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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 5 février 1848

(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 744) M. A. Dubus procède à l'appel nominal à midi et demi.

- La séance est ouverte.

M. T’Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

M. A. Dubus communique à la chambre l'analyse des pièces qui lui sont adressées.

Pièces adressées à la chambre

« Plusieurs habitants de Hal demandent qu'il soit fait des économies dans les dépenses de l'Etat. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Desmet, maréchal ferrant à Meirdonck, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir le remboursement de ce que le receveur de l'enregistrement à Saint-Nicolas a perçu en trop dans l'amende et les frais auxquels il a été condamné du chef de contravention de police. »

- Même renvoi.


« Plusieurs administrations communales de l'arrondissement de Saint-Nicolas demandent l'établissement d'une brigade de gendarmerie à Saint-Gilles (Waes). »

M. de T'Serclaes. - Dans la séance du 23 décembre, en parlant de l'urgente nécessité d'organiser sur un pied respectable la police rurale, j'ai fait ressortir combien il importait de rendre plus efficace dans certains arrondissements de la Flandre orientale le service de la gendarmerie : aujourd'hui neuf communes, très populeuses, de l'arrondissement de St-Nicolas demandent l'établissement d'une brigade de gendarmerie à St-Gilles (Waes).

Permettez-moi, messieurs, d'attirer votre attention sur cette requête, qui concerne l'un des intérêts les plus graves de la société, le maintien du bon ordre et de la sécurité des citoyens.

Il y a aujourd'hui insuffisance évidente du personnel de la gendarmerie dans la Flandre. Trois brigades seulement sont stationnées dans le district de St-Nicolas, comprenant, en tout, dix-neuf hommes. Ces dix-neuf hommes sont chargés de la police, sur une population d'environ 125,000 habitants composée en grande partie d'ouvriers, et en outre ils ont dans leur ressort plusieurs communes des arrondissements de Gand et de Termonde ; il n'y a qu'un seul officier de gendarmerie pour les trois districts d'Alost, Termonde et St-Nicolas. Je vous le demande, messieurs, une force publique aussi petite peut-elle, dans les circonstances actuelles, suffire aux exigences du bon ordre ? Je crois qu'il est matériellement impossible que, dans l'arrondissement de St-Nicolas, les membres de la gendarmerie s'acquittent des obligations qui leur sont imposées par les règlements intérieurs de ce corps.

Les pétitionnaires citent des faits graves, récents, de déprédations commises et qui n'ont été suivies d'aucune répression. Loin de moi, messieurs, la pensée de vouloir diminuer en rien les justes éloges qui ont été donnés par le gouvernement lui-même, à l'activité, à l'intelligence des habitants du pays de Waes ; mais je soutiens que là comme ailleurs les calamités des deux dernières années ont amené une démoralisation malheureusement trop réelle ; si les industriels dans les villes déploient des connaissances et une activité peu communes, il n'en est pas moins vrai que dans les campagnes les attentats à la propriété augmentent dans une proportion effrayante. Parmi les faits cités par les pétitionnaires, il en est d'autres qui méritent l'attention : telle est entre autres l'invasion des mendiants étrangers. Tandis que dans la province limitrophe de Zélande, le service de la gendarmerie est fait avec une grande rigueur, on laisse notre pays exposé aux incursions des populations démoralisées de certaines communes hollandaises, telles que la Clinge. On laisse sans surveillance continue les environs de la Tête-de-Flandre, refuge ordinaire des malfaiteurs.

Je demande, messieurs, qu'il soit fait un prompt rapport sur cette requête, afin que le gouvernement puisse prendre un parti avant la formation prochaine des budgets de 1850. Les demandeurs se sont adressés au ministère depuis longtemps, mais sans succès jusqu'à présent. J'espère que l'on comprendra enfin l'impérieuse et urgente nécessité de remédier à l'état actuel des choses, et que vous voudrez bien accorder votre appui à la réclamation dont je me fuis l'organe aujourd'hui.

- Cette proposition est adoptée.


M. Bricourt. - Je demande la parole pour répondre à une allusion indirecte qui a été faite hier par M. Zoude, lorsqu'il a fait rapport sur la pétition d'un sieur Boutier qui se plaint du retard apporté à un procès qu'il soutient devant le tribunal de Charleroy.

M. le président. - Je dois faire observer à M. Bricourt, que je ne sache pas que son nom ait été prononcé et que, du reste, d'après la jurisprudence de la chambre, on ne peut pas prendre la parole pour un fait personnel d'une séance précédente. Dans tous les cas, il n'y a pas de juges de Charleroy dans cette enceinte ; il n'y a ici que des représentants de la nation.

M. Bricourt.-— A cause de mon éloignement de la tribune, les paroles de M. Zoude ne sont pas arrivées jusqu'à moi, ce n'est qu'aujourd'hui que je les ai lues dans le Moniteur ; je désirerais donc répondre quelques mots.

Plusieurs membres.- Laissez parler.

M. le président. - Je consulterai la chambre.

- La chambre décide que M. Bricourt sera entendu.

M. Bricourt. - En faisant le rapport dont je viens de parler, l'honorable M. Zoude a paru insinuer que ma présence dans cette enceinte, ainsi que celle de l'honorable M. Pirmez dans le sénat, étaient la cause de ces retards. Voici, en effet, ses expressions telles qu'elles sont rapportées par le Moniteur :

« Le pétitionnaire ne sait, dit-il, à quoi attribuer un pareil état de choses.

« Votre commission croirait assez en avoir trouvé la cause dans un motif bien honorable pour la magistrature, c'est que la plupart de ses membres sont investis de la confiance entière de leurs concitoyens qui saisissent avec empressement l'occasion de leur rendre un éclatant hommage d'estime et de reconnaissance, en leur confiant le mandat de député à la chambre ; mais lorsqu'ils nous apportent le tribut de leurs lumières, les tribunaux auxquels appartiennent doivent éprouver une grande privation, d'où provient peut-être ce retard dans l'expédition des affaires. »

Je dois déclarer que l'honorable M. Zoude était complètement dans l'erreur quand il s'exprimait de cette manière. S'il faut attendre quatre ou cinq ans et même davantage avant d'obtenir un jugement devant le tribunal de Charleroy, cet état de choses est bien antérieur à mon arrivée dans cette enceinte. Il existe depuis très longtemps et il provient du nombre toujours croissant des affaires portées devant ce tribunal.

Il me suffit, pour vous le prouver, de vous rappeler qu'en 1838, lorsque vous avez reconnu la nécessité de la création d'une deuxième chambre près le tribunal de Charleroy, la moyenne annuelle des causes commerciales et civiles introduites pendant les années antérieures était de 444 et la moyenne des affaires correctionnelles, de 623.

D'après le rapport de M. le ministre de la justice du 1er octobre 1845, la moyenne des affaires civiles et commerciales était à cette époque de 890 et la moyenne des affaires correctionnelles de 1,139. Il y avait donc pour ces deux catégories d'affaires une augmentation du double. La progression a encore continué l'année dernière, puisque les introductions civiles et commerciales se sont élevées à 910.

Ce résultat s'explique facilement pour celui qui sait que l'arrondissement de Charleroy se compose en quelque sorte de deux arrondissements, sous le rapport judiciaire, l'un qui comprend la superficie et l'autre le tréfonds auquel se rattachent des intérêts extrêmement importants.

Au reste, je dois encore déclarer à l'honorable M. Zoude que les travaux du tribunal de Charleroy ne sont pas interrompus. L'honorable M. Pirmez et moi, sommes remplacés, pendant notre absence, par des juges suppléants ou par des avocats assumés.

M. Zoude. - C'est à tort que le préopinant m'accuse d'erreur ; pour encourir ce reproche il faudrait que j'eusse posé en fait ce que je n'ai dit que d'une manière dubitative, savoir : que telle serait peut-être la cause de l'arriéré, en général, sans aucune application.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Moreau dépose plusieurs rapports sur des demandes en naturalisation.

- Ces rapports seront imprimés et distribués. La chambre les mettra ultérieurement à l'ordre du jour.

Proposition de la section centrale sur les sucre, détachées du projet de budget des voies et moyens

Second vote des articles

La disposition adoptée au premier vote est ainsi conçue :

« Les effets de l'article 5 de la loi du 17 juillet 1846 sont suspendus pour tout le temps pendant lequel ceux de l'article 4 de la même loi ont été et resteront suspendus. »

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la chambre, conformément à la demande qui a été faite par M. Delehaye, une note sur les résultats que la proposition de M. de Corswarem aurait pour le trésor.

Plusieurs membres. - Quels sont ces résultats ?

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Les voici :

Il faut, comme je l'ai déjà fait, distinguer par campagnes.

(page 745) Résultats, pour le trésor, de l’amendement de M. de Corswarem.

A. Campagne de 1846-1847.

Les charges définitives aux comptes de l'accise, sont. kil. 4,299,717

A déduire les quantités constatées :

1°Au 30 juin 1847, kil. 4,091,005

2° Pendant le mois de juillet, kil. 190,887.

Soit kil. 4,281,892.

Quantité qui a été soumise à l'impôt de 34 francs, kil. 17,825, représentant une somme de droit de 713 francs.

La différence entre cette quantité et celle de 13,553 kil. accusée par le ministre, dans la séance du 3 février, représente le résultat du repassage des bas produits dans une fabrique, résultat qui a été connu récemment.

B. Campagne de 1847-1848.

A la fin du mois de décembre 1847, les charges aux comptes de l'accise ont atteint le chiffre de kil.35,777,057

On suppose que celles à constater à partir du 1er janvier 1848 jusqu'à la fin de la campagne, s'élèveront à kil. 1,222,943

Total : kil. 5,000,000

La perte pour le trésor s'élèverait, si aucune quantité de sucre n'est déclarée à l'exportation, à la somme de 200,000 francs.

M. le président. - Ces renseignements seront déposés sur le bureau.

Projet de loi sur la péréquation générale de la contribution foncière

Motion d'ordre

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Je demande la parole pour un moment sur un point étranger à la discussion qui va s'ouvrir.

L'honorable M. de Corswarem a demandé des renseignements relativement au cadastre. Ces renseignements sont déposés dans les bureaux de la conservation du cadastre, à Hasselt et à Arlon. Il me sera impossible de les faire transporter à Bruxelles d'ici à lundi : pour Arlon, il faudra plusieurs jours. Je prie la chambre de décider s'il y a lieu d'ajourner la discussion du projet de loi sur la péréquation cadastrale, jusqu'à ce que ces renseignements soient arrivés.

M. Delfosse. - Il est probable que la discussion de ce projet de loi ne commencera que mercredi ; nous avons encore à l'ordre du jour un autre projet de loi qui occupera sans doute la chambre pendant deux jours.

M. de Corswarem. - Je dois faire observer qu'on ne pourra ajouter foi aux assertions qu'autant que nous nous appuyions sur des documents officiels ; je demande donc qu'on ajourne la discussion du projet de loi de péréquation cadastrale, jusqu'à ce que les pièces soient arrivées d'Arlon.

M. Delfosse. - Je demande qu'on maintienne l'ordre du jour ; le projet de loi a déjà été ajourné plusieurs fois ; il est temps que la chambre l'examine.

- La chambre, consultée, maintient son ordre du jour.

Proposition de la section centrale sur les sucre, détachées du projet de budget des voies et moyens

Second vote des articles

M. le président. - La discussion est ouverte.

M. T’Kint de Naeyer. - Messieurs, je comprends que la proposition de l'honorable M. de Corswarem pouvait être un excellent moyen stratégique ; mais après la décision qui a été prise dans la séance d'avant-hier, il me semble qu'il doit y avoir trêve entre les deux industries. La chambre se préoccupera sans doute avant tout maintenant des intérêts du trésor, d'autant plus que c'est dans l'intérêt du trésor que la question des sucres a été soulevée.

Il serait étrange d'arriver à un résultat diamétralement opposé et de faire payer à l'Etat les frais de la guerre.

La loi du 16 mai 1847 a été une véritable transaction, on paraît généralement d'accord là-dessus. Le taux de la décharge qui a été maintenu par la suspension de l'article 5 de la loi du 17 juillet 1846, est applicable aux deux sucres, et si l'on prétend que les avantages ne sont pas les mêmes, on devra au moins reconnaître qu'il y a eu compensation pour le sucre indigène par le retrait de deux modes de vérification qui soulevaient d'invincibles répugnances.

Je n'ai pas l'intention d'ouvrir de nouveau le débat sur ce point, je me bornerai à ajouter que la restitution demandée ne peut pas être considérée comme une indemnité ou comme une compensation pour un préjudice causé à l'une des deux industries ; il s'agit uniquement d'augmenter un bénéfice déjà réalisé.

Il est évident que le fabricant a dû avoir égard au droit de 34 francs en établissant son prix de vente. Une grande partie du sucre indigène a été vendue pour la consommation intérieure ; ce n'est pas le consommateur qui jouira de la remise du droit, c'est au fabricant qu'il sera bonifié. Quant au sucre qui a été exporté, il y a des comptes qui sont apurés dès à présent. Est-ce en écus que le gouvernement devra faire la restitution ? Il y aura là quelque chose d'injuste et d’irrégulier dans la pratique.

En adoptant la proposition qui nous est soumise, messieurs, nous accorderions une espèce de gratification nationale à quelques grands industriels dont les affaires ont sans doute prospéré en raison même de l'élan que la loi de 1846 a imprimé à leur industrie.

En présence d'un déficit toujours croissant de besoins nouveaux, il m'est impossible de voter pour une proposition qui impose au trésor un sacrifice intempestif de 200,000 francs.

M. Osy. - La discussion d'avant-hier a roulé constamment sur la proposition de la section centrale ; personne n'a pu approfondir la proposition de M. de Corswarem ; car c'est sans la discuter qu'on l'a votée provisoirement à la fin de la séance. Ce qui est extraordinaire, c'est que toute la chambre, notamment tous ceux qui ont pris la parole, voulaient soigner les intérêts du trésor et, comme l'a dit l'honorable M. T’Kint, nous sommes arrivés à ce résultat que nous avons fait une loi au détriment du trésor. Je sais que l'honorable M. Malou a dit que si les fabricants avaient su que les produits de la fabrication du sucre indigène s'élèveraient à 4,500,000 kil., on se serait empressé, en présentant la loi de 1847, de demander le dégrèvement en faveur du sucre indigène.

Comme j'ai eu l'honneur de le dire déjà, personne à cette époque n'a parlé de ce dégrèvement de 4 fr., cependant on savait que le produit aurait dépassé 4 millions.

M. Malou. - Personne ne le savait.

M. Osy. - Maintenons la loi du 16 mai ; cette loi, en suspendant l'élévation du rendement, a fait une chose profitable aux deux industries, aussi bien à l'industrie du sucre indigène qu'à celle du sucre exotique. Nous avons fait là une loi juste. Aujourd'hui on vient demander une restitution de 4 fr. pour des objets qui sont déjà vendus ! J'ai parlé hier à plusieurs raffineurs qui m'ont dit avoir acheté les sucres de betterave pour la consommation au droit de 4 francs.

Si la loi que l'honorable M. Malou avait fait pressentir devait avoir lieu, ces 4 fr. qu'on restituerait sur le droit viendraient à la décharge des fabricants et non des raffineurs. Pour ma part, je trouve à cette restitution le plus grand inconvénient, c'est un système dans lequel la chambre n'a jamais voulu entrer. Pour vous le prouver, je vous rappellerai ce qui s'est passé en 1842. A cette époque, à l'occasion de la convention avec la France, nous avions dégrevé les vins de 25 p. c. sur les droits d'accise ; tout le monde a été ému de la situation des négociants qui pourraient avoir des vins en entrepôt fictif, c'est-à-dire à terme de crédit, et on a pensé qu'ils devaient payer pour ces vins le même droit que pour ceux qui entreraient après la nouvelle loi.

Au mois d'août 1842, diverses propositions surgirent, les uns voulaient que l'on fît un recensement général et qu'on accordât la remise pour tous les vins qu'on trouverait en cave ; moi, je ne voulais pas aller si loin, je voulais seulement qu'on tînt compte de la réduction du droit pour tous les vins qui seraient en entrepôt fictif. Ma proposition fut adoptée par 35 voix contre 28 ; au sénat, elle fut également adoptée ; mais le ministère, qui craignait de prendre une mesure ayant des effets rétroactifs, système que l'on n'avait jamais voulu admettre, a, par un arrêté, proposé à Sa Majesté de ne pas sanctionner le projet de loi. On vient dire qu'ici il n'y a pas rétroactivité, que c'est l'exécution d'une promesse. Cette promesse qu'on invoque, on n'avait pas pu la faire.

Mais nous ne pouvons admettre aujourd'hui le système de la rétroactivité qui a été mis de côté depuis 1830. Nous y reviendrions en adoptant l'amendement de l'honorable M. de Corswarem. Le gouvernement a été beaucoup plus loin que la chambre en 1842. Je crois que nous ne pouvons adopter ce système. Je ne puis donner mon vote approbatif à la proposition de l'honorable M. de Corswarem.

M. de La Coste. - Le premier orateur qui a été entendu a parlé de moyens stratégiques. Je n'aurais pas jeté cette expression dans la discussion ; mais puisqu'elle y a pris place, je dois reconnaître que, dans mon opinion, on a réellement eu recours à un moyen stratégique, à une certaine tactique. Cela vous paraîtra d'autant plus clair, à mesure que j'avancerai dans les observations que je vais avoir l'honneur de vous soumettre.

Je commencerai par relever quelques-unes de celles qu'a présentées l'honorable M. Osy.

Il vous a dit que tout le monde savait, à l'époque où a été votée la loi de 1847, que les produits de la récolte excédaient les prévisions. Je crois qu'il y a méprise dans les termes dont s'est servi l'honorable M. Osy. Il a voulu dire que tout le monde l'ignorait. Du moins, le ministère l'ignorait, et nous l'ignorions également.

L'honorable M. Osy a parlé d'un point sur lequel il paraît avoir des renseignements que je n'ai pas, et dans lesquels je ne veux pas entrer. Il a dit que, d'après les arrangements particuliers pris entre certains raffineurs et certains fabricants, la déduction votée il y a deux jours ne tournerait pas au profit des raffineurs. Je conçois que cette observation ait du poids pour l'honorable membre ; mais j'espère qu'elle n'arrêtera pas la chambre, qu'on s'inquiétera de savoir non à qui profite la chose, mais si elle est équitable.

L'honorable M. Osy a encore dit qu'on ne s'était occupé dans la dernière discussion que de la question de savoir si la loi de 1847 sera ou non maintenue, qu'on a voté sans discussion sur la question qui s'agite maintenant, qu'on ne s'en est nullement embarrassé. Effectivement d'honorables orateurs ont parlé dans ce sens lors de nos derniers débats. Mais tout le monde leur a fait observer que cette question était précisément l'objet de la discussion ; l'honorable M. Dechamps, qui semblait plus ou moins combattre dans les rangs des défenseurs du sucre exotique, nous a dit qu'il n'y avait à discuter que là-dessus. Mais pourquoi les honorables orateurs auxquels je fais allusion (page 746) disaient-ils : Nous ne nous occupons pas de ceci ? C'est là qu'est la tactique ! C'est qu'on voulait disjoindre les deux questions, afin que, quand un intérêt serait à couvert ; on atteignit l'autre en sûreté.

Je soutiens que cette tactique ne doit pas être admise parce que les deux questions sont connexes. Elles l'étaient dans l'esprit du ministre, dans l'esprit de la section centrale qui les avait posées toutes deux ; elles sont connexes par la nature des choses. Vous l'apprécierez encore davantage tout à l'heure.

L'honorable ministre des finances vous a dit que la perte serait insignifiante pour le trésor quant à la récolte de 1846-1847, que pour la récolte de 1847-1848 elle serait de 200,000 francs si l'on n'exportait rien, si l'on n'apurait rien par l'exportation ; et cette observation est parfaitement juste.

C'est donc là le maximum de la perte. Quel est le minimum ? Zéro. C'est-à-dire que si l'on exporte tout ce que l'on peut exporter, si l'on exporte environ la moitié du produit de la récolte, deux millions et demi de kil. et quelque chose, le crédit sera entièrement apuré, et les 200,000fr., comme tout le reste, se réduiront à zéro, soit que l'on exporte réellement le produit de la récolte, soit, ce qui est beaucoup plus probable, que ce soient deux millions et demi de sucre exotique que l'on exporte par transfert.

Ainsi, messieurs, dans le calcul de la perte, il y a un élément qui nous manque et c'est l'élément essentiel, c'est le chiffre de l'exportation. Tout dépend du chiffre de l'exportation multiplié par le chiffre de la restitution.

M. de Corswarem. - On a exporté un million et demi l'année dernière.

M. de La Coste. - Tout cela dépend donc, messieurs, de ces deux éléments dont l'un vous est inconnu, dont l'autre est le résultat de la loi de 1847.

En maintenant la loi de 1817, vous avez fixé l'un de ces éléments. Vous voyez donc bien que les questions sont connexes et que si vous acceptez le maintien de la loi de 1847, vous devez en accepter les conséquences. Vous ne pouvez, je le répète, maintenir la loi et ne pas en j subir la conséquence. Vous avez eu cette conséquence en vue dans la dernière discussion j et je pense que dans l'esprit de la chambre, comme dans l'esprit du ministère, dans l'esprit certainement de la plus grande partie de ceux qui ont constitué la majorité, on n'a admis l’un des termes de cette transaction que parce qu'on était dans l'intention d'admettre l'autre, ou plutôt parce qu'on venait déjà de l'admettre.

Messieurs, la question est tellement connexe que toutes les personnes qui la comprennent, et mes adversaires comme moi, conviendront que l'augmentation du droit aboutit, pour le sucre indigène, à porter le rendement de 45 1/2 à 51 1/2 p. c. Voilà tout le résultat du chiffre de 4 fr. ajouté au chiffre de 30 ; c'est que le crédit du sucre indigène ne pourrait plus s'apurer désormais que par l'exportation de 51 1/2 au lieu de 45 1/2 kil.

Ainsi, messieurs, vous augmenteriez le rendement sur le sucre indigène en même temps que vous maintiendriez le rendement sur le sucre exotique.

Voilà comment la question est connexe. Voilà comment en bonne justice vous devez vous occuper en ce moment des deux industries. Voilà aussi comment il n'est pas exact de dire, comme l'a dit, je pense, l’honorable M. T'Kint, qu'il ne s'agit pas d'une perte pour le sucre indigène. Sans doute il y aurait une perte, il y aurait une défaveur si le rendement de ce sucre était élevé, tandis que le rendement du sucre exotique resterait le même..

Messieurs, le système que nous avons adopté par la loi de 1846 nous coûte 2 millions par an. Car nous pourrions facilement tirer de l'accise du sucre 5 millions. Si donc le système nous tient parole et nous rapporte 3 millions, il nous coûtera 2 millions. Mais il ne nous rapporte pas 3 millions ; il ne nous rapporte que 1,400,000 fr. Le système nous coûte donc pour le moment trois millions et demi. Je souhaite que plus tard il nous tienne parole, que nous nous en trouvions bien et que nous puissions le garder, parce que la conciliation est dans mes vœux ; mais il me semble, messieurs, que lorsque nous faisons de tels sacrifices, on ne devrait pas nous arrêter à un chiffre insignifiant et qui se réduira probablement, comme je l'ai dit, à zéro.

Messieurs, si ce sont les intérêts du trésor qui touchent l'honorable M. Osy, je vais lui faire une proposition et nous allons être d'accord. Votons l'amendement de M. de Corswarem comme mesure transitoire ; puis levons la séance et rendons-nous dans les sections pour examiner la proposition de M. Mercier. Voilà ce qu'il faut faire au point de vue de l’intérêt du trésor ; mais si vous voulez une transaction, n'en faîtes pas deux parts, une que vous gardez pour vous, l'autre que vous déchirez.

M. Delehaye. - Messieurs, l'honorable député. que vous venez entendre a eu parfaitement raison de porter toute l'attention de la chambre sur la question de l'influence de la proposition sur les exportations. Il a commis une erreur quand il vous a dit que le droit de 4 francs par 100 kil. sur le sucre de betterave porterait atteinte à la prospérité de cette industrie. L'examen de ce qui se passe prouve le contraire. Par la loi de 1846 et celle de 1847 vous avez voulu, messieurs, que celle des deux industries qui prendrait le développement le plus considérable serait aussi celle à laquelle on imposerait de nouvelles charges.

Lorsqu'en 1847 nous avons fait une loi de conciliation, ou une loi de transaction, de grands avantages, comme je l'ai dit avant-hier, avaient été accordés à la fabrication du sucre de betterave, en ce qui concerne deux modes de contrôle.

C'était là une nouvelle compensation du maintien du rendement de 68. Personne n'a pu contredire ce que j'avais dit à cet égard. Ainsi on a bien appliqué la loi puisqu'on imposait de nouvelles charges à l'industrie du sucre de betterave suivant qu'elle prendrait du développement. Eh bien, messieurs, on supposait au sucre de betterave un 'production de 3,800,000 kilog. ; or, cette production a atteint le chiffre de 5 millions de kilog. Pouvez-vous dire dès lors que le cas prévu n'est pas arrivé, que le moment n'est pas venu d'imposer une nouvelle charge au sucre de betterave ?

L'honorable M. de La Coste a dit que c'était principalement le chiffre du rendement qu'il fallait prendre en considération. Il a parfaitement raison ; mais, messieurs, qu'en résulte-t-il ? Il est positif que l’industrie de la betterave ne devra exporter que 51 1/2 kilog. pour avoir l'apurement de son compte, pour être liquidée vis-à-vis du trésor, tandis que l'industrie du sucre de canne devra exporter 68 et une fraction ; le sucre de betterave a donc un avantage de 30 pour cent sur le sucre de canne.

Voilà le fait qui a été signalé par l'honorable M. de La Coste, et je l'en remercie, car il a jeté du jour sur la question, en faisant connaître quelle est la position réelle des deux industries.

Messieurs, au moment d'entrer dans cette enceinte, j'ai reçu une lettre du commerce de Gand. Le commerce s'est vivement alarmé et il vient réclamer aussi sa part. C'est précisément à Gand qu'on a fait les achats les plus considérables en sucre de betterave sur le restant des campagnes de 1846 et 1847, et savez-vous, messieurs, ce que le commerce de Gand a payé ? Il a payé le droit de 34 francs, c'est-à-dire que ce serait au commerce de Gand que vous devriez rendre les 4 francs. C'est au nom de la betterave qu'on vient réclamer ces 4 francs, alors qu'ils lui ont déjà été payés par les raffineurs.

Vous voyez donc, messieurs, que la proposition est le résultat d'une combinaison faite de longue main ; on a spéculé sur ce retard et on a commencé par exiger 4 fr. des raffineurs. Que deviennent, en présence de ce fait, ces appels à l'équité, à la justice, et surtout cet argument sur lequel l'honorable M. de La Coste a si vivement insisté ? Lorsque nous avons, en 1847, apporté des modifications à la loi de 1846, c'était dans l'intérêt du sucre de canne et dans l’intérêt du sucre de betterave. Il est vrai que le sucre de canne en a profité un peu plus, mais il y a eu une large compensation, puisque nous avons-supprimé, à l'égard du sucre de betterave, deux moyens de contrôle : le contrôle au lochage et le contrôle à l'empli..

M. Verhaegen remplace M. Liedts au fauteuil.

M. Lejeune. - Il faut bien le reconnaître, la solution qu'a reçue avant-hier la question qui nous occupe est, au moins, très bizarre. Tous les efforts de la section centrale ont tendu à faire augmenter le produit de l'impôt ; au lieu d'arriver à cette conclusion de faire rentrer 1,800,000 francs au trésor, on aboutit à une autre, à celle d'y puiser encore 200,000 fr., d'augmenter le déficit de 200,000 fr. Je ne sais quelle est l'intention de mes collègues de la section centrale, mais quant à moi je ne puis pas me résigner à faire pour le trésor public ce nouveau sacrifice.

Ce qui a empêché la section centrale de réussir dans sa proposition, c'est l'opposition du gouvernement, c'est l'incertitude jetée sur les renseignements fournis à la section centrale, et enfin le temps perdu, les deux mois qui se sont écoulés depuis que la proposition a été soumise à la chambre.

Messieurs, l'honorable membre a fait remarquer que la section centrale a émis un avis subsidiaire en faveur de l'amendement qui vous est présenté. Cela est exact. Je ne veux ici diminuer en rien l'impression que les rapports de la section centrale ont pu faire sur vos esprits ; cependant permettez-moi de vous rappeler trois conclusions de la section centrale.

La première, c'est le rejet de l'amendement ; voilà ce qu'il y a de plus positif ; la seconde portait, que dans un cas hypothétique, la pétition qui sollicitait la faveur, réclamée aujourd'hui, devrait être renvoyée à M. le ministre des finances, avec demande d'explications. Ainsi, dans le cas hypothétique qui se présente aujourd'hui, la section centrale n'a pas formulé de proposition, n'a pas soumis d'amendement à la chambre ; elle a dit que, dans ce cas, il y aurait lieu de renvoyer la pétition à M. le ministre des finances, et c'est alors que devait commencer un examen approfondi de la question, de la part du gouvernement.

Du reste, je ne dois pas oublier de faire remarquer que la section centrale, quand elle a délibéré, avait la certitude que le gouvernement présenterait un projet de loi dans ce sens, et c'est à ce point de vue qu'elle vous a toujours fait craindre, dans le produit de l'impôt, un nouveau déficit à ajouter à celui qui proviendrait de la faveur qu'on continuerait au sucre de canne.

Il y a un troisième passage qui a trait directement à la discussion qui nous occupe.

Un membre de la section centrale a soutenu que, même dans l'hypothèse qui se présente, on ne devait pas accorder la réduction de l'accise sur le sucre de betterave. Un autre membre a prétendu le contraire, et qu'a fait la section centrale ? La section centrale a dit qu'elle n'entrait pas dans cette discussion, parce que, dans sa manière de voir, elle était sans objet ; et cette manière de voir exprimée à chaque page du rapport, (page 747) c'est d'arrêter le déficit, de ne pas en créer de nouveaux ; c'est de retirer les faveurs, et de ne pas en créer de nouvelles.

Quant à moi personnellement, je me suis tenu, vis-à-vis du sucre de canne, au droit rigoureux. Je ferai la même chose pour le sucre de betterave : je m'en tiendrai au droit rigoureux, c'est-à-dire, que je n'augmenterai pas aux dépens du trésor un bénéfice réalisé. Il ne s'agit pas ici de réparer un dommage, il s'agit d'augmenter un bénéfice ; eh bien, je ne puis me résoudre à ce procédé généreux.

L'honorable M. de La Coste a parlé de transaction à l'honorable M. Osy ; quant à moi, je n'ai aucune transaction à accepter ou à proposer ; je voudrais une chose, c'est qu'il se formât dans la chambre un tiers parti, qui ne fût ni canne ni betterave, qui fût trésor public...

Des membres. - C'est cela !

M. Lejeune. - Et que ce parti ne se contentât plus jamais de vaines promesses ; car, messieurs, il est certain, quoi qu'on en dise, que la chambre, en votant les lois des sucres, a compté sur le revenu qui a été promis, promis sans restriction.

Maintenant, il est vrai, on vient nous dire que ce revenu ne pouvait être atteint que dans des circonstances normales. Ainsi, la transaction se réduirait à ces termes : Nous profiterons de toutes les circonstances favorables, et lorsque tout ira bien, vous aurez ce que vous espériez ; mais le moindre accident imprévu, toutes les éventualités défavorables, devront être supportées par le trésor.

Je bornerai là mes observations. Je voterai contre l'amendement de l'honorable M. de Corswarem.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, l'honorable M. Lejeune désire qu'il se forme un tiers-parti, composé de défenseurs des intérêts du trésor. Dans la position que la loi du 17 juillet a faite aux intérêts qu'elle a cherché à concilier, il faut, sans aucun doute, que chacun ait sa part. La part du trésor, jusqu'à présent, n'a pas été belle ; mais le gouvernement a déclaré qu'avec les moyens que la loi fournit, il fera en sorte de rendre cette part meilleure ; il tirera de la loi tout le parti qu'il peut en tirer, et lorsqu'il verra que le minimum de 3 millions n'est pas atteint, il viendra proposer à la législature des mesures tendant à faire produire cette somme par les deux industries du sucre.

Mais, messieurs, jusqu'à présent, le gouvernement n'est pas en demeure. Sa liberté d'action, ce sont les chambres qui, eu égard à des circonstances anormales, l'ont momentanément enchaînée. Cet ajournement, ce temps d'arrêt, consacré par la loi du 16 mai 1847 en faveur du raffinage de sucres exotiques, nous avons cru devoir le défendre par respect pour la loi elle-même. Le sucre indigène ne peut pas faire valoir en sa faveur un argument si puissant ; ce n'est pas un droit rigoureux qu'il invoque ; mais il a des considérations d'équité, de loyauté, qui ont bien aussi leur prix et dont un gouvernement doit tenir compte.

Il nous a paru qu'il y avait équité à admettre un tempérament dans l'application du taux de l'accise à la production du sucre de betterave et nous avions raison d'en juger ainsi, car les explications si complètes qu'a données un honorable prédécesseur, M. Malou, ont parfaitement établi que si, à la date de la présentation de la loi du 16 mai 1847, il avait su que le sucre indigène fût dans le cas d'être frappé d'une accise forte, il aurait demandé à la législature l'autorisation de suspendre durant le même terme, en faveur de ce sucre, l'article 5 de la loi de 1846. Je trouve encore cette preuve dans le rapport fait à l'occasion de l'arrêté du 28 juillet 1847. Voici ce que disait l'honorable M. Malou :

« La loi du 16 mai 1847a suspendu temporairement, à certains égards, les effets de la loi de principe du 17 juillet 1846. Si les résultats de la campagne, quant au sucre de betterave, avaient été connus à l'époque où cette suspension à été admise par les chambres et par le gouvernement, peut-être eût-il été reconnu équitable de maintenir aussi le statu quo au profit de l'industrie du sucre indigène.

« Aujourd'hui l'aggravation du droit d'accise doit être prononcée, en présence des termes formels de la loi. Le gouvernement pourra toutefois examiner ultérieurement s'il y a lieu de soumettre à la législature une proposition dans le sens que je viens d'indiquer. »

L'examen ultérieur a de plus en plus confirmé l'honorable membre dans cette opinion ; il l'a déclaré dans maintes circonstances et, lorsque l'amendement de l'honorable M. de Corswarem a été présenté, nous avons exprimé le désir que les mêmes explications fussent données à la chambre. Il en résulte à l'évidence que la ligne de conduite que, depuis l'origine, l'on s'est constamment attaché à suivre, a été de maintenir le principe de pondération entre les deux industries rivales, principe qui, à mon avis, doit être maintenu également dans l'intérêt du trésor qui en retirera plus d'avantages que la perte de toute la somme de 200,000 fr. ne lui causerait de préjudice.

Je m'explique. Les soins constants du département des finances doivent consister à agir envers les deux industries avec une entière impartialité. S'il garde cette position, il écartera les réclamations auxquelles ces changements prévus par la loi elle-même pour son application, ne manqueront pas de donner lieu. Il en triomphera ; tandis que si l'une des industries peut s'appuyer sur un avantage déjà fait à sa rivale ; tout change et tout peut devenir un sujet d'entraves et de difficultés. C'est sur ce terrain, messieurs, que le gouvernement croit devoir se placer.

La question a été suffisamment éclaircie par toutes les explications que vous avez entendues ; nous avons tâché de faire comprendre comment nous l'envisagions ; dans l'intérêt des deux industries, nous pensons qu'elle doit être résolue comme elle l'a été par un premier vote, dans une séance précédente.

Il me reste à donner quelques explications sur l'exécution de l'amendement, s'il est converti en loi. L'honorable M. Delehaye demandait comment se ferait la restitution des 4 fr. aujourd'hui que plusieurs raffineurs ont acheté des sucres bruts des fabricants. Voici comment ces transactions se sont probablement passées : Il y a plusieurs mois que l'on a prévu que la loi du 16 mai aurait pour conséquence une proposition analogue en faveur du sucre indigène, à cause de l'erreur dans laquelle le gouvernement avait été relativement au chiffre de sa production. Des réclamations avaient été adressées à mon prédécesseur, même avant l'arrêté du 28 juillet 1847, et c'est sous l'impression de cette idée, que ces réclamations seraient admises, que les ventes ont eu lieu.

Il résulte de renseignements parvenus à l'administration que les ventes se sont faites sous la réserve que si la réduction de 4 fr. était accordée par la loi, il en serait tenu compte par les fabricants aux acheteurs. Les 4 fr. ne seront pas remboursés en écus aux fabricants, comme on a paru le croire ; ils viendront en déduction des crédits à échoir ; on leur dira : Vous avez payé 34 fr. au lieu de 30 ; on vous tiendra compte de la différence pour les prises en charge ultérieures. Il n'y aura de ce chef aucune difficulté dans la liquidation des droits.

L'honorable M. : Osy a parlé de ce qui s'est passé en 1842, relativement au droit d'accise sur les vins, réduit par suite de la convention de commerce conclue avec la France. Depuis hier j'ai fait examiner cette j question ; elle fait l'objet d'une note que je pourrais lire à la chambre, si je ne cherchais à abréger.

Alors il s'agissait d'un principe de législation en matière d'accise, de la fixité des termes de crédit, principe auquel il n'a plus jamais été dérogé depuis 1830. Mais, dans le cas actuel, on a vendu dans la prévision qu'il y aurait un changement au taux de l'accise. Les transactions ont été faites sous réserve ; ce sont des considérations dont on peut tenir compte, sans porter atteinte au principe qui doit être maintenu.

En résumé, il eût convenu au gouvernement de maintenir, avant tout, le statu quo jusqu'au 1er juillet prochain. Au point de vue du trésor, cette solution de la difficulté était sans doute la meilleure ; mais après délibération, il a été reconnu qu'il y avait équité et loyauté à tenir compte des motifs sur lesquels est fondé l'amendement de l'honorable M. de Corswarem, et ces motifs ont déterminé le gouvernement à l’appuyer.

M. de Corswarem. - La section centrale a présenté différentes conclusions : des conclusions principales qui ont été rejetées et des conclusions subsidiaires que j'ai reprises pour mon compte. Ces conclusions subsidiaires constituent tout mon amendement.

Voici comment l'honorable M. Lejeune s'exprime dans son rapport : « Toutefois la section centrale, à la majorité de six voix contre une », elle était au grand complet, et il n'y a eu qu'un seul dissident quant à la mesure que je propose, « croit devoir ajouter que si contre son attente, la chambre n'adoptait pas soit l'amendement qui lui est soumis au sujet de l'impôt sur le sucre, » c'est l'amendement que la chambre n'a pas adopté, « soit une autre disposition plus efficace dans l'intérêt du trésor public, » cette disposition a été présenté par l'honorable M. Mercier, et la chambre ne l'a également pas encore adoptée. « Si par conséquent la décharge à l'exportation du sucre raffiné était maintenue au taux actuel » vous la maintenez ; la section centrale dans ce cas vous dit qu'alors il deviendrait inévitable, si ces cas se réalisaient, de réduire à 30 francs le droit d'accise sur le sucre de betterave et de suspendre les effets de l'article 5 de la loi du 17 juillet 1846.

Eh bien je propose tout simplement ces conclusions subsidiaires de la section centrale.

« Dans ce cas, il y aurait lieu de renvoyer la pétition à M. le 'ministre. » Sans contestation pour qu'il présentât la disposition que j'ai présentée.

Enfin mon amendement propose de faire ce que l'honorable M. Matou vous aurait proposé s'il fût resté au ministère et ce qu'il aurait promis aux intéressés de faire si, en donnant cette promesse, il n'eût craint d'engager la responsabilité de ses successeurs ; il a dit qu'en donnant en quelque sorte une parole au nom du gouvernement il craignait d'engager ses successeurs, mais a promis de soutenir les intéressés si une proposition pareille à mon amendement était faite ; le ministre des finances à son tour vient de déclarer que ma proposition est une question de justice, d'équité, de loyauté.

Voyons dans quelles circonstances se sont trouvées les deux industries. La décharge à l'exportation du sucre exotique, proposée d'abord à 62 par le projet de loi, a été portée, pendant la discussion, à 66, et maintenue à ce chiffre, quoiqu’il aurait dû être abaissé pour nous faire atteindre la recette de 3 millions. En même temps l'accise sur le sucre indigente, fixée d'abord à 38 fr., a été abaissée à 30 fr. ; mais elle n'y a pas été maintenue, elle a été augmentée de 4 fr. ; la décharge sur le sucre exotique a été maintenue, et le droit imposé au sucre indigène a été augmentée. Voilà quelle est aujourd'hui la position des deux industries. La loi du 16 mai a été une véritable transaction, vous a-t-on dit plusieurs fois ; je m'étais demandé qui pouvait avoir stipulé dans cette transaction au nom de l'industrie nationale. Dans une précédente séance, l'honorable M. Delehaye nous a révélé qu'il y avait eu des conférences au ministère des finances ; que l'industrie du sucre exotique y avait été représentée par lui, par l’honorable M. Osy et par l'honorable M. Loos. C'étaient les adversaires les plus déclarés de l'industrie nationale. Je me suis adressé à M. Malou pour savoir comment il se faisait qu'il avait appelé les trois plus chauds partisans du sucre étranger, et qu'il n'avait appelé aucun défenseur de l'industrie nationale.

Cet honorable membre m'a appris alors qu'il avait appelé séparément un fabricant de sucre indigène, contre lequel il avait soutenu les intérêts (page 748) du sucre exotique. Ce fabricant de sucre indigène est sans doute un très habile industriel, je dois le reconnaître. Mais je doute qu'il fût de force à lutter contre l'honorable M. Malou sur le terrain de la rédaction d'une loi.

Après cela l'honorable M. Malou a appelé nos trois honorables collègues, qui, véritablement, sont très capables de tenir tête à qui que ce soit, quand il s'agit des intérêts du sucre exotique, et contre eux il a soutenu les intérêts de l'industrie nationale.

Le résultat de ces conférences a été de vous proposer en faveur du sucre étranger la suspension de l'article 4 de la loi du 17 juillet 1846 jusqu'au 1er janvier 1848. C'est sur ce pied qu'on avait transigé avec le fabricant de sucre indigène, qui croyait bien que l'exemption ne serait accordée que jusqu'au 1er janvier.

Mais, pendant la discussion, l'honorable M. Loos a présente un tout petit amendement. Cela ressemblait fort à de la stratégie, puisqu'on s'est servi de ce mot. Par ce petit amendement, il proposait de proroger la suspension de l'article 4 du 1er janvier au 1er juillet.

Pour nous faire adopter cet amendement, savez-vous ce qu'il nous a dit ? Il l'a développé en très peu de mots. Il a dit :

« Je propose de substituer au 1er janvier 1848 le 1er juillet 1848, parce qu'en effet, l'expérience ne sera complète, les résultats quant au sucre de betterave ne pourront être constatés qu'au 1er juillet de chaque année. Aux termes même de la loi du 17 juillet de l'année dernière, ce n'est qu'à cette époque (c'est-à-dire au 1er juillet 1848) qu'on pourra constater la production du sucre de betterave ; c'est à cette époque que les droits pourront être changés. Je demanderai donc qu'on substitue le 1er juillet au Ier janvier. »

Ainsi, pour nous faire adopter le maintien de la décharge à 66 fr., quand même les recettes ne monteraient pas à 3 millions, l'honorable M. Loos nous disait que l'accise sur le sucre indigène ne serait pas changée avant le 1er juillet 1848.

L'honorable M. Osy a appuyé cet amendement, dans un discours, pas plus long que celui de l'honorable M. Loos, mais tout aussi significatif. Voici comment il s'exprimait :

« Toute la question est de savoir pour le moment si, à raison de la position critique où se trouvent actuellement les deux industries (l'honorable M. Osy trouvait que les deux industries étaient dans une position critique), il ne faut pas proroger l'article 4 de la loi de 1846, de six mois ou d'un an. »

Ainsi, pour favoriser les deux industries, on proposait d'exempter l'industrie du sucre étranger seul. On parlait de l'article 4, nullement de l'article 5 qui concerne les intérêts de la production nationale.

« Je crois (disait cet honorable membre) qu'il convient d'adopter l'amendement de l'honorable M. Loos.

« A l'époque fixée par l'amendement (ceci ne peut laisser aucun doute que l'honorable M. Osy avait en vue le terme du 1er juillet 1848), nous connaîtrons le résultat de la campagne de la betterave pour 1847 ; et au printemps prochain, nous pourrons examiner la question. »

Le printemps est prochain, et l'honorable M. Mercier nous a présenté un amendement, qui sera examiné dans les sections. Nous examinerons donc cette question au printemps qui était prochain alors, dans lequel nous allons entrer maintenant.

Ainsi les honorables députés nous ont alléchés au moyen de la betterave pour faire passer la canne. Mon amendement n'est autre chose que la mise en pratique des arguments qu'on a fait valoir à l'appui de l'amendement de l'honorable M. Loos.

On a dit, à plusieurs reprises, que la loi de 1846 a été avantageuse à la production indigène. L'honorable M. T'Kint a dit qu'elle avait donné l'élan à cette industrie. L'honorable M. Cogels a dit qu'elle faisait un régime très doux à cette industrie. L'honorable M. Loos a dit que cette loi lui accordait une très grande tolérance.

Voyons quels ont été les résultats de cette loi.

Pendant les 22 mois (depuis le 1er janvier 1846 jusqu'au 31 octobre 1847) (et sous le régime de la loi de 1843) l'accise sur les sucres de canne a produit 2,374,032 francs en 22 mois, plus de 100,000 francs par mois ; et sous le régime de la loi de 1846 il n'a produit en 18 mois que 878,840 francs, ou près de 50,000 francs par mois : il a donc diminué de 50 p. c.

Tandis que l'accise sur le sucre de betterave a produit, sous le régime de la loi de 1843, fr. 509,804 en 22 mois, ou un peu plus que fr. 23,000 par mois, et sous le régime de la loi de 1846 elle a produit fr. 497,386 en 18 mois, ou près de fr. 28,000 par mois. Ainsi augmentation de près de 22 p. c.

Donc l'accise sur le sucre de betterave s'est augmentée de 22 p. c. pendant le même temps que le droit sur le sucre exotique tombait à moitié. La betterave qui, sous le régime de la loi de 1843, ne produisait qu'un peu au-delà du quart des droits, eu a payé presque la moitié sous le régime de la loi de 1846. Voilà l'élan donné à cette industrie ! Voilà la grande protection qui a été accordée. On a dit aussi que cette industrie a été affranchie du régime sévère auquel elle avait été soumise. L'honorable M. Malou a dit et répété que l'arrêté du mois d'août 1846 qu'il a provoqué soumet le sucre de betterave à un régime exceptionnel tellement rigoureux qu'aucune autre industrie, soumise au droit d'accise, n'en avait jamais subi un pareil. Il nous a dit aussi qu'il avait dû établir ce régime pour se convaincre de la production réelle des fabriques de sucre de betterave.

Au moyen de ce régime il a acquis cette conviction, et alors il a mitigé ce régime exceptionnel, mais sous quelles conditions ? En augmentant de 17 p. c. la prise en charge, en le portant de 12 hectogrammes à 14, par 100 litres de jus et par degré de densité.

Ainsi, messieurs, aujourd'hui les fabriques de sucre de betterave sont prises en charge à raison de 14 hectogrammes, tandis qu'auparavant elles ne l'étaient qu'à raison de 12 ; et ce chiffre est tellement élevé, que plusieurs fabriques ne l'atteignent pas. Il y en a quelques-unes qui le dépassent, il faut bien en convenir, mais plusieurs ne l'atteignent pas. Ainsi, on doit convenir que ce chiffre est déjà très élevé, et que si le régime a été modifié, ce n'a pas été sans une large compensation pour le trésor.

Messieurs, on en est arrivé aujourd'hui à demander quel serait le résultat financier de mon amendement. L'honorable ministre des finances nous a déclaré que, sur la campagne de 1847-1848, la perte que subirait le trésor monterait à 200,000 fr., si aucune quantité n'était exportée.

L'honorable M.de La Coste vous a démontré tantôt que, par l'exportation de 2,500,000 kilog., on apurerait tous les comptes des fabricants de sucre de betterave. Eh bien, dans la campagne qui vient de s'écouler, il a été exporté 1,500,000 kilog. de sucre de betterave, savoir : 826,800 kilog. par quatre raffineurs de Gand ; 413,000 kilog. par un raffineur de Bruxelles ; et 216,100 kilog. par un raffineur d'Anvers.

Ainsi, si l'exportation reste pendant la campagne prochaine telle qu'elle a été dans la campagne dernière, 13/23 de ces 200,000 francs seront apurés par l'exportation, et si l'exportation augmente de 2/5, les 200,000 francs seront entièrement apurés et le gouvernement ne perdra pas un centime.

Messieurs, mon amendement n'a d'autre but que de placer les deux industries sur un pied d'égalité parfaite.

Cet amendement a surtout pour but de nous laisser les coudées franches lorsqu'il s'agira de discuter une loi qui doit avoir des résultats financiers plus satisfaisants. Si nous laissons subsister le régime d'inégalité entre les deux industries, il va sans dire que lorsque nous discuterons prochainement une nouvelle loi, les fabricants de sucre indigène viendront réclamer une compensation pour la perte qu'ils auront essuyée. En mettant, au contraire, les deux industries sur le pied d'une parfaite égalité, ils n'auront droit à aucune compensation, et nous aurons les coudées parfaitement libres, je le répète, vis-à-vis de l'une comme vis-à-vis de l'autre industrie.

Messieurs, je regrette que les résultats financiers que nous nous étions promis des lois sur les sucres ne soient pas obtenus. Autant que qui que ce soit, je voudrais pouvoir faire produire aux deux industries du sucre une somme d'au moins 3 millions de francs, et je donnerai volontiers la main à toute mesure de nature à nous faire atteindre ce résultat, pourvu que le système de la coexistence puisse être maintenu. Car je dois convenir qu'il est très pénible pour le contribuable de payer un impôt annuel de 5 millions dont un quart seulement entre dans les caisses du trésor. Jusqu'ici ils ont payé un véritable tribut de 30 à 40 millions à l'industrie du sucre étranger, et ce tribut est trop exorbitant pour que nous ne fassions pas tous nos efforts pour soustraire le contribuable du moins à une partie de ce tribut en faveur du sucre étranger.

M. Loos. - Messieurs, je ne serai pas long, car je n'entends pas entrer dans le fond de la question. Un de ces jours, je me propose seulement d'examiner de quel droit et par quel principe d'équité l'industrie du sucre indigène réclamerait une diminution de droit.

Je ne puis cependant me dispenser de dire à l'honorable M. de Corswarem, qui vient de rentrer dans le débat clos avant-hier, que si l'accise sur le sucre de canne a produit pendant plusieurs mois moins que le sucre de betterave, je croyais avoir expliqué quel était le motif de cette circonstance résultant de la transition de la loi de 1843 à celle de 1846. L'honorable M. de Corswarem semble avoir perdu de vue que j'ai indiqué à la chambre, ce qui n'a pas été contredit par M. le ministre des finances, que dans le mois de décembre de 1846, le sucre de canne doit avoir versé au trésor près d'un million, attendu que les quatre derniers mois de 1846 ont donné autant de produits que les huit mois précédents.

Ainsi, le sucre de canne ayant fourni à la consommation pour un certain temps ne pouvait pas donner plus que ce qui était nécessaire à la consommation.

C'est le seul point que je rencontrerai dans les observations de l'honorable M. de Corswarem.

Messieurs, je me demande d'où nait le droit, où est l'équité qu'il y aurait de restituer au sucre indigène les 4 fr. dont il a été surtaxé.

Pour examiner cette question, il est nécessaire de nous reporter à l'époque de la loi de 1847. Que s'est-il passé alors ? L'honorable ministre des finances avait présenté à la chambre un projet de loi fixant les règles d'après lesquelles la perception de l'accise aurait été opérée dans les fabriques de sucre indigène. La section centrale était saisie du projet de loi. Tous les membres de la section centrale, qui partageaient mon opinion, croyant que, d'après ce projet, il serait créé une faveur considérable pour le sucre indigène, se disposaient à le combattre de tous leurs efforts. Nous pouvions constater, par des documents officiels, que même dans l'absence de toute espèce de fraude, le projet de loi présenté par l'honorable ministre des finances devait produire d'emblée une réduction de 10 p. c. sur les droits qui frappent le sucre de betterave.

M. Malou. - C'est une erreur complète.

M. Loos. - C'est si peu une erreur complète, que par les pièces que (page 749) j'ai fournies l'autre jour à la chambre, j'ai prouvé qu'après la défécation un excédant s'élevant à 10 p. c. a été constaté en France.

Je suis à même de prouver qu'on a aussi constaté ici des excédants dépassant 10 p. c. En effet, l'année dernière, quand il s'est agi de la loi de 1847, j'ai voulu m'éclairer des renseignements que possédait le département des finances. J'ai demandé à voir quelles étaient les prises en charge constatées pour le sucre de betterave en vertu de l'arrêté du mois d'août 1847. Le rendement légal était alors de 1,300 gr. ; j'ai trouvé qu'en moyenne, au lieu de 13, on avait constaté 15,203. Il résulte de là que dans nos fabriques on obtenait les mêmes résultats qu'en France.

Lors de la discussion de la loi de 1847, il ne nous a pas été permis de présenter nos arguments. M. le ministre des finances a prévu une longue discussion et il nous a dit qu'on ne pouvait pas, à la fin d'une session, refaire la loi des sucres, mais qu'il était possible d'établir une transaction ; et comment cette transaction s'est-elle établie ? Nous disions : Le sucre de canne est chargé de parfaire tout ce qui manquera de la somme de 3 millions, attendu qu'à raison du moins produit de l'impôt vous augmenterez son rendement. Il est évident pour nous que le résultat de la loi sera de créer un déficit dans le trésor et c'est le sucre de canne qui devra combler ce déficit. Cela est-il juste ? M. le ministre des finances nous dit que nous étions dans l'erreur quant aux effets de la loi qu'il proposait ; que cette conséquence ne se produirait pas, mais nous étions, messieurs, dans une conviction contraire et les défenseurs du sucre de betterave savaient si bien que la loi serait avantageuse à ce sucre qu'ils se montraient tout aussi disposés que nous à accepter la transaction.

Cette transaction consistait donc à ne pas nous rendre responsables du vide que le défaut de perception de l'accise sur le sucre indigène devait produire dans le trésor, c'est-à-dire à ne rien changer au rendement fixé par la loi. Cette transaction était certainement équitable, attendu qu'il s'agissait de nous mettre à l'abri du préjudice que pourraient nous causer les avantages accordés au sucre de betterave. Il y avait pour le sucre betterave une compensation légale, c'est la tolérance écrite dans la loi et qui constitue une réduction de 10 p. c. ; pour nous, il y avait certitude de ne pas voir élever notre rendement avant qu'on ne connût le résultat de la récolte et qu'on ne sût par conséquent à quel taux l'accise sur le sucre de betteraves devrait être élevée.

Messieurs, l'honorable M. Malou vous a dit qu'il trouvait équitable, fondé en équité sinon en droit, la restitution ou plutôt la réduction à opérer sur le taux de l'accise quant au sucre de betterave. A l'époque du mois de mai, je crois que l'honorable M. Malou n'avait pas cette conviction qu'il serait équitable, dans le cas où il y aurait lieu d'augmenter l'accise, de ne pas en tenir compte pour la betterave, car, d'après les renseignements que je viens de vous donner, il était évident que la production du sucre de betterave, qui, officiellement constatée, n'était que de 2,500,000 kilog., devait être poussée en réalité au moins à 4 millions, et que dès lors il était démontré que le sucre de betterave devait subir une augmentation de droits.

Mais le sucre de betterave, qui gagnait 10 p. c. au moins par suite de la tolérance établie dans la loi, ne pouvait pas prétendre à recevoir des deux mains et à être déchargé de la surtaxe à laquelle donnerait lieu l'augmentation de sa production. Cette prétention n'était pas née, elle eût été trouvée absurde et rejetée par l'honorable M. Malou lui-même. (Interruption.)

Ce que je dis résulte d'un entretien que j'ai eu à cette époque avec l'honorable ministre des finances.

Si quelqu'un était venu dire alors : Il va résulter de la loi proposée que le sucre de betterave passera de 30 francs à 32 et à 34 francs, il ne serait venu à l'idée de personne de dire : Dès à présent nous suspendons les effets de la loi de 1846 ; cela ne serait pas plus entré dans l'idée de l'honorable M. Malou que dans celle d'aucun des intéressés à l'industrie de la betterave.

A l'époque où nous discutions la loi de juillet 1846 il y avait aussi d'honorables membres qui se plaignaient des rigueurs introduites dans la loi pour la perception. L'honorable M. de La Coste prévoyait un exercice impitoyable. D'autres membres craignant aussi les mesures rigoureuses qui auraient été prises pour atteindre tous les produits de la fabrication sucre indigène, l'honorable M. Malou répondit : « On n'est pas recevable à qualifier de raffinement de fiscalité, les mesures qui tendent à assurer la perception de l'accise et qui doivent être d'autant plus rigoureuses que les faits en ont plus démontré la nécessité. Il y aurait immoralité à laisser à celui qui est moins délicat que les autres, la possibilité de faire des bénéfices à leurs dépens, en même temps qu'aux dépens du trésor public. »

Ainsi, à cette époque, l'intention de l'honorable ministre des finances était bien d'atteindre tous les produits de la fabrication, car ce n'était pas sur une partie des produits qu'il établissait l'impôt, c'était sur tous les produits.

Pour diminuer l'importance que cette restitution pourrait avoir à vos yeux, on vous a dit, messieurs, que l'intérêt du trésor n'était pas en jeu ou qu'il n'était que très faiblement en jeu. L'honorable M. de La Coste est allé jusqu'à vous dire que si on exportait tout, la perte du trésor serait en définitive de zéro.

Mais, messieurs, comme la chambre laisse aux fabricants la faculté de tout exporter, ne pourrait-elle pas répondre : Mais exportez tout et vous n'aurez pas besoin de la restitution que vous réclamez.

Il ne s'agit pas, messieurs, d'une faible somme, d'une somme qui se réduire peut-être à zéro, car alors on n'insisterait pas tant pour la proposition.

Messieurs, le sucre de betterave est pris en charge à raison de 30 ou de 34 fr., et à l'exportation il reçoit la même restitution que le sucre de canne qui a payé 45 fr. Donc le trésor, qui n'a reçu que 30 ou 34 fr., restitue 45 francs, c'est-à-dire qu'en définitive il restitue plus qu'il n'a reçu.

On a parlé aussi de la connexité qui existe entre le rendement du sucre de canne et l'accise du sucre de betterave.

Il y a si peu connexité que si, en définitive, les trois millions fixés par la loi n'avaient pas été produis et que si, pour le sucre de betterave, on n'eût constaté qu'une production de 3,800,000 kil., l'accise sur le sucre de betterave serait restée ce qu'elle est, c'est-à-dire 30 fr., tandis que le rendement aurait été augmenté. Ce rendement concerne autant le sucre de betterave que celui de canne. On l'a contesté ici ; mais j'invoquerai encore le discours de l'honorable M. Malou qui en 1846 a très bien établi qu'il y avait avantage égal pour les deux industries ; que si l'avantage était plus important pour le sucre de canne, c'était seulement en raison des quantités plus fortes sur lesquelles le rendement opérait.

Je bornerai là mes observations.

M. de Brouckere. - Messieurs, le premier orateur qui a pris la parole dans cette discussion a reproché aux protecteurs du sucre de betterave, d'user de moyens stratégiques pour défendre leur cause. L'honorable M. de La Coste a répondu à cet orateur qu'il y avait, en effet, dans cette discussion des moyens stratégiques mis en cause, mais qu'ils étaient employés par les protecteurs du sucre de canne.

Savez-vous, messieurs, quelle est la vérité ? C'est qu'il y a des moyens stratégiques des deux côtés. Et savez-vous quel est le but de ces moyens stratégiques ? c'est de savoir laquelle des deux industries puisera le plus dans les caisses du trésor.

Des membres. - C'est cela !

M. de Brouckere. - Eh bien, messieurs, selon moi, dans les circonstances où nous nous trouvons, en présence du déficit que présentent les budgets, en présence des nouveaux impôts qu'on nous propose, l'intérêt que la chambre doit prendre à cœur avant tout, c'est l'intérêt du trésor : le seul dont il semble ne pas être question aujourd'hui ; intérêt qui, à mon sens, je dois le dire, n'est pas assez chaudement défendu par les représentants du gouvernement.

Comment ! messieurs, la section centrale vient vous proposer un projet de loi qui doit avoir pour but d'augmenter les ressources du trésor ; ce projet est rejeté ; mais parce que ce projet est rejeté, voilà que la chambre admettrait un autre projet de loi qui a un but tout contraire, qui doit avoir un résultat tout opposé, qui doit infailliblement réduire les ressources du trésor d'une somme d'environ 200,000 fr. !

Je dis une somme d'environ 200,000 fr., car je crois qu'aucun de vous n'aura pris au sérieux le zéro de l'honorable M. de La Coste.

Je crois qu'il est impossible que la chambre ratifie une semblable résolution, prise, dans une des dernières séances, en quelque sorte après la fatigue d'une longue discussion, et sans qu'on se fût bien rendu compte des résultats qu'elle consacrait.

Messieurs, je suis de ce parti mixte dont a parlé l'honorable M. Lejeune : je ne suis ni canne, ni betterave ; je tiens à me montrer ici le représentant, non de l'une ou de l'autre des deux industries, mais des véritables intérêts du pays.

L'honorable M. de La Coste a terminé son discours, du reste très spirituel, j'en conviens, en proposant une transaction à l'honorable M. Osy ; cette transaction, la voici : « Adoptons d'abord le projet de l'honorable M. de Corswarem ; puis rendons-nous en sections, et examinons immédiatement la proposition de l'honorable M. Mercier. »

Moi, messieurs, je commence à me méfier des transactions, je m'en méfie, surtout depuis la loi de 1847 ; mais je fais à la chambre une autre proposition : Rejetez, lui dirai-je, la loi de l'honorable M. de Corswarem.et rendez-vous le plus tôt possible dans les sections, afin d'examiner quels seront les meilleurs moyens de faire payer au sucre en général un impôt proportionné à celui que supportent les autres objets sujets à l'accise.

Messieurs, le gouvernement nous parle de loyauté, c'est un mot qui a toujours beaucoup d'écho dans cette chambre, c'est un mot qui est fait pour nous faire hésiter dans la décision que nous semblons vouloir prendre.

Mais je ne crains pas d'adresser au gouvernement cette question ; si la section centrale d'abord n'avait pas fait sa proposition, si à cette proposition n'avait pas succédé celle de l'honorable M. de Corswarem, le gouvernement serait-il venu spontanément nous présenter, à cette époque, un projet de loi ayant pour but de diminuer de 200,000 fr. les ressources du trésor ? Eh bien, le gouvernement répondra :Non, je ne l'eusse pas fait. Donc le gouvernement reconnaît que la loyauté n'exige pas que nous votions la proposition de l'honorable M. de Corswarem, car entre les hommes loyaux de la chambre, je distingue particulièrement l'honorable M. Veydt ; et si l'honorable M. Veydt avait cru qu'il fût de la loyauté du pays de dégrever l'industrie de la betterave de 200.000 fr., il n'aurait pas attendu la proposition de l'honorable M. de Corswarem...

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Je l'eusse fait.

M. de Brouckere. - Comme organe du gouvernement, l'honorable (page 750) M. Veydt n'a pas présenté la proposition ; il s'y est rallié ; il la soutient plus ou moins faiblement ; mais tout que la loyauté exige de moi, c'est le maintien jusqu'au 1er juillet de la loi de 1847, le statu quo en deux mots.

Un mot encore.

Dans la séance d'hier M. le ministre des travaux publics, dans une de ses brillantes improvisations, a semblé dire à la chambre, ou plutôt il a dit positivement, qu'on avait fait au budget de 1848 toutes les réductions compatibles avec le bien du service. J'en déduis que, selon l'honorable orateur, au budget de 1849 on ne pourrait pas faire de nouvelles réductions.

Je suis allé relire le discours de M. le ministre des travaux publics, et je suis resté convaincu que c'était bien dans ce sens qu'il devait être entendu.

Je dois déclarer, que dans mon opinion, les budgets de 1849 doivent subir de nouvelles réductions, et j'ai la conviction que les réductions que les budgets pourront supporter, jointes à l'augmentation du produit de l'impôt sur le sucre, augmentation qui pourra être obtenue, je crois, sans grande difficulté. J'ai la conviction, dis-je, que ces deux ressources pourront suffire ou à peu près, pour rétablir l'équilibre. Nous serions alors dispensés de nous occuper des nouvelles lois d'impôt, qui ont été présentées et qui, il fait bien le dire, ne sont pas très populaires. Elles auraient pour résultat, infaillible, si elles étaient adoptées, au moins de ne pas réchauffer le patriotisme de nos concitoyens que nous avons grand intérêt cependant à ne pas affaiblir.

Je termine mes observations en me permettant de faire remarquer qu'il ne s'agit pas de discuter à fond l'immense question des sucres, que nous avons tout bonnement à émettre un deuxième vote sur une proposition transitoire qui ne peut pas entraîner la chambre dans de longs débats.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Je viens d'entendre, très imparfaitement du reste, que l'honorable préopinant m'attribue l'énonciation de cette opinion que les budgets de 1849 ne subiraient aucune espèce de réduction. C'est l'opinion 4qe j'aurais émise, selon lui, en répondant hier à l’honorable M. de Tornaco.

L’honorable préopinant est. tombé dans une complète erreur, il n'y avait rien de semblable dans mes paroles.

M. de Brouckere. - Je serais très heureux que M. le ministre voulut rectifier mon erreur ; j'ai compris que dans la discussion d'hier, répondant à M. de Tornaco, M. le ministre avait dit que le budget de 1848 avait subi toutes les réductions-compatibles avec les besoins du service. J'en tirais cette conséquence qu'aux budgets de 1849 il serait impossible, dans la pensée de l'orateur, d'opérer de nouvelles réductions. Si M. le ministre trouve que c'est une erreur et veut la rectifier, je m'en féliciterai.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Je ne puis admettre comme étant l'expression, de mes opinions des inductions qu'on pourrait tirer de paroles contenues dans des discours que j'aurais prononcés. De ce que j'ai dit que les budgets qui ont été discutés avaient été présentés aussi économiquement que possible et n'avaient subi aucune réduction sur des propositions des membres de la chambre, faut-il en conclure que ce sont des budgets immuables, des budgets fixés à perpétuité, ou du moins qu'en 1849 ils ne pourront subir aucune espèce de réduction ? Evidemment c'est aller au-delà de ma pensée. Je n'ai rien exprimé de semblable ; j'ai dit que j'étais entré franchement, énergiquement dans la voie des réductions, que j'avais vérifié, contrôlé toutes les propositions qui m'ont été faites, et que j'avais opéré des réductions jusqu'à concurrence de 1,300 ;000 fr., ce que la chambre certainement n'aurait pas fait en présence des pièces qui accompagnaient ces demandes de crédits. J'ai montré par là le désir qui m'anime, ainsi que mes collègues, de présenter les budgets dans des limites aussi restreintes que possible.

Quant à 1849,je ne me suis pas engagé, je n'ai pas examiné les besoins, je ne puis pas dire si les dépenses seront augmentées ou diminuées ; mon désir est qu'il n'y ait pas d'augmentation, mais si la nécessité en était bien et dûment constatée,, je n'hésiterais pas à dire à la chambre : Voilà les besoins ; jugez.

M. Malou. - Lorsque l'honorable M. de Brouckere a demandé si M. le ministre des finances aurait pris l'initiative de la proposition qui vous est soumise, M. le ministre, avec une franchise qui l'honore, a déclaré qu’il l'aurait prise si M. de Corswarem n'avait pas usé de la sienne. Moi aussi, messieurs, si j'étais resté au banc des ministres, je me serais empressé, dès le début de la session, de saisir la chambre de cette proposition. On a parlé de stratégie et de tactique dont on aurait usé de part et d’autre ; messieurs, la question dont il s'agit est toute d'équité, de bonne foi ; il n’est pas besoin, pour la résoudre, d'user de tactique d'aucune part ; il suffit de l'exposer pour qu'elle soit jugée, j’ose l'espérer, par la grande majorité de la chambre. Je n'examine pas si on a bien ou mal fait d'adopter la loi de 1847 ; c'est une transaction, un armistice qui a été adopté par des motifs sérieux, des raisons d'intérêt communes à l'une et à l'autre industrie. Je n'insiste plus sur ce point ; il a été développé, je crois, d'une manière complète lors du premier vote.

La transaction existe donc ; quel en a été le but, et si vous n'adoptez pas l'amendement de M. de Corswarem, quel en serait le résultat ? Pour quiconque examine la transaction de 1847, il est constant qu'on a voulu surseoir à l'égard de chacune des deux industries, aux dispositions que j'appellerai comminatoires rigoureuses, de la loi de 1846 ; on a voulu maintenir le statu quo, tel qu'il résultait du projet primitif, sans que le gouvernement appliquât à l'une ou à l'autre industrie certaines dispositions qui permettaient de resserrer, dans l'intérêt du trésor, les conditions avantageuses établies par le projet primitif. Tel est le sens de la transaction. S'il en est ainsi, n'est-il pas de la dernière évidence qu’on ne peut, sans violer les principes qui font la base de la transaction de 1847, s'abstenir d'adopter la proposition de l'honorable M. de Corswarem ?

Je le répète, si lors de la présentation du projet de loi du 1847, j'avais su que le chiffre de la production du sucre indigène dût être supérieur à 3,900,000 kilogrammes, j'aurais proposé d'exempter le sucre indigène de l'aggravation du droit d'accise.

D'après les idées qui dominaient alors, la chambre eût adopté cette disposition à la presque unanimité comme elle a adopté la loi de 1847.

Personne, dit-on, ne l'a demandée ; il y avait dans la transaction une compensation pour l'industrie du sucre indigène ; cette compensation résultait de la suppression du contrôle des quantités produites, et l'honorable M. Loos prétend que la suppression de ce contrôle équivaut à une réduction de plus de 10 p.c.

Personne ne l’a demandée, parce que personne ne savait alors que la production aurait dépassé 3,900,000 kilog., et qu'il y aurait lieu d’appliquer l'article 5 de la loi. Les intérêts de l'industrie indigène n'ont pas été satisfaits dans cette transaction, parce que l'on y aurait compris la suppression du contrôle des quantités. La preuve de ce fait est facile. La proposition tendant à établir un contrôle moins rigoureux n'est pas du mois de mai, elle est du mois de mars. Ce n'était donc pas là un des éléments de la transaction de mai 1847, puisque la chambre était saisie de la proposition depuis deux mois. Contre ce fait, constaté par une date certaine, il n'y a pas de réplique, ce me semble.

Dois-je en ce moment démontrer à la chambre que le système nouveau n'est pas un avantage donné à l'industrie indigène ? D'assez longs développements seraient nécessaires pour comparer le système en usage en Belgique et le système français. Je crois, que ce serait occuper inutilement les moments de la chambre. Je me bornerai, à répéter à l'honorable M. Loos ce que j'ai dit en l'interrompant, qu'il n'a pas bien saisi le mode de surveillance établi en Belgique et en France et qu'il résultera de cette comparaison, quand nous pourrons la faire, que l'industrie du sucre indigène n'a obtenu aucun avantage réel, bien loin d'avoir obtenu un avantage de 10 p. c. Je me borne donc, sur ce point, à une simple réserve.

On a fait une dernière objection. Ce n'est pas, dit-on, aux producteurs du sucre indigène que vous accordez cette réduction : ce n'est pas à leur profit que vous allez maintenir l'égalité qui était dans le vœu, dans l'esprit de la loi de 1847. J'ai été surpris de voir l'honorable M. Delehaye apporter, pour prouver cette thèse, une lettre qui prouve précisément la thèse contraire.

Je remercie, du, reste, l'honorable membre d'avoir lui-même apporté une preuve péremptoire, que c'était bien au profit du producteur du sucre indigène que l'amendement de l'honorable M. de Corswarem est fait.

J'ai compris la lettre citée, par l'honorable député de Gand, en ce sens que si la diminution du droit d'accise était accordée, les fabricants qui ont acheté du sucre provenant de la campagne de 1847-1848, devraient bonifier, à ceux qui ont vendu le sucre la différence du droit d'accise.

Si l'amendement est adopté, le producteur et non l'acheteur de sucre profitera donc de votre loi. Or, c'est évidemment le contraire que l'honorable membre a voulu déclarer ; puisqu'il disait qu'on accorderait la restitution à celui à qui elle n'aurait pas dû être faite.

M. Delehaye. - Le fabricant vend le sucre à l’entrepôt, ce qui suppose la faculté d'apurer le compte ; on suppose que l'exportateur a été pris en charge à raison de 34 fr. Il devra exporter 51 1/2 kil. pour réaliser cet apurement. Si au contraire il n'avait eu à apurer qu'un compte de 30 fr., il ne devait exporter qu'une quantité inférieure ; en présence de cette transaction le fabricant est complètement désintéressé. Si vous adoptez la proposition de M. de Corswarem, à qui accordera-t-on les 4 fr. de différence ? Sera-ce au fabricant qui est complètement, satisfait ? Sans doute, messieurs. Ce serait donc au raffineur, et c’est ce que vous ne voulez en aucun cas.

Si, au contraire, le raffineur a livré le sucre à la consommation, c'est le consommateur qui a payé 34 fr. au trésor, et dès, lors à quel titre feriez-vous un nouveau cadeau au producteur du sucre de betterave ? Voilà ce qui résulte de la communication que je vous ai faite ; elle doit suffire à vous convaincre que la proposition de M. de Corswarem ne saurait se justifier.

M. Malou. - Je dois ajouter de nouveaux remerciements à ceux que j'adressais tout à l'heure à l'honorable membre. Les explications que vous venez d'entendre ont-elles un autre sens, sinon que les transactions ont été faites, pour la campagne de 1847-1848, de manière que le producteur s'est réservé, dans tous les cas, le bénéfice éventuel du maintien du statu quo ? Il est donc évident que la loi va droit à son adresse.

Voici comment on procède de manière à embrouiller la question ;.je ne dirai pas pour l'embrouiller. On convertit la différence du chiffre de l'accise en centièmes du rendement. Pour l'industrie, il est vrai, l'effet est le même en principe, mais lorsque nous statuons seulement sur le chiffre de l'accise, lorsqu'il s'agit de maintenir ou d'altérer le statu quo de l'accise, les conséquences ne sont pas du tout les mêmes quant aux producteurs, si tous, comme ils devaient naturellement le faire dans l'incertitude où ils se trouvaient, ont stipulé dans la double éventualité du maintien des 34 fr. ou du maintien des 30 fr.

(page 751) Ces observations que je me suis efforcé d'abréger, parce qu'après tout nous en sommes au deuxième vote, ont pour objet de prouver que nous devons continuer la pensée de la loi de 1847, que si les faits avaient été connus alors, comme ils le sont aujourd'hui, on eût maintenu le statu quo complet de la loi de 1846, comme on l'a maintenu à l'égard du sucre exotique ;

Si c'est une question de loyauté, il n'est pas nécessaire de s'arrêter longtemps sur le point de savoir si le trésor est exposé à perdre 100 ou 200 mille fr. Il est, du reste, presque certain que le maximum ne sera pas atteint à beaucoup près ; l'expérience a constaté que l'exportation du sucre de betterave non seulement est possible, mais encore qu'elle se fait d'une manière très large.

Rappelons-nous toujours que la loi de 1846 est une loi de pondération ; il ne faut donc pas que la chambre entre dans la voie d'un intérêt exclusif, que cédant à un esprit d'hostilité de l'une des deux industries contre l'autre, considérée en quelque sorte comme ennemie, elle annule la transaction de 1847.

Il s'agit pour la chambre de rester dans la vérité du système. Cette vérité ne subsisterait pas si vous faussiez dans ses résultats la transaction de 1847 au préjudice de l'un des trois intérêts, et la durée même de la loi de principe pourrait être compromise.

M. Eloy de Burdinne. - La thèse qui nous occupe devrait plutôt être soutenue par des Havanais que par des Européens.

Messieurs, il s'agit de l'intérêt .de deux industries, il s'agit également de l'intérêt du trésor. Une de ces industries a son siège aux Indes, l'autre se trouve en Belgique. Qu'arrive-t-il ? C'est qu'on consent à sacrifier tous les ans 2 à 3 millions pour favoriser le placement du sucre de la Havane et du sucre de Java. Voilà, messieurs, le système de la loi de 1846.

Devons-nous, messieurs, donner la préférence aux produits étrangers sur les produits de notre pays ? Faut-il, pour une erreur commise dans une loi, venir de nouveau grever l'industrie du pays d'une augmentation de 200,000 francs ? Mais, messieurs, ces 200,000 francs, vous ne les aurez jamais ; les calculs de l'honorable M. de La Coste sont exacts.

On a reconnu l'année dernière qu'on pouvait d'apurer les comptes par l’exportation, et ce qui s'est fait l'année dernière se fera cette année sur une beaucoup plus grande échelle.

Messieurs, aussi partisan que l'est l’honorable M. de Brouckere des intérêts du trésor, qu'il se joigne à moi, et nous ferons en sorte que le trésor reçoive, non pas 1,400,000 francs, comme dans l'année qui vient de s'écoule, mais 5 à 6 millions de francs.

Oui, messieurs, si vous le voulez, la consommation du sucre en Belgique peut produire de 5 à 6 millions. Je ne suis pas plus partisan d'un sucre que de l'autre. Mais ce dont je suis partisan, c'est d'une industrie du pays, d'une industrie qui doit venir au secours de nos populations qui manquent de travail. Ne vaudrait-il donc pas mieux employer à donner de travail à vos populations, les sommes énormes que vous distribuez aujourd'hui en primes pour une industrie de la Havane, de Java et du Brésil ?

Dans une séance précédente, l'honorable ministre de l'intérieur nous a fait un appel à tous pour chercher les moyens de venir au secours des populations qui manquent d'ouvrage. Messieurs, je me permettrai de lui signaler un de ces moyens : C'est d'encourager la production du sucre indigène. Le travail nécessaire pour produire la betterave, si l'on fabriquait les quantités de sucre nécessaires à la consommation, donnerait à vivre à 5 ou 6,000 familles.

Les Flandres, nous le savons, se trouvent dans la plus malheureuse position. Comment est-il possible que vous repoussiez une industrie qui peut remplacer en partie celle de la filature à la main ? Comment pouvez-vous vous refuser à accorder à cette industrie une protection efficace ?

Messieurs, les habitants d'autres provinces doivent venir à votre secours, et supporter une partie d'une charge qui vous incombe ; car, c'est à vous à soulager les pauvres de vos localités. Mais n'est-il pas à craindre qu’un jour vienne où l'on se fatiguera de venir à votre secours, et où vos populations, si vous ne parvenez pas à leur donner de l'occupation, se trouveront réduites à un état plus déplorable encore que celui où elles sont actuellement ? Eh bien, messieurs, encouragez l'industrie du sucre de betterave, tâchez de. l'implanter dans les Flandres, ce sera d'abord, un moyen direct de venir au secours de vos malheureux ouvriers ; ce sera aussi un moyen de favoriser la consommation de divers produits de votre industrie, tels que les toiles, les poteries, le noir animal.

Messieurs, je crois que ce moyen vaut au moins autant que tous ceux que vous a suggérés M. Le ministre de l'intérieur. Si ce moyen, ajouté à ceux auxquels on a déjà eu recours, ne suffit pas, que l'on tâche d'établir dans les Flandres de nouvelles industries, afin de faire cesser ces calamités que nous déplorons tous, auxquelles nous prenons tous une vive part.

Messieurs, je vois que la chambre a hâte d'en finir. Je terminerai donc ici les observations que j'avais à présenter en faveur de l'amendement de M. de Corswarem. Lorsque vous consentez à un sacrifice de 2 à 3 millions pour favoriser la fabrication du sucre étranger, vous ne vous refuserez pas, en faveur d'une industrie de votre pays, à un sacrifice de 200,000 fr., sacrifice que je considère comme imaginaire, puisqu'on saura apurer ces 200,000 fr. au moyen de l'exportation.

Messieurs, si l'on vous proposait de favoriser, en ce qui concerne les draps ou les cotons, l'industrie française ou celle de tout autre pays, que diriez-vous ? C'est alors que nous entendrions des réclamations, et je les approuverais, je les soutiendrais ; car je veux avant tout favoriser l'industrie de mon pays, et non favoriser une industrie étrangère dont les intérêts sont opposés à ceux de notre industrie.

Plusieurs membres. - La clôture !

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, avant la clôture, je dois deux mots de réponse à l'interpellation de l'honorable M. de Brouckere.

Lorsque j'ai reconnu que le produit de l'impôt sur le sucre laissait un déficit si considérable, j'en ai été très préoccupé. J'ai vu, messieurs, quelles en seraient les conséquences ; il était, en effet, facile de prévoir que de nouvelles et sérieuses discussions s'engageraient de nouveau et que dans les circonstances actuelles l'intérêt du trésor était d'un poids immense dans la question.

Retirer la loi du 16 mai 1847, me paraissait chose impossible. Mais en même temps un des embarras qu'occasionnait le maintien de cette loi me frappa.

Dès le premier examen de la difficulté, je reconnus, d'après les explications que je recueillis au ministère, que ce maintien pourrait entraîner pour le gouvernement l'obligation de proposer d'étendre la même faveur au sucre indigène, c'est-à-dire de suspendre aussi à son égard, pendant quelques mois, les effets de la loi de 1846. Appelé au sein de la section centrale dans le courant du mois de novembre, je me suis expliqué dans ce sens.

M. Lejeune. - C'est constaté dans le rapport.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Il doit donc être évident pour vous tous, messieurs, qu'après avoir obtenu de mon honorable prédécesseur des explications qui ne laissent plus aucun doute, qu'après la démonstration qu'il nous a faite, lui, l'auteur de la loi, qu'il avait voulu établir un système de pondération entre les intérêts des deux industries, il est évident que, me trouvant à sa place, ne voulant que continuer, dans cet esprit d'équilibre, ce qu'il avait voulu faire, je serais venu vous proposer, dans le cours de cette discussion, de suspendre les effets de la loi de 1846, à l'égard du sucre de betterave, comme vous les aviez suspendus à l'égard du sucre de canne. C'est ainsi que je me serais conduit, je le déclare à l'honorable M. de Brouckere, en toute franchise, et j'accepte toute la responsabilité de cette conduite.

Je regrette, messieurs, que cette position que j'ai cru devoir prendre, rencontre, de la part de quelques-uns de mes honorables amis, une assez vive opposition ; mais le moment viendra peut-être où ils me sauront gré d'avoir pris cette position, d'avoir défendu aujourd'hui le sucre indigène comme je saurai alors défendre le sucre de canne. Suivant moi, il est bien désirable que l'amendement de M. de Corswarem passe, parce que son rejet peut devenir une source de difficultés et de luttes. Il arrivera peut-être un moment où les défenseurs des deux sucrer devront se donner la main, lorsque ce tiers parti, qui nous est annoncé, aura acquis assez de force dans cette chambre pour ne faire prévaloir dans la question des sucres que l'intérêt exclusif du trésor.

- La clôture est demandée.

M. de Brouckere (sur la clôture). - L'honorable M. Veydt vient de répondre à une interpellation que je lui avais faite. J'avais avancé une chose que l'honorable M. Veydt a dit n'être pas tout à fait exacte ; je ne réponds qu'un seul mot, c'est que M. Veydt a dit, dans son premier discours, que le conseil des ministres avait décidé le statu quo.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Il paraît que notre honorable ami M. de Brouckere a le malheur de ne pas très bien comprendre les explications qui partent du banc ministériel. Tout à l'heure M. le ministre des travaux publics lui a fait remarquer son erreur. L'honorable M. de Brouckere pense que nous avons déclaré que le statu quo serait maintenu en ce qui concerne les sucres.

Lorsque nous nous sommes expliqué à cet égard nous avons maintenu le statu quo établi par la loi de 1847 pour les sucres exotiques, et nous avons réservé notre opinion pour le sucre indigène.

Nous ne sommes pas les auteurs de la loi de 1847, nous n'avons pas provoqué de la part de M. Malou cette exception à la loi de 1846.

M. Malou. - Je demande la parole.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Moi, du moins, je ne l'ai pas provoquée. Nous laissons à M. Malou l’honneur et toutes les conséquences de cette loi, mais nous nous sommes toujours dit que si l'auteur du système introduit par la loi de 1847 déclarait que l'intention formelle du cabinet précédent avait été d'étendre à l'industrie du sucre indigène, par compensation, les avantages faits alors à l'industrie du sucre exotique, nous nous rallierions à la proposition qui serait faite pour étendre les effets de la suspension aussi bien au sucre indigène qu’au sucre exotique ; voilà la position du cabinet. Il ne se regarde point comme engagé personnellement dans la question soulevée par l'amendement et qui n'est que la suite de la proposition faite par ses prédécesseurs et adoptée par la chambre en ce qui concerne le sucre exotique. Ce. n'est pas sans regret que nous voyons, le trésor privé d'une ressource utile au moment où il a besoin de beaucoup de ressources, mais il y a au fond de ceci une question de loyauté. C'est la deuxième fois que nous repoussons les propositions de la section centrale qui offrait des ressources nouvelles au trésor, mais qui ne les offrait pas dans de bonnes conditions.

Nous avons repoussé l'augmentation de la contribution personnelle (page 752) proposée comme conséquence du recensement. Nous avons repousse cette ressource parce que nous croyions que l'augmentation ne serait pas conforme aux engagements solennels pris par l'administration précédente. La section centrale, dans son désir d'augmenter les ressources du trésor, a voulu également faire cesser les effets de la loi de 1847 en ce qui concerne le sucre exotique. Nous avons cru que cette proposition était encore une fois contraire aux engagements du gouvernement, contraire aux engagements pris par la chambre elle-même, et nous avons dû repousser l'augmentation de ressources proposée par la section centrale. Nous l'avons fait à regret, je le répète, attendu que nous sommes les premiers à reconnaître que la situation du trésor ne permet pas de faire, sans de motifs graves, de pareilles générosités.

L'honorable M. de Brouckere nous a dit que, si on voulait l'en croire, la chambre pourrait trouver dans les droits à établir sur le sucre, des ressources suffisantes pour mettre le pays à l'abri de tout nouvel impôt. Je prie l'honorable M. de Brouckere de me dire, en un mot, à quelle somme il évalue le produit qu'il serait possible d'obtenir d'un impôt sur le sucre (Interruption.) Permettez, ceci est assez important. L'honorable M. Eloy de Burdinne veut que le sucre rapporte 5 ou 6 millions, est-ce l'opinion de l'honorable M. de Brouckere ?

M. de Brouckere. - Je n'ai pas bien compris. Vous m'excuserez, vous venez de faire entendre que je serais un peu sourd.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je n'ai pas dit que vous n'aviez pas compris ; je présume que vous n'avez pas écouté.

Je demandais à l'honorable M. de Brouckere à quelle somme il évalue le produit que le trésor pourrait retirer d'un impôt sur le sucre. Je lui demandais s'il partageait l'opinion de l'honorable M. Eloy de Burdinne que ce produit pourrait s'élever à 5 ou 6 millions. Je le priais de répondre en un mot à cette question.

M. de Brouckere. - Je répondrai en un mot ; mais d'abord je prierai mon honorable ami M. Rogier de s'abstenir de ces interpellations aux membres de la chambre.

Voici donc ma réponse : La loi des sucres doit produire dès aujourd'hui un minimum de trois millions. Je ne vais pas plus loin.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ne puis pas suivre le conseil que me donne l'honorable M. de Brouckere de ne pas faire d'interpellations aux membres de la chambre. Je crois être parfaitement dans mon droit en adressant des interpellations aux membres de la chambre, tout comme ils sont dans leur droit lorsqu'ils en adressent aux ministres.

Quant au chiffre de 3 millions, indiqué par l'honorable membre, c'est précisément celui qui figure au budget des voies et moyens, comme produit de l'impôt sur le sucre ; cette somme de 3 millions, d'après nous, ne suffit pas pour équilibrer les budgets ; mais déjà nous considérons comme acquis au trésor les trois millions, et nous avons déclaré que, dans notre opinion, la somme de 3 millions doit être produite par l'impôt du sucre, nous l'avons répété à satiété ; nous sommes donc parfaitement d'accord avec l'honorable M. de Brouckere ; nous n'avons donc pas besoin d'être excités par lui, puisqu'il ne veut pas aller au-delà de la limite que nous assignons nous-mêmes à l'impôt sur les sucres.

M. Malou (pour un fait personnel). - Je regrette que M. le ministre de l'intérieur ait soulevé pour la deuxième fois la question de savoir qui sera responsable du déficit à résulter éventuellement de l'adoption de l'amendement de l'honorable M. de Corswarem ; je n'avais pas répondu une première fois, je suis forcé de répondre maintenant, puisque cette objection est reproduite.

Les explications données à la chambre établissent que je me suis fait un devoir de loyauté envers nos honorables successeurs de laisser la question entière pour eux ; si j'ai laissé la question entière, et s'ils s'associent aujourd'hui, libres qu'ils sont, à l'amendement de l'honorable M. de Corswarem, sont-ils bien recevables à venir dire : « Prenez-vous-en à l'ancien cabinet, si vous avez encore un déficit. »

J'espérais que la loyauté que j'avais apportée à prévenir toute espèce d’engagement même verbal, même incomplet, dans une question si délicate, serait mieux récompensée par M. le ministre de l'intérieur.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, j'ignore ce qui a pu exciter à ce point la susceptibilité de l'honorable M. Malou ; j'ai constaté un fait, j'ai constaté que la suspension de la loi de 1846, en ce qui concerne l'impôt à payer par le sucre exotique, avait été proposé par nos honorables prédécesseurs, que la conséquence de cette suspension s'étendant au sucre indigène, nous devions accepter les effets de la loi de 1847 aussi bien pour le sucre exotique que pour le sucre indigène. Je ne pense pas que l'honorable M. Malou regrette aujourd'hui d'avoir proposé cette loi...

M. Malou. - Pas le moins du monde !

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ne sais d'où vient alors l'espèce d'indignation que l'honorable membre témoigne, quand je rappelle que c'est à lui que cette loi doit être attribuée, ainsi que les conséquences qu'elle peut avoir.

Dans son opinion, aurions-nous pu laisser le sucre indigène dans la situation que lui avait faite la loi de 1847 ? N'eût-il pas cru qu'il était équitable, lui, auteur de la loi de 1847, de venir faire la même proposition que l'honorable M. de Corswarem ? Je pense que l'honorable M. Malou, à défaut de l'honorable M. de Corswarem, aurait pris sur lui de faire cette proposition ; et si nous étions venus combattre la proposition, l'honorable M. Malou n'aurait pas manqué, à son tour, de nous accuser de ne pas agir avec équité, d'accorder au sucre exotique ce que nous refusions au sucre indigène ; l'honorable M. Malou aurait parfaitement établi qu'il fallait traiter les deux sucres avec la même faveur.

Voilà la conduite que l'honorable M. Malou aurait tenue inévitablement ; qu'on s'en fâche ou non, il n'en est pas moins vrai que l'impôt sur le sucre laisse un déficit ; ce déficit provient de la loi de 1847, dont l'honorable M. Malou est l'auteur ; le nouveau déficit qui proviendra de la suspension de la loi de 1846, en ce qui concerne le sucre indigène, n'est que la conséquence de la loi de 1847 ; c'est une conséquence forcée, regrettable à plusieurs égards, mais que nous sommes bien obligés de subir.

M. Malou (pour un fait personnel). - Messieurs, la loi de 1847 a été adoptée à l'unanimité moins trois voix ; je demande si en présence de ce fait l'honorable M. Rogier peut me désigner comme seul auteur de cette loi. Il est vrai que l'honorable M. Rogier n'a pas personnellement provoqué la transaction ; mais ses amis, l'honorable M. Loos qui a fait même étendre le terme de la loi, l'honorable M. Osy, l'honorable M. Veydt qui a déclaré s'associer à ses collègues, sont responsables, comme tout le monde, de la loi de 1847.

M. le président. - Si personne ne demande plus la parole sur la clôture, je vais la mettre aux voix.

M. Lys. - J'avais demandé la parole, dans le seul but de motiver mon vote. On vient d'accorder la parole aux ministres, et à divers membres sur des faits personnels, le fond a été traité en même temps et en ce moment, on la refuse pour une courte explication. Je voulais dire, messieurs, que j'ai fait partie de la faible minorité qui voulait rejeter le projet de loi de 1847. Alors la majorité n'était pas du même avis, elle ne voyait pas sans doute comme moi le tort, que le trésor en ressentirait, et aujourd'hui que le mal est constaté, que le tort qui va de nouveau être fait au trésor est évident, on voudrait admettre un amendement.

- La clôture de la discussion est prononcée.

Vote de l'article unique

M. le président. - On demande la division. Je mettrai donc d'abord aux voix la partie de l'amendement qui concerne le passé. Cette partie est ainsi conçue :

« Les effets de l'article 5 de la loi du 17 juillet 1846 sont suspendus pour tout le temps perdant lequel ceux de l'article 4 de la même loi ont été suspendus. »

- Une double épreuve était douteuse il est procédé à l'appel nominal.

En voici le résultat :

70 membres ont répondu à l'appel.

32 membres ont répondu oui.

36 membres ont répondu non.

2 membres se sont abstenus.

En conséquence la première partie de la proposition n'est pas adoptée.

Les membres qui se sont abstenus sont invités à énoncer les motifs de leur abstention.

M. de Haerne. - Messieurs, je reconnais que la loyauté exige qu'on ne grève pas une industrie au détriment d'une autre ; mais d'un autre côté, je n'ai pas voulu m'exposer à aggraver la situation du trésor dans les circonstances actuelles.

M. Destriveaux. - La matière dont il s'agissait était étrangère à toutes mes études ; j'ai cherché mais vainement, je l'avoue, malgré le talent des orateurs qui se sont fait entendre, à m'éclairer dans la discussion ; je n'ai pas pu parvenir à me faire une idée aussi nette que j'aurais voulu ; je me suis abstenu.

Ont répondu oui : MM. Jonet, Lange, Lebeau, Le Hon, Malou, Mercier, Orban, Rogier, Rousselle, Sigart, Tremouroux, Vandensteen, Veydt, Vilain XIIII, Zoude, Broquet-Goblet, Clep, d'Anethan, de Breyne, de Corswarem, de Garcia de la Vega, de La Coste, de Liedekerke, de Mérode, de Sécus, de Terbecq, de Theux, de T'Serclaes, d'Huart, Dumont, Eloy de Burdinne, et Faignart.

Ont répondu non : MM. Henot, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Moreau, Osy, Pirmez, Pirson, Scheyven, Simons, Tielemans, T'Kint de Naeyer, Van Cleemputte, Anspach, Bricourt, Bruneau, Cans, David, de Baillet-Latour, de Bonne, de Brouckere, de Denterghem, Delehaye, Delfosse, de Muelenaere, de Roo, de Tornaco, de Villegas, d'Hane, A. Dubus, Eenens et Verhaegen.

M. le président. - Je vais mettre aux voix la seconde partie de la disposition, c'est-à-dire celle qui concerne l'avenir.

Elle est ainsi conçue :

« Les effets de l'article 5 de la loi du 17 juillet 1846 sont suspendus peu tout le temps pendant lequel ceux de l'article 4 de la même loi resteront suspendus. »

Plusieurs voix. - L'appel nominal.

- Il est procédé à cette opération. En voici le résultat :

70 membres ont répondu à l'appel.

33 membres ont répondu oui.

35 membres ont répondu non.

2 membres se sont abstenus. En conséquence la disposition n'est pas adoptée

(page 753) Ont répondu oui : MM. Jonet, Lange, Lebeau, Le Hon, Malou, Mercier, Orban, Rogier, Rousselle, Tremouroux, Vandensteen, Veydt, Zoude, Broquet-Goblet, Castiau, Clep, d’Anethan, de Breyne, de Corswarem, de Garcia, de La Coste, de Liedekerke, de Mérode, de Roo, de Sécus, de Terbecq, de Theux, de T'Serclaes, d'Huart, Dumont, Eloy de Burdinne, Faignart et Verhaegen.

Ont répondu non : MM. Henot, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Moreau, Osy, Pirmez, Pirson, Scheyven, Simons, Tielemans, T'Kint de Naeyer, Van Cleemputte, Vilain XIIII, Anspach, Bricourt, Bruneau, Cans, David, de Baillet-Latour, de Bonne, de Brouckere, de Denterghem, Delehaye, Delfosse, de Muelenaere, de Tornaco, de Villegas, d'Hane, A. Dubus et Eenens.

MM. de Haerne et Destriveaux déclarent s'être abstenus par les motifs qu'ils ont énoncés à l'occasion du vote précédent.

M. le président. - Les deux parties de la disposition ayant été rejetées, il n'y a pas lieu de procéder au vote sur l'ensemble. (Adhésion.)

- La séance est levée à trois heures et demie.