entre les fonctions de notaire et celles de secrétaire communal, surtout dans la même commune.

Le pétitionnaire a fait valoir des considérations de dignité et de délicatesse en faveur de sa réclamation.

Ces considérations ont été partagées par un membre de la commission ; d'autres membres ont été d'avis contraire en se fondant sur ce que, dans certaines communes, il serait quelquefois très difficile, sinon impossible, de trouver un homme instruit pour secrétaire, et que, d'un autre côté, ce serait amoindrir les prérogatives du conseil communal ou porter atteinte à la loi communale.

Toutefois la commission estime que les renseignements dont s'agit pourront être utilement consultés durant la discussion de la loi sur le notariat, et pour cette raison elle vous propose, messieurs, d'ordonner le dépôt sur le bureau de ladite requête, durant la discussion de la même loi.

- Ces conclusions sont adoptées.

M. Desmet. - Je demanderai que le rapport sur ce projet de loi soit déposé le plus tôt possible.

M. le président. - L'honorable M. Lys vous a annoncé qu'un prompt rapport serait fait.


M. Clep, rapporteur. - Messieurs, dans les séances du 18 et du 26 février 1847, vous avez renvoyé à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport, deux requêtes du sieur Louis-Joseph Prévost, maître de pension, à Bruxelles. A la deuxième requête se trouve jointe une pièce émanée de la députation permanente du conseil provincial du Brabant, constatant que M. Prévost a déclaré, le 4 août 1831, que son intention est d'être considéré comme Belge de naissance et de jouir du bénéfice de l'article 133 de notre Constitution. Par chacune de ces requêtes, M. Prévost prie la chambre de lui accorder une pension civique de 1,800 francs par an.

Pour justifier sa demande, le pétitionnaire prétend qu'il a rendu des services éminents à la cause de la révolution et, entre autres, qu'il a fait élever à Bruxelles tant de barricades qu'il y fut surnommé « le chef des barricades » ; qu'il a été l'un des plus chauds défenseurs de la liberté ; qu'il a excité le soulèvement du Borinage et, pendant la grande semaine de septembre, qu'il a assisté à tous les combats qui ont eu lieu tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de la ville de Bruxelles. Il serait trop long de rappeler ici tous les faits mentionnés aux pièces ; ces faits out été énumérés tout récemment dans la séance de la chambre du 24 février 1847 que vous vous rappellerez encore tous, je pense, messieurs, à l'occasion de la discussion et de l'adoption du projet de loi relatif à la pension de M. le major honoraire Boine.

M. Prévost appuie les faits qu'il avance par les attestations des hommes les plus honorables, et il justifie qu'il a eu le malheur d'avoir été atteint, au mois de janvier dernier, d'une attaque d'apoplexie dont il est demeure en partie paralysé.

D'après les attestations jointes aux requêtes, la commission des pétitions est convaincue que des services importants ont été rendus à la cause de la révolution par le pétitionnaire ; mais il reste à examiner si ces services ont été assez éminents pour qu'il se trouve dans une position analogue à celle du major Boine et quelques autres, qui, par exception, ont obtenu une pension civique du gouvernement.

La commission estime que l'appréciation et l'importance de ces faits incombe au gouvernement, et pour cette considération elle vous propose, messieurs, l'envoi de ces requêtes et des annexes à M. le ministre de l'intérieur.

- Ces conclusions sont mises aux voix et adoptées.


M. Clep, rapporteur. - Messieurs, dans la séance du 25 janvier 1847, vous avez renvoyé à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport, la requête de M. Edouard Duvivier, ancien officier, qui demande une augmentation de pension.

Le pétitionnaire avance que, jouissant d'une pension de six cents francs, il a déjà réclamé à diverses reprises une augmentation, mais toujours en vain, parce qu'on lui mettait chaque fois sous les yeux, dit-il, les règlements.

D'après les pièces jointes à la requête, il paraît constant que M. Duvivier a rendu des services importants à la cause de la révolution ; mais, cependant, il faut que le gouvernement ne les ait pas trouvés assez éminents pour mériter un supplément de pension.

C'est pour cette considération, et comme il convient que cette réclamation ait un terme, que la commission des pétitions a l'honneur de vous proposer, messieurs, l’ordre du jour sur cette requête.

- Ces conclusions sont mises aux voix et adoptées.

Projet de loi qui apporte des modifications à la loi sur la milice

Discussion générale

M. A. Dubus. - Le projet de loi portant quelques modifications à la législation sur la milice est d'une haute importance, car la milice nationale est sans contredit l'une des parties principales de l'administration du pays. Les modifications soumises à votre sanction sont indispensables, elles sont réclamées soit par les intéressés, soit par les fonctionnaires publics chargés de l'exécution des lois sur la milice.

Dans le projet, la durée du service et les charges imposées au milicien sont à peu de chose près les mêmes qu'aujourd'hui ; la durée du service est fixée à 8 années ; les miliciens sont 9 mois en disponibilité dans leurs foyers, 4 ans en activité de service ou en congé limité et les 3 dernières années en congé illimité.

L'article 3 du projet, modifié tel qu'il est par la section centrale, fera cesser des réclamations continuelles de la part d'étrangers qui se trouvent (page 1164) aujourd'hui obligés de servir, et exposés à porter les armes contre leur patrie. Il y a quelque chose d'inconvenant et qui répugne à l'honneur militaire que d'exiger qu'un étranger se trouve au milieu de nos soldats pour défendre, malgré lui peut-être, une patrie qui n'est pas la sienne.

L'article 4 du projet porte à 19 ans l'âge requis pour faire partie de la milice. Aujourd'hui cet âge est de 18 ans. C'est donc souvent avant le terme de leur croissance que les jeunes gens sont appelés au service militaire ; n'ayant pas acquis à cet âge tout leur développement, ils sont remis aux commandants provinciaux pour être incorporés en réserve, et ce n'est, d'ordinaire, qu'après 2 ans qu'ils sont mis en activité de service. La disposition nouvelle fera cesser en partie cet état des choses, elle se rapproche ainsi des dispositions de la loi française, où l'âge pour la milice est celui de 20 ans.

Il existe quelques lacunes dans le projet. Je n'attendrai pas la discussion des articles pour les signaler, j'ai l'intention de présenter des amendements et, dans l'intérêt de la loi, je désire qu'ils soient examinés attentivement.

Le paragraphe premier de l'article 4 dit :

« Tous les Belges, mariés ou non, qui, au 1er janvier de chaque année, auront accompli leur 19ème année, se feront inscrire, avant le 20 du même mois, par l'administration de la commune où ils ont leur domicile, à l'effet de concourir au tirage au sort pour la levée de la milice. »

Cet article ne prévoit pas le cas où l'individu qui doit concourir au tirage au sort n'aurait plus de domicile en Belgique. Le cas s'est présenté souvent et il devrait être prévu par la loi. Sous ce rapport le silence des lois en vigueur donne lieu, chaque année, à de graves difficultés. On les ferait disparaître en ajoutant au premier paragraphe de l'article 4 du projet, la disposition suivante :

« Dans le cas où ils auraient leur domicile en pays étranger, il se feront inscrire par l'administration de la commune de leur dernier domicile en Belgique. »

Le cas que je veux prévenir s'est souvent présenté. Ainsi, un industriel, Belge et domicilié à Mons, est allé s'établir avec sa famille en France, à Valenciennes. Il renonce à son domicile à Mons et le prend à Valenciennes ; son fils atteint l'âge de 19 ans, où doit-il se faire inscrire ? Il doit se faire inscrire par l'administration de son dernier domicile en Belgique, c'est-à-dire à Mons. Je crois donc qu'il est utile d'insérer une disposition à ce sujet dans la loi, elle évitera bien des correspondances administratives inutiles, elle évitera surtout que des individus, par ignorance, ne deviennent réfractaires.

Le paragraphe 2 de l'article 4 dit :

« Les étrangers, naturalisés avant d'avoir accompli leur vingt-sixième année, seront soumis à la même obligation ; ils se feront inscrire dans les vingt jours après qu'ils auront acquis la qualité de Belge. »

Cette disposition me paraît trop sévère ; je ne pense pas qu'on puisse raisonnablement obliger l'étranger, qui se fait naturaliser Belge à l'âge de 26 ans, à servir dans la milice nationale jusqu’à 34. Ce serait, me semble-t-il, faire payer un peu cher la faveur qu'on lui accorde.

D'après les lois actuelles, les individus nés à l'étranger forment deux catégories. La première comprend ceux qui sont venus en Belgique avant d'avoir atteint leur dix-huitième année ; ils sont tenus de prendre part au tirage de leur classe et marchent en diminution du contingent, si leur numéro est appelé.

La deuxième catégorie comprend ceux qui ne sont arrivés qu'après 18 ans, sans avoir atteint leur vingt-troisième année. Ils sont tenus de se faire inscrire sur le registre de l'année à laquelle ils appartiennent par leur âge ; mais, pour leur faire subir le sort, on ne met dans l'urne que les numéros qui suivent le dernier appelé de leur classe, et cela afin de leur assigner un rang pour le cas où il serait fait un appel sur cette classe.

Il me semble que ce mode est plus raisonnable que celui que la nouvelle loi veut introduire, car soumettre l'étranger au risque d'être incorporé à 26 ans pour 8 années, c'est lui ôter l'idée de se faire naturaliser.

Une famille composé de plusieurs fils dont les aînés seraient restés à l'étranger verrait incorporer tous ses membres devenus Belges, si le sort leur était contraire.

La même lacune qui existe dans nos lois actuelles existe aussi dans le projet en ce qui concerne les réfractaires. Il ne détermine pas jusqu'à quel âge le réfractaire, c'est-à-dire celui qui ne s'est pas fait inscrire, peut être recherché de ce chef. Ce silence donne lieu, chaque année, à de nombreuses difficultés. On ne peut pas poursuivre le réfractaire pendant toute sa vie, parce qu'on ne peut bonnement faire marcher un homme de 40 ou de 50 ans.

Il existe une circulaire ministérielle, d'après laquelle, après l'âge de 30 ans, on ne peut plus être passible du service ; cette disposition devrait être insérée dans la loi. Je propose donc de terminer l'article 4 par un paragraphe ainsi conçu :

« Les individus qui auront omis de se faire inscrire pourront être poursuivis comme réfractaires jusqu'à l'âge de 30 ans accomplis. »

J'applaudis, messieurs, aux nouvelles dispositions contenues dans les articles 6, 7 et 8 du projet de la section centrale. Si la chambre les adopte, les irrégularités qui ont lieu aujourd'hui disparaîtront entièrement.

J'appelle aussi l'attention du gouvernement sur la manière peu uniforme dont les conseils de milice appliquent les dispositions de la loi en ce qui concerne les certificats de soutiens de père et mère, de veuves ou d'orphelins. Certains conseils de milice jugent la position milicienne d'un individu sur le certificat produit, dûment signé par les certificateurs, par les témoins ; ils prononcent l'ajournement dès que le certificat est en règle.

D'autres conseils de milice s'enquièrent des motifs qui ont fait délivrer le certificat et désignent le milicien pour le service s'ils pensent qu'il n'avait pas droit à l'obtention du certificat. Cette manière d'agir est fâcheuse, il conviendrait que les dispositions de la loi fussent appliquées ; d'une manière uniforme dans tout le pays.

M. Vandensteen. - Messieurs, je regrette que le gouvernement ; n'ait pas cru devoir obtempérer au vœu qui lui avait été manifesté il y a deux ans, lorsqu'il nous a présenté le projet de loi en ce moment en discussion. Je crois qu'il eût bien fait de satisfaire au désir de la chambre. Car nous devons avouer qu'il se commet de très graves abus dans l'exécution de la loi actuelle, et ces abus sont souvent le résultat de l'obscurité qui règne dans les différentes dispositions de la législation. Je ne puis donc partager l'avis de ceux de nos honorables collègues qui croient qu'on doit attendre la présentation d'une loi définitive, et ne pas introduire dans celle immédiatement en discussion les améliorations qui seront jugées bonnes. J'engage donc les membres qui se sont occupés de cette question, à profiter de la circonstance qui nous est donnée pour modifier le plus qu'il nous sera possible les lois qui nous régissent. Ainsi, sous ce point de vue, je partage entièrement l'avis des honorables collègues qui ont bien voulu nous présenter hier quelques observations à cet égard.

Déjà l'honorable M. Veydt nous a signalé un grand nombre d'inconvénients, et comme il nous l'a fort bien dit, il aurait pu étendre indéfiniment la liste des abus qui se commettent actuellement. De son côté, l'honorable comte de Lannoy a appelé notre attention sur une disposition de la loi de 1817 qui doit être maintenue, mais qui devrait être améliorée vu les nombreuses injustices qu'elle engendre dans les campagnes surtout. L'article 185 de la loi de 1817, vous le savez, messieurs, décide que les attestations et certificats seront délivrés par le président de l'administration locale … conjointement avec deux membres du conseil communal. C'est surtout dans les délivrances de ces certificats de pourvoyance que l'injustice se révèle, et il n'est pas rare de voir qu'une disposition de la loi inscrite toute dans l'intérêt de la classe pauvre tourne à son désavantage. Et, en effet, messieurs, les certificats dont il s'agit étant le plus souvent délivrés par ceux qui sont intéressés à ce qu'il ne soit pas délivré à l'ayant-droit, on le refuse et cela avec la plus grande injustice. En présence de ce refus, l'autorité est impuissante, et le pauvre malheureux doit marcher malgré la disposition formelle de la loi, article 185.

Il faudrait donc, autant que possible, dégager les autorités chargées de délivrer ces certificats, des influences qui pèsent sur elles et je voudrais soumettre à l'attention du gouvernement le point de savoir s'il ne sera pas possible de substituer sous ce rapport, aux autorités locales, une autorité plus impartiale qui serait dégagée de toutes ces influences. Je m'explique. Il me semble qu'il y aurait une amélioration apportée à la loi sur ce point, si, par exemple, ces certificats étaient délivrés dans chaque canton par quatre personnes désignées par le gouverneur et présidées par le juge de paix ; j'y verrais plus de garanties. On peut m'objecter qu'il est intéressant que les certificats soient délivrés par des personnes de la localité même, parce qu'elles peuvent mieux connaître la position des individus qui réclament ces certificats ; mais, messieurs, je pense que, du moment où les personnes chargées de délivrer les certificats, habitent le canton, elles peuvent suffisamment s'éclairer à cet égard. Il est certain qu'avec un semblable système, il y aurait beaucoup plus de sincérité dans la délivrance des certificats et qu'en outre nous ne verrions plus ces refus qui sont de criantes injustices.

Messieurs, j'ai présenté en ce moment-ci l'observation que je viens de faire, voulant appeler l'attention de la chambre sur le point de savoir s'il n'y aurait pas moyen d'arriver à un résultat qui pourrait être favorable et qui améliorerait la loi actuelle. Si je savais qu'un amendement qui serait formulé en ce sens aurait chance d'être adopté, je le présenterais.

M. de Roo, rapporteur. - Messieurs, nous nous trouvons précisément dans la même position où nous nous trouvions précédemment, c'est-à-dire, devant une foule d'amendements qui avaient fait demander une révision générale des lois sur la milice. Dans le deuxième examen que la section centrale a fait du projet, nous avons vu que celui-ci renfermait des dispositions très utiles et très urgentes, des dispositions qu'il importe d'adopter maintenant. Nous avons compris qu'il ne serait pas possible de discuter en ce moment une révision générale, et qu'il importait de pas entrer dans l'examen des amendements qui n'ont pas un rapport direct avec le projet actuel.

Maintenant, que voyons-nous ? Nous voyons surgir une foule de nouveaux amendements. Je vais examiner brièvement ces différents amendements.

Le premier amendement est celui de l'honorable M. Lebeau, qui tend à amener l'uniformité dans les décisions de la députation des états. Cela serait très utile et même nécessaire.

La chambre est saisie d'un projet de loi à cet égard ; la proposition qui a été faite sur ce point, doit suivre la filière ordinaire ; la proposition de l'honorable M. Nothomb est de même nature et suivra la même voie.

L'honorable M. Veydt a présenté des observations très utiles sur les lois concernant la milice, et qui tendent à modifier quelques dispositions et notamment l'article 94 de celle loi.

Mais certainement il est impossible d'introduire toutes cas modifications (page 1165) dans le projet de loi que nous discutons actuellement ; ces modifications et ces amendements trouveront mieux leur place lors de la révision générale de la loi.

Cependant, il en est un indiqué par l'honorable M. Veydt, qui a un certain rapport avec le projet de loi actuellement en délibération, et qui est relatif aux retardataires. La sanction que la loi exerce à cet égard est le placement en tête sur la liste des miliciens qui doivent marcher. L'honorable M. Veydt voudrait seulement les astreindre à un tirage subséquent ce qui constituerait ainsi un acte injuste envers les miliciens de cette année, parce qu'il ôterait à son contingent le nombre de ces retardataires acquis à cette année.

L'honorable M. d'Hoffschmidt m'a dit que je repoussais tous les amendements quelconques.

Ce n'est pas ce que j'ai dit ; j'ai dit que la section centrale avait écarté les amendements qui n'avaient pas de rapport direct avec le projet de loi actuel.

Cet honorable membre demande à ce que l'époque de la réunion des conseils de milice soit placée plus tard que le deuxième lundi de février.

Cette demande est en opposition directe avec l'article 125 de la loi de 1817. La loi dit que la réunion des conseils de milice aura lieu le 2 février au plus tôt ; l'honorable M. d'Hoffschmidt veut que ce soit au plus tard. Cependant la fixation des réunions de ces conseils est mise en rapport avec toutes les autres réunions fixées par cet article. Il faudrait, pour admettre cet amendement, le mettre en corrélation avec toutes les autres dispositions contenues et déterminées dans le même article.

L'honorable M. de Lannoy propose une autre modification à apporter à l'article 6 du projet, et réfute en même temps sa proposition. Quant à moi, les motifs qu'il allègue pour réfuter son amendement, sont plus déterminants que ceux pour son appui. C'est ce qui a porté la section centrale à ne pas adhérera cet amendement et à adopter l'article 6 tel qu'il se trouve dans le projet.

Quant aux articles 7 et 8, dont l'honorable M. de Lannoy a fait la critique, nous répondrons aux observations dont ils ont été l'objet, lorsqu'ils seront en discussion. Nous examinerons également les amendements présentés par le gouvernement au fur et à mesure que les articles auxquels ils se rapportent seront mis en discussion.

L'honorable M. Eloy de Burdinne demande qu'on introduise quelque disposition relativement aux certificats à délivrer pour les fils de veuve pourvoyant aux besoins de leur mère. Une dépêche ministérielle hollandaise avait décidé que les fils de veuve n'étaient pas exempts du service quand leurs mères recevaient des secours du bureau de bienfaisance ; mais une autre disposition belge a décidé que les fils de veuve devaient être exemptés nonobstant les secours reçus par leur mère. Voilà deux dispositions ministérielles contradictoires. Cependant dans l'intervalle qui sépare ces deux dispositions, la loi n'a pas changé. Cela prouve combien la loi est élastique, et que l'application de la plupart des dispositions de cette loi est réglée le plus souvent par dépêches ministérielles.

La difficulté dont on vous a entretenus provient de ce qu'on a imprimé dans le certificat que les fils de veuve ne peuvent jouir de l'exemption quand leur mère participe aux secours des bureaux de bienfaisance ; il serait facile de faire droit à la réclamation présentée par l'honorable membre en effaçant du certificat la ligne faisant mention de ces secours ou de faire imprimer de nouveaux modèles de certificat sur lesquels cette mention ne figurerait plus.

L'amendement que l'honorable M. Dubus propose à l'article 4 relatif à la durée du service rendrait la loi plus favorable aux étrangers qu'aux Belges. Le Belge fait partie de la milice jusqu'à 27 ans, et l'étranger en serait exempt à 24. Quand on discutera cet article, nous entrerons dans des considérations plus étendues sur la différence de position que la disposition ferait aux Belges et aux étrangers.

Je persiste à dire que nous devons nous en tenir aux principes de la loi et écarter les amendements présentés toutes les fois qu'ils ne rentrent pas dans ces principes.

M. Lejeune. - Messieurs, on ne peut faire disparaître par amendements, à l'occasion de cette discussion, toutes les défectuosités de la loi sur la milice. C'est une chose tout à fait impossible, les amendements devraient pleuvoir de toutes parts par douzaines. Mais comme on touche à une partie importante de la loi, à celle qui concerne les remplacements, à cause de circonstances signalées récemment, je pense qu'il y a lieu de compléter les dispositions que l'on nous propose sur cette matière.

Je me suis donc décidé à rédiger en amendement l'opinion que j'ai émise hier, quant aux moyens de racheter la responsabilité. Je ne veux pas préjuger le sort de cet amendement, mais je désire que la question soit examinée par la chambre, et l'amendement étant présenté, il n'échappera pas à l'attention de l'assemblée.

Voici la disposition que je présenterai :

« Un mois après l'inscription du remplaçant, le remplacé pourra être déchargé de toute responsabilité en versant la somme de 300 fr. dans la caisse d'un receveur de l'enregistrement.

« Le remplacé ou le substitué, en vertu de l'article 129 de la loi du 8 janvier 1817, jouira de la même faculté. »

J'ai eu l'honneur de développer hier cet amendement. Je ne répéterai pas ce que j'ai dit à ce sujet, je ferai seulement remarquer que son but principal, c'est de mettre sur la même ligne le remplacé devant le conseil de milice et le remplacé par l'intermédiaire d'une association.

Cet amendement présenterait aussi d'autres avantages : il réduirait sans doute le nombre des désertions, il diminuerait l'espèce de tyrannie exercée par le remplaçant sur le remplacé. C'est donc en quelque sorte un but d'ordre public, un but d'intérêt général qu'on pourrait atteindre par ce moyen.

Je me bornerai à ces observations.

- Personne ne demandant plus la parole, la discussion générale est close.

M. le président. - Il est bien entendu qu'on ouvrira une discussion générale sur les articles 7 et 8 nouveaux.

Discussion des articles

M. le président. - Le gouvernement ne s'étant pas rallié à toutes les propositions de la section centrale, la discussion s'établit sur le projet du gouvernement.

Article premier

« Art. 1er. En temps de paix la durée du service des miliciens est fixée à huit ans, qui prendront cours à dater du 1er juillet de l'année dans laquelle ils auront tiré au sort.

« Toutefois, les miliciens appartenant à la 6ème, à la 7ème et à la 8ème classe, qui formeront la réserve, obtiendront des congés illimités. Ils pourront contracter mariage en prouvant, par un certificat de leur chef de corps, qu'ils ont soldé leur dette à la niasse d'habillement. »

La section centrale propose de rédiger l'article premier comme suit :

Art. 1er. En temps de paix la durée du service des miliciens est fixée à huit ans, qui prendront cours à dater du 1er janvier de l'année dans laquelle ils auront tiré au sort.

« Toutefois, les miliciens appartenant à la 5ème, à la 6ème, à la 7ème et à la 8ème classe, qui formeront la réserve, obtiendront des congés illimités. Ils pourront contracter mariage en prouvant, par un certificat de leur chef de corps, qu'ils ont soldé leur dette à la masse. »

M. le ministre de la guerre (M. Prisse). - Messieurs, il m'est impossible de me rallier à aucun des deux paragraphes de l'article proposé par la section centrale. Je vais examiner ces paragraphes séparément, et j'espère démontrer à la chambre qu'il y a utilité, nécessité même à maintenir l'article tel qu'il a été rédigé par le gouvernement.

Dans le paragraphe premier de l'article modifié par la section centrale, elle propose de faire compter à dater du 1er janvier le service des miliciens appelés au tirage chaque année.

C'est vouloir, messieurs, faire compter dans l'effectif de l'armée, non seulement des hommes qui ne sont pas encore incorporés, mais même des hommes qui n'ont pas encore tiré au sort. Le tirage de la milice, comme vous le savez, messieurs, commence à la fin de février, dure pendant une partie du mois de mars, et souvent les dernières opérations ne sont terminées crue dans le courant de juin et même au commencement de juillet. Il s'écoule six mois de l'année avant que les miliciens soient la disposition de l'autorité militaire.

Il en résulterait donc que si l'on adoptait le premier paragraphe de l'article proposé par la section centrale, l'armée perdrait de ce chef pendant six mois la classe de l'année où le tirage a lieu.

Comme, ainsi que j'ai eu déjà l'honneur de le démontrer à la chambre, il est impossible de diminuer l'effectif de l'armée, il résulterait de l'avantage que la section centrale semble vouloir faire aux miliciens appelés au service, un très grand désavantage pour les hommes qui se trouveraient sous les armes.

La section centrale veut à la vérité libérer la dernière classe au 31 décembre de l'année qui vient de s'écouler. Mais le département de la guerre pourrait-il consentir à renvoyer une classe en restant privé pendant six mois de la classe qui devrait le remplacer ? Ce serait mettre le département de la guerre dans un très grand embarras, et compromettre la sûreté du pays.

Je ne vois pas le grand avantage qu'il y aurait pour les miliciens à faire dater leurs services du 1er janvier plutôt que du 1er juillet.

Le gouvernement attend des miliciens huit années de service. Il importe assez peu qu'ils commencent le 1er janvier où le 1er juillet. Mais il importe essentiellement que les hommes ne comptent dans l'armée qu'au moment où elle les possède réellement.

Si l'article, tel qu'il est rédigé par la section centrale, était adopté, il en résulterait, notamment pour les années qui vont arriver, un dommage très marqué.

C'est ce que je vais expliquer.

Aux termes du projet de loi, les miliciens qui servent actuellement dès l'âge de 19 ans, ne serviront qu'à l'âge de 20 ans. Il en résultera qu'en 1848 nous serons obligés de ne pas recourir au tirage de la milice. Nous serons donc réduits à la fin de cette année, à un effectif moindre que nous ne l'avons eu depuis longtemps. Or, messieurs, si vous faites compter du Ier janvier le service des miliciens qui ne sont pas appelés, et si vous renvoyez la dernière classe, nous serons dans un grand embarras.

J'espère donc que la chambre maintiendra le premier paragraphe tel qu'il a été proposé par le gouvernement.

Quant au deuxième paragraphe qui aurait pour but de faire compter, dans l'armée active, dès la première année, les miliciens incorporés, afin que la réserve puisse s'appliquer à quatre classes, le gouvernement ne peut non plus s'y rallier.

La section centrale demande que l'on fasse compter dans l'effectif des miliciens admis dès le 1er janvier, mais qui n'arrivent au corps que le 1er juillet, et qui, ne sachant rien, seront incapables de tout bon service jusqu’à la fin de l'année.

(page 1166) Ce serait nous exposer à de grands désappointements, si nous avions besoin de l'armée pour un cas de guerre ou pour une cause de désordre quelconque.

Je pense donc que, pendant la première année, il faut maintenir les miliciens à la réserve, comme ils y sont aujourd'hui, faire compter le service actif de la deuxième à la cinquième année, et laisser trois classes en réserve, auxquelles on accorderait la permission de se marier et toutes les facultés indiquées au projet.

Si la chambre maintient le deuxième paragraphe proposé par la section centrale, il en résulterait, je le répète, en le combinant avec le premier, que nous n'aurions effectivement que trois classes sous les armes. Ce qui aurait l'inconvénient de réduire l'effectif que nous maintenons sous les armes et qui est déjà trop faible.

Je supplie la chambre de maintenir cet effectif, tel qu'il existe ; il n'est pas trop fort.

M. de Roo, rapporteur. - M. le ministre de la guerre ne se rallie pas aux changements proposés par la section centrale, parce qu'ils auraient, dit-il, pour résultat l'incorporation d'hommes qui ne seraient pas au corps. Mais il n'y a pas de changements apportés à la loi primitive. Nous avons admis ce qui existait précédemment. Nous savons qu'on n'incorpore effectivement les miliciens qu'au mois de juillet, mais qu'on fait dater le commencement de leurs services du 1er janvier, date à partir de laquelle ils sont miliciens.

La seule différence qu'il y aura, c'est qu'ils resteront six mois chez eux tandis qu'auparavant ils y restaient deux ans.

Il n'y aura pas non plus de perte pour l'armée, comme le prétend M. le ministre de la guerre, puisque les miliciens seront obligés de servir pendant quatre ans, quoiqu'ils ne soient incorporés que le 1er juillet de l'année de leur incorporation. Ordinairement on fait rester les miliciens au service jusqu'à l'arrivée des nouveaux miliciens, c'est-à-dire jusqu'au 1er juillet de l'année, dans laquelle ils sont mis à la réserve. Il en sera de même, ainsi les miliciens resteront quatre années consécutives dans l'armée.

M. le ministre ne veut pas de la quatrième classe de la réserve ; cependant nous avons cru que partager l'armée en deux parties, c'est-à-dire, fixer le contingent de l'armée active à 40,000 hommes et le contingent de réserve à 40,000 hommes également, c'était faire une répartition assez équitable conforme aux besoins du pays et surtout aux besoins du budget.

Le contingent serait évidemment de 40 mille hommes, puisqu'il y aurait dans l'armée active quatre classes de 10 mille hommes et autant dans la réserve. Ce qui manquerait à ce nombre par la mortalité, la désertion et les déchéances serait compensé par les volontaires dont il y a toujours un certain nombre dans l'armée.

Ce chiffre de 40 mille hommes nous a paru tout ce qu'il faut pour les besoins du service.

Ce sont ces considérations qui nous ont fait adopter les amendements que nous avons proposés.

M. le ministre de la guerre (M. Prisse). Malgré les observations que vient de présenter l'honorable rapporteur de la section centrale, je crois devoir persister dans la demande que j'ai eu l'honneur d'adresser à la chambre, tant au sujet du premier que du deuxième paragraphe de l'article.

Je ne répondrai qu'à un seul point du discours de l'honorable rapporteur ; c'est celui par lequel il a expliqué à la chambre que l'armée, dans le système proposé par la section centrale, aurait 40,000 hommes sous les armes. Je persiste à croire qu'en admettant que le contingent de chaque classe soit effectivement de 10,000 hommes, il n'y aurait que 30,000 hommes sous les armes ; car les miliciens de première année ne seraient à la disposition de l'autorité militaire qu'au mois de juillet.

Les six derniers mois de l'année seraient nécessaires pour les habiller, les exercer, leur donner les habitudes militaires. Il en résulterait que pendant ces six derniers mois cette classe ne serait d'aucune utilité. Au contraire, il faudrait chercher parmi les 30,000 hommes sous les armes les instructeurs destinés à les former.

Je crois donc devoir maintenir le projet du gouvernement.

M. d’Hoffschmidt. - Je crois que l'article premier qui nous est proposé nécessite quelques explications. Vous savez que, d'après les lois de 1817 et de 1820, sur la milice, la durée du service est fixée à cinq ans ; elle serait, d'après le projet de loi, portée à 8 années. Or, différentes dispositions des lois de 1817 et 1820, concernant les exemptions, se rapportent à cette durée de cinq années de service.

Par exemple, aux termes de l'article 91 de la loi du 8 janvier 1817,

« Sont exemptés définitivement :

« a. Ceux qui, ayant atteint l'âge de 22 ans, n'auront point la taille de 13 pieds (1 m. 565 millim.), et que le conseil de milice juge incapables pour le service du train. »

Avec la loi nouvelle, qui prolonge de 3 ans la durée du service, cette disposition qui fixe l'exemption à la 5ème année, sera-t-elle encore appliquée ?

Voici encore un autre article qui parle de cette durée de service, fixée à 5 années. C'est l'article 121 qui porte : « Les individus non exemptés définitivement, de même que ceux qui sont inscrits comme hommes mariés, resteront assujettis à l'examen annuel et aux dispositions prescrites jusqu'à l'âge de 23 ans accomplis. »

Il me semble qu'évidemment on devra coordonner ces articles avec l'article premier du projet de loi.

Maintenant un individu est exempté définitivement du service lorsque son frère a accompli son temps de service fixé à cinq années. Je sais que plusieurs conseils de milice ont déjà été embarrassés, depuis la loi provisoire de 1841, qui porte à 8 années la durée du service, pour savoir comment appliquer l'exemption dont parle la loi de 1817 ; l'exemption sera-t-elle maintenant définitive, après cinq ans, ou faudra-t-il attendre que le service ait duré 8 années, comme le veut le projet que nous discutons ?

A défaut d'un article spécial, il faudrait au moins, de la part des organes du gouvernement, une explication qui ne laissât pas de doute à cet égard. Elle est d'autant plus nécessaire que, comme vous le savez, comme on l'a répété souvent dans ce débat, les lois sur la milice sont très embrouillées, d'une application difficile pour les corps appelés à s'en occuper, et d'une compréhension à peu près impossible pour les nombreux intéressés.

Nous allons adopter une septième loi sur la milice qui entraînera des difficultés à sa suite, si par des explications ou par l'introduction de nouveaux articles, on ne la rend pas aussi claire que possible.

Il y a probablement, car je n'ai pas fait une recherche très approfondie, d'autres articles qui ne concorderont pas davantage avec la loi nouvelle, et qui se rapportent encore à la durée de cinq années de service déterminée par les lois de 1817 et 1820.

J'appelle donc l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur ce point, pour savoir s'il ne faudrait pas introduire dans le projet un article modifiant ou plutôt coordonnant l'article premier de la loi qui est en discussion avec les lois anciennes.

M. Pirson. - Messieurs, hors de cette enceinte et même dans cette enceinte, j'ai entendu plusieurs personnes se récrier contre l'article premier du projet qui nous est présenté, parce qu'elles le considèrent comme une aggravation de la loi du recrutement qui fut exécutée en Belgique jusqu'en 1830 C'est afin de ne pas laisser s'accréditer cette opinion, que je crois erronée, que je présenterai quelques observations tendant à prouver que la durée du service fixée à 8 années est celle qui paraît la plus propre à concilier tous les intérêts, aussi bien ceux de la population en général, que ceux de l'armée en particulier. On a vu dans la disposition de l'article premier une aggravation très lourde d'une charge déjà pesante pour la plupart des familles. On a trouvé fort grave, dangereux même pour la Belgique en 1830 d'introduire dans sa législation une innovation que l'on considérait comme une aggravation de la loi du recrutement. Pour moi, messieurs, l'article premier tel que je le conçois, ne m'apparaît nullement comme devant être une aggravation de la loi sur la milice, et j'essayerai de le démontrer. Je combattrai aussi l'amendement de la section centrale qui a pour objet de faire passer dans la réserve les miliciens des quatre dernières classes, tandis que le gouvernement ne veut admettre dans cette position que les miliciens des trois dernières classes.

Messieurs, en 1845, lors de la discussion de la loi d'organisation de l'armée, vous avez arrêté que l'effectif de l'armée, comprenant aussi bien les hommes sous les drapeaux que ceux de la réserve, serait de 80 mille hommes.

En vertu de l'article 119 de la Constitution, nous devons atteindre le chiffre de 80,o00 hommes au moyen de contingents annuels, et pour y parvenir, il nous reste encore deux conditions à remplir : fixer d'une part la force du contingent annuel, d'autre part la durée du service. Il faut donc combiner ces deux éléments, la force du contingent annuel et la durée du service, de manière à rendre la loi du recrutement la moins dure possible aux populations, tout en tenant compte des nécessités de l'organisation militaire. C'est par la combinaison de ces deux éléments qu'il faut résoudre le problème de constituer l'armée de telle sorte que, sans trop obérer le trésor et sans trop peser sur les populations, elle puisse passer facilement du pied de paix au pied de guerre, et du pied de guerre au pied de paix. Eh bien, pour les pays où le recrutement se fait par voie de conscription, il est de principe que la durée du service dépend de la force des contingents et réciproquement que la force des contingents dépend de la durée du service. Appliquant ce principe à notre armée, pour obtenir nos 80.000 hommes.

Si vous adoptez cinq années de service, il faudra des contingents annuels de 16,000 hommes ;

Si vous adoptez six années de service, il faudra des contingents annuels de 13 à 14,000 hommes ;

Si vous adoptez sept années de service, il faudra des contingents annuels de 11 à 12,000 hommes ;

Si vous adoptez huit années de service, il ne faudra plus que des contingents annuels de 10,000 hommes.

Et réciproquement :

Si vous adoptez des contingents annuels de 10,000 hommes, il faudra huit années de durée de service.

Si vous adoptez des contingents de 11 à 12,000 hommes, il faudra sept années de durée de service.

Si vous adoptez des contingents de 35 à 14,000 hommes, il faudra six années de durée de service.

Et si vous adoptez des contingents de 16,000 hommes, il ne faudra plus que cinq années de durée de service.

Aux termes de la loi de 1817 sur la milice, qui fixe la durée du temps de service à 5 ans, chaque classe de milice ne pouvant en temps de paix être conservée que 5 ans au service militaire, il ne peut au maximum rester à la disposition du gouvernement que ces 5 classes, et pour obtenir nos 80,000 hommes, il faudrait dors nécessairement des contingents annuels de 16,000 hommes.

(page 1167) Aux termes de la loi du 9 avril 1841, qui fixe la durée du service à 8 années, il ne faut plus que des contingents annuels de 10,000 hommes.

Mettant l'effectif de 80,000 hommes que nous avons adopté en rapport avec ces deux lois, les principes de ces deux lois qui lui sont applicables se trouvent diamétralement opposés. Par la première, il faudrait un contingent annuel plus élevé, et une durée de service moindre ; par la seconde, il faudrait un contingent annuel moins élevé et une durée de service plus longue.

Si vous vous prononciez pour une durée de service moindre, pour 5 ans, par exemple, comme le prescrit la loi de 1817, il faudrait faire peser annuellement l'impôt du recrutement sur un plus grand nombre de personnes, sur 16,000 au lieu de 10,000, et, quoiqu'avec une durée de service moindre, vous seriez obligés de conserver ces contingents de 16,000 hommes effectivement sous les armes plus longtemps que n'y restant les contingents actuels. Si vous vous prononcez pour une durée de service plus longue, pour 8 années par exemple, comme le prescrit l'article premier de la loi en discussion, un moindre nombre d'hommes devra payer annuellement l'impôt du recrutement, et, quoiqu'avec une durée de service en apparence plus longue, les contingents annuels devront rester moins longtemps sous les armes. Cette dernière combinaison, qui est celle que vous avez adoptée en 1841 et que le gouvernement reproduit dans l'article premier du projet de loi, me paraît devoir être la plus avantageuse aux intérêts de la population et de l'armée. D'un côté exigeant un contingent moindre, elle pèsera annuellement sur moins de monde à la fois ; d'un autre elle permettra de réunir, en tous temps, un plus grand nombre de soldats exercés. Je dis, messieurs, que la durée du service fixée à 8 années présentera ce double avantage.

Et en effet, l'effectif de 80,000 hommes que nous avons adopté ne devant et ne pouvant être maintenu entièrement sous les drapeaux que lorsque la défense nationale le rend nécessaire, l'on est obligé en temps de paix de diviser l'armée en deux parties : l'une active et soldée dont la force est réglée par la loi budgétaire ; la seconde qu'on appelle réserve et qui, sans rien coûter au trésor, se trouve dans ses foyers à la disposition du gouvernement. Or, dans l'exposé des motifs, je vois, page 2, que la durée du service pour le milicien est subdivisée comme suit :

Après le tirage 8 à 9 mois dans ses foyers ; ensuite 4 ans et quelques mois en activité ou congé limité ;

Puis les 3 dernières années en congé illimité dans ses foyers.

Nous aurons donc, dans cette hypothèse d'une durée de service de 8 années, continuellement 7 contingents ou classes totalement armés et équipés qui auront été exercés ; 'a classe de 10,000 hommes que l'on congédiera chaque année étant moindre qu'une classe de 16,000 hommes, sera remplacée par un nombre d'hommes moindre que 16,000, et il restera par conséquent toujours à la disposition du gouvernement plus d'hommes exercés que si l'on admettait, pour la durée du temps de service, le principe de la loi de 1817. Tant que l'effectif sous les armes restera le même, l'appel de la nouvelle classe suffira pour faire renvoyer la plus ancienne. Survient-il un événement qui nous force à augmenter cet effectif, outre la nouvelle classe appelée pour remplacer celle à congédier, on rappellera une, plusieurs, ou toutes les classes laissées en congé illimité et en réserve dans leurs foyers, et de cette manière à un contingent de 10,000 hommes près, l'armée se trouvera toujours composée de soldats exercés. Il reste donc démontré que dans les limites que nous avons indiquées, d'une durée de service de cinq à huit années moins le contingent annuel sera élevé, moins naturellement chaque année il pèsera sur la population ; et plus aussi l’armée renfermera de soldats exercés.

Un des motifs qui me font encore adhérer à la durée du service pour 8 ans, c'est qu'à mon avis, il faudrait des considérations d'intérêt public d'un ordre bien majeur pour changer les dispositions d'une nature aussi grave et aussi délicate que celles qui touchent au recrutement, quand ces dispositions sont passées dans les habitudes de la nation. Prendre aujourd'hui un contingent annuel plus considérable, même avec une durée de service moindre, paraîtrait une aggravation de l'impôt du recrutement, tandis que le contingent actuel de 10,000 hommes, avec une durée de service de 8 ans, est devenu pour la population un usage consacré par une habitude de bientôt 17 années. Et puis, veuillez le remarquer, par l'adoption d'un terme plus long pour la durée du service, on opère pour le milicien un dégrèvement considérable du service actif, et on adoucit sa position, puisqu'on peut le laisser retourner beaucoup plus tôt dans ses foyers. Par l'adoption de ce terme de 8 années pour la durée du service, des jeunes soldat généralement si utiles, si nécessaires à leurs parents, peuvent revenir au sein de leur famille pendant une partie beaucoup plus longue de la durée du service actif, et c'est une considération aussi très importante.

Messieurs, des contingents de 10,000 hommes, avec une durée de service de huit années, offrent, il est vrai, l'inconvénient que pendant plus longtemps, le milicien se trouve sous le poids éventuel d'un appel ; mais veuillez toutefois ne pas le perdre de vue, pendant les trois dernières années, il est chez lui, dans sa famille, pouvant contracter mariage et jouissant de toutes les douceurs du foyer domestique. Tandis que si vous adoptiez des contingents annuels plus élevés, il y aurait chaque année, pour le plus grand nombre d'hommes à incorporer, une somme de chagrins et de douleurs bien autrement importante que l'inconvénient que je viens de citer. Car ce qui est dur, ce qui est douloureux, non seulement pour la famille du conscrit, mais aussi pour le conscrit lui-même, c'est la séparation première, c'est l'abandon des liens qui l'unissaient au foyer domestique, le délaissement de son état de prédilection, la rupture avec ses affections et ses habitudes les plus chères, et plus les contingents sont forts, plus ces déchirements se produisent annuellement.

Messieurs, j'ai cherché à expliquer de la manière la plus succincte qu'il m'a été possible, les effets de la durée du service par rapport au chiffre du contingent annuel. J'ai cherché aussi à démontrer qu'il y avait utilité générale à adopter le terme de 8 années qui n'est que la continuation de ce qui existe. Les motifs que j'ai exposés me détermineront à voter pour la durée du service fixée à 8 années.

Je me serais dispensé de faire cette démonstration si, dans cette enceinte et hors de cette enceinte, je n'avais entendu faire, à tort, au gouvernement, le reproche d'avoir augmenté, sans compensation, la durée du service militaire, alors qu'avant 1830, elle n'était que de 5 années.

L'honorable M. de Roo a pris la parole pour soutenir la proposition de la section centrale tendant à faire passer la 5ème classe dans la réserve. Je viens soutenir M. le ministre de la guerre qui a combattu cette proposition, parce que je trouve très fondées les observations qu'il a présentées.

Ainsi que vous l'a fait observer l'honorable général placé à la tête du département de la guerre, si la proposition de la section centrale était adoptée, il lui serait impossible de conserver sous les armes l'effectif qui lui est nécessaire pour assurer le service et pourvoir à l'instruction des troupes et des cadres. Et en effet, messieurs, dans cette hypothèse comme après le tirage au sort, les nouveaux conscrits restent quelques mois dans leurs foyers, le ministre de la guerre ne pourrait disposer que de trois contingents pour son effectif soldé, ce qui n'est pas suffisant. L'effectif sous les armes, déterminé par la loi budgétaire, varie de 27,000 à 33,000 hommes, selon qu'on se trouve en hiver ou en été ; et ainsi que cela vous a été démontré à l'évidence lors de la discussion du budget de la guerre, il y a impossibilité de le réduire, à moins de désorganiser l'armée, ce qui n'entre, j'en ai la conviction, dans la pensée d'aucun membre de cette assemblée.

Or, messieurs, trois contingents de 10,000 hommes, lorsque vous en déduisez les pertes qu'ils éprouvent, ne représentent nullement 30,000 hommes.

Par suite des exemptions temporaires, qui sont les suivantes :

1° Ceux qui, au-dessous de l'âge de 22 ans, n'ont point la taille de 1,570 mètre, et qui sont jugés inhabiles au service du train ;

2° Ceux qui, par des infirmités quoique curables, sont jugés incapables de servir dans le cours de l'année ;

3° Le frère unique de celui ou de ceux qui sont atteints de paralysie, de cécité, de démence complète ou d'autres maladies ou infirmités présumées incurables ;

4° L'unique frère non marié d'une famille, qui pourvoit à son entretien par le travail de ses mains ;

5° Les étudiants en théologie ;

6° Les élèves aux frais de l'Etat dans les établissements érigés pour la formation d'instituteurs dans les écoles primaires ;

7° Ceux qui servent dans les armées de terre et de mer, y compris les élèves des écoles militaires ;

8° Les marins de profession qui font les voyages de long cours ;

9° Les veufs ayant un ou plusieurs enfants ;

10° Celui des fils, ou en cas de décès des parents, celui des petits-fils d'une veuve, ou d'une femme légalement séparée, divorcée, ou abandonnée depuis quatre ans, qui pourvoit par le travail de ses mains à la subsistance de sa mère ou de sa grand'mère ;

11° Celui des frères ou des demi-frères d'orphelins qui doit pourvoir à la subsistance de ses frères et sœurs ;

12° Celui dont le frère unique ou le demi-frère unique se trouve soit en personne, soit par remplacement ou substitution au service actif dans un rang inférieur à celui de second lieutenant ;

13° Les détenus dont la cause est pendante aux tribunaux ;

14° Les détenus en prison correctionnelle, etc..

Par suite de ces exemptions temporaires, ces contingents se trouvent considérablement réduits. Ensuite, depuis l'interprétation donnée au sens de l'article 119 de la Constitution sur la fixation du contingent annuel, les communes n'étant plus tenues de remplacer, ainsi que le voulait l'ancienne loi :

1° Les réformés au corps lors de la visite d'admission définitive ;

2° Les déserteurs à l'intérieur et à l'étranger ;

3° Les condamnés à la déchéance du rang militaire, etc. ;

Il en résulte que, comme conséquence de ces pertes et de celles provenant des décès et des réformes pour infirmités contractées au service et qui sont très nombreuses, chaque levée perd par an un vingtième au moins de son effectif présent. Ce chiffre d'un vingtième ou de cinq pour cent est celui qui est indiqué pour le même objet dans le rapport des généraux, d'où je l'ai extrait, rapport qui fut déposé sur le bureau de la chambre lors de la discussion de la loi d'organisation de l'armée. En France, où on élève ce chiffre davantage encore, on compte 7 1/2 p. c. de pertes pour l'armée sur les contingents.

En faisant donc le calcul des déductions annuelles, sur les six classes qui sont actuellement ou qui ont passé sous les drapeaux, nous avons, d'après le rapport que je viens de citer :

Pour la 3ème classe (les deux premières étant dans leurs foyers), 9,000 hommes.

Pour la 4ème classe, 1/10 déduit, 8,850 ;

Pour la 5ème classe, 1/20 déduit, 8,123 ;

(page 1168) Pour la 6e classe, 1/20 déduit, 7,717 ;

Pour la 7ème classe, 1/20 déduit, 7,332 ;

Pour la 8e classe, 1/20 déduit, 6,966.

Total, 47,688 hommes au lieu de 60,000 hommes que devraient procurer les six contingents de 10,000 hommes. Il en résulte donc une perte pour l'armée de 12,312 hommes pour ces six contingents et de 4,327 hommes pour les trois premières classes se trouvant sous les drapeaux.

En France le contingent annuel est de 80,000 hommes, et l'on estime qu'au bout de 8 ans, le contingent qui dans l'origine était de 80,000 hommes n'est plus, par les pertes diverses dont nous vous avons entretenus, par les affectations à divers services, par les décès, les insoumissions, les condamnations de tout genre, que de 47,000 hommes.

D'après ces calculs, il y a donc nécessité absolue que le gouvernement jouisse de la faculté d'appeler sous les drapeaux la 5ème classe ; et par conséquent l'amendement de la section centrale qui consiste à placer la 5ème classe dans la même position que les 6ème, 7ème et 8ème classes, c'est-à-dire en réserve, me paraît inadmissible.

Les considérations que je viens de présenter me déterminent à repousser l'amendement de la section centrale et à voter pour l'article proposé par le gouvernement.

M. de Roo. - Je crois, avec l'honorable préopinant, qu'il peut y avoir compensation entre les cinq années de service sous l'ancienne loi, et les huit sous celle actuellement en vigueur, par la différence du contingent annuel qui est proportionné aux années de service.

Mais, au point de vue de la population, la combinaison de la section centrale est préférable, puisqu'elle allège le fardeau qui pèse si lourdement sur elle, elle diminue la dette de sang que chacun paye à la patrie.

Au point de vue militaire, rien n'a été dit pour détruire ce que nous avions dit à cet égard. Le contingent de 40,000 hommes reste toujours acquis à l'armée, et doit être suffisant pour le service de la patrie.

Je ferai observer que l'honorable membre a établi ses calculs sur trois contingents, tandis qu'il faut en compter quatre. Car les contingents sont incorporés au 1er juillet de l'année du tirage au sort, et ils restent incorporés jusqu'au 1er juillet de la quatrième année. On ne les renvoie que quand les nouvelles recrues sont incorporées. Les contingents restent donc sous les drapeaux pendant quatre années consécutives. J'ai compté, pour les pertes résultant des cas énumérés par l'honorable préopinant, une diminution d'un quart, ce qui est plus que ce que déduit l'honorable préopinant, puisqu'il ne compte que 12,000 hommes de perte pour 6 contingents. J'ai dit de plus que cette perte était compensée ou à peu près par les volontaires qui entraient dans l'armée.

M. le ministre de la guerre (M. Prisse). - Je demande à répondre en peu de mots à l'honorable M. de Roo ; il a dit que les pertes des contingents ne s'élevaient qu'au quart. J'ai ici des chiffres dont je ne veux pas fatiguer la chambre ; ces chiffres sont authentiques, je me bornerai à les faire insérer au Moniteur. Je présenterai le tableau des cinq dernières classes et des pertes qu'elles sont toutes susceptibles d'éprouver ; je ne puis en fournir le total exact et complet, puisque ces classes sont encore sous les armes, et qu'elles peuvent éprouver des pertes nouvelles jusqu'au terme de la durée du service.

Eh bien, je le répète, ces classes ne sont pas encore au terme de ce qu'elles peuvent perdre ; vous voyez que les contingents supposés de 10 mille hommes, sont loin d'être de cette force. Quant aux volontaires dont parle l'honorable membre, leur nombre ne s'élève qu'au septième des miliciens. Il n'y en a pas davantage. On est loin de trouver une compensation suffisante dans les volontaires pour les pertes que l'armée fait chaque jour.

(Le Moniteur contient un tableau reprenant cette statistique : il en résulte notamment que les pertes, pour les années 1840 à 1844 s’élève à 7.445, dont 1.664 pour décès, 1.856 pour réforme, 1.200 pour désertion, 862 pour déficit des communes et retardataires, 728 pour licenciement définitif en vertu de l’article 21 de la loi du 8 janvier 1817, 512 pour condamnation, 380 pour détachés aux séminaires. Le surplus se répartis entre : passés à la marine royale (64), élèves de l’école vétérinaire (8), élèves des écoles normales (7), frères de la miséricorde et frères des écoles chrétiennes (12), dispenses en relation avec la position des familles, dans l’intérêt des professions libérales, ainsi qu’à des étrangers par suite de réclamations diplomatiques (58), et, enfin, pour indignité (20)).

M. Delfosse. - Ce n'est pas sans quelque hésitation que je prends la parole pour répondre à un orateur aussi versé dans l'art militaire que l'honorable M. Pirson. Je ne puis cependant admettre toutes les observations que cet honorable collègue a présentées. Quoi qu'il ait pu dire, la loi que nous discutons aggravera considérablement le sort des miliciens. D'après la loi de 1817, les miliciens étaient libres à 23 ans ; à cet âge ils pouvaient se choisir un état, une carrière avec la certitude de ne plus être enlevés à leur famille, à leurs travaux ; ils pouvaient contracter mariage.

M. Pirson me dit : On autorise aussi les miliciens qui seront placés dans la réserve à contracter mariage. Cela est vrai, mais le mariage ne leur donnera aucun droit à l'exemption, on pourra les rappeler sous les drapeaux alors même qu'ils auraient des enfants légitimes.

L'autorisation qu'on leur accorde est en réalité un présent funeste ; car que deviendrait leur famille, privée de son chef, de son soutien ?

On ne peut pas contester ce fait que le milicien était libre à 23 ans, et qu'il ne le sera plus qu’à 27 ans et demi : c'est bien là une aggravation.

D'après l'honorable M. Pirson, le contingent annuel devrait être plus fort, si la durée du service était moins longue. L'honorable membre a imaginé un système de compensation fort singulier. On a augmenté la durée du service, mais on n'élève pas le chiffre du contingent ; on devrait le porter à 16 mille hommes, on ne le fixe qu'à dix mille. Cela fait compensation, si l'on en croit l'honorable membre. A ce compte, on pourrait augmenter les charges de certaines classes de contribuables pour en exempter d'autres et dire ensuite à ceux qui se plaindraient : Vos contributions sont augmentées, c'est vrai ; mais consolez-vous, il y a moins de contribuables. Soumettre 10,000 hommes pendant 8 ans au service militaire pour que d'autres soient tout à fait exempts de ce service, ce n'est pas juste, ce n'est pas conforme au principe d'égalité.

Je voudrais que le gouvernement se fût au moins rallié aux amendements de la section centrale, c'eût été un léger adoucissement à la rigueur des mesures qu'il propose. La section centrale demandait peu de chose et elle était en quelque sorte unanime ; je pense qu'il n'y a eu qu'un opposant ; elle demandait que le service comptât du 1er janvier au lieu du 1er juillet ; et qu'il y eût quatre classes dans la réserve. De cette manière les miliciens eussent été libres à 27 ans, et ils auraient obtenu un congé illimité à 23.

Mais, M. le ministre de la guerre veut aller plus loin ; il veut que les miliciens ne soient libres qu'à 27 ans et demi et qu'ils n'entrent dans la réserve qu'à 24 ans et demi ; c'est extrêmement dur.

L'effectif n'est pas, nous dit-on, assez considérable. Mais remarquez bien, messieurs, qu'on l'augmente. Il n'était que de 30,000 hommes, il pourra être de 40,000.

M. le ministre de la guerre (M. Prisse). - Non ! non !

M. Delfosse. - Il sera de 40,000 hommes, si vous le voulez, puisqu'il dépendra de vous d'avoir quatre classes sous les armes.

Faut-il un effectif de 40,000 hommes ? J'en doute, et je ne puis, dans aucun cas, consentir à ce que les miliciens, qui étaient entièrement libres à 23 ans, ne soient pas même dans la réserve à cet âge.

Vous aggravez doublement le sort des miliciens ; vous les conservez dans l'armée trois ans de plus et vous ne voulez pas qu'ils soient dans la réserve avant l'âge de 24 ans et demi.

(page 1169) Vous n'examinez les choses que d'un côté ; vous voyez une grande, une belle armée, des manœuvres militaires : tout cela vous plaît. Mais je me place à un autre point de vue. Je vois le trouble jeté dans les familles, je vois les miliciens arrachés à leurs foyers, à leurs travaux. C'est là un côté sérieux de la question.

Messieurs, une chose me paraît étrange. Avant 1830, nous appartenions à un Etat entièrement indépendant, à un Etat qui avait le droit de paix et de guerre. Et cependant on n'exigeait alors des miliciens qu'un service de cinq années ; et l'on veut, aujourd'hui que nous n'avons plus le droit de guerre, aujourd'hui que la neutralité nous est imposée, rendre ce service plus long et plus pénible !

Je ne puis consentir à cette aggravation du sort des miliciens, et j'insiste pour que la chambre adopte au moins l'amendement de la section centrale.

M. le ministre de la guerre (M. Prisse). - Messieurs, je ne me permettrai pas de suivre l'honorable M. Delfosse, dans les reproches qu'il vient d'adresser au projet que j'ai l'honneur de défendre, en ce qui concerne le contingent de l'armée. Ce contingent a été fixé par la loi, il existe, je le respecte.

Je ne veux parler que d'un seul objet, c'est du temps que l'on propose d'accorder aux miliciens pour figurer dans la réserve.

D'après le projet de la section centrale, ce temps serait de quatre années, et j'ai cherché à démontrer que, dans l'intérêt de l'effectif de l'armée, il faut le réduire à trois ans.

L'honorable M. Delfosse trouve une aggravation dans le terme de service que je cherche à obtenir. Je ne le crois pas exagéré. J'ai en outre demandé qu'au lieu de compter le service à dater du 1er janvier on le fît compter à dater du Ier juillet, sans pour cela dépasser le terme de 8 ans indiqué dans la loi. Si le milicien n'est libre qu'à 24 ans et demi, c'est qu'il restera six mois de plus dans ses foyers avant de venir sous les drapeaux.

Je sais bien que ce n'est pas indifférent, par exemple, pour ceux qui veulent se marier ou pour la carrière que les miliciens voudraient suivre, et je conçois qu'ils préféreraient être appelés plus tôt. Mais quant aux hommes qui sont admis dans la réserve, ils ont la faculté de se marier et obtiennent la permission de voyager à l'étranger.

Sous l'ancien gouvernement, comme le dit l'honorable M. Delfosse, les miliciens ne dépendaient du gouvernement que pendant 5 ans, sauf le cas de guerre. Il en sera de même actuellement, car sauf le cas de guerre, les miliciens, après 5 ans de service, resteront chez eux, avec faculté de se marier et de voyager.

Messieurs, en cas de guerre, sous l'ancien gouvernement, les miliciens étaient rappelés et restaient sons les drapeaux. Nous avons vu, en 1831, tous les miliciens de 1826 et même les remplaçants rappelés en service, et je dirai, à l'honneur de l'armée belge, que tout le monde a répondu à l'appel et a rejoint le drapeau ; tout le monde a servi aussi longtemps que le gouvernement a eu besoin de l'armée. Il est même des miliciens qui étaient passés aux bataillons de la réserve, et qui en 1839, j'en appelle sur ce point à l'honorable M. Pirson, étaient encore sous les armes, parce que les besoins de l'époque le voulaient. Eh bien, si nous n'avons pas la guerre, les miliciens, après la cinquième année, ne seront astreints à aucune espèce de service. Il en sera donc de même que précédemment ; ce n'est qu'en cas de guerre qu'ils resteront plus longtemps inscrits dans l'armée.

M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, j'ai demandé la parole au moment où un honorable membre a cherché à établir un parallèle entre la loi de recrutement en vigueur sous le gouvernement des Pays-Bas, et le projet que nous discutons.

D'après ce que l'honorable M. Delfosse vient de nous dire, il semblerait que le régime de la loi de 1817 était beaucoup moins dur pour les familles, que ne l'est celle que le gouvernement nous propose, je pense que la différence, s'il y en a une, n'est pas considérable, et déjà M. le ministre de la guerre vient de rencontrer ce que je voulais dire à cet égard.

Quel était, messieurs, le régime de la loi de 1817 ?

Je conviens que les miliciens n'étaient tenus à servir que pendant cinq années ; en temps de paix, fallait-il ajouter ; mais en temps de guerre en était-il de même ? Nous avons pu juger ce qu'il était sur pied de guerre de 1830 à 1840. En effet, en temps de guerre la durée du service est indéfinie d'après la loi de 1817.

Maintenant que nous propose-t-on ? On nous demande la mise à la disposition des miliciens pendant 5 années ; au bout de ces cinq années, ils ne sont pas congédiés, mais ils ne peuvent être rappelés sous les drapeaux qu'en temps de guerre ; et on leur permet de contracter mariage pourvu qu'ils aient satisfait à leur masse. Or quelle différence si marquante y a-t-il entre le régime de la loi de 1817 et celui que nous discutons ? Quant à moi, je n'en aperçois guère, si ce n'est que le pays est plus assuré de trouver des réserves exercées en cas de besoin.

J'en viens aux propositions de la section centrale.

La section centrale reconnaît, elle est obligée de reconnaître, car c'est un principe posé par la loi d'organisation de l'armée, que le pays doit à l'armée 80,000 hommes, c'est-à-dire huit classes de 10,000 hommes chacune.

La loi d'organisation de l'armée a, en effet, fixé le continrent à 80,000 hommes, en ce sens qu'elle a établi des cadres propres à contenir 80,000 hommes.

Il me semble, messieurs, que les 8 classes doivent au pays un service de huit années révolues, cela paraît incontestable. Or, la section centrale veut réduire ce service d'une demi-année.

Je ne puis me rallier à une proposition qui tend à diminuer la force de l'armée, telle que la veut son organisation ; et je voterai pour le premier paragraphe du projet du gouvernement.

Quant au second paragraphe, la section centrale tout en avouant qu'il convient de destiner 4 classes au service actif, propose de renvoyer en congé illimité les 5ème, 6ème, 7ème et 8ème classes.

Mais elle n'a pas voulu comprendre que le gouvernement est obligé de laisser la première classe dans ses foyers, parce qu'à l'âge de 19 ans, les jeunes gens ne sont pas suffisamment formés pour supporter les fatigues du service militaire.

C'est ce dont nous avons acquis la preuve en 1832 ; les circonstances où se trouva le pays au mois de juin de cette année, obligèrent le gouvernement a disposer des deux premières classes ; on tirait à cette époque au sort à 18 ans révolus, comme à présent ; eh bien, qu'arriva-t-il ? Les régiments composés de ces recrues avaient laissé la moitié de leur monde le long des grandes routes dès les premières marches. Un quart entra aux hôpitaux ; un autre quart fût renvoyé dans ses foyers.

Si donc vous adoptez le paragraphe 2 de l'article de la section centrale, vous ne mettez en réalité à la disposition du gouvernement que 3 classes pour le service actif.

Je voterai donc l'article tel que le propose le gouvernement.

L'honorable M. Delfosse nous a dit qu'un seul membre de la section centrale avait repoussé la disposition adoptée par elle. Je vois dans le rapport que deux membres s'y sont opposés, je crois être un de ceux-là. Au reste peu importe, un vote en sections ne préjuge pas le vote définitif d'une manière absolue ; la discussion a pour but d'éclairé, et sans se mettre en contradiction avec soi-même, l'on peut émettre un vote définitif différent d'un vote préliminaire.

M. Delfosse. - Je répondrai d'abord à la dernière observation de l'honorable M. de Man. La section centrale a proposé deux amendements ; l'un de ces amendements a été adopté par 4 voix contre 2 ; l'autre par 6 contre 1. Je devais donc m'attendre, lorsque je me suis levé pour défendre les propositions de la section centrale, à être appuyé par plusieurs membres de cette section.

M. le ministre de la guerre a fait remarquer tantôt que c'est la loi qui fixe le contingent de l'armée à 88,000 hommes, et que force nous est d'accepter ce chiffre. Je n'ai pas été partisan d'un chiffre aussi élevé ; une armée plus faible me paraissait suffire à la Belgique ; mais je m'incline devant la loi. Aussi n'ai-je rien dit contre le chiffre de 80,000 hommes, j'ai seulement appelé l'attention de la chambre sur la question de savoir s'il ne serait pas convenable de modifier le contingent annuel, plutôt que la durée du service ; s'il ne serait pas plus juste, plus équitable, plus conforme aux principes d'égalité, d'obtenir ces 80,000 soldats, en appelant chaque année plus d'hommes sous les armes qu'en faisant servir trois ans de plus ceux qui sont appelés.

Il faut, messieurs, répartir les charges sur tous les citoyens ; il ne faut pas qu'elles pèsent sur quelques-uns, alors que les autres en seraient complètement libérés.

J'ai à répondre à une autre objection de M. le ministre de la guerre.

M. le ministre de la guerre a dit : Vous trouvez une grande différence entre ce qui se passait sous le gouvernement des Pays-Bas et ce qui se passe aujourd'hui ; mais la différence n'est qu'apparente. Le gouvernement des Pays-Bas n'exigeait, il est vrai, qu'un service de cinq années ; mais quand il y avait guerre, les miliciens étaient retenus, ou rappelés sons les drapeaux même après ce terme.

Messieurs, en tout temps, quand il y a guerre, on appelle, on doit appeler sous les drapeaux tous ceux qui sont en état de porter les armes. C'est ce qu'on ferait encore aujourd'hui, s'il y avait guerre, si la patrie était en danger, vous feriez marcher tous les citoyens en état de porter les armes ; vous ne vous borneriez pas à faire un appel aux volontaires ; tous les gouvernements sont, dans de telles circonstances, poussés par l'instinct de conservation à prendre les mesures les plus énergiques.

Il n'en est pas moins certain qu'avant 1830 les miliciens étaient libres à 23 ans, et que leur sort va être aggravé. Ils ne seront dans la réserve qu'à vingt-quatre ans et demi et ils ne seront pas libres. Ils devront non seulement s'attendre à marcher en temps de guerre ; mais ils seront à la disposition du gouvernement ; ils continueront à se considérer comme soldats ; ils ne pourront quitter le pays sans autorisation.

On nous propose de porter atteinte à la liberté des citoyens pendant huit ans. Les miliciens étaient libres à 23 ans ; ils ne le seront qu'à 27 ans si on admet la proposition de la section centrale ; ils ne le seront qu'à 27 ans et 1/2 si on admet le proposition du gouvernement. Je ne puis me rallier ni à l'un ni à l'autre de ces deux systèmes, mais je donne naturellement la préférence à la proposition de la section centrale.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, en temps de paix cette disposition ne gênera guère les miliciens. La différence entre le projet du gouvernement et celui de la section centrale consiste principalement en ce que, d'après le premier, les miliciens devraient attendre un an de plus pour pouvoir contracter librement mariage. Eh bien, messieurs, à l'âge de 25 ans tout milicien incorporé pourra contracter mariage ; or, cette époque n'est pas tellement en dehors des usages de la vie commune, que la disposition doive beaucoup effrayer. Le grand avantage du projet du gouvernement, c'est d'avoir à l'instant même, au (page 1170) moment où la nécessité s'en révèle, la possibilité de rappeler les classes et d'avoir une armée forte et bien exercée.

On comprend que cette nécessité peut se présenter subitement et surtout qu'elle peut se présenter beaucoup plus subitement dans un petit pays que dans un pays où les frontières sont plus éloignées. Dans un grand Etat on peut encore avoir le temps d'exercer les militaires, mais dans un petit Etat, il faut que les militaires soient tout faits, qu'on puisse en un instant les mettre dans les forteresses ou les réunir là où se présente le danger. Je crois donc que l'on a très bien fait d'adopter le nouveau système.

Il est aussi à remarquer que le service militaire est aujourd'hui beaucoup moins onéreux qu'il ne l'était sous le gouvernement des Pays-Bas. C'est, pour ainsi dire, un service en famille. C'est l'avantage des pays dont le territoire est restreint.

M. Donny. - Messieurs, j'ai pris la parole pour demander une explication sur un point qui me semble douteux.

L'honorable M. Pirson vient de faire l'énumération des exemptions qui sont accordées au détriment de l'armée, et dans cette énumération il a fait figurer les exemptions qui sont accordées en vertu de l'article 94 de la loi de 1817, telles que les exemptions accordées pour une année aux étudiants en théologie, aux marins de long cours et autres. Jusqu'ici, messieurs, j'avais toujours cru (et l'inspection de la loi m'a confirmé dans cette idée), j'avais toujours cru que ces exemptions s'opéraient non pas au détriment de l'armée, mais au détriment de la commune, au détriment des miliciens de la même levée et de la même commune. Ce qui m'a confirmé encore dans cette idée, c'est l'opinion d'un honorable membre de l'assemblée qui, en dehors de cette enceinte, exerce les fonctions de commissaire de milice. Cependant l'honorable M. Pirson persiste à soutenir que la loi est et doit être appliquée de la manière qu'il vous a indiquée.

Il est important, messieurs, que ce point s'éclaircisse, et ceci est surtout important pour moi, parce que si, comme je le pense, ces exemptions s'opèrent au détriment des miliciens, je suis dans la nécessité de présenter un amendement à l'article 6 de la loi. Si, au contraire, ces exemptions s'opèrent au détriment de l'armée, comme le soutient l'honorable M. Pirson et comme je souhaite que cela puisse être, dans ce cas mon amendement devient inutile.

Je prierai donc M. le ministre delà guerre de vouloir fixer mes idées d'une manière positive sur ce point.

M. le ministre de la guerre (M. Prisse). - Je crois pouvoir rassurer l'honorable M. Donny en lui donnant le chiffre des miliciens passés dans la marine marchande et qui ne sont pas cependant décomptés du chiure de l'armée. Ils obtiennent seulement une exemption temporaire qui ne tombe pas à la charge des autres miliciens ; c'est moins une exemption qu'une dispense. Les miliciens dont il s'agit sont simplement dispensés du service.

Voici, messieurs, les chiffres qui indiquent à quel nombre ils s'élèvent dans les premières années :

Miliciens autorisés à voyager dans l'intérêt du commerce et de la navigation :

En 1840, 18 ; en 1841, 14 ; en 1842, 11 ; en 1843, 13 et en 1844, 18.

M. Donny. — Messieurs, je sais que le département de la guerre accorde des congés à des marins, et je le sais d'autant plus, que j'ai été souvent intermédiaire pour obtenir de semblables dispositions. Mais je ferai remarquer à M. le ministre que ces exemptions, au moins celles à l'égard desquelles je suis intervenu, s'appliquaient non pas à des marins de long cours proprement dit, mais à d'autres marins. Je sais très bien, par exemple, que les pêcheurs ne sont pas exemptés en vertu de l'article 94 ; ils sont incorporés et ont besoin, alors, pour pouvoir exercer leur état, d'un congé du ministre de la guerre ; mais je doute que la même chose s'applique aux marins de long cours, qui tombent dans la catégorie du paragraphe HH de la loi de 1817. Du moment que M. le ministre déclare que telle est la marche qu'il suit ou du moins qu'il suivra, je dois me déclarer satisfait.

M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, j'ai indiqué tout à l'heure les contradictions qui existent entre l'article premier et plusieurs dispositions qui se trouvent encore dans les lois anciennes. J'avais demandé à MM. les ministres de donner quelques explications à cet égard, de nous dire si leur intention est d'introduire un article additionnel dans la loi actuelle pour la coordonner avec les dispositions dont j'ai parlé.

M. Nothomb. - Ce n'est pas nécessaire.

M. d’Hoffschmidt. - Je crois, messieurs, que c'est tout à fait nécessaire. Je crois que si vous ne faites pas de changement au projet en discussion, les conseils de milice seront fort embarrassés lorsqu'ils devront appliquer la loi, surtout en matière d'exemption. C'est tellement vrai que cet embarras existait déjà sous la loi provisoire de 1841.

Tous les miliciens qui avaient droit à une exemption provisoire étaient libérés, après 4 années, lorsque la durée du service était fixée à 5 ans., Si vous ne dites pas maintenant que l'exemption définitive ne sera accordée qu'au bout de 8 années, il y aura évidemment contradiction. (Interruption.) Sous l'empire de la loi de 1841 les conseils de milice ont été souvent fort embarrassés, parce que la contradiction existait déjà, et l'application de la loi en a souffert. Il est indispensable de mettre le plus de clarté possible dans la loi que nous faisons, puisque la législation de la milice est déjà fort embrouillée. Dans la loi de 1841 il y avait un article qui tendait à faire disparaître le doute ; c'était une disposition portant, si je ne me trompe, que toutes les dispositions des lois anciennes contraires à la loi de 1841, étaient abrogées ; dans le projet qui nous est soumis, cette disposition n'est pas reproduite ; il en résultera évidemment une contradiction, et je ne sais pas même si un milicien, arrivant avec les dispositions des lois anciennes qui l'exemptent au bout de 5 années, n'aura pas le droit de réclamer cette exemption, malgré la loi que nous allons voter. Cette loi va entraîner encore de nouvelles difficultés dans l'application de la législation sur la milice ; elle demandera de nouvelles interprétations. Eh bien, n'est-il pas nécessaire qu'elle soit au moins clairement expliquée dès à présent ou qu'une nouvelle disposition soit introduite dans le projet ? le demanderai donc à MM. les ministres de bien vouloir s'expliquer à cet égard.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je n'avais pas saisi parfaitement les premières observations de l'honorable M. d’Hoffschmidt. Le projet de loi a été présenté par M. Nothomb.il y a déjà longtemps, mais avant la fin de la discussion j'examinerai les dispositions que M. d'Hoffschmidt a signalées, et s'il est nécessaire je proposerai une disposition nouvelle.

M. Nothomb. - J'ai toujours pensé que la nouvelle disposition qui forme l'article premier affecterait l'ancienne législation dans son entier, et que dans tous les cas où, dans l'ancienne législation il est question de la durée, fixée alors à cinq ans, ce terme, d'après la loi nouvelle, serait fixé à huit ans. (Interruption.) S'il y avait le moindre doute à cet égard, il faudrait un article additionnel. (Nouvelle interruption.) Du reste, messieurs, comme l'a dit M. le ministre de l'intérieur, on pourra, d'ici à la fin de la discussion, apprécier les faits, voir quelle application la loi de 1841 a reçue, et proposer un article additionnel si c'est nécessaire ; et si un article additionnel trop large effrayait, on pourrait dire que le terme est prorogé à huit ans dans les cas des articles tels et tels, qui seraient alors énumérés dans la disposition additionnelle.

M. Delfosse. - La proposition de l'honorable M. Nothomb....

M. Nothomb. - L'interprétation.

M. Delfosse. - L'interprétation de l'honorable M. Nothomb ne peut pas être admise ; elle entraînerait les inconvénients les plus graves. Supposons qu'un individu appelé à prendre part au tirage fasse valoir des motifs d'exemption, et qu'il soit exempté provisoirement pour un an ; le conseil de milice devra examiner, l'année prochaine et les années suivantes, si les motifs d'exemption n'uni pas cessé.

D'après la législation actuelle, l'exemption deviendra définitive après 5 ans. L'honorable M. Nothomb voudrait qu'elle ne fût définitive qu'après 8 ans. La 8ème année, si les motifs d'exemption n'étaient plus admis, cet individu serait incorporé pour 8 ans ; il ne serait libéré du service qu'à l'âge de 35 ans. On ne peut admettre un tel système. J'engage M. le ministre de l'intérieur à réfléchir sur la portée de tous ces changements que l'on veut improviser.

L'honorable M. d'Hoffschmidt a eu grandement raison d'appeler l'attention de gouvernement sur les dangers qu'il y a d'introduire, en cette matière, des dispositions nouvelles, avant de s'être assuré, par une étude approfondie, qu'elles n'apporteront pas le trouble dans les opérations relatives à la milice et surtout dans les familles.

M. Nothomb. - Alors il faut faire un article additionnel portant que la durée de 8 ans ne s'appliquera qu'aux cas suivants, et énumérer les cas.

M. Lejeune. - L'effet qu'aurait l'interprétation de l'honorable M. Nothomb serait exactement celui qui a été signalé par l'honorable M. Delfosse, et ce n'est pas ce qui existe réellement. Celle interprétation n'est pas suivie aujourd'hui ; quoique la durée du service ait été prolongée jusqu'à 8 ans, on ne fait cependant jamais figurer en tête des listes de la milice que les miliciens ajournés des 4 années antérieures. Lorsque le milicien comparaît pour la quatrième fois devant le conseil de milice, il est exempté définitivement, bien qu'il n'ait qu'à faire valoir des motifs pour obtenir une exemption d'une année. S'il fallait suivre l'interprétation de l'honorable M. Nothomb, ce serait un bouleversement complet, on arriverait aux inconvénients indiqués par l'honorable M. Delfosse. Je ne pense pas que ce soit là le but du gouvernement ; dans tous les cas, la chambre n'y prêterait certainement pas la main.

- La discussion est close sur l'article premier.

Les deux paragraphes du projet de la section centrale sont successivement mis aux voix et adoptés.

L'article premier du projet de la section centrale est mis aux voix et adopté dans son ensemble.

La section centrale propose de mettre à la fin de la loi, comme disposition transitoire, l'article 2 du projet du gouvernement.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - J'adhère à cette proposition.

Article 2

« Art. 2. Nul ne sera admis à servir comme milicien s'il n'est Belge.

« Les étrangers appartenant à un pays où les Belges ne sont point astreints au service militaire, seront exempts du service de la milice en Belgique.

« Toutefois, si l'année qui suit celle fixée par les lois de leur patrie pour le service militaire, ils ne prouvent point qu'ils y ont satisfait à leurs obligations, ils seront tenus de prendre pari en Belgique au tirage au sort. »

M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il au projet de la section centrale ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, l'article 2 soulève une question de droit international assez importante. (page 1171) L'ancienne législation soumettait au recrutement, en Belgique, tous les habitants du territoire, régnicoles ou étrangers.

Ce principe de l'ancienne loi a fait l'objet de vives et légitimes réclamations de la part de plusieurs puissances étrangères ; ces puissances ont soutenu avec raison qu'il était contraire au droit international, au droit naturel même, de forcer un étranger, dans certaines circonstances données, de porter les armes contre son propre pays.

L'exposé des motifs le fait justement remarquer : le code punissant de peines très sévères le Belge qui, dans un pays étranger, se mettrait dans le cas de porter les armes contre son pays, nous ne pouvons placer par la loi un étranger dans cette position à l'égard de son pays.

La section centrale a admis le principe du projet de loi, c'est-à-dire que les étrangers ne pouvaient pas être astreints en Belgique au service militaire ; seulement elle a adopté, par le paragraphe premier, un principe de réciprocité plus équitable que celui du gouvernement.

Le gouvernement se rallie donc au premier paragraphe de l'article 2 du projet de la section centrale, mais il ne peut pas se rallier au deuxième paragraphe. En effet, par ce second paragraphe, la section centrale reproduit le principe qu'elle a rejeté dans le premier paragraphe ; elle admet une hypothèse dans laquelle l'étranger pourrait encore être soumis à la loi du recrutement en Belgique.

Le but de la section centrale, en proposant ce second paragraphe, a été de ne pas permettre que des Belges à l'étranger ou que des étrangers en Belgique puissent échapper à la loi du recrutement dans leur propre pays.

Mais, messieurs, cela doit faire l'objet de conventions internationales avec les puissances étrangères que la chose concerne. Ainsi, il existe une convention de ce genre entre la France et la confédération helvétique ; on a admis de part et d'autre certaines mesures de précaution, pour que les étrangers, résidant dans l'autre pays, ne puissent pas se soustraire à la loi de recrutement dans leur propre pays. La même chose pourra se faire chez nous ; le gouvernement pourra atteindre le but que la section centrale s'est proposé, et l'on ne tombera pas dans l'inconvénient de ressusciter au second paragraphe le principe dont on n'a pas voulu dans le premier paragraphe.

M. Lebeau. - Messieurs, j'ajouterai une observation à celles que vient de présenter M. le ministre des affaires étrangères, pour faire repousser le second paragraphe de l'amendement de la section centrale ; c'est que, dans certains cas, il serait inexécutable. La section centrale est partie d'un point de fait qui n'est pas complètement exact : c'est qu'il y a une loi de milice dans tous les pays avec lesquels la Belgique peut être en relation. Or, il y a des pays où l'armée ne se forme que par l'effet de recrutement volontaire ; comment ferait-on aux habitants de ces pays, qui seront momentanément en Belgique, l'application du paragraphe 2 de l'amendement de la section centrale ? Cette raison, ajoutée à celles qu'a fait valoir M. le ministre des affaires étrangères, doit faire rejeter cette partie de la proposition de la section centrale.

M. Nothomb. - Messieurs, la rédaction de la section centrale, rédaction à laquelle le gouvernement s'est rallié, suppose la réciprocité. Il est à remarquer qu'il n'y a qu'une seule législation, celle du royaume des Pays-Bas, qui impose l'obligation de la milice aux étrangers, de sorte qu'il est assez inutile de se préoccuper de l'idée s'il y a réciprocité ou non, parce que, je le répète, dans aucun pays, si l'on en excepte le royaume des Pays-Bas, les étrangers ne sont passibles du service militaire. (Interruption.)

On dit que cela peut changer ; cela est peu probable.

Je ne tiens pas à la rédaction primitive ; cependant elle était beaucoup plus nette, et surtout elle ne pouvait donner lieu au doute que je vais avoir l'honneur de vous soumettre.

Il y a aujourd'hui des étrangers qui ont dû être incorporés dans l'armée belge, et ne l'ont été que fictivement ; sur la réclamation des gouvernement étrangers, on a donné à ces miliciens un congé provisoire. Je demande maintenant quelle sera la position de ces étrangers incorporés dans l'armée ; pourra-t-on les licencier définitivement ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Certainement.

M. Nothomb. - Dès lors tout doute vient à cesser.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Il n'y a aucun doute sur l'interprétation de cet article. En effet, comme l'a fait observer l'honorable M. Nothomb, le gouvernement, reconnaissant ce qu’avait d'injuste l'ancienne législation, avait accordé aux étrangers incorporés dans l'année des congés provisoires illimités. Que dit l'art. 2 ? « Les étrangers seront exempts du service de la milice en Belgique. » La loi ne dit pas : « seront exemptés du tirage », mais du service militaire ; il va donc de soi quee les étrangers admis à des congés provisoires se trouveront définitivement libérés.

M. Rogier. - Je demanderai si les Belges, après cinq années de séjour en Hollande, ne sont pas astreints au service militaire, et dans ce cas s'il n'y aurait pas lieu à réciprocité.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Oui, certainement.

M. de Roo, rapporteur. – Il suffisait qu'il existât une législation qui astreignît les Belges au service militaire, comme cela existe en Hollande, pour admettre en Belgique la réciprocité. Quant à la disposition proposée au paragraphe de cet article par la section centrale, il est fâcheux que l'honorable membre qui l'a présentée ne soit pas ici pour la défendre. Ce paragraphe n'a été adopté que par deux voix contre une.

Les autres membres se sont abstenus. Je conviens, quant à moi, qu'il y a une certaine contradiction entre ces deux paragraphes.

- La discussion est close.

Le premier paragraphe de l’article 2 est mis aux voix et adopté.

Le deuxième paragraphe n'est pas adopté.

Article 4 (devenu article 3)

« Art. 4 (devenu art. 3, projet du gouvernement) : « Tous les Belges, mariés ou non, qui, au 1er janvier de chaque année, auront accompli leur 19ème année, se feront inscrire, avant le 20 du même mois, par l'administration de la commune où ils ont leur domicile, à l'effet de concourir au tirage au sort pour la levée de la milice.

«. Les étrangers, naturalisés avant d'avoir accompli leur vingt-sixième année, seront soumis à la même obligation ; ils se feront inscrire dans les vingt jours après qu'ils auront acquis la qualité de Belge.

« Les individus qui, nés en Belgique de parents étrangers, auront réclamé ta qualité de Belge, conformément à l'article 9 du code civil, se feront également inscrire dans les vingt jours après l'expiration du délai qui leur est donné pour faire option de. patrie.

« Dans le premier comme dans le second cas, ils concourront au tirage au sort avec les miliciens de l'année. »

- La section centrale propose l'amendement suivant :

« Par dérogation aux lois existantes, tous les Belges, mariés ou nous qui, au 1er janvier de chaque année, auront accompli leur dix-neuvième année, se feront inscrire à l'effet de concourir au tirage au sort pour la levée de la milice.

« Les étrangers, naturalisés avant d'avoir accompli leur vingt-sixième année, seront soumis à la même obligation, à moins que, dans l’ex-patrie, ils n'aient satisfait aux lois sur le service militaire ; ils se feront inscrire dans les vingt jours après leur déclaration, qu'ils acceptent la naturalisation qui leur est conférée.

« Les individus qui, nés eu Belgique de parents étrangers, auront réclamé la qualité de Belge, conformément à l'article 9 du code civil, se feront également inscrire dans les vingt jours après celui de la déclaration qu'ils sont tenus de faire, aux termes du même article.

« Dans le premier comme dans le second cas, ils concourront au tirage au sort, avec les miliciens de l'année qui suivra celle de leur déclaration de naturalité. »

M. A. Dubus propose au premier paragraphe de l'article de la section centrale l'addition suivante :

« Dans le cas où ils auraient leur domicile en pays étranger, ils se feront inscrire par l'administration de la commune de leur dernier dont elle en Belgique. »

- Le gouvernement se rallie à l'amendement de la section centrale et. celui de M. Albéric Dubus.

M. Delfosse. - L'amendement de la section centrale ne dit pas à quelle époque les Belges doivent se faire inscrire.

M. de Roo, rapporteur. - C'est à l'époque fixée par la loi de 1817, à laquelle il n'est pas dérogé à cet égard.

M. Delfosse. - Il était bon «le s'en expliquer. L'article du gouvernement mentionnait l'époque de l'inscription. Il est bon que l'on sache que l'obligation de se faire inscrire avant le 20 janvier subsiste. Ce dernier paragraphe de cet article doit être modifié.

Il est ainsi conçu : « Dans le premier comme dans le second cas, ils concourront au tirage au sort, etc. « On croirait d'après cette rédaction qu'il s'agit des mêmes individus, et non d'individus différents. Il faut dire : « Les individus mentionnés au 2ème et 3ème paragraphes concourront, etc. »

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Quant au premier paragraphe, le rapport de la section centrale dit positivement que ce paragraphe n'ayant pour objet que de modifier l'âge, on se réfère pour le reste aux, dispositions de la loi générale.

M. le président. - Nous allons procéder au vote par paragraphe.

- Le premier paragraphe est mis aux voix et adopté.


Le paragraphe additionnel proposé par M. Albéric Dubus est également mis aux voix et adopté.

M. le président. - M. Albéric Dubus propose de substituer les mots 23ème année aux mots 26ème année.

M. de Roo, rapporteur. - Je ne sais trop pourquoi M. Albéric Dubus veut introduire cet amendement. Il me semble que la loi ne doit pas être plus favorable aux étrangers qu'aux Belges.

Le Belge est astreint au service jusqu'à l'âge de 27 ans. L'étranger demanderait la naturalisation à 24 ans, et il en serait exempt.

M. A. Dubus. - Je retire mon amendement.

- Le paragraphe est adopté.


« § 4. Les individus qui, nés en Belgique de parents étrangers, auront réclamé la qualité de Belge, conformément à l'article 9 du Code civil, se feront également inscrire dans les vingt jours après celui de la déclaration qu'ils sont tenus de faire aux termes du même article. »

- Adopté.


« § 5. Dans le premier comme dans le second cas, ils concourront au tirage au sort, avec les miliciens de l'année qui suivra celle de leur déclaration de naturalité. »

M. Delfosse. - Je propose de rédiger comme suit ce paragraphe : « Dans le premier comme dans le second cas, les individus mentionnés aux deux paragraphes précédents, concourront au tirage au sort avec les miliciens de l'année qui suivra celle de leur déclaration de naturalité. »

- Ce paragraphe, ainsi rédigé, est adopté.

(page 1172) M. le président. - Vient maintenant l'addition proposée par M. Albéric Dubus, et ainsi conçue :

« Les individus qui auront omis de se faire inscrire pourront être poursuivis comme réfractaires jusqu'à l'âge de 30 ans accomplis. »

M. de Garcia. - Messieurs, je crois que cet amendement, pourrait avoir des conséquences fâcheuses. En effet, il pourra en résulter que certains individus, appelés à la milice nationale, pourront facilement, et sans grande gène, apporter un grave préjudice à ceux de leurs concitoyens qui doivent concourir à cette charge publique. D'après l'amendement, il leur suffirait de quitter le pays pendant un temps à peu près égal à celui du service militaire. Il faut en convenir, ce moyen est par trop facile, surtout si l'on considère qu'une libération semblable n'a lieu qu'au grand détriment d'un autre citoyen.

Je conçois, cependant, messieurs, qu'il faut une prescription. La durée du service étant de 8 années, je crois qu'on agirait sagement en fixant a lie prescription à l'âge de 36 ans, c'est-à-dire qu'après cet âge le milicien réfractaire ne pourrait plus être recherché. Un autre motif me porte à proposer cette mesure, c'est qu'au-delà de 36 ans, un homme qui n'a jamais servi ne fera jamais qu'un très mauvais soldat.

Ces observations très courtes et très simples me semblent démontrer que si on limitait à l'âge de 30 ans l'infraction à cette partie de la loi sur la milice, on n'irait pas assez loin, alors qu'il s'agit d'un préjudice très considérable causé à ceux qui doivent fournir le contingent.

Avec le chiffre que je propose, l'individu qui se rendra à l'étranger, devra y rester, non seulement les 8 années que dure le service, mais encore 8 années après. La punition sera, me paraît-il, assez forte.

Je crois qu'alors on peut lui permettre de jouir de ses droits de citoyen.

Après cet âge il lui sera permis de contracter tous les actes qui réclament les certificats d'avoir satisfait à la milice et notamment le mariage. J'ajouterai qu'à ce point de vue les dispositions antérieures ont donné lieu à de graves inconvénients.

Je propose donc l'âge de 36 ans au lieu de celui de 30.

M. A. Dubus. - J'avais proposé l'âge de 30 ans, parce qu'il existe une circulaire ministérielle, d'après laquelle, après 30 ans, on ne peut plus être passible du service. J'ai voulu consacrer ce principe dans la loi.

Mais je ne m'oppose pas à ce qu'on adopte le terme de 36 ans. Je me rallie à la proposition de l'honorable M. de Garcia.

- L'amendement de M. A. Dubus, sous-amendé par M. de Garcia, est adopté.

L'ensemble de l'article est adopté.

M. Loos. - Messieurs, il me paraît que l'article qu'on vient d'adopter présente une lacune.

La chambre vient de décider que l'étranger, appartenant à un pays où les Belges ne sont pas astreints au service militaire, sera exempt du service militaire en Belgique.

Dans l'article 4 du projet du gouvernement et 5 de celui de la section centrale, il est parlé d'abord des Belges mariés ou non mariés, ensuite des étrangers naturalisés. Mais il n'est pas fait mention des étrangers appartenant à des pays où les Belges sont astreints à un service militaire, et qui, en raison de ce fait, devraient servir en Belgique.

Je crois, messieurs, qu'il y a là une lacune, et qu'il faut dire que les étrangers appartenant à un pays où les Belges sont soumis au service militaire, et qui ne sont pas naturalisés, doivent nécessairement se faire inscrire pour la milice.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Cela est de droit. Il n'est rien innové à cette partie de l’ancienne législation.

M. le président. - Aucune proposition n'étant faite, nous passons à l'article suivant.

Article 5

« Art. 5. Les réfractaires ne seront plus compris dans le contingent assigné à leur commune. Ils seront incorporés pour un terme de huit années. »

- Adopté.

Article 6

« Art. 6. Le contingent annuel de la milice sera réparti entre les provinces et les communes, proportionnellement au nombre des jeunes gens inscrits pour la levée. »

M. le président. - La section centrale propose la rédaction suivante :

« Le contingent annuel de la milice sera réparti entre les provinces, proportionnellement au nombre des jeunes gens inscrits pour la levée, en tenant compte à chaque commune des fractions favorables ou défavorables de l'année précédente. »

Le gouvernement s'est rallié à cette rédaction.

M. Donny. - Messieurs, je ne suis pas parfaitement tranquille sur les explications que m'a données M. le ministre de la guerre, et pour que l'honorable ministre puisse avoir l'occasion d'examiner de nouveau la question sur laquelle une partie de la chambre se trouve divisée, je vais présenter l'amendement dont j'ai eu l'honneur de parler.

Messieurs, il existe, dans les ports, des miliciens d'une catégorie toute spéciale, qui ne se rencontre dans aucun endroit de l'intérieur. Je veux parler des marins de long cours.

Les marins de long cours sont annuellement exemptés en temps de paix. Ils le sont en vertu de l'article 91 de la loi de 1817. Cette exemption est extrêmement juste ; elle se justifie par la nature de l'état qu'exercent ceux qui en sont l'objet. Sans elle il serait impossible d'avoir une marine nationale.

Mais quelque juste, quelque nécessaire que soit cette exemption, elle ne laisse pas que de grever les autres miliciens, au moins de la manière que j'entends la loi. Car d'après mon interprétation, chaque fois qu'un conseil de milice exemple un marin de long cours pour une année, il désigne un autre milicien pour prendre sa place dans le contingent.

Messieurs, si la loi doit être appliquée de cette manière et avec les modifications du projet, il en résultera une charge extrêmement grave pour les miliciens des localités maritimes. Elle n'est pas aussi sensible aujourd'hui que le contingent communal est fixé d'après la population, parce que les marins de long cours ne font qu'une fraction assez minime de la population. Mais quand le contingent sera fixé non plus d'après la population, mais d'après le nombre de jeunes gens inscrits, la charge sera considérablement aggravée, parce que les marins de long cours font une partie assez notable de ceux-là ; comme ces marins feront majorer le contingent communal sans prendre part au service, ils amèneront une augmentation de charges pour les habitants de la commune à laquelle ils appartiennent.

Cela n'est certainement pas juste. Cela l'est d'autant moins qu'aucune autre localité du royaume ne se trouve dans ce cas.

D'après ces considérations, je pense que les marins de long cours ne doivent pas être compris dans le calcul du contingent, et j'ai l'honneur de proposer à la chambre un paragraphe additionnel à l'article en discussion. Ce paragraphe est ainsi conçu :

« En temps de paix, les marins de long cours ne compteront pas pour la fixation des contingents provinciaux et communaux. »

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je ferai observer que cet amendement est inutile. Si on l'adoptait, ou ferait croire que toutes les autres exemptions temporaires ne viennent pas en déduction du contingent de la commune. Ce serait un effet très fâcheux pour tous les autres cas d'exemption.

M. de Garcia. - Je crois que, d'après les lois anciennes, les individus que vient de citer l'honorable M. Donny ne sont dispensés du service que provisoirement. L'amendement de l'honorable membre introduirait donc un principe tout nouveau, puisqu'il établirait une exemption complète du service militaire pour les marins de long cours. Je dois combattre de toutes mes forces une proposition semblable, qui ouvrirait la porte à beaucoup d'abus. Cette proposition bouleverserait incontestablement tout ce qui est admis aujourd'hui. Ce ne seraient pas seulement les marins d'Ostende qui en invoqueraient les bénéfices, mais encore tous les étudiants en théologie et toutes les professions dispensées temporairement du service militaire.

Il faut bien le remarquer et ne pas le perdre de vue, certaines professions sont temporairement dispensées du service militaire, mais n'en sont pas complètement exemptes ; c'est-à-dire que, si leur position vient à changer, elles redeviennent soumises au droit commun. Cette distinction, qui existe dans la loi française, doit être reconnue, je crois, et maintenue dans nos lois. Selon moi, il serait dangereux de la supprimer, ce qui aurait lieu par l'adoption de l'amendement de M. Donny.

M. Donny. - Puisqu'on déclare d'une manière positive que l'exemption accordée aux marins de long cours ne tourne pas au détriment de leur commune je retirerai mon amendement ; du moment que la chose est telle que je le désire, je n'ai pas besoin de la faire déclarer par un amendement.

M. le président. - M. le ministre vient de faire la déclaration que M. Donny désirait ; en conséquence je considérerai l'amendement comme retiré.

M. Delfosse. - Messieurs, on veut changer le mode de répartition. La répartition s'est faite jusqu'à présent d'après la population ; elle se fera, si le projet de loi est adopté, d'après le nombre des jeunes gens inscrits. C'est un changement équitable, mais il faut l'appliquer aux communes comme aux provinces, et je ne sais pas pourquoi la section centrale a fait disparaître le mot « communes » qui se trouvait dans le projet du gouvernement. Il faut dire : « Le contingent annuel de la milice sera réparti entre les provinces et les communes, etc. »

J'applaudis à la disposition additionnelle que la section centrale propose. La section centrale veut qu'on tienne compte aux communes des fractions favorables ou défavorables de l'année précédente. Cela est de toute justice, mais cela ne s'est pas toujours fait. Lorsque je suis arrivé à la députation permanente de Liège, j'ai vu avec étonnement que certaines communes gagnaient depuis longtemps une fraction tandis que d'autres en perdaient une, que certaines communes avaient été constamment favorisées, d'autres constamment lésées dans la répartition ; telle commune qui, d'après sa population, aurait dû fournir un milicien et demi en fournissait toujours deux, tandis qu'une autre commune de population à peu près égale n'en fournissait qu'un. D'où cela provenait-il ? De ce que le bourgmestre de cette dernière commune avait plus d'influence ou d'activité que son collègue, ou bien de la négligence des bureaux ? C'est ce que j'ignore. Toujours est-il que j'ai fait changer ce mode vicieux de répartition, et je vois avec plaisir que la loi va mettre un terme à un état de choses qui laissait trop à l'arbitraire des députations permanentes.

M. de Roo, rapporteur. - L'intention de la section centrale a été d'appliquer la disposition aussi bien à la répartition entre les communes qu'à la répartition entre les provinces. Je ne vois donc aucun inconvénient à insérer les mots « et les communes », comme le propose l’honorable M. Delfosse.

- L'article est mis aux voix et adopté avec l'addition des mots « et les communes ».

Article 7

(page 1173) « Art. 7 (du projet du gouvernement). Indépendamment d'un médecin et d'un chirurgien civil, le conseil de milice sera assisté par un officier de santé militaire, à désigner par le département de la guerre.

« Il en sera de même pour la députation permanents du conseil provincial, lorsqu'elle sera appelée à examiner soit des miliciens que l'autorité militaire a jugés impropres au service, soit toute espèce de réclamation ayant pour objet l'exemption de ce service. »

« Art. 6 (du projet de la section centrale). Lorsqu'un conseil de milice aura approuvé et admis un remplaçant, le commandant provincial, s'il découvre des défauts qui auraient échappé à l'attention du conseil de milice, pourra renvoyer ce remplaçant, dans le mois de son incorporation, à la révision de la députation permanente.

« Lorsque la députation permanente du conseil provincial sera appelée à examiner soit des miliciens, soit des remplaçants que l'autorité militaire juge impropres au service, ou toute autre réclamation ayant pour objet l'exemption de ce service, elle sera assistée, indépendamment d'un médecin et d'un chirurgien civil, ou de deux docteurs en médecine, par un médecin de régiment ou de garnison à désigner par le département de la guerre.

« La décision de la députation permanente sera définitive et ne sera, dans aucun cas, soumise à révision.

« La présente disposition n'est pas applicable aux remplacements et aux substitutions prévus par l'article 129 de la loi du 8 janvier 1817. »

M. le ministre de la guerre (M. Prisse). - Messieurs, j'aurais, relativement à cet article, des observations à présenter à la chambre ; j'espère qu'elle me permettra de les développer.

Je désirerais, messieurs, combattre la proposition de la section centrale et je demanderais en même temps à présenter une autre rédaction de l'article 7 primitivement proposé par le gouvernement.

Dans cet article 7 le gouvernement demandait que le conseil de milice fût assisté par un officier de santé militaire, à désigner par le département de la guerre. D'après des observations qui m'ont été faites tout récemment, je crois qu'il est convenable que le ministère de la guerre renonce à cette faculté et que l'article 7 soit rédigé de la manière suivante :

« Indépendamment d'un médecin et d'un chirurgien civil, la députation permanente du conseil provincial, lorsqu'elle sera appelée à examiner soit des miliciens que l'autorité militaire a jugés impropres au service, soit toute espèce de réclamation ayant pour objet l'exemption de de service, sera assistée de deux officiers de santé militaires. »

Voilà, messieurs, comme je pense que l'article devrait être adopté, dans l'intérêt bien entendu de l'armée.

Si je ne me rallie pas à la proposition de la section centrale, ce n'est pas que je n'aie la plus entière confiance dans les décisions que pourraient prendre les députations permanentes des provinces. Je sais que les députations sont composées d'hommes dignes de toute espèce de considération, d'hommes versés dans la matière. Il n'y a pas de doute à cet égard. Mais, cependant, dans l'intérêt de l'armée, dont, en définitive, les miliciens doivent faire partie, il me semble qu'ils devraient passer par des commissions dans lesquelles se trouveraient des officiers et des personnes pouvant juger en plus entière connaissance de cause, qu'il me soit permis de le dire, que ne peuvent le faire les membres des députations permanentes.

Messieurs, lorsque les miliciens sont appelés au tirage et qu'ils désirent se faire remplacer, ils présentent, dans l'état actuel des choses, leurs remplaçants aux conseils de milice ; si le remplaçant est accepté, on l'envoie au régiment, où il faut qu'il subisse un nouvel examen. Si cet examen n'est pas favorable, on a encore recours à une, et, au besoin, à deux autres commissions. L'Etat est, donc bien certain qu'un homme, qui a passé par toutes ces formalités, remplit toutes les conditions voulues par la loi, pour le service militaire, et la loi veut que les remplaçants soient exempts de tout défaut, même temporaire. Je cite textuellement. Ainsi, un remplaçant ayant un défaut quelconque, doit être refusé.

Messieurs, je le répète, si les députations permanentes sont appelées à décider en dernier ressort, ce sera encore là, malgré tous les soins et malgré toute l'intégrité qu'elles pourront y mettre, une chance de perte pour l'armée.

Je suppose que la députation trouve un remplaçant bon ; cet homme arrivera au régiment ; s'il a dissimulé un défaut, il faut qu'il soit réformé ; voilà un homme perdu pour l'armée. Tel serait le résultat de la proposition de la section centrale. Je n'y vois pas toutes les garanties désirables pour l'armée.

Je sais bien que pour les remplaçants qui viennent servir pour des miliciens autorisés par le département de la guerre ou se faire remplace en vertu de l'article 129 de la loi, la députation permanente est chargée de l'examen ; mais cela tient à ce qu'à l'époque où, d'ordinaire, ces hommes sont admis, les conseils de milice sont dissous, n'existent plus ; alors la députation permanente devient conseil de milice, supplée le conseil de milice, et alors il est clair qu'elle doit avoir le soin de l'examen. Mais l'intérêt des corps exige que des membres de l'armée puissent se prononcer sur ce que peut valoir un remplaçant.

J'espère que la chambre voudra bien prendre en considération les observations que je viens de présenter.

(page 1181) M. Orban. - Messieurs, je suis un peu souffrant et j'ai besoin de l'attention bienveillante de la chambre pour me faire entendre.

La section centrale a proposé à l'article 6 une addition extrêmement importante. Bien que les articles 7 et 8 nouveaux aient été seuls considérés jusqu'à présent comme introduits par la section centrale, dans le but de parer aux abus relatifs à la société de remplacement militaire, je regarde cependant l'addition proposée à l'article 6 comme la disposition qui doit principalement remédier à ces abus. C'est cette disposition qui doit faire cesser l'existence des commissions militaires établies au chef-lieu des provinces dans le but de réviser les décisions des députations permanentes et des conseils de milice qui ont rendu le remplacement militaire direct si difficile et si dispendieux.

Dans l'état actuel des choses, les décisions des députations permanentes et des conseils de milice, qui devraient être tout, ne sont absolument rien dans la pratique. Le département de la guerre considère les décisions des députations permanentes comme de simples avis provisoires dont il fait un usage convenable.

Cette manière d’apprécier, au département de la guerre, les décisions de l'autorité civile a été formulée dans un des considérants de l'arrêté du 10 mars 1838 dans les ternies suivants :

« Considérant que la visite des médecins civils, à subir par le remplaçant qui n'a jamais servi, n'a pour but que de constater qu'il est présumé apte au service militaire, etc. »

Ainsi, une décision administrative et prise en dernier ressort, contre laquelle la loi ne prévoit aucun recours, a été considérée jusqu'à présent, par le département de la guerre, comme un simple avis provisoire qu'il se réserve de faire annuler, soit par une commission militaire, soit même par une simple résolution émanant d'un chef de corps et prise sur l'avis d'un officier de santé militaire. C'est là, il faut le reconnaître, l'abus le plus grave qui existe en cette matière, celui qu'il est le plus essentiel de faire disparaître, car c'est de là que viennent les entraves au remplacement direct, qui ont si bien fait les affaires de la société d'encouragement.

Pour vous mettre à même d'apprécier les difficultés qu'on a rencontrées au remplacement militaire, par suite de ce pouvoir discrétionnaire que s'est réservé le département de la guerre, il suffit de vous signaler la décroissance qu'a subie le nombre des remplacements depuis plusieurs années.

En 1832, le nombre des remplacements était de 2,297; depuis lors, et notamment depuis 1840, époque vers laquelle les commissions militaires ont été instituées, le nombre des remplacements a été décroissant d'année en année; avant 1840, le nombre annuel était moyennement au-dessus de 1,000; depuis 1840, il a toujours été au-dessous de ce chiffre, et il n'a jamais été aussi bas qu'en 1845, où il n'a été que de 844 seulement. J'ignore quel a été le chiffre de 1846.

Cette diminution est une conséquence nécessaire de la sévérité des commissions militaires. Le nombre des remplaçants civils, rejetés par elles, après avoir été admis par l'autorité civile, qui n'était que d'un sur 14 avant 1840, s'est élevé depuis lors à 1 sur 4 : c'est dans la brochure même de la société que cette proportion est établie.

Cet état de choses, comme je l'ai dit, a suffi pour faire les affaires de la société pour les remplacements militaires. Il est évident que cette difficulté extraordinaire qu'on a trouvée à se faire remplacer est venue singulièrement en aide aux opérations de la société, puisque les remplaçants fournis par elle, admis d'avance en quelque sorte avant d'être présentés aux députations, ne sont pas soumis à l'examen des commissions militaires et que toute cette rigueur, toutes ces difficultés existent pour tout le monde, excepté pour elle, qui, encore une fois, opère sur une catégorie de remplaçants non soumis à ces formalités.

C'est pour faire cesser cette pratique, si contraire au bon sens, si contraire à l'esprit et au texte de la législation sur la milice, que la section centrale vous propose de supprimer cette juridiction militaire improvisée, en décidant que dorénavant les décisions de l'autorité civile seront en dernier ressort et ne seront l'objet d'aucun recours devant l'autorité militaire.

M. le ministre de la guerre combat cette disposition ; il veut en revenir, en le faisant légaliser, au bon plaisir de l'autorité militaire, à cet état de choses si facile et si commode, mais si arbitraire, que je vous ai signalé.

Evidemment, il est contraire au bon sens de vouloir subordonner la décision d'un corps légalement constitué , d'un corps aussi respectable que la députation permanente, présidée par le gouverneur, procédant avec toutes les formalités, avec toutes les garanties possibles ; de subordonner, dis-je, cette décision à la révision arbitraire d'un chef de corps. Quand on soumet la décision d'un corps à la révision d'un autre corps, il faut que ce dernier soit placé dans une position supérieure, offrant plus de garanties, plus d'autorité, et telle n'est pas évidemment la fonction des chefs de corps, ni même des commissions militaires à l'égard des députations permanentes.

Mais, a dit M. le ministre de la guerre, voyez à quelles conséquences vous nous exposez ! Les remplaçants doivent être exempts de tout défaut; les députations pourront nous envoyer des remplaçants qui ne sont pas exempts de tout défaut, remplaçants que nous devrons conserver ou ou renvoyer au préjudice du contingent si nous ne pouvons pas réformer les décisions des députations.

Messieurs, si la députation se trompe, on devra, il est vrai, subir les conséquences de son erreur ; c'est ce qui arrive toutes les fois qu'un corps légalement investi du droit de rendre des décisions, commet une erreur. Mais des erreurs de la part de la députation permanente ne seront jamais que des exceptions. On doit présumer que les députations permanentes connaissent la loi ; qu'elles en feront une application saine et consciencieuse, et que lorsqu'elles examineront un remplaçant, elles auront égard aux conditions que la loi exige pour cette admission.

La chambre ne doit pas s'émouvoir de l'inconvénient signalé par M. le ministre de la guerre, et qu'il considère comme si dangereux, inconvénient qui résulterait de ce que la députation permanente pourrait envoyer au corps des remplaçants ne présentant pas les garanties nécessaires ; ce qui mettrait l'autorité militaire dans la nécessité de les renvoyer au préjudice du contingent.

Ce droit, que M. le ministre redoute tant, s'exerce déjà par la députation permanente sur une échelle bien plus vaste en ce qui concerne les miliciens ; quand une députation permanente est appelée à juger l'aptitude d'un milicien au service, elle prononce souverainement ; et si le milicien n'est pas jugé propre au service lors de son arrivée au corps, l'autorité militaire peut bien le renvoyer dans ses foyers, mais non réformer la décision de l'autorité civile.

Et remarquez, messieurs, que le droit que. M. le ministre de la guerre veut contestera la députation permanente en ce qui concerne le remplacement ne peut donner lieu aux mêmes inconvénients que l'exercice de son droit de juger l'aptitude des miliciens au service. Dans ce dernier cas, la députation et les conseils de milice, je crois pouvoir le dire, opèrent sur le rebut du contingent ; ce sont toujours des hommes plus ou moins défectueux, sous le rapport physique, et sur l'aptitude desquels elle doit prononcer : on conçoit que dès lors, parmi les hommes qu'elle désigne pour le service, il puisse s'en trouver de mauvais ; mais cet inconvénient ne se présentera jamais, en ce qui concerne les remplaçants; car ils doivent être exempts de tout défaut, ceux qui les présentent à l'examen de l'autorité civile ne l'ignorent pas, et l'on peut dire, sans crainte de se tromper, que les plus mauvais d'entre les remplaçants soumis à son examen valent mieux que les meilleurs d'entre les miliciens sur lesquels elle a à statuer. Si donc une erreur était commise en matière de remplacement , elle ne pourrait avoir pour résultat d'envoyer au corps un homme défectueux au point d'être impropre au service. En un mot l'on pourra admettre quelquefois des remplaçants qui ne seraient pas exempts de tous défauts, comme le veut la loi ; mais il arrivera rarement, si toutefois il arrive, que l'on admette des hommes impropres au service et que l'on doive les renvoyer du corps au préjudice du contingent. Cet inconvénient, je le reconnais, existe très souvent en ce qui concerne les miliciens; mais à moins qu'on n'y mette beaucoup de mauvaise volonté, ce que je ne présume pas, il ne se présentera pas à l'égard des remplaçants.

Du reste on a remédié en très grande partie aux inconvénients de l'ancien état de choses. Autrefois les décisions des députations étaient prises exclusivement sur l'avis de médecins civils.

Aujourd'hui, on vous propose d'adjoindre des médecins militaires aux médecins civils. C'est là une puissante garantie que les décisions de l'autorité civile répondront dorénavant aux légitimes exigences de l'autorité militaire.

Je pense que ces observations suffiront pour faire admettre l'amendement de la section centrale. Quand nous en serons au dernier paragraphe, je proposerai une modification pour aller plus loin que ne le propose la section centrale.

(page 1177) M. le ministre de la guerre (M. Prisse). - Messieurs, d'après ce que vient de dire l'honorable M. Orban, il semblerait que les commissions militaires établies dans les provinces par un de mes honorables prédécesseurs n'ont eu pour objet que de favoriser la société générale pour l'encouragement du service militaire. Eh bien, la preuve que si ces commissions ont été établies dans ce but, elles ne l'ont pas atteint, c'est que les remplacements faits par la société ont été toujours en déclinant depuis l'époque de leur établissement.

Voici les chiffres des remplaçants fournis avant et depuis la formation de ces commissions militaires : La société a fourni, en 1837, 80 remplaçants ; en 1838, elle en a livré 144 ; en 1839, 174 ; en 1840, 380. Depuis cette époque, le nombre a toujours été en déclinant : en 1841, il s'élevait à 290 ; en 1842, à 147 ; en 1843, à 77 ; en 1844, à 84 ; en 1845, à 70 ; et, enfin, en 1844, à 99. De façon que ces commissions n'auraient pas rempli les intentions de mon honorable prédécesseur.

Le véritable but de la création de ces commissions a été d'éviter des dépenses assez fortes au département de la guerre ; les miliciens devant être visités d'abord dans leur province, puis ensuite au corps, ils étaient astreints à des voyages, le département de la guerre devait les prendre en subsistance au régiment, et s'ils n'étaient pas admis, il fallait les renvoyer chez eux, toujours aux frais de l'Etat ; pour éviter ces allées et venues, on a établi au chef-lieu de chaque province une commission militaire.

Voilà le véritable but de cette création.

D'après la proposition de la section centrale appuyée par l'honorable M. Orban, on voudrait changer le rôle rempli jusqu'à présent par les députations permanentes.

Vous savez, messieurs, que les miliciens qui se font remplacer au moment du tirage présentent leurs remplaçants au conseil de milice ; la députation ne les connaît pas ; elle ne les examine pas ; elle n'examine que les remplaçants fournis en vertu de l'article 129 de la loi sur la milice. L'honorable M. Orban voudrait dépouiller les commissions militaires d'un droit dont elles ont joui jusqu'à présent pour le donner aux députations permanentes.

C'est sur ce point que, je veux appeler l'attention de la chambre ; je lui demande si elle veut donner en quelque sorte une marque de défaveur à l'armée dont les membres sont, je le pense, aussi capables, aussi intègres que ceux des députations permanentes ; si elle veut dépouiller l'armée du droit d'examen à l'égard des soldats qui doivent alimenter son effectif, pour le donner aux députations permanentes.

Sera-t-on plus certain des résultats ? A-t-on bien réellement à se plaindre, comme le dit l'honorable M. Orban, du soin que mettent les membres militaires des conseils de milice à n'admettre comme remplaçants que des hommes très valides ? C'est l'intérêt du pays. C'est déjà une assez mauvaise chance pour l'armée que la présence de remplaçants dont la moralité est plus ou moins suspecte, sans courir encore celle de les admettre avec des défauts physiques, qui auraient pu échapper aux députations permanentes. Tout ce qu'on ferait donc pour écarter les commissions militaires serait au détriment de l'armée.

Je ne cherche nullement à rien enlever à l'influence très juste, très respectable des députations permanentes, mais je cherche à conserver ce que nous possédons. Déjà les miliciens passent à l'examen des députations permanentes, c'est utile et convenable ; mais nous avons de meilleures garanties de moralité chez les miliciens que chez les remplaçants. Je ne vois pas pourquoi on dépouillerait l'armée du droit dont elle a joui jusqu'à présent à l'égard de ceux-ci et qui a une très grande importance pour sa composition.

M. Lebeau. - De quel droit ?

M. le ministre de la guerre (M. Prisse). - Celui d'être représentée et d'avoir de l'influence dans les conseils qui examinent les soldats à incorporer

M. de Garcia. - La disposition présentée par la section centrale a reçu mon assentiment à la section centrale, dont je faisais partie ; aussi mon intention est-elle de la défendre dans la discussion actuelle. Mon intention pourtant n'est pas d'infliger aucun blâme aux commissions militaires ; ici il ne peut s'agir ni de blâme, ni d'éloge. La vraie et la seule question à examiner est de savoir si les commissions militaires sont indispensables, si elles ne blessent pas des intérêts, si elles sont légales. Pour attaquer ce qui existe dans notre pays ; pour attaquer une mesure qui s'est introduite, on ne sait trop pourquoi, je commencerai par citer l'exemple de qui se passe en France ; cela suffira, je pense, pour conserver aux députations permanentes l'appréciation absolue de l'aptitude des remplaçants au service militaire. En France, le conseil de révision examine non seulement les conscrits, les miliciens, mais tous les remplaçants. L'autorité militaire n'a, dans aucun cas, d'objection à proposer contre les résolutions de ce corps.

Pourquoi n'en serait-il pas de même des résolutions prises par les députations, qui, chez nous, font l'office des conseils de révision en France ? Serait-ce parce que les députations ne sont pas organisées convenablement pour apprécier l'aptitude des citoyens au service militaire ? En supposant qu'il en soit ainsi, le remède ne serait pas le maintien ou la création de commissions militaires, mais quelques modifications dans les éléments des députations provinciales lorsqu'elles sont appelées à délibérer sur ces matières.

A ce point de vue, j'ai été en désaccord avec mes collègues de la section centrale ; d'après sa proposition, la députation est assistée, dans les opérations dont il s'agit, de deux médecins civils et d'un médecin militaire. Dans ma manière de voir, il fallait autant de médecins militaires que de médecins civils. Cette mesure me paraît concilier tous les intérêts (page 1174) et tous les amours-propres, aussi me proposé-je de faire un amendement dans ce sens.

L'on conçoit facilement, messieurs, tout ce qu'il y a de faux dans la position faite au médecin militaire par le projet de la section centrale. La justesse de ses observations autant que son amour-propre peuvent se trouver sans cesse en échec.

A part cette modification, j'appuie fortement la proposition de la section centrale qui veut que les décisions de la députation permanente fassent droit, et partant, je veux que ces décisions soient environnées de toutes les garanties possibles, autant dans l’intérêt de l'armée que dans celui des citoyens appelés à fournir le contingent.

Qu'il me soit permis d'ajouter une autre observation à l'appui des décisions absolues des députations. Je demanderai comment et par quel motif on veut leur contester la capacité d'apprécier les qualités d'un remplaçant, alors qu'elle sont investies du droit d'apprécier les capacités d'un citoyen appelé à la milice nationale et ce d'une manière absolue ? Pour être conséquent avec le système introduit, selon moi, abusivement dans l'armée, il faudrait qu'on augmentât encore les attributions de l'autorité militaire, et qu'on lui conférât le droit de rejeter les miliciens reconnus aptes au service par la députation en d'autres termes il faudrait à ce point de vue annihiler l'autorité civile. Sous aucun rapport, ceci ne peut avoir lieu ; les garanties que donne la juridiction civile sont incontestables. Quel intérêt aurait une députation à juger un milicien propre au service et à ne pas en agir de même pour les remplaçants ? C'est une inconséquence qu'on ne peut supposer dans un corps semblable.

Au surplus, je reviens à mon exemple, en France l'armée est bonne, et cependant il n'y a pas de commissions militaires pour contrarier les résolutions de l'autorité civile, pour paralyser les décisions du conseil de révision, qui décide en dernier ressort pour les remplaçants comme pour les miliciens. S'il reste quelque chose à faire pour organiser convenablement les conseils des députations, qu'on le fasse, mais qu'on ne détruise pas l'influence de l'autorité qui, d'après nos lois, est seule compétente pour connaître de ces matières.

De cette manière les intérêts de l'armée comme ceux des citoyens et de la loi seront sauvegardés.

M. Lejeune. - Je pense aussi qu'il serait désirable que les décisions de la députation fussent définitives.

L'objection qu'a faite l'honorable ministre de la guerre consiste à dire que les remplaçants admis par les conseils de milice vont directement au corps, ne passent pas par les députations. Mais ne suffit-il pas que l'autorité militaire ait devant elle un mois pour examiner ces remplaçants, et pour les renvoyer devant les députations ?

Messieurs, si les décisions de la députation doivent être définitives, il est très nécessaire aussi, me paraît-il, que le département de la guerre soit mieux représenté dans le conseil de révision. Je suis étonné que M. le ministre de la guerre se soit borné à l'amendement qu'il vient de nous soumettre. Le département de la guerre est convenablement représenté dans les conseils de milice ; pourquoi ne l'est-il pas de même dans les députations, siégeant comme conseils de révision ? Pourquoi un officier supérieur n'assiste-t-il pas aux conseils de révision avec voix délibérative ?

Cette espèce d'anomalie, messieurs, donne lieu à des décisions très différentes dans les mêmes causes, de la part des conseils de milice et de la part des députations.

Lorsque M. le ministre a présenté son amendement, je croyais qu'il allait nous proposer une mesure tendant à combler cette lacune. Je trouve, quant à moi, qu'il conviendrait qu'un officier supérieur prît part aux décisions de la députation en matière de milice.

M. le ministre de la guerre demande que dans certains cas les députations soient assistées de deux officiers de santé. Cette mesure peut être bonne, dans les cas prévus. Mais ne vaudrait-il pas mieux composer les conseils de révision de telle manière, qu'ils soient les mêmes pour tous les cas ? Suivant l'amendement du ministre de la guerre, vous avez dans certains cas deux médecins militaires et deux médecins civils. Il serait préférable, me paraît-il, d'appeler concurremment des médecins civils et des officiers de santé militaires pour tous les cas indistinctement.

Du reste l'heure étant trop avancée, la chambre n'est pas disposée sans doute à voter aujourd'hui sur cette question.

Plusieurs membres. - A demain !

M. le président. - Les amendements déposés seront imprimés et distribués.

Projet de loi visant à la création d'une société d'exportation

Rapport de la section centrale

M. Desmaisières. - J'ai l'honneur de présenter le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif à la formation d'une société d'exportation.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

Le jour de la discussion sera ultérieurement fixé.

La séance est levée à 4 heures et demie.