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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 28 avril 1847
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre notamment pétitions relatives aux droits sur le
sucre (Loos, Malou) et à une
expropriation pour cause d’utilité publique (Dubus (aîné),
de Bavay, Veydt)
2)
Projet de loi relatif aux droits sur le sucre de betterave (de La Coste)
3)
Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au département des travaux
publics (Veydt, Osy)
4)
Rapports sur des pétitions relatives, notamment, à une demande de concession
ferroviaire entre Mons et Nieuport TM (Clep) et à une
demande de restitution d’impôts (Delfosse, Malou)
5)
Proposition visant à adapter le règlement de la chambre, par la création d’une
commission permanente pour le chemin de fer (Osy)
6)
Projet de loi sur les denrées alimentaires. Droits sur les céréales
7) Projet de loi portant le budget du département
des travaux publics pour l’exercice 1847. Discussion des articles.
a) Frais de construction et d’exploitation du chemin de fer de l’Etat (de Bavay, Osy, de Bavay,
de Bavay, Brabant, Veydt, de Bavay, Lys,
de Bavay, Brabant, de Bavay, Brabant) péages sur les chemins
de fer et industrie houillère (Delfosse, Dumont, Rogier, de
Bavay, Rogier, David, Dumont, Rogier, Delfosse)
b) Postes. A : Organisation postale ; B : franchise de port en faveur des membres du
clergé et influence de celui-ci sur les élections ; C : poste aux
chevaux (A (Osy, de Bavay, Lebeau, Dechamps, Veydt),
B (de Bonne, de Bavay, Rogier, de Bavay), A (Lys, de Bavay), B (Rodenbach, de Bonne, Rogier, Dumortier, Rogier, Dumortier, Rodenbach, Le Hon), C (de Bavay, de Garcia, Lys, Malou, Loos, de Man d’Attenrode, de Garcia, Verhaegen, Malou, Le
Hon, de Bavay, Mercier)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1846-1847)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1606) M. A. Dubus procède
à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. Van Cutsem lit
le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. A. Dubus présente
l'analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Les sieurs Dumoulin, Lefèvre et autres membres du comité linier
de Couckelaere prient la chambre de résoudre affirmativement les trois
questions posées dans le rapport sur les pétitions qui ont pour objet la
distribution de la graine de lin de Riga et des droits de sortie sur les lins
bruts. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport.
« La chambre de commerce et des fabriques d'Anvers présente des
observations contre le projet de loi relatif au régime de surveillance des
fabriques de sucre de betteraves. »
M. Loos. - Je
demanderai le renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi
relatif à la perception du droit d'accise sur le sucre de betteraves. La
section centrale pourrait se réunir pour l'examen de la pétition et présenter
son rapport en même temps qu'elle déposera le rapport sur le projet de loi.
M. le ministre des finances (M. Malou). - On pourrait faire un rapport
spécial sur la pétition s'il y a lieu, mais je demande que le rapport sur le
projet de loi soit déposé aussitôt qu'il sera prêt.
M. le président. - On pourrait ordonner le renvoi avec demande d'un
prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
________________
« Plusieurs propriétaires dans le
canton d'Aerschot demandent la prompte discussion du projet de loi sur le
notariat. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.
« Plusieurs habitants
d’Arendonck, réclament l'intervention de la chambre, pour obtenir l'indemnité
qui leur revient du chef de terrains cédés à l'Etal pour le creusement du canal
de la Campine, et demandent que le gouvernement termine les difficultés qui se
rattachent à l'exploitation et au barrage des parties de propriétés
non-expropriées. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Dubus (aîné). -
Messieurs, plusieurs habitants d'Arendonck ont été dépossédés de terrains qui
étaient nécessaires pour le canal de Turnhout et quoique ces terrains aient été
enlevés à la culture depuis deux ans, cependant, d'après la pétition, le prix
n'en aurait pas encore été payé. Aux termes de la Constitution, l’indemnité
doit être préalable. Si ces propriétaires, pour ne pas retarder le travail, ont
consenti à leur dépossession, c'est parce qu'on leur avait fait la promesse
qu'ils seraient payés immédiatement ; mais cette promesse ne se réalise pas. Je
demande que la commission des pétitions soit invitée à faire un prompt rapport.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je crois,
messieurs, qu'un rapport de la commission des pétitions ne sera pas nécessaire.
La situation de cette affaire est fort simple ; le gouvernement a demandé des
crédits pour le complément des dépenses de l'entrepôt d'Anvers, et des canaux
de la Campine ; ces crédits comprennent l'allocation nécessaire pour solder ce
qui reste dû à quelques propriétaires de terrains empris pour les travaux de la
canalisation de la Campine. Lors que ces crédits auront été votés, le payement
se fera sans aucune espèce de retard.
M. Veydt.
- Messieurs, je tiens en mains le rapport sur ces deux crédits qui comprennent,
en effet, une somme de 55,000 fr. pour faire droit aux réclamations dont il
s'agit.
M. le président. - On pourrait déposer la pétition sur le bureau
pendant la discussion ou projet de loi.
- Cette proposition est adoptée.
PROJET DE LOI RELATIF AUX DROITS SUR LE SUCRE
INDIGENE
M.
de La Coste. - Messieurs, vous avez renvoyé à la section
centrale qui, dans la dernière session, s'était occupée de l'accise sur les
sucres, un projet de loi présenté par M. le ministre des finances et qui a pour
objet de régler définitivement le régime de perception du droit sur le sucre
indigène. J'ai l'honneur de déposer le rapport sur ce projet de loi, ou plutôt
sur les amendements qui le remplacent maintenant.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution du rapport et met
le projet à la suite des objets à l'ordre du jour.
PROJET DE LOI ACCORDANT DES CREDITS SUPPLEMENTAIRES
AU DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS
M. Veydt.
- J'ai l'honneur de déposer, au nom de la section centrale du budget des
travaux publics, un rapport sur le crédit de 1,200,000 francs demandé pour les
travaux de la canalisation de la Campine et pour l'achèvement des travaux de
l'entrepôt d'Anvers.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. Osy. -
Je demande qu'en conformité de la décision que la chambre a prise dans une
séance précédente, ce crédit soit mis à l'ordre du jour entre les deux votes du
budget du département des travaux publics.
- Cette proposition est adoptée.
RAPPORTS DE PETITIONS
M. Clep,
rapporteur. - Messieurs, dans la séance du 11 août 1846,
vous avez renvoyée la commission des pétitions la demande de l'administration
communale de la ville de Nieuport, qui réclame l'intervention de la chambre,
afin que le département des travaux publics soumette à une enquête le projet
d'un chemin de fer de Mons à Nieuport, dont la concession est sollicitée par
MM. Guibal et Bailleul.
Ce chemin de fer relierait le plus directement possible à la mer par
Nieuport, les contrées industrielles de Mons, Jemmapes et Saint-Ghislain en
passant par les villes de Tournay, Menin, Ypres et Dixmude. Il rencontrerait
sur son passage trois rivières navigables : l'Escaut, la Lys et l'Yser,
rivières auxquelles aboutissent plusieurs canaux également navigables, et dont
les deux premières surtout ont un cours très étendu dans l'intérieur du pays ;
il rencontrerait encore plusieurs routes pavées et un grand nombre de communes
jouissant de communications faciles.
Toutes ces villes et communes, même celles en contact avec les eaux
navigables, ne peuvent aujourd'hui se procurer, que par un détour considérable
et à des prix très élevés, la houille, le fer, la chaux, les marbres et les
pierres de taille du Hainaut : abrégez le parcours, procurez en tout temps à
ces localités plus directement à prix réduit et vous décuplerez la consommation
de la plupart de ces marchandises.
C'est l'écoulement de la houille surtout qui prendrait un développement
prodigieux par le moyen de ce chemin de fer. La consommation de ce combustible
fait aujourd'hui l'exception, et bientôt elle deviendrait la règle générale
dans les villes et les communes de la partie boisée du pays, vu que les
propriétaires fonciers auraient plus d'avantage à augmenter les terres à labour
qui, annuellement, sont de plus en plus recherchées, et pour l'extérieur, nos
riches industries reliées à la mer du Nord, permettraient à la plupart des
navires de ne plus retourner sur lest, d'utiliser leur retour, de faire vendre
à meilleur compte et même de primer les houilles anglaises sur le littoral de
la France et de la Hollande : comment ces étrangers d'outre-mer ont-ils pu
envahir les marchés de nos voisins, si ce n'est en vendant à plus bas prix ?
Que l'on ne craigne pas que ces nouveaux débouchés fassent renchérir la
houille ; tout au contraire, nous avons la certitude qu'ils en feraient
diminuer le prix ; car il est reconnu aujourd'hui que le produit de nos
houillères surpasse de beaucoup la consommation ; que lorsque ces usines
ne peuvent pas travailler avec toute la puissance de leur production, les
propriétaires en souffrent considérablement, à raison des capitaux immenses qui
y sont employés et des grands frais d'entretien qu'elles exigent
continuellement.
Ce chemin de fer serait à simple voie, il serait destiné exclusivement
au transport des marchandises dans les localités où elles ne peuvent encore
arriver directement par nos voies ferrées ; il ne nuirait pas aux chemins de
fer de l'Etat ou des compagnies, et il aurait encore l'avantage immense dans la
crise ouvrière actuelle, de faire dépenser par la compagnie concessionnaire de
16 à 17 millions en travaux utiles, principalement dans les Flandres, où le
manque de travail se fait le plus vivement sentir.
Ainsi, de quelque côté qu'on l'examine, cette demande en concession semble
réunir tous les caractères de haute utilité publique.
Cette concession aurait aussi l'avantage, pour le gouvernement, de faire
quelque faveur à la ville de Nieuport, dont le commerce maritime et la pêche
sont, sinon anéantis, du moins considérablement déchus depuis que nos autres
villes maritimes sont dotées de communications ferrées et en profitent si
largement. La pêche à la morue, considérable autrefois, occupe aujourd'hui à
peine six chaloupes ; celle du poisson frais (page 1607) a cessé d'exister. Le transit, vers la France, des
laines d'Angleterre et d'autres pays donnait encore naguère quelque mouvement
au port ; mais ce commerce a totalement cessé depuis 1845, alors que le
gouvernement français a imposé un droit différentiel sur les laines transitant
par la Belgique ; enfin, messieurs, le commerce et la pêche sont tellement
réduits à Nieuport, que les marins valides se sont vus obligés d'aller
s'engager, les uns à Ostende, d'autres à Dunkerque, et que les marins
invalides, ainsi que les ouvriers sans travail sont venus grossir la classe
indigente, antérieurement déjà très considérable, de ladite ville.
Le port de Nieuport est cependant profond, l'entrée facile et sûre. Que
le gouvernement accorde la concession sollicitée, c'est-à-dire qu'il permette
de relier ce port par un chemin de fer avec nos riches industries du Hainaut,
et à l'instant la ville reprendrait non seulement l'activité des affaires, mais
encore le commerce du poisson frais se développerait avec bien plus d'étendue
qu'autrefois, par la rapidité avec laquelle il pourrait s'expédier dans tout le
Hainaut ; à défaut de voie ferrée directe, ce genre de commerce manque dans le
plus grand nombre des localités.
Messieurs, Nieuport a encore d'autres titres à la plus vive sollicitude
du gouvernement Cette ville est l'une des forteresses les plus importantes du
royaume ; dans son enceinte se trouve un matériel de guerre considérable et
quatre magasins à poudre, hôtes excessivement dangereux. Cette ville avait
habituellement pour garnison un bataillon d'infanterie ; mais depuis quelque
temps cette faible garnison a été réduite à un demi-bataillon, de la force tout
au plus de 60 à 70 hommes valides qui, évidemment, sont insuffisants pour la
garde des poudrières et les divers autres points de la forteresse. La garnison,
ainsi réduite, a amené une réduction assez importante dans le produit de
l'octroi dont le revenu est resté l'unique ressource de cette ville ; enfin les
habitants sont demeurés avec toutes les appréhensions et les nombreux
inconvénients de la forteresse, et ils ont vu disparaître depuis quelques
années, un à un, tous les éléments de prospérité ; ce sont cependant les
habitants de Nieuport qui, à la chute du gouvernement hollandais, ont fait la
garnison prisonnière, qui ont improvisé une garde imposante et ont remis tout
le matériel de guerre de la forteresse intact au gouvernement provisoire. Tant
de titres et de patriotisme militent sans doute pour que l'on accorde quelque
faveur à la ville de Nieuport, et le gouvernement le ferait indubitablement en
accordant la concession qui est sollicitée par MM. Guibal et Bailleul.
En résumé, messieurs, nous pensons que ce chemin de fer serait d'une
utilité incontestable pour une grande partie de la Belgique, notamment pour les
villes et communes qu'il traverserait, et un avantage immense pour la ville et
le port de Nieuport qu'il ranimerait.
C'est pour toutes ces considérations réunies que la commission des
pétitions vous propose, messieurs, de recommander la réclamation de la ville de
Nieuport à la plus vive sollicitude du gouvernement et de l'adresser à M. le
ministre des travaux publics.
- Ces conclusions sont adoptées.
_________________
M. Clep,
rapporteur. - Messieurs, dans la séance du 22 avril 1847,
vous avez renvoyé à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt
rapport, la pétition des sieurs Michielsen et Van Noolen, marchands de bétail à
Baevels, qui réclament l'intervention de la chambre pour obtenir la restitution
des droits perçus en trop sur le bétail qu'ils ont importé de la Hollande.
Le 25 août 1846 et sur la foi du traité de commerce du 29 juillet entre
les Pays-Bas et la Belgique, alors exécutoire, les pétitionnaires ont importé
de la Hollande, savoir : le premier, deux vaches pesant 1,005 k., sept génisses
pesant 2,929 kilog. ; et le second, quatre vaches pesant 1,893 kilog.
Au lieu d'avoir été admis à payer les droits réduits suivant le traité,
ils ont été obligés, ainsi qu'il conste par les quittances délivrées par le
receveur des douanes à Turnhout, d'acquitter les droits à raison de dix
centimes par kilo, par le motif qu'ils ne justifiaient pas à l'instant par des
certificats, de l'origine du bétail. L'on ne pouvait cependant pas, imputer aux
sieurs Michielsen et Van Noolen d'avoir manqué à cette formalité, car au moment
qu'ils ont fait leur déclaration à la sortie au bureau de Roovert (Hollande) et
à l'entrée à Poppel (Belgique), il paraît que les receveurs n'avaient pas
encore reçu les instructions pour délivrer les certificats d'origine ; il
paraît aussi que les pétitionnaires sont retournés auxdits bureaux et ont
obtenu les certificats nécessaires, le tout le même jour, et aussitôt que les
employés avaient reçu les instructions à cet égard.
Toutes les formalités ayant été ainsi remplies le même jour, les sieurs
Michielsen et Van Nooten se sont adressés à M. le ministre des finances pour
obtenir la restitution des sommes qu'ils soutiennent avoir payées en trop, mais
par décision du 5 octobre dernier, n° 48971, M. le ministre a rejeté leur
réclamation pour le motif qu'ils n'avaient pas exhibé le certificat d'origine
lors de la présentation de la marchandise en douane.
Tel est, messieurs, l'exposé des faits de cette réclamation.
Votre commission pense qu'il ne serait pas équitable de rendre les
pétitionnaires responsables d'une faute qui ne leur est pas imputable, et pour
cette considération elle a l'honneur de vous proposer, messieurs, de retourner
cette requête, avec les pièces à l'appui, à M. le ministre des finances.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Loos, rapporteur.
- Messieurs, dans la séance du 19 de ce mois vous avez renvoyé à votre
commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport, la requête d'un
sieur L. Dumoulin, brasseur à Xhavée-Souverain-Wandre, province de Liège.
Le pétitionnaire prétend que, par suite du jaugeage fautif de sa
cuve-matière, jaugeage opéré par les employés ds accises, le 3 décembre 1841,
il avait été contraint de payer indûment les droits sur une quantité de 6,970
litres ;
Que les employés des accises ayant reconnu, le 7 novembre 1843, l'erreur
qu'ils avaient commise le 3 décembre 1841. Il s'est adressé à M. le ministre
des finances, pour obtenir la restitution de la somme indûment acquise par le
trésor ; que, jusqu'à présent, M. le ministre des finances n'avait pas jugé
convenable de donner suite à sa réclamation.
Votre commission des pétitions n'ayant aucun
moyen de vérifier l'exactitude des faits avancés par le pétitionnaire, et
conséquemment d'apprécier le mérite de la réclamation, vous propose de
l'envoyer à M. le ministre des finances
M. Delfosse. - Si les conclusions de la commission sont adoptées,
je prierai M. le ministre des finances d'examiner cette pétition le plus tôt
possible et d'y faire droit s'il la trouve fondée. Voilà plus de cinq ans que
le pétitionnaire prétend avoir payé au fisc une somme considérable qui n'était
pas due. Il paraît que d'autres brasseurs, qui se trouvaient dans le même cas,
ont reçu depuis longtemps le remboursement de ce qu'ils avaient indûment payé.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, j'examinerai très
promptement les faits ; mais je m'étonnerais que le pétitionnaire, s'il se
trouve dans les mêmes circonstances que les brasseurs qui ont obtenu le
remboursement, ne l'eût pas obtenu lui-même.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
PROPOSITION VISANT A CRÉER UNE COMMISSION
PERMANENTE DE LA CHAMBRE POUR LE CHEMIN DE FER
M. le président. - Les sections ayant autorisé la lecture d'une
proposition déposée par M. Osy, Fauteur est admis à en donner lecture.
M. Osy. -
Messieurs, voici la proposition que j'ai eu l'honneur de déposer et dont les
sections ont autorisé la lecture :
J'ai l'honneur de proposer le changement suivant à l'article 56 du
règlement de la chambre des représentants :
« La chambre forme dans son sein, pour le cours de chaque session, trois
commissions permanentes, savoir :
« Une commission des finances et des comptes ;
« Une commission de l'agriculture, de l'industrie et du commerce ;
« Une commission des travaux publics. »
- La chambre, sur la proposition de M. Osy, décide que l'auteur sera
admis à développer sa proposition dans les premiers jours de la session
prochaine.
PROJET DE LOI SUR LES DENREES ALIMENTAIRES
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, le projet de loi donne
au commerce la garantie la plus large pour des opérations lointaines, quant aux
importations.
La défense d'exportation, décrétée par la loi du 22 novembre dernier,
subsistant jusqu'au 1er octobre prochain, l'espoir fondé d'une bonne récolte
nous permet de rentrer, à partir de cette époque, dans l'état normal, quant au
régime de l'exportation ; néanmoins, le gouvernement aura la faculté de
défendre l'exportation pendant l'intervalle du 1er octobre 1847 au 1er octobre
1848, si les circonstances l'exigent.
Le crédit de 300,000 fr. est destiné exclusivement à pourvoir les
classes pauvres de pommes de terre pour la plantation.
Un subside égal a été employé très utilement l'an dernier au même usage.
Nous aurions présenté cette demande plus tôt. si nous n'avions craint de faire
naître de trop granités espérances, et d'exposer ainsi un certain nombre
d'habitants à la tentation d'épuiser leur réserve en pommes de terre, dans
l'espoir d'en obtenir gratuitement, et si,, d'un autre côté, nous n'avions
craint de ralentir les secours que les administrations locales et la charité
privée ont fournis jusqu'à présent aux classes nécessiteuses, dans le même but.
Mais aujourd'hui qu'un grand nombre d'habitants manquent encore de pommes de
terre pour la plantation, il devient urgent de venir à leur secours. Le sénat
se réunit aujourd'hui ; il pourra s'occuper de ce projet de loi dès que la
chambre l'aura voté. Nous demandons, en conséquence, qu'il soit renvoyé à une
commission à nommer par le bureau, et avec prière d'un prompt rapport.
(page 1608) - Ce
projet et les motifs qui l’accompagnent seront imprimés et distribués.
La chambre en renvoie l’examen à une commission nommée par le bureau.
M. le président. - Le bureau a jeté les yeux sur la commission qui a
examiné les lois précédentes sur cette matière.
MM. Pirmez et Delehaye, qui sont absents, seraient remplacés par MM.
Maertens et de Villegas.
La commission serait composée de MM. Desmaisières, Dubus ainé, Brabant,
Lesoinne, Maertens et de Villegas.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DES
TRAVAUX PUBLICS POUR L’EXERCICE 1847
Discussion des articles
Chapitre III. - Chemin de fer
Service de l’entretien des routes
Article 5
M. le président. - La chambre s’était arrêtée à l’article 5.
Renouvellement des billes et fer. 724,000 fr. ordinaires, 700,000 fr.
extraordinaires.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs,
la séance d’hier s’est terminée par un discours de l’honorable M. de
Baillet-Latour. L’honorable membre m’a mis en demeure de donner à la chambre
des explications sur un marché de billes en sapin du Nord pour la fondation du
railway. L’honorable membre m’a accusé d’avoir agi avec partialité en cette
circonstance ; je n’abuserai pas des moments de la chambre, en insistant sur ce
côté personnel de la question. Il me suffira de démontrer que j’ai agi dans
l’intérêt de l’Etat et des services dont la direction m’est confiée.
L’honorable membre est parti de la supposition que l’emploi des billes en sapin
du Nord serait plus coûteux que l’emploi des billes en chêne. Si cela était
vrai, messieurs,- je passerais condamnation; mais c’est là une erreur. La
question des billes a été examinée avec un soin particulier par mon département
depuis quelques mois. Je puis dire que les recherches sur ce point ont été
poussées peut-être plus loin chez nous, qu’elles ne l’ont été en aucun pays
étranger.
J’ai chargé de ces recherches un fonctionnaire infiniment capable de les
bien diriger : M. l’inspecteur général des mines. Ce fonctionnaire s’est livré
à des investigations très étendues sur ce qui a été fait et sur ce qu’il
convient de faire. Ses recherches l’ont conduit à reconnaître que les billes en
chêne ont coûté jusqu’ici en moyenne 6 fr. 50 pièce ; et qu’elles ont eu une
durée moyenne de 9 ans et demi, ce qui représente une charge annuelle de 88
centimes par bille.
Aujourd’hui les billes en chêne nous coûtent quelque chose de moins; ce
résultat est dû à deux causes. Une de ces causes a été indiquée hier par
l’honorable M. de Baillet-Latour.
Elle tient à ce qu’on adjuge des billes fortes pour les coussinets à bout et
des billes moins fortes pour les coussinets intermédiaires. Il résulte de là
une moyenne qui conduit à une certaine réduction sur le prix des billes en
chêne prises en bloc.
Une autre circonstance qui a influé sur le prix des billes en chêne, c’est
la détermination prise par le gouvernement d’employer d’autres essences en
concurrence avec le chêne. Aujourd’hui le prix moyen des billes en chêne est de
six francs. En comptant sur une durée moyenne de dix ans, ce prix correspond à
une charge annuelle de 78 centimes.
Les billes en sapin du Nord ont été adjugées à 3 fr. 26 c. livrables à
Malines. En ajoutant à ce prix la pose et le transport, elles reviennent à 3
fr. 86 c. Ce prix, en comptant sur une durée moyenne de sept ans, qui s’écarte
peu des données de l’honorable membre, correspond à une annuité de 67 centimes.
Ainsi, c’est une dépense de 67 centimes à mettre en regard d’une dépense de 78
centimes.
Ces deux chiffres, que je crois incontestables, vu le soin avec lequel ils
ont été établis, prouvent que l’emploi du sapin du Nord est de quelque chose
moins cher que l’emploi du chêne.
Mon but a été non seulement d’obtenir des billes à des prix moins chers,
mais d’arriver à des notions positives sur l’emploi comparatif des diverses
essences de bois.
Le sapin du Nord est l’essence généralement employée en Angleterre. Ce fait
a une très grande importance. Il en résulte une présomption très forte d’emploi
avantageux en faveur du sapin du Nord.
Mais je ne me suis pas borné à des essais sur le chêne et sur le sapin du
Nord. J’ai étendu ces essais à toutes les essences de bois dont
l'emploi offre quelque chance de succès.
La plupart des essences tendres ne peuvent être employées qu'au moyen de
certaines préparations. Le chêne et le sapin du Nord peuvent être employés avec
ou sans préparation. L'essai pour le chêne et le sapin du Nord aura lieu des
deux manières, à l'effet d'apprécier jusqu'à quel point les préparations
peuvent rendre l'emploi de ces bois plus avantageux.
D'après les calculs établis par le même fonctionnaire, les billes en
chêne préparées auraient une durée probable de 15 ans et coûteraient 6 fr. 20
c. lien résulterait une dépense annuelle de 60 c. Les billes en sapin du Nord
auraient, par la préparation, une durée de 12 ans et elles reviendraient, avec
cette préparation, au prix de 4 fr. 61 c, c'est-à-dire à une annuité de 52 c.
On voit donc que, même dans l'hypothèse de la préparation, le sapin du
Nord offre encore un certain avantage sur le chêne.
Quoi qu'il en soit, je n'entends nullement proscrire le chêne. Il
résulte des explications données à la section centrale que pour cette année
1847, le nombre des billes en chêne employées sera au moins aussi grand que le
nombre des billes en sapin du Nord. Il n'y a donc aucune exclusion du chêne.
D'ailleurs un certain nombre de cahiers des charges des chemins de fer
concédés exigent, d'une manière absolue, l'emploi du chêne. Cette clause, qui a
la même force que la loi même, doit avoir ses effets. Le chêne sera donc
employé dans une forte proportion.
L'honorable membre a trouvé fort extraordinaire
que pour le sapin du Nord on ait fait un seul marché de 50 mille pièces. Il est
évident que ce marché était une opération commerciale, et que si l'on voulait
qu'il fût avantageux, il ne fallait pas que l'opération fût trop petite.
Personne n'aurait voulu s'en mêler, personne n'aurait voulu faire des marchés
dans le Nord pour livrer un petit nombre de billes. Il n'y avait qu'un marché
considérable qui pût amener la concurrence et un prix favorable. Aussi avons-nous
obtenu un prix tellement bas, que l'honorable membre ne considère pas le marché
comme sérieux. Quant à moi, je le regarde comme très sérieux. Il a été souscrit
par des négociants très bien posés, qui n'ont pas hésité à doubler le
cautionnement qui était indiqué au cahier des charges, à le porter de 10 à 20
mille francs. Je regarde donc ce marché comme parfaitement sérieux.
Je crois avoir fait, en cette circonstance, ce que m'imposait mon
devoir.
M. Osy. -
M. le ministre des travaux publics avait proposé hier une augmentation de
dépense à l'article 5. Vous aurez vu, messieurs, que la section centrale
n'avait pas repoussé la première demande faite par M. le ministre d'une somme
de 124,000 fr., pour renouvellement de billes et de rails.
L'adjudication primitive qui avait été faite à crédit, n'a pas été
approuvée par le gouvernement, et il en a été fait une deuxième d'après
laquelle le payement doit être fait au comptant. C'est ce qui nécessite
l'augmentation de crédit demandée par M. le ministre. Pour ma part, j'approuve
beaucoup cette opération et je crois que nous ferons très bien de renouveler le
plus tôt possible tous les rails défectueux. Je demanderai à M. le ministre si
la quantité de 2,200 tonneaux de rails sera suffisante.
En ce moment il s'agit d'une somme assez forte ;
mais lorsque toutes les billes et tous les rails qui sont en mauvais état
auront été renouvelés, les renouvellements annuels n'exigeront plus qu'une
somme minime. La dépense qui nous est demandée est donc en grande partie
exceptionnelle et je demanderai, en conséquence, que M. le ministre veuille
bien diviser le chiffre qu'il propose pour en porter une partie parmi les
dépenses ordinaires et une autre partie parmi les dépenses extraordinaires.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je n'ai
aucune objection à faire contre la division demandée par l'honorable membre de
l'allocation dont il s'agit. On pourrait comprendre 724,000 fr. dans les
dépenses ordinaires et 700,000 fr. dans les dépenses extraordinaires.
- L'article ainsi modifié est mis aux voix et adopté.
Paragraphe III. - Service de locomotion et d’entretien du matériel
« Art. 6. Personnel : fr.
136,000. »
- La section centrale propose une réduction de 2,060 fr.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je pense,
messieurs, qu'il n'y a aucun motif de faire cette réduction. La réduction n'est
pas très forte en elle-même. Je serai dans la nécessité de rappeler ici une
partie des considérations que j'ai fait valoir à la séance dernière.
Toutes les branches de service du chemin de fer prennent un
développement considérable. Le nombre des convois extraordinaires de
marchandises se multiplie de jour en jour, et tous ces mouvements additionnels
influent nécessairement sur le personnel et exigent une certaine augmentation.
M.
Brabant, rapporteur. - Je ferai remarquer, messieurs,
que la somme demandée à l'article 6 ne concerne pas le personnel des convois,
mais qu'elle concerne l'inspection de la locomotion ; et je ne pense pas que
parce qu'il y a un plus grand nombre de convois il faille multiplier les
inspections. Du reste, nous n'étendons pas ici la réduction sur les indemnités de
voyage aussi bien que pour le reste du service. J'ai fait remarquer, dans le
rapport, que la somme demandée cette année est de 5,420 fr. plus élevée que
l'année dernière, car nous proposons (page
1609) seulement une réduction de 2,060 fr. il resterait donc encore une
augmentation de 3,360 fr. et je crois que pour l'état-major de la locomotion
cela suffît.
- Le chiffre demandé par le gouvernement est mis aux voix ; il n’est pas
adopté.
Le chiffre proposé par la section centrale est ensuite adopté.
Article 7
« Art. 7. Main-d'œuvre, travaux, fournitures, etc. : fr.
3,310,000. »
M. Veydt.
- Messieurs, le chiffre de 3,310,000 fr. comprend une somme d'un million pour
fourniture de la houille et du coke.
L'honorable rapporteur de la section centrale fait remarquer, dans son
travail, la différence qui existe entre le prix de revient du coke fabriqué
dans les différents établissements du gouvernement. Ce prix de revient est,
pour 1846, plus élevé pour les fours à coke de Malines, de Gand et d'Ostende ;
il est, au contraire, bien plus bas pour les fours de Jemmapes, d'Ans et de
Manage. La section centrale attire sur ce point l'attention de la chambre et de
M. le ministre des travaux publics.
Le compte rendu de l'exploitation du chemin de fer de 1845 nous signale
les mêmes faits : la différence est encore plus saillante. Ainsi, nous voyons
qu'à Ostende l'hectolitre de coke, qui équivaut en poids à 35 kil., revient à 1
fr. 13 ; à Gand, à 1 fr. 03 ; à Malines, à 1 fr. ; à Ans, à 69 c ; à Jemmapes,
à 68 c. 1/2, et à Manage, à 80 c. La moyenne de ces prix de revient est de 85
centimes, 15 centimes encore au-dessous du prix de Malines.
La moyenne de la fabrication générale du coke dans les établissements de
l'Etat a été, en 1845, de 24 fr. 43 par
1,000 kil.
Quelle est la conséquence à tirer de ces chiffres ? C'est de développer
la fabrication aux fours d'Ans, de Jemmapes et de Manage, et de la restreindre
à Malines, à Gand et à Ostende. Peut-être même conviendrait-il d'abandonner les
fours de ces dernières localités, comme on a abandonné ceux de Monplaisir et
d'Anvers, pour la ligne du Nord, et ceux de Hal, pour la ligne du Midi.
L'économie sur la fabrication ne serait certes pas absorbée par les
frais de transport dans les diverses stations.
Le compte rendu que je citais tout à l'heure indique encore une autre
économie à réaliser sur cet important article. L'administration du chemin de
fer s'est quelquefois approvisionnée de coke à des établissements particuliers.
Cela s'est fait pour Verviers, pour Manage et Charleroy. Le prix de revient du
coke acheté a été, en moyenne, de 18 fr., c'est-à-dire de 25 p. c. au-dessous
du prix de revient du coke fabriqué par le gouvernement. Mais le coke des
établissements privés a été en si petite quantité, qu'il n'a exercé qu'une
influence insignifiante sur la moyenne générale, puisqu'elle n'est descendue
qu'à fr. 23 78 pour les mille kilogrammes.
En signalant ces différences de prix dans le
compte rendu de l'exploitation, M. le ministre indique la raison qui l'empêche
de prendre des approvisionnements de coke à des établissements privés.
Il craint que les fournitures, ne se fassent pas d'une manière
régulière, et en quantité constamment suffisante pour l'exploitation générale
du railway. Cet inconvénient serait, en effet, très grave ; mais je crois,
messieurs, qu'il peut y être obvié, et que des garanties peuvent être trouvées
pour assurer les fournitures. Alors l'économie ne devrait plus rencontrer
d'obstacle, et elle serait si considérable que le million dépensé à présent
pourrait être réduit à 800,000 fr. J'ai été frappé de ces rapprochements de
chiffres ; il peut être utile de les signaler plus particulièrement à
l'attention de la chambre.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). -
Messieurs, je crois que la véritable économie pour le coke doit consister à
multiplier les fours à coke à proximité des centres d'exploitation
charbonnière. C'est ainsi qu'on s'occupe d'augmenter actuellement le nombre de
fours à Jemmapes, à Manage et à Liège. Je crois que cette mesure sera plus
efficace que tonte autre, et qu'il faudra régler l'activité de chaque
établissement de four à coke d'après le prix des charbons différents aux
centres d'exploitation. Depuis un an, par exemple, le prix du charbon s'est
beaucoup élevé à Liège. C'est une raison pour faire moins de coke à Liège et en
faire davantage sur d'autres points.
L'honorable membre a appelé l'attention du gouvernement sur l'utilité
qu'il pourrait y avoir à acheter le coke fabriqué au lieu de le fabriquer par
les soins de l'administration. Je crois, messieurs, que cette idée mérite
d'être mûrie, d'être approfondie. Cependant il ne faut pas se dissimuler qu'il
y a certains inconvénients à dépendre, pour le coke nécessaire au chemin de fer,
des fournitures des établissements particuliers.
Il est à ma connaissance, messieurs, que la société concessionnaire des
chemins de fer de la Flandre occidentale, qui n'a pas de four, et qui doit
acheter du coke chez des fournisseurs, se trouve actuellement dans un très
grand embarras, à cause d'un retard dans une fourniture. Des éventualités
pareilles pourraient être fort graves pour le chemin de fer de l'Etat.
Je crois de plus que, généralement, le coke
fabriqué par l'Etat a été supérieur en qualité à celui qui a été fourni par
différents établissements industriels.
Je ne pense pas qu'il puisse être convenable de réduire l'allocation
pour fourniture de combustible.
M. Veydt.
- Je n'ai pas proposé de réduction.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je vois
avec plaisir que l'honorable membre ne fait pas de proposition de réduction, et
qu'il se borne à appeler l'attention du gouvernement sur toutes les économies à
réaliser ; à ce point de vue je suis entièrement d'accord avec l'honorable
membre.
M. Lys. - Messieurs, en faisant dans une
séance précédente, une observation sur le coke qui se consomme sur le chemin de
fer, j'ai dit que depuis longtemps on accorde des primes à des machinistes, et
M. le ministre n'a rien répondu à cet égard.
Je pense avoir démontré qu'ayant usé de cette prime pendant plusieurs
années, on devait avoir maintenant la quantité de coke qui est nécessaire pour
les transports ; l'expérience doit être complète actuellement ; j'ai dit que
si, à l'heure qu'il est, on n'avait pas cette connaissance, on ne l'aurait
jamais.
Je crois que, dans l'intérêt des finances de l'Etat, il y a lieu de
supprimer cette prime. J'en réfère cependant à M. le ministre des travaux
publics. Mon observation a uniquement en vue l'intérêt du trésor.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). -
Messieurs, l'honorable membre est dans la pensée, que la prime accordée aux
machinistes pour économie sur le coke a été introduite dans le but de connaître
exactement la quantité de coke à consommer par kilomètre pour chaque espèce de
machines, et par chaque voiture remorquée. Je crois que cette mesure a eu, en
outre, un autre but, c'est celui d'intéresser les machinistes à faire des
économies. Il est vrai qu'on peut accorder au machiniste une quantité
déterminée de coke, et lui prescrire de marcher avec cette quantité ; mais si
cette quantité se trouve être insuffisante, il faudra bien l'augmenter.
Ce qu'on a voulu ici, c'est que la consommation
fût réduite autant que possible, en appelant en quelque sorte à l'aide de
l'administration toute l'industrie personnelle du machiniste.
Il est d'ailleurs à remarquer que les primes accordées aux machinistes
se combinent avec le chiffre de leur salaire. Si on ne leur accordait pas cette
prime, il faudrait leur payer un salaire fixe plus élevé. Il y a ici en quelque
sorte une décomposition du salaire, un salaire fixe et un salaire éventuel.
M.
Brabant, rapporteur. - Messieurs, c'est une question
très difficile de savoir s'il convient que le gouvernement se procure son coke
par le commerce, ou si l'Etat doit le fabriquer lui-même. Mais une chose qui me
paraît incontestable, c'est que dans la seconde supposition, c'est-à-dire dans
le cas de la fabrication du coke par le gouvernement, on devrait choisir des
établissements de fabrication plus convenablement qu'on ne l'a fait jusqu'à
présent.
Messieurs, il n'est pas inutile d'insister sur quelques points et de
vous montrer comment les choses se passent à l'égard de certaines localités.
Par exemple, il y a des fours à coke à Gand, et ces fours
approvisionnent les stations d'alimentation de Hal, de Deynze, de Courtray, de
Mouscron et de Tournay. Eh bien, il se trouve que le charbon qui sert à la
fabrication du coke à Gand, s'achète dans le Borinage. Je suppose qu'il soit
embarqué à Jemmapes ; ce charbon passe à Tournay, fait 29 lieues sur l'Escaut,
et revient à Tournay en nature de coke. Il est certain que c'est là une très
mauvaise manœuvre, une manœuvre très dispendieuse.
On a objecté contre le système du transport par le chemin de fer,
transport qui est extrêmement économique pour l'administration ; on a objecté,
dis-je, le déchet que le coke éprouvait. La section centrale avait dit à M. le
ministre : « Comment se fait-il que le coke étant à Ans à un prix de beaucoup
inférieur à celui de Malines, vous ne preniez pas à Ans, au lieu de le
fabriquer à Malines ? » Ce n'est pas M. le ministre qui a fait la réponse que
j'ai indiquée tout à l'heure, à savoir que le coke se détériore par le
transport ; elle a été faite d'ailleurs ; et je tiens à y répliquer. Eh bien,
il se trouve que les fours d'Ans alimentent la station de Louvain, et qu'on ne
s'aperçoit pas d'un grand déchet au coke transporté d'Ans à Louvain, et que par
conséquent, ce déchet ne serait pas beaucoup plus considérable si le coke
faisait 4 lieues de plus pour aller à Malines.
S'il est important de se procurer du coke à bon marché, il est peut-être
plus important encore d'en réduire la consommation autant que possible ; et
quoiqu'il y ait eu un progrès très sensible depuis quelques années, puisque de
105 kilog. consommés dans les cinq premiers mois de 1842 par lieue parcourue, nous
sommes descendus à 59 kilog. pendant les six premiers mois de 1846, je crois
que cette dernière quantité est encore supérieure aux besoins. Je lisais, la
semaine dernière, dans le compte rendu des opérations du chemin de fer de
Strasbourg à Bâle, que la consommation n'avait été en 1846 que de 31 kilog. 4
dixièmes par lieue parcourue, tandis que nous en sommes encore à 59 kilog.
Ce n'est pas précisément le parcours qui nous occasionne une aussi
grande différence ; mais je crois que nous allumons trop de locomotives. J'ai
cherché à me rendre compte du nombre des locomotives qui sont journellement
nécessaires ; et sauf erreur, j'ai trouvé qu'il en faut 19 pour le
stationnement, 21 pour les convois de voyageurs, et que 20 pourraient suffire
pour le transport des marchandises : ce qui fait en tout 60 locomotives ; dans
un tableau joint aux développements, j'ai vu que pendant les 9 premiers mois de
l'année, nous avons jour moyen, 73 locomotives allumées, c'est-à-dire 13
au-delà du calcul auquel je suis arrivé.
Je crois qu'on ne pourrait apporter trop d'économie sur ce point.
Quelqu'un, initié aux secrets de l'administration, me disait dernièrement
qu'aujourd'hui on était sur les dents et qu'on était obligé de travailler la
nuit dans les ateliers de réparation ; cela tient probablement à ce qu'on
emploie inutilement des locomotives. II m'est souvent arrivé de voir des
convois remorqués par deux locomotives qui auraient très bien pu marcher avec
une seule ; les convois de marchandises marchent avec une vitesse inutile pour
cette nature de convoi ; les ingénieurs expérimentés en fait d'exploitation de
chemins de fer, ont démontré, et ici l’expérience (page 1610) est d'accord avec la théorie qu'on augmente
considérablement la force de traction en diminuant la vitesse. Ainsi un convoi
qui avec une vitesse de 4 lieues à l'heure pourrait remorquer 110 tonneaux n'en
remorquerait guère que 60 avec une vitesse de 6 lieues à l'heure. Je crois que
la vitesse de 4 lieues à l'heure est suffisante pour les convois de marchandises.
L'article qui est maintenant en discussion est le plus important du
chemin de fer, il emporte à lui seul 50 p. c. de la dépense. Il ne peut pas y
avoir de petite économie sur ce point. J'ai trouvé, dans les développements,
qu'il y avait prodigalité sur une foule de petites choses ; ces petites choses
j'ai pu les apprécierai si je juge des grosses dépenses pour les petites, je
dois conclure qu'il y a beaucoup d'économies à faire. Ainsi il se trouve que
nous avions en 1846, 31,045 paniers à coke, il résulte des transports de coke
qui sont faits, qu'un panier ne sert qu'une fois sur 12 jours et en en
répartissant la quantité totale de coke fabriquée en 1846, il se trouve que si
on les avait emplis tous les jours deux mille paniers auraient suffi. Nous en
avions 31 mille !
Ce sont là des choses qui passent toute croyance. Je sais que deux mille
paniers ne suffiraient pas pour le service ; mais le triple suffirait si,
aussitôt que les paniers arrivent à la station d'approvisionnement, on les
chargeait et les envoyait au lieu de consommation, et que là on les vidât
aussitôt pour les renvoyer à la station d'approvisionnement. Je citerai une
autre chose plus petite que celle des paniers, qui mérite cependant de fixer
l'attention de M. le ministre ; c'est la consommation des poêles de fonte qu'on
fait dans les stations. Cette année, le nombre est de 95 ; l'année dernière, il
était de 120 ; les années précédentes, on en avait acheté 100. Il en est
plusieurs parmi nous qui ont un poêle en fonte dans quelque partie de leur
maison ; ils savent que c'est un meuble à peu près indestructible. Cela doit
durer, au moins, cinq ou six ans. J'appelle l'attention de M. le ministre sur
ce point. Il n'y a pas de petite économie dans une grande administration. Si
les choses que j'ai pu vérifier se conduisent de cette manière, cela doit
m'inspirer des craintes sur la prodigalité qu'on a pu apporter dans d'autres,
que je n'ai pas pu apprécier, n'ayant pas une connaissance suffisante pour le
faire.
- L'article est mis aux voix et adopté.
Article 8
« Art. 8. Renouvellement du matériel hors d'usage et remplacement
partiel des waggons découverts par. des waggons couverts ; dépense
ordinaire : fr. 100.000 ; dépense extraordinaire : fr. 200,000.
- Adopté.
Service des transports
Article 9
« Art. 9. Personnel : fr. 404,000. »
M. le président. - La section centrale propose une réduction de 6,854
Ir.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je crois
que cette réduction ne peut pas être admise. Le service des transports comprend
généralement des agents très peu rétribués. Il comprend d'abord les chefs de
station, dont j'ai en l'honneur d'entretenir la chambre hier ; il comprend
aussi les gardes-convois. Pour le moment nous sommes dans la nécessité absolue
d'augmenter le nombre des gardes-convois, si nous ne voulons pas que certains
trains spéciaux de marchandises soient abandonnés à des ouvriers, ce qui est
une chose inadmissible. J'invoquerai contre la réduction proposée par la
section centrale à l'article 9, l'opinion émise par elle à propos de l’article
11 où elle dit :
« L'augmentation de 7,000 fr. a été accordée en considération de la
modicité du traitement des employés à la recette et du surcroît de travail que
leur occasionne le développement de l'exploitation. »
Ce raisonnement est absolument applicable à
l'allocation pour le personnel des transports. Ici d'abord il s'agit d'agents
très peu rétribués dont le service est considérablement augmenté par suite du
développement qu'ont pris les transports.
Nous avons ensuite des gardes-convois qui n'ont que 900 francs de
traitement. Ce traitement est très faible, surtout dans les circonstances
présentes ; nous avons les chefs de station qui sont presque tous rétribués
d'une manière insuffisante, ainsi que je l'ai démontré. Je dis donc que le
raisonnement fait par la section centrale à propos de l'article 11 est
applicable à l'article 9. Je désirerais qu'elle consentît à ne pas insister sur
la réduction proposée à l'article 9.
M. Brabant, rapporteur. - Je ne
puis pas m'expliquer au nom de la section centrale, puisqu'elle ne s'est pas
réunie depuis la présentation du rapport. Je viens d'échanger un mot avec mon
honorable collègue M. Osy. Je crois qu'on peut admettre le chiffre demandé par
le gouvernement. Les documents insérés au Moniteur sur le développement des
transports, prouvent que ce service a besoin d'un personnel plus considérable.
Je me suis expliqué moi-même dans la discussion générale sur la modicité de la
plupart des traitements dont il s'agit. Je pense qu'il est indispensable
d'augmenter le personnel, et si cette augmentation de personnel n'entraînait
pas une trop forte dépense, je ne verrais pas d'inconvénients à ce que
certaines positions fussent améliorées.
M. Delfosse. - Je crois devoir appeler
l'attention de M. le ministre des travaux publics sur la nécessité de réduire
le prix des transports par le chemin de fer, surtout pour les charbons. Si ce
prix était moins élevé, on pourrait exporter une quantité considérable de nos
charbons ; beaucoup de navires en prendraient pour lest. Le prix élevé des
transports est un grand obstacle au développement de notre industrie. On dira
qu'il faut que le gouvernement couvre, au moyen des péages, les frais
d'exploitation, ainsi que l'intérêt et l'amortissement des capitaux dépensés
pour ta construction du chemin de fer. Mais je ferai remarquer que la plupart
des waggons reviennent à vide de Cologne, et qu'il y aurait un grand avantage à
les employer au transport des charbons de Liège à Anvers. Je suis sûr que les
représentants d'Anvers se joindront à moi pour obtenir la réduction que je
sollicite ; elle ne serait pas moins favorable au commerce anversois qu'à
l'industrie des charbonnages, et elle grossirait les ressources du trésor.
C'est là une de ces mesures dont l'utilité ne saurait être contestée, et que M.
le ministre des travaux publics ne devrait pas hésiter un instant à prendre.
M. Dumont. -
J'ai demandé la parole pour appuyer la proposition de l'honorable M. Delfosse,
mais à la condition qu’on maintiendra l'équilibre entre les canaux du Hainaut
et le chemin de fer.
Je demande en un mot l'application de la loi de 1834.
M. Delfosse. - Mon intention n'est pas de faire
disparaître l'équilibre qui peut exister entre les deux centres d'industries.
Nous pourrons examiner la question soulevée par l'honorable préopinant,
lorsqu'on discutera un projet de loi qui est en ce moment à l'ordre du jour Je
ne veux pas anticiper sur cette discussion ; mais je ferai remarquer à
l'honorable M. Dumont que le prix élevé des transports empêche de prendre des
charbons pour lester les navires ; on ne prend pas plus les charbons de
Charleroy et de Mons que ceux de Liège. C'est donc dans l'intérêt du Hainaut
tout autant que de Liège que j'ai présenté mes observations.
M. Dumont. -
C'est pourquoi je les ai appuyées.
M. Rogier. - Messieurs,
il a déjà été question, dans cette enceinte, du transport du charbon par le
chemin de fer. On a droit de s'étonner que le chemin de fer d'Anvers à Liége,
qui a été considéré dans le principe comme une voie commerciale d'abord, puis
comme une voie charbonnière, n'ait rempli que très imparfaitement jusqu'à ce
jour cette dernière destination.
Ce n'est pas, messieurs, seulement au point de vue du port d'Anvers que
je viens appuyer les observations de l'honorable M. Delfosse ; c'est d'abord au
point de vue de l'intérêt du trésor. Il y a là, messieurs, une source
considérable de revenu qui lui échappe.
N'est-il pas étrange, et ici je dois le dire, j'admire la longanimité de
Liège, n'est-il pas étrange que le chemin de fer qui, pour les retours, était
établi comme voie charbonnière de Liège sur Anvers, ne serve pas à sa
destination, que le charbon de Liège soit repoussé des marchés de Louvain et
d'Anvers par un tarif qui semble fait exprès contre lui ?
Qu'on ne le perde pas de vue : la route avait pour but d'amener le
charbon de Liège en retour, non seulement sur le marché de Tirlemont, mais aussi
sur les marchés de Louvain, d'Anvers, où ce charbon ne parvient pas, alors que
beaucoup de waggons retournent à vide, alors qu'on pourrait utiliser ces
retours sur un chemin en pente qui n'exige que de moindres frais de traction.
Il y a de ce chef de grandes ressources perdues pour le trésor. Si l'on
veut en avoir une idée, que l'on considère que, sur le seul transport des
céréales, et les céréales sont loin d'équivaloir en poids et en quantité à ce
que procurerait le transport journalier des charbons ; que sur le seul
transport gratuit des céréales par le chemin de fer, le trésor a fait en un an
une perte de 350,000 fr.
Eh bien, si le chemin de fer pouvait transporter la masse de charbons
nécessaire aux besoins des localités qui en sont aujourd'hui privées, je
demande quelle recette énorme il ferait.
Ce n'est pas à dire que je veuille exclure des marchés de Louvain,
d'Anvers les autres centres houillers. Il faut permettre aux charbons qui
peuvent desservir ces marchés, d'y venir en abondance ; il faut leur en
faciliter les moyens. En l'état actuel des choses, il y a injustice pour les
centres de consommation qui pourraient être appelés à jouir des résultats
qu'amèneraient ces facilités ; il y a, secondement, une détestable opération
financière à repousser cette grande source de revenu pour le chemin de fer. Je
l'ai déjà dit, le ne comprends pas comment les exploitants de Liège n'ont pas
demandé depuis longtemps, n'ont pas insisté et follement insisté, pour que le
chemin de fer réponde sous ce rapport au but de sa création.
M. Delfosse. - Ils l'ont toujours fait.
M. Rogier. - A ne parler qu'au point de vue d'Anvers, je dirai
qu'il faut aussi faire quelque chose pour les localités situées sur le
littoral. Si nous avions la liberté d'entrée des houilles, la ville d'Anvers,
beaucoup d'autres localités situées le long du littoral pourraient recevoir de
l'Angleterre à bon compte les houilles nécessaires à leur consommation. Eh bien
! ces localités qui sont privées de la houille étrangère, ne les privez pas de
la houille qu'elles peuvent se procurer dans le pays ; et sous ce rapport,
réglez les tarifs du chemin de fer de manière à ce qu'il puisse transporter le
charbon à employer soit comme chauffage, soit comme lest dans les ports de mer.
J'appelle toute l'attention de M. le ministre des travaux publics sur ce
point. Il y a, messieurs, comme un parti pris de repousser du marché de Louvain
et d'Anvers, le charbon de Liège. Cela ne peut pas durer. Qu'on y envoie encore
le charbon de Charleroy et d'ailleurs, s'il peut y venir aux mêmes conditions,
rien de mieux. Mais qu'on ne repousse pas le charbon de Liège, alors qu'il peut
venir à Louvain, à Anvers, à Bruxelles même peut-être, à de bonnes conditions
pour le consommateur, et en procurant de gros revenus au chemin de fer.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je
regrette autant que les honorables membres qu'on n'utilise pas tous les waggons
qui (page 1611) reviennent à vide.
Mais, messieurs, cette question renferme en elle-même une difficulté assez
sérieuse qui vient d'être indiquée par l'honorable M. Dumont. On nous dit :
Nous avons sur la ligne de l'Est de nombreux retours de waggons vides en
descente ; adoptez un prix pour l'emploi de ces waggons et transportez à ce
prix le charbon de Liège dans la direction d'Anvers. Il y a à cela une
difficulté : c'est que nous n'avons pas ces retours à vide sur la ligne du
Midi, et ceci est une circonstance qui mérite toute l'attention de la chambre.
Si vous adoptez un prix réduit pour les retours sur la ligne de l'Est,
c'est en réalité faire à Liège des conditions de transport qu'on n'accorderait
pas au Hainaut. Un prix de retour pour la ligne de l'Est conduisait dès lors
inévitablement à l'abaissement des tarifs de la ligne du Midi. De plus, si l'on
abaisse, d'une quantité notable, le tarif du chemin de fer sur la ligne du
Midi, on en viendra à réduire très notablement le tarif du canal de Charleroy.
Réduisant le tarif du canal de Charleroy, on en viendra à réduire le tarif du
canal d'Antoing dans une proportion plus forte. Dès lors il est impossible, du
moins je regarde la difficulté comme très grande, d'adopter un prix de retour
sur la ligne de l'Est, sans en venir à réduire le tarif sur la ligne du Midi,
et à réduire à fort peu de chose les produits des canaux du Hainaut.
C'est là une question extrêmement grave pour le trésor public. Certes si
nos voies et moyens présentaient un excédant considérable sur les dépenses, je
pense qu'il serait fort utile d'abaisser autant que possible tout ce qui peut
être regardé comme taxe de transport. Je crois que, lorsque le pays aura un
excédant, ce sera là un des meilleurs emplois qu'il en pourra faire. Mais nous
n'en sommes pas encore là.
L'honorable membre a fait remarquer que le seul
transport des céréales fait gratuitement, représentait une perte de 300,000 fr.
pour une année. Mais, messieurs, la mesure qui a été appuyée par les honorables
préopinants conduisait à une perte annuelle pour le trésor, que j'ai portée à
plus d'un million. Il faut qu'on ne perde pas de vue la position du
gouvernement qui est tout à la fois propriétaire du chemin de fer et des canaux
et qui doit des conditions à peu près égales au Hainaut et à Liège. Ce sont des
circonstances qu'il ne faut pas oublier et qui créent des difficultés assez
sérieuses. (Interruption.)
J'entends dire que c'est pour contenter les électeurs ! Mais il y a des
électeurs à Liège comme il y en a dans le Hainaut. Ceci est une question de
trésor public et pas autre chose.
M. Rogier. - M. le
ministre des travaux publics m'a fort mal compris, s'il a cru que mes
observations avaient pour but d'entraîner une perte pour le trésor. Au
contraire, j'ai fait voir que le trésor était privé, par le système adopté, de
très grandes ressources. C’est à ce point de vue d'abord que j'ai présenté mes
observations. S'il devait résulter des mesures que j'indique une diminution
pour le trésor, je m'abstiendrais de les conseiller Je désire qu'on exploite le
chemin de fer dans un double but d'utilité, au point de vue de l'utilité
générale, de l'intérêt du producteur et du consommateur, et au point de vue de
l'intérêt du trésor ; et c'est surtout ici l'intérêt du trésor que j'ai fait
valoir. Je proteste donc contre toute mesure qui serait prise par le
département des travaux publics, et qui aurait pour résultat de diminuer les
ressources du trésor.
Il serait facile de combiner les tarifs de manière à accroître les
transports à de plus grandes distances sur le chemin de fer ; il, est absurde
que le charbon de Liège ne puisse être transporté au-delà de Tirlemont.
Il ne faut pas un grand effort de génie administratif pour trouver un
tarif tel que le charbon de Liège puisse être porté à quelques lieues au-delà.
Il suffirait pour cela d'utiliser les circonstances topographiques et les
retours des waggons vides. Je ne veux pas, je le répète, exclure le charbon de
Charleroy ni d'ailleurs du marché d'Anvers. Mais je veux que ce marché puisse
recevoir le charbon au meilleur prix de tous les côtés. Je le demande dans
l'intérêt commercial et dans celui des exploitants mêmes. Aujourd'hui beaucoup
de navires partent d'Anvers sur lest. Que met-on dans ces navires ? On y met du
sable, de mauvaises pierres que l'on rassemble à grand-peine et à grands frais.
Eh bien, si l'on pouvait substituer le charbon à ce lest qui n'a aucune espèce
de valeur, ne serait-ce pas un grand débouché ouvert aux exploitants ? Sous ce
rapport même, ou pourrait peut-être avoir un tarif différent pour le charbon
destiné à servir de lest ainsi qu'à l'exportation.
Le chemin de fer, dans mon opinion, a encore de très grands progrès à
faire en recettes.
Il y a deux sources de revenus, deux sources de richesse publique dans
le chemin.de fer ; il faut le rendre plus productif et il faut y introduire des
économies. Ce deuxième système, le système des économies a du bon, mais je suis
convaincu, qu'il y a encore beaucoup plus à gagner en augmentant la
productivité, si je puis m’exprimer ainsi, du chemin de fer, qu'en rognant,
comme on l'a fait dans toute cette discussion, quelques milliers de francs du
budget. C'est surtout cette grande source, la productivité du chemin de fer,
qu'il faut exploiter, et je dois dire que le chemin de fer est, en général,
exploité avec une sorte d'indifférence et de nonchalance. Il ne rapporte pas
tout ce qu'il pourrait rapporter. Cet exemple-ci est frappant, et c'est pour
cela que je le choisis, bien qu'on pourrait en citer beaucoup d'autres. Il est
de fait que si vous utilisez le chemin de fer pour les marchandises
encombrantes et d'une consommation continuelle comme la houille, vous ouvrez au
chemin de fer une nouvelle source de recettes, d'une importance incalculable.
Refuser le transport des charbons par le chemin de fer, c'est en quelque
sorte contrarier le but de cette route. Le chemin de fer, à l'époque où il a
été discuté, était combattu par le Hainaut précisément parce qu'il devait
transporter les houilles de Liège en concurrence avec celles du Hainaut, sur
les marchés de Louvain et d'Anvers ; eh bien, qu'a-t-on fait ? On a donné un
embranchement au Hainaut afin de maintenir les conditions telles qu'elles
existaient avant l'établissement du chemin de fer. Eh bien, que le Hainaut
vienne aux mêmes conditions que Liège, que les deux bassins se fassent
concurrence ; le consommateur ne pourra qu'y gagner.
Le Hainaut est d'ailleurs intéressé comme peut
l'être Liège, à fournir du lest à tous les navires qui sont obligés aujourd'hui
d'en chercher le long des rivières et d'acheter souvent à des prix assez élevés
du sable ou de mauvaises pierres.
Voilà, messieurs, quelques observations sur lesquelles j'appelle
l'attention de M. le ministre. J'aurais beaucoup de choses à dire sur le chemin
de fer, mais ce sont des discussions qui nous mèneraient trop loin. D'ailleurs,
nous aurons sans doute de fréquentes occasions d'y revenir.
M. David. - Messieurs,
l'honorable M. Rogier vient de se servir à peu près des arguments que je
voulais faire valoir devant vous. Je ne veux pas prolonger ce débat, et
j'ajouterai seulement quelques mots aux observations de l'honorable membre.
Il est de la dernière évidence pour moi que le refus que l'on fait
d'utiliser les waggons qui reviennent à vide, au transport des houilles vers
Anvers, est une question de rivalité entre le Hainaut et la province de Liège.
Je regrette beaucoup que cette rivalité existe ; mais, en définitive si
la nature nous a placés dans des conditions plus favorables, je ne vois pas
qu'il faille nous enlever cet avantage par des mesures administratives.
D'ailleurs qu'on prenne la carte générale des chemins de fer et l'on verra que
la distance à parcourir à partir des grands centres de production du Hainaut et
de Liège, que cette distance présente un avantage de 8 ou 10 lieues en faveur
du Hainaut. Combien de fois, dans cette enceinte, n'ai-je pas fait retentir des
plaintes à propos de l'injustice dont nous sommes victimes, quant au transport
des houilles ! J'espère qu'on en viendra enfin à faire droit à des plaintes si
fondées.
Il est vraiment déplorable de voir sortir du port
d'Anvers des navires qui sont obligés d'aller prendre du lest à Sunderland,
d'aller prendre de la houille à Newcastle, tandis qu'ils pourraient s'en approvisionner
chez nous si le gouvernement le voulait. Le pays y gagnerait de deux manières :
les navires resteraient plus longtemps à Anvers, ce qui augmenterait d'autant
la consommation d'objets de toute espèce à laquelle leur présence donne lieu,
et en second lieu nous verrions exporter nos houilles. Réellement je ne
comprends pas qu'on puisse tarder si longtemps à rendre aux choses leur cours
naturel.
M. Dumont. -
J'ai demandé la parole pour faire observer à la chambre qu'en ce moment on met
en question une chose qui a été décidée par la loi. L'honorable M. Rogier a
rappelé que les députés du Hainaut se sont opposés à la construction du chemin
de fer d'Anvers à Liège, dans la crainte que ce chemin de fer ne dépossédât
leur province du débouché d'Anvers et, dit-il, pour satisfaire le Hainaut on
lui a donné la ligne du Midi.
Je crois, messieurs, que l'honorable M. Rogier est dans l'erreur à cet
égard : pour satisfaire aux justes réclamations du Hainaut, la législature a
inséré dans la loi de 1834, une disposition d'après laquelle les tarifs du
Hainaut sur les canaux, doivent être abaissés en raison des tarifs établis sur
le chemin de fer. Eh bien, messieurs, je ne fais en ce moment-ci que réclamer
l'exécution de cette disposition de la loi. Je suis loin de m'opposer à
l'abaissement du tarif entre Liège et Anvers, à la condition, comme je l'ai dit
d'abord, que la loi de 1834 reçoive son exécution.
L'honorable M. David dit que les honorables députés de Liège se bornent
à réclamer un avantage que la nature a donné à cette province. Eh bien, je
dirai que le Hainaut fait la même réclamation ; il reste donc à savoir de quel
côté sont les avantages donnés par la nature. Le Hainaut nous dira que les
transports pondéreux se font plus naturellement par les canaux que par le
chemin de fer.
Je ne conteste pas cependant la possibilité d'abaisser les tarifs sur le
chemin de fer ; je crois que par un semblable abaissement on peut amener des
relations plus grandes et, par conséquent, ne pas nuire aux revenus, mais il en
serait de même pour les canaux. Je pense qu'une grande diminution du péage sur
les canaux ne diminuerait pas les produits parce que la circulation deviendrait
plus considérable.
L'honorable
M. David a dit aussi que les vaisseaux partent d'Anvers sans lest et qu'il
serait très avantageux qu'ils pussent former un lest en charbon. Eh bien,
messieurs, cet avantage, je le demande également dans l'intérêt de la
navigation et on l'obtiendrait par l’abaissement du péage sur les canaux aussi
bien que sur les chemins de fer.
J'insiste, messieurs, pour que la loi de 1834 reçoive son exécution et
pour qu'au moyen du chemin de fer qui a été donné à Liège on ne lui attribue
pas maintenant un débouché qui, de toute ancienneté, a appartenu au Hainaut.
M. Rogier. - Je n'ai
pas demandé un privilège pour Liège ; j'ai demandé l'égalité dans les prix de
transport sur tous les chemins de fer.
M. Delfosse. - Personne ne demande que l'on viole la loi de 1834 ;
la question soulevée par l'honorable M. Dumont n'est pas une question de droit
; c'est une question de fait. Est-on ou n'est-on pas dans les termes de la loi
de 1834 ? Voilà la question ; nous ne pouvons pas l'examiner. Nous devons,
comme je l’ai dit tantôt, attendre la discussion du projet de loi spécial qui
est soumis à la chambre. Je regrette que M. le ministre des travaux publics ait
donné des explications peu (page 1612)
satisfaisantes sur le fond de la question ; il y aurait bien des choses à lui
répondre, mais cela retarderait trop le vote du budget ; je me borne donc à une
seule observation.
Il est, messieurs, un fait certain, un fait qu'on ne peut nier, c'est
qu'une quantité considérable de waggons reviennent d'Allemagne à vide, c'est
que le gouvernement accroîtrait la recette du chemin de fer, en les utilisant
pour le transport des charbons. Si le même fait ne se produit pas sur la ligne
du Midi, ce n'est pas une raison pour n'en tenir aucun compte sur la ligne de l'Est.
Avant l'établissement du chemin de fer, il y avait également des retours à
vide, dont on profitait pour le transport des charbons de Liége à Anvers. Le
transport des charbons se faisait alors à très bon marché ; il serait
juste que cet avantage qui était dans l’ordre naturel des choses, qui était la
conséquence des relations commerciales établies entre Anvers et Cologne, ne fût
pas perdu pour nos exploitations.
Nous ne voulons pas de privilège ; nous voulons que le gouvernement ait
la même sollicitude pour toutes ses provinces.
- L'article est mis aux voix et adopté.
Article 10
« Art. 10. Main-d'œuvre, travaux, fournitures, indemnités pour pertes et
avaries : fr. 644,000. »
- Adopté.
Paragraphe V. – Frais de perception
Articles 11 et 12
« Art. 11. Personnel : fr. 227,000. »
- Adopté.
________________
« Art. 12. Loyer des locaux pour la réception des marchandises :
fr. 7,800. »
- Adopté.
Paragraphe VI. – Service de la régie
Article 13
« Art. 13. Personnel, fournitures de bureau, loyer de locaux, etc. :
fr. 37,650. »
- Adopté.
Section II. - Postes
Discussion générale sur la section II
M. Osy. -
Messieurs, je ne parlerai pas de la réforme postale, puisque M. le ministre des
travaux publics a présenté un projet de loi. Mais j'ai une explication à
demander à M. le ministre. Nous avons maintenant aven les Etats-Unis et les
colonies des Indes occidentales, une voie de communication tellement accélérée
que les voyages qui exigeaient anciennement 40 jours, se font maintenant en 9
jours ; vous sentez, messieurs, que pour de pareils voyages une perte d'un jour
peut faire beaucoup ; nous recevons nos lettres des Etats-Unis et des Indes
occidentales d'une manière extrêmement prompte, mais le gouvernement, je ne
sais pourquoi, apporte des retards à la distribution.
Il paraît qu'on ne sait pas taxer ces lettres à
Ostende et qu'on est obligé d'envoyer les lettres destinées à Anvers, par
exemple, de les envoyer à Bruxelles pour y être taxées. Il en résulte un retard
de presque un jour, et cela peut coïncider avec un départ pour les Etats-Unis
ou pour les Indes occidentales, et de cette manière nous pouvons perdre quinze
jours par la nécessité où nous nous trouverions d'attendre un nouveau départ.
Je demanderai à M. le ministre de bien vouloir donner les ordres
nécessaires pour que les lettres en destination d'Anvers puissent être taxées à
Ostende, et qu'elles ne doivent pas faire un détour par Bruxelles.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay).
- Je suis heureux d'avoir l'occasion de faire connaître à la chambre que les
lettres arrivant à Ostende ne sont pas envoyées à Bruxelles pour y être taxées.
Je sais qu'il y a eu un retard ; ce retard a tenu à ce que les lettres
sont arrivées après le départ du convoi. Le bureau d'Ostende eût peut-être bien
fait d'expédier une estafette.
M. Osy. -
Je demande qu'on remette les dépêches des Indes en même temps que celles de
Londres.
M. Lebeau. -
Messieurs, puisque nous sommes arrivés à l'article Postes, je crois devoir
appeler l'attention du gouvernement sur un point assez important, qui se
rattache à cet objet ; je prierai M. le ministre des affaires étrangères de
vouloir bien donner quelques explications à cet égard. Je n'aperçois pas M. le
ministre dans la salle ; il était présent tout à l'heure.
Un membre. - Il va rentrer.
M. Lebeau. -
La chambre sait qu'il n'y a pas bien longtemps, une ligne postale a été établie
entre les villes hanséatiques et les Etats-Unis d'Amérique. Avant
l'établissement de cette ligne postale, facilitée par des négociations entre
les Etats-Unis et cette partie de l'Allemagne, je pense qu'il avait été examiné
entre le gouvernement de l'Union américaine et le gouvernement belge, s'il n'y
aurait pas moyen d'amener l'établissement de cette ligne entre New-York et
Anvers.
Je crois savoir que des négociations ont été engagées pour aider à ce
résultat ; et si mes renseignements sont exacts, elles n'ont avorté que par la
négligence, pour ne rien dire de plus, que le gouvernement belge a apportée à
l'examen de cette affaire. Ceci, du reste, ne se rapporte pas à
l'administration de l'honorable M. Dechamps, mais à une administration
antérieure, qui avait le commerce dans ses attributions.
- M. le ministre des affaires étrangères entre dans la salle.
M. le ministre, je parlais d'une ligne postale établie entre les
Etats-Unis et Brème, à la suite de négociations qui, au dire des journaux
américains, ont été engagées entre le gouvernement belge et le gouvernement, de
l'Union, et qui n'ont pas abouti à un résultat, par l'effet de la négligence et
des tergiversations de notre gouvernement (toujours au dire des mêmes
journaux).
Le commerce américain et le gouvernement de l'Union ont seulement alors,
paraît-il, porté leurs vues vers les villes hanséatiques, et on y a ouvert, à
nos dépens, des pourparlers qui ont amené entre Brème et New-York
l'établissement d'une ligne postale dont on s'applaudit beaucoup en Allemagne ;
c'est vers l'Allemagne, en effet, que se dirige aujourd'hui principalement
l'immense correspondance des Etats-Unis avec le continent et vice-versa.
Je crois qu'il ne serait pas
impossible de réparer une partie du mal qui nous a été fait ; je crois qu'on
pourrait encore attirer vers la Belgique une grande partie des relations des
Etats-Unis d'Amérique avec l'Europe, l'Orient, etc. Je pense que cet intérêt
est parfaitement compris par M. le ministre des affaires étrangères actuel ; je
voudrais, tout en lui laissant garder la réserve convenable, qu'il me dît s'il
y a réellement quelque espoir qu'on arrivera à un résultat analogue à celui qui
a été obtenu par l'Allemagne.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, l'objet dont
l'honorable préopinant vient d'entretenir la chambre a attiré depuis longtemps
l'attention du gouvernement belge ; et bien loin d'avoir mis la moindre
négligence dans ce qu'il a appelé la négociation qui a eu lieu, je dois dire que
parmi tous les soins qui me sont confiés, il n'en est peut-être pas un seul
auquel j'ai voué plus d'efforts et de persistance.
M. Lebeau. -
Je n'ai pas parlé de vous.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - J'avais donc mal entendu.
Messieurs, il ne s'est pas agi d'une négociation entamée entre le
gouvernement des Etats-Unis et la Belgique ou les villes hanséatiques. Aux
Etats-Unis, on a porté une loi, accordant des subsides très élevés pour une
navigation à vapeur vers quelques ports du continent parmi lesquels le Havre,
Brème et Anvers étaient nominativement désignés.
Le gouvernement belge, par ses efforts, avait d'abord obtenu ce premier
résultat, de faire comprendre Anvers parmi les ports vers lesquels l'une des
lignes devait être dirigée.
Mais, messieurs, il n'a dépendu ni du gouvernement américain, ni du
gouvernement belge que la décision fût prise en notre faveur : il fallait que
des soumissions fussent présentées au gouvernement américain par des compagnies
américaines. Or, il s'est trouvé qu'aucune soumission n'a été présentée en
faveur de la ligne d'Anvers, quoique cependant le commerce de New-York eût
donné la préférence à notre port ; il ne s'en est présenté qu'une pour la ligne
entre New-York et Brème. II faut le dire, en l'honneur du commerce de la ville
de Brème, c'est à son énergie, c'est au concours pécuniaire qu'il a offert à la
compagnie, c'est à la présence de l'un de ses syndics à Washington, qu'est dû
le succès qu'il a obtenu.
Je dois ajouter, messieurs, que par suite des efforts de notre agent
diplomatique aux Etats-Unis, qui n'a rien épargné, ni démarches, ni écrits,
pour faire apprécier l'importance du port d'Anvers et sa situation si
supérieure à celle de Brème, le contrat avec la compagnie n'a été approuvé par
le sénat américain qu'à la majorité de 3 voix ; la forte minorité qui s'est
prononcée au sénat contre la ligne de Brème, a expliqué son opposition par ce
motif principal qu'Anvers était un point qui aurait dû obtenir la préférence.
Je dis donc qu'il n'a pas dépendu du gouvernement d'amener un autre
résultat, pas plus que du gouvernement américain qui, je pense, penchait plutôt
pour Anvers que pour les villes hanséatiques.
Je ne regarde pas ce résultat comme définitif. Le gouvernement belge n'a
pas cessé depuis lors de poursuivre les négociations, afin d'amener, soit une
nouvelle soumission pour la création d'une ligne spéciale vers Anvers, soit une
combinaison qui permit à la Belgique de profiter du service de New-York à
Brème.
J'ai l'espérance que cette négociation pourra être couronnée de succès.
Ce que je puis promettre à la chambre et à l'honorable membre, c'est que cette
question, qui m'a toujours vivement préoccupé, continuera à faire l'objet des
soins du gouvernement, et que je ne négligerai rien, pour qu'une solution
heureuse puisse intervenir.
Article 14
« Art. 14. Personnel : fr. 983,000. »
M. Veydt.
- Messieurs, lorsque les sections ont examiné le chapitre relatif aux postes,
nous n'avions pas encore reçu les développements qui nous ont été distribués à
l'appui de ce budget. Toutes les sections ont chargé la section centrale de
s'enquérir si les deux augmentations de dépense, l'une de 65,000 fr. portée à
l'article 14, et l'autre de 15,000 fr. portée à l'article 15, étaient
suffisamment justifiées.
La section centrale s'est occupée avec soin de cet examen. En premier
lieu, dans la somme de 65,000 fr., est comprise celle de 38,000 fr., pour
augmenter le nombre des facteurs ruraux, en le portant de 595 à 671, soit à 76
facteurs de plus qu'en 1846.
Nous avons pensé que c'était là une dépense utile ; les tournées
actuelles sont trop étendues ; elles sont au-dessus des forces ordinaires de l'homme.
C'est, je dirai, une question d'humanité de les restreindre, en les partageant
entre un plus grand nombre d'individus.
Le surplus de la somme est destiné à transformer 15 bureaux de
distribution en autant de bureaux de perception et à établir dans neuf
localités des bureaux de perception et de distribution. Il en résulte de
nécessité une augmentation de dépense pour le personnel et le matériel et pour
les frais d'impression et d'ameublement de ces nouveaux bureaux. II y a en
outre, pour compléter la somme de 80 mille francs, 5.400 fr. pour
l'augmentation du personnel des employés aux bureaux de perception de (page 1613) Liège et de
Gand. Cette dépense est motivée sur le surcroît de travail que le service des
postes occasionne dans ces deux villes importantes.
Il a paru à votre section centrale, messieurs,
que ces diverses demandes étaient bien justifiées : elle a d'autant moins
hésité à vous en proposer l'adoption, que l'expérience a appris que toutes les
fois que l'on a facilité les moyens de correspondance, l'on a augmenté les
produits de la poste.
IL y a tout lieu de penser que les nouvelles créations de bureaux et
l'organisation de nouveaux services pour le transport des dépêches, auront
encore le même résultat.
M. de Bonne. - Je n'ai point l'intention d'examiner le chapitre
des postes en entier, mes observations n'ont pour objet que la franchise de
port.
Lors de la discussion du budget du ministère de la justice, j'ai pris la
liberté, que je considérais comme un devoir, d'appeler l'attention de MM. les
ministres sur diverses obligations à remplir par l'épiscopat : telles que
transmissions et donations de biens aux paroisses et associations, exemptions
des séminaristes de la milice, etc. ; j'en avais excepté M. le ministre des
travaux publics ; j'ai commis une erreur et je viens la réparer.
A la page 99 de l'exposé des motifs de son budget, ii est dit, que
l'augmentation du produit de la recette sera au moins de 200 mille francs.
J'accepte ce bon augure avec plaisir, mais que ne serait pas
l'augmentation si de petits privilèges, des franchises illégales ne venaient
pas arrêter cet accroissement !
La franchise de port est accordée à l'épiscopat depuis longtemps,
paraît-il. Or, cet avantage n'a été accordé qu'aux supérieurs en relation avec
les autorités civiles, mais pas entre eux, c'est-à-dire avec le clergé.
Ces petits privilèges datent de loin. En voici la preuve : des
instructions épiscopales du 5 janvier 1836 ne donnent pas, mais rappellent un
monitum antérieur qui avait prescrit des règles, afin de recevoir les lettres
en franchise de port. On s'y plaignait que les règles prescrites n'étaient pas
observées par tous les curés, et pour les obliger on les menaçait de punition,
voici ce qu'elle porte ; « mais nous sommes décidés à faire rembourser
dorénavant au profit de notre chancellerie les points qui auront dû être payés
par la faute de ceux qui n'observent pas ces règles ».
Je n'ai pu obtenir, comme vous le pensez bien, la communication de
toutes les instructions, car elles sont secrètes, mais de quelques-unes
seulement.
Au nombre de ces instructions, bien nombreuses sans doute, s'en trouve
une du 23 mars 1842.
Elle est curieuse, parce qu'elle explique ce qu'il faut faire pour
obtenir la franchise de port ; c'est comme le Code de procédure de ce
privilège.
Voici ce que porte le paragraphe 4 de cette instruction : « Nous
recommandons de nouveau de considérer quatre choses ( il y en a même cinq).
Pour que les lettres nous arrivent en franchise de port : 1° il faut qu'elles soient
adressées au révérendissime et illustrissime évêque ou à MM. les vicaires
généraux et non aux secrétaires.
« 2° II faut que les lettres ne soient pas cachetées, mais seulement
pliées en quatre, et enveloppées de deux bandes qui permettent de voir que les
lettres ne sont point cachetées ;
« 5° Il faut qu'on inscrive sur l'adresse son nom et sa qualité, de
cette manière NN curé ou vicaire de N***. On ne doit rien ajouter à ces mots.
« 4° Il faut avoir soin de mettre la mention service du culte ou affaire
ecclésiastique.
« 5° Enfin il ne faut pas jeter les lettres dans la boite, mais les
remettre en mains des facteurs. »
L'avantage qui résultait de cette faveur un peu frauduleuse avait un
grand inconvénient Les lettres n'étaient pas cachetées ! On ne pouvait pas tout
dire ! Voici le remède qu'on inventa.
Une instruction du 8 juin 1830 accordait la franchise aux évêques et
vicaires généraux avec les gouverneurs de province, les autorités et les
fonctionnaires ecclésiastiques dans leurs diocèses respectifs, mais les lettres
devaient également être sous bandes et munies du contreseing.
Comme vous le pouvez comprendre, il n'était pas permis de correspondre
sous cette forme avec les curés.
Cependant la correspondance se faisait, mais sous bandes. Comment faire
pour correspondre sous enveloppe fermée ? On obtint un petit arrêté ministériel
le 6 novembre 1843 qui permet, qui accorde cette forme.
Je ne l'ai vu inséré nulle part, mais je l'ai trouvé dans un recueil
administratif. ;
L'arrêté est une instruction ministérielle qui permet aux évêques du
royaume de correspondre avec les curés de leurs diocèses respectifs sous
enveloppes fermées. Mais je dois faire remarquer qu'il ne concernent que les
dispenses de mariage et les solutions de cas de conscience : et à la charge par
les curés d’indiquer sur l'adresse de leurs lettres la nécessité où ils se
trouvent de les expédier sous cette forme.
Néanmoins presque toute la correspondance a lieu sous enveloppe fermée,
cela donne à croire qu'il y a beaucoup de grands pécheurs chez nous, puisqu'il
y a beaucoup de cas de conscience, que les pasteurs ne peuvent pas les remettre
et que nos seigneurs les évêques se les sont réserves.
Probablement que le mois prochain il y aura beaucoup de cas de
conscience de gros péchés et que la correspondance secrète sera très active.
On dira probablement que s'il y a fraude, c'est une fraude pieuse, faite
dans l'intérêt de la religion, et comme dit certain auteur que vous connaissez
tous, que c'est rectifier le mal de l'action par la pureté de l'intention.
Pans ce cas, pourquoi se cacher, pourquoi ces détours ? C'est
compromettre et la religion et ses ministres que de prendre ces voies
détournées ; aussi ces explications ne trompent plus que ceux qui veulent bien
y être trompés.
Je prie la chambre de vouloir bien remarquer que je ne viens pas faire
un acte d'accusation ; je me borne à citer un fait et à cette occasion demander
à M. le ministre une juste distribution, un peu plus égale, un peu plus
impartiale.
Je sollicite de sa bienveillance de vouloir accorder à tous les
établissements de bienfaisance la franchise dont jouissent nos seigneurs les
évêques. A diverses reprises cette demande a été faite et toujours elle a été
repoussée. Sa sollicitude ne pourrait-elle s'étendre, se répandre aussi bien
sur les établissements de charité que sur nos seigneurs les évêques ? Je puis
l'assurer que les besoins des pauvres sont plus grands que ceux de ces prélats
et que les moyens d'y pourvoir sont loin d'être aussi productifs.
Le gouvernement n'accorde rien aux
établissements de bienfaisance qui représentent la charité publique légale.
Depuis deux ans les charges ont été lourdes et les revenus ordinaires n'ont pu
suffire dans presque toutes les localités. L'intérêt général n'est-il pas de secourir
le malheur, l'infortune ; et l'Etat ne doit-il pas accorder aux pauvres le même
avantage qu'à l'épiscopat ? M. le ministre n'aura-t-il de sympathie que pour
les misères de l'autre vie et n'en aura-t-il aucune pour celles de notre monde
?
Je ne demande donc pas le redressement de ces privilèges, je sollicite
le partage de la faveur faite à l'épiscopat, et ses sentiments de charité me
font espérer qu'il ne repoussera pas ma prière.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay).
- Messieurs, l'honorable membre a cité, à propos du service des postes, un
certain nombre d'instructions et de documents qui m'étaient parfaitement
inconnus, sur lesquels mon attention n'avait jamais été appelée jusqu'à
présent. Ce que je puis dire, c'est qu'il existe des règlements sur les
franchises et contreseings ; jusqu'ici j'ai regardé comme un devoir de faire
exécuter ces règlements. Je ne me considère pas comme ayant le pouvoir
d'accorder ou de partager des faveurs. Le discours de l'honorable membre au
point de vue des postes, le seul dont j'ai à m'occuper, a pour objet une
extension de franchises au profit des établissements de bienfaisance.
J'examinerai la question ; pour le moment, il m'est impossible de me prononcer.
M. Rogier. - Je viens
engager M. le ministre à examiner de près la question de savoir s'il faut
accorder de nouvelles extensions aux expéditions en franchise. La proposition
de l'honorable M. de Bonne est dictée par une intention très louable ; je ne pourrais
que l'approuver dans son but ; mais depuis un certain nombre d'années les
franchises ont pris dans ce pays une extension exagérée ; parcourez les
tableaux de fonctionnaires, autorités, corps administratifs, commissions
jouissant de la franchise du port, vous en serez effrayés, et vous verrez
quelles ressources on aurait pu conserver au trésor, si l'on s'était montré
plus sobre dans la concession de cette franchise. Depuis 1830, on a accordé une
foule d'exemptions nouvelles ; il y a là un véritable abus, si M. le ministre
ne prend pas l'engagement de n'en plus accorder, je déposerai une proposition
pour interdire au gouvernement de concéder de nouvelles franchises à moins d'y
être autorisé par une loi.
M. de
Renesse. - Il faut demander la révision.
M. Rogier. - Soit ; la
révision pour le passé et des garanties pour l'avenir. Je demande à M. le
ministre s'il tient au moins la main à ce que cette franchise ne s'exerce
qu'aux conditions voulues par les lois et arrêtés ; je demande si telles
catégories de fonctionnaires au lieu de se borner à contresigner des dépêches
spécialement relatives à leur service, n'abusent pas du contreseing pour faire
parvenir des correspondances entièrement étrangères à leur service. Si cela
est, je demande que le gouvernement veille à l'exécution de la loi et des
règlements. L'arrêté du 27 prairial an VIII défend de comprendre sous les
contreseings aucune lettre, papier ou chose quelconque étrangère au service. Je
ne viens pas ici me livrer à des récriminations irritantes contre certains abus
que j'ai signalés dans une discussion plus grande que celle-ci. Je voudrais
trouver ici l'occasion de les faire cesser et de les faire blâmer par la
législature.
Que depuis 1830, l'on ait accordé, même avec une certaine libéralité, de
nouvelles franchises au haut clergé pour faciliter sa correspondance avec ses
subordonnés, je le veux bien ; je n'examinerai pas même si on n'a pas été trop
loin. Mais que, se servant de ce privilège, le haut clergé fasse parvenir à ses
subordonnés des correspondances entièrement étrangères au service religieux,
c'est ce que nous ne pouvons pas tolérer. Or, il est de notoriété publique que
le haut clergé a transmis à ses subordonnés des circulaires politiques, des
circulaires électorales ; j'ai cité entre autres celle qui les charge de
réviser les listes électorales, de poursuivre l'inscription de certains
individus et la radiation de certains autres. J'ai tenu en mains une de ces
circulaires. Je dis qu'il y a là un grand abus que toute la chambre devrait
condamner, qu'une grande partie du clergé condamne lui-même. Je voudrais que
les fonctionnaires des postes, quand ils reconnaissent dans la correspondance
du cierge de pareilles pièces ou papiers étrangers au service religieux, les
dénonçassent. Ils y sont tenus, d'après les instructions, et aux termes mêmes
de la loi.
(page
1614) Je demande que le gouvernement s'explique d'une manière précise à cet
égard ; sinon je déposerai une proposition.
M. le ministre des travaux publics, dans cette discussion, je le
reconnais, a eu déjà beaucoup à souffrir. Il voudra bien m'accorder que
jusqu'ici je n'ai pas cherché à ajouter aux embarras de sa situation. Au
contraire ; j'aurais voulu pouvoir quelquefois venir à son secours. Mais enfin
j'attends de sa franchise qu'il veuille bien me déclarer si au besoin il ne
donnera pas d'instructions nouvelles pour prévenir ces abus que j'ai signalés,
pour en empêcher le retour, si de pareilles correspondances venaient à circuler
à l'aide de la franchise accordée. J'attends de sa part une déclaration
précise.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). -
Messieurs, je crois avoir dit, il n'y a qu'un instant, que l'on s'occupe au
département des travaux publics d'un travail de révision des franchises et
contreseings. Ce travail, je le crois utile, je le crois nécessaire, mais je
dois dire qu'il est fait beaucoup plus dans le but de restreindre les
franchises, d'en supprimer même quelques-unes dont l'utilité et la nécessité ne
seraient pas démontrées, que dans le but d'en accorder de nouvelles. Telle est
la direction et l'impulsion donnée à ce travail.
Ce que je puis dire également, messieurs, c'est
que je tiendrai la main à réprimer tous les abus qui seraient faits des
franchises résultant de la loi. Ces franchises dans ma manière de voir, comme
dans celle de l'honorable préopinant et dans celle, je pense, de tous les
membres de la chambre, ne doivent avoir d'application que dans le but unique de
leur destination, c'est-à-dire en vue d'une utilité publique. Hors de là, ces
franchises seraient sans objet.
Je prends donc bien volontiers l'engagement de tenir la main à ce que
les franchises ne s'étendent pas au-delà de leur destination, au-delà de leur
véritable objet, je dirai même de leur objet légal.
M. Lys. -
Messieurs, on nous demande des fonds pour ériger en bureau de perception
certains bureaux de distribution. Cette mesure a en principe mon approbation.
J'approuverai en général tout ce qui peut faciliter les communications, mais
après avoir pris connaissance du tableau qui nous a été communiqué par M. le
ministre des travaux publics, je dois lui faire remarquer qu'il est une
localité qui mériterait beaucoup mieux que la plupart de celles qu'il nous a
indiquées, d'être érigée en bureau de perception. Je veux parler du bureau de
distribution de Pepinster placé dans un endroit populeux et industriel, au
centre d'autres localités semblables. Il est chargé de la distribution des
lettres dans ses environs, et encore des expéditions vers Spa et Stavelot, vers
la Prusse pour Monjoye et Malmédy.
Ce bureau a au moins dix dépêches par jour.
Il y a donc,
selon moi, une immense différence entre la valeur de ce bureau et la plupart de
ceux que M. le ministre a indiqués. Je crois utile de lui faire remarquer cet
oubli, et je crois qu'il pourrait le réparer ; car la somme qu'il nous demande
porte sur toute l'année, et voilà déjà plus de quatre mois écoulés. J'espère
donc qu'il voudra bien ériger le bureau de Pepinster en bureau de perception ;
je viens de démontrer que c'est un acte de justice, que le projet lui en
fournit les moyens, et je n'hésite pas à affirmer que Pepinster est le plus
important de tous les bureaux de distribution.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). - J'aurai
soin de tenir note des observations de l'honorable M. Lys, et s'il est possible
d'ériger dès cette année le bureau de Pepinster en bureau de perception,
j'aurai soin de le faire. Je pense, comme l'honorable membre, que cette mesure
aurait une véritable utilité.
M. Rodenbach. - L'honorable député d'Anvers a signalé des abus. Il
a dit notamment que des circulaires avaient été envoyées gratuitement par la
poste sous le couvert d'un membre du clergé. Si réellement cet abus existe,
nous le condamnons tous ici. Nous désapprouvons les abus de quelque côté qu'ils
viennent. Nous croyons qu'il ne convient pas qu'on fasse des bureaux de poste
des bureaux électoraux. Mais quand on signale des abus, il faut des preuves. On
ne peut pas avancer d'une manière gratuite que les circulaires dont a parlé,
ont été envoyées gratuitement par la poste. Si le fait existait, je le
blâmerais de toutes mes forces. Je ne veux pas que le clergé plus que tout
autre abuse de la franchise qui lui est accordée. De mon côté, j'ai ouï dire
que dans l'administration même il y a des hommes en place qui font indûment
usage de la poste. Si cela est vrai, c'est un abus que je signale à mon tour à
M. le ministre et qu'il doit extirper.
Mais je le répète, on ne peut avancer des faits de la nature de ceux
dont a parlé l'honorable préopinant, d'une manière légère, sans des preuves
positives ; et quant à moi je ne regarde pas comme vrai ce qu'on a avancé.
L'honorable député de Bruxelles, M. de Bonne,
vous a dit que les bureaux de bienfaisance devaient payer le port des lettres.
L'honorable membre n'est certainement pas au courant de ce qui se passe. Car
les bureaux de bienfaisance correspondent par l'intermédiaire des régences et
jouissent ainsi de la franchise du port.
Si l'honorable membre faisait partie d'un bureau de bienfaisance, il
reconnaîtrait la vérité de mon assertion.
M. de Bonne. - L'honorable préopinant dit que si je connaissais la
manière de faire des administrations de bienfaisance, je n'aurais pas fait la
réclamation que je viens d'adresser à M. le ministre des travaux publics.
J'ai l'honneur de faire partie d'une administration de bienfaisance
depuis dix ans. Je sais fort bien ce qui s'y passe et comment se fait sa
correspondance. Si quelques administrations prennent l'intermédiaire des
municipalités, c'est par fraude ; elles ne peuvent pas le faire. Aucune loi,
aucun arrêté, aucune instruction ministérielle n'autorise les administrations
de bienfaisance à correspondre en franchise de port, même sous bande ; et elles
n'ont, du reste, rien à cacher.
Messieurs, la réclamation que j'ai adressée à M.
le ministre des travaux publics est juste, car il s'agit ici d'un service
public. En effet, les administrations de bienfaisance ont souvent à
correspondre avec les administrations communales pour le payement des frais qui
ont été faits, soit pour les enfants trouvés, soit pour les pauvres, soit pour
les malades. Les réclamations peuvent s'étendre à toutes les villes et communes
du royaume et même à l'étranger ; car on s'adresse quelquefois à M. le ministre
des affaires étrangères pour des secours donnés à des étrangers. Eh bien,
toutes ces correspondances, auxquelles les administrations de bienfaisance sont
obligées, ne peuvent se faire en franchise de port, je le répète, si quelques
administrations recourent au moyen indiqué par l'honorable M. Rodenbach, c'est
par fraude.
M. Rogier. - Messieurs,
l'honorable député de Roulers vient de relever avec beaucoup de légèreté une
assertion très sérieuse que j'ai produite dans cette enceinte, non pas pour la
première fois, mais pour la seconde ou la troisième fois, et jusqu'ici personne
n'avait pris sur lui de démentir cette assertion, personne notamment sur le
banc des ministres ne l'avait démentie. En effet, le fait que j'ai signalé est
de notoriété publique.
M. Dumortier. - Du tout.
M. Rogier. - M.
Dumortier le peut savoir mieux que personne.
M. Dumortier. - Je demande la parole. Expliquez-vous ; soyez franc.
M. Rogier. - Sous ce
rapport je ne recevrai pas de conseil de vous.
Le fait, je le reconnais, paraît incroyable. Et en effet, je crois que
dans tout autre pays ce fait passerait pour incroyable, mais il a le malheur
d'être vrai. On dit que c'est une assertion en l'air. Mais j'ai ajouté,
messieurs, que j'ai eu en main la circulaire imprimée, je l'ai vue, de mes
propres yeux vue.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Et la bande aussi ?
M. Rogier. - Ces
circulaires ont pris sans doute la voie ordinaire.
L'honorable M. Dumortier me dit de citer. Eh bien ! la circulaire que
j'ai vue venait précisément de l'évêché de Tournay. C'était une circulaire
adressée à tous les curés de l'évêché. Je ne sais pas si l'honorable M.
Dumortier trouvera l'assertion inexacte ; mais, d'avance, je réponds que j'ai
la circulaire entre les mains.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Mais cela ne prouve pas, M.
Rogier, qu'elle ait été envoyée en franchise.
M. Rogier. - Vous dites
que rien ne prouve qu'elle ail été expédiée en franchise. L'honorable M. de
Bonne vous a rappelé une circulaire ministérielle par laquelle, pour certaines
affaires réservées, on peut substituer à la bande l'enveloppe.
Je ne veux pas rechercher à quels
moyens ont pu recourir ceux qui jouissent de la franchise pour la transmission
de circulaires électorales. Mais ce que j'ai demandé à M. le ministre des
travaux publics, c'est qu'il tînt la main à ce qu'on ne fît plus abus de la
franchise du port, sous bandes croisées ou enveloppes, pour transmettre à des
subordonnés des écrits dont l'objet est étranger au service pour lequel la
franchise est accordée. Voilà ce que j'ai réclamé à M. le ministre des travaux
publics, et M. le ministre a bien voulu prendre l'engagement de redoubler de
surveillance afin qu'il ne soit pas fait abus de la franchise pour transmettre
des objets entièrement étrangers au service.
Maintenant, permis à d'autres de croire que ces circulaires électorales
ont dû payer le port lorsqu'elles ont été transmises. J'ai, à cet égard, des
convictions contraires.
M. Dumortier. - Messieurs, l'honorable préopinant se prévaut de ce
que, dit-il, à diverses reprises il aurait signalé dans cette enceinte le fait
dont il vient de vous entretenir, et de ce qu'aucune réponse ne lui aurait été
faite. Mais, messieurs, cela est excessivement simple. Quand on fait des
accusations dans le vague, comme on a souvent l'habitude d'en faire du côté où
siège l'honorable membre, il est impossible de répondre ? Que voulez-vous qu'on
dise à des accusations qui reposent uniquement sur de vagues allégations ? Mais
quand un fait est précisé, alors une réponse peut se faire, et vous voyez qu'elle
ne se fait pas attendre, puisque je me lève à l'instant même pour répondre à
l'honorable préopinant.
L'honorable membre vous a dit que je savais mieux que lui de quoi il
s'agissait. Il a ajouté que la circulaire dont il nous avait entretenus aurait
été envoyée sous le couvert de l'évêché de Tournay en franchise de droit ; que
c'est de cela qu'il se plaint. Il a dit encore qu'il s'agissait de circulaires
imprimées relatives aux élections.
Je répondrai d'abord à l'honorable membre qu'en supposant exact l'envoi
de circulaires, imprimées par l'évêché de Tournay, comme il le dit, il n'a
aucune preuve que cet envoi se serait fait en franchise sous le couvert de
l'évêché. Et l'on a tellement peu de preuves de cette allégation que
l'honorable membre vient de vous dire en terminant qu'il ne veut pas examiner
si les évêques ont usé de la franchise. Vous ne voulez pas examiner la question
qui fait votre grief ! Mais alors de quoi vous plaignez-vous ? Vous ne vous
êtes plaints que de cela. Votre accusation n'a donc pas le moindre fondement.
Et d'ailleurs est-ce que les évêques n'auraient pas le droit d'user
d'une prérogative qui est accordée à tout citoyen ? Je ne pense pas que
l'honorable (page 1615) M. Rogier
puisse empêcher aucun citoyen d'exercer l'influence légitime qui lui
appartient. Là donc n'est pas la question. La question tout entière porte sur
la franchise du port, dont on aurait usé abusivement, et on est forcé de
reconnaître qu'on n'a pas de preuves à l'appui de l'attaque si singulière à
laquelle on s'est livré contre des absents qui ne sont pas ici pour se
défendre.
M. de Bonne. - La preuve est impossible.
M. Dumortier. - Si la preuve est impossible, vous n'avez pas le
droit de porter à la tribune une accusation sans preuve. Car une accusation
sans preuve est une calomnie.
Messieurs, de quoi s'agit-il ? A quelle circulaire l'honorable membre
fait-il allusion ? Je ne sais pas, ou pour mieux dire, j'e ne saurais pas de
quoi il s'agit, si par hasard ma mémoire ne me faisait souvenir que l'honorable
M. Rogier a parlé anciennement d'une instruction sur la révision des listes
électorales, et je vois l'honorable membre me faire un signe affirmatif. Eh
bien, je puis donner à l'honorable membre l'assurance que jamais cette
circulaire n'a été faite par l'évêché de Tournay, et que c'est moi qui l'ai
faite avec mes amis. Et certes, j'étais dans mon droit quand j'agissais de la
sorte, puisque chaque jour vous en faites de même de votre côté.
Voilà, messieurs, ce que devient cette accusation. C'est une accusation
sans preuve, et par conséquent une accusation que je ne qualifierai pas,
l'expression serait trop dure, mais que je laisserai à chacun le droit de
qualifier.
Certainement, quand je vois mes honorables adversaires mettre tant de
feu, tant de chaleur à faire, dans les élections, ce qu'ils considèrent comme
leur part, nous serions bien mal avisés de ne pas en faire autant ; tous moyens
vous sont bons pour nous combattre ; de quel droit voulez-vous nous refuser la
faculté de nous servir des moyens légaux que la loi nous accorde. Si nous
voulions citer toutes les circulaires qui sont parties de votre côté et que
nous avons entre les mains, nous pourrions en signaler beaucoup et de très
sérieuses. Une de nôtres est tombée, entre vos mains. Eh bien ! c'est de bonne
guerre. Vous pouvez avoir plusieurs de nos circulaires, comme nous pouvons en
avoir plusieurs des vôtres. Je pourrais vous remettre sous les yeux tout ce qui
a été écrit relativement à la dîme et à la mainmorte, c'est-à-dire sur des
faits qui n'avaient jamais existé et qui n'existeront jamais. Sommes-nous venus nous plaindre que ces circulaires avaient été
envoyées sous le couvert de telle personne ? Mais quand dans les luttes
électorales chaque parti use des moyens légaux pour engager les hommes dans
lesquels il peut avoir confiance à soigner la révision des listes électorales,
eh bien, quand chacun agit loyalement, on ne peut faire un crime à personne
d'user de son influence. S'il y a dans nos actes quelque chose de déloyal,
attaquez-le, signalez-le ; c'est votre droit, c'est votre devoir. Mais lorsque
nous veillons à ce qu'on écarte des listes électorales ceux que la loi en
exclut, et contre lesquels vous vous êtes élevés vous-mêmes avec tant de force,
je dis que, loin de nous en faire un crime, on devrait nous en féliciter.
Ainsi, en toute circonstance j'engage mes honorables collègues à
préciser les faits qu'ils veulent nous reprocher et alors on verra que nous ne
suivons d'autre ligne de conduite que celle de la droiture et de la loyauté.
M. Rogier. - Messieurs,
j'apprends ici d'étranges choses. J'ai, eu sous les yeux une circulaire
adressée aux curés.
M. Dumortier. - Du tout.
M. Rogier. - J'ai eu la
circulaire sous les yeux.
M. Dumortier. - Montrez-la.
M. Rogier. - J'ai eu
sous les yeux une circulaire imprimée, adressée aux membres du clergé du diocèse
de Tournay, circulaire dans laquelle on leur recommande, au nom de l'évêque, de
se charger de la révision des listes électorales. (Interruption.) Cette circulaire a été publiée dans les journaux,
elle n'a pas été désavouée et je suis vraiment étonné du démenti tardif que
vient de faire entendre l'honorable M. Dumortier. L'honorable M. Dumortier se
déclare maintenant l'auteur, de cette circulaire...
M. Dumortier. - Pas de celle-là.
M. Rogier. - Je ne
défends pas à l'honorable M. Dumortier de faire autant de circulaires qu'il le
voudra ; il est parfaitement dans son droit, mais probablement il y a
circulaire et circulaire, et je ne puis pas croire que l'honorable M. Dumortier
ait ici rempli les fonctions de l'évêque quels que puissent être ses rapports
intimes avec l'évêché.
Voilà, messieurs, le fait que j'avais signalé. Je regrette d'avoir dû
prendre une troisième fois la parole sur ce fait, que tout le monde condamne,
que l'honorable député de Roulers condamne, en tant qu'il existe....
M. Rodenbach. - Oui, de toutes mes forces. Je condamne tous les
abus, quand ils sont réels.
M. Rogier. - Je ne
demande pas davantage. Je demande que tous ceux qui pensent comme l'honorable
M. Rodenbach blâment cet acte que j'ai qualifié sévèrement.
M. Rodenbach. - Je suis de votre avis, si le fait est exact.
M. Rogier. -
Maintenant, messieurs, que la circulaire ait été envoyée sous bande croisée ou
sous enveloppe, là, messieurs, je dois le dire, là n'est point pour moi le côté
le plus sérieux de la question, et, je le dis sans détour, j'ai voulu profiter
de la discussion relative au transport des dépêches pour appeler de nouveau
l'attention de la chambre sur un fait très regrettable. Je laisse de côté,
messieurs, le point de savoir si la circulaire a été envoyée en franchise sous
bande ou sous enveloppe. (Interruption.)
Le côté le plus important de la question, celui que j'ai voulu plus
particulièrement blâmer, c'est l'abus de l'autorité religieuse, s'immisçant
dans la politique, soit par elle-même, soit par personne interposée, si tant
est que l'honorable M. Dumortier ait été interposé. (Interruption.)
Maintenant, M. le ministre des
travaux publics s'est engagé à faire exercer une surveillance sévère pour
empêcher qu'il soit fait abus du contreseing, sous enveloppe ou sous bande
croisée. C'est tout ce qu'il me faut pour le moment. Si MM. les évêques veulent
envoyer des circulaires électorales, ils payeront le port à la poste ; mais il
restera toujours l'abus en lui-même, non pas tant en ce qui concerne la
franchise de port, mais l'abus que ferait l'autorité religieuse de sa mission,
en transformant les ecclésiastiques en agents électoraux, en agents chargés de
réviser les listes électorales.
M. Dumortier. - Lorsque l'honorable préopinant a pris la parole
tout à l'heure, il s'agissait de la circulaire relative à la révision des
listes électorales dont un journal a donné le texte. Il paraît maintenant qu'il
y a eu plusieurs circulaires ; quant à moi, j'ignore s'il y a eu une circulaire
adressée aux curés et de la nature de celle dont on a parlé. Si une pareille
circulaire a été envoyée, je n'en ai eu aucune connaissance ; et malgré
l'assertion de l'honorable M. Rogier je doute fort que le fait soit exact et
j'ai de très graves motifs pour en douter, non pas que je sois, comme l'a dit
l'honorable membre, le bras droit de l'évêque de Tournay, non pas que j'agisse
comme personne interposée, mais parce que je sais que dans ce monde-là on ne se
soucie pas du tout de se mêler d'affaires électorales.
M. Le Hon.
- Je sais le contraire.
M. Dumortier. - Je crois que par cela seul que je siège de ce côté
de la chambre, je suis à même de beaucoup mieux savoir ces choses que
l'honorable comte Le Hon. (Interruption.)
L'honorable comte Le Hon a sans doute beaucoup plus de rapports que moi
avec l'évêque de Tournay. Je ne le conteste pas, mais, je persiste cependant à
croire que l'assertion n'est pas exacte.
Je dis donc, messieurs, que rien ne prouvé jusqu'ici qu'une circulaire
ait été faite dans le sens que lui a donné l'honorable M. Rogier, je suis
convaincu que c'est là une nouvelle erreur. Mais, encore une fois, je suppose
que la chose se soit passée ainsi ; je suppose qu'un évêque, quel qu'il soit,
ait cru devoir envoyer une pareille circulaire aux curés de son diocèse ; mais
de quel droit venez-vous censurer cet acte d'un évêque. qui est citoyen comme
vous ? Comment ! vous voulez le gouvernement constitutionnel et vous avez peur
des influences ! Mais le gouvernement constitutionnel est le gouvernement des
influences. Usez de la vôtre, usez-en largement ; mais ne trouvez pas mauvais
que chacun de son côté puisse aussi user de la sienne suivant qu'il le croit
utile aux intérêts auxquels il est préposé.
Mais, après tout, sur quoi reposait le reproche de l'honorable M. Rogier
? C'était sur l'abus de la franchise : c'était sur un abus que, s'il existait,
nous blâmerions tous, comme l'honorable membre ; c'était sur l'abus d'envoyer
des instructions sur la révision des listes électorales sous le contreseing.
Eh bien, je soutiens que rien de semblable n'a jamais existé, et que
toutes ces accusations sont contraires à la vérité. Comment ! une circulaire
imprimée aurait été envoyée sous contreseing ? Mais est-ce que personne ignore,
par hasard, que pour un centime vous pouvez envoyer une circulaire imprimée
d'un bout delà Belgique à l'autre ? Mais il faudrait que ceux qu'on a accusés
eussent véritablement perdu tout sens commun pour envoyer sous contreseing une
circulaire imprimée, alors, qu'on peut en affranchir cent pour un franc !
Evidemment, ce serait une chose
éminemment déraisonnable et ridicule ; ce serait une puérilité. Mais il fallait
un motif d'accusation, surtout à la veille des élections, et c'est pour ce
motif qu'on a cherché à établir contre le clergé cette accusation vague, sans
preuve ; je persiste à la considérer comme une de ces accusations qu'on ne
devrait pas porter à cette tribune. Nous n'avons pas à nous occuper de la
question des influences ; ce n'est pas de notre domaine ; ces influences sont
du domaine de chacun. Si des abus semblables à ceux que l'honorable M. Rogier à
supposés, étaient prouvés, je serais le premier à les attaquer ; mais quand on
vient lancer ici des accusations vagues, non précisées, et auxquelles il n'est
dès lors pas possible de répondre, je dis que c'est pour moi un droit et un
devoir de rétorquer ces accusations, et de prouver toute leur inexactitude et
leur déloyauté.
M. Rodenbach. - Messieurs, je dois répéter que je
condamne autant que l'honorable M. Rogier, toute fraude, de quelque part
qu'elle arrive. Mais je dois ajouter que jusqu'à présent l'honorable député
d'Anvers n'a pas prouvé les abus qu'il prétend avoir été commis. Aussi
longtemps qu'il ne nous fournira pas cette preuve, nous ne devons pas ajouter
foi à ses accusations. Je dis encore que si le clergé commet des abus et des
fraudes, il est du devoir des députés, tant de la droite que de la gauche, de
les désapprouver hautement, et je suis résolu à le faire, aussi longtemps que
j'aurai l'honneur de siéger sur ces bancs.
M. Le Hon.
- Messieurs, la chambre comprendra sans doute le mouvement un peu vif qui m’a
fait demander la parole, sous l'impression que j'ai reçue de cette assertion de
l'honorable M. Dumortier, que la circulaire dénoncée par un des préopinants ne
pouvait émaner de (page 1616)
l'évêché de Tournay, par le motif que le haut clergé, dans ce diocèse,
resterait étranger aux affaires électorales.
Sans vouloir détourner le cours de cette discussion au-delà des limites
de l'incident qu'on a soulevé, je me vois forcé de répondre à l'honorable
membre que son langage est en opposition avec la notoriété publique, avec des
preuves évidentes, et, ai-je besoin de le dire ? avec les certitudes de ma
propre expérience. Oui, l'épiscopat n’intervient que trop officiellement, à
Tournay, dans les luttes politiques de l'élection, et l'envoi de circulaires et
d'instructions électorales aux curés de l'arrondissement est assez dans la
nature des moyens que, surtout depuis quatre ans, il paraît avoir activement
employés.
L’'honorable membre a ajouté que, d'ailleurs, si l'autorité épiscopale
avait adressé à ses subordonnés, dans la hiérarchie ecclésiastique, des
circulaires relatives aux élections, elle n'aurait fait qu'user du droit qui
appartient à tous les citoyens, et qu'exercent au grand jour les associations
libérales. C'est avec ces réflexions erronées et des encouragements de cette
nature qu'on arrive à fausser les idées du clergé sur sa position dans l'Etat,
et qu'on entretient en lui des illusions funestes à son caractère et à son
influence. Quoi ! vous venez dire hautement à cette tribune qu'il est régulier,
légitime, constitutionnel qu'un évêque, au nom de sa suprématie épiscopale,
prescrive officiellement à ses subordonnés des actes politiques ; vous appelez
cela l'exercice tout naturel des droits inhérent à la liberté !
Vous oubliez donc que cette liberté a pour condition fondamentale la
séparation du domaine civil et du domaine religieux ; que l'indépendance
spirituelle du clergé lui est acquise à ce prix ; et que plus il méconnaîtra
les lois et les limites de la situation que la Constitution lui a faite, plus
il s'expose à compromettre son autorité morale et les intérêts même de la
religion. Il est des erreurs et des abus qui ne peuvent se prolonger sans
entraîner des conséquences de plus en plus graves ; et quand je prends à tâche
de les relever ici, en rétablissant la vérité de nos principes
constitutionnels, et je crois défendre le clergé lui-même contre le danger de
ces entraînements, et maintenir sur ses bases légales la première garantie de
l'ordre public, et des droits de tous.
Messieurs, ces réflexions, j'en conviens, m'ont éloigné quelque peu de
la réclamation de l'honorable M. de Bonne au sujet de la franchise des ports de
lettres. Je m'arrête, il me suffit d'avoir pu contester devant la chambre, à
l'aide de faits dont j'avais une connaissance personnelle, des assertions qui
ne pouvaient rester sans réponse.
- L'article 14 est mis aux voix et adopté.
Articles 15 à 17
« Art. 15. Matériel : fr.
480,000. »
- Adopté.
_________________
« Art. 16. Frais de placement de nouvelles boîtes aux lettres dans les
communes rurales : fr. 5,000. »
- Adopté.
________________
« Art. 17. Frais de construction de voitures destinées au service
des postes sur le chemin de fer : fr. 20,000. »
- Adopté.
Article 18
M. le président. - C'est ici que viendrait un article nouveau qui a
été proposé par MM. de Renesse, de Man, d'Hoffschmidt, de Baillet, Verhaegen et
de Garcia. Cet article est ainsi conçu :
« Art. 18 (nouveau). Subside pour la poste aux chevaux : fr.
75,000. »
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay).
- Messieurs, cet article soulève une question assez grave ; j'ai lieu de croire
qu'après y avoir réfléchi, les honorables auteurs de la proposition
reconnaîtront avec moi qu'il est absolument impossible de résoudre incidemment une
question de cette portée à l'occasion du budget des travaux publics. Il serait
préférable de renvoyer cette proposition aux sections. Cette proposition a une
certaine gravité pour le trésor public ; elle est grave également pour la poste
aux chevaux dont les intérêts touchent surtout les auteurs de la proposition.
Eh bien, je crois que par la considération de ces divers intérêts, il serait
tout à fait convenable de ne pas insister sur la discussion immédiate et
incidente de la proposition.
M. le président. - M. le ministre des travaux publics demande le
-renvoi de la proposition aux sections.
M. de Garcia. - Messieurs,
je regrette beaucoup que l'honorable M. d'Hoffschmidt qui, comme ancien
ministre, avait mûrement étudié la question soulevée par l'amendement en
discussion, et qui s'était chargé d'en présenter les développements, je
regrette, dis-je, que l'honorable M. d'Hoffschmidt soit éloigné de la chambre
par une indisposition. Dans cet état de choses, je me vois à l’improviste
obligé de présenter quelques considérations sur cette proposition, à laquelle
j'ai donné mon adhésion par ma signature.
M. le président. - M. de Garcia, on propose le renvoi aux sections ;
cette proposition semble devoir primer la proposition principale ; si le renvoi
n'est pas admis, alors chacun sera admis à parler sur la proposition
principale.
M. de Garcia. - Je veux
combattre le renvoi aux sections, et naturellement je ne puis combattre ce
renvoi, si je n'aborde le fond, et si je ne démontre que par le rejet de votre
proposition, l'administration des postes se trouvera dans une position telle
que, sans faire des pertes et des sacrifices considérables, il ne lui sera plus
permis de vivre.
Messieurs, il est un fait constant, et que nul ne peut méconnaître,
c'est que l'établissement du chemin de fer a renversé l'administration des postes.
Il doit être évident pour tout le monde qu'aujourd'hui, et par suite de
la révolution des choses, amenée par la création des chemins de fer,
l'administration des postes ne peut exister à l'aide des seules ressources qui
lui sont abandonnées. Des obligations et des devoirs de service public, lui
sont pourtant imposés. Pour le prouver il me suffit de citer l'arrêté royal du
mois de janvier dernier, qui organise la force du relais et qui tout en la
réduisant, détermine d'une manière absolue, un nombre de chevaux et de
postillons à tenir par les maîtres de postes. Ce nombre, si ma mémoire est
fidèle, est de 850 chevaux pour tout le royaume et de quatre cent cinquante
postillons.
Evidemment une obligation semblable soumet l'administration des postes à
des frais considérables, et toute la question que nous avons à examiner, est de
voir si les ressources laissées à cette branche de service public sont
suffisantes et peuvent la rémunérer convenablement. Poser nettement la question
c'est la résoudre, selon moi, en faveur de notre proposition.
Des obligations fort onéreuses, et qui entraînent des frais
considérables, sont imposées à cette administration. Or, je le demande, où sont
les bénéfices qui peuvent compenser ces frais, et payer ces services publics ?
Personne je crois, ne cherchera à le montrer.
Pourtant, si on ne veut pas accorder à cette administration l'indemnité
que nous proposons, il vaudrait mieux en reconnaître l'inutilité et la
supprimer. Il vaudrait mieux leur dire avec franchise : Quittez vos relais,
fermez vos écuries, ne faites plus de frais, cessez de marcher à votre ruine.
Regardant, l'administration des postes connue utile, quant à moi, je ne
pourrai jamais tenir ce langage. C'est par ce motif que je combats le renvoi de
notre proposition aux sections. Un renvoi semblable est un rejet. En effet,
depuis trois à quatre ans, on fait chaque année des propositions dans le sens
de la nôtre, on les renvoie aux sections et que voit-on paraître ? Rien. Nous
devons sortir de cette voie stérile, et en attendant la présentation d'un
projet de loi sur la matière, il faut rendre la position des maîtres de postes
tolérable.
En résumé, il faut le reconnaître, le renvoi de
notre proposition aux sections n'est qu'une pure fin de non-recevoir. Or, je le
répète, cela ne peut me convenir parce que de deux choses l'une : ou cette
administration des postes est utile ou elle ne l'est pas ; dans la première
hypothèse on doit la rémunérer convenablement, dans la seconde on doit la
supprimer. Quant à moi je la considère comme devant avoir une grande utilité,
et par ce motif, j'ai apposé ma signature à la proposition qui vous est
soumise, Je n'ai pas supposé qu'une proposition semblable fût déplacée dans un
budget, parce qu'elle a pour objet d'allouer un subside pour un service public
qui impose des sacrifices considérables à une catégorie de fonctionnaires.
Je regrette que l'honorable M. d'Hoffschmidt ne soit pas ici pour se
joindre à moi et développer les considérations qui vous ont déterminés les uns
et les autres à saisir la chambre de cette proposition.
M. Lys. -
Messieurs, il faut pourtant se décider à prendre une résolution relativement à
la poste aux chevaux. Chaque année on promet de s'en occuper et on ne fait
rien. Ce que propose encore aujourd'hui M. le ministre n'est autre chose qu'un
ajournement indéfini et il ne veut rien faire, car il ne promet pas même de
présenter un projet de loi.
On a l'air de vouloir les maintenir, on leur prescrit la tenue d'un
certain nombre de chevaux et de postillons, mais en définitif on ne les met pas
en position d'exister, car on leur fait faire des dépenses et ils ne sont pas
en position de gagner de quoi les couvrir. Songez au danger qui pourrait
résulter de leur suppression. Si malheureusement il arrivait un accident au
chemin de fer soit par suite du temps, soit par suite de malveillance, vous
seriez dans le plus grand embarras, vous n'auriez rien pour parer au défaut de
moyens de transport.
Une catastrophe peut arriver, vous avez eu des localités qui en ont été
menacées ; dans un cas semblable on serait heureux d'avoir à sa disposition la
poste aux chevaux. Cependant jusqu'à présent on n'a rien fait pour tirer les
maîtres de poste de l'état précaire où les a mis la construction des chemins de
fer, ou n'a pas songé à leur donner une indemnité quand le chemin de fer est
venu traverser leur relais. Le gouvernement a tout abandonné au hasard ; il y a
dans sa conduite négligence pour les intérêts particuliers des maîtres de
poste, il y a incurie pour les affaires de l'Etat, car si un accident arrivait
au chemin de fer, les affaires de l'Etat seraient compromises. On a même
négligé les circonstances qui auraient permis de faire quelque avantage aux
maîtres de poste placés sur les lignes du chemin de fer ; ainsi pour le
camionnage, il est établi depuis plusieurs années ;on a pu calculer ce qu'il
rapporte, on pouvait faire une moyenne et le céder aux
maîtres de poste sur le pied de la moyenne des adjudications qui ont eu lieu
pendant plusieurs années. On aurait pu aussi accorder aux maîtres de poste un
avantage qui leur aurait permis d'occuper trois ou quatre chevaux et deux
postillons. Le trésor n'y aurait rien perdu puisqu'il aurait perçu les mêmes
produits qu'auparavant. C'est là un moyen de soutenir les maîtres de poste que
le gouvernement aurait dû saisir. Je le recommande à l'attention de M. le
ministre des travaux publics qui doit sentir la facilité de sou application. En
attendant j'appuie la proposition de M. de Garcia.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, j'ajouterai peu de mots
à l'appui du renvoi en sections. Il y a deux années à peine, la chambre a
discuté un projet de loi sur la poste aux chevaux. Après de longs débats, le
projet a été retiré. En ce qui concerne la poste, aux chevaux, le débat a porté
sur des questions de principe très graves. L’honorable M. d'Elhoungne,
notamment, a soulevé la question du savoir si, en (page 1617) présence de notre Constitution, l'indemnité établie par
un décret de l'an XIII pouvait être maintenue.
La question présente plusieurs côtés importants ; et on propose de
mettre à la disposition du ministre, sans examiner ces questions, sans établir
aucune règle, aucun principe, une rente de 75,000 fr. pour la poste aux chevaux
! Je pense qu'une proposition semblable mérite les honneurs d'une discussion
spéciale. Le règlement veut que toutes les questions soumises aux chambres
fassent l'objet d'un examen préalable, et vous voudriez, sans rapport, discuter
celles qu'on vous présente aujourd'hui. L'expérience est faite pour cette
question, puisqu'une première discussion n'a abouti qu'à un ajournement forcé.
On dit que le cabinet ne prend pas d'engagement de présenter un projet
de loi. Il serait inutile d'en prendre, puisque les sections seraient saisies
d'un projet par le renvoi de la proposition.
L'honorable M. Lys vient de fournir un argument contre l'allocation du
crédit qu'on propose de porter au budget. Il vous a dit que par d'autres
combinaisons, par la cession du camionnage aux maîtres de poste, on pourrait
soutenir cette institution sans établir de charge pour le trésor. Cette
hypothèse peut se discuter, et il ne faut pas précipiter l'établissement d'une
rente de 75,000 fr., ce qui représente un capital d'un million et demi.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Ce n'est
que pour six mois.
M. le ministre des finances (M.
Malou). - On veut
donc engager un capital de 3 millions sans examiner les questions de principe
ou de fait, sans indiquer au gouvernement comment il doit répartir entre les
intéressés la somme qu'on met à sa disposition.
C'est là une chose exorbitante, que la chambre ne peut vouloir faire en
ce moment.
M. Loos. - Mon
intention était de traiter au fond la question dont il s'agit ; mais la chambre
me paraissant disposée à renvoyer la proposition aux sections, je renonce à la
parole, me réservant cependant mon tour de parole si le renvoi n'était pas
ordonné.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, j'ai été étonné
d'entendre les organes du gouvernement nous dire qu'ils n'ont ni règle, ni
principes arrêtés quant à l'organisation de la poste aux chevaux.
M. le ministre des finances (M. Malou). – J’ai dit pour la répartition des
subsides.
M. de Man d’Attenrode. - Le gouvernement oublie qu'il a
présenté un projet, il y a trois ans, et que ce projet a été discuté par la
chambre.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Il a été rejeté.
M. de Man d’Attenrode. - Il n'a pas été rejeté, mais retiré
par le gouvernement lui-même ; et pourquoi ? Parce que l'honorable M. Dechamps
avait cru devoir faire ce qu'il a fait plusieurs fois ; il avait réuni dans un
même projet plusieurs questions différentes ; or il est reconnu que quand on
procède de cette façon, la plupart du temps ces projets ont le sort qu'a
éprouvé celui sur la poste aux chevaux.
Cette proposition de loi était accompagnée de développements étendus ;
et ces développements indiquaient comment le gouvernement entendait faire usage
des moyens que son projet de loi devait lui procurer. L'administration a donc
des indications suffisantes pour faire usage du crédit que nous lui offrons.
Comme l'honorable M. de Garcia vous l'a dit il y a un instant, le
gouvernement, par un arrêté qui a paru dans le Moniteur du 9 janvier, a
réorganisé la poste aux chevaux. II a fixé les relais ; il a arrêté quel devait
être le nombre des chevaux et des postillons. Pourquoi l'a-t-il fait ? Il a cru
sans doute qu'il avait besoin de ces chevaux et de ces relais ; et il paraît
qu'il en a tellement besoin qu'il s'en sert toutes les nuits pour le service de
la poste aux lettres.
Or, que fait le gouvernement pour soutenir ce service ? D'après ce que
m'a déclaré un maître de poste un instant avant la séance, le gouvernement perd
3 fr. 10 c. par jour, pour entretenir le cheval et le postillon qu'ils font
marcher.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). - C'est une
erreur.
M. de Man d’Attenrode. - Si ce fait est exact, ce service
est onéreux pour les maîtres de postes, au lieu de leur être avantageux.
II me semble que le gouvernement doit savoir ce qu'il veut faire du
service de la poste aux chevaux. S'il n'en veut plus, qu'il le déclare, et le
service cessera ; les maîtres de postes sauront ce qu'ils auront à faire, et
ils ne continueront pas à entretenir un matériel fort onéreux pour eux. Si l'on
croit, au contraire, que ce service est nécessaire, que le gouvernement s'en
explique ; mais alors qu'il fasse la demande des crédits nécessaires pour le
soutenir.
Au reste, il me paraît qu'il n'est pas difficile d'établir que ce
service doit être maintenu. L'honorable M. Lys vient de vous dire, avec raison,
que s'il y avait une suspension de circulation sur les chemins de fer, ce qui
est possible, le gouvernement serait pris au dépourvu s'il n'existait plus de
service de poste aux chevaux.
D'ailleurs, c'est dans l'intérêt même de ce chemin de fer, qui est
l'enfant gâté de la chambre, qu'il faut maintenir le service de la poste aux
chevaux. C'est ce que nous prouve la conduite des compagnies françaises
concessionnaires de chemin de fer qui entendent mieux leurs intérêts que nous
sur ce point. C'est ainsi que j'ai remarqué, il y a quelque temps, dans un des
grands journaux de Bruxelles, que la compagnie du chemin de fer d'Orléans
accorde aux maîtres de poste qui lui amènent des voyageurs, un subside de
150,000 fr. Si je ne me trompe, c'est ainsi. La compagnie du chemin de fer de Paris
à Versailles leur accorde au-delà de 150,000 fr. ; celle du chemin de fer de
Paris au Havre accorde un subside d'environ 200,000 fr. Ces compagnies
comprennent très bien que le service de la poste leur est utile, parce qu'il
leur amène des voyageurs, parce que ce service établit des affluents productifs
pour elles.
Pourquoi, messieurs, n'en agirions-nous pas de même ? Cette question ne
demande plus de longues études. Voilà quatre ans qu'on en délibère. II faut
enfin prendre une résolution-
Je répète que si l'on ne veut plus de cette institution il faut qu'on le
dise avec franchise. Il est peu convenable de tenir plus longtemps les maîtres
de poste dans cet état provisoire. Le matériel qu'ils ont à entretenir pour eux
est une lourde charge.
Pourquoi ont-ils persisté à conserver
leur position ? C'est qu'ils se sont bercés de l'espoir qu'on leur viendrait en
aide ; les actes du gouvernement sont venus les entretenir dans cette
espérance. Ils ont donc fait des sacrifices pour soutenir leur position.
Mais si leur existence n'est qu'une illusion trompeuse, il faut qu'il le
leur dise avec franchise.
Car il n'est pas de la dignité du gouvernement de prolonger davantage
cette situation. Je désire qu'il se prononce ; voilà les motifs de mon adhésion
à l'amendement déposé sur le bureau.
M. de Garcia. - Messieurs,
je partage entièrement l'opinion de M. le ministre des finances, qui dit qu'un
projet de réorganisation de la poste aux chevaux mériterait les honneurs d'une discussion
que cette loi présenterait de grandes difficultés. Cette opinion, je la partage
en tout point, et s'il s'agissait d'une proposition semblable, je serais le
premier à demander son renvoi en sections et tous les honneurs d'une discussion
approfondie.
Mais, messieurs, s'agit-il de cela ? Pas du tout, il s'agit de voter,
non pas une rente, un capital de 3 millions, comme le dit M. le ministre des
finances, mais un subside de 75,000 fr. en attendant que le gouvernement puisse
nous présenter une loi qui organise complètement la poste. Il s'agit de mettre
les maîtres de poste à même de tenir les obligations que le gouvernement leur
impose. Car enfin, il faut le dire en peu de mots, la seule et unique base de
notre proposition est la nécessité de l'administration des postes et l'arrêté
du 9 janvier de cette année, qui soumet les maîtres de poste à tenir un nombre
de chevaux et de postillons déterminé pour le service public. Peut-on
méconnaître que ces obligations et ces services doivent se payer comme tous les
autres services de l'Etat ? C'est ce que je ne pourrais admettre qu'autant
qu'il fût démontré que cette administration est indemnisée par des bénéfices
quelconques. Or, personne n'a tenté cette démonstration.
A la vérité le gouvernement objecte contre notre proposition qu'elle ne
contient aucune règle pour sa répartition du subside qu'elle provoque, cela est
vrai, mais le gouvernement peut-il se plaindre de cette circonstance ? Non sans
doute ; nous lui donnons ici une marque de confiance en nous eu rapportant à
lui pour faire une juste répartition entre tous les intéressés.
Puisque nous nous occupons des postes, je terminerai par une observation
générale. Je demanderai que, pour le budget prochain, le gouvernement veuille
fournir le tableau des courses de postes faites dans tout le pays, dans toutes
les lignes de poste. Je demanderai, en outre, qu'il nous donne le tableau des
25 centimes par cheval qui se payent sur chaque route. Ce double tableau nous
mettra à même d'apprécier plus exactement encore la véritable situation des
maîtres de postes ; enfin il nous mettra à même d'indiquer les bases d'une
juste répartition du subside que nous réclamons. Dans tous les cas, il me semble que le gouvernement, qui doit être en possession
de tous ces renseignements, est à même de pouvoir opérer la juste répartition
du subside qui fait l'objet de notre proposition. Renvoyer en section l'examen
de la demande que nous faisons pour venir au secours de cette administration
publique, c'est dire que la chambre ne s'en occupera pas. C'est en vain qu'à ce
propos l'on nous objecte que cette proposition présente de grandes questions de
principe à étudier, et à mûrir. Notre proposition n'a ni ce but ni cette portée
; elle ne tranche aucun principe, si ce n'est celui d'être juste, si ce n'est
celui de payer les services imposés. Dès lors il ne peut y avoir aucune utilité
à renvoyer une semblable demande en sections ; si la chambre en décide
autrement, c'est évidemment rejeter la proposition que nous avons eu l'honneur
de lui soumettre.
M. Verhaegen. - Nous sommes toujours, messieurs, dans la même
mauvaise voie. Le gouvernement, lorsqu'il voit qu'une question le gêne, procède
par des fins de non-recevoir. Il en est de cette question comme il en a été de
plusieurs autres.
En 1844, il existait un projet qui a été abandonné, et alors l'honorable
M. Dechamps, ministre des travaux publics, s'était engagé à en présenter un
nouveau. Le gouvernement, depuis 1844, n'a rien fait, et nous voilà arrivés au
milieu de 1847. Au moins s'il a fait quelque chose, il n'a rien fait dans
l'ordre de ce qui avait été promis par l'honorable M. Dechamps, et je vais
l'établir en peu de mots. L'honorable M. d'Hoffschmidt avait d'ailleurs fait la
même promesse.
Je dis qu'il en est de cette question comme de beaucoup d'autres. Le
gouvernement fait des promesses, les millions se succèdent et le gouvernement
ne s'exécute pas. Il ne reste plus alors aux membres de la chambre que d'user
de leur droit d'initiative ; c'est le seul moyen de forcer le gouvernement à
remplir ses obligations.
Eh bien, l'honorable M. d'Hoffschmidt était plus à même que tout autre
d'apprécier le véritable état de la question et de formuler un (page 1618) amendement. Quant à moi,
j'ai cru remplir un devoir en y apposant ma signature.
Que ceux qui ne veulent pas de la poste aux chevaux le déclarent. /S'il
y a une majorité qui n'en veut pas, qu'elle se prononce. Mais la question est
suffisamment étudiée. Je dirai même qu'elle est mûre. Veut-on encore de la
poste aux chevaux, aujourd'hui que nous avons nos lignes de chemins de fer, on
n'en veut-on pas ? Si on n'en veut pas qu'on le déclare.
Je ne trouve pas mauvais que ceux qui ont cette opinion l'énoncent, et
l'énoncent franchement ; mais que le gouvernement ne tienne pas les maîtres de
poste sous sa férule, si je puis m'exprimer ainsi ; si l'on veut supprimer la
poste aux chevaux qu'on ne force pas les maîtres de poste à remplir certaines
obligations, lorsqu'on ne fait rien pour eux.
Le renvoi aux sections c'est le renvoi à la session prochaine, et le
renvoi à la session prochaine c'est la mort de la poste aux chevaux. Cependant
le gouvernement oblige la poste aux chevaux à avoir 800 chevaux et 350 hommes.
Eh bien, cela n'est pas juste ; d'un côté vous imposez aux maîtres de
poste une lourde charge, et de l'autre côté vous ne voulez rien faire pour eux.
Soyez donc d'accord avec vous-mêmes, que ceux qui ne veulent pas de la poste
aux chevaux rejettent la demande, mais alors qu'ils déchargent les maîtres de
poste des obligations onéreuses que le gouvernement fait peser sur eux.
En résumé, messieurs, je m'oppose au renvoi en
sections, parce que c'est le renvoi aux calendes grecques. La question est mûre
et les maîtres de poste ne demandent qu'un acte de justice ; on ne peut pas les
laisser dans la cruelle alternative ou de se ruiner ou de renoncer à un état de
choses que le gouvernement a fait tel qu'il est aujourd'hui. Il faut qu'ils
sachent à quoi s'en tenir, et l'honorable M. Dechamps doit d'autant mieux le
savoir, qu'il s'était engagé à présenter un projet de loi.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, le projet de
l'honorable M. Dechamps ne reposait pas sur le principe d'une subvention de
l'Etat. M. Dechamps avait cherché une combinaison qui permît de maintenir la
poste aux chevaux sans recourir au trésor public. Cette combinaison, qui était
beaucoup plus favorable aux finances de l'Etat, a été repoussée par la chambre
; et cependant on propose aujourd'hui de décider d'une manière incidente le
principe que la poste aux chevaux sera subsidiée par le trésor.
Il est injuste, dit-on, de laisser les maîtres de
poste en présence de certaines obligations sans les subsidier. Mais je ne
connais pas de loi en Belgique qui force qui que ce soit à être maître de poste
malgré lui ; si la situation actuelle des maîtres de poste n'est pas favorable,
ils sont libres d'exercer une autre industrie, et soyez bien certains,
messieurs, que s'il survient quelques démissions, vous n'aurez que l'embarras
du choix pour remplacer les démissionnaires.
Ainsi la nécessité d'une subvention déjà écartée une première fois par
la chambre, n'est pas établie. Je demande qu'on n'admette pas incidemment un
principe qui engagerait, en réalité, un capital considérable. Il faut attendre
une instruction dans laquelle d'autres moyens seront peut-être, présentés ;
nous avons trop de choses utiles à faire pour engager ainsi imprudemment un
capital de trois millions. (Aux voix !
aux voix !)
M. Le Hon.
- Messieurs, je m'expliquerai en peu de mots. Le ministère vous demande de
renvoyer l'amendement à l'examen des sections. Cette demande me semble
repoussée par vos précédents. En effet, dès l'année 1842, une commission
spéciale a été chargée de présenter ses vues sur la réorganisation du service
de la poste aux chevaux, et elle a livré le résultat de son travail au
gouvernement.
Au mois de mars 1843, un projet de loi vous a été soumis. Discuté dans
les sections, il a fait l'objet d'un rapport de la section centrale.
Nouveau projet de loi sur cette matière, au mois de juin 1844 ; nouvel
examen dans les sections, et nouveau rapport de la section centrale à la
chambre.
Ce second projet avait eu le tort de combiner ensemble un service de
bateaux à vapeur entre la Belgique et l'Angleterre, et la réorganisation de la
poste aux chevaux. J’ai parcouru, dans les différents rapports, les opinions
qu'avaient émises les sections sur cette seconde partie de la loi, et je les ai
trouvées généralement favorables au maintien du service de la poste, sur la
plupart des lignes établies, et au système d'indemnité proposé alors pour les
maîtres de poste. Si je ne me trompe, la chambre a demandé la disjonction, et,
se bornant à voter sur le service des bateaux à vapeur, a prié le gouvernement
de réorganiser le système de la poste aux chevaux par une loi spéciale.
L'instruction de cette affaire a donc été complète, et je ne comprends
pas, je le confesse, que, devant les manifestations unanimes de l'opinion qui,
depuis plus de quatre ans, réclame le maintien de la poste aux chevaux comme
une institution d'intérêt public, même parallèlement aux lignes de nos chemins
de fer, le gouvernement n'ait donné aucune suite à son projet tout formulé de
1844.
Je conçois que vous renvoyiez aux sections une proposition de crédit qui
surgit inopinément de nos débats, et dont l'objet n'aurait encore subi ni le
travail ministériel, ni les délibérations de la chambre ; mais je ne puis trouver
à ce renvoi la moindre raison plausible, quand cette' motion porte sur un sujet
déjà élaboré dans trois examens consécutifs, et par le ministère et par les
sections ; alors surtout, qu'il s'agit d'un crédit provisoire qui ne préjuge
qu'un point incontestable, à savoir : le maintien du service de la poste aux
chevaux.
M. le ministre des finances, s'attaquant au fond, vous a dit que voter
aujourd'hui une allocation, même provisoire, de 75,000 francs, c'était poser le
principe que l'indemnité des maîtres de poste serait à la charge du trésor
public, ce qu'il ne pouvait admettre, et ce que repoussait le projet de loi
présenté en 1844. M. le ministre me semble ici dans l'erreur : le projet de
loi, en effet, ordonnait que la contribution des messageries au profit de la
poste aux chevaux serait perçue directement par l'Etat qui en formerait un
fonds spécial ; et que si le montant de la recette était insuffisant pour
couvrir les indemnités qui seraient allouées aux maîtres de poste sur les
lignes maintenues par la loi, il y serait suppléé par des crédits à porter au
budget.
L'amendement en discussion a donc été conçu dans l'esprit de ce système.
Il y a plus, le ministère, par l'article 10 du projet de loi, 9 juin 1844,
proposait d'ouvrir, au département des travaux publics, un crédit de 150,000
fr. pour l'exercice de cette même année, à l'effet de couvrir les frais
énumérés dans l'article 8 ; et la section centrale, dans son rapport du 6 mars
1843, avait élevé cette somme au chiffre de 300,000 fr. L'allocation de 75,000
fr. serait encore, à ce nouveau titre, dans la limite des prévisions admises, à
cette époque antérieure, et par le gouvernement et par la chambre.
Devant ces faits dont la preuve est
dans vos souvenirs comme dans vos archives, tous les motifs d'ajournement, tous
les prétextes d'examen me semblent devoir s'évanouir ; il y a ici à résoudre
une question de justice rigoureuse et d'intérêt général.
La chambre suffisamment éclairée par tous ces précédents ne peut rester
indifférente parce que le ministère, après deux résolutions formelles,
redevient indécis. Je voterai en faveur de l'amendement et contre le renvoi aux
sections.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). -
Messieurs, je crois qu'il est complètement inexact de dire que le gouvernement
n'a rien fait pour la poste aux chevaux.
Au mois de juin 1846, les délégués des maîtres de poste ont formulé
leurs demandes vis-à-vis du département des travaux publics. Ils ont demandé
d'abord que l'indemnité des frais de déplacement des chevaux et des postillons
mobilisés fût majorée ; 2° que le prix des transports des malles à un collier
fut porté de 1 fr. à 1 fr. 50 par cheval et par poste ; 3° qu'il fût fait une
nouvelle classification des relais ; 4° qu'il fût procédé à une nouvelle
fixation des distances des postes.
Eh bien, de ces quatre choses demandées par les maîtres des postes,
trois leur ont été déjà accordées : l'indemnité des frais de déplacement des
chevaux et postillons a été augmenté ; le prix des transports des malles à un
cheval a été majoré ; une classification nouvelle des relais a été faite. En ce
moment on s'occupe d'une fixation nouvelle des distances.
On nous dit : Depuis 1844 tout est dans la même situation, vous n'avez
rien fait. Messieurs, il n'est pas exact de dire que, depuis 1844, nous soyons
en présence de la même situation. Depuis lors nous avons concédé un très grand
nombre de lignes de chemins de fer, qui modifient du tout au tout la question
de la poste aux chevaux.
Je suppose pour un instant toutes ces lignes exécutées. On trouvera
qu'il n'existe plus en Belgique ce qu'on peut appeler une ligne de poste. Dès
lors nous sommes en présence d'une situation entièrement différente, et ce
n'est pas chose évidente qu'il faille aujourd'hui insister sur l'adoption des
propositions de 1844.
Je pense même que si l'on en venait à discuter de
nouveau ces propositions, elles rencontreraient de très sérieuses objections ;
car enfin ce projet de loi tendait à généraliser l'application du droit de 25
centimes, à étendre l'imposition au profit de la poste, à des entrepreneurs qui
ne relayent pas. Le projet de 1844 consacrait donc, à côté d'une subvention au
profit de la poste, une imposition générale sur les transports Je suis persuadé
qu'on reconnaîtrait, si on l'examinait, que ce projet n'est plus en rapport
avec la situation du moment ; que cette situation est toute différente de celle
de 1844 et qu'elle appelle un nouvel examen de la question.
- La clôture est demandée.
M. Mercier (contre la clôture). - Je
reconnais que M. le ministre des travaux publics n'est pas resté inactif et que
les paroles qu'il a prononcées au début de la discussion prouvent qu'il est
favorablement disposé pour la conservation de la poste aux chevaux ; cependant il
est évident qu'elle ne peut supporter plus longtemps ses conditions actuelles
d'existence ; il faut qu'on se hâte de venir à son secours ; et comme le projet
présenté en 1814 n'a pas obtenu faveur dans les chambres, il ne reste d'autre
moyen que l'allocation d'un subside direct aux maîtres de poste ; si le projet
de 1844 n'a pas été accueilli, c'est principalement par le motif qu'il imposait
de nouvelles charges, reconnues injustes, aux habitants des parties du pays qui
sont privées de l'avantage d'être traversées par des chemins de fer ; quant au
subside que nous demandons, son emploi pourrait être soumis à telles conditions
provisoires que le gouvernement jugerait convenable d'établir en attendant
qu'une loi régularise définitivement ce service dont personne ne conteste
l'importance.
- La clôture est prononcée.
Le renvoi de la proposition aux sections est mis aux voix et adopté.
La séance est levée à 5 heures.