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Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 19 avril 1847
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétitions relatives à une demande de secours par
un ancien militaire (Lange) et à une demande de restitution
droits perçus indûment (Delfosse)
2) Projets
de loi accordant des naturalisations ordinaires
3) Projet
de loi portant le budget du département des travaux publics pour l’exercice
1847. Discussion des articles.
a) Personnel
du corps des ponts et chaussées, notamment école du génie civil de Gand,
conflit d’intérêts (d’Hoffschmidt, de Bavay, de Man d’Attenrode, d’Elhoungne, de Bonne, de Bavay, d’Hoffschmidt, Brabant, de Mérode, d’Elhoungne, d’Hoffschmidt,
Rogier, de Theux, Rogier, de Theux, de Bavay, Osy, de Bavay,
d’Hoffschmidt)
b) Chemin
de fer de l’Etat. Motion d’ordre (Osy, Rodenbach,
de Garcia, de Mérode, d’Hoffschmidt, Malou, Lys, de Garcia)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1846-1847)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1509) M. Huveners procède
à l’appel nominal à deux heures et un quart ; la séance est ouverte.
M. Van Cutsem lit le
procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Huveners fait
connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur Vandermeulen, ancien militaire, demande un secours. »
M. Lange. -
Le pétitionnaire est un ancien militaire dont la position appelle réellement la
commisération ; je demande donc la faveur d'un prompt rapport.
- La chambre, adoptant cette proposition, renvoie cette pétition à la commission
des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
________________
« Le sieur Van Liempt, milicien de la levée de 1842, appartenant au
régiment du génie, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir du
département de la guerre l'autorisation de contracter mariage. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
________________
« Les sieurs Faessen, Gillard et
autres commissaires de l'association des bateliers de la Meuse, prient la
chambre d'allouer au budget des travaux publics les fonds nécessaires à la
construction de deux barrages, à Visé et
aux îles de Hermalle-sous-Argenteau, demandent que le gouvernement améliore le
régime des chemins de halage sur la Meuse, de Liège à la frontière hollandaise.
»
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux
publics.
« Le sieur Dumoulin, brasseur
propriétaire à Xhavée-Souverain-Wandre, réclame l'intervention de la chambre
pour obtenir le remboursement de droits perçus en trop par le
gouvernement. »
M. Delfosse. - Le pétitionnaire réclame depuis plusieurs années
une somme qui aurait été indûment perçue par l'administration des accises. On
devrait examiner cette réclamation le plus tôt possible. Quand une somme est
due depuis cinq ans, il est temps de la payer.
Je demande donc un prompt rapport.
Je suppose que la commission conclura au renvoi de la pétition à M. le
ministre des finances, avec demande d'explications.
- La chambre, adoptant cette proposition, renvoie la pétition à la
commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
________________
Message de M. le ministre de la justice accompagnant l'envoi de
renseignements sur des demandes de naturalisation.
- Renvoi à la commission des naturalisations.
PROJETS DE LOI ACCORDANT DES NATURALISATIONS ORDINAIRES
La chambre adopte sans discussion, par assis et levé, les 24 projets de
loi suivants :
« LÉOPOLD, Roi des Belges, A tous présents et à venir, salut.
« Vu la demande du sieur Hippolyte Henry, sergent au 1er régiment de
ligne, né à Trêves (Prusse), le 14 floréal an XIII, tendant à obtenir la
naturalisation ordinaire ;
« Attendu que les formalités prescrites par les articles 7 et 8 de
la loi du 27 septembre 1835 ont été observées ;
« Attendu que le pétitionnaire a justifié des conditions d'âge et
de résidence exigées par l'article 5 de ladite loi ;
« Les chambres ont adopté et nous sanctionnons ce qui suit :
« Article unique. La naturalisation ordinaire est accordée audit
sieur Hippolyte Henry. »
- La formule qui précède est applicable à chacune des demandes des
sieurs :
Gustave Rothmaler, employé à l'administration communale de Bruxelles, né
à Voorburg (Pays-Bas).
________________
Egide Nilschké, musicien gagiste au 2ème régiment de chasseurs à pied, né
à Luxembourg (grand-duché de Luxembourg).
________________
Frédéric Heyerdahl, capitaine de navire, né à Christiansand (Norwége),
le 19 juin 1805, domicilié à Anvers.
________________
Pierre Blom, préposé de douanes de 2ème classe, né à Halsteren (Pays-Bas),
domicilié à Turnhout.
________________
Lambert-Jacques Plevoets, tailleur, ne à Anvers.
________________
Joseph-Nicolas Muiron, sous-lieutenant au 4ème régiment de ligne, né à
Ostende (Belgique) d'un père français.
________________
Guillaume Wagenaar, capitaine en second de navire, né à Lemmer
(Pays-Bas), le 5 juillet 1788, domicilié à Anvers.
________________
Jean Arends, capitaine de navire, né à l'île de Juist (Hanovre), le 31
mars 1780.
________________
Harm-Helmers Smidt, capitaine de navire, né à Wener (Hanovre), le 5 juin
1807, domicilié à Anvers.
________________
Jean-Jurgen Hinrichsen, capitaine de navire au long cours, né à Fohr
(Danemark), le 26 septembre 1811, domicilié à Anvers.
________________
Herre Arends, capitaine en second de navire au long cours, né à l'île de
Juist (Hanovre), le 6 janvier 1817, domicilié à Anvers.
________________
Martin Pienschke, capitaine de navire au long cours, né à Broesen
(Prusse), le 29 janvier 1795, domicilié à Anvers.
________________
Tjark-Oveiwien Meents, capitaine de navire au long cours, né à Tunnix
(Hanovre), le 20 septembre 1814, domicilié à Anvers.
________________
André-Albert Jansen, capitaine en second de navire au long cours, né à
Keilum (Danemark), le 28 octobre 1819, domicilié à Anvers.
________________
Michel Michelsen, capitaine de navire au long cours, né à Christiansoe
(Danemark), en 1800, domicilié à Anvers.
________________
Jean-Ihnken Reeners, capitaine de navire au long cours, né à Carolinensyhl
(Hanovre), le 10 octobre 1805, domicilié à Anvers.
________________
Jean-Martin Dam, capitaine de navire au long cours, né à Lubeck
(Allemagne), le 25 août 1801, domicilié à Anvers.
________________
Pierre-Jean Giebelstein, capitaine en second de navire au long cours, né
à Petersdorf (Danemark), le 29 août 1812, domicilié à Anvers.
________________
Riwerl-Boy Ketelsen, premier second de navire au long cours, né à Oldsum
(Danemark), le 15 janvier 1819, domicilié à Anvers.
________________
Arfst-Rord Arfsten, capitaine de navire au long cours, né à Alkersum
(Danemark), le 16 septembre 1791, domicilié à Anvers.
________________
Gérard Kuiper, capitaine de navire au long cours, né à Kleinemeer
(Pays-Bas), le 22 février 1811, domicilié à Anvers.
________________
Wybrand de Ryck, capitaine de navire au long cours, né à Woudsend
(Pays-Bas), le 31 mars 1803, domicilié à Anvers.
________________
Harke-Bruns Wegman, second de navire au long cours, né à Embden
(Hanovre), le 3 décembre 1819, domicilie à Anvers.
________________
- Il est procédé au vote par appel nominal sur ces projets, qui sont
adoptés à l'unanimité des 52 membres présents.
Ces membres sont : MM. Henot, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau,
Lejeune, Lesoinne, Liedts, Loos, Lys, Malou, Mast de Vries, Orts, Osy, Pirson,
Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Troye, Van Cutsem, Vandensteen,
Veydt, Vilain XIIII Wallaert, Biebuyck, Brabant, Cans, Clep, d'Anethan, de
Baillet, de Bonne, Dedecker, de Foere, de Garcia de la Vega, de Haerne, Delehaye,
Delfosse, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meester, de Muelenaere, de
Renesse, Desmaisières, Desmet, d'Hoffschmidt, Dolez, Donny, Eloy de Burdinne et
Goblet.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DES TRAVAUX
PUBLICS POUR L’EXERCICE 1847
Discussion des articles
Chapitre II.
- Ponts et chaussées, canaux et rivières, polders, ports et côtes, bâtiments
civils, personnel des ponts et chaussées
Section V.
Personnel du corps des ponts et chaussées
Article 48
M. le président. - La discussion continue sur l'article 48 du chapitre
II.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, je viens combattre la
réduction proposée par la section centrale sur le deuxième littera de l'article
qui est en discussion. La section centrale propose une réduction de 6,000 fr.,
sur un chiffre de 12,000. Pour bien apprécier, messieurs, les motifs qui ont
engagé le gouvernement à augmenter le chiffre voté l'année dernière, il faut se
rendre compte de la destination de l'allocation proposée. D'abord, une partie
de la somme est destinée aux frais du jury d'examen. Il faut, d'après les
prévisions de M. le ministre des travaux publics, 3,250 fr. pour frais du jury
; si donc nous n'augmentons pas la somme de 6,000 fr. il restera 2,750 fr. pour
payer les indemnités que l'on accorde aux élèves du génie civil, lorsqu'ils
sont envoyés, pendant le semestre d'été, sur les travaux. Avec cette somme,
messieurs, on ne pourrait accorder des indemnités qu'à huit élèves, à raison de
350 fr. par élève. Comme, d'après ce qui se passe, vingt ou vingt-cinq élèves
sont ordinairement envoyés, sur les travaux, plus de la moitié resteraient sans
indemnité. Voilà l'inconvénient auquel on veut parer. Ce sont les ingénieurs
des ponts et chaussées qui désignent les élèves auxquels des indemnités sont
accordées, et comme il en résulte nécessairement qu'un certain nombre d'élèves
en sont privés, il y a là une différence, une inégalité fâcheuse et nuisible
pour ces derniers.
Je crois qu'il vaudrait infiniment mieux supprimer entièrement
l'allocation, que de faire une semblable distinction qui peut donner lieu à de
véritables abus. En effet, comme ce sont les ingénieurs qui sont chargés des
propositions, on peut les accuser d'y mettre de l'arbitraire. et ce n'est pas
seulement une indemnité pécuniaire qu'on accorde, c'est encore jusqu'à un
certain point une marque de distinction donnée au mérite, de sorte que ceux qui
n'ont pas obtenu d'indemnité, sont censés ne pas avoir le même mérite que les
autres. Or, c'est par des examens seulement que les élèves doivent être
classés.
Ce sont ces motifs, messieurs, qui ont souvent donné lieu à des
réclamations. Lorsque j'étais au ministère des travaux publics, j'ai reçu de
nombreuses réclamations, même de la part de membres de la chambre ; on
demandait comment il se faisait que certains élèves n'obtenaient pas
d'indemnité, tandis que d'autres en recevaient. et dans la discussion qui a eu
lieu l'année dernière, d’honorables membres se sont élevés contre cette
distinction ; on a soutenu qu'il y avait des élèves qui avaient (page 1510) rendu de véritables
services, qui avaient fait preuve de capacité, qui étaient peu favorisés de la
fortune et qui n'avaient rien reçu. L'honorable M. de Garcia, entre autres, se
proposait de présenter un amendement tendant à augmenter le chiffre qui avait
été alloué précédemment.
L'honorable rapporteur de la section centrale nous a dit, messieurs,
qu'il n'y avait pas obligation, pour les élèves, de se rendre sur les travaux.
C'est là une erreur : d'après l'arrêté du 10 août 1844, il y a obligation, pour
les élèves qui sont désignés, de se rendre sur les travaux ; ils doivent s'y
rendre, sous peine de perdre les avantages qu'ils ont obtenus jusqu'alors.
L'indemnité accordée résulte d'abord du principe posé par l'arrêté
organique de 1831 et reproduit dans l'arrêté du 1er octobre 1838, relatif à
l'école du génie civil. Ensuite, il y a obligation imposée aux élèves,
lorsqu'ils sont désignés, en vertu de l'arrêté du 10 août 1840. Or, puisqu'il
résulte de ces déplacements obligatoires, des frais pour ces élèves, il est
juste, ce me semble, de les en indemniser, d'autant plus que non seulement ils
reçoivent l'instruction sur les travaux, mais qu'en même temps ils rendent de
véritables services à l'administration.
Je crois donc qu'il convient de voter l'augmentation qui a été proposée
par le gouvernement ; quant à moi, je le répète, je préférerais supprimer
entièrement les indemnités à en accorder aux uns et à en refuser aux autres.
C'est une inégalité que rien ne justifie ; car il est fort difficile
d'apprécier, même sur les travaux, la différence qu'il y a entre les services
rendus par tel élève et les services rendus par tel autre. On ouvre ainsi la
porte à l'arbitraire et on mécontente plutôt que de favoriser.
D'un autre côté, il ne faut pas oublier que l'école du génie civil est
la pépinière de notre corps des ponts et chaussées et que cette institution se
justifie parfaitement par les élèves distingués qui en sortent. Ainsi, on ne
peut pas refuser de voter une si faible dépense, alors qu’elle produit de si
bons résultats.
Notre corps des ponts et chaussées, personne ne l'ignore, jouit d'une
réputation méritée, non seulement en Belgique, mais dans toute l'Europe, et
c'est un motif pour tâcher de le maintenir à cette hauteur.
On vous l'a dit, messieurs, dans une séance précédente, nous avons
envoyé des ingénieurs du corps des ponts et chaussées dans la plupart des Etats
européens, et ils y ont soutenu dignement l'honneur du nom belge. D'autres pays
encore réclament l'aide de nos ingénieurs, et il n'est pas jusqu'à la Russie,
dont le gouvernement n'a pas encore établi des relations diplomatiques avec la
Belgique, qui ne soit venue demander à notre gouvernement de lui envoyer des
ingénieurs.
Un autre avantage que l'envoi de nos ingénieurs à l'étranger procure à
la Belgique, c'est de favoriser nos relations commerciales avec les pays où on
les envoie. Ces différents Etats, pour l’établissement de leurs chemins de fer,
ont besoin de rails, de matériel ; eh bien, par suite de la présence des
ingénieurs belges, souvent notre pays était préféré à l'Angleterre dans les
commandes ; c'est là un avantage très considérable que nos ingénieurs ont
procuré, sous le rapport matériel, à la Belgique.
Dans ce moment-ci, nous avons dans la Sardaigne un jeune ingénieur belge
qui est chargé d'un des travaux les plus difficiles qui aient été conçus depuis
longtemps. Il s'agit pour le gouvernement sarde de percer le mont Cénis par un
tunnel de 11,000 mètres. Eh bien, c'est un ingénier belge, un Luxembourgeois,
qui est chargé de la mission honorable de diriger ce travail gigantesque.
J'approuve donc beaucoup M. le ministre de travaux publics, lorsqu’il
nous dit qu'il est disposé à se montrer favorable à l'envoi de nos ingénieurs à
l'étranger. Je sais bien qu'il ne faut pas nous priver en quelque sorte de
toutes nos capacités ; il faut nécessairement une certaine limite ; mais
jusqu'à présent du moins, le corps des ponts et chaussées a été assez riche
pour pouvoir envoyer des ingénieurs à l'étranger, et pour pouvoir conserver
dans le pays de nombreuses capacités.
Du reste, à côté de ce corps d'anciens ingénieurs, s'élève une jeune
génération que fournit l'école du génie civil de Gand, et je suis convaincu que
cette jeune génération soutiendra également l'honneur de notre corps des ponts
et chaussées..
On a dit encore que dans le corps des ponts et chaussées, il y avait du
relâchement et même de l'insubordination. Je dois déclarer que, pendant que j'ai
été à la tête du département des travaux publics, je n'ai pas remarqué la
moindre insubordination, et que je n'ai eu qu'à me louer de mes relations avec
ce corps distingué.
D'ailleurs le gouvernement a des moyens très efficaces de réprimer les
actes d'insubordination, s'il s'en présente ; il peut puiser dans les arrêtés
organiques, et dans les règlements des ponts et chaussées, des moyens faciles
de rappeler à l'ordre ceux qui s'en écartent.
On a parlé aussi, dans la séance de samedi dernier, d'un arrêté sur les
inventions qui a été pris par M. le ministre des travaux publics, le 11 mars
dernier. Je dois le dire, je ne puis pas approuver toutes les dispositions de
cet arrêté, je ne puis même pas non plus approuver son premier considérant. Il
me semble qu'il est conçu en termes trop sévères, trop durs, trop absolus, et
qu'il est même inexact. Voici comment est conçu le premier considérant de
l'arrêté :
« Considérant que les fonctionnaires et employés du gouvernement doivent
à l'Etat l'emploi de leur temps, le produit de leur travail, le résultat de
leurs recherches et de leur expérience. »
C'est aller trop loin ; c'est trop vague, trop absolu.
Les fonctionnaires de l'Etat, dans les divers départements aussi bien
que dans celui des travaux publics, doivent remplir leurs devoirs, accomplir le
service qui leur est imposé ; mais une fois qu'ils se sont soumis aux règles
tracées par les arrêtés organiques et les règlements et à la subordination, on
ne peut pas exiger qu'en dehors de leurs fonctions, tout le produit de leur
temps, de leur travail, de leurs recherches et de leur expérience appartienne à
l'Etat. Ainsi un employé des bureaux doit se soumettre au règlement, se rendre
au bureau vers 9 heures, y rester jusqu'à 3 ou 4 heures ; je ne dis pas que,
quand le service l'exige, il ne doive pas revenir plus tard quand son chef le
demande ; mais quand il a terminé sa besogne on ne peut pas l'empêcher de
s'occuper de recherches utiles et même des moyens d'augmenter son revenu, ou
bien confisquer ensuite le produit de ses veilles et de son intelligence.
Ainsi par exemple, je suppose un jeune employé dans l'administration du
chemin de fer qui aura rempli ponctuellement ses devoirs, accompli son service,
qui passera ses veilles à la recherche de quelque découverte, de quelque
perfectionnement dans l'industrie des chemins de fer. Vous viendrez prétendre
qu'on a le droit d'enlever le fruit de ses veilles, le produit de son
intelligence à ce jeune employé parce qu'il recevra un certain traitement de
l'Etat ? Evidemment il est impossible qu'on puisse aller aussi loin.
A mes yeux, le mauvais côté de l'arrêté sera d'arrêter ceux qui ont des
moyens matériels qui leur permettent de rechercher des inventions nouvelles, il
aura pour effet de les empêcher de se livrer à des recherches, et sera un
obstacle à la découverte d'inventions fort utiles. Or, lorsque de toutes parts
les ingénieurs mécaniciens portent toute leur attention sur les
perfectionnements à apporter à l'exploitation des chemins de fer, ne serait-il
pas fâcheux que l'administration belge restât en arrière ?
Il serait fâcheux que les inventions et les perfectionnements nous
arrivassent toujours des autres pays.
Déjà plusieurs perfectionnements remarquables sont dus à nos ingénieurs
: je citerai, par exemple, celui que nous devons à M. Cabry ; cet ingénieur en
chef a inventé un système d'expansion qui a amené des améliorations très
importantes dans notre exploitation, et qui a été appliqué dans d'autres pays.
Si nos ingénieurs peuvent produire des inventions utiles, ce sera un
grand avantage et un honneur pour le pays..
Il serait donc fâcheux que, par des mesures restrictives, on arrêtât cet
élan.
Remarquez d'ailleurs, messieurs, qu'un des premiers effets de l'arrêté
du 11 mars a été de mettre en contradiction flagrante M. le ministre de
l'intérieur et M. le ministre des travaux publics.
En effet, par suite de l'arrêté du 11 mars, un ingénieur qui faisait
partie de l'administration d'une société anonyme a été forcé de donner sa
démission.
Quelque temps après, un autre ingénieur des ponts et chaussées a été
appelé à concourir à la gestion d'une autre société anonyme. Il est vrai que M.
le ministre des travaux publics a dit que ce n'était pas son fait, qu'il n'y a
pris aucune part.
Mais les principes invoqués par M. le ministre des travaux publics dans
les considérants de son arrêté du 11 mars, s'appliquent à tous les
fonctionnaires, non seulement de l'administration du chemin de fer, mais de
l'Etat. Pour être conséquent, il aurait donc dû s'opposer à la nomination d'un
des fonctionnaires de son département dans l'administration d'une société
anonyme.
L'ingénieur en chef dont il s'agit est bien, vous le savez, une espèce
de fonctionnaire mixte, dépendant du ministère de l'intérieur pour les
irrigations ; mais il prétend sans doute appartenir avant tout au corps des
ponts et chaussées et par conséquent appartenir principalement au département
des travaux publics. Je pense donc qu'il convenait tout au moins que M. le
ministre des travaux publics intervînt dans l'autorisation qui a dû être
accordée.
Maintenant, je demanderai au ministère si les
principes de l'arrêté doivent s'appliquer à tous les fonctionnaires de l'Etat ?
Le texte du premier considérant m'autorise à faire cette question.
Par exemple, si des officiers de l'armée et particulièrement du génie,
ou des fonctionnaires du département des finances inventent un procédé utile,
l'arrêté du 11 mars leur sera-t-il applicable ? Nous devons le croire, puisque,
d'après cet arrêté, tous les fonctionnaires doivent à l'Etat leur temps et le
résultat de leurs recherches et de leur expérience. C'est là un principe qui ne
peut être appliqué uniquement à l'administration du chemin de fer ; il doit
être généralisé. Ou plutôt il doit être abandonné. En effet, je crois que
l'arrêté du 11 mars n'aurait pas dû être porté ; j'espère qu'on le retirera, ou
qu'au moins on le laissera sans application.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). -
Messieurs, je ne pense pas que l'arrêté du 11 mars dernier mérite les critiques
dont il vient d'être l'objet de la part de l'honorable préopinant.
Cet arrêté n'a ni pour but, ni pour résultat de comprimer la pensée : ce
n'est, en aucune façon, une déclaration de guerre aux inventions. Cet arrêté
doit être pris dans son ensemble.
On vous a parlé des clauses restrictives de cet arrêté ; mais on a omis
de vous parler de la disposition finale de l'arrêté, portant que le Roi se
réserve de décerner des récompenses pour les inventions qui auraient été
reconnues utiles à l'un ou à l'autre des services de l'Etat. L'encouragement
aux inventions reste, ce me semble, à peu près ce qu'il était ; il est en
quelque sorte régularisé.
Avant cet arrêté, un ingénieur était libre de se faire breveter pour une
invention applicable aux locomotives, par exemple, et de régler la rétribution
qui lui aurait été due par l'Etat pour l'emploi de ce procédé nouveau.
(page 1511) Il faut
bien reconnaître qu'une invention de ce genre appartient à l'Etat, dans de
certaines limites ; puisqu'elle est l'œuvre d'un fonctionnaire, à qui sa
position administrative a permis de faire des observations et des essais qui
l'ont conduit à son invention ; ce fonctionnaire a eu à sa disposition des
ateliers, des machines et des ouvriers ; il en résulte qu'il n'y a eu pour lui
que très peu ou pas de frais d'essai.
Est-il juste que, dans une position pareille, un fonctionnaire taxe la
rétribution qui lui sera due par l'Etat ? Je ne le pense pas.
Je pense que le gouvernement a le droit de fixer la rémunération qui
peut être due pour une invention qui, je viens de le dire, lui appartient dans
une certaine proportion.
L'arrêté a un deuxième considérant, dont je ne sache pas qu'on ait fait
mention ; ce considérant porte que l'exploitation d'un brevet d'invention est peu
compatible avec la position d'impartialité et d'indépendance qu'exige
l'exercice des fonctions publiques. Ce deuxième considérant me paraît aussi
incontestable que le premier.
Un fonctionnaire, préposé à un service du chemin de fer, par exemple,
qui exploiterait, par lui-même ou par ses associés, un brevet d'invention ne
pourrait pas être un juge complétement impartial des procédés nouveaux proposés
par d'autres que lui.
La plupart du temps, les fonctionnaires porteurs
de brevets seront dans le cas de céder leur invention à tel ou tel constructeur
de machines, moyennant une rétribution de telle ou telle somme, par chaque
machine à laquelle le procédé en question sera appliqué. II résulte de là qu'un
fonctionnaire devient, ou peut devenir, par l'exploitation d'un brevet,
l'associé d'un constructeur. II peut arriver que ce constructeur soit en même
temps fournisseur du chemin de fer. Toutes ces complications tendent à placer
les fonctionnaires dans une position qui manquerait jusqu'à un certain point de
dignité et d'impartialité.
Je pense qu'il est préférable qu'un fonctionnaire qui a fait une
invention utile, soit rémunéré directement par l'Etat.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, une idée m'a frappé à
la suite des paroles prononcées dans la séance de samedi par les honorables
ministres des travaux publics et de l'intérieur. Il me semble résulter de ces
paroles, que la somme des sacrifices que nous avons à faire pour entretenir le
corps des ponts et chaussées ne sera pas limitée au chiffre que les besoins du
service de l'Etat exigent de nous. Je pense cependant que la chambre tout
entière est d'avis que nous devons limiter les dépenses de ce service aux
besoins de l'administration, et que nous ne pouvons aller au-delà.
Voici, messieurs, ce qui me fait craindre que l'on veuille dépasser ces
besoins.
II semblerait, d'après la déclaration du gouvernement, que le personnel
devrait se régler plus ou moins d'après la sortie des jeunes gens qui
fréquentent l'école de Gand. En effet, le gouvernement a fixé par un arrêté de
1844, à ce que je crois, le nombre des admissions à deux par an. Je ne demande
pas mieux que de voir admettre deux aspirants de l'école de Gand dans le corps
des ponts et chaussées ; mais c'est à la condition qu'il y ait des places
vacantes par décès ou autrement.
Quelques membres se basent, pour combattre la proposition de la section
centrale, sur ce qu'ils désirent voir accorder des indemnités aux jeunes gens
qui aspirent à entrer dans le corps du génie civil. Je ne m'oppose nullement à
ce qu'on accorde ces indemnités, mais alors je voudrais qu'on en agît de même
pour les jeunes qui aspirent à entrer dans les autres services de l'Etat. Je
citerai, par exemple, une foule de jeunes gens qui se préparent, par des études
onéreuses, à entrer dans l'administration des finances. Nous avions autrefois
des surnuméraires. Depuis quelque temps ces surnuméraires sont devenus
tellement nombreux qu'on a créé une nouvelle classe de surnuméraires ; on a
créé des aspirants surnuméraires.
Il y a, messieurs, de ces jeunes gens qui sont aspirants surnuméraires,
qui travaillent gratuitement, sans indemnités, pendant deux ou trois ans, non
pas pour eux-mêmes dans une école du génie civil, mais dans les bureaux de
l'administration. Quand ensuite ils obtiennent ce grade si désiré, de
surnuméraire, ils travaillent encore deux ou trois ans ; j'en connais même qui
ont travaillé cinq ans comme surnuméraires dans les bureaux d'un inspecteur
sans recevoir un centime, sauf à obtenir un intérim à de rares intervalles.
Si vous accordez des indemnités aux aspirants du génie civil, il faudra
en accorder pour ceux qui aspirent à entrer dans d'autres administrations. On
ne peut avoir deux poids et deux mesures.
Le gouvernement nous a dit qu'il destinait une partie du corps des ponts
et chaussées à entretenir des missions à l'étranger. Je vous avoue que je ne
suis pas contraire à ce système, pourvu qu'il ait des bornes. Mais je ne sais
pas trop quelles seront ces bornes ; vous venez encore d'entendre l'honorable
M. d'Hoffschmidt nous entretenir de l'éventualité d'envoyer des ingénieurs en
Russie. Je ne crois pas que le budget belge doive être chargé d'entretenir des
ingénieurs dans plusieurs Etats de l'Europe. Si cela continue, ce sera un corps
diplomatique d'une nouvelle espèce dont on veut nous imposer les charges, et
c'est ce que je ne puis admettre.
M. le ministre des travaux publics vous a dit qu'il prêtait aussi les
ingénieurs aux compagnies concessionnaires de chemins de fer en Belgique ; et
là-dessus l'honorable M. Rodenbach d'appuyer et de dire qu'il trouvait cela
très bien. Je vous avoue que je ne sais jusqu'à quel point le gouvernement a le
droit de céder à des compagnies des ingénieurs dont nous payons le traitement.
M. d’Elhoungne. - C'est une erreur.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). - On
accorde à ces ingénieurs un congé avec suspension de payement.
M. de Man d’Attenrode. - Je suis charmé d'entendre cette
déclaration. Mais quand leur mission près des compagnies est terminée, ces
ingénieurs reviennent à la charge de l'Etat, et les congés qu'on leur accorde,
deviennent des motifs d'en nommer de nouveaux, ce qui augmente insensiblement
le personnel.
Il me paraît, d'ailleurs, que M. le ministre des travaux publics a
entièrement oublié une disposition du cahier des charges avec les compagnies,
qui déclare que tous les frais de surveillance de l'exécution des travaux
seront à charge des compagnies. Or, si la surveillance des travaux publics est
à charge des compagnies, à plus forte raison l'exécution doit-elle être à leur
charge. (Interruption.)
On me répète toujours que l'Etat n'intervient pas dans la dépense. C'est
fort bien ; mais je réponds encore que cela finit par devenir une charge
indirecte ; car ces ingénieurs appartiennent toujours au corps des ponts et
chaussées ; ils sont de nouveau payés par l'Etat lorsque leur mission est
terminée ; de plus, le temps qu'ils travaillent pour les compagnies leur compte
pour la pension.
Je saisirai, au reste, cette occasion pour faire une autre observation.
L'année dernière l'honorable M. Osy nous a fait connaître qu'une somme
de 75,000 fr. avait été versée par la compagnie du Luxembourg pour indemnités à
des ingénieurs de l'Etat qui avaient travaillé à son service. La proposition
que l'honorable membre nous a faite à cette occasion pour qu'il fût rendu
compte de l'emploi de cette somme, a été renvoyée à la section centrale. Je
suis étonné que celle-ci ne nous ait pas fait son rapport sur ce point. La
question me paraît assez importante pour que l'on s'en occupe.
Le trésor public ne doit contribuer à
subventionner le service du personnel des travaux publics, que pour autant que
ce service concerne l'intérêt public, que représente le gouvernement ; nous ne
pouvons imposer aux contribuables des charges résultant de travaux qui ne les
concernent pas.
Je le répète, en terminant, le personnel doit être limité aux besoins
des services de l'Etat belge. Je ne puis aller au-delà.
M. d’Elhoungne. - Messieurs, je viens répondre quelques mots aux
différentes considérations par lesquelles on a essayé de justifier la réduction
que propose la section centrale, du chiffre de 6,000 fr. destiné à indemniser
les élèves de l'école du génie civil qui sont employés sur les travaux de
l'Etat.
L'honorable rapporteur de la section centrale a cru devoir réfuter ce
que j'avais dit quant à la manière inexacte dont le rapport qualifie les indemnités
payées aux élèves de l'école du génie civil. Je persiste à croire que la
section centrale n'a pas bien apprécié la nature de ces indemnités, et son
erreur, sur ce point, est si réelle, que l'orateur qui vient de se rasseoir l'a
commise de nouveau.
Il ne s'agit nullement, à l'aide de ce chiffre de 6,000 fr., d'accorder
un subside aux élèves de l'école du génie civil, pour les encourager dans leurs
études ; il ne s'agit pas de leur conférer une nouvelle espèce de bourses ;
mais il s'agit, alors que l'Etat tire des services gratuits de ces élèves une
utilité évidente, de les indemniser partiellement de leurs frais de voyage et
de séjour dans des provinces éloignées de leur domicile et où le gouvernement
les envoie. Voilà quelle est la destination de cette somme de 6,000 fr. ; elle
n'en a pas d'autre.
Or, je ferai remarquer qu'il serait souverainement injuste de vouloir
exiger, d'abord, que les élèves de l'école du génie civil donnassent
gratuitement leur temps aux travaux publics de l'Etat, et d'exiger, ensuite,
qu'ils fussent obligés de voyager et de séjourner à leurs frais dans des
provinces éloignées.
Je rappellerai de nouveau que ce serait créer entre les élèves des
inégalités de position choquantes ; car il peut y en avoir parmi eux qui ne
soient pas favorisés de la fortune ; et il peut se faire que ce ne soient ni
les moins intelligents, ni les moins aptes à devenir d'excellents ingénieurs.
Le gouvernement, dit l'honorable rapporteur de la section centrale, a fait
beaucoup pour l'enseignement polytechnique qu'il proclame si digne de ses
sympathies et de celles de la chambre, lorsque le gouvernement a créé à Gand
l'école du génie civil, où il a appelé l'élite des professeurs du pays et de
l'étranger.
Certes, le gouvernement et les chambres ont beaucoup fait pour
l'enseignement polytechnique ; mais c'est précisément pour cela que la section
centrale ne devait pas à la légère porter la main sur cet édifice, fruit de
tant de sacrifices, objet d'une si juste sollicitude.
L'enseignement polytechnique qui se donne à notre école du génie civil
ne serait plus complet, ne serait plus ce que nous avons voulu qu'il fût, s'il
était uniquement théorique.
Pour que cet enseignement reste ce qu'il doit être, il faut à côté de
l'enseignement théorique un enseignement pratique ; il faut qu'à côté de
l'école scientifique, se trouve aussi l'école d'application. Or si vous mettez
le gouvernement dans l'impossibilité de donner une modeste indemnité aux élèves
qui doivent séjourner sur les travaux, loin de leur résidence, vous démembrez
en réalité l'enseignement polytechnique ; vous en retranchez la pratique et
l'application. En effet, comme l'a fait remarquer l'honorable M. d'Hoffschmidt,
on ne peut admettre que l'indemnité sera accordée à certains élèves, à
l'exclusion de tous les autres ; il faut la maintenir pour tous, ou la
supprimer pour tous ; on ne peut créer entre eux des inégalités de position,
ouvrir là encore une porte au favoritisme ; créer une nouvelle espèce de
bourses qui souvent n'iront trouver ni les plus intelligents, ni les plus
dignes d'intérêt. Il faudra donc (page 1512) supprimer
complétement et pour tous l'indemnité de voyage. Eh bien ! je le répète encore,
messieurs, c'est vouloir supprimer de fait l'enseignement pratique ; c'est
désorganiser l'enseignement polytechnique de notre école du génie civil.
Personne, dit l'honorable rapporteur de la section centrale, n'est
obligé de se rendre à l'école du génie civil ; personne parmi ceux qui
fréquentent l'école du génie civil, a-t-il ajouté, n'est obligé de se rendre
sur les travaux de l'Etat.
Personne n'est obligé de se rendre à l'école du génie civil ! Cela est
vrai. Mais puisqu'il y a un enseignement polytechnique qui a toutes nos
sympathies parce qu'il dote le pays d'hommes capables et utiles, ne devons-nous
pas encourager les jeunes gens à le suivre ? Lorsqu'il y a là une carrière
scientifique, pleine de ressources, ouverte à la jeunesse, irez-vous les en
détourner, et préférez-vous les pousser, par un luxe de bourses et
d'encouragements, dans les carrières si obstruées du barreau et de la médecine
? Ne vaut-il pas mieux qu'ils reçoivent comme ingénieurs civils une éducation
scientifique, une instruction à la fois théorique et pratique, qui leur assure
avec bien plus de certitude une place honorable dans la société, et les
dispense d'aller grossir les rangs des solliciteurs qui assiègent les abords de
toutes les places possibles et impossibles.
On n'est pas obligé, quand on fréquente l'école du génie de se rendre
sur les travaux ! C'est une erreur qui déjà a été relevée. D'après le règlement
de l'école, d'après les dispositions prises et sagement prises par M. le
ministre des travaux publics, les élèves sont obligés de suivre l'enseignement
pratique, de se rendre sur les travaux. Je le demande, en présence de cette
obligation, peut-on leur refuser une modeste indemnité pour leurs frais de
voyage ?
D'ailleurs (et l'observation en a déjà été faite plus d'une fois dans
cette discussion) les élèves, qui sont en mission sur les travaux, y rendent
des services réels ; ils consacrent gratuitement au gouvernement leur temps,
leur intelligence, l'instruction qu'ils ont déjà acquise. N'est-ce pas assez ?
Peut-on exiger d'eux, de leurs familles, un sacrifice de plus ?
Veuillez, messieurs, remarquer que le crédit dont il s'agit a été
demandé par le gouvernement en exécution d'un vœu de la chambre. Dans la
discussion du budget des travaux publics de 1845 et 1846, plusieurs membres ont
fait sentir à M. le ministre des travaux publics la nécessité de donner une
indemnité aux élèves employés sur les travaux. La chambre entière a paru
accueillir avec faveur ces réclamations. C'est sous l'empire du vœu ainsi
exprimé et accueilli que M. le ministre prit l'engagement de demander un
crédit. Et maintenant que le gouvernement le demande, on le rejetterait ! on
porterait atteinte à cet établissement que tous nous devons encourager de nos
éloges, que tous nous voulons protéger, heureux de voir qu'il prospère et
réponde aux espérances du pays !
Et de quelle économie s'agit-il ? D'une misérable somme de 6,000 fr.
Voulez-vous qu'à l'occasion d'un établissement, comme celui de Gand, notre seul
établissement polytechnique, on dise encore de la chambre qu'elle n'est bonne
qu'à voter de grosses dépenses et à faire de petites économies ?
L'honorable préopinant n'a pas été heureux dans ses efforts pour
soutenir la réduction proposée par la section centrale. Il s'est plaint d'abord
de la proportion dans laquelle les élèves du génie civil de Gand sont admis
dans le corps des ponts et chaussées.
Mais si j'ai bien compris M. le ministre des travaux publics, il a dit
qu'on avait fixé le nombre des admissions à deux, par année, parce que ce
nombre est égal aux pertes que fait ce corps par les décès.
L'honorable M. de Man s'est ensuite écrié : Si vous donnez des
indemnités aux élèves de l'école du génie civil, il faut en donner aux
aspirants surnuméraires et aux surnuméraires des différentes administrations.
Mais veuillez remarquer qu'il s'agit de donner des indemnités non pas aux
élèves qui suivent les cours à l'école du génie civil, comme l'honorable M. de
Man le suppose, mais seulement à ceux qui se rendent sur les travaux, qui
donnent sans salaire leur travail et leur temps au gouvernement.
Je me permettrai d'ajouter que l'honorable M. de Man a été bien
malheureux en choisissant l'exemple des surnuméraires. En effet, dans les
différentes administrations, lorsque le surnuméraire est appelé à remplir des
fonctions actives, il ne le fait pas gratuitement ; il reçoit non seulement une
indemnité de déplacement, mais encore un traitement, qui, dans certains cas,
est considérable.
Les élèves de l'école du génie civil de Gand sont loin d'être aussi
favorisés, et ils ne demandent pas à l'être, ils demandent seulement le remboursement,
et rien que le remboursement, de leurs frais de déplacement et de séjour.
Cependant, c'est en invoquant l'exemple des surnuméraires que l'honorable M. de
Man veut faire repousser la demande de crédit pour les élèves de l'école du
génie civil. Evidemment, il y a là une fausse appréciation des faits, et plus
encore, fausse logique.
Je ne puis passer sous silence ces récriminations qu'on prodigue, depuis
quelque jours, et aux ministres et aux ingénieurs qui vont à l'étranger, à la
demande des gouvernements étrangers, et avec l'autorisation du gouvernement
belge, récriminations qu'on fait remonter jusqu'à l'école du génie civil.
J'ai toujours cru que lorsque nos ingénieurs se
trouvaient appelés à diriger de grands travaux à l'étranger, c'était quelque chose
d'honorable et de glorieux pour eux comme pour le pays. J'ai cru que ces
ingénieurs portaient dignement et utilement à l'étranger le nom belge ; qu'ils
y faisaient apprécier et connaître notre industrie, notre commerce, les
produits de notre sol, l'aptitude des Belges dans toutes les branches de la
production. Je le répète, je trouvais cela honorable, utile, national. Je le
croyais d'autant plus que, pendant le temps de ces absences, on ne paye pas les
ingénieurs, qu'ils cessent donc d'être une charge pour le trésor dont
l'honorable M. de Man se préoccupe à tout propos. Et cependant voici que
l'honorable M. de Man voudrait maintenant lier les mains au gouvernement,
l'empêcher de faire un échange de bons procédés avec les gouvernements
étrangers, lui défendre tout à coup de mettre à leur disposition, des
ingénieurs dont on peut se passer chez nous.
M. de Bonne. - Mes observations se borneront à l'arrêté du 11
mars. Il a, je le crois, obtenu l'honneur d'un blâme, d'une réprobation
générale. J'ajouterai quelques considérations à ce qu'a dit l'honorable M.
d'Hoffschmidt, pour démontrer que l'arrêté est une véritable expropriation de
l'intelligence des employés.
Je conviens qu'un employé du chemin de fer doit à son administration : son
temps, son zèle, son intelligence ; mais lui doit-il aussi le fruit de cette
intelligence en dehors de l'accomplissement de ses devoirs ?
Je ne le pense pas, et si l'on sanctionnait une exigence de ce genre, ce
serait un véritable malheur.
Pour vous donner la preuve de mon opinion, il suffira de vous proposer
une comparaison, ce qui, dit-on, fait aisément comprendre une raison. Un
écrivain est attaché à un journal, il remplit ses devoirs et fait tout ce qu'il
doit faire, ne pourra-t-il composer un ouvrage de droit public, de critique, ou
de littérature, sans être accusé d'avoir manqué à ses devoirs ?
Je suppose qu'un de MM. les sténographes découvre, invente un procédé
qui permette de rendre de suite et sans le secours de composition typographique
les séances de la chambre, ce sténographe manquerait-il à ses devoirs, à ses
obligations, à ses engagements, s'il demandait un brevet d'invention ?
Pourrait-on lui dire : Vous devez toute votre intelligence à la chambre,
au gouvernement qui vous emploie ?
Je vous abandonne la décision de cette question : la négative est
certaine.
Je crois donc que l'arrêté du 11 mars dernier, qui déclare que tout
employé du chemin de fer n'aura droit à aucun brevet pour une découverte,
procédé ou invention faits par lui est une injustice, pour ne pas dire un
non-sens.
Sommes nous arrivés à l'apogée de la science ? N'y a-t-il plus rien à
apprendre ? Aucune amélioration n'est-elle possible ?
Que M. le ministre veuille bien nous le dire. Il en sait, il doit en savoir
plus que nous, puisqu'il ferme la porte à toute découverte, et que la science
sera désormais immobile, en Belgique s'entend.
Je dis que c'est fermer la porte aux inventions, au progrès que de
mettre hors de ligne, en un mot d'exclure tous ceux qui par leur position, leur
travail de tous les jours et la pratique sont le plus à même de faire des
découvertes, des améliorations, de trouver des simplifications.
S'ils ne peuvent obtenir la récompense de leurs efforts, de leurs
veilles, de leurs méditations, ils ne feront rien ou, s'ils réussissent, ils
porteront à l'étranger le résultat de leurs études.
Nul homme ne travaille s'il n'a l'espoir soit d'améliorer son sort, soit
d'acquérir des honneurs, de la gloire. C'est le stimulant le plus actif et le
plus naturel. C'est un sentiment juste et louable lorsque, sans nuire à autrui,
il contribue au bien-être de la société.
L'administration du chemin de fer demande des hommes dans la force de
l'âge, actifs et d'action, et l'on veut arrêter, fixer à tout jamais leur
intelligence ! Cela est impossible à moins que cette administration ne devienne
un hôtel des invalides, et qu'on n'y place que des hommes dont les forces et
l'intelligence seront ou décroissantes ou usées.
Cela n'est pas possible, M. le ministre en conviendra, je l'espère ; car
ce serait vouloir mettre des limites à la science, ce serait vouloir empêcher
la terre de tourner.
Je dois maintenant faire la part de ce que cet arrêté aurait de bon,
s'il avait interdit l'usage ou l'emploi du matériel du chemin de fer. Certes,
il ne doit pas être permis de faire des essais qui peuvent abîmer, dégrader et
peut-être détruire une partie de ce matériel. Et pour ces essais, j'aurais,
exigé et requis l'autorisation du ministre.
Et cela se conçoit ; avant de donner une
semblable autorisation, le ministre se fait rendre compte de l'invention, et ce
n'est qu'après en avoir reconnu l'utilité et la probabilité d'exécution, qu'il
accorderait la permission.
Je crois donc pouvoir appeler l'attention de M. le ministre sur la mesure
qu'il a prise, et l'inviter à peser mûrement les conséquences déplorables
qu'elle peut avoir. Je l'engage, non pas à laisser cet arrêté sans exécution,
mais à le retirer, et je crois qu'il fera bien.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). -
Messieurs, l'honorable préopinant vous a dit que l'arrêté du 11 mars a eu
l'honneur d'un blâme et d'une réprobation générale ; si cela est, je crois
pouvoir dire que c'est un blâme, une réprobation non méritée.
L'honorable préopinant est parti
toujours de l'idée qu'il y avait une espèce de prohibition pour les inventions
ou plutôt une espèce de confiscation des inventions au profit de l'Etat. Je
crois avoir établi le contraire. Je crois avoir dit qu'à côté de l'interdiction
de faire breveter une invention due à l'employé de l'Etat, il y avait le
principe de la rémunération, par l'Etat, pour les inventions vraiment utiles ;
le principe de la rémunération est donc maintenu ; tout ce qu'il y a dans cet
arrêté, c'est une régularisation pour la rémunération. Ainsi que je l'ai dit,
il est irrégulier que l'employé taxe lui-même la rémunération que l'Etat lui (page 1513) donnera pour une invention
faite par lui à l'occasion ou dans l'exercice de ses fonctions ; il a là
quelque chose d’inconvenant.
Je dirai de plus qu'un employé qui est intéressé dans une exploitation
de brevet, pour un objet relatif à la branche de services à laquelle il est
attaché, n'est plus dans une position convenable d'impartialité ; ce point est,
à mes yeux, capital, et je n'admettrai jamais de transaction à cet égard.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, je dois encore revenir
sur l'arrêté du 11 mars. J'attache à cet arrêté une grande importance, parce
qu'il me semble y voir un obstacle, en quelque sorte, au génie des inventions.
Ensuite, je crains qu'il ne contribue à repousser de notre administration des
hommes distingués, des hommes qui voudraient conserver toute liberté à cet
égard.
En effet, je ne pense pas que dans d'autres administrations, entre
autres dans celle des sociétés concessionnaires, on se soit jamais avisé de
prétendre que toutes les inventions faites par les employés appartiendraient
soit au pays, soit aux sociétés elles-mêmes. Je crois que nous avons eu l'honneur
de l'initiative d'une semblable mesure, et que nous serons probablement les
seuls à la conserver.
Messieurs, je ne crois pas que M. le ministre des travaux publics ait
parfaitement justifié tout ce qu'il y a d'absolu dans l'arrêté. M. le ministre
n'a pas justifié d'abord le premier considérant qui est tellement absolu qu'il
ne devrait pas s'appliquer seulement aux employés du chemin de fer, mais à tous
les fonctionnaires publics ; ce principe n'aurait pas dû être posé par un seul
membre du cabinet ; mais s'il est juste, il doit être admis par tous les
ministres. Il ne faudrait pas, en effet, qu'on fît une exception malheureuse
pour les employés du chemin de fer seulement.
Ainsi, je blâme d'abord le principe sur lequel l'arrêté est basé ; je le
blâme ensuite dans son application ; parce que quelques abus peuvent se
présenter, faut-il pour cela exproprier, en quelque sorte, le produit de
l'intelligence, qu'un employé aura obtenu en dehors de son service. Mais ces
abus, tels que les a signalés M. le ministre des travaux publics, il est très
facile de les réprimer. S'il s'agit, par exemple, d'une invention dans
l'administration du chemin de fer, s'il s'agit de juger cette invention ; et
bien, que ceux qu'on croit trop favorables à l'inventeur, ne fassent pas partie
du conseil qui sera appelé à décider ; que, dans l'application, on soit
rigoureux, qu'on empêche les faveurs, qu'on réprime les abus, mais qu'on ne
pose pas un principe absolu, capable d'empêcher de naître l'invention
elle-même.
M. le ministre des travaux publics voit une position difficile pour les
fonctionnaires dont il s'agit ; il craint leur partialité. Mais il est à
remarquer d'abord que l'arrêté du 11 mars est général ; qu'il ne fait aucune
distinction dans les inventions, qu'il ne distingue pas les inventions qui
concernent le chemin de fer d'avec celles qui y sont étrangères ; M. le
ministre conviendra du moins qu'il y a là quelque chose de trop général ; que
si un employé de son administration faisait une invention en dehors de
l'administration même, celle-ci ne pourrait pas venir la confisquer, pas plus
qu'on ne pourrait confisquer à un employé, étranger à l'administration du
chemin de fer, une invention qui s'appliquerait au mode d'exploitation des
chemins de fer en général.
Ainsi, d'abord M. le ministre des travaux publics
n'a pas justifié ce qu'il y a d'absolu dans l'arrêté. Ensuite, il n'a pas
expliqué pourquoi cet arrêté n'est pas applicable à tous les fonctionnaires
publics indistinctement.
Dans tous les cas, je partage l'opinion qui a été émise par l'honorable
M. de Bonne ; on ne peut admettre un principe tel que celui que contient
l'arrêté du 11 mars. Ce principe ne tend à rien moins qu'à dégoûter les
fonctionnaires en posant comme règle que tout l'emploi de leur temps, le
produit de leur intelligence, même en dehors du service, doit être consacré au
profit de l’Etat.
M.
Brabant. - Messieurs, l'article en discussion s'élève à
463,800 francs. Il se subdivise en deux littera. Le premier comprend le traitement
des ingénieurs et conducteurs, les frais de bureau et de déplacement, les
indemnités et les dépenses éventuelles 451,800 fr. ; le second, les frais des
jurys d'examen de l'école du génie civil et voyage des élèves 12,000 fr.
La section centrale propose sur le premier littera une réduction de
8,700 fr., et sur le second une réduction de 6,000 fr. ; je crois devoir dire à
la chambre que l'article ne représente pas toute la dépense du corps des ponts
et chaussées, il n'en représente pas les deux tiers. La section centrale a
proposé la première réduction de 8,700 fr. sur les indications émanées du
ministère des travaux publics lui-même.
Les 451,800 fr. du littera A se subdivisent en : 1° 367,000 fr., pour
traitements fixes ; 2° une petite somme de 700 fr., pour traitements
supplémentaires ; 3° 55,400 fr. pour frais fixes et 28,700 fr. pour frais de
déplacements extraordinaires. Remarquez que la plupart des ingénieurs ont une
espèce d'abonnement pour leurs frais de bureaux et de déplacement fixe, partie
à la charge du gouvernement, partie à la charge des provinces ; mais quand il y
a un déplacement extraordinaire qui ne rentre pas dans leurs attributions
communes, ils reçoivent une indemnité fixée à 2 fr. 50 c. pour les ingénieurs
en chef, et à 2 fr. pour les ingénieurs ordinaires.
Dans la note annexée au développement du budget des ponts et chaussées,
je lis : Les frais de déplacement extraordinaire en 1846 se sont élevés à
20,000 fr. en prenant pour base les mêmes frais payés en 1845. Eh bien ! ce qui
a suffi en 1845 et dans les prévisions de 1846 paraît devoir suffire dans les
prévisions de 1847 ; et les 8,700 fr. dont la section centrale demande la
réduction ne portent que sur les frais extraordinaires de déplacement dont j'ai
fait sentir l'exorbitance à la séance de samedi dernier.
J'ai cité un exemple ; j'avais supposé qu'un ingénieur fît un certain
déplacement dont les frais se seraient élevés à 55 fr., et j'avais dit que les
frais qu'il aurait eu à faire n'auraient été que de 13 fr. Les 20 mille francs
qui ont suffi pendant les années précédentes supposent un déplacement tous les
jours chacun des 365 jours de l'année.
Je sais que le même ingénieur ne se déplacera pas tous les jours, mais
nous avons quatorze ingénieurs en chef ; pour épuiser la somme de 20 mille
francs, il faudrait que chacun d'eux fût pendant près d'un mois en tournée
extraordinaire. La réduction de 8,700 fr. que nous proposons est donc justifiée
par l'expérience des années 1845 et 1846.
M. le ministre des travaux publics maintient la somme qu'il a proposée,
non pas à titre de frais de déplacement extraordinaire,, mais afin de parer aux
rentrées éventuelles qui pourraient avoir lieu de la part des ingénieurs
aujourd'hui en congé et employés à l'étranger.
Messieurs, si le budget éprouvait une réduction proportionnelle au
montant des congés accordés, je trouverais juste qu'il y eût une somme
éventuelle pour ceux qui rentreraient ; mais c'est qu'à mesure qu'un ingénieur
obtient la permission d'offrir ses services à l'étranger, il est remplacé à
l'intérieur. Voyez où pourrait nous conduire l'éventualité de la rentrée des
ingénieurs en congé, avec le système qui est suivi. Nous avons en congé sept
ingénieurs-adjoints et douze conducteurs-adjoints des ponts et chaussées ; et
leur traitement normal s'élève à la somme de 75,600 fr. Je sais qu'ils ne
reviendront pas tous à la fois ; il en est qui ont entrepris des travaux de
longue haleine, qui seront encore fort longtemps hors du pays ; mais ils
peuvent revenir, il en reviendra un certain nombre.
Nous ne pouvons pas voir aggraver nos charges pour des services rendus à
l'étranger. Personne plus que moi ne désire voir s'étendre la renommée de la
Belgique, personne plus que moi ne désire voir mon pays retirer lustre et profit
du talent et de la probité de ses enfants. J'ai une raison toute particulière
de voir avec plaisir nos ingénieurs appelés à l'étranger, car parmi eux se
trouve un enfant de Namur comme moi, et c'est celui qui jette le plus de lustre
sur notre ville. Eh bien, je suis persuadé, je suis de l'opinion de l'honorable
M. Rogier, qu'il aurait beaucoup mieux valu pour la Belgique de garder M. Maus
à son service que de le voir aller en Sardaigne. Je n'insisterai pas d'avantage
sur cet article ; je pense que nous pouvons très bien retrancher les 8,700
francs du littera A.
Quant aux 6,000 fr. du littera D, quoique l'honorable M. d'Elhoungne ait
persisté à croire que la section centrale n'avait pas compris ce dont il
s'agit, moi je persiste à dire que nous avons très bien su ce que nous
faisions. L'honorable membre a envisagé l'indemnité sous deux points de vue
dont un, prétend-il, a échappé à la section centrale. L'honorable membre a
envisagé l'indemnité légère, je le reconnais, qu'on accorde aux élèves de l'école
des ponts et chaussées, partie comme bourse, partie comme traitement, comme
salaire.
Il a dit : L'Etat tire profit du travail de ces jeunes gens ; il est
juste qu'il les en indemnise. Si l’Etat tirait profit du travail de ces jeunes
gens et que ce travail fût indispensable, je dirais : Il faut les payer et les
payer suivant toute la valeur de leur travail. Mais il y a une chose qui me
crève les yeux, c'est que nous avons beaucoup plus d'ingénieurs qu’il ne nous
en faut ; nous n'avons pas besoin de recourir aux soins, à l'intelligence des
jeunes gens de l'école des ponts et chaussées, pour que nos travaux soient
convenablement conduits.
Je reconnais que j'étais dans l'erreur en disant que les travaux de
campagne n'étaient pas obligatoires pour les élèves de l'école
Il est de fait qu'ils ne sont pas libres de ne prendre que l'instruction
théorique ; ils doivent profiter des moyens qui leur sont offerts par le
gouvernement. Mais, messieurs, théorique ou pratique, quand on veut suivre une
instruction, on sait ce qu'elle doit coûter, on doit se résoudre à faire les
sacrifices qu'elle exigera.
Certes, je ne veux pas écarter des éludes polytechniques les jeunes gens
dont les parents, à cause de la modicité de leur fortune, ne peuvent pas faire
les frais extraordinaires qu'elles nécessitent ; c'est pour cela que de grand
cœur j'accorde l'indemnité allouée jusqu'à ce jour. Qu'on n'accorde l'indemnité
qu'à ceux qui sont peu favorisés de la fortune et qui font preuve d'un mérite
supérieur ; mais qu'on ne l'accorde pas à ceux qui ont de la fortune ou qui
n'ont pas de chance de réussir, et surtout d'entrer dans le service public ;
alors la somme votée jusqu'à ce jour suffira.
M. le président. - La parole est à M. de Mérode.
M. de Mérode. - L'honorable M. Brabant vient île faire valoir les
observations que je voulais présenter.
M. d’Elhoungne. - Je demande la parole.
M. le président. - Vous avez déjà parlé deux fois ; je dois consulter
la chambre pour savoir si elle vous accorde une troisième fois la parole.
- La chambre décide qu'elle entendra M. d'Elhoungne.
M. d’Elhoungne. - Je n'ai qu'une seule observation à développer.
L'honorable M. Brabant s'est trompé complétement sur la nature des
services que les élèves de l'école du génie civil sont appelés à rendre sur les
travaux de l'Etat. On ne les appelle pas sur ces travaux pour augmenter le
nombre déjà très grand des ingénieurs, mais on les y fait passer par les
fonctions les plus modestes ; et c'est précisément parce que ces (page 1514) élevés
passent ainsi par les fonctions les plus modestes, qu'ils sont susceptibles de
rendre à l'Etat des services pour lesquels ils remplacent des employés
subalternes, mais salaries. Ainsi, l'honorable M. Brabant doit convenir que,
bien loin qu'il y ait là ce motif évident et qui lui crèverait les yeux (selon
son expression) de ne pas payer les élèves de l'école du génie civil, il y a
précisément un motif d'équité de les indemniser.
Oui, messieurs, il y a précisément le motif que M. Brabant invoquait
tout à l'heure, de les indemniser non seulement des dépenses qu'ils sont
obligés de faire pour des voyages et des séjours dans des provinces éloignées
de leur domicile, mais aussi à raison des services très réels qu'ils rendent.
Je pose en fait que les élèves envoyés sur les travaux ne remplissent
pas les fonctions que devraient remplir d'autres employés déjà trop nombreux ;
mais qu'ils y remplacent les fonctionnaires qui manquent à l'Etat, et par
conséquent économisent pour l’Etat un nombre plus grand d'employés soit
supérieurs, soit inférieurs.
Il est donc de toute justice, non pas de leur donner une rémunération,
mais de leur rembourser au moins une partie des frais auxquels ils sont
assujettis.
Je n'ai jamais demandé pour eux de rémunération ; mais j'ai dit que
puisqu'ils n'avaient pas de rémunération, c'était une raison de plus pour les
indemniser de leurs frais de route et de séjour. Peut-on exiger de ces jeunes
gens, pour la plupart sans fortune, qu'ils se rendent sur les travaux où ils
sont très utiles, et qu'ils fassent à leurs frais des voyages, qu'ils fassent à
leurs frais un séjour prolongé en province ? Ne suffit-il pas qu'ils donnent à
l'Etat tout leur temps, qu'ils lui consacrent leur travail et l'instruction
qu'ils ont déjà acquise ?
« Mais, dit l'honorable M. Brabant, lorsque vous entrez à l'école, vous
devez calculer d'avance ce que cela vous coûtera. » Messieurs, si les élèves
sont obligés de payer des frais de déplacement, des frais de voyage, c'est
précisément alors que leurs familles ne pourront plus calculer ce que coûtera
leur instruction. Car elles ne pourront prévoir dans quelle ville, dans quelle
province on enverra leurs fils, et dès lors aussi, les familles les moins
aisées se trouveront placés dans l'impossibilité absolue de faire parcourir à
leurs enfants la carrière polytechnique.
Messieurs, je fais un appel à vos
précédents ; vous ne voudrez pas, pour une misérable somme de 6,000 fr., jeter
la désorganisation dans un établissement qui a produit les plus beaux, les plus
utiles résultats pour le pays. S'il s'agissait d'une grande économie,
suffisante pour alléger les charges trop lourdes du contribuable, je concevrais
l'instance qu'on apporte dans ce débat. S'il s'agissait de ces bourses
universitaires et autres que l'on multiplie et qu'on donne le plus souvent à la
médiocrité pour la refuser au mérite, je concevrais que la chambre voulût
exercer un contrôle sévère. Mais ici il n'est pas question d'une faveur ; il
s'agit d'une faible indemnité que l'on vous demande pour rembourser aux élèves
de l'école du génie civil une partie des frais de voyage et de séjour auxquels
ils sont obligés de se soumettre. Je ne pense pas, messieurs, que la chambre
voudra réaliser, sur un article aussi évidemment justifié, aussi inattaquable,
une misérable économie de 6,000 fr.
M. de Mérode. - Messieurs, on vous dit qu'une économie de 6,000 fr.
est une misérable économie. Mais la somme que l'on donne est déjà, je crois, de
6,000 fr. cette somme a été accordée pour faciliter aux élèves qui n'ont que
peu de fortune, pour lesquels militaient des circonstances particulières, le
moyen de se rendre sur les travaux. Mais de ce que l'on donne 6,000 fr., il ne
s'ensuit pas qu'il faille y ajouter six autres mille francs, et porter ainsi la
dépense à 12,000 fr.
Comme vous l'a dit l'honorable M. de Man, tous les surnuméraires
travaillent gratuitement pour l'Etat, et cependant lui rendent des services
réels.
Lorsqu'un surnuméraire de l'enregistrement est envoyé pour occuper
momentanément un bureau dont le titulaire est absent, il est payé ; mais s'il
est employé à l'administration, il travaille gratuitement ; et cependant, je le
répète, il rend des services ; car si les surnuméraires n'existaient pas, il
faudrait des employés pour les remplacer.
Les aspirants du génie reçoivent de l'Etat l'instruction gratuite ;
c'est déjà un très beau service que l'Etat leur rend ; de plus, un certain nombre
d'entre eux reçoivent un traitement. Il me paraît, messieurs, que le génie
civil coûte déjà assez cher sans que l'on augmente encore chaque année le
crédit qui le concerne. Voyez combien nous dépensons pour les membres de ce
corps, non seulement pour ceux qui restent dans le pays, mais encore pour ceux
qui vont dans les pays étrangers. Et à l'égard de ces derniers, je ferai une
observation ; leurs postes ici sont utiles ou ils sont inutiles ; s'ils sont
inutiles, il faut les supprimer ; s'ils sont utiles, ils doivent être remplis ;
il est évident qu'il faut mettre un autre à la place de celui qui s'absente, et
c'est l'Etat qui paye tout cela.
On nous dit que c'est glorieux pour
la Belgique ; c'est possible ; mais comme je vois qu'on n'emploie pour payer
toutes ces dépenses que des bons en trésor, il m'est impossible d'accueillir
une nouvelle augmentation de 6 mille francs, car, en définitive, c'est avec des
bons du trésor que l'on payera encore ces 6 mille francs.
M. le président. - M. d'Hoffschmidt ayant demandé une troisième fois
la parole, je consulte la chambre pour savoir si elle lui sera accordée.
- La chambre décide qu'elle entendra M. d’Hoffschmidt.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, j'ai demandé la parole,
parce qu'il me semble qu'il importe, avant que la chambre émette son vote sur
la réduction proposée, qu'on se rende bien compte de la position de la
question.
Or, l'honorable comte de Mérode n'a pas apprécié d'une manière juste le
montant du chiffre que reçoivent, dans l'état actuel des choses, les élèves de
l'école du génie civil, lorsqu'ils se rendent sur les travaux. L'honorable
comte pense qu'il y a déjà 6000 fr. alloués à cet effet. C'est une erreur.
Comme nous l'avons dit déjà plusieurs fois, mais probablement l'honorable
membre ne l'aura pas entendu, 3,280 fr. sont consacrés aux frais du jury
d'examen. Il ne reste donc pour les 20 ou 25 élèves qui sont envoyés
annuellement sur les travaux de l'Etat que 2,750 francs. C'est sur ce point que
j'appelle surtout l'attention de la chambre.
On ne se rend pas non plus un compte exact de l'origine de cette
indemnité.
Cette indemnité provient, non pas d'une proposition faite depuis
quelques années par le département des travaux publics, mais elle trouve son
origine dans les arrêtés sur l'école du génie civil.
Déjà l'arrêté organique de 1831 prescrivait l'envoi sur les travaux d'un
certain nombre d'élèves de cette école. En second lieu, l'arrêté du 1er octobre
1838, contresigné par l'honorable M. de Theux, a déclaré qu'on pourrait
accorder des indemnités à ces élèves pour frais de déplacement.
II s'agit donc ici de payer surtout des frais de déplacement. On sait,
messieurs, que parmi les élèves qui fréquentent l'école du génie civil, il y en
a dont les familles ne sont pas en mesure de pouvoir faire de grands sacrifices
; plusieurs de ces élèves appartiennent même à des familles pauvres. Ainsi il y
a un acte de justice de la part de l'Etat, lorsqu'il exige le déplacement de
ces élèves, à les indemniser.
Or, qu'arrive-t-il si vous adoptez la réduction qui vous est proposée ?
C'est que quelques élèves seulement reçoivent l'indemnité, que le plus grand
nombre ne la reçoivent pas, et qu'ainsi les dispositions des arrêtés royaux ne
reçoivent pas complétement leur exécution.
J'aurais trouvé plus rationnel de la part de la section centrale de
proposer la suppression de l'indemnité, que de s'élever contre un chiffre qui
aura pour résultat de mettre le gouvernement à même d'accorder une très légère
indemnité à chaque élève qui se rendra sur les travaux. C'est surtout sur cette
considération que j'appuie ; c'est que, dans l'état actuel des choses, il y a
une inégalité choquante entre les élèves qui sont envoyés sur les lieux ; c'est
qu'il y a même possibilité d'arbitraire, puisque ceux qui reçoivent l'indemnité
sont désignés par les ingénieurs ; aussi chaque année des plaintes à cet égard
sont adressées au département des travaux publics. Vous comprenez que soit des
élèves, soit même leurs familles, ne peuvent pas admettre une décision qui les
prive de l'indemnité et qui favorise leurs condisciples.
Chacun croit mériter mieux l'indemnité que l'autre. C'est pour éviter
que cela ne se répète encore qu'on a proposé d'allouer un crédit en proportion
avec le nombre de ces jeunes gens qui se rendent sur les travaux.
Je ne reviendrai pas sur les considérations qui ont été si bien
développées par l'honorable M. d'Elhoungne ; mais j'insiste, avec lui, sur la
faible quotité de l'indemnité dont il s'agit, et sur la considération que
mérite notre corps des ponts et chaussées.
On peut bien peut-être signaler quelques abus dans le service des ponts
et chaussées. Mais n'oublions pas que ce corps fait l'honneur du pays dans
toute l'Europe.
Demandez aux voyageurs qui ont parcouru l'Europe si ce n'est pas surtout
par ses travaux publics que la Belgique est connue et respectée. Et d'un autre
côté, combien de relations utiles au pays ne sont-elles pas dues à la présence
de nos ingénieurs dans les pays étrangers ?
Nous faisons des dépenses considérables pour avoir des consuls dans
l'intérêt de notre commerce. Mais nos ingénieurs rendent au pays les mêmes
services.
Nous ne devons donc pas chercher à économiser une aussi faible somme que
celle dont il s'agit, lorsque nous reconnaissons l'importance de cette école,
où se recrutent des talents qui font tant d'honneur à leur pays.
-La discussion est close.
M. le président. - M. Rogier vient d'envoyer au bureau la proposition
suivante :
« Il est interdit aux agents de l'administration de participer à
toute société, entreprise, exploitation quelconque, qui se trouverait soit en
concurrence avec les chemins de fer et canaux de l'Etat, soit directement
intéressée à des travaux dont lesdits agents auraient la direction ou la
surveillance. »
J'accorderai tout à l'heure la parole à M. Rogier pour développer cette
proposition.
- Sur la proposition de M. Osy, il est proposé au vote par division.
Littera A traitement des ingénieurs et conducteurs, frais de bureau et
de déplacement, indemnités et dépenses éventuelles.
Le chiffre 451,800 proposé par le gouvernement est mis aux voix et
rejeté après une épreuve douteuse.
Le littera A est adopté avec le chiffré de 443,100 proposé par la
section centrale.
Littera B frais des jurys d'examen de l'école du génie civil. Voyages
des élèves.
Le chiffre de 12,000 fr. proposé pour ce littera par le gouvernement est
mis aux voix par appel nominal.
Voici le résultat du vote :
Nombre de votants, 61.
49 membres votent pour l'adoption.
(page 1515) 12 votent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l'adoption : MM. Henot, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau,
Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Malou, Mast de Vries, Orban, Orts, Pirson,
Rodenbach, Rogier, Scheyven, Troye, Van Cutsem, Verhaegen, Veydt, Vilain XIIII,
Wallaert, Anspach, Biebuyck, Cans, Clep, d'Anethan, David, de Baillet, de
Bonne, Dechamps, Dedecker, de Garcia de la Vega, de Haerne, de Lannoy,
Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de Muelenaere, de Naeyer, de Renesse,
Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, d'Hoffschmidt, Dolez,
Donny et Goblet.
Ont voté contre : MM. Huveners, Osy, Sigart, Simons, Van den Eynde,
Vandensteen, Brabant, de Foere, de Man d'Attenrode, de Mérode, Eloy de Burdinne
et Liedts.
L'ensemble de l'article 48 est adopté avec la réduction admise au
littera A.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Comme, dans la discussion de
l'article qui vient d'être adopté, on a critiqué la position de l'ingénieur
Kummer à la société de Postel, je crois devoir donner communication à la
chambre de la lettre que je viens de recevoir de ce fonctionnaire.
Elle est ainsi conçue :
« Monsieur le ministre,
« En acceptant les fonctions honorifiques d'administrateur de la société
anonyme du domaine de Postel, je n'ai été guidé par d'autres considérations que
celles d'être utile, de prêter mon concours au défrichement des bruyères
appartenant à des particuliers, simultanément avec les bruyères communales ;
en vue enfin de la fertilisation du sol de la'Campine, la plus prochaine et en
même temps la plus complète possible..
« Guidé par ces seules considérations lorsque j'ai accepté la position
d'administrateur, je ne puis plus la vouloir, dès le moment où elle fait
l'objet de quelque critique de la part de membres de la chambre des
représentants.
« Veuillez donc, M. le ministre, agréer ma
démission desdites fonctions d'administrateur de la société anonyme du
défrichement du domaine de Postel.
« L'ingénieur en chef en service spécial,
« Kummer. »
Plusieurs membres. - Bien ! très bien !
M. Rogier. - La lettre qu'on vient de lire me met parfaitement à
l'aise quant à la proposition que j'ai déposée sur le bureau. J'éprouvais
quelque répugnance à présenter, même au nom de l'intérêt général, une
proposition qui pouvait paraître avoir un but plus ou moins personnel.
Maintenant que l'ingénieur dont il s'agit a compris lui-même la convenance de
décliner la mission que M. le ministre de l'intérieur lui avait offerte, qu'il
lui avait peut-être en quelque sorte imposée, la proposition que j'ai l'honneur
de faire est complétement dépouillée de toute apparence de question
personnelle. Sous ce rapport, je crois qu'elle doit être à plus forte raison adoptée
par la chambre.
Si la proposition reste sans effet quant au passé, elle préviendra pour
l'avenir les abus qu'on a cru devoir signaler. J'y persiste donc, et je demande
maintenant à la chambre d'en délibérer sans aucune préoccupation de personne.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je crois devoir relever une
expression qui est échappée à l'honorable membre. Il dit que M. l'ingénieur Kummer
a reconnu la convenance de donner sa démission. C'est dire qu'il y aurait eu
une sorte d'inconvenance à accepter. Or, je suis convaincu que M. Kummer n'a
reconnu en aucune manière une inconvenance dans son acceptation. Mais il a
pensé que le mandat gratuit et honorifique qui lui avait été donné devenant
l'objet de critiques, il était bien libre de décliner la mission que je l'avais
engagé à accepter.
Voilà la véritable position.
Pour mon compte, je ne désire qu'une chose, c'est que la société de défrichement
de la Campine puisse trouver à remplacer M. Kummer d'une manière aussi
convenable et aussi utile.
- Sur la proposition de M. le président, la discussion de cette
proposition est renvoyée après la discussion sur les articles du tableau annexé
au budget.
« Art. 48 bis. Traitement et indemnité du personnel chargé de la
surveillance des chemins de fer concédés. Chiffre proposé par le gouvernement :
fr. 118,600 ; chiffre proposé par la section centrale : fr.
109,100. »
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). -
Messieurs, j'espère parvenir à assurer le service dont il est question ici avec
la somme proposée par la section centrale ; je déclare donc me rallier à sa
proposition.
M. Osy. - A cette occasion, je prendrai la
confiance de rappeler que l'année dernière j'ai eu l'honneur de faire une
proposition au sujet d'une recette analogue à la dépense dont il s'agit ici. La
société concessionnaire du Luxembourg avait payé à l'Etat une somme de 75,000
fr. J'ai demandé que cette somme rentrât au trésor et que tous les
fonctionnaires qui avaient travaillé au chemin de fer du Luxembourg fussent
payés par le gouvernement dans la proportion de leurs services, mais sans que
les 75,000 francs leur fussent attribués. Sur la demande de M. le ministre des
finances, cette proposition a été renvoyée, il y a près d'un an, à l'examen de
la section centrale. Je demande que cette section s'en occupe et que M. le
ministre lui communique, moi présent, tous les renseignements nécessaires.
J'espère que cette communication ne sera plus faite en mon absence comme la
dernière fois.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay).
- Cette proposition a été renvoyée à la section centrale qui a examiné le
projet de loi concernant le chemin de fer du Luxembourg. Lorsqu'elle jugera
convenable de reprendre cette discussion, je me tiendrai à sa disposition pour
lui fournir les renseignements dont elle croira avoir besoin.
Je ne me suis pas opposé à ce que l'honorable M. Osy assistât aux
séances de la section centrale. J'y venais au même titre que l'honorable M.
Osy, pour y donner des renseignements. Je n'étais pas plus que lui chargé de
faire la police de la section centrale.
M. d’Hoffschmidt. - M. Dumont, qui préside cette
section centrale, est absent. Je suis persuadé qu'à son retour il s'empressera
de la convoquer. L'honorable M. Osy, auteur de la proposition, sera invité à se
rendre à la séance ; cela ne peut pas souffrir de difficultés.
- L'article 48 bis est mis aux voix et adopté avec le chiffre de 109,100
francs proposé par la section centrale.
Chapitre III.
Chemin de fer
M. Osy (pour
une motion d’ordre). - Nous voici arrivés au chapitre III, chemin de fer. Je
crois que, pour éviter toute confusion dans la discussion, on ferait bien
d'avoir une discussion séparée sur les chemins de fer concédés et sur le chemin
de fer de l'Etat.
M. Rodenbach. - Dans une discussion générale, on a le droit de
parler sur ce qu'on veut. La proposition de l'honorable député d'Anvers n'est
pas admissible ; elle est, d'ailleurs, contraire au règlement, et je pense
qu'il n'en retirera aucun fruit ; au lieu d'avoir une discussion générale, il y
en aura deux ; la proposition de l'honorable M. Osy nous fera perdre au moins
une séance ; je combats formellement cette proposition pour gagner du temps.
M. de Garcia. - Messieurs,
je partage entièrement l'opinion de l'honorable M. Rodenbach. La proposition de
l'honorable M. Osy est inadmissible. Comment voulez-vous limiter la discussion
générale, où l'on peut parler de tout ? Comment pouvez-vous tracer d'une
manière absolue le cercle d'une discussion qui, par sa nature et nos usages,
est indéfini, tellement indéfini, qu'à propos de travaux publics, on peut
parler de toute autre branche de service public qui n'y a aucun rapport ? Comment, ensuite,
séparer des choses qui sont connexes, telles que les concessions de chemin de
fer, l'administration du chemin de fer, la construction du chemin de fer ?
Vouloir dans la discussion diviser ces objets, ce serait, selon moi, rendre
impossibles ou illusoires les devoirs de celui qui préside à nos discussions et
doit les diriger ; à tout instant naîtrait la question de savoir si l'on se
trouve dans le cercle de la discussion. Indubitablement, chacun de nous en
argumentant prétendrait ne pas en sortir et les débats qui s'engageraient sous
ce rapport, nous feraient perdre beaucoup plus de temps qu'on ne peut en gagner
par la division proposée.
D'après ces considérations, je pense que la proposition de l'honorable
M. Osy est réellement inadmissible.
M. de Mérode. - Messieurs, je crois qu'on peut
diviser une discussion en deux parties et convenir qu'on discutera d'abord les
chemins de fer qui concernent l'Etat, et ensuite ceux qui concernent les concessions.
En suivant cet ordre, la discussion ira plus vite.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, je pense d'abord qu'on
peut parfaitement diviser une discussion, de même qu'on peut diviser le vote ;
le règlement ne s'y oppose nullement. Mais dans cette circonstance, il y a un
motif de plus pour diviser le débat. Il est très probable qu'il s'ouvrira une
discussion assez longue sur le projet du chemin de fer direct de Bruxelles à
Gand ; je crois donc que pour l'intelligence de cette question si importante,
la chambre ferait chose utile en adoptant la proposition faite par l’honorable
M. Osy, et en permettant tout au moins une discussion séparée sur la question
que je viens d'indiquer.
M. le ministre des finances (M.
Malou). - Messieurs,
les honorables préopinants qui demandent deux discussions générales, paraissent
savoir ce qui sera dit dans la discussion ; car s'ils ne le savent pas, la
division proposée est abstraite et insuffisante. Il faudra faire autant de
discussions générales qu'il y a de questions. On en a indiqué deux, j'en
citerai une troisième : c'est l'espèce de conseil d'Etat des travaux publics
qui a été improvisé par l'honorable M. de Man. Evidemment si vous divisez la
discussion générale du budget des travaux publics, vous devez faire à cette
proposition l'honneur d'une nouvelle discussion générale.
Je crois que pour arriver au vote du budget des travaux publics, il faut
rester dans les termes du règlement, avoir une discussion véritablement
générale sur le chapitre du chemin de fer.
M. Lys. -
Je renonce à la parole. M. le ministre des finances vient de dire ce que
j'avais l'intention d'énoncer.
M. de Garcia. - Messieurs,
je crois qu'il n'est guère nécessaire d'insister davantage sur la proposition
de division faite par l'honorable M. Osy. Pourtant, je ferai observer que
l'exemple cité par l'honorable député de Bastogne n'est pas heureux. Il invoque
la question du chemin de fer direct de Bruxelles à Gand ; cet exemple, dis-je,
n'est pas heureux, et il établit précisément la nécessité de ne pas diviser la
discussion générale, comme l'a proposé M. le baron Osy, qui voudrait une
discussion générale séparée sur les chemins de fer de l'Etat et sur ceux en
concession ou à concéder. En effet, l'examen de cette question se rattache
nécessairement autant aux chemins de fer de l'Etat qu'aux chemins de fer à
concéder. Soit qu'il s'agisse de sa construction, soit qu'il s'agisse (page 1516) de ses effets, il faudra
nécessairement examiner la question sous un double rapport et voir s'il y a
lieu de faire construire cette voie nouvelle aux frais de l'Etat ou par voie de
concession. Mais toujours est-il qu'il faudra voir cet objet au double point de
vue que je viens de signaler.
- La proposition de M. Osy n'a pas de suite.
La séance est levée à 4 heures et demie.