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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 10 décembre 1847
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions
relatives aux droits sur le tabac (de T’Serclaes, Lejeune) et sur les ruches d’abeilles (de T’Serclaes)
2) Projet de loi portant le budget du département de
la guerre pour l’exercice 1848 (Manilius)
3) Projet de budget de la chambre pour 1848 (de Man d’Attenrode)
4) Projet de loi fixant le contingent de l’armée pour
l’année 1848. Chiffre du budget du département de la guerre, organisation de
l’armée (Osy, Chazal, Delfosse, Dedecker, de La Coste, Pirson, de Garcia, Chazal, de Mérode, Cogels, Delfosse, Manilius, de Man d’Attenrode, Eenens)
5) Fixation de l’ordre des travaux de la chambre.
Péréquation cadastrale (Delfosse)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1847-1848)
(Présidence de M.
Liedts.)
(page 241) M. A.
Dubus procède à l'appel nominal à 2 heures.
La séance est ouverte.
M. Troye
donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est
approuvée.
M.
A. Dubus fait connaître l'analyse des pétitions
suivantes.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Plusieurs habitants de la commune de Hives prient la chambre de
rejeter le projet de loi relatif au droit de succession et toute augmentation
d'impôts ou de dépenses qui lui serait proposée. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi et
dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens.
« Plusieurs fabricants de tabac de la ville de St-Nicolas demandent que
les droits d'entrée sur les tabacs soient portés à 20 fr. les 100 kil. »
M. de
T'Serclaes. - Je demande que cette pétition soit renvoyée à
la section centrale du budget des voies et moyens ; nous sommes à la veille de
discuter ce budget, et la pétition qui vous est adressée renferme des
renseignements utiles sur une matière dont la chambre aura à s'occuper en
discutant le budget des voies et moyens.
M.
Lejeune. - Je ferai observer que la section centrale n'a
fait aucune proposition. Ses travaux sont terminés, elle a émis un avis, donné
un conseil, il est inutile de lui faire faire un nouveau travail sur cette
pétition, on pourrait se borner à proposer le dépôt sur le bureau pendant la
discussion du budget des voies et moyens.
- Cette proposition est adoptée.
« Plusieurs propriétaires
d'abeilles en ruches à Sinay et à Belcele demandent une augmentation de droits
d'entrée sur le miel et sur la cire, et la suppression des droits de douane sur
les abeilles transportées en ruche en Hollande pour les laisser butiner sur les
fleurs. »
M. de
T'Serclaes. - Dans la séance du 4, la chambre a reçu de
deux communes des requêtes semblables à celle dont on vient de faire
l'analyse ; je demande que cette requête soit comme les précédentes
renvoyée à la commission permanente d'industrie avec demande d'un prompt
rapport.
- Cette proposition est adoptée.
_______________
« Le conseil communal
d'Ellezelles demande que le chef-lieu du canton soit maintenu à Ellezelles. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
_______________
« Plusieurs habitants de la
commune de Cortil-Noirmont prient la chambre de rejeter le projet de loi
relatif au droit de succession. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
_______________
M. Britz fait hommage à la chambre de son ouvrage sur la loi organique
de la cour des comptes.
- Dépôt à la bibliothèque.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU
DEPARTEMENT DE LA GUERRE
M.
Manilius. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la
section centrale qui a été chargée d'examiner le budget de la guerre pour
l'exercice 1848.
- Ce rapport sera imprimé et distribué, et mis à l'ordre du jour à la
suite des objets qui y sont déjà.
M.
Manilius. - Messieurs, la chambre a renvoyé à la section
centrale deux pétitions, l'une du major de cavalerie pensionné Van Uje, l'autre
de l'ancien capitaine Beys. L'un et l'autre réclament une pension. La section
centrale propose le dépôt de ces pétitions et des pièces qui y sont jointes,
ainsi que de la réponse de M. le ministre de la guerre, sur le bureau pendant
la discussion du budget.
- Ces conclusions sont adoptées.
PROJET DE BUDGET DE LA CHAMBRE DES REPRESENTANTS POUR L’EXERCICE 1848
M. de Man d'Attenrode.
- J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de comptabilité de la
chambre qui a examiné son budget.
- Ce rapport sera imprimé et distribué, et la discussion est fixée à
demain.
PROJET DE LOI FIXANT LE CONTINGENT DE L’ARMEE POUR L’ANNEE 1848
Discussion générale
M. Osy.
- Comme j'ai eu l'honneur de le dire dans la discussion du budget de la dette
publique, je suis très décidé à faire tout ce qui dépendra de moi pour obtenir
des économies sur le budget de la guerre. Je crois qu'il voudra mieux réserver
la discussion du budget de la guerre de vous dire mon opinion sur les économies
que l'on pourrait obtenir.
Je saisirai cette occasion pour prier M. le ministre de la guerre d'être
bien persuadé que le désir d'obtenir des économies est mon seul but. Mon
opposition n'a rien de personnel à l'honorable ministre de la guerre
aujourd'hui en fonctions. Je connais trop l'honorable général comme bon
administrateur pour lui faire de l'opposition.
C'est une affaire de conscience pour moi. L'intérêt du pays seul me
guide dans les efforts que je fais pour obtenir des économies.
J'espère que M. le ministre de la guerre ne mettra pas en doute cette
déclaration.
Dans ma section, la majorité voulait émettre le vœu que la loi
d'organisation fut révisée, parce que c'est par là qu'il faudrait commencer
pour obtenir des économies. J'en ai fait la proposition dans la section
centrale. Mais elle a été rejetée par 4 voix contre 3.
Si M. le ministre de la guerre ne peut nous donner quelques
renseignements propres à nous faire espérer qu'on révisera cette loi dans le
courant de la session actuelle, je serai obligé de voter contre le contingent,
que je trouve trop fort. La première chose à faire pour réaliser des économies,
c'est de réduire le contingent.
Dans la discussion de la loi d'organisation de
l'armée, j'ai émis l'opinion qu'il fallait réduire le contingent à 60,000
nommes. Il est maintenant fixé à 80,000 hommes ; car s'il est fixé maintenant à
70,000 hommes, ce n'est qu'exceptionnellement et pour une année. Il ne faut
donc pas y faire attention.
Si M. le ministre de la guerre ne peut nous promettre la révision de la
loi, je continuerai à voter contre un contingent que je trouve trop élevé de
20,000 hommes ; c'est la conséquence du vote négatif que j'ai émis depuis trois
ans sur le budget de la guerre.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal).
- Je ne puis certes pas prendre l'engagement de proposer la révision de la loi
sur l'organisation de l'armée ; car cette loi est votée depuis deux ans
seulement ; c'est à peine si elle a fonctionné. Toutes les parties de l'armée
ne sont même pas encore en harmonie avec la loi ; il nous est donc impossible
de juger ce |qu'il peut y avoir de défectueux dans cette loi. Il faut attendre
qu'elle ait complètement fonctionné pour savoir s'il y a lieu de la réviser.
Quant à la force de l'armée, tous mes prédécesseurs ont fait voir
qu'elle est réduite à sa plus simple expression. La réduire encore, ce serait
l'énerver complètement. Certes, je ne puis prendre l'engagement de vous
proposer la moindre réduction sur l'armée.
M.
Delfosse. - Je crois, comme l'honorable M. Osy, qu'il est
très désirable que les dépenses de l'armée soient considérablement réduites, et
je suis convaincu que cette réduction est dans le vœu du pays.
Ce qui fait que le pays se préoccupe vivement de cette question, c'est
que le gouvernement a cru devoir demander de nouveaux impôts. Sans cette
circonstance, il est possible qu'on n'aurait pas pensé à revenir sur la loi
d'organisation de l'armée, au moins d'ici à quelques années.
Il y aurait, messieurs, trois moyens de réduire les dépenses de l'armée.
Le premier moyen est celui qui a été indiqué par la minorité de la
section centrale ; il consisterait à diminuer le contingent. Cette diminution
entraînerait celle du nombre de nos officiers ; moins de soldats, moins
d'officiers, cela est naturel.
(Erratum,
page 260) Le second moyen avait été indiqué par l'honorable M. Brabant et
consacré par le vote mémorable à la suite duquel le général de Liem s'est
retiré du ministère de la guerre ; ce serait la réduction des cadres : moins
d’officiers pour le même nombre de soldats.
Le troisième moyen consisterait à réduire, en prenant en considération
l'état fâcheux de nos finances, les avantages dont certaines catégories
d'officiers jouissent, et des dépenses d'une autre nature, par exemple, celles
qui ont rapport au matériel, aux fournitures, etc.
Je ne veux pas aborder en ce moment le fond de la question, cela
donnerait probablement lieu à une discussion très longue : je me réserve de
développer mon opinion lors de la discussion du budget de la guerre.
M. Dedecker. -
Messieurs, l'honorable M. Osy vient de vous dire qu'il votera contre la loi
actuellement en discussion, parce que, d'après lui, le vote que nous sommes
appelés à émettre aujourd'hui préjuge le vote que nous aurons à émettre sur le
budget même de l'armée.
Je désirerais savoir, avant qu'il ne soit procédé à ce vote, si dans
l'esprit du gouvernement et en particulier dans celui de M. le ministre de la
guerre, la question du contingent préjuge la question du budget de la guerre.
M.
de La Coste. - Messieurs, c'est précisément sur ce point que
je voulais soumettre des observations à la chambre. Il a toujours été entendu
que le chiffre du contingent ne préjugeait pas la question du budget.
Je pense donc que nous pourrions éviter pour le moment une discussion
qui, selon moi, ne se présente pas sous l'aspect sous lequel elle devrait se
présenter.
En effet, je pense que cette question doit être examinée dans son
ensemble.
Après avoir longtemps discuté dans le double but, d'une part de réduire
les dépenses de l'Etat, de l'autre d'assurer à l'armée une position stable,
nous sommes arrivés à une loi organique qui a été votée par la majorité, après
que plusieurs d'entre nous avaient cherché vainement à y introduire quelques
modifications pour diminuer le chiffre de la dépense.
Je pense, messieurs, que pour changer cette situation, il faudrait de
nouveau examiner la question sous toutes ses faces. Il faudrait que l'on fît de
nouveau ce que d'honorables membres de cette chambre, notamment l'honorable M.
Brabant, l'honorable M. de Garcia, je crois, enfin (page 242) ce que la section centrale avait fait précédemment, c'est-à-dire
qu'on nous présentât des vues, un plan à comparer avec celui du gouvernement.
Alors, messieurs, nous trouvant en face, comme
l'a dit l'honorable M. Delfosse, d'un accroissement de dépenses, d'une
augmentation peut-être considérable d'impôts ; nous aurions de nouveau à
examiner les choses dans l'intérêt général du pays. Mais, pour ma part, je ne
saurais embrasser complètement cette importante et délicate question, à propos
de ce simple chiffre de 70,000 hommes, et je suis disposé à le voter sans examen
ultérieur, dans les mêmes termes où le contingent a été voté les autres années,
c'est-à-dire sous toutes réserves et simplement comme un maximum.
M.
Pirson, rapporteur. - Messieurs, je n'ai demandé la parole
que pour dire quelques mots sur le chiffre de 80,000 hommes adopté pour le
contingent de l'armée, rappeler en quelles circonstances ce chiffre fut arrêté,
et réclamer son maintien.
En 1843, le pouvoir exécutif cédant à un vœu exprimé à plusieurs reprises
par la législature, et sur lequel un ministre de la guerre était tombé, en 1843
le pouvoir exécutif, dis-je, cédant au vœu manifesté d'organiser l'armée par
une lot et de rendre son budget normal, présenta un projet de loi, réglant la
composition des cadres des différentes armes. Ce projet fut débattu avec le
plus grand soin par la section centrale qui avait été chargée de son examen,
examen qui ne dura pas moins de 18 mois. La chambre, appelée ensuite à se
prononcer sur le projet, le discuta pendant quatorze jours, et l'adopta à une
très grande majorité. On ne dira certainement pas que ce projet a été examiné,
débattu, discuté et adopté avec irréflexion. Plusieurs des questions qu'il
soulevait et notamment la fixation du chiffre du contingent, qui était toute la
base du projet, donnèrent lieu à une discussion publique très longue et
très approfondie ; on peut s'en
convaincre en recourant aux Annales parlementaires de cette époque, et ce
chiffre fut alors fixé à 80,000 hommes. ;
Ceci se passait en 1845, il y a donc seulement deux ans. Cette année, en
1847, à la fin de notre dernière session, dans la discussion du projet de loi
modifiant la législation sur la milice, ce chiffre de 80,000 hommes, après une
nouvelle discussion très longue et très vive, j'en appelle à cet égard au
témoignage de mon honorable collègue et ami, M. Delfosse, avec lequel
malheureusement je ne puis tomber d'accord sur cette question, a été maintenu
pour le contingent de l'armée. Eh bien, je ne crois pas que depuis deux ans,
que depuis six mois, la situation de la Belgique, au point de vue de sa
position extérieure ou intérieure, se soit modifiée.
Il y a deux ans, il y a moins que cela encore, il n'y a pas six mois,
qu'après une discussion très approfondie, la chambre a reconnu que le
contingent de l'armée, porté à 80,000 hommes, était proportionné à notre
population, à nos ressources, et qu'il était nécessaire pour la défense de
notre nationalité. Depuis lors, cette population, ces ressources, la position
politique de la Belgique n'ont pas changé. On ne s'expliquerait pas, toutes ces
circonstances étant restées les mêmes, que la chambre revînt sur une décision
prise il y a si peu de temps, et débattue deux fois à fond, endéans deux
années.
Je n'en dirai pas davantage pour le
moment, la chambre me paraissant disposée, ce qui est beaucoup plus rationnel à
renvoyer à la discussion du budget de la guerre tout ce qui se rattache aux
dépenses de l'armée. Je termine en la priant de maintenir une décision qu'elle
a prise si récemment encore, à une forte majorité et en toute connaissance de
cause, et de conserver à l'armée son contingent de 80,000 hommes
transitoirement réduit à 70,000 hommes, par suite des effets de la loi du 8 mai
1847 modifiant la législation sur la milice.
M. de Garcia. -
Messieurs, en 1848, c'est-à-dire il y a à peine deux ans, la législature belge
a voté une loi qui détermine l'organisation de l'armée. Cette loi est basée
tout entière sur un contingent qui suppose dans l'armée un chiffre de 80,000
hommes.
Comme l'a fait observer M. le ministre de la guerre, à peine cette loi
a-t-elle fonctionné, qu'on veut la rapporter ou la modifier radicalement.
Malgré les opinions que j'ai manifestées à cette tribune, je ne puis partager
cette manière de voir.
Lors de la discussion de cette mesure organique, je m'y suis montré
hostile, et j'ai combattu de toutes mes forces le chiffre de notre armée sur le
pied de paix.
Je pensais que 60,000 hommes suffisaient aux besoins du pays. Je pensais
que le chiffre de 60,000 hommes était en rapport avec les sacrifices que peut
faire le pays pour cet objet ; je pensais que dans son état de neutralité une
armée semblable devait répondre à tous les besoins intérieurs et extérieurs.
Est-ce à dire qu'il faille dès aujourd'hui bouleverser ce que la législature a
réglé en 1845 ? Non sans doute, et je le déclare franchement, je considérerais
comme une grande calamité qu'on remît en question, dans un intervalle de temps
si court, une loi qui a tranché des questions importantes et difficiles et mis
fin à des discussions ardues et sans bornes.
Une autre considération ne me touche pas moins vivement, c'est que si
dans le moment actuel l'on remettait en question le chiffre et, je dirai plus,
le sort des braves qui composent l'armée, on lui porterait un coup mortel.
On se le rappelle, pendant 15 ans, la composition de notre armée a
occupé nos débats, et le sort des citoyens qui se vouent à cette noble
profession a été tenu en suspens. Or, l'armée a dû croire que la loi était
venue mettre fin à l'état d'instabilité qui pesait sur elle, et remettre
aujourd'hui en question son sort, c'est incontestablement détruire chez elle
toute confiance et tout dévouement.
Ainsi que l'a observé M. le ministre de la guerre à la section centrale
de son budget, la loi organique de l'armée, promulguée depuis à peine deux ans,
n'a pas encore fonctionné assez longtemps pour pouvoir réaliser toutes les
économies qu'elle comporte. Je partage son opinion et je suis convaincu qu'un
ministre armé d'intentions justes et fermes trouvera le moyen d'opérer des
réductions notables dans les dépenses de ce département.
J'ai donc l'espoir que, dans un avenir prochain,
le chef du département de la guerre pourra introduire des économies dans la
branche importante du service public qu'il dirige, et ce sans démoraliser
l'armée, sans détruire l'esprit de corps et de confiance qui fait sa véritable
force. D'après ces considérations, bien qu'on réclame des économies de toute
part et que j'en sois partisan autant que personne, je ne pense pas qu'il soit
possible d'en réaliser en renversant la loi votée en 1845, loi, soit dit en
passant, à laquelle je n'ai pas donné mon assentiment. Partant, je pense aussi
que M. le ministre de la guerre a bien fait de refuser de prendre l'engagement
de faire une réforme radicale dans la loi d'organisation de l'armée.
Je n'en dirai pas davantage en ce moment ; mais puisque mon nom avait
été prononcé dans la discussion actuelle, j'ai cru ne pas pouvoir me dispenser
de faire connaître mon opinion sur la question soulevée par plusieurs
honorables membres de cette assemblée.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal).
- Messieurs, on pourra, avec le temps, réaliser quelques économies dans le
budget de la guerre, parce qu'il existe encore dans ce budget des dépenses
extraordinaires, provenant précisément de ce que la loi sur l'organisation de
l'armée n'a pu jusqu'ici être complètement appliquée. Il y a encore un certain
nombre d'officiers au-dessus du complet des cadres organiques ; il y a certains
travaux extraordinaires commencés qu'il faut achever. Tout cela disparaîtra
graduellement. Mais dans le moment actuel, ces économies ne peuvent pas être
faites ; nous sommes encore dans l'époque de transition du passage du pied de
guerre au pied de paix.
Messieurs, le vote du contingent de l'armée n'implique nullement celui
du budget de la guerre ; lors de la discussion de ce budget, vous pourrez
examiner toutes les questions qui peuvent se rattacher à chacune des dépenses
qu'il comporte ; je tâcherai de démontrer alors l'utilité, la nécessité de
l'armée sur le pied actuel ; j'espère prouver alors à la chambre qu'il est
absolument indispensable de conserver l'armée telle qu'elle est aujourd'hui, et
qu'il y aurait danger pour le pays et pour. nos institutions à en affaiblir
l'organisation.
M. de Mérode. - M.
Delfosse vient de vous dire que si on n'était pas venu nous demander de
nouveaux impôts, on se serait peut-être abstenu de demander la diminution de
l'armée.
Mais il n'est pas certain qu'il faille de nouveaux impôts ; car,
messieurs, il est tel impôt, de 4 à 5 millions au moins, que les contribuables
payent entièrement aujourd'hui, sans que l'Etat en perçoive même le tiers.
Or, messieurs, si le singulier système qui a prévalu, par je ne sais
quelles combinaisons subtiles et embrouillées, sur cette branche du revenu
public, était enfin redressée, on éviterait probablement de nouveaux impôts, du
moins de nouveaux impôts qui peuvent exciter une certaine crainte. Du reste, le
moment n’est pas venu de discuter convenablement l'organisation de l'armée que
M. le ministre de la guerre pourra bien mieux soutenir lors de la discussion
sérieuse de son budget.
M. Cogels. - Messieurs, c'est dans la
section dont je faisais partie, qu'on a d'abord émis le vœu de voir s'opérer
une réduction dans le chiffre de notre force armée. Ce vœu, auquel je me suis
associé, est partagée par une grande partie du pays ; il gagne tous les jours
du terrain. Si, par conséquent, les explications que M. le ministre de la
guerre vient de donner devaient nous faire croire que jamais, ou du moins d'ici
à quelques années, aucune réduction ne pourrait être apportée dans le chiffre
de l'armée, je me verrais également obligé de protester contre la loi
actuellement en discussion.
Mais si je comprends bien cette loi, elle n'a dans le fait aucune
portée, car elle se borne simplement, je dirai, à constater pour l'année
actuelle l'état de choses tel qu'il existe. Il n'y aura pas même de tirage pour
la milice ; si je comprends bien la loi, nous allons passer une année sans
tirage.
Je voterai donc la loi puisqu'elle n'a aucune portée, mais je fais
toutes mes réserves pour la question principale, quand nous en serons au budget
de la guerre.
M. Delfosse. - J'ai voté
contre la loi d'organisation de l'armée ; j'ai voté, depuis, contre le budget
de la guerre ;ce n'est donc pas, comme l'honorable M. de Mérode l'a cru, la
circonstance que l'on demande de nouveaux impôts qui a exercé de l'influence,
sur mon opinion, mais j'ai, dit et je maintiens qu'elle en a exercé sur
l'opinion du pays.
(Erratum, page 260) Du reste,
je le répète, je ne veux pas aborder en ce moment le fond de la discussion ;
l'observation qui vient d'être présentée par M. le ministre de la guerre que le
vote du contingent ne préjugera rien pour la discussion et le vote de son
budget m'engagera à donner mon assentiment au projet de loi.
(page 243) M. Manilius.
- Plusieurs honorables membres viennent de déclarer que c'est lors de la
discussion du budget de la guerre qu'il faudra voir à réaliser une opinion qui
fait tous les jours de grands progrès dans le pays, celle qu'on doit réduire le
budget de la guerre. Je leur dirai qu'ils ne jouiront pas faire prévaloir leurs
prétentions ; quand nous discuterons le budget de la guerre, car ce budget est
le résultat de l'organisation de l'armée, et l'organisation de l'armée est le
résultat du contingent. Ainsi, il sera de toute impossibilité de saper dans le
budget de la guerre, si vous laissez passer sans discussion la loi qui nous
occupe.
Cependant, je dois dire qu'il est pénible de voir constamment remuer nos
lois organiques de grande importance. Pour moi, je ne saurais appuyer la
mutilation d'une loi qui a été le résultat de longues et laborieuses
discussions. Si on procède de cette manière, il n'y a plus de stabilité pour
personne, plus de stabilité pour l'armée, plus de stabilité
pour le commerce, plus de stabilité pour l'industrie. Une loi qui existe à
peine depuis deux ans, peut-on songer à la renverser ? Nous devons surtout pour
l'armée, comme vient de le dire M. le ministre de la guerre, être sobre de ces
sévères et trop grandes économies. Sans doute, il faut pousser le gouvernement
dans cette voie, je le fais moi-même, mais quand c'est possible, sans
désorganiser les services ; mais je ne puis m'associer à des propositions qui
saperaient dans sa base une institution aussi importante que l'armée dont
l'organisation est toute nouvelle. Cependant, je ne veux pas dès ce moment
combattre les opinions de ces honorables membres ; elles ne sont pas assez
nettement formulées ; mais je veux les prévenir que s'ils se proposent de faire
valoir leurs prétentions lors de la discussion du budget de la guerre, il sera
trop tard ; le fondement sera posé, il sera impossible de le renverser.
M. de Man d'Attenrode.
- C'est une question d'une haute gravité que celle de l'existence de l'armée.
Elle se rattache à celle de l'indépendance du pays ; c'est pour la Belgique la
question d'être ou de ne pas être ; c'est encore une question d'ordre
intérieur.
Il y a quelques années, l'existence de l'armée était remise en question
tous les ans dans cette enceinte à propos du budget de la guerre ; ces
discussions énervaient l'esprit de l'armée ; c'était porter atteinte à sa force
que de remettre ainsi annuellement son existence en question. Nous avons voulu
faire cesser cet état de choses pénible, dangereux, en constituant son
organisation définitive. Cette organisation que nous avons votée après de
longues discussions, qui avaient été précédées d'études approfondies au
département de la guerre, faut-il y porter atteinte à propos d'une loi qui en est
la conséquence, et cela lorsqu'elle a à peine deux ans d'existence ? Je ne le
pense pas. Comme vient de le dire l'honorable rapporteur du budget de la guerre
que nous allons discuter et dont j'ai été heureux d'entendre le langage, il est
pas convenable de remettre sans cesse en discussion des lois constitutives de
nos grands services. S'il pouvait en être ainsi, avec quelle confiance
pourrions-nous nous livrer à la discussion des lois, si on les remet en
question peu après qu'elles sont prises ? Il n'y a dès lors évidemment plus de
stabilité pour aucun intérêt d'ordre public.
Ce n'est pas à dire qu'il ne puisse pas survenir de circonstance où
l'occasion de diminuer les dépenses du budget de la guerre serait opportune.
Mais cette question est subordonnée à l'attitude
que conserveront les pays qui nous environnent ; tant que les gouvernements de
ces pays maintiendront leurs armées sur le pied où elles sont aujourd'hui, tout
bon Belge, sincèrement attaché à l'indépendance de son pays, devra vouloir que
notre armée soit maintenue sur un pied respectable et proportionné à celui de
nos voisins. Or, désarme-t-on au-delà de nos frontières ? Je ne pense pas qu'il
en soit question.
Le chiffre en est fixé à 80 mille hommes, cela est vrai, mais ce chiffre
n'a de garantie que par des arsenaux bien approvisionnés et par des réserves
exercées, en congé.
Nous n'avons jamais sous les armes pendant l'année que 27 à 30 mille
hommes. Ce chiffre n'est certes pas exagéré pour suffire à la conservation de
nos places et au maintien de l'ordre dans le pays ; je demande donc qu'on ne
revienne pas incidemment sur une loi aussi importante, qui n'a été adoptée
qu'après une discussion approfondie, et qui a à peine deux années d'existence.
M. Eenens.
- Plusieurs membres de la chambre croient qu'il y a une relation intime entre
la force du contingent et les dépenses à faire pour le budget de la guerre.
Telle n'est pas mon opinion. La durée du temps pendant lequel le contingent
reste sous les armes, voilà la cause de la dépense.
Ainsi, au lieu de conserver un contingent de 10 mille hommes sous les
armes pendant quatre mois, n'en conservez que cinq mille et vous aurez moins de
dépenses à faire.
Je crois, messieurs, qu'en conservant les contingents moins longtemps
sous les armes, on pourrait arriver à faire des économies, car comme l'a dit
l'honorable M. Delfosse, les charges qui pèsent sur le pays sont lourdes ; ce
serait là un moyen d'opérer des économies sur le budget de la guerre, sans
revenir sur l'organisation de l'armée.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
Discussion des articles et vote sur l’ensemble du projet
« Art. 1er. Par mesure transitoire résultant de la loi du 8 mai
1847, le contingent de l'armée pour 1848 est fixé au maximum de soixante et dix
mille hommes. »
- Adopté.
__________________
« Art. 2. La présente loi est obligatoire le 1er janvier
1848. »
- Adopté.
__________________
Il est procédé à l'appel nominal sur l'ensemble de la loi.
En voici le résultat :
Nombre des votants, 79.
72 votent pour l'adoption.
7 votent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l'adoption : MM. Clep, Cogels, d'Anethan, de
Baillet-Latour, de Bonne, de Breyne, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de
Denterghem, de Garcia de la Vega, de Haerne, de la Coste, Delfosse, de
Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode, de Roo, Desaive, de Sécus,
Destriveaux, de Theux, de Tornaco, d'Hoffschmidt, d'Huart, Donny, Dubus
(Albéric), Dumont, Eenens, Faignart, Fallon, Frère-Orban, Gilson, Huveners,
Jonet, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Liedts, Loos, Lys, Malou,
Manilius, Mercier, Moreau, Orban, Pirmez, Pirson, Raikem, Rodenbach, Rogier,
Rousselle, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Tielemans, T'Kint de Nayer,
Tremouroux, Troye, Van Cleemputte, Van Cutsem, Van den Eynde, Vandensteen, Van
Renynghe, Verhaegen, Veydt, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Biebuyck et Broquet.
Ont voté contre : MM. Castiau, David, de Clippele, de Meester, Eloy de
Burdinne, Osy et Bricourt.
M. le
président. - L'ordre du jour est épuisé. A quelle heure la
chambre veut-elle fixer sa séance de demain ?
M.
Delfosse. - La section centrale, chargée de l'examen du
projet de loi de péréquation cadastrale, est convoquée pour demain à onze
heures. cette loi est extrêmement urgente. Il est à désirer que la chambre
puisse la voter avant la fin de l'année, afin que la section ait le temps de
terminer son travail. Je propose de fixer la séance à une heure.
- Cette proposition est adoptée.
La séance est levée à trois heures et un quart.