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Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 2 décembre 1847
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions
relatives aux droits de péage sur la Sambre canalisée (Pirmez)
et à l’impôt foncier (de Roo), renseignements statistiques
sur les corporations religieuses (Delfosse)
2) Rapport sur une pétition relative à l’impôt sur le
sel
3) Projet de loi portant le budget de la dette
publique pour l’exercice 1848. Discussion générale. Equilibre général entre
recettes et dépenses, recours excessif à la dette flottante, mode d’émission
des bons du trésor (Mercier, (+Société générale,
monopole des assurances par l’Etat) Malou), équilibre
général entre recettes et dépenses, monopole des assurance par l’Etat,
comptabilité publique (Frère-Orban)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1847-1848)
(Présidence de M. Verhaegen, vice-président.)
(page 170)
M.
Troye fait l'appel nominal à 2 heures un quart.
M.
T’Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance précédente,
dont la rédaction est approuvée.
M. Troye présente l'analyse
des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Plusieurs propriétaires d'abeilles en ruches
à Wachtebeke et à Wynkel demandent une augmentation de droits d'entrée sur le
miel et sur la cire, et la suppression des droits de douane sur les abeilles
transportées en ruches en Hollande pour les laisser butiner sur les fleurs.
« Même demande, quant
à la suppression des droits de plusieurs propriétaires d'abeilles en ruches à
Exaerde. »
Renvoi à la
commission d'industrie.
« Plusieurs
propriétaires et directeurs d'établissements industriels dans le bassin de la
Sambre prient la chambre d'étendre aux minerais de toute espèce, à la castine
propre, aux hauts fourneaux et aux verreries, ainsi qu'aux perches de
houillères, la réduction des droits de péages sur la Sambre canalisée accordée
par la loi du 16 mai 1847. »
M. Pirmez. - Je demanderai que
cette pétition soit renvoyée à la commission permanente d'industrie. La chambre
a pris la même décision pour plusieurs pétitions du même genre.
- Cette proposition
est adoptée.
« Le sieur Masquelin
demande que la valeur locative actuelle de toutes les habitations soit mise en
rapport avec celle de 1831, afin de rétablir l'égalité proportionnelle entre
les contribuables. »
M. de Roo. - Cette pétition
contient des observations très judicieuses et je demanderai qu'elle soit
renvoyée à la section centrale du budget des voies et moyens qui s'occupe d'une
semblable question.
- Cette proposition
est adoptée.
_________________
« Le sieur Floor,
notaire à Loo, présente des observations contre la disposition du projet de loi
sur le notariat, portant que les actes seront parafés sur chaque feuille, tant
par les parties que par les notaires. »
- Dépôt sur le bureau
pendant la discussion du projet de loi sur le notariat.
Par dépêche en date
du 27 novembre, M. le ministre de l'intérieur annonce que les renseignements
statistiques demandés par M. Delfosse sur les corporations religieuses, et en
particulier sur celles qui se livrent à l'instruction primaire, sont prêts à
être livrés à l'impression.
M. Delfosse. - Je remercie M. le
ministre de l'intérieur de la communication de ces documents ; je crois qu'ils
doivent être imprimés.
RAPPORT SUR UNE PETITION
M.
de Man d’Attenrode. – Messieurs, par
décision du 26 novembre, la chambre a renvoyé à la commission permanente des
finances une pétition de 25 habitants de Waereghem (Flandre occidentale), qui
demandent une réduction sur l'impôt du sel ; votre commission n'a pu se
dissimuler qu'il serait désirable, que cet impôt pût subir une réduction en
faveur des classes pauvres. Mais cette réduction serait de nature à occasionner
un déficit considérable dans le budget des recettes.
Elle s'est donc posé
cette question :
Cette réduction
est-elle opportune dans les circonstances actuelles ?
Il a paru à votre
commission que c'était une question que la section centrale du budget des
recettes était plus à même d'examiner.
Elle vous propose, en
conséquence, le renvoi de cette requête à la section centrale des voies et
moyens.
- Cette proposition
est adoptée.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DE LA DETTE PUBLIQUE POUR 1848
Discussion générale
M. Mercier. - Messieurs, à
l'occasion du chiffre de la dette flottante, une discussion s'est élevé hier sur
la situation générale du trésor. M. le ministre des finances, après avoir
évaluée cette partie de notre dette à 25 millions, a supputé toutes les
recettes extraordinaires et accidentelles qui ont été faites depuis dix ans, et
a déclaré qu'elles s'étaient élevées à 35 millions. L'honorable ministre est
convenu toutefois que pendant cet espace de dix années, des dépenses
productives avaient été faites et qu'une partie de ces 35 millions pouvait
avoir été employée à de telles dépenses. Pourquoi n'a-t-on pas relevé ces
travaux extraordinaires, utiles au pays, avec le même soin qu'on a mis à
indiquer le chiffre du déficit ? Il me semble que l'intérêt même de notre
crédit l'exigeait tout autant que celui de la justice et de la vérité.
Pour présenter une
situation complète, le gouvernement aurait dû mettre en regard des recettes
accidentelles toutes les dépenses extraordinaires ou productives qui ont été
faites depuis 10 ans, toutes celles enfin qui ne pouvaient raisonnablement pas
être couvertes par les revenus ordinaires ; c'est seulement à l'aide d'un tel
travail que nous pourrions faire une juste appréciation de la situation ;
jusque-là nous restons complètement dans le vague, et nos discussions ne
peuvent avoir de résultat vraiment utile.
J'engage donc beaucoup
le ministère, qui a jeté une espèce de blâme sur les cabinets précédents, je
l'engage beaucoup à présenter, non seulement le tableau des recettes
extraordinaires, mais aussi celui des dépenses consacrées à des travaux
d'utilité publique ou à l'acquisition de valeurs immobilières.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Rogier). - Ces détails se
trouvent dans la situation du trésor.
M. Mercier. - Ils n'y sont pas
d'une manière complète, la distinction que j'indique n'est pas établie ; mais
voici ce que je demanderai actuellement au ministère : je lui demanderai
quelles sont les dépenses extraordinaires faites depuis 4 ans, qu'il
entendrait, lui, couvrir par les recettes ordinaires ? Un honorable membre de la
cour des comptes, dans un tableau que nous avons sous les yeux,, a fait le
relevé des dépenses de cette nature faites depuis 4 ans ; leur montant excède
le chiffre de la dette flottante. J'indiquerai quelques-unes de ces dépenses :
Travaux du canal de
la Campine : fr. 1,110,000
Travaux du chemin de
fer : fr. 8,260,000
Travaux du canal de
la Meuse à Bois-le-Duc : fr. 3,500,000
Travaux du chemin de
fer : fr. 3,712,000
Travaux du canal de
Zelzaete : fr. 1,390,000.
Je m'arrêterai à ces
citations ; mais ce relevé qui ne comprend pas encore toutes les dépenses
extraordinaires, en renseigne pour 27,700,000 fr. Eh bien ! qu'on le dise,
quelles sont celles de ces dépenses que le ministère actuel aurait jugées de
nature à être couvertes par les ressources ordinaires du trésor ? Car enfin les
reproches adressés aux cabinets précédents n'ont point de base ou doivent
porter sur ce que l'on aurait employé des moyens extraordinaires pour faire
face à des dépenses ordinaires.
Le ministère
considère-t-il comme dépenses ordinaires celles dont je viens de parler ? S'il
ne les envisage pas comme telles, que reproche-t-il donc à l'administration
précédente ? Serait-ce de ne pas avoir fait il y a quelques mois un emprunt
pour faire entrer les 25 millions, de dette flottante dans la dette constituée
?
Or chacun de nous
sait que les circonstances n'étaient guère favorables, il y a quelques mois,
pas plus qu'elles ne le sont aujourd'hui pour (page 171) faire des opérations de cette nature. Ainsi ce reproche lui-même
n'aurait, aucune espèce de fondement.
Messieurs, hier
l'honorable ministre des travaux publics a fait une très longue argumentation
sur le chiffre de 13,500,000 fr. qui formait en 1830 l'encaisse du caissier
général, encaisse qui nous a été dévolu par le traité de 1842. Il me semble
pourtant que la question est extrêmement simple ; comme l'honorable M. Malou
l'a fait observer, ou cette somme vient réduire la dette constituée si les
obligations rachetées avec l'encaisse ne sont pas remisée dans la circulation,
ou bien elle fait disparaître une partie de la dette flottante si les
obligations sont négociées ; mais ces valeurs ne proviennent pas moins d'un
encaisse qui existait primitivement en numéraire. Je le répète, si vous annulez
les obligations qui représentent
l'encaisse, vous diminuez la dette constituée, si vous les émettez de nouveau,
vous diminuez la dette flottante. Pour moi, cette question est tellement
simple, que je ne puis comprendre qu'elle ait si longuement occupé la chambre.
On a également parlé
d'une dépenses de 20 millions à faire pour le chemin de fer. Je ne pense pas
qu'on ait eu l'intention d'adresser des reproches, sous ce rapport, aux
administrations précédentes. Le chemin de fer, messieurs, a souvent trompé
toutes nos prévisions. En 1840 nous sommes venus demander un crédit pour le
parachèvement du chemin de fer. Nous croyions de bonne foi que ce crédit
suffirait, et remarquez bien que nos prédécesseurs, avant 1840, avaient déjà
demandé un crédit pour l'achèvement de ce même chemin de fer. Et cependant tel
est l'imprévu des dépenses relatives à ces travaux, que déjà, depuis
l'administration de 1840, deux ou trois autres crédits ont été demandés pour le
complément de cette voie de communication.
On n'attribuera pas
ces demandes successives à ce que ces administrations auraient voulu cacher
sciemment le chiffre réel de la dépense de construction du chemin de fer ; je
ne puis les attribuer qu'un défaut d'expérience suffisante en cette matière. On
comprend qu'on ait pu se tromper dans des prévisions qui concernent des travaux
d'une nature toute nouvelle et dans les exigences d'un service qui n'avait pas
d'analogue ; mais il n'en est pas moins vrai que les dépenses dépassent le
double des prévisions et ce doit être pour nous un avertissement de ne pas
entreprendre légèrement de nouvelles lignes de chemins de fer ; jusqu'ici nous
ne pouvons pas apprécier les frais de construction et d'exploitation du chemin
de fer existant, nous ne savons pas quelles seront les dépenses de
renouvellement du matériel ; on n'a pu jusqu'à présent former un travail
complet qui pût nous indiquer le revenu net de cette grande entreprise.
J'appelle l'attention
sérieuse du gouvernement et de la chambre sur ce point ; nous ne devons pas
nous laisser entraîner facilement à décréter de nouvelles lignes, dans
l'ignorance de ce que coûte et de ce que peut rapporter le chemin de fer actuel
dont, du reste, je reconnais les immense avantages.
Je dirai encore
quelques mois sur la dette flottante dont j'ai parlé hier au début de la
discussion. Je persiste dans l'opinion qu'une dette flottante couvrant un
déficit, est un danger pour l'Etat.
Mes honorables
contradicteurs ne sont pas non plus d'accord sur cette question.
L'honorable M. Malou
estime que la dette flottante peul être considérable ; M. le ministre des
finances dit que 15 à 18 millions de dette flottante ne présentent pas un grand
danger ; mais il a soin d'ajouter : « pourvu qu'on parvienne à la classer plus
convenablement. » L'honorable M. Osy trouve que 10 à 15 millions suffiraient.
Pour moi, je
repousse, comme pouvant être la source des plus grands embarras, toute dette
flottante de cette nature.
On nous a cité
l'exemple de la France ; on a dit que dans ce pays les départements et les
communes ont leur fortune liée à celle de l'Etat ; mais est-il nécessaire, pour
atteindre le même but, que ce soit en dette flottante que les fonds provinciaux
et communaux soient placés, plutôt qu'en dette constituée ? Je ne le crois pas.
Il ne sera pas inutile de voir comment la dette flottante est classée dans
l'Etat que l'on a donné pour exemple. Cette dette s'élevait, il y a quelques
années, à 620 millions.
Pourrons-nous,
messieurs, opérer un classement de la dette flottante analogue à celui qui se
fait en France ? Je ne le pense pas, et d'abord en ce qui concerne les
cautionnements et consignations, nous ne pourrions prendre cette mesure sans
déclasser notre dette constituée, puisque ces fonds sont placés en obligations
de nos divers emprunts. Certes, ce déclassement entraînerait de graves
inconvénients, et je ne vois pas, d'ailleurs, pourquoi on donnerait la
préférence à la dette flottante. Je sais même qu'en France, un habile
financier, un fonctionnaire éminent, a proposé de placer désormais les
cautionnements en dette inscrite.
Pourrons-nous espérer
de placer notre dette flottante en fonds des provinces, des communes ou des
établissements de bienfaisance ?
Ils représentent
entre autres :
125 millions placés
par les communes et les établissements de bienfaisance ;
40 millions déposés
par des administrations spéciales ;
50 millions d'avances
de comptables ;
15 à 20 millions de
traites nécessaires aux relations de la caisse de Paris avec celles des
départements ; ?
122 millions pour
travaux publics à longues échéances ; ces bons ont été créés en 1821 et 1822 ;
les remboursements sont successifs et devront se prolonger jusqu'en 1868 ;
cette partie ne peut être considérée comme dette flottante ordinaire ;
Enfin 240 millions de
dépôts en cautionnements, etc.
Nos provinces
elles-mêmes empruntent ; elles conseillent aux communes et aux bureaux de
bienfaisance de placer leurs fonds dans les emprunts provinciaux....
M. Malou. - II y a eu jusqu'à
14 millions de fonds des provinces, communes et établissements publics à la
caisse d'épargne.
M. Mercier. - Il n'y a pas bien
longtemps que la Belgique se trouve sous le régime actuel ; nos provinces,
ayant de grandes dépenses à supporter, ont été obligées de contracter des
dettes ; il en est plusieurs qui n'ont pu placer encore qu'une partie des
emprunts qu'elles ont décrétés, malgré les appels fréquents qu'elles ont faits
aux communes et aux établissements de bienfaisance.
Enfin, messieurs, je
l'ai déjà dit, en ce qui concerne les cautionnements des comptables et les
consignations, nous les avons placés en dette constituée. Je ne vois aucun
avantage à opérer de changement sous ce rapport.
L'honorable M.
Cogels, dont j'aime à partager les opinions dans les questions financières, a
dit qu'il serait bon de placer les fonds des caisses d'épargne en bons du
trésor. Je ne suis pas de cet avis, car ce serait à mes yeux aggraver le
danger. En effet, le danger de la dette flottante n'existe que dans les moments
de crise ; c'est précisément dans les moments de crise que les déposants
réclament le remboursement de leurs fonds.
Qu'adviendrait-il si
la dette flottante représentait un déficit et qu'on vînt verser les
contributions en bons royaux et en même temps réclamer les fonds des caisses
d'épargne ? Cette position serait vraiment désastreuse.
Je ne partage donc
pas l'opinion que nous puissions avoir une dette flottante quelque peu élevée,
et en avoir une autre que celle destinée à faciliter l'action du trésor. Cette
dernière a été évaluée à sept ou huit millions par l'honorable M. Veydt,
contrairement à l'opinion que j'ai émise qu'elle ne dépasserait pas trois à
quatre millions, et qu'il y aurait des années où aucune émission ne serait
nécessaire.
Je suis persuadé que
si M. le ministre veut voir quelles ont été les émissions dans les quatre
premiers mois, il verra que ces émissions n'ont pas dépassé le chiffre des
émissions autorisées pour faire face au découvert, et que s'il n'y avait pas eu
de déficit, il n'y aurait pas eu de dette flottante en circulation.
Je terminerai par
quelques mots sur la légalité du nouveau mode d'émission des bons du trésor.
L'honorable M. Malou
pense que la loi ne défend pas d'émettre des bons du trésor dont l'échéance
fixe peut être abrégée, si le preneur juge convenable de verser antérieurement
à cette époque les bons du trésor en payement des impôts, c'est-à-dire, en
d'autres termes, si le preneur juge convenable de se faire rembourser avant
cette époque.
Ainsi, messieurs, le
trésor est à la merci du preneur ; c'est là précisément ce que la loi a voulu
empêcher par une disposition expresse, en déclarant que les bons seraient à
échéance fixe.
Bien plus, le
législateur a eu soin de prévoir le seul cas où le remboursement des bons du
trésor se ferait avant l'époque de leur échéance ; ce n'est pas le preneur ou
le porteur des bons du trésor qui est laisse juge de l'opportunité et de la
quotité de ce remboursement, mais bien l'Etat lui-même représenté par le
ministre des finances.
En effet, l'article 4 de la loi porte que les bons
pourront être rachetée par le gouvernement.
Le motif de cette
disposition est facile à expliquer ; on a voulu que si, dans un moment où
l'émission serait considérable, des ressources extraordinaires rentraient au
trésor soit par l'emprunt, soit de toute autre manière, il y eût possibilité de
réduire la dépense en retirant une partie des obligations de la circulation.
Il me paraît de la
dernière évidence que tout autre remboursement est implicitement interdit par
la loi.
M. Malou. - Il n'est, je
pense, messieurs, aucune discussion plus importante dans l'ordre des intérêts
matériels de la nation, que celle dont nous nous occupons aujourd'hui. Il faut
qu'une publicité pleine, entière, complète se fasse dans notre situation financière.
Je me félicite de ce que l'occasion me soit donnée de contribuer à répandre,
autant qu'il est en moi, le jour sur notre véritable situation : l'intérêt des
contribuables y est engagé, car, vous l'avez entendu, dans l'opinion du
gouvernement la nécessité de créer de nouveaux impôts serait dès à présent
démontrée.
L'intérêt du
gouvernement lui-même est en jeu, parce que si le gouvernement ne faisait pas
une juste appréciation de notre état financier, il lui importerait, pour avoir
plus de puissance, pour mieux réaliser les combinaisons qu'il croit
nécessaires, que cette situation ne fût pas rembrunie outre mesure.
J'ai défini
l'importance que ce débat offre à mes yeux. C'est assez dire qu'il n'a aucun
caractère politique ou de parti, qu'il s'agit d'examiner des chiffres, de se
livrer à un examen calme, réfléchi, sans aucune ironie, sans mêler au débat ces
formes que nous rencontrons malheureusement quelquefois dans des discussions
d'un autre genre. J'ai, personnellement, un motif de plus de me livrer à cet
examen avec beaucoup de calme et de prudence. J'ai eu, dans diverses positions,
des relations avec mon honorable successeur, j'attache du prix à ces relations
; je désire les conserver, quels que soient nos dissentiments politiques.
M. le ministre
des finances (M. Veydt). -Moi aussi, bien
volontiers.
M. Malou. - Il a été fait sur
la situation de nos finances depuis le commencement de cette année quatre
publications différentes.
(page 172) La première est l'exposé que j'ai fai.t insérer au
Moniteur le 25 juillet 1847.
La seconde, qui a
paru presque en même temps, émane d'un ancien membre de la chambre, devenu
depuis secrétaire-directeur au ministère des finances.
Une troisième publication
émane de l'ancien greffier devenu conseiller à la cour des comptes, qui,
attaché à cette institution depuis l'origine, a pris à ses travaux nombreux et
importants une part que j'aime à qualifier de large, utile et très honorable.
La quatrième publication
est la situation du trésor que l'honorable ministre des finances a déposée au
début de la session.
J'ai étudié les trois
dernières. J'avais fait la première.
Aujourd'hui, je crois
pouvoir démontrer à la chambre que, sauf quelques variations de détail, sauf
quelques points tout à fait accessoires, les trois publications dont les
éléments ont été puisés à des sources officielles convergent exactement vers le
même but, aboutissent au même résultat.
Je dois le dire, en
passant, l'auteur de la publication qui n'a pas puisé à des sources officielles
s'est trompé sur plusieurs points, précisément parce qu'il n'avait pas à sa
disposition des documents complets. Depuis qu'il a ces matériaux, il a, si je
ne me trompe, reconnu lui-même quelques erreurs, par une lettre devenue
publique.
Tel est donc le point
de départ.
Si la question devait
être résolue par les autorités, si l'on devait chercher dans le caractère, dans
la position des auteurs des publications, la confiance que l'on doit y avoir,
la question serait bien près d'être résolue, puisque les trois publications
officielles arrivent au même résultat.
Mais ce n'est pas une
question de foi et d'autorité, c'est surtout une question de chiffres.
Ayant à choisir entre
ces trois publications officielles, je prends pour texte de mes observations à
la chambre, la dernière, qui émane de M. le ministre des finances, la situation
qu'il nous a distribuée.
Il y a, dans la
situation des finances, trois points à examiner :
Le solde des budgets,
quant aux dépenses et aux recettes ordinaires.
Le chiffre et la
nature de la dette flottante.
Les besoins du
présent et de l'avenir.
Je crois, messieurs,
qu'en examinant ces trois points, je rencontrerai à la fois le discours
prononcé hier par l'honorable ministre des finances et celui qu'a prononcé à la
fin de la séance l'honorable ministre des travaux publics.
Voyons d'abord,
messieurs, ce qui se rapporte au solde matériel des dépenses et des recettes
ordinaires depuis 1830.
Une partie des faits
a acquis, aujourd'hui l'autorité de la loi. Une autre partie, celle qui
concerne les années dont les comptes ne sont pas encore arrêtés par la
législature, a acquis aujourd'hui en quelque sorte l'autorité de la loi, soit
parce que les comptes sont soumis à la chambre, soit parce qu'ils sont déjà
examinés par la cour des comptes.
Un dernier ordre de
faits se rattache aux exercices en cours d'exécution. Là, quelques faits
nouveaux, encore inconnus aujourd’hui, peuvent déranger un peu les calculs que
l'on a faits. Mais je crois qu'il n'est guère possible que les variations
soient importantes. Du reste j'accepte sur ce point, comme sur presque tous les
autres, l'exposé que M. le ministre des finances vous a présenté.
Quelle est la
conclusion de cet exposé quant aux recettes et aux dépenses ordinaires ? Déjà,
messieurs, à la séance d'hier j'ai cité cette conclusion, c'est que les
exercices antérieurs au 1er janvier I848 présenteront probablement, lois de
leur clôture, un bénéfice de 643,000 francs.
M. le ministre
des finances (M. Veydt). - A la date du 1er
septembre.
M. Malou. - A la date du 1er
septembre. J'ai commencé par dire, précisément pour aller au-devant de
l'interruption, que quelques faits nouveaux pouvaient survenir encore qui
vinssent déranger en certaines parties les probabilités qui concernent les
exercices en cours d'exécution. Nous sommes d'accord, je pense, sur ce point.
M. Delfosse. - Je demande la
parole.
M. Malou. - Messieurs, je dois
l'avouer, lorsque je me suis fait produire, d'après les livres de la
trésorerie, d'après les documents officiels que j'ai pu réunir, tous les
chiffres qui concernent la gestion de ces 17 années, et lorsque je suis arrivé,
moi aussi, à voir le solde de toute cette gestion établi par quelques centaines
de mille francs de boni, j'ai été surpris ; le doute m'a gagné. J'ai voulu
vérifier par moi-même tous les faits.
Je ne pouvais
comprendre que nous eussions organisé à l'intérieur nos forces militaires, que
nous eussions maintenu pendant dix ans notre armée sur le pied de guerre, que
nous eussions augmenté dans le but de les rendre productives, de les rendre
plus utiles, toutes les dépenses que nous consacrons aux services publics ;
lorsque nous avions augmenté la dotation du clergé, de la magistrature, de
l'armée ; lorsque nos administrations centrales, nos administrations dans les
provinces avaient été réorganisées et réorganisées de telle manière que bien
souvent on vient chercher des modèles chez nous ; je ne pouvais comprendre,
dis-je, qu'en présence des circonstances politiques, en présence des crises qui
avaient accompagné la naissance de notre jeune nationalité, nous fussions
arrivés, après dix-sept années, à avoir tant fait dans l'ordre matériel et dans
l'ordre moral, et à avoir en définitive un boni comme résultat de cette
gestion.
Je parlais,
messieurs, de ce qui s'est passé. Vous savez combien le produit des impôts a dû
être affecté par les événements politiques. Vous savez que depuis 1830 on a
fort peu touché aux lois d'impôts pour les rendre plus productives, et que si
votre budget est beaucoup plus fort pour le produit de ces impôts qu’il ne
l'était en 1831, c'est par le développement même de la prospérité publique et
non par l'aggravation directe de l’impôt.
Arrêtons-nous un
instant à une seule catégorie de dépenses.
Lorsque les
négociations diplomatiques se sont rouvertes en 1838, le gouvernement s'est
trouvé en présence d'une réclamation pour les arrérages des rentes mises à la
charge de la Belgique. La rente annuelle était de 8,400,000 florins, je dirai
de 17,600,000 fr. On a négocié sur ce point ; on a obtenu la remise des
arrérages. Et pourquoi ? Parce que le gouvernement a démontré à la conférence
de Londres que pendant ces années notre état militaire nous avait coûté une
somme équivalente aux arrérages.
El quelle est cette
somme ? Cette somme est de plus de 150 millions que nous avons pris, que nous
avons puisés dans les revenus ordinaires.
Je ne citerai plus
qu'un fait sur cette gestion. Nous avons, par le traité de 1842, annulé d'un
trait de plume 32 millions de los-renten, que nous avions reçus comme de
l'argent depuis 1830, et qui étaient entrés dans nos caisses, pour être brûlés
en définitive.
Voilà encore un fait
qui, si notre situation financière n’était pas aussi forte.si la richesse, si
les forces productives du pays n'étaient pas aussi énergiques, aurait
certainement, après dix années, présenté un chiffre bien différent de celui que
M. le ministre des finances indique, et dont je fais en ce moment un
commentaire.
Vous avez, nous
dit-on, pendant cette gestion, absorbé des capitaux immenses et des capitaux
qui ne doivent pas se reproduire.
Messieurs, lorsqu'on
examine bien le mécanisme de la gestion financière d'un pays tel que le nôtre,
d'un pays surtout qui a pris à lui tant d'entreprises, laissées, dans d'autres
pays, à l'industrie privée, on voit qu'il est inévitable que dans notre
organisation il se fasse chaque année de très grandes transformations de
capitaux. Mais on oublie trop souvent, selon moi, que ces capitaux n'ont pas
été anéantis, n'ont pas été dépensés comme revenus, mais se sont simplement
transformés ; on ne tient pas compte des contre-valeurs qui se sont réalisées.
Ainsi, par exemple,
nous avons fait, dans l'ordre matériel, des entreprises immenses pour notre
pays. Nous avons consacré aux travaux du chemin de fer, aux travaux des routes,
à des acquisitions de toute nature, un capital que l'on peut évaluer, sans
exagérer, à 250 millions.
Que l’on me dise, en
présence de pareils faits :Vous avez absorbé quelques millions de vente de
domaines, vous avez absorbé quelques restes des anciens capitaux de l'industrie
; sans doute ; mais il faut voir si nous n'avons pas, chaque année, en place
des capitaux qui se trouvaient forcément, par le mouvement des affaires,
entraînés vers une autre destination, créé des valeurs capitales qui ont
enrichi directement la nation ; car là se trouve la question essentielle qu'il
faut examiner pour juger une gestion financière ; si nous n'avons pas surtout
donné à ces capitaux la direction qui pouvait réagir le plus énergiquement sur
les forces productives du pays, sur l'activité, sur la prospérité publique.
Or, cet examen, qu'on
le fasse. Ceux qui ont été à la tête des affaires depuis dix-sept ans, n'ont
rien à en redouter ; ils peuvent l'attendre : avec confiance ils peuvent se
dire que si dans tous les pays on n'avait pour cause de la dette que des
travaux de cette nature, on se rebellerait hautement d'avoir cette dette ;
notre dette, messieurs, a ce caractère spécial, qu'elle est représentée dans
notre revenu, dans notre budget des voies et moyens par des valeurs plus
qu'équivalentes, tandis que, dans d’autres pays, la dette est presque
exclusivement un legs des temps calamiteux. Ce sont les charges résultant des
guerres ou d’autres calamités publiques dont il faut payer l'amortissement dans
les temps de prospérité.
Le temps m'a manqué
aussi, messieurs, comme à l’honorable préopinant pour établir, quant aux 17
années qui se sont écoulées depuis la révolution, la comparaison entre les
capitaux anéantis, ceux qui ont été transformés et ceux qui ont été créés, soit
au moyen des revenus ordinaires, soit au moyen d'anticipations sur l'emprunt,
je dirai même qu’aucun document public complet n'existe sur ce point, et je
m'associe entièrement au vœu émis par l'honorable M. Mercier, de voir le
gouvernement publier ce travail, dût-il coûter une somme assez considérable,
une véritable statistique financière, un compte rendu du produit de tous les
impôts, un compte rendu complet, systématique de toutes les dépenses depuis
1830. Il n'y aurait pas, messieurs, de dépense mieux faite que celle-là.
Je ne puis donc,
messieurs, retracer en détail toutes les transformations de capitaux opérées
pendant 17 années ; mais, messieurs, deux faits me sont revenus en mémoire et
je les cite comme exemple entre plusieurs. Nous avons aujourd'hui le canal de
Charleroy, il a coûté 13,155,000 fr., je pense ; il produit aujourd'hui
1,500,000 fr., peut-être même 1,560,000 fr. de revenu.
Voilà, messieurs,
quelques capitaux qui ont été mangés suivant certaines théories ; mais plût au
ciel que nous eussions mangé un milliard de cette manière, car nous pourrions
évidemment réduire de moitié tous les impôts qui existent aujourd’hui. Le canal
de Charleroy nous donne ce résultat d'un intérêt de 25 à 30 p. c., eh bien, le
canal de Charleroy, (page 175),
comment a-t-il été payé ? En grande partie au moyen de capitaux produits par
les impôts.
Ainsi, messieurs,
pour les années 1841 à 1846, on a prélevé sur les ressources ordinaires (et
l'équilibre subsiste dans ces budgets), on a prélevé sur les exercices de 1841
à 1846, 3,712,000 fr. Nous avons acquis la Sambre canalisée : elle nous
rapporte entre 6 et 700,000 francs. Sur quels fonds a-t-on prélevé les capitaux
consacrés à cet objet ? Encore une fois, pour la plus grande partie sur les
fonds ordinaires, sur les recettes provenant de l'impôt ou des ressources
ordinaires du trésor. Ainsi, par la loi du 17 avril 1845, on a ouvert au
gouvernement, sans créer ni dette flottante, ni dette constituée, un crédit de
4,466,000 fr. Si je pouvais suivre ainsi tous les faits, je rendrais aisément
compte de tous les capitaux qui ont pu être absorbés ; mais pour être juste,
pour faire un compte vrai, il faudrait mettre en regard toutes les valeurs qui
ont été créées et, j'en appelle à la future statistique, ces valeurs dépassent
infiniment celles qui ont été absorbées.
Pour les routes le
même fait se présente. On a affecté aux routes depuis 1830, non seulement le
fonds des barrières, c'est-à-dire le produit des barrières puisque ce n'est
plus un fonds spécial, non seulement des capitaux provenant d'emprunts, mais
presque chaque année on a affecté aux routes, sur les recettes ordinaires, des
sommes très considérables. Je crois que dans l'état actuel des choses, on en
est venu à doubler presque le fonds des barrières en affectant aux routes des
sommes prises directement sur le produit des impôts. Ce sont là des capitaux
que vous créez et dont vous devez, encore une fois, tenir compte lorsque vous
voulez apprécier la situation financière.
Nous avons fait autre
chose depuis 1830. Nous avons réduit les charges de l'avenir. Nous avons, au
moyen des impôts, amorti une partie notable de notre dette. Ainsi lors de la
conversion de l'emprunt de 100,000,000 fr. contracté en 1831, ces frais de la
guerre, de ces dépenses de premier établissement, comme on les a appelées, se
trouvaient déjà réduites à 84 millions.
Voilà donc 16
millions prélevés sur les ressources ordinaires pour amortir notre dette, pour
amortir la dette de l'indépendance belge. Et les effets de notre système
d'amortissement sont tels, je tiens à fixer l'attention de la chambre sur ce
point, que s'ils continuaient pendant 30 ou 40 ans toute la dette créée soit
pour l'indépendance belge, soit pour des travaux d'utilité publique, serait
complètement éteinte au moyen des ressources ordinaires, tandis que nous
conserverions au budget des voies et moyens tous les produits directs, que nous
conserverions dans la circulation, dans le mouvement des affaires tous les
produits indirects résultant des travaux d'utilité publique que nous avons
créés. C'est là un fait immense dont il faut tenir compte lorsqu'on veut
examiner la question de nos finances depuis 1830, dans son ensemble.
La deuxième question
que présente l'examen de notre situation financière, concerne le déficit. Le
déficit a été évalué de diverses manières, tantôt à 15 millions, tantôt à 25
millions ; on l'a même élevé, dans une publication dont je parlais tout à
l'heure, jusqu'à 50 ou 54 millions. Mais, messieurs il faut s’entendre, il faut
bien fixer ses idées sur le sens du mot déficit. Pour moi, il existe un déficit
dans les finances de l'Etat lorsque les recettes et les dépenses ordinaires ne
se balancent pas. C'est là, mais seulement là qu'il y a un déficit.
Dans l'acception
qu'on donne souvent à ce mot, on est trop modeste en disant que le déficit ne
s'élève qu'a 25 ou 50 millions ; il faudrait dire que le déficit est de 586
millions.
En effet, messieurs,
qu'importe qu'une dette soit constituée ou qu'elle soit flottante ? Si
tout espèce de dette est appelée déficit, vous devez appliquer la même
qualification de déficit, aussi bien à la dette constituée qu'à la dette
flottante ; car si vous raisonniez alitement, ce qui est aujourd’hui déficit
cesserait de l'être demain ; il suffirait pour cela de convertir la dette
flottante en dette consolidée.
Le profit ne serait
pas grand puisque la dette consolidée se serait accrue de toute la somme de la
dette flottante que vous auriez éteinte. Ainsi, si vous voulez donner au mot
déficit le sens large que, par une erreur fondamentale, on y donne trop
souvent, il faudrait dire que le déficit comprend les 25 ou 30 millions de la
dette flottante, plus tous les capitaux dont vous êtes débiteurs, plus 586
millions de francs, capital de notre dette.
Lorsque vous
anticipez sur l'avenir, lorsque vous levez des capitaux pour créer des travaux
d'utilité publique, pour faire des acquisitions d'immeubles, un emploi
quelconque de capitaux, ce n'est pas réellement un déficit que vous créez,
c'est un capital que vous engagez, et toute la question est de savon si l'on ne
va pas trop vite dans cet engagement de capitaux, si l'on ne crée pas des
embarras pour des circonstances difficiles ; la question est encore de savoir
si l'emploi auquel on affecte les capitaux est utile, réellement productif soit
d'une manière directe soit d'une manière indirecte.
Voyez, en effet,
messieurs, la singulière position que l'on se ferait si l'on entendait le mot
déficit d'une autre manière.
Je prends pour
exemple le canal latéral à la Meuse, et je suppose qu'au lieu d'autoriser le
gouvernement à émettre 3,500,000 fr. de bons du trésor pour la création de ce
canal, on eût, comme on pouvait très bien le faire, autorisé le ministre des
finances à négocier, au cours du jour, des rentes perpétuelles, des rentes
inscrites, à raison de 3,500,000 francs de capital. D'après les honorables membres
qui entendent le mot déficit dans ce sens large, mais inexact, la création du
canal latéral à la Meuse ne nous eût pas créé de déficit, parce que ces
capitaux seraient entrés élans la dette constituée, tandis que le mode qui a
été suivi aurait créé, d'après eux, un déficit de 3,500.000 fr. Eh bien, je
vous le demande à vous tous, en raison comme en bonne arithmétique, le résultat
financier n’est-il pas identiquement, à un centime près, le même dans les deux
cas ?
La question est donc
double sous ce rapport. La destination donnée aux capitaux pour travaux
d'utilité publique, est-elle justifiée ? Ces dépenses sont-elles bonnes en
elles-mêmes ? Et enfin le capital de ces dépenses pouvait-il, devait-il
raisonnablement être demandé à l'impôt ?
Si vous me dites que
l'emploi de ces capitaux est mauvais, qu'on aurait pu donner à cette partie du
crédit public une application plus utile, vous qualifiez un acte ; vous dites :
« On a eu tort de faire telle ou telle dépense. » Mais vous ne me dites pas que
j'ai créé un déficit.
Si vous reconnaissez,
au contraire, et je pense que personne ne peut le méconnaître, qu'on a
utilement géré la fortune publique en créant le chemin de fer, en développant
notre système de communications, en perfectionnant nos voies navigables, en rachetant
des canaux, en affranchissant notre territoire du ravage des eaux dans
certaines localités, ah ! alors il ne s'agit plus de savoir si ces capitaux
devaient être demandés soit à l'impôt, soit à la dette flottante, soit à la
dette constituée.
Eh bien, cette
question ne comporte pas cinq minutes de discussion ; tous les précédents de la
chambre sont là, la nature des choses elle-même est là pour dire que pour créer
des chemins de fer, des routes, des canaux, le contribuable d'aujourd'hui n'a pas,
ne peut pas avoir l'obligation de donner sur ses revenus le capital nécessaire
à ces travaux dont les générations futures doivent profiter comme lui.
L'obligation que nous avons envers l'avenir est largement remplie, lorsque
nous, contribuables d'aujourd'hui, nous faisons face, par nos revenus, aux
intérêts de ces capitaux et que nous contribuons (je vous ai démontré que nous
le faisons) à les amortir.
.Messieurs,
permettez-moi, sous ce rapport, une comparaison bien vulgaire. Un propriétaire
possède un immeuble de la valeur d’un million ; il emprunte 200,000 fr.
pour améliorer cette propriété, pour donner plus de travail, plus d’aisance aux
ouvriers qu’il a attachés à sa propriété : direz-vous que ce propriétaire s’est
appauvri, qu'il a mal géré sa fortune ; que cette propriété d'un million ne
vaut plus que 900,000 fr. ? Non ; si l’emprunt qu'il a fait pour améliorer
ce territoire a donné une plus-value directe à cette propriété, peut-être
pourra-t-il, en la réalisant, avoir fait un profil de 2 ou 300,000 fr.
En bien, ce que je
viens de dire de cet acte d'un bon propriétaire, c'est identiquement ce que le
gouvernement belge a fait dans les actes dont je m'occupe en ce moment. Nous
avons amélioré, fécondé notre sol ; nous avons consacré à ces améliorations des
capitaux ; nous payons les intérêts de ces capitaux ; nous contribuons pour une
large part à les amortir ; nous avons fait, nous continuerons, j’espère, à
faire acte de bon propriétaire.
Il y a loin de là à
un déficit, à cet espèce de fantôme financier qu'il faille se hâter de faire
rentrer dans les ténèbres !
La dette flottante
doit être analysée, non seulement quant à la nature des dépenses qu’elle
représente en quelque sorte, mais aussi quant au temps pendant lequel on l’a
créée. Et ici je touche à une question qui a été souvent agitée dans cette
enceinte ; il y a du danger dans la dette flottante ; selon moi, le
danger existe, lorsqu’on se lance précipitamment et étourdiment dans des
entreprises trop considérables.
Sous ce rapport,
examinez le tableau de notre dette flottante actuelle, et vous verrez qu’elle
ne représente que la somme des travaux d’utilité publique, entrepris pendant
les quatre ou cinq dernières années. Je fais des vœux pour que dans l’avenir on
soit aussi prudent dans l’adoption des dépenses nouvelles.
Le chiffre de la
dette flottante, d'après le mode d'émission actuel, n’est pas, selon moi,
disproportionné avec les facultés, avec la situation du pays ; déjà ce point a
été traité hier, je m'abstiens d'y revenir en ce moment.
Le chiffre, quel
doit-il être ? D'après le projet de budget des voies et moyens, que nous avons
soumis à la chambre vers la fin de la dernière session, l'émission maximum en
1848 aurait dû être de 21 millions ; par suite des amendements de mon honorable
successeur, le maximum de l'émission devrait être de 25 millions.
J'accepte un moment
le chiffre de 25 millions et je me demande quelle est aujourd'hui la force
réelle de notre dette flottante, en d'autres termes, pourquoi, d’après le
gouvernement, sommes-nous obligés d'autoriser une émission de 21 ou de 25 millions ?
Ce n'est pas parce
que nous avons autorisé des travaux publics jusqu'à concurrence de cette somme,
car nous avons autorisé des travaux publics et des émissions pour une somme
supérieure à celle-là ; il y a donc une déduction à faire sur notre dette
flottante, et cette réduction résulte de la réserve de l'amortissement.
On vous disait hier,
si je ne me trompe, que, quand vous employez la réserve de l’amortissement à
éteindre ou à réduire la dette flottante, c'est encore une fois un capital que
vous mangez. Il n'en est absolument rien. L'amortissement est fourni par
l'impôt, et se trouve dans notre budget. Il est parfaitement rationnel, il est
très utile de ne pas donner l'allocation à l'amortissement, lorsqu'on est forcé
à émettre d'une autre main une nouvelle dette et lorsque le contrat relatif à
la dette existante n'oblige pas à faire agir l’amortissement. Je conçois donc
fort bien que la loi de 1844 ait décidé que, quand le contrat n’oblige pas à
amortir, la réserve de l’amortissement, c'est-à-dire, une partie de nos
revenus, viendrait en déduction de la dette flottante. Voilà pourquoi le (page 174) chiffre des émissions est
moindre que le chiffre des autorisations pour travaux publics, sans que
cependant l'on consomme des capitaux.
Pourquoi, d'un autre
côté, en raisonnant d'après les faits indiqués par M. le ministre des finances,
notre émission peut-elle être au-dessus de ce qu'elle devrait être réellement ?
C'est parce que parmi les valeurs que le trésor possède, ainsi que le déclare
le gouvernement, une certaine partie n'est pas immédiatement réalisable. Vous
trouverez, messieurs, des explications détaillées sur ce point à la page XIII
de la situation du trésor. Ces valeurs non réalisables en ce moment s'élèvent à
13,460,409 fr.
Si elles étaient
émises, la dette flottante ne serait ni de 21 ni de 25 millions, mais elle
varierait entre 9, 10 et 11 millions, suivant qu'on adopte les calculs
présentés dans la situation du 25 juillet ou dans le travail remarquable de M.
Hubert, ou, en dernier lieu, ceux qu'indique M. le ministre des finances
lui-même.
Ces valeurs, non
immédiatement réalisables, quelles sont-elles ? Il y en a de deux espèces
comprises au chiffre de 13,460,000 fr. et une troisième qui n'y est pas
comprise. La première, c'est l'encaisse de 1830 ; la deuxième, ce sont quelques
capitaux à 2 1/2 p. c, dont le gouvernement est aujourd'hui propriétaire ; je
citerai notamment le million de florins qui a été restitué à la Belgique et qui
provient de l'ancien fonds d'agriculture.
M. le ministre des
travaux publics, parlant de l'encaisse de 1830, a dit que c'était un joujou
financier, que c'étaient des chiffons de papier.
Je me permettrai de
faire remarquer à M. le ministre des travaux publics que son collègue des
finances n'en juge pas ainsi et que, dans la situation sur laquelle je
raisonne, il compte cette somme comme une bonne et belle valeur, car si ce
n'est pas cette somme qui se trouve comprise dans les 13,400.409 fr., je
voudrais qu'on me dît quels sont les éléments de cette somme. J'insisterai du
reste, sur ce point, parce que je partage l'opinion de M. le ministre des
finances sur la réalité de ces valeurs et que je voudrais faire partager mon
opinion à la chambre.
M. le
ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Je vous répondrai.
M. Malou. - Vous me répondrez
? Mais vous voudrez bien remarquer qu'en même temps vous répondrez à votre
collègue le ministre des finances.
Rappelons sommairement
les faits quant à l'émission de 1830. La Société Générale, caissier du
gouvernement des Pays-Bas, se trouvait nantie d'une somme, pour le compte de
l'Etat, de 12 millions et quelques cent mille francs. cette somme était
improductive. Une convention est intervenue sous le ministère de MM. Rogier et
Lebeau, quand notre ancien collègue M. Duvivier avait le portefeuille des
finances ; par suite de cette convention l'encaisse tout entier y compris la
somme qui appartenait aux provinces, a été placé en bons du trésor, de manière
qu'il est devenu productif d'intérêts au profit de l'Etat. Mais sans détruire
un encaisse réel en numéraire, une valeur qui est revenue ou qui est restée, si
l'on veut, au gouvernement belge, on l'a transformée en une valeur productive.
L'encaisse de 1830 a subi deux autres transformations, suivant les convenances
du crédit public ; d'abord on l'a placé en 5 p. c., c'est-à-dire qu'on a retira
les bons du trésor et qu'on les a remplacés par des obligations 5 p. c. , ces
obligations 5 p. c. ont ensuite été remplacées par des obligations à 4 p. c. en
titres de l'emprunt de 30 millions qui représentent encore l'encaisse. Depuis
lors sous toute réserve vis-à-vis du caissier général, on a porté les intérêts
en recettes et on a continué de porter en dépenses au budget de la dette
publique la totalité des intérêts de l'emprunt de 30 millions. Ici encore, je
pense que nous sommes d'accord en fait.
Maintenant il y a
deux partis à prendre à l'égard de ces titres qui représentent une partie de la
dette consolidée, qui proviennent d'un versement matériel de plus de 12
millions de numéraire ; ou bien vous remettrez ces titres en circulation ou
vous les brûlerez. Si vous remettez ces titres en circulation, c'est, selon
moi, l'hypothèse la moins probable, je le dis franchement, vous réalisez, au
fur et à mesure des émissions, une somme capitale de 12 millions, et en même
temps si vous réalisez une somme d'argent de 12 millions, vous aurez 12
millions de bons du trésor de moins à émettre. C'est là une vérité première
qu'on ne contestera pas.
Je fais séparément le
compte des capitaux. Vous reconnaîtrez que dans cette première hypothèse notre
dette flottante peut être diminuée de 10 millions.
Je vais faire le
compte des intérêts. Vous réduirez votre budget des dépenses de la dette
flottante de 537 mille francs, de sorte que l'émission vous donne 12 millions
de capitaux et 12 millions de réduction de la dette flottante et laisse votre
dépense dans la situation où elle est aujourd'hui, bien que vous diminuiez dans
votre budget des voies et moyens 537 mille francs ; je pense que cela est
parfaitement clair.
Je viens à la
deuxième hypothèse que je crois la plus probable, qu'on se décidera, par des
raisons de crédit public que j'approuve et que j'appuierai au besoin, à brûler
cette partie de l'emprunt ; quel sera le résultat de cette opération ? Le voici
: Vous devrez porter en boni des années antérieures à 1848, comme non dépensé
ou amorti, un capital en plus de 12 millions. C'est tout ce que je. demande ;
c'est ce qui prouve dans cette deuxième hypothèse, comme dans la première, la
réalité de la valeur. Si vous brûlez ces titres, vous ne pouvez pas continuer à
compter au passif la totalité des 30 millions ; vous devez déduire la partie
non émise ou amortie. Il me parait que dans l'une et l'autre hypothèse, on a
pour résultat la réalité de l'encaisse de sa valeur. Je conclus en disant que
M. le ministre des finances a bien fait de compter cette valeur comme devant
venir en allégement de notre situation financière.
Ces considérations
que je viens de présenter à la chambre, cette appréciation qui a été
constamment faite, depuis que l'encaisse existe, par tous les ministres des
finances qui se sont succédé, est faite encore par l'auteur du travail dont
j'ai déjà parlé. Voici ce que dit M. Hubert dans ce travail, p. 17. « Le
découvert ou la dette flottante serait reporté ainsi à 33,879,605 fr. 23 c.
« Mais par contre
nous posséderions des valeurs pour une somme de 23,360,880 fr. 53 c. Il s'agit
aussi d'autre chose encore que de l'encaisse qui pourrait être appliquée à la
réduction de notre dette consolidée.
« Que ce soit la
dette flottante ou la dette consolidée qui profite de ces valeurs, cela est
complètement indifférent au point de vue de notre situation financière envisagée
dans son ensemble, puisque, si nous devions plus en dette flottante, nous
devrions moins en dette inscrite, et vice-versa. »
Il en est de même de
la deuxième valeur non immédiatement réalisable qui se trouve comprise dans les
13,400,000 fr. Nous avons acquis au profit du trésor des inscriptions s'élevant
à peu près à 2 ou 3 millions en 2 1/2 p. c. Ces inscriptions ont été acquises ;
elles ont été versées, comme capital acquis dans les caisses de l'Etat. Mais
par cela seul qu’elles sont versées dans les caisses de l'Etat, elles ne sont
pas amorties. Elles sont susceptibles d'être émises ou d'être amorties ; dans
l'une comme dans l'autre hypothèse, elles viennent en allégement à notre dette
flottante.
Je disais tout à
l'heure qu'il y avait une troisième valeur non réalisable, et qui, par des
motifs que j'approuve, n'a pas été réalisée jusqu'à présent. Je veux parler des
fonds que la Belgique a acquis à forfait pour achever les anciennes
liquidations.
C'est là encore un
capital qu'on pourra émettre, ou qu'on pourra amortir, selon qu'on le jugera
convenable. Mais dans tous les cas, c'est un capital que vous avez. Les
considérations que j'ai eu l'honneur de présenter, quant à l'encaisse,
s'appliquent à tous les capitaux que le gouvernement possède comme
propriétaire.
Pour rendre plus
sensible la réalité de l'encaisse, je ferai deux suppositions extrêmes.
Je suppose que M. le
ministre des finances fasse acheter aujourd'hui à la bourse une pièce de
l'emprunt de 1840, montant, je suppose, à 980 fr. Il est possesseur d'un titre
de l'emprunt. Il dépend de lui ou de remettre cette pièce en circulation, et de
retirer ses 980 fr. soit une somme supérieure ou inférieure, selon le cours, et
de le brûler. Lorsqu'il l'aura brûlé, il aura enrichi l’Etat de 980 fr.,
puisqu'il aura diminué d'une somme égale la dette inscrite.
Ce que je dis d'une
pièce, pour rendre ma pensée plus palpable en quelque sorte, je le suppose, par
impossible, appliqué à toute notre dette. Je suppose que le gouvernement soit
devenu propriétaire des 586 millions qui forment aujourd'hui notre dette. Vous
vous trouverez dans cette heureuse alternative de dire si vous voulez avoir une
dette, ou n'en pas avoir. Vous pourriez décider que vous amortissez toute cette
dette. Dans tous les cas, l'Etat serait enrichi de 88o millions.
Ainsi, quelque
supposition que l'on fasse, on arrive toujours à ce résultat que l'encaisse de
1830, comme les fonds à 2 1/2 p. c. provenant de la liquidation avec la
Hollande, comme les fonds des anciennes créances, sont des valeurs réalisables
qui viennent alléger, améliorer votre situation financière.
Du reste, je le
répète, dans la situation du 23 juillet, et dans les observations que je viens
de présenter à la chambre, il y a des lacunes immenses quant aux acquisitions
que le gouvernement a faites.
Ainsi, je n'ai pas
compris dans la situation du 23 juillet les quatre millions d'actions du chemin
de fer rhénan. Je n'ai pas compris non plus (ce qui est une valeur très
intéressante aujourd'hui) plus de 3 millions que le gouvernement possède dans
un des plus grands établissements du pays, qui est en pleine prospérité. Les
actions de Seraing rapportent aujourd'hui à l'Etat au-delà de 10 p. c.
Le seul point de
dissentiment qui puisse exister entre M. le ministre des finances et moi, c'est
la différence entre le chiffre de 21 millions et le chiffre de 25 millions
indique comme maximum des émissions en 1848. Je crois qu'une discussion
approfondie sur ce point, que je puis qualifier d'accessoire, est impossible en
ce moment. Il faudra parcourir les renseignements que j'ai demandés hier à M.
le ministre des finances. Je ne doute pas qu'il ne les transmette à la chambre
avant la discussion du budget des voies et moyens auquel se rattache cette
question, puisqu'il s'agit là de déterminer le maximum d'émission.
M. le ministre
des finances (M. Veydt). - Je les ai déjà
transmis au rapporteur de la section centrale du budget des voies et moyens.
M. Malou. - Quant à ce point,
je m'abstiendrai donc d'entrer dans des détails. Nous nous en occuperons à la
discussion du budget des voies et moyens.
S'il était démontré
que les crédits supplémentaires, pour les années antérieures à 1848, doivent
être nécessairement couverts par des bons du trésor, je voterai bien volontiers
une émission maximum de 25 millions. I y a déjà, de l'aveu de M. le ministre
des finances, une déduction à faire quant à ces dépenses, puisque pour le
département des finances il y a une simple régularisation à faire.
Il me reste deux
points à examiner : ce qu'on a appelé hier les dettes du passée ce que
j'appellerai les besoins du présent et de l'avenir. Je (page 175) place en première ligne parmi les dettes du présent, ces
crédits supplémentaires dont je vous parlais tout à l'heure ; ils sont pour
ainsi dire inévitables. A quelque époque que s'opère un changement ministériel,
on trouvera des crédits supplémentaires à présenter aux chambres. On se fait
illusion lorsqu'on espère en réduire beaucoup le nombre et l'importance. Je
suis convaincu que les efforts de tous mes prédécesseurs comme les miens n'ont
pas manqué pour réduire dans les limites les plus étroites les crédits
supplémentaires. Mais en examinant le nombre des dépenses comprises dans le
budget, on conçoit facilement que quelque exactes que puissent être les
prévisions du gouvernement, des événements naturels, fortuits viennent les
démentir à certains égards.
Une partie de nos
dépenses n'est pas facultative, mais obligatoire d'après les lois. Sur une
autre partie, et elle est très considérable, le prix des denrées réagit d'une
manière très forte.
Quelles que puissent
être vos évaluations, une mauvaise récolte, une bonne récolte vient les changer
en bien ou en mal. Vous arrivez, ainsi forcément, quelle que soit votre
prudence, quelles que soient vos précautions, à présenter aux chambres des
crédits supplémentaires.
Si c'est là une dette
du passé, ce sera toujours une dette du passé, à quelque point que l'on veuille
fixer la ligne de démarcation pour apprécier une situation ;
Il y a, dans ce que
l'honorable ministre des travaux publics appelait les dettes du passé, la
dépense à résulter des lois déjà admises par la chambre, mais qui n'ont pas
encore reçu leur complète exécution : ainsi le canal de Zelzaete, les canaux de
la Campine, une partie, je crois, du canal latéral à la Meuse, d'autres travaux
peut-être que je ne me rappelle pas en ce moment, exigent encore des crédits
que M. le ministre des travaux publics a évalués à 4,800,000 fr.
La chambre et le
gouvernement ont prudemment agi en échelonnant sur un certain nombre
d'exercices des travaux considérables.
Celle idée se
rattache au système que j'ai défini tout à l'heure, qu'il ne faut pas se lancer
trop imprudemment dans des travaux publics qui pourraient grossir inopinément,
dans des circonstances défavorables, le chiffre de notre dette flottante. Mais,
pour ces travaux, il ne s'agit pas de savoir si c'est une dette du passé ou un
besoin de l'avenir.
La question est de
savoir si cette dépense fait partie de nos dépenses ordinaires ou si elle doit
être demandée, comme l'ont été les premiers crédits, à l'emprunt. Eh bien ! je
suis d'accord avec l’honorable ministre des travaux publics ; quand on devra
demander des crédits pour compléter ces travaux dont je viens de parler, c'est
à la dette flottante ou à la dette constituée, en d'autres termes, pour
m’exprimer d'une manière négative, ce n'est pas aux revenus ordinaires de
l’Etat que ces sommes devront être demandées.
J'ajouterai, comme on
le dit à côté de moi, que beaucoup de ces sommes sont destinées à devenir
productives, et que pour certaines d'entre elles, il y a des remboursements
partiels à faire par les propriétaires intéressés.
Je viens, messieurs,
au fonds des routes.
L'honorable ministre
des travaux publics nous a dit, hier, que ce fonds était complètement absorbé,
si j'ai bien compris, pour deux années.
Je regrette,
messieurs, que mon ancien collègue, M. le ministre des travaux publics d'alors,
aujourd'hui ministre des affaires étrangères, ne soit pas présent pour
compléter ce que mes souvenirs pourraient avoir d'incomplet, d'infidèle en ce
qui concerne le fonds des routes. Je fais, du reste, un appel à sa loyauté ; il
verra dans le Moniteur mes observations, et il pourra les compléter au besoin.
Quelques-unes de nos
dépenses sont nécessairement, par la force des choses, échelonnées sur
plusieurs exercices. Ainsi, vous adjugez une route. Vous n’irez pas, lorsque
vous donnez un subside de 50,000 fr. et qu’une lieue de route doit coûter, par
exemple, 100,000 fr., vous n’irez pas adjuger une demi-lieue de route, parce
que vous ne trouveriez pas d'adjudicataire, ou que vous subiriez des conditions
très onéreuses. Que faites-vous alors ? Vous prenez des engagements échelonnés
sur plusieurs années et vous trouvez ainsi le moyen, avec le concours des
provinces et des communes, d'entreprendre des sections de routes l'une après
l'autre.
Cela s'est toujours
fait ; je dirai même plus : c'est un antécédent administratif qui est
formellement consacré par la loi, et je vais le prouver.
Quand on a discuté la
loi de comptabilité, on a posé en principe qu'un ministre ne pourrait jamais
prendre d'engagement pour une durée plus longue que celle de l’existence du
budget, mais on a eu soin de faire des exceptions, et surtout une exception
pour les routes. J'ai un souvenir très précis de la discussion. Je me rappelle
que j'ai invoqué, dans la discussion, la nécessité où se trouvait le
gouvernement d'imputer sur plusieurs exercices les subsides qu'il accordait
pour les roules.
M. Osy. - Pour l'entretien.
M. Malou. - Non, pas pour
l'entretien, mais pour la construction. Il suffit de consulter la discussion.
M. le
ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - C'est complètement
inexact ; je répondrai.
M. Malou. - Je ne dis pas que
l'exception pour les routes soit écrite dans la loi de comptabilité ; mais
qu'on a admis des exceptions et que dans le débat, il a été question des
routes, de la nécessité d'échelonner sur plusieurs exercices les dépenses de
cette nature.
Messieurs, voici ce
qui s'est passé, si je me rappelle bien, en 1845 et en 1846, quant au fonds des
routes.
Nous avons d'abord
porté au budget, de commun accord, l'honorable M. d'Hoffschmidt et moi, un
crédit extraordinaire de 400,000 fr., qui a été maintenu également en 1847, et
qui, je le vois avec plaisir, est proposé aussi pour 1848. Si j'ai bien saisi
les développements du budget de M. le ministre des travaux publics, ce fonds
des routes ne serait pas complètement engagé ; seulement il y en aurait une
partie engagée pour 1848 et 1849.
La question, pour
moi, est de savoir si l’on a bien ou mal fait d’engager cette partie du fonds
des routes ; si l'on a engagé une somme trop forte, de manière à ce que M. le
ministre des travaux publics n'ait pas la faculté d'engager à son tour une
somme raisonnable, en proportion avec celle qui est votée au budget. Là est,
pour moi, toute la question. Mais en principe administratif, en principe de
gestion financière (je défends ici un collègue actuel de M. le ministre des
travaux publics) ; en bonne gestion financière, cet acte me paraît
irréprochable.
Si l'on avait trop
engagé le fonds des routes pour 1848 et 1849, je me permettrais, messieurs, de
plaider, quant aux routes, ce qu'on appelle, ailleurs les circonstances
atténuantes ; à raison de la crise des subsistances que nous avons traversée,
et du reste si mes collègues avaient pris des engagements trop étendus, qui
limitassent trop la liberté d'action de M. le ministre des travaux publics
actuel, surtout pour une dépense aussi populaire, aussi utile que les route, je
serais le premier à m'associer à une demande de crédits supplémentaires.
Nous voilà encore
d'accord sur ce point, sauf à discuter le chiffre.
Il reste enfin,
messieurs, deux catégories de dépenses : les lois proposées à la chambre,
telles que les lois sur l'instruction moyenne ; sur l'organisation de l'école
vétérinaire ; sur la réforme des dépôts de mendicité et des prisons, etc.,
c'est-à-dire des principes posés par les précédents cabinets, qui se
résoudraient, s'ils étaient admis, en dépenses annuelles au budget de l'Etat.
L'honorable ministre
des travaux publics a évalué hier ces dépenses à 3 millions. Je me permettrai
de lui demander si c'est 3 millions de capital ou 3 millions, de rente. La
différence est énorme. Je crois que si c'est 3 millions de capital c'est
beaucoup trop peu, que si c'est 3 millions de rente c'est beaucoup trop.
Mais permettez-moi,
messieurs, de m'étonner de la singulière arithmétique qu'a employée hier, dans
cette partie de son discours, M. le ministre des travaux publics. Voilà des
projets de lois émanés de l'initiative du gouvernement, qui n'ont reçu ni la
sanction de la chambre, ni la sanction du sénat, ni la sanction du Roi et que
l'on compte comme dettes du passé ! Mais, messieurs, il ne tient qu'à vous de
rendre au passé un singulier service sous ce rapport : retirez ces projets de
lois et le passé n'aura pas de dette de ce chef. Vous êtes libre de les
retirer.
Dès lors pourquoi
mettez-vous sur le compte du passé les charges que l'adoption de ces projets
peut entraîner ? Vous ne voulez pas les retirer, vous les modifierez, vous les
ferez adopter, il en résultera des dépenses. Eh bien, si vous ne les retirez
pas, si vous les faites adopter, vous les faites vôtres et les dépenses qu'ils
doivent entraîner ne sont pas une dette du passé. Ce sont là des besoins de
l'avenir, constatés par vous.
Vous ne pouvez pas
répudier les dépenses et adopter les principes ; les deux choses sont liées
étroitement, intimement entre elles. Repoussez donc les projets ou admettez les
dépenses, qui seront la plupart justifiées, j'aime à le croire, qui sont des
dépenses utiles, mais qui doivent être couvertes par nos revenus ordinaires.
Une autre dette a été
injustement, selon moi, mise à charge du passé ; c'est le complément du
chemin de fer. Au milieu des deux années de crise que nous avons traversées (et
je prie la chambre, dans l'appréciation des actes, de ne jamais perdre de vue
les circonstances où ils ont été posés), le gouvernement devait s'abstenir de
faire de propositions larges, complètes pour terminer, si l'on peut terminer
jamais, cette grande œuvre que l'on a déjà déclarée terminée depuis si
longtemps. Nous discuterons ces besoins. Nous verrons si et jusqu'à quel point,
dans l'avenir, il faut voter des sommes pour le chemin de fer ; mais, encore
une fois, messieurs, qu'importent ces dépenses à notre situation financière ?
Ii faut faire une
distinction, et la maintenir toujours entre ce que vous demandez à l'impôt et
ce que vous demandez à l'emprunt. D'ailleurs, messieurs, en supposant qu'il
faille une somme de 7 ou 8 millions, 10 millions, le gouvernement dit 20
millions, pour compléter le chemin, de fer, pour compléter notamment le
matériel, cette dépense doit nécessairement se résoudre en une augmentation des
recettes. Je ne comprendrais pas cette dépense, si elle n'avait pas en
elle-même sa compensation. Permettez-moi de le dire, c'est la continuation du
système suivi depuis 1830, de faire des dépenses utiles directement,
productives. Nous examinerons donc, quant au chemin de fer, quelle somme sera
nécessaire pour le compléter, et cette somme, comme les 175 millions que nous
avons dépensés pour la construction du chemin de fer, nous la demanderons à
l'emprunt, soit à l'emprunt consolidé, soit à la dette flottante.
Je crois avoir
rencontré sommairement tous les points de détail indiqués par M. le ministre
des travaux publics, et je suis d'accord avec lui sur la nécessité de quelques
dépenses, sur la probabilité de quelques autres ; le seul point sur lequel je
diffère d'opinion avec lui se rattache au règlement de compte de la situation
antérieure à la formation du cabinet actuel.
(page 176) L’honorable ministre des travaux publics, avec lequel je
suis d'accord sur certains points, a demandé hier, et M. le ministre de
l'intérieur vient de demander tout à l’heure encore, comment je couvrirai les
dépenses que l'avenir peut rendre nécessaires. Je pourrais, ici, messieurs,
décliner ma compétence en disant que je ne suis point ministre et que si le
gouvernement fait adopter dans l'avenir le principe de dépenses nouvelles, son
devoir, son initiative naturelle, nécessaire est de proposer les moyens de
couvrir ces dépenses ; mais, messieurs, je veux aller beaucoup plus loin et me
permettre de faire un instant comme si j'étais encore ministre. Je n'avais pas,
messieurs, pendant les deux années que j'ai passés au banc ministériel, perdu
de vue cette nécessité d'augmenter les ressources de l'Etat, cette nécessité de
donner plus de jeu, plus de liberté d'action au gouvernement, dans notre
mécanisme financier, dans notre situation, plus d'élasticité en quelque sorte,
dans les dépenses que l'on réclame de toutes paris et qui toutes ont en elles
une certaine somme d'utilité. Et, messieurs, voici mon système ; je m’estime
heureux qu'on m'ait fourni l'occasion de l'exposer, afin que le pays, les
contribuables puissent juger s'il vaut mieux que celui dans lequel on paraît
vouloir entrer.
D'abord je n'aurais
point proposé la loi sur le droit de succession ; je n'aurais point propose
d'autres lois qui touchent, pour les aggraver, aux lois d'impôt actuellement
existantes.
Je ne l'aurais pas
fait et je crains, d'après les premiers actes qui ont été posés, que ce soit
précisément ce que le cabinet actuel est disposé à faire.
J'avais mis à
l'étude, j'avais presque complété l'étude d'une mesure que je considère comme
éminemment utile, comme éminemment féconde en ce qu'elle est un impôt avec
compensation ; je veux parler, messieurs, de la question des assurances par
l'Etat. Dans mon opinion, opinion que je maintiendrai, que je défendrai toutes
les fois que l'occasion s'en présentera, le seul impôt véritablement utile que
vous puissiez introduire en Belgique, c'est l'établissement du système des
assurances, dans son acception la plus large.
Je dis dans son
acception la plus large, parce qu'il faut pourvoir non seulement aux assurances
contre les dégâts matériels, mais organiser en Belgique les institutions
sociales, les institutions de crédit qui ont acquis dans d'autres pays une
puissance immense ; je veux parler du règlement des fonds d'accumulation,
espèce de tutelle que le gouvernement exerce soit sur les classes inférieures
de la société, soit sur les classes supérieures, quand elles veulent assurer
leur avenir. Je voulais remettre au gouvernement le système des tontines, les
assurances sur la vie comme au tuteur des ouvriers et de toutes les classes de
la société, comme à celui qui était en quelque sorte le président-né de la
prévoyance de toutes les classes de la nation.
Vous avez là un impôt
nouveau, à larges bases, un impôt qui donnerait des produits et qu’on payerait
sans la moindre répugnance. On ne regretterait pas les quelques centimes que
chacun pour sa part devrait verser au trésor parce qu'on verrait, chaque jour,
à chaque instant, qu'il y a une compensation, qu'à cote de l'impôt, il y a un
grand, un immense bienfait.
En parlant des fonds
d'accumulation, des tontines, des assurances sur la vie, j'y comprends, quelles
que puissent être les objections de détail, les caisses d'épargne qui tout
aussi une forme de la prévoyance, à la tête de laquelle le gouvernement, seul
tuteur des intérêts de tous, doit se trouver, s'il veut remplir d'une manière
complète la mission sociale que les idées, les mœurs du siècle lui ont donnée.
J'y aurais compris,
parce qu'il faut agir, non seulement dans l'intérêt des masses, mais aussi dans
celui du gouvernement, comme représentant la nation ; j'y aurais compris le
système des banques auquel vous devrez fatalement arriver, si vous voulez être,
non seulement une puissance matérielle, exploitant des chemins de fer, mais
encore une puissance financière, une puissance réelle enfin, au siècle où nous
vivons.
Voilà quel est mon
système ; et ce système (les faits sont déjà acquis, connus] pourvoyait très
largement et pour longtemps à tous les besoins de l'avenir. Il ne fallait pas
ici remuer, inquiéter tour à tour telle et telle classe de contribuables, il ne
fallait pas fouiller dans les secrets de famille et de la conscience.
Eh bien, le système
que je viens de définir, que je voulais réaliser au pouvoir, conséquent avec
moi-même, je travaillerai de tous mes moyens, de toute mon énergie, à la
réaliser dans ma position nouvelle, parce que j'ai la conviction profonde que
c'est le seul qui puisse donner au gouvernement les résultats qu'il doit avoir
en vue, sans froisser les mœurs et les sentiments du pays, sans désaffectionner
les populations.
Car pour moi la
question d'impôt n'est pas de savoir si vous aurez un million ou deux de plus
ou de moins ; c'est de savoir si le gouvernement national conservera dans le
pays les racines puissantes qu'il y a jetées à la suite de la révolution de
1830.
Telle est ai question
d'impôt, comprise, non au point de vue de quelques millions, mais au point de
vue de notre nationalité, de notre avenir, au point de vue des intérêts vitaux
du pays.
Pour les besoins
prochains, pour les besoins immédiats, j'avais compté sur deux choses ; j'avais
compté, et j'avais droit de compter, sur un fait qui n'a jamais fait défaut au
budget des voies et moyens depuis 1830, c'est-à-dire sur le développement
régulier, progressif des impôts existants, dans les circonstances normales. Je
dis que j'avais doit d'y compter, et quand nous en viendrons au budget des
voies et moyens, j’espère établir que, pour avoir l'équilibre entre les
recettes et les dépenses ordinaires de 1848, on n'avait pas besoin de recourir
à de nouveaux impôts.
Comment l'équilibre dans le budget de 1848 est-il
détruit ? Que l'honorable ministre des travaux publics me permette de le lui
dire : Il a très mal saisi, ou il a exagéré mon observation. Je n'ai pas de
parti pris sur le point de savoir s'il faut, au budget de 1848, porter la
recette du chemin de fer à 16 millions ou à 16 millions 500 mille francs. Mais
voici mes doutes, doutes que j'ai émis hier d'une manière un peu vive
peut-être, mais avec simplicité, pour qu'on les levât, s'ils n'étaient pas
fondés.
En exploitant le
chemin de fer tel qu'il est, avec un matériel incomplet, en exploitant moins de
routes, et ayant à faire des transports gratuits considérables, à raison de la
crise des subsistances, vous avez eu, année commune, une augmentation de
1,100,000 à 1,200,000 fr. dans la recette du chemin de fer. Ce fait nous est
acquis par tous les précédents du chemin de fer.
Que fait-on dans le
projet de budget des voies et moyens, présenté par l'honorable ministre des
finances ? On y comprend uniquement cette augmentation de 1,200,000 fr., somme
ronde. Or, vous n'aurez pas l'année prochaine ces transports gratuits, qui ont
imposé des sacrifices de recettes de 3 à 400,000 fr. ; vous aurez en plus les
400 wagons dont la construction a été décrétée ; vous aurez en plus
l'exploitation de deux nouvelles lignes, Jurbise et Hasselt ; pour tous ces
faits, vous ne portez pas un centime d'augmentation dans l’évaluation de la
recette présumée du chemin de fer en 1848, puisque vous fixez l'augmentation
normale à 1,2000,000 fr.
Ce fait a excité chez
moi, non pas du scandale comme l'a prétendu M. le ministre des travaux publics,
mais de l'étonnement et quelque doute ; la chambre reconnaîtra que ce doute
était, jusqu'à un certain point, légitime. Mais il l’est beaucoup plus
aujourd'hui. Je lis dans le discours de M. le ministre des travaux publics,
qu'y compris le service de nuit, on compte, pour 1848, sur une augmentation
d'un cinquième de mouvement.
M. le ministre
des travaux publics (M. Frère-Orban). - Pardon : on compte
sur un cinquième de ligne de plus à exploiter ; ce qui est différent.
M. Malou. - Soit, j'aurai mal
compris ; mais dans les développements du budget des travaux publics, l'on
porte en général un dixième de mouvement en plus ; sur cette base sont fondées
les prévisions des dépenses au budget des travaux publics. Mais, s'il en est
ainsi, nous devons avoir au moins un dixième de recette en plus, et cependant
les prévisions ne sont pas d'un dixième de recette en plus. Tels sont encore
aujourd'hui les motifs de mon doute à cet égard.
Du reste, nous
verrons, lors de la discussion du budget des voies et moyens, s'il est
réellement nécessaire de créer de nouveaux impôts, parce que l'équilibre aurait
été détruit dans les budgets, à raison du chemin de fer, car c'est toujours là
qu'on aboutit.
L'on m'objecte que
pour 1847 il faudra un crédit supplémentaire considérable. Je le reconnais ;
mais aussi n'ai-je pas pris pour point de départ la comparaison entre les
dépenses de 1847 et celles de 1848 ; j'ai pris pour point de départ la
comparaison entre les recettes des deux années ; et c'est de là exclusivement
qu'est né le doute que je me suis formé. Si ce doute existe, si nous ne trouvons
pas dans le développement régulier, probable, presque certain même, si nous ne
trouvons pas dans les économies de détail à réaliser dans les autres budgets,
le moyen d'équilibrer notre situation financière, alors il y aura lieu
d'examiner quelles mesures, il y a lieu de prendre pour amener cet équilibre ;
mais je fais toutes mes réserves, pour qu'il ne soit rien préjugé pour ou
contre l'adoption de tel ou tel impôt.
Ici je termine ; je
regrette d'avoir abusé si longtemps de la bienveillante attention de la
chambre.
Des membres. – Non ! Non !
M. Malou. - Je me résume eu
quelques mois : Nous avons depuis 1830 géré la fortune publique d'une manière
utile et féconde. Quand je dis nous, je ne parle pas de moi dont la part est
bien fable dans les travaux de ces 17 années, je parle du gouvernement, d'un
système politique qui a été représenté par diverses personnes, quelquefois même
par d'honorables membres du cabinet actuel.
Pour quiconque
examine les faits en dehors des préoccupations actuelles, pour quiconque sonde
notre situation dans tous ses replis, il est démontré à la dernière évidence,
sinon devant les préjugés d'aujourd'hui, du moins devant l'histoire, plus
importante que les passions politiques, que la fortune de la Belgique a été
gérée, depuis 1830, avec intelligence comme un propriétaire bon administrateur
gérerait la sienne.
M. le
ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, je
serai extrêmement bref dans les observations que j'aurai à vous soumettre en
réponse au discours que vous venez d'entendre.
Il y a, messieurs,
deux lignes parallèles qu'on peut suivre pour apprécier la situation financière
du pays ; et selon qu'on adopte l'une ou l'autre de ces lignes, on aboutit à un
point différent. L'honorable M. Malou, dans les observations qu'il vient de
présenter, ne s'est préoccupé que d'une seule chose. Il a constamment supposé
que les observations que nous avons eu l'honneur de soumettre à la chambre
constituaient une critique du passé, et se résumaient en récriminations.
Une voix. - C'est évident.
M. le
ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Cela n'est pas
évident ; j'ajouterai même que c'est complètement inexact.
Je disais donc que
l'honorable préopinant a supposé que mes observations (page 177) avaient en vue des récriminations sur les actes posés par
les ministères précédents ; parlant de là, l'honorable membre s'est attaché à
démontrer ce qui n'était pas en question, à savoir quel emploi avait été fait
des fonds mis à la disposition des ministères qui se sont succédé depuis
dix-sept ans. L'honorable membre a dit : On a dépensé de fortes sommes ; mais
ces sommes ont-elles été bien employées, ont-elles été employées d'une manière
productive ?
Qui, messieurs,
l'avait contesté ? Qui avait mis en discussion le point de savoir si parmi les
dépenses des dépenses utiles n'avaient pas été faites dans l'intérêt du pays ?
Quelle avait été la question soulevée ? Celle qui devait être décidée et ne l’a
pas été dans le discours que vous venez d'entendre. A l'aide de quelles
ressources est-il possible de faire face à la situation telle qu'elle se
présente aujourd'hui ? Voilà la question ; voilà ce que vous n'avez pas dit....
M. Orban. - On nous l'a dit :
à l'aide des assurances.
M. le
ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - L'honorable membre
peut être certain que ceci recevra sa réponse en temps et lieu.
Je dis qu'on n'a pas
indiqué, parce qu'il était impossible d'indiquer, comment on devait faire face
à la situation telle qu'elle a été laissée ; et je parle ainsi sans songer à
des récriminations inutiles, sans entreprendre une revue rétrospective, pour me
livrer au blâme ou à l'admiration ; sans discuter les chiffres du passé, mais
en les prenant comme nous les trouvons.
Je pose la question
comme hier. Quelles sont les obligations devant lesquelles nous nous sommes
placés ? Vous avez disserté sur le chiffre de la dette flottante, vous avez
discuté longuement sur ce qu'il fallait entendre par déficit. Tout cela est
complètement inutile dans le débat. Vous convient-il de soutenir que nous
n'ayons pas 25 millions de dette flottante ? Voulez-vous que j'énonce avec vous
que cette dette varie entre 8, 9, 10 millions, comme l'honorable membre l'a
indiqué ? Mais, de grâce, prenez ce chiffre comme premier article du passif,
c'est bien là le premier article du passif ! Voilà donc 10 millions ;
avons-nous oui ou non des crédits supplémentaires pour 5,600,000 Ir. ?
Avons-nous oui ou non des crédits complémentaires pour 4,800,000fr. ?Avons-nous
besoin oui ou non d'un crédit extraordinaire pour dégager le fonds des routes,
de 1,300,000 fr. ? Avons-nous oui ou non de larges besoins estimés comme vous
l'entendrez, pour faire face à la situation du chemin de fer : 8, 10, 20
millions ? Prenez la somme qui ira le mieux à vos calculs. Mais reconnaissez
qu'il faut des sommes importantes pour couvrir les dépenses utiles,
indispensables qu'entraînera l'exécution des projets de lois que vous avez
présentés.
Je n'ai pas récriminé
non plus à cet égard ; j'ai simplement constaté le fait de la présentation de
projets de lois que nous reconnaissons utiles, nécessaires en certaines
limites, que nous défendrons comme vous les auriez défendus ; mais ne faut-il
pas, pour les exécuter, des sommes considérables ?
Vous avez demandé si,
pour l'exécution de ces projets soumis aux chambres, j'avais voulu parler de
trois millions de rente ou de trois millions de capital. Je vous avais averti
qu'en faisant des évaluations, je mettais une extrême modération dans
l'intention de vous obliger à le reconnaître, et votre ironie prouve assez que
je ne m'étais pas trompé. Eh bien, Oui, trois millions ne sauraient suffire ;
vous l'avouez. Pour donner vie aux lois dont vous avez saisi la chambre, il
faut, au minimum, cinq à six millions.
Si vous voulez
compléter l'enseignement primaire, si vous voulez organiser l'enseignement moyen,
si vous voulez organiser l'enseignement agricole et l'enseignement vétérinaire,
si vous voulez pourvoir sous ce rapport à tous les besoins, une dépense de 5 à
6 millions est indispensable ; vous l'aviez prévu, vous ne pouviez pas
l'ignorer ; vous étiez convaincu qu'il fallait pourvoir à des dépens s
nouvelles ; et, cela posé, je vous ai demandé, à vous, qui niez la nécessité de
créer des ressources extraordinaires, quelles étaient vos ressources ? quels
étaient vos moyens pour faire face à ces besoins constatés ?
J'ai ajouté qu'il y
avait d'autres dépenses non moins importantes, que nous serions obligés de
soumettre à la chambre, dans un avenir plus ou moins prochain ; je les ai
énumérées hier en les évaluant à 20 millions.
Si je résume cette
masse de millions que je viens de faire rouler devant vous, que trouverai-je ?
En prenant les évaluations les plus modérées, il ne me serait pas difficile
d'arriver à soixante et dix millions de dettes à payer ou de dépenses à faire
dans un temps rapproché....
M. Orban. - On n'admet pas
tout cela.
M. le
ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - L'honorable membre
a l'habitude de m'interrompre. Prenez la parole, monsieur, discutez les
chiffres, si vous le trouvez bon. Mais l'honorable M. Orban ne pourra pas en
contester un seul, pas plus que ne l'a fait l'honorable M. Malou.
Dites-moi donc à
l'aide de quelle réserve mystérieuse votre entendiez pourvoir à ces dépenses ?
Vous me répondez par la question de savoir si l’équilibre est rompu entre le
budget des dépenses et le budget des voies et moyens pour 1848. Vous me
répondez par des protestations anticipées sur la loi relative aux droits de
succession, que nous saurons défendre quand le moment sera venu de la discuter
; loi juste, loi honnête, loi morale, qui est appliquée dans d'autres pays, qui
est appliquée en France et en Angleterre ; en Angleterre, pays aristocratique
qui n recule pas devant la nécessité d'imposer les riches pour faire face aux
dépenses publiques ! Il faudra autre chose que cette ressource en supposant que
la chambre l'admette, pour satisfaire aux exigences de la situation !
Quand vous aurez
discuté les budgets avec scrupule, quand vous en aurez fait disparaître tout ce
qui peut en être élagué, vous reconnaîtrez que l'équilibre tant désiré nous
échappe, et vous voterez ces recettes comme indispensables pour mettre nos
revenus au niveau de nos besoins. Mais quand vous aurez fait cela, aurez-vous
acquitté toutes les dettes que j'ai indiquées ? Aurez-vous les moyens de
pourvoir aux dépenses que j'ai signalées ?
Il est vrai que
l'honorable M. Malou, sans s'expliquer catégoriquement sur les chiffres qui lui
sont opposés, essaye de faire entendre qu'il a médité jadis quelque grande
mesure qui était destinée à liquider les dettes du passé, les obligations
d'aujourd'hui et les engagements qui viendront à échoir demain. Il nous
entretient de projets qu'il a nourris pendant qu’il était au ministère, mais
qu'il s'est bien gardé de réaliser pendant qu'il occupait le pouvoir.
Il nous parle
vaguement des espérances qu'il avait conçues de transformer le gouvernement en
assureur général, en agent de la prévoyance universelle, en institution
sociale, ayant pour but de consacrer définitivement le bonheur de tous les
Belges ! Il m'est impossible de prendre ces idées au sérieux, moins encore d'y
découvrir le moyen actuel de venir efficacement en aide au trésor obéré. Sans
doute, dans une certaine mesure et en acceptant ce qui paraît praticable dans
les idées de l'honorable membre ; sans doute en monopolisant les assurances, il
est possible de procurer quelques ressources au trésor de l'Etat. Mais je veux
être large en escomptant vos espérances ; je veux admettre que le trésor trouve
ainsi une ressource de 3 millions.
M. Malou. - Davantage.
M. le
ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Vous voulez
davantage ? Eh bien, mettons cinq millions. En supposant que nous puissions
réaliser votre idée, nous aurons donc cinq millions ! Mais c'est là ce qu'il
faudrait pour payer les intérêts et l'amortissement des capitaux à emprunter si
l'on veut payer la dette, si l'on veut acquitter les dépenses déjà faites, si
l'on veut exécuter les lois projetées et les travaux extraordinaires prévus
depuis longtemps. Ainsi la nécessité de créer des ressources extraordinaires
apparaît de plus en plus évidente, et puisque l'on ne saurait pas opérer
d'assez notables économies pour faire face à la situation, il faudra bien se
résigner à cette nécessité.
Un mot maintenant en
réponse à quelques détails dont l'honorable M. Malou s'est également occupé.
L'honorable M. Malou,
répondant à l'objection que j'ai eu l'honneur de vous soumettre quant au fonds
des routes et au crédit extraordinaire de 1,300,000 fr., a prétendu que le
ministère auquel nous avons succédé n'avait fait que suivre les précédents, en
engageant le fonds des routes pour un grand nombre d'années.
L'honorable membre a
ajouté que la loi de comptabilité autorisait même ce mode d'opérer. Je suis
profondément convaincu que l'honorable membre est dans l'erreur sur le sens
qu'il attache à la loi de comptabilité.
L'article 19 de cette
loi, que j'ai sous les yeux, porte que « quand la dépense, à raison de
l'importance des travaux, ne peut se réaliser complètement dans le cours du
budget, ils (les ministres) peuvent stipuler pour un plus long terme sans
pouvoir dépasser celui de 5 années, à compter de celle qui donne son nom à
l'exercice. »
Le sens de cette
disposition ne peut être douteux. Elle ne signifie pas que si l'on ne peut
payer en une année des dépenses pour des travaux qui doivent s'exécuter en une
année, On pourra répartir ces dépenses sur les exercices futurs. S'il en était
ainsi, il serait au pouvoir de tous les ministres, contrairement au vœu de la
loi, d'engager indéfiniment et par anticipation les fonds du budget.
Cette dérogation à la
règle générale prescrite par le premier paragraphe de l'article 19 qui exige
que les fonds ne soient engagés que pour une année, signifie que pour des
travaux qui sont destinés à être exécutés en plusieurs années, on pourra
répartir la dépense sur plusieurs exercices. C'est ce qui est parfaitement
énoncé dans l'exposé des motifs où je lis :
« L'article 16
établit comme règle générale que les ministres ne font aucun contrat, marché ou
adjudication pour une terme dépassant la durée du budget, qui porte
l’allocation nécessaire pour faire face à la dépense. Cette règle qui obtiendra
sans doute votre approbation, puisqu'elle tend à mettre la durée des contrats
en harmonie avec celle des budgets, ne doit souffrir d'exception que lorsqu'il
y a nécessité de contracter des marchés d’un plus long terme pour des travaux
qui, à raison de leur importance, ne peuvent être achevés dans le cours d’un
exercice. »
Et dans la discussion
de cette même disposition, l'honorable M. Malou (car je pense qu'il était au
ministère des finances) a formellement énoncé que les expressions contenues
dans l'article 19 concernaient les travaux importants qui ne peuvent s’exécuter
dans le cours de l’exercice.
Voilà donc la
loi !
Maintenant voyons les
faits.
En fait, on a ordonné
en 1845 et en 1846 des travaux pour une somme de 2,100,000 fr. Quand ces
travaux ont-ils été exécutés ? En 1846 et 1847. Ils seront intégralement
achevés en 1847, à l’exception de quelques-uns, dont l’achèvement complet
n’aura lieu que dans les premiers mois de 1848, toujours payables sur
l’exercice 1847.
(page 178) Or, au lieu de demander un crédit extraordinaire ou de
répartir ces 2,100,000 fr., si cela eût été possible, sur les budgets de 1846
et de 1847, le ministère les a répartis sur les exercices 1846. 1847, 1848,
1849 et même sur l'exercice 1850. Voilà l'opération que j'ai qualifiée
d'irrégulière, sans porter une accusation contre mon honorable prédécesseur,
car je sais très bien qu'il a été jusqu'à un certain point étranger à ce qui
s'est fait à cette occasion. En effet, lorsqu'en 1845 mon honorable collègue M.
d'Hoffschmidt occupait le département des travaux publics, et que des travaux
extraordinaires avaient été décrétés par le ministère, il avait été résolu
qu'un crédit extraordinaire d'un million serait demandé à la législature. Mais,
après son départ et dans la vue de ne pas présenter ultérieurement une
situation financière, qui eût été assez pénible sous le rapport de l'équilibre
des budgets que l'on tenait à former, ne fût-ce qu'en apparence, on a résolu de
porter la dépense sur plusieurs exercices, engageant ainsi par anticipation et
illégalement les fonds des budgets qui devaient être votés.
J'ai sous les yeux
une lettre du 6 octobre 1846, adressée au département des travaux publics par
l'honorable M. Malou, qui constate le fait.
L'opération eût été
régulière et conforme aux précédents si les travaux n'avaient pu être exécutés
que dans le cours de plusieurs exercices. Mais le but même que l'on s'était
proposé prouve assez qu'il en était autrement.
Ainsi je maintiens
complètement mon observation en ce qui touche le fonds des routes, et quant à la
nécessité de voter un crédit extraordinaire de 1,300,000 francs que je porte au
passif de l'ancienne administration. En d'autres termes, c'est une dette que
nous trouvons et qui doit être acquittée.
Quant au chemin de
fer (observation par laquelle l'honorable M. Malou a terminé son discours),
notre évaluation est de 16 millions. Nous n'avons pas tenu compte, suivant
l'honorable M. Malou, de diverses circonstances qui, d'après lui, auraient dû
faire porter cette évaluation à une somme supérieure.
La recette des dix
premiers mois de 1847 a été de 12,544,676 fr. ; je ne tiens pas compte de
quelques centimes. Les recettes des mêmes mois de 1846 avaient été de
11,560,855 fr. L'augmentation était donc de 983,821 fr., soit de 8.51 p. c. Les
deux derniers mois de 1846 ont donné 2.095,052 fr., en y ajoutant 8.51 p. c. la
recette pour les deux derniers mois de 1847 serait de 2.273,341 fr. La recette
des dix premiers mois ayant été, comme je viens de le dire, de 12,544,676 fr.,
celle de l'année entière peut être évaluée à 14,818,016 fr. ; et en supposant
pour 1848 une augmentation de recette égale à l'augmentation de 1846 sur 1845,
soit 626,382 fr., nous arriverions au chiffre de 15,440,370 fr. Eh bien ! nous
avons porté nos prévisions à 16 millions. Nous avons donc été au-delà de ce que
nous pouvions admettre suivant les règles de probabilité.
Mais, me dit
l'honorable M. Malou, vous aurez 1/5 de plus à exploiter, vous deviez compter
également sur 1/5 de plus en recette.
M. Malou. - Je n'ai pas
insisté là-dessus. J'ai reconnu que j'avais mal compris vos explications. J'ai
raisonné sur les développements du budget qui accusent 1/10 de mouvement en
plus.
Pardonnez-moi
l'interruption. Si je la fais, c'est pour que votre réponse soit plus concluante.
M. le
ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Les explications
qui se trouvent aux développements du budget sont d'accord avec celles que je
présente en ce moment. La recette figure donc au budget des voies et moyens
pour 16 millions. Il n'y a aucune espèce de raison pour porter ce chiffre à
16,500,000 fr., comme on l'avait évalué dans le budget présenté par le
ministère précédent.
L'honorable M. Malou
retranche son observation pour le cinquième de plus à exploiter, et ce n'est
pas sans motif, car sur les lignes nouvelles, l'Etat ne perçoit que la moitié
de la recette brute, ce qui suppose une recette effective fort éventuelle. Mais
quant aux waggons dont il vous a parlé et que nous aurons pour le compte de
l'Etat, nous les avons actuellement. Nous les détenons à titre de location.
Nous les empruntons aux compagnies étrangères, et nous en payons la location.
Il n'y aura donc pas d'augmentation dans les recettes, parce que nous aurons
des waggons en plus. Les moyens de transport ne procurent pas des objets à
transporter. Si nous avions des milliers de waggons, nous n'aurions pas
nécessairement dix millions de recette en plus. L'observation de l'honorable M.
Malou ne mérite donc pas qu'on s'y arrête davantage.
Je me résume,
messieurs, à part les observations de détails que je viens de soumettre à la
chambre, il reste vrai que l'administration nouvelle se trouve placée en face
de besoins que l'on ne peut estimer à moins de 70 millions ; et sans que
d'aucun côté on puisse signaler au gouvernement les ressources à l'aide
desquels il pourrait satisfaire à ces dépenses impérieuses. Il faut donc des
ressources extraordinaires, comme nous l'avons dit dès le principe, pour
affronter une situation qui n'est pas normale, et nous ne pouvons les trouver
que par l'emprunt et l'impôt. Il faut avoir le courage de le déclarer
hautement, et je signale à l'attention de la chambre ce fait capital que les
organes du ministère précédent qui défendent actuellement cette thèse, qu'il
n'y aurait pas lieu à recourir à des mesures extraordinaires, avaient eux-mêmes
reconnu, les années précédentes, notamment par l'organe de mon honorable
prédécesseur au département des travaux publics, qu'il y avait nécessité
d'opérer un emprunt.
- La séance est levée
à 4 heures et demie.