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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 14 mars 1848
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions
relatives à certaines réformes politiques (Castiau, Delehaye)
2) Projet de loi portant approbation du traité conclu
entre la Belgique et le royaume des Deux-Siciles (Mercier)
3) Projet de loi modifiant le cens électoral au niveau
provincial et au niveau communal (de Brouckere)
4) Projet de loi portant réorganisation des
monts-de-piété.
a) Administration et personnalité civile (Delfosse, Tielemans, Rousselle)
b) Dispositions du règlement organique relatives,
notamment, à la formule du serment (de Haussy, Delfosse, d’Anethan, de Bonne, de Garcia, de Haussy), au caractère humanitaire des monts-de-piété
et au taux des prêts (Anspach, Dedecker,
d’Anethan, Anspach, de Haussy, de Bonne, Dedecker), à la formule du serment (Tielemans,
de Haussy)
c) Ressources financières versées par les communes et
les bureaux de bienfaisance (Malou, d’Anethan,
d’Anethan, Dedecker, Tielemans, d’Anethan, de Haussy, de Bonne, Rousselle, Loos, d’Anethan, Loos)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1847-1848)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1050) M. T'Kint de
Naeyer fait l'appel nominal à 2
heures et un quart.
M. Troye lit le procès-verbal
de la séance d’hier ; la rédaction en est approuvée.
M. T'Kint de Naeyer présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le conseil communal de Louvain présente des considérations
en faveur de quelques réformes politiques et appelle l'attention de la chambre
sur plusieurs intérêts particuliers à la ville et à l'arrondissement de
Louvain. »
M. Castiau demande
que cette requête soit renvoyée à la commission des pétitions, avec invitation de
faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
________________
« Plusieurs habitants de Gand demandent la réforme
parlementaire et la réforme financière. »
M. Delehaye. - Messieurs, cette requête présente un caractère d'urgence. Je proposerai
de la renvoyer à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
________________
« Plusieurs habitants
de Westrem demandent que cette localité forme une commune séparée de Massemen.
»
- Renvoi à la commission des pétitions.
________________
Il est fait hommage à la chambre, par M. Marichal, de
110 exemplaires d'une brochure intitulée : De la protection de l'agriculture en
Belgique. »
- Dépôt à la bibliothèque et distribution à MM. les
membres de la chambre.
PROJET DE LOI RELATIFAU TRAITE CONCLU ENTRE LA BELGIQUE ET LE ROYAUME
DES DEUX-SICILES
M. Mercier dépose le rapport de la section centrale qui a été
chargée d'examiner le projet de loi relatif au traité conclu entre la Belgique et
le royaume des Deux-Siciles.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution
de ce rapport ; elle fixera ultérieurement le jour de la discussion.
PROJET DE LOI MODIFIANT LA LOI DU 30 MARS 1836 EN CE QUI CONCERNE LE
CENS ELECTORAL
M. de Brouckere dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi
modifiant la loi du 30 mars 1836 en ce qui concerne le cens électoral.
- Ce rapport sera imprimé et distribué. La discussion
du projet est fixée à la suite des objets qui se trouvent à l'ordre du jour.
Discussion des articles
Chapitre III. – Administration des
monts-de-piété
Article 6
M. le président. - Nous en étions hier à l'article 6. M. Delfosse vient
de déposer sur le bureau un amendement qui remplacerait le dernier paragraphe
de l'article, dans le cas où la chambre adopterait la proposition d'après
laquelle la commission administrative se composerait de 5 membres. Cet amendement
est ainsi conçu :
« L'administration du mont-de-piété se renouvellera
partiellement tous les deux ans. La première sortie sera de trois membres à
désigner par le sort, la seconde de deux. Les membres sortants sont rééligibles.
»
M. Delfosse a-t-il quelque chose
à dire pour développer cette proposition ?
M. Delfosse. - Non, M. le président. C'est une conséquence de l'amendement que j'ai
présenté hier.
M. le président. - Si personne
ne demande la parole, je déclarerai la discussion close.
Je mettrai d'abord aux voix la suppression du premier
paragraphe, qui est proposée par M. d'Anethan.
M. Tielemans (sur la position de la question). - Je ferai remarquer, M. le président,
que mon amendement domine tous les autres. S’il est adopté, tous les autres
viennent à tomber. Il faudrait donc commencer par mon amendement.
M. le président. - C'est juste. M. Tielemans propose de maintenir l'article
6 du projet du gouvernement.
- L'article 6 du projet primitif, repris par M. Tielemans,
est mis aux voix et n'est pas adopté.
La chambre passe au vote de l'article 6 de la section
centrale.
M. d'Anethan propose la suppression du paragraphe premier.
- Cette suppression est adoptée.
« § 2. ( § 1). L'administration se composera, non compris
le bourgmestre ou l'échevin délégué qui en sera de droit président, de quatre
personnes, notables nommées par le conseil communal. Un de ses membres sera
choisi parmi les membres de l'administration du bureau de bienfaisance, un autre
parmi les membres de l'administration des hospices ».
M. Delfosse propose cinq membres, au lieu de quatre.
- Cet amendement est adopté.
M. d'Anethan propose la suppression du mot « notables ».
- Cette suppression est adoptée.
« § 3. (§ 2). L'administration du mont-de-piété
se renouvellera par moitié tous les deux ans. La première sortie sera réglée
par la voie du sort. Les membres sortants sont rééligibles. »
M. Delfosse propose l'amendement
suivant :
« L'administration du mont-de-piété se renouvellera
partiellement tous les deux ans. La première sortie sera de trois membres à
désigner par le sort, la seconde de deux. Les membres sortants sont rééligibles.
»
- Cet amendement est adopté.
M. d'Anethan propose, comme paragraphe final, ce qui
suit : « cette nomination se fera de la manière indiquée à l'article 84 de
la loi communale. »
(page 1051)
M. Rousselle.
- Messieurs, l'intention de l'honorable membre est certainement d'appliquer à
l'administration des monts-de-piété tout le n° 2 de l'article 84 de la loi
communale. L'amendement ne rend pas cette idée. Le n°2 de l'article 84 règle
les cas d'incompatibilité ; il règle aussi la révocation des membres ;
l'honorable M. d'Anethan ne parle que de la nomination. Je propose de dire : «
Le n° 2 de l'art. 84 de la loi communale sera applicable à l'administration des
monts-de-piété. »
M. d’Anethan. - Je me rallie à cet amendement.
- L'amendement est mis aux voix et adopté.
L'article 6, dans son ensemble, avec les modifications
qui ont été adoptées partiellement, est mis aux voix et adopté.
La chambre passe à l'article 7, ainsi conçu :
« Art. 7. Seront soumis à l'avis de la députation permanente
du conseil provincial et à l'approbation du Roi les délibérations des conseils
communaux relatifs aux règlements organiques des administrations des
monts-de-piété et les arrêtés réglant les objets suivants : Les conditions, le
montant et le taux de l’intérêt des emprunts à faire par les monts-de-piété, le
taux des intérêts à percevoir des emprunteurs, l’application des bénéfices, les
frais d’administration, l’organisation du personnel, la formule du serment à
imposer aux employés, la fixation des traitements et des cautionnements, le nombre
et l'organisation des bureaux auxiliaires, le délai endéans lequel les gages
non relevés pourront être vendus et les conditions de ventes. »
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy). - Je pense
que la rédaction de cet article pourrait être améliorée. Je proposerai de substituer
à ces mots : « Aux règlements organiques des administrations des monts-de-piété
et les arrêtés réglant les objets suivants : » Ceux-ci : « Aux arrêtés organiques
des administrations des monts-de-piété lesquels régleront notamment les objets
suivants. »
Je pense aussi que ces mots « l'application des
bénéfices » devraient être supprimés, puisque les articles 11 et 15 du projet
règlent cette application ; il n'y aura donc pas lieu de s'en occuper dans les
règlements organiques.
J'ai encore une observation à faire sur les mots : «La
formule du serment à imposer aux employés» ; ces mots me paraissent aussi devoir
être supprimés, sans cela il y aurait violation de l'article 127 de la
Constitution qui porte qu'aucun serment ne peut être imposé qu'en vertu de la
loi, laquelle en détermine la formule. La formule du serment devrait donc être
indiquée dans la loi ; on ne peut pas renvoyer aux règlements organiques pour
la déterminer. Si donc la chambre pense que le serment doit être exigé des
employés des monts-de-piété, il faut insérer dans la loi la formule et l'on
peut adopter celle de l'article 12 de l'arrêté du 31 octobre 1826.
Je proposerai dans ce cas un
paragraphe spécial ainsi conçu : « Les employés des monts-de-piété prêteront entre
les mains du bourgmestre de la commune avant d'entrer en fonctions, le serment
de remplir fidèlement et loyalement leurs fonctions et de garder le secret sur
toutes les opérations du mont-de-piété, sauf le cas où ils seraient appelés
judiciairement à donner des renseignements sur ces opérations. »
Mais avant tout il y a une question à examiner, c'est
celle de savoir s'il est nécessaire d'exiger ce serment ; les employés des
bureaux de bienfaisance des hospices et des conseils de fabrique ne sont pas
soumis au serment. Je ne sais pas s'il est nécessaire de l'exiger des employés
des monts-de-piété. A la vérité ils doivent garder le secret sur les opérations
; mais l'article 378 du Code pénal est rappelé dans l'article 18 du projet, et
cela suffît, je crois, pour que tous ces employés soient avertis qu'ils sont
tenus à un secret rigoureux s'ils ne veulent pas encourir la pénalité comminée
par la loi.
M. Delfosse. - J'avais demandé la parole pour proposer la suppression de la partie de
l'article qui concerne le serment. Cette proposition vient d'être faite par M.
le ministre de la justice ; mais M. le ministre de la justice demande que la loi
fixe elle-même la formule du serment à imposer aux employés des monts-de-piété.
Il serait préférable de ne pas astreindre ces employés
à la prestation d'un serment. Les employés des particuliers ne prêtent pas de
serment. Les particuliers sont-ils plus mal servis par leurs employés que
l'Etat par les siens ?
Il n'y a déjà que trop de serments à prêter en vertu
des lois en vigueur. Pour l'honnête homme, le serment est inutile ; pour les
autres, il est inefficace.
M. d’Anethan. - Toute la loi devant parler au présent, je pense qu'il faut, au commencement
de l'article 7, dire « sont soumis », au lieu de : « seront
soumis ».
Quant à la suppression des mots « formule du serment »,
demandée par M. le ministre de la justice, je pense qu'il y a lieu de
l'admettre, l'article 127 de la Constitution ne permettant pas à la loi de
déléguer au gouvernement le droit de régler la formule du serment. Mais la question
de savoir si les employés du mont-de-piété doivent prêter serment, question soulevée
par M. le ministre de la justice et traitée par l'honorable M. Delfosse,
présente une certaine importance à cause de l'article 18 du projet de loi.
Cet article commine une pénalité contre les employés
du mont-de-piété qui révéleraient les noms des déposants. Je ne sais si, à
cause de cette disposition, il ne convient pas d'exiger un serment des employés,
de manière à les rendre plus circonspects et plus attentifs à la défense que
leur fait l'article 18. Cette nécessité n'est pas la même pour les membres des
commissions administratives de bienfaisance ; car aucune pénalité n'est
comminée contre eux, en cas de révélation de secret, et on ne conçoit même
guère quels secrets pourraient leur être confiés. Mais si l'on pense, et je
crois qu'on a raison, qu'il est nécessaire de comminer une pénalité contre les
employés du mont-de-piété qui violent le secret qui leur a été confié, il est
peut-être nécessaire, sinon de leur imposer un serment politique dans le sens
du décret de 1831, du moins de leur faire promettre de garder le secret qui
leur a été confié.
J'avais pensé qu'en supprimant les monts « formule
du serment » on pourrait adopter la disposition suivante qui rentre dans
l'idée de M. le ministre de la justice ; et remplacer ainsi l'article 18 :
« Les employés et agents du
mont-de-piété prêtent serment de garder le secret sur toutes les opérations de l'établissement.
S'ils révèlent ces secrets, hors le cas où cette révélation est faite à la
justice ou à la police, ils sont passibles des peines établies par l'article
378 du Code pénal. »
De cette manière on préviendrait les inconvénients qui
pourraient résulter de l'article 18 interprété trop rigoureusement ; car de cette
interprétation rigoureuse il pourrait résulter que les employés du mont-de-piété
n'auraient pas la faculté de révéler à la justice des circonstances relatives à
des dépôts et par suite à des crimes et délits de vol et d'escroquerie.
M. de Bonne. - Puisque nous sommes en train de demander des retranchements à cet article,
je crois pouvoir en proposer un qui me paraît également utile. Plus les lois sont courtes,
meilleures sont-elles et plus compréhensibles. Parmi les objets qui devront
être réglés par les arrêtés royaux portant règlement d'administration, je vois
les frais d'administration. Il me semble que l'administration communale et au
besoin la députation permanente est plus à même d'apprécier la hauteur des
frais d'administration. Dans ces frais d'administration sont compris des frais
de bureau, de chauffage, d'éclairage et divers frais minimes qu'il me semble
indigne de soumettre à l'approbation du gouvernement.
Vient ensuite l'organisation du personnel. Il me semble
que l'administration municipale, les personnes qui seront nommées pour faire
partie des conseils des monts-de-piété sont plus à même dans les localités de
choisir ce personnel ; non que j'aie aucune défiance contre le gouvernement ;
mais il me semble que, pour les places secondaires dans les établissements
municipaux, c'est à l'autorité communale qu'il faut laisser les choix.
Elle est plus à même de choisir des hommes connus qui
ont l'intelligence nécessaire pour remplir ces sortes de places.
Les cautionnements.
Il s'agit sans doute des cautionnements à donner par
les receveurs et par les employés qui seront placés dans les établissements auxiliaires.
Or, c'est encore la commune, ou le conseil d'administration du mont-de-piété
qui est le plus à même d'évaluer le cautionnement qu'd est nécessaire de
donner.
Dans tous les cas, le gouvernement ne court aucun danger,
puisque c'est la commune qui est responsable. Comme la responsabilité pèse sur
elle, elle est naturellement plus intéressée à faire un bon choix et à prendre
des personnes qui seront propres à la place, et à évaluer les cautionnements qu'elles
doivent donner. Sans cela, le gouvernement pourrait, d'une manière arbitraire,
porter ce cautionnement à une somme trop forte ou à une somme trop faible, eu
égard aux fonds que les employés auraient entre les mains, qu'ils seraient
chargés de recevoir et de payer.
Il en est encore de même de l'organisation des bureaux
auxiliaires. Une fois que les bureaux auxiliaires sont décrétés, il me semble
que l'organisation doit appartenir à la commune. Elle procédera à cette organisation
de la manière la plus économique, parce qu'elle est responsable, comme il a été
établi dans les articles précédents, et qu'en dernière analyse, c'est elle qui
doit payer ce qui peut manquer, en cas d'insuffisance pour subvenir aux frais.
Un dernier article, ce sont
les conditions de vente. Je crois que les municipalités de chaque commune ou les
administrations des monts-de-piété sont plus à même que le gouvernement de déterminer
les conditions nécessaires pour faire des ventes utiles, des ventes productives.
Les mêmes conditions ne seraient pas bonnes dans toutes les localités. Je crois
que dans telle localité une condition serait bonne, qui ne le serait pas dans
telle autre localité.
Par ces considérations je crois qu'il y a lieu de retrancher
de l'article les mots : « les frais d'administration, l'organisation du
personnel, la fixation des traitements et des cautionnements, le nombre et l'organisation
des bureaux auxiliaires et les conditions de vente. »
Il me semble que ce sont là des détails dans lesquels
le gouvernement ne devrait pas entrer, pour assurer la bonne gestion des
monts-de-piété.
M. de Garcia. - Messieurs, tous les orateurs qui ont pris la parole
sont d'avis qu'il faut retrancher de l'article 7 les mots suivants : « La
formule du serment à imposer aux employés ». C'est avec raison, je crois,
parce que cette partie de l'article 7 porte atteinte à un principe constitutionnel,
qui veut qu'aucun serment ne puisse être imposé que par la loi. Il me semble
d'ailleurs que, pour le cas actuel, il est fort inutile de recourir à cette
mesure et de prescrire le serment aux fonctionnaires des monts-de-piété. Le
serment est une mesure extrême dont on doit être fort sobre et à laquelle ou ne
doit recourir que pour autant que les (page
1052) dispositions de la loi soient
impossibles ou impuissantes. Il en est tout autrement dans l'hypothèse que nous
discutons. La loi prononce des peines contre les fonctionnaires des
monts-de-piété qui manqueraient à leurs devoirs.
Dès lors je ne vois aucun motif plausible d'imposer
le serment aux fonctionnaires des monts-de piété.
Je désire donc que M. le ministre retire sa proposition
qui formerait un paragraphe 2 de l'article 7 et dont le but est de soumettre
ces fonctionnaires à la prestation d'un serment. D'après la manière dont s'est
exprimé M. le ministre, en faisant cette proposition, j'ai la conviction qu'il
n'y tient pas et qu'il la retirera sans peine.
Mais l'amendement de M. le ministre a une autre portée
que celle du serment ; il tend à établir aussi les limites du secret qui sera
imposé aux agents des monts-de-piété sur certains actes de leur administration.
Mais ce point, selon moi, doit être renvoyé à la discussion de l'article 18 qui
contient une disposition spéciale sur cet objet.
Sans doute, cet article, tel qu'il est formulé dans
le projet de loi, ne recevra pas mon approbation, puisque, dans ses termes génériques,
il aurait pour résultat de paralyser l'action de la justice dans les poursuites
et les recherches qu'elle est appelée à faire pour découvrir les crimes et les
délits. En imposant le secret vis-à-vis des agents de la police, on ôte
incontestablement à cette dernière l'un des moyens les plus efficaces de découvrir
les malfaiteurs.
Tout le monde le fait, les monts-de-piété sont généralement
le refuge des objets volés, et dès lors il est important que la police puisse
en tout temps faire des investigations dans les monts-de-piété, et obtenir tous
les renseignements possibles sur les objets qui y ont été déposés et sur les
individus qui ont fait les dépôts.
.D'après ces considérations, je crois que, quant à présent,
il y a lieu de prononcer la suppression du serment pour les employés du
mont-de-piété et de renvoyer le surplus de la proposition de M. le ministre à
la discussion de l'article 18.
A ce sujet, je me permettrai une observation anticipée.
Je pense que la proposition de M. le ministre, qui impose le secret sur toutes
les opérations des monts-de-piété, est faite en termes trop absolus, et demande
quelques modifications.
Ce mot « opérations » me paraît trop général.
Frappé des inconvénients qui pouvaient résulter de l'article 18 du projet de
loi, j'avais préparé un amendement à cet article.
Je pense que cet amendement remplira parfaitement le
but que nous voulons atteindre et qui laissera à la police tous les moyens dont
elle est en possession aujourd'hui, pour découvrir les crimes et les délits. Je
demanderai à la chambre la permission de lui faire connaître dès à présent ma
proposition. Elle consiste à rédiger l'article 18 de la manière suivante :
« Les employés ou agents des monts-de-piété qui auraient
révélé à d'autres qu'aux officiers de police judiciaire le nom des personnes
qui ont déposé ou qui ont fait déposer seront punis des peines portées dans
l'article 378 du Code pénal. »
Je pense, messieurs, que cette
rédaction est préférable à celle de M. le ministre de la justice ; car, je le
répète, l’expression de M. le ministre qui impose le secret sur toutes les
opérations du mont-de-piété, me paraît trop générale.
Un fonctionnaire peut parler de la situation du mont-de-piété,
des bénéfices qui s'y font, etc., sans qu'il y ait aucun des inconvénients
qu'on veut prévenir. Le but de la loi est uniquement d'empêcher les
indiscrétions qui pourraient nuire au crédit de certains individus ou porter
atteinte à leur réputation, en ce sens que l'on considère toujours comme une
chose honteuse d'être dans la misère et de se trouver dans la nécessité de se
dégarnir des objets auquel on tient le plus. Que ce soit là un préjugé ou non,
le fait existe, est ainsi et chacun rougit que des faits de cette nature viennent
au grand jour.
M. le président. - L'amendement de M. de Garcia sera discuté .avec l'article
18. La proposition de M. d'Anethan est également tenue en réserve.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, nous sommes tous d'accord qu'il faut faire
disparaître ces mots : « La formule du serment à imposer aux employés. » En ce
qui concerne l'amendement de l'honorable M. de Garcia, il pourra être imprimé
d'ici à la discussion de l'article 18. Quant à moi, je n'ai présenté mon
amendement que pour le cas où la chambre voulût maintenir le serment. Mais je
pense, comme les honorables MM. de Garcia et Delfosse, que le serment est tout
à fait inutile et qu'en modifiant la rédaction de l'article 18, on aura satisfait
à tout ce qui est nécessaire pour maintenir l'obligation des employés quant au
secret, qu'ils sont tenus de garder.
M. Anspach. -
Messieurs, les établissements des monts-de-piété étant admis, l'article 7 me semble
résumer à lui seul tout ce qu'il y a d'important dans la question. En effet,
messieurs, les conditions, le montant et le taux de l'intérêt des emprunts à
faire par les monts-de-piété, le taux des intérêts des emprunteurs, tout cela
s'y trouve ; mais tous ces règlements sont encore à faire, et je ne veux pas
que l'on puisse croire que la chambre approuve l'esprit dans lequel est rédigé
le projet de la section centrale. Cette expression ne rend pas bien ce que je
veux dire, c'est plutôt le point de départ de la section centrale, qui repose
sur cette opinion que les monts-de-piété doivent se suffire à eux-mêmes.
M. le rapporteur, dans ses observations générales, dit
que la section centrale, pénétrée, etc. Mais elle a remarqué qu'il serait impossible,
dans la situation actuelle de quelques-uns de ces établissements, d'abaisser le
chiffre qui constitue aujourd'hui le maximum de l'intérêt à percevoir des
déposants. C'est précisément contre cette opinion que je veux protester, et
c'est ce qui m'a engagé à demander la parole.
Les monts-de-piété sont des établissements de bienfaisance
dont l'administration est en quelque sorte communale, puisque le résultat de
leurs opérations vient toujours, au moins quant à Bruxelles, augmenter ou
diminuer les charges que l'administration générale des hospices et de la
bienfaisance fait peser sur la ville.
Je fais cette observation, parce que je n'admets pas
que les monts-de-piété puissent donner un bénéfice quelconque, alors même que
ce bénéfice vient en déduction de ce que doivent fournir aux établissements de
bienfaisance la province et ta commune. C'est en leur nom que je les repousse ;
je ne veux pas que l'on puisse faire des bénéfices sur des malheureux en les
pressurant par un intérêt usuraire ; je ne veux pas qu'on puisse faire des
bénéfices sur la misère la plus profonde, sur les besoins les plus pressants,
sur les angoisses d'une famille à la veille de manquer de pain. Et vous
voudriez encore augmenter tout ce qu'il y a d'horrible dans cette position !
Non, messieurs, cela n'est pas possible.
Je sais bien tout ce qu'on va me dire sur ce qui se
passe en fait dans les monts-de-piété, que les dépôts ne servent en grande partie
qu'à fournir de l'argent qu'on dépense pour des fêtes, pour des kermesses, pour
le carnaval, que c'est pour ces occasions qu'on les voit affluer de toutes
parts. Je sais tout cela ; aussi n'est-ce pas pour ces sortes de dépôts que je
parle (quoique je ne voie pas quel mal il y aurait à ne pas augmenter encore
ces sortes de dépenses par un intérêt usuraire), mais les dépôts pour lesquels
je parle sont ceux qui sont occasionnés par un accident, par une maladie du chef
de famille qui, l'empêchant de travailler, le privant de tout salaire, le force
à avoir recours à ce moyen pour procurer du pain à sa femme et à ses enfants ;
voilà la véritable destination des monts-de-piété. Supposez maintenant que
cette catégorie d'emprunteurs ne fasse que la moitié, que le quart des dépôts,
moins encore si vous le voulez, n'est-ce pas plus que suffisant pour prouver à
tout le monde qu'un intérêt usuraire sur des personnes qui sont dans celle
position est une véritable barbarie ? M. le rapporteur pose en règle générale
que les monts-de-piété doivent se suffire à eux-mêmes ; mais c'est cette
opinion que je nie ; je la crois fausse, tout à fait contraire à l'esprit dans
lequel ces institutions ont été créées ; les monts-de-piété étant des
établissements de bienfaisance, et c'est par là que j'ai commencé, doivent mériter
leur nom en faisant le plus de bien possible avec des fonds pris sur les
contributions communales, provinciales et générales, et non pas en bénéficiant
sur l'argent emprunté par le malheureux qui l'emprunte souvent pour se procurer
du pain.
Mais alors, me dira-t-on, au
lieu de rapporter quelque chose, les monts-de-piété vont être une charge qui nous
coûtera de l’argent. Eh ! vraiment oui, ils coûteront une certaine somme et je
voudrais bien savoir comment vous pourriez exercer la bienfaisance sans qu'il
vous en coûtât une obole, ce moyen serait précieux surtout dans ce moment où
nous avons tant de malheureux à secourir.
Je ne formule aucun amendement à l'article 7 parce que
les considérations que je viens de vous présenter ne portent que sur ce qui constituera
les règlements organiques des monts-de-piété, soumis à la commune, à la
députation permanente de la province et enfin approuvés par le gouvernement.
Mais je demande à MM. les ministres qu'ils veuillent bien les prendre en
considération pour le moment où ils auront à statuer définitivement sur ces
mêmes règlements.
M. Dedecker. - Messieurs, il y a dans le fond des considérations que vient de présenter
l'honorable préopinant quelque chose qui m'étonne et qui m'afflige, c'est qu'il
paraît croire que la section centrale et son rapporteur principalement (car il
l'a mis en cause à différentes reprises) n'éprouve pas aussi vivement que lui
le désir de venir en aide à la classe ouvrière, aux malheureux qui sont obligés
de recourir aux monts-de-piété. La différence qu'il y a entre l'honorable
membre et moi, qu’il me permette de le dire, c'est que, ne connaissant pas le
régime intérieur des monts-de-piété, il n'apprécie pas ces institutions comme
elles méritent de l'être. Il ne connaît pas le mécanisme de l'institution des
monts-de-piété, tandis que je crois avoir le droit de dire que je l'ai quelque
peu étudié.
L'honorable membre en est encore à croire que l'intérêt
perçu par les monts-de-piété est usuraire. C'est là un préjugé, que vient
dissiper une juste appréciation des opérations de ces établissements. Dans la
condition actuelle des monts-de-piété, on ne peut pas appeler usuraire l’intérêt
que les monts perçoivent. Ils ne font réellement que rentrer dans les avances
qu'ils sont obligés de faire aujourd'hui ; sous le poids des charges nombreuses
qui les grèvent, les monts-de-piété ne peuvent pas prêter à un intérêt moindre
que celui auquel ils prêtent. S'ils n'avaient pas des gages de grande valeur,
ils devraient même augmenter beaucoup le taux de l'intérêt actuel. C'est là un
mal que je regrette autant que l'honorable préopinant. C'est principalement
dans le but de détruire ce mal que nous proposons d'enlever la principale
charge qui incombe aujourd’hui aux monts-de-piété, par la consécration des
bénéfices annuels à la constitution d'une dotation ; car c'est ainsi qu'on
arrivera à pouvoir diminuer l'intérêt perçu sur les emprunteurs.
C’est dans ce sens que la section centrale a été amenée
à dire qu’avec leurs charges actuelles, certains monts-de-piété sont dans
l'impossibilité d'abaisser l'intérêt qu'ils perçoivent aujourd’hui, à moins
qu’on ne veuille (page 1053) les
constituer en perte ; or je ne pense pas qu'une seule administration communale
y consente.
Je ne vois pas où l'honorable membre a puisé le motif
du reproche qu'il adresse à la section centrale de vouloir, non seulement maintenir
l'intérêt actuel, mais encore l'augmenter. Le but de toutes les modifications
admises par la section centrale est précisément d'arriver à l'abaissement
successif du taux de cet intérêt.
L'honorable membre ne croit pas que la majeure partie
des engagements faits aux monts-de-piété ont pour causse la dissipation et la
débauche. L'expérience malheureusement ne le prouve que trop. Mon assertion se
justifie par ce seul fait : c’est que les engagements, pendant les mois de
juin, juillet et août sont de moitié supérieurs aux engagements faits dans les
saisons les plus rigoureuses.
Qu’à côté de cette classe d'individus qui forment la
majorité de la clientèle des monts-de-piété, il y ait des pauvres réellement malheureux
qui recourent aux monts, cela est hors de doute ; à ceux-là, toute la sympathie
du gouvernement et de la législature ; et c'est dans l'intérêt de celle classe
de pauvres respectables que j'aurai l'honneur de proposer, comme je l'ai déjà
fait en section centrale, l'institution d'une caisse de prêts gratuits.
Le mot « bénéfices » effarouche l'honorable
préopinant. Mais ce ne sont pas là des bénéfices prévus, certains. L'administration
d'un mont-de-piété n'a pas l'intention préconçue de faire un bénéfice. Ne
connaissant jamais d'avance et avec certitude quel sera le résultat des
opérations de l'année, il est bien obligé de faire en sorte qu'en tout cas
l'administration ne soit pas en perte ; et comme on ne sait pas quel sera le
chiffre des capitaux qu'on utiliserait, ou le chiffre des sommes qui resteront
sans emploi, il est impossible de prévoir, au commencement de la saison, quelle
sera, à la fin de l'année, la balance totale.
J'arrive maintenant aux considérations qui ont été présentées
relativement à l'article 7 par l'honorable M. de Bonne. L’honorable membre
voudrait rayer de cet article certains points qui y sont désignés comme susceptibles
d'entrer dans un règlement organique des monts-de-piété. Eh bien, pour ma part,
je crois que ce sont précisément ces différents points que je vais passer en
revue, lesquels exigent l'intervention d'une direction générale et uniforme, de
nature à amener l'ordre et l'unité dans l'administration de nos monts-de-piété.
C'est au moyen de l'anatomie comparée de ces institutions qu'on parviendra à
détruire les anomalies choquantes qui existent, anomalies qu'on peut et qu'on
doit faire disparaître dans l'intérêt, non seulement de l'administration, mais
aussi de la classe pauvre.
Ainsi, d'abord, quant aux frais d'administration, si
vous laissez la fixation de ces frais au conseil communal ou à la députation permanente,
vous perpétuez des anomalies qui existent aujourd'hui. Aujourd'hui des
monts-de-piété coûtent beaucoup plus que d'autres, proportion gardée de leurs
opérations respectives.
Il faut donc que le gouvernement central puisse contrôler
l'administration d'un mont-de-piété par celle d'un autre, il faut qu'il puisse
engager les administrations moins clairvoyantes que d'autres, à suivre
l’exemple de ces dernières, afin d'arriver à réduire les dépenses nécessaires à
leur plus simple expression. Et qu'on veuille bien m'en croire, ce n'est pas
ici une question de défiance à l'égard de l'autorité communale, c'est une
question de bonne administration.
Quant à l'organisation du personnel, le gouvernement
est seul dans la position d'indépendance nécessaire pour traiter les questions
que cette organisation-soulève. Dans les villes, l'autorité communale, la
députation permanente, par suite d'influences locales, de relations
personnelles, n'osent souvent pas introduire les améliorations qui sont
nécessaires dans l'organisation du personnel. Ici encore, j'aime mieux l'impulsion
libre et indépendante du gouvernement ; j'aime mieux que, par suite de la
comparaison faite entre les divers établissements, le gouvernement puisse engager
les administrations à se modeler l'une sur l'autre, à se perfectionner l'une
par l'autre.
Les mêmes réflexions peuvent s'appliquer à la fixation
des traitements. C'est là, en effet, une question encore plus susceptible de se
ressentir des influences locales ou personnelles. Même observation pour les
cautionnements.
L'honorable M. de Bonne voudrait laisser aussi en dehors
de la rédaction des règlements organiques « le nombre et l'organisation des
bureaux auxiliaires. » Mais qu'on veuille bien remarquer que c'est là une partie
de l'administration des monts-de piété toute neuve ; c'est surtout la première
organisation de ces bureaux qui exige une action centrale. Déjà des essais
heureux ont été tentés. Je suis persuadé que le gouvernement, connaissant
parfaitement l'organisation de ces bureaux auxiliaires établis dans la ville de
Liège, pourra en faire établir plus économiquement et plus convenablement dans
d'autres villes. D'ailleurs, nous savons tous qu'il existe des commissionnaires
jurés, non seulement dans les villes, mais aussi dans les communes voisines des
villes où existent aujourd'hui des monts. L'organisation des bureaux
auxiliaires appelés à remplacer ces commissionnaires, n'est donc pas une
affaire purement communale.
Et puis, il ne faut pas croire que chaque mont-de-piété
ne desserve que la ville où il est établi ; il dessert encore les villes et
communes voisines ; eh bien, pour les succursales ainsi établies dans les
communes voisines, que deviendra l'attribution que l'honorable M. de Bonne veut
accorder exclusivement au conseil communal ?
Pour les ventes il y a encore une masse d'usages qu'il
faudrait abolir ou changer ; c'est l'un des points les plus susceptibles de
perfectionnement. Dans certaines villes il existe encore un droit spécial sur
les ventes : je ne sais pas sur quoi on le fonde ; if n'existe pas dans les autres
villes. C'est un point sur lequel il devrait y avoir uniformité.
Il y a ensuite à voir s'il ne faut pas accorder à certains
pauvres la faculté de faire vendre leur gage avant l'expiration du délai fixé
par les règlements ou après. De puissantes considérations militent tantôt en
faveur de l'un, tantôt en faveur de l'autre système.
L'arrêté du 31 octobre 1826 stipule la présence des
autorités communales aux ventes ; c'est une garantie essentielle. Jusqu'à présent
cette prescription est généralement négligée ; l'autorité communale n'est pas
suffisamment représentée à ces ventes, et n'exerce en réalité aucune espèce de
contrôle sérieux. Cependant, si l'on veut prévenir les collisions entre
certains employés, entre les priseurs et les fripiers qui viennent à la vente ;
si l'on veut prévenir le compérage, il faut exiger la présence d'une personne
capable de représenter efficacement et dignement l'autorité.
Cela a toujours été prescrit par les règlements ; mais,
jusqu'à ce jour, cette partie des règlements n'a pas été exécutée convenablement
; aussi l'action de l'autorité a-t-elle été nulle. Une autre question qui se
rattache aux ventes, c'est la publicité à donner au résultat des ventes.
Aujourd'hui les boni ou excédants auxquels peuvent avoir droit les déposants
dont les gages ont été vendus ne sont pas réclamés parce qu'on ne donne pas une
publicité suffisante à l'existence de ces excédants.
Je voudrais que les malheureux
dont les gages ont été vendus plus cher que le prix d'engagement et qui ont des
boni à recevoir fussent avertis par une publicité qui les mît à même de venir
les réclamer.
Messieurs, je demande donc la mention de tous ces points
que je viens de passer en revue dans l'article 7 ; car il faut qu'ils soient
décidés par les règlements organiques et soumis, par conséquent, à l'approbation
de l'autorité centrale, si on veut améliorer foncièrement, efficacement
l'administration des monts-de-piété.
M. d’Anethan. - Je n'ai que peu de choses à ajouter aux observations présentées par M.
Dedecker en réponse à celles de MM. de Bonne et Anspach.
Je me bornerai à quelques courtes observations sur les
points traités par ces honorables membres. Comme l'a dit l'honorable M. Dedecker,
il est désirable, c'est le but de la loi, d'établir l'uniformité entre les
différents monts-de-piété. Cette uniformité ne peut s'établir que par des
règlements organiques soumis à l'autorité centrale. Les amendements de M. de
Bonne empêcheraient d'atteindre ce but, et, bien plus, ils rendraient en cette
matière le conseil communal omnipotent ; l'honorable membre, en effet, ne propose
même pas de soumettre les délibérations du conseil communal à l'avis de la
députation permanente.
Je ne pense pourtant pas que l'honorable membre veuille
aller jusque-là et dans ce cas, il devrait sous-amender sa proposition. S'il
pense que certaines clauses de l'article 7 ne sont pas assez importantes pour
être soumises à l'autorité royale, au moins qu'il les soumette à l'approbation
de la députation. Quant à moi, je suis d'avis que les points que M. de Bonne
propose de retrancher sont d'une importance assez grande pour être maintenus.
Ces points touchent à l'organisation économique des
monts-de-piété ; or, il ne faut pas perdre de vue les idées d'économie qui ont guidé
le gouvernement dans la présentation du projet ; il convient donc de maintenir
toutes les dispositions de l'article 7, et de permettre ainsi au gouvernement,
grâce à la fixation du personnel et des traitements, etc., de donner aux
monts-de-piété cette administration économique, à l'aide de laquelle on pourra
réduire les intérêts, et faire produire à ces établissements tous les avantages
qu'on est en droit d'en attendre.
Je ne vois aucune utilité et je vois de grands inconvénients
à l'adoption de la proposition de M. de Bonne.
L'honorable M. Anspach s'est étonné que dans le rapport
de la section centrale on ait parlé de bénéfices et qu'on ait supposé la
possibilité pour les monts-de-piété de se suffire à eux-mêmes ; l'honorable membre
a semblé croire que cette opinion indiquait la pensée de maintenir un intérêt
très élevé dans les monts-de piété au détriment du petit commerce et des
individus qui sont forcés de déposer des objets dans ces établissements.
Comme l'a dit l'honorable M. Dedecker, c'est le contraire
qui doit arriver ; les dispositions qui vous sont soumises doivent avoir pour
résultat évident de permettre la réduction des intérêts. Aujourd'hui les
monts-de-piété sont forcés de recevoir toutes les sommes qui leur sont envoyées
par les administrations de bienfaisance ; ils sont forcés de les recevoir sans
en avoir aucun besoin et doivent néanmoins dans tous les cas en payer l'intérêt
légal quand bien même ils ne pourraient eux-mêmes placer ces sommes qu'à un
intérêt moindre.
Il en résulte pour les monts-de-piété l'obligation de
demander aux emprunteurs sur gages un intérêt élevé, ce qui n'aura plus lieu,
quand ils ne seront plus obligés de recevoir sans utilité pour eux des sommes
considérables des hospices ou des établissements de bienfaisance ; veuilles
bien le remarquer : aujourd'hui quand les bureaux des hospices et de bienfaisance
ont une somme momentanément disponible, en attendant un placement, ils la
déposent au mont-de-piété qui doit en payer les intérêts, et la restituer à la
première demande.
M. le ministre propose de rayer
de l'article les mots : « application des bénéfices ; » M. le ministre
pense que ces mots sont inutiles parce que cette application est réglée par
d'autres articles de la loi, notamment par l'article 11. Je pense qu'il n'y a
pas d'inconvénient à cette suppression. (page
1054) Toutefois, je dois expliquer dans quel sens ces mots ont été
introduits dans l'article 7. L'article 7 suppose la possibilité de bénéfices, l'article
11 dit que les bénéfices qui pourront être faits serviront en premier lieu à la
constitution de la dotation des monts-de-piété ; quand cette dotation, qui sera
déterminée par les règlements organiques, sera complète, le surcroît servira à
rembourser les capitaux empruntés.
Telle est la destination établie ; maintenant la dotation
résultant des bénéfices devra être appliquée, l'article 7 s'occupe de cette
application et renvoie aux règlements organiques pour déterminer comment elle
se fera. Voilà l'explication des mots de l'article 7. Mais comme pour faire ces
applications on devra se régler d'après les principes qui régissent les
établissements publics, il n'est pas indispensable de maintenir cette mention
dans l'article 7.
M. Anspach. - J'ai demandé la parole, parce
que je tiens à déclarer à l'honorable rapporteur que je n'ai rien voulu dire qui
pût lui être désagréable. Chacun connaît les sentiments éclairés de charité qui
l'animent ; loin de moi l'idée de les révoquer en doute. J'avoue humblement que
je ne suis pas aussi au fait que l'honorable rapporteur de ce qui se passe dans
l'intérieur des monts-de-piété. Je n'ai pas, comme lui, approfondi
l'organisation de ces établissements.
Il a fait sur cette matière un ouvrage qui est très
apprécié. Sous ce rapport, je ne puis non plus prétendre à entrer en parallèle avec
lui.
Mais la question de savoir si les monts-de-piété doivent
se suffire à eux-mêmes en faisant payer des intérêts usuraires aux personnes
qui viennent y prendre de l'argent n'exige pas des connaissances spéciales ;
elle est, je crois, de ma compétence. Je persiste à cet égard dans l'opinion
que j'ai exprimée.
- M. Delfosse remplace M. Liedts au fauteuil.
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy). - Je ne m'occuperai
pas de l'amendement de l'honorable M. de Bonne. Je ne pourrais que répéter ce
qui a été dit par les honorables MM. Dedecker et d'Anethan. Je ne pense pas que
cet amendement doive être adopté, ni qu'il y ait lieu de faire, comme le
propose l'honorable membre, deux catégories de règlements, approuvés les uns
par le gouvernement, les autres par la députation permanente.
Mais je dois donner une explication
sur la suppression des mots : « l'application des bénéfices ». Je
craindrais, s'ils étaient maintenus, qu'on ne pût en inférer que les règlements
pourraient modifier l'application des bénéfices déterminée par les articles 11
et 15. Or certainement telle n'a pas été l'intention de l'auteur du projet.
L'honorable M. d'Anethan a expliqué dans quel but ces
mots ont été insérés à l'article 7. C'était pour indiquer de quelle manière l'emploi
des fonds de la dotation pourrait être fait ; mais je crois qu'il ne serait pas
possible de déterminer dans un règlement un mode uniforme d'emploi ; car ce
mode peut varier suivant les circonstances. Lorsque l'administration aura des
fonds à placer, elle fera des propositions au conseil communal qui les examinera,
et statuera, sauf l'approbation du gouvernement ; mais il serait impossible de
poser dans un règlement organique des règles fixes pour l'emploi des fonds de
la dotation.
M. de Bonne. - Si par règlements organiques on entend simplement l'ordre dans lequel
les monts-de-piété seront constitués, sans que cela puisse s'appliquer aux
prêts, aux employés, à tout ce qu'il faudra faire pour qu'ils puissent fonctionner,
je le comprends. Mais si par les mots règlements organiques on entend que,
chaque année, il faudra soumettre au gouvernement une espèce de budget, je ne
puis le comprendre ni l'admettre. Les frais d'administration se trouvent
compris dans l'article que nous discutons ; je dis que les frais d'administration
ne peuvent entrer dans un règlement organique.
Je conçois un règlement organique qui dirait : « Quant
au personnel, il y aura un receveur, deux employés pour recevoir les gages,
deux pour les rendre, enfin, il y aura tel nombre d'employés. Quant aux
traitements, tel employé aura telle somme, tel autre aura une somme moindre.
Quant au cautionnement, ils seront de telle et telle somme. »
L'organisation des bureaux auxiliaires constitue dans
cet article une superfétation, attendu qu'il en est parlé à l'article 5. D'après
cet article, lorsqu'on demandera à établir des bureaux auxiliaires, le gouvernement
pourra en autoriser la création.
Il est donc inutile de les mentionner dans l’article
en discussion. Les bureaux auxiliaires seront organisés par la décision du
gouvernement qui en fixera le nombre.
Je reviens au premier point, aux frais d'administration.
Je ferai remarquer que ces frais changent tous les ans. Telle année, le
chauffage sera à un taux élevé ; l'année suivante, le prix sera moindre ;
l'éclairage également. Il faudra que le gouvernement entre dans de tels détails
! Mais n'est-ce pas indigne de cette autorité supérieure ?
Pour les conditions de vente, on veut de l'uniformité.
Mais je ne vois pas en quoi le défaut d'uniformité peut être préjudiciable aux
monts-de-piété. Evidemment l'autorité locale sera mieux à même de savoir
quelles sont les conditions les plus favorables. Ce n'est pas au centre du
gouvernement que cette connaissance sera aussi grande. Puis il faudra que le
gouvernement écrive. C'est augmenter la besogne. Pour cette centralisation, il
faudra plus d’employés même au gouvernement.
Quant à l'observation qu'a faite l'honorable M. d'Anethan,
que je laissais une liberté très grande au conseil communal, je conçois qu'il
serait utile (et si la suppression que j'ai demandée avait quelque chance
d'être admise, j'en ferais la proposition) de soumettre le tout à l'examen de
la députation permanente. Cette uniformité qu'on veut établir n'existe pas pour
beaucoup d'administrations. Par exemple, c'est l'administration ; communale qui
examine les budgets de l'administration de la bienfaisance et des hospices, et
l'on sait que les budgets et le personnel sont bien plus considérables dans ces
administrations que dans celles des monts-de-piété.
Dans certains cas, le tout est
soumis à l'examen de la députation permanente. Ces établissements sont cependant
tout aussi importants que les monts-de-piété, pour ne pas dire plus. Comme la
commune doit fournir les fonds nécessaires au mont-de-piété, soit par elle-même
soit par les administrations de bienfaisance qui sont sous sa tutelle et aux
besoins desquelles elle doit subvenir, il me semble que l'administration communale
devrait conserver une petite part dans la gestion et dans l'organisation des
monts-de-piété.
Je bornerai là mes observations. Si l'approbation de
la députation permanente pour les décisions du conseil communal pouvait faire
accepter le retranchement que j'ai proposé, j'en ferai la motion.
M. Dedecker, rapporteur. - Messieurs, l'honorable préopinant demande ce qu'il
faut entendre par règlements organiques. Il est clair que par règlements organiques,
on entend la constitution première et générale des monts-de-piété, et les
modifications dont elle est susceptible.
Mais quant à l'examen annuel de la situation des monts-de-piété,
cela ressort à l'article 8 ; c'est une question de budget, et les budgets
seront annuellement soumis au visa de la députation permanente qui les
transmettra au gouvernement.
Il est évident que les règlements organiques n'entrent
dans aucun détail. Ils disent, par exemple, d'après les besoins et l'étendue
des opérations d'un mont-de-piété, pour tel établissement, il faut autant
d'employés à un tel traitement, à un tel cautionnement. Mais les questions de
détail, la partie vraiment administrative et non constitutive, est du ressort
du conseil communal.
M. Tielemans. - La suppression des mots : « la formule du serment à prêter par les employés
« paraît généralement admise. La question de savoir si les employés seront
dispensés du serment paraît également résolue d'une manière affirmative.
J'accepte volontiers, messieurs, la suppression des
serments qui ont un caractère essentiellement politique ou administratif. Mais parmi
les employés des monts-de-piété, il en est un dont le serment me paraît nécessaire
: c'est l'appréciateur, c'est celui qui remplit le rôle d'expert, de taxateur ;
l'appréciateur est juge en quelque sorte entre le mont-de-piété qui reçoit les
gages et l'emprunteur qui les dépose ; c'est lui qui fixe la somme qui sera
donnée à l'emprunteur par la caisse du mont-de-piété, eu égard à la nature du
gage déposé.
Cet employé remplit donc le rôle qu'un expert remplit
en justice ordinaire, et notre droit commun veut que tout expert prête serment.
Je crois donc qu'il serait sage de faire une exception pour l'appréciateur ; il
n'y a aucune raison pour sortir du droit commun à son égard. Au contraire, le
serment sera une garantie d'impartialité dans l'exercice de ses fonctions.
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy). - Je ferai
remarquer que la question pourra se représenter lors de la discussion de l'article
18. Si l'honorable M. Tielemans veut alors présenter un amendement, il sera
discuté en même temps que celui de l'honorable M. de Garcia.
- La discussion est close.
Les amendements présentés par M. le ministre de la justice
sont successivement mis aux voix et adoptés. L'article ainsi modifié est
adopté.
Article 8
« Art. 8. Une copie des budgets et des comptes du mont-de-piété
approuvée par le conseil communal, conformément à l'article 79 de la loi du 30
mars 1836, sera adressée à la députation permanente, qui la transmettra au
gouvernement avec ses observations. »
- Adopté.
Article 9
« Art. 9. Le gouvernement fera inspecter les monts-de-piété
aussi souvent qu'il le jugera nécessaire. «
La section centrale propose la rédaction suivante :
« Art. 9. Le gouvernement pourra faire inspecter
les monts-de-piété lorsqu'il le jugera nécessaire. »
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy) déclare se
rallier à cette rédaction.
- L'article, tel que le propose la section centrale,
est adopté.
Chapitre IV. – Dotations. Emploi des bénéfices
et intérêts
Articles 10 et 16
« Art. 10. Les administrations publiques de bienfaisance
continueront, autant que possible, à fournir, à l'intérêt légal, les fonds
nécessaires aux opérations des monts-de-piété, dans la proportion à déterminer
par la députation permanente, le conseil communal entendu.
« En cas d'urgence et d'insuffisance momentanée de la
caisse des établissements de bienfaisance, la caisse communale est autorisée à
pourvoir provisoirement aux besoins du mont-de-piété. »
La section centrale propose de rédiger cet article comme
suit :
« Art. 10. Les administrations publiques de bienfaisance
continueront à fournir, dans la mesure de leurs ressources et aux conditions
les plus favorables, les fonds nécessaires aux opérations des monts-de-piété.
M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-ii à la proposition de la section centrale ?
(page 1055)
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Oui, M. le président.
M.
Malou. - Le vote
que la chambre a émis sur l'article 6, et les discussions qui ont précédé, démontrent
que l'on a voulu autoriser les monts-de-piété à posséder des propriétés. Je
demanderai que pour lever tout doute, s'il pouvait en exister à cet égard, et
pour rester conséquent avec ce vote, on ajoute à l'article 6 les expressions
que la législature a employées lorsqu'il s'est agi de nos écoles primaires.
L'article 23 de la loi relative à l'instruction primaire
commence par ces mots : « à défaut de fondations, donations ou legs qui
assurent le service de l'instruction primaire, la commune y pourvoira. »
Je demande qu'à l'article 10 on dise : « A défaut de fondations, donations ou
legs, les administrations publiques de bienfaisance...» ; le reste comme à
l'article de la section centrale.
M. d’Anethan. - J'ai demandé la parole en quelque sorte pour une motion d'ordre, pour
prier la chambre de décider que l'on discutera l'article 16 en même temps que
l'article 10. Ces deux articles sont relatifs aux moyens à employer pour fournir
la dotation des monts-de-piété ; la section centrale n'étant pas d'accord avec
le projet primitif du gouvernement, pour discuter les deux systèmes, il est
indispensable de réunir les deux articles dans une même discussion.
Je désirerais savoir, avant d'expliquer comment le projet
primitif a été conçu et pourquoi il me semble devoir être maintenu, si M. le
ministre de la justice se rallie à la modification proposée par la section
centrale à l'article 16 ; à moins cependant que M. le ministre ne préfère
entendre, avant de se prononcer, les développements dans lesquels je désire
entrer pour établir les motifs que j'ai eus en présentant le projet.
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy). - J'entendrai
d'abord vos développements.
- La chambre décide que la discussion
s'établira en même temps sur l'article 10 et sur l'article 16. L'article 16 est
ainsi conçu :
« Le conseil communal, dans chaque commune où il
existe un mont-de-piété, est tenu de porter annuellement à son budget de dépenses,
la somme nécessaire pour combler le déficit de cet établissement.
« Si ses ressources sont insuffisantes à cet effet,
et si ni la province ni l'Etat n'y suppléent par des subsides, le mont-de-piété
sera supprimé, et il sera, agi conformément aux règles posées dans l'article
3. »
La section centrale propose la rédaction suivante :
« L'administration du bureau de bienfaisance et celle
des hospices, dans chaque commune où il existe un mont-de-piété, sont tenues de
combler, le cas échéant et à titre d'avance, le déficit de cet établissement.
« Si leurs ressources sont insuffisantes et que la commune
n'y supplée par des subsides, le mont-de-piété sera supprimé, et il sera agi
conformément aux règles posées dans l'article 3. »
M. d’Anethan. - Messieurs, l'article 10 porte : « Les administrations publiques de bienfaisance
continueront, autant que possible, à fournir, à l'intérêt légal, les fonds
nécessaires aux opérations des monts-de-piété, dans la proportion à déterminer
par la députation permanente, le conseil communal entendu. » C'est la rédaction
du projet primitif. La section centrale propose de dire que les administrations
dont il s'agit continueront à fournir les fonds nécessaires aux opérations des
monts-de-piété, dans la mesure de leurs ressources et aux conditions les plus
favorables. Ainsi, messieurs, ce sont, en premier lieu, les administrations
publiques de bienfaisance qui sont tenues, autant que possible, suivant le
projet du gouvernement, et dans la mesure de leurs ressources, d'après la
proposition de la section centrale, à fournir les fonds nécessaires aux
opérations des monts-de-piété.
Ce sont donc les fonds de ces administrations qui forment
la première base de la dotation des monts-de-piété.
Le deuxième paragraphe porte : « En cas d'urgence et
d’insuffisance momentanée de la caisse des établissements de bienfaisance, la
caisse communale est autorisée à pourvoir provisoirement aux besoins de mont-de-piété.
»
Ainsi, le premier paragraphe s'occupe de la dotation
permanente de l'établissement ; le deuxième paragraphe s'occupe de ce qui peut
arriver dans un moment d’urgence ou d'insuffisance momentanée. Dans ce cas,
c'est au conseil communal de pourvoir aux besoins de l'établissement.
Il y a là, messieurs, un système complet. D'abord obligation
pour les administrations publiques de bienfaisance, de fournir des fonds, si
elles en possèdent et, en deuxième lieu, en cas d'urgence si les fonds de ces
établissements font défaut, faculté pour l'administration communale de pourvoir
à cette insuffisance momentanée. Voilà ce qui est établi par l'article 10.
L'article 16 prévoit un autre cas. L'article 16 suppose le mont-de-piété établi
et les administrations de bienfaisance dépourvues de ressources suffisantes
pour pourvoir à ses besoins, non pas en cas d'urgence, non pas en cas
d'insuffisance momentanée, mais d'une manière permanente.
Pour ce cas le conseil communal est obligé de porter
à son budget annuel la somme nécessaire pour couvrir le déficit de l'établissement,
en un mot, pour lui permettre de subsister, et si la commune ne peut pas porter
cette somme à son budget, si d'un autre côté la province et l'Etat refusent
d'accorder des subsides, alors l'établissement doit être supprimé. Vous le
voyez, messieurs, ces deux articles, 10 et 16, établissent un système complet :
si les établissements de bienfaisance ont des ressources suffisantes, le
conseil communal n'intervient qu'en cas d'urgence, en cas d'insuffisance
momentanée ; si, au contraire, les établissements de bienfaisance ne peuvent
pas fournir des fonds ou n'en fournissent pas suffisamment, le conseil communal
est obligé de porter annuellement au budget une somme de......pour remplir le
but qu'il s'est proposé en demandant l'érection du mont-de-piété. Que fait la
section centrale ?
Elle admet à l'article 10 l'obligation pour les hospices
et les bureaux de bienfaisance de fournir des fonds, et l'obligation pour les
communes, en cas d'insuffisance, de pourvoir au déficit ; et ensuite à l'article
premier la section centrale propose de dire :
« L'administration du bureau de bienfaisance et celle
des hospices, dans chaque commune où il existe un mont-de-piété, sont tenues de
combler, le cas échéant et à titre d'avance, le déficit de cet établissement. »
« Si leurs ressources sont insuffisantes et que la commune
n'y supplée par des subsides, le mont-de-piété sera supprimé, etc. »
Ainsi, messieurs, d'après l'article 16 de la section
centrale on impose à l'administration des hospices et au bureau de bienfaisance
une obligation qui, à leur défaut, est imposée à la commune, tandis que la
section centrale avait admis elle-même par l’article 18 qu'en cas d'insuffisance
momentanée, ce serait à la commune à combler le déficit.
L'article 16, tel que la section centrale l'a proposé,
ne pourrait donc pas subsister avec l'article 10.
Je ne pense pas, messieurs, que ces changements puissent
être admis tels qu'ils ont été proposés par la section centrale ; je crois que
le système primitif du gouvernement est infiniment préférable, qu'il maintient
les positions telles qu'elles résultent de la nature des choses, et des devoirs
des diverses institutions.
Quant à la rédaction même des articles 10 et 16 du projet
de la section centrale, j'ai une observation à faire. D'après le projet primitif,
les administrations publiques devaient fournir les fonds dans la proportion
déterminée par la députation permanente du conseil provincial, le conseil
communal entendu. D'après les observations qui ont été faites et les amendements
qui ont été adoptés, il faudrait ici intervertir les mots et dire : « déterminée
par le conseil communal sur l'avis de la députation permanente ». Mais la
section centrale n'indique aucune autorité qui serait appelée à fixer la
proportion dans laquelle les fonds devront être fournis. Eh bien, je demande
comment coordonnera l'action des différents établissements. Quelle autorité
dira quels fonds chacun devra fournir ? Quelle autorité en fixera la quotité ?
Le bureau de bienfaisance, par exemple, pourra refuser de fournir des fonds au
mont-de-piété ; il pourra prétexter d'autres obligations à remplir envers
d'autres malheureux. Les hospices pourront opposer le même refus, alléguant des
travaux à faire, des secours plus nombreux à fournir aux malades, etc. Il
pourra donc surgir entre les divers établissements des conflits tels qu'aucun
fonds ne serait fourni au mont-de-piété. Lorsque deux établissements sont
appelés à concourir à une même œuvre, il faut nécessairement qu'une autorité
quelconque désigne la part d'intervention de chacun.
Je viens maintenant, messieurs, à l'article 16. D'après
cet article tel qu'il avait été proposé, on admet pour la province et l'Etat,
la possibilité de donner des subsides pour maintenir les monts-de-piété.
J'ignore pour quel motif la section centrale a rayé de l'article 16
l'intervention éventuelle de l'Etat et de la province. La suppression de cette
disposition, qui n'est qu'une simple faculté, peut, dans certains cas, avoir
pour conséquence la fermeture d'un mont-de-piété qu'il serait facile de
soutenir dans l'intérêt de la classe pauvre, à l'aide d'un subside momentané.
L'article 16 me fournit l'occasion de renouveler une
objection que j'ai faite, quand j'ai combattu l'amendement proposé par l'honorable
M. Tielemans, au sujet de la suppression des monts-de-piété. Je disais qu'il ne
fallait pas, pour la suppression des monts-de-piété, exiger l'initiative du
conseil communal ; qu'il pouvait se présenter des circonstances, où sans cette
initiative, et malgré le silence même du conseil communal, il devenait
indispensable de fermer le mont-de-piété. L'article 16 est une preuve de cette
nécessité. Il suffit, en effet, que les ressources de la commune soient
insuffisantes, et que la province et l'Etat refusent des subsides, pour que
l'établissement doive être fermé.
Maintenant si le conseil communal
ne veut pas prendre la délibération dont il s'agit dans l'amendement introduit
à l'article 3, et peut-être sera-t-il engagé à ne pas la prendre, dans l'espoir
d'obtenir plus tard un subside, soit de l'Etat, soit de la province, je demande
si, dans ce cas, on ne pourra pas suppriment le mont-de-piété. On ne le pourra
pas, d'après l'amendement adopté, et l'article 16 restera sans exécution. II
est donc nécessaire d'introduire dans l'article 16 un paragraphe qui pourrait
être ainsi conçu :
« Dans ce cas, le mont-de-piété pourra être supprimé
par arrêté royal, si le conseil communal ne prend aucune délibération à cet
égard. »
Alors disparaîtraient les inconvénients de l'amendement
de M. Tielemans que j'avais signalés et les motifs qui m'avaient engagé à le
combattre à l'article 3 viendraient à disparaître complètement.
- L'amendement de M. d'Anethan est appuyé.
M. Dedecker, rapporteur. - Messieurs, l'erreur dans laquelle
l'honorable M. d'Anethan me paraît verser consiste en ce qu'il n'a pas distingué
la différence qui existe entre le premier paragraphe de l'article 10 et le
premier paragraphe de l'article 16. Ces deux paragraphes s'appliquent à des cas
différents.
Le deuxième paragraphe de l'article 10 s'applique au
cas d'urgence et d'insuffisance momentanée. Ainsi, par suite d'une maladie contagieuse,
d'un chômage, d'un incendie, etc., il peut, arriver que l'administration d'un
mont-de-piété (page 1056) ait
instantanément besoin de fonds. En ce cas, les administrations publiques de
bienfaisance doivent d'abord être appelées à les fournir d'urgence ; mais ces administrations
ne pouvant, pour le moment, pas intervenir, la caisse communale doit pourvoir
momentanément à ces besoins.
Dans le premier paragraphe de l'article 16, il s'agit,
non d'un déficit d'urgence, mais d’un déficit qui se produit à la fin de l'année
et qui peut se reproduire même pendant deux ou trois ans de suite. Evidemment
il faut que ce soient les administrations de bienfaisance qui interviennent
pour fournir les fonds nécessaires pour que le mont ne soit pas en perte. C'est
une espèce de supplément de capital à fournir ; et si ces administrations ne
sont pas en mesure de le fournir, c'est à la commune à intervenir ; et, lorsque
la commune ne peut pas combler ce déficit pour ainsi dire normal, alors le
mont-de-piété doit être supprimé, comme n'ayant pas des conditions de durée.
La section centrale n'a voulu
faire intervenir ni l'Etat, ni la province, parce que ce système pourrait mener
extrêmement loin et parce que les monts-de-piété sont, sinon exclusivement, du
moins avant tout, d'intérêt communal. Il faut par tous les moyens possibles
assurer le maintien des monts-de-piété ; mais si leur existence devient une
charge et une charge pour ainsi dire permanente pour la commune, la section
centrale n'a pas osé décider qu'il convient de les maintenir à tout prix.
Dans le premier paragraphe de l'article 10, la section
centrale a proposé la suppression de ces mots : « et dans la proportion à
déterminer par la députation permanente du conseil provincial, le conseil
communal entendu. » J'avoue qu'en section centrale j'avais demandé le maintien
de ces mots. Je crois, en effet, qu'il peut se présenter entre l'administration
des hospices et le bureau de bienfaisance des conflits qui rendent
l'intervention de la commune nécessaire, à l'effet de fixer la part respective
de chacune de ces administrations.
M. Tielemans. - Messieurs, je propose d'ajouter à l'amendement de l'honorable M. d'Anethan
ces mots :
« Il sera nommé par le même arrêté un commissaire liquidateur.
»
Vous comprenez, messieurs, qu'en cas de suppression
du mont-de-piété, il y a toutes sortes d'intérêts qui doivent se liquider et qui
peuvent se trouver en conflit. Cette liquidation ne peut être faite ni par le
conseil communal, ni par les hospices, ni par le bureau de bienfaisance ni par
le mont-de-piété, s'il a des fonds particuliers. Je propose donc la nomination
par le gouvernement d'un commissaire liquidateur.
- Ce sous-amendement est appuyé.
M. d’Anethan. - Messieurs, je crois que l'honorable M. Dedecker ne m'a pas bien compris
et, qu'il me permette de le lui dire, je crois qu'il ne comprend pas bien
lui-même l'article 10 de la section centrale. Je demande la permission de répéter
ce que j'ai dit en expliquant de nouveau ma pensée. Nous sommes d'accord avec
l'honorable membre que les administrations publiques de bienfaisance aux termes
du premier paragraphe de l'article 10, doivent être les premières appelées à
fournir les fonds. Maintenant en cas d'urgence et d'insuffisance momentanée,
qui subvient aux besoins du mont-de-piété ? C'est l'objet du paragraphe proposé
par le gouvernement et adopté par la section centrale. C'est la commune qui est
autorisée mais non obligée à intervenir. On conçoit que dans ce cas on ne
puisse pas obliger la commune à fournir les fonds.
La commune a, il est vrai, demandé l'érection du mont-de-piété,
mais elle a compté sur les fonds des hospices et des bureaux de bienfaisance,
elle savait que ces fonds étaient suffisants au moment de la création de
l’établissement, elle ne pouvait pas prévoir une insuffisance momentanée ;
aussi la loi s'est-elle gardée de dire que dans ce cas la commune devrait
forcément fournir les fonds nécessaires. Nous sommes donc d'accord, qu'en cas
de gêne momentanée, c'est aux communes qu'il faut s'adresser.
L'article 16, je le répète, ne s'occupe pas d'une gêne
momentanée, mais il prévoit le cas où la commune aurait demandé l'érection d'un
mont-de-piété, après avoir reconnu que les hospices ne pouvaient donner qu'une
somme insuffisante et avoir pris ainsi implicitement l'engagement d'y suppléer
pour permettre an mont-de-piété d'entamer et de continuer ses opérations. Voilà
la position à laquelle l'article 16 fait allusion.
Il ne s'agit pas là d'une gêne momentanée, mais d'une
obligation permanente pour la commune qui a demandé l'érection du mont-de-piété,
d'une obligation à laquelle le conseil communal doit annuellement satisfaire.
Maintenant que fait la section centrale ? Elle abandonne
complètement ce système, elle ne se préoccupe pas de cette position dont je
viens de parler, elle prévoit de nouveau ici le cas d'un déficit momentané,
elle dit, en effet, au premier paragraphe : L'administration du bureau de
bienfaisance et celle des hospices dans chaque commune où il existe un mont-de-piété,
sont tenues de combler, le cas échéant et à titre d'avance, le déficit de cet
établissement.
Ainsi, il s'agit bien d'un cas
qui se présente accidentellement, et pour ce cas l'administration des hospices
est obligée de combler le déficit, Mais, ne l'oublions pas, cette obligation
est déjà imposée à la commune par le paragraphe 2 de l'article 10, que la
section centrale a elle-même adoptée. Veuillez remarquer, en outre, que d'après
l'article 16 de la section centrale l'administration de bienfaisance doit
donner cette somme à titre d'avance. Je ne comprends pas ce que signifie cette
disposition ; car c'est toujours à titre d'avance et jamais comme don que cette
administration doit fournir des sommes au mont-de-piété, puisque les cas de
remboursement sont prévus et réglés.
Sous aucun rapport, la disposition de l'article 16,
proposée par la section centrale, ne me paraît pouvoir être maintenue ; quant à la faculté
pour la province et pour l'Etat de suppléer, je pense qu'il faut la conserver ;
c'est, du reste, en concordance avec nos lois organiques ; nous l'avons admise
pour les enfants trouvés dans la loi de 1834, et pour les dépôts de mendicité
dans la loi de 1835 ; les provinces et l'Etat peuvent intervenir par des
subsides pour aider la commune à remplir ses obligations, Ce principe étant
admis dans ces lois de bienfaisance, pourquoi le rejeter dans la loi dont nous
nous occupons maintenant ?
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy). - D'après
les explications données par l'honorable M. d'Anethan et l'honorable rapporteur,
je crois que la rédaction primitive des articles 10 et 16 du gouvernement
devrait être maintenue. Suivant l'article 10, c'est aux administrations de
bienfaisance à fournir les fonds nécessaires aux opérations des monts-de-piété
et en cas d'urgence et d'insuffisance momentanée, la commune peut y pourvoir
provisoirement à titre d'avance. L'article 16 prévoit le cas au contraire où il
ne s'agit plus d'un défaut momentané, mais d'un déficit permanent résultant de
l'insuffisance des ressources des établissements de bienfaisance. Dans ce cas
c'est à la commune qui a été autorisée à ériger le mont-de-piété à combler ce
déficit ; toutefois si ses ressources sont insuffisantes la commune le
justifiera et elle pourra prendre une résolution pour la suppression de
l'établissement.
Aux termes de l'article 3, cette
délibération sera soumise à l'approbation du gouvernement. Tout marche bien
dans ce système, tandis que dans celui de la section centrale, l'article 16
fait en quelque sorte double emploi avec le paragraphe 2 de l'article 10, car
il ne s'applique également qu'à un déficit momentané qui doit être couvert par
les administrations de bienfaisance, et à titre d'avance ; or, je ne pense pas
que telle ait été la pensée de la section centrale.
Au reste, M. le rapporteur pourrait nous donner à cet
égard des explications ultérieures.
M. de Bonne. - Je viens appuyer le projet de la section centrale en ce qui concerne
le conseil communal. Dans le projet primitif le conseil communal était seulement
entendu ; c'était la députation permanente qui déterminait les fonds à donner
au mont-de-piété.
Il me semble que le mont-de-piété étant une institution
communale dotée par la commune, qui doit pourvoir à ses besoins en cas de
nécessité et supporter les pertes, c'est à elle, à son conseil à déterminer les
fonds nécessaires à ses opérations, à fournir par les administrations publiques
de bienfaisance. A cet égard, je demanderai ce qu'on entend par administrations
publiques de bienfaisance.
Cette demande est justifiée par l'article 16, auquel
je reviendrai tout à l'heure. S'il s'agit seulement des administrations de
bienfaisance, rien de plus simple, c'est l'administration communale qui y pourvoit.
Mais si on entend fixer les proportions des fonds à fournir par les hospices,
c'est impossible. Les fonds qu'a l'administration des
hospices constituent un patrimoine, une dotation ; il n'est pas possible de les
aliéner. Ce serait les aliéner que les placer au mont-de-piété, avec le risque
de supporter les pertes qui pourraient arriver. Les hospices peuvent bien
placer des fonds à intérêt au mont-de-piété, sans participer au bénéfice qui ne
revient qu'au bureau de bienfaisance ; mais jamais le capital ne peut leur être
enlevé. Le motif en est très simple : c'est que, quoique depuis quelques
années, on ait fait très peu de donations aux hospices, il en serait fait
encore moins, parce que les donateurs diraient : Les donations que nous ferions
aux hospices leur seraient enlevées.
Les mots « et celle des hospices » doivent
donc disparaître de l'article B.
Qu'on dise que les administrations des hospices seront
tenues de placer à intérêt des fonds au mont-de-piété, rien de plus simple.
Mais il est impossible, comme j'ai eu l'honneur de le faire observer hier,
qu'ils soient tenus à aucune perte.
M. Rousselle. - Je crois que les expressions qui se trouvent dans le projet de loi doivent
être maintenues. L'honorable membre est, ce me semble, dans l'erreur, lorsqu'il
dit que les hospices ne possèdent que des biens de fondation. Les hospices et
les bureaux de bienfaisance ont des revenus sans affectation qui peuvent être
assignés à tous les besoins de la bienfaisance dans les localités.
Evidemment les biens provenant de fondations, pas plus
du bureau de bienfaisance que des hospices, ne peuvent être appliqués aux monts-de-piété,
si ce n'est pour en tirer un revenu, mais sans être soumis aux risques de perte
qu'il peut y avoir.
Je pense donc que les termes du projet de loi doivent
être maintenus.
M. Loos. - Je crois
également que la rédaction de la section centrale doit être maintenue, à moins
qu'il n'y ait malentendu sur la portée de l'article 16 proposé par le gouvernement.
L'honorable M. d'Anethan a fait observer qu'il y avait malentendu ; et d'après
la manière dont il s'est expliqué, je crois qu'il a raison. La section centrale
a considéré que le déficit dont parle l'article 16 serait le résultat d'un
compte annuel soldant par une perte, qui devrait être supportée à titre
d’avance par l'administration du bureau de bienfaisance et des hospices. Je
crois que c'est ainsi que la section centrale a compris la disposition du projet.
Cependant les explications que l'honorable M. d'Anethan vient de donner font
naître quelques doutes dans mon esprit sur les intentions des rédacteurs du
projet du gouvernement. La section centrale s'est dit que s'il y avait déficit,
si à l'expiration d'une année les opérations du mont-de-piété venaient à
produire un compte en perte, les deux administrations couvriraient momentanément
le déficit qui pourrait être (page 1057)
comblé plus tard par les opérations de l'année suivante. C'est par ce motif que
la section centrale a dit « à titre d'avance ».
Si elle s'était trompée, on pourrait revenir sur cette
disposition dans le sens indiqué par l'honorable M. d'Anethan. Mais je ne pense
pas que ce soit nécessaire : car il faut toujours prévoir le cas de la clôture d'un
exercice en perte. Je pense donc que la rédaction de la section centrale, pour
l'article 7, peut être maintenue.
A l'article 10 la section centrale vous propose de dire
que « les administrations publiques de bienfaisance continueront à fournir,
dans la mesure de leurs ressources et aux conditions les plus favorables, les
fonds nécessaires aux opérations des monts-de-piété ». La rédaction du
gouvernement voulait faire déterminer cette participation par la députation
permanente. Or, qu'arrivera-t-il ? C'est qu'une administration de bienfaisance
aura, je suppose. 10,000 fr. en caisse, l'autre n'aura que 2,000 fr. Cependant
la députation permanente leur enjoindra de contribuer par parts égales, comme
c'est leur habitude, aux besoins du mont-de-piété. Mais si l'une des
administrations n'a pas les fonds, la décision de la députation sera sans effet.
Il vaut donc mieux rester dans les termes de l'article. La disposition, dans
ces termes, est plus réalisable dans la pratique.
Lorsqu'il y aura insuffisance
de ressources, l'administration du mont-de-piété s'adressera à l'administration
du bureau de bienfaisance, ou à l'administration des hospices, ou à toutes les
deux à la fois. S'il arrive que ni l'une ni l'autre n'ont les fonds nécessaires
pour subvenir aux besoins du mont-de-piété, on s'adressera soit à la commune,
soit aux particuliers qui savent bien qu'ils ne courent aucun risque en prêtant
au mont-de-piété, et qu'ils rentreront dans leurs avances au bout de très peu
de temps.
Je demanderai donc que la rédaction de l'article 10
et de l'article 16 proposée par la section centrale soit conservée.
M. d’Anethan. - Messieurs, je suis parfaitement d'accord avec l'honorable M. Loos ; lorsqu'il
y a insuffisance, fût-elle seulement momentanée, le mont-de-piété peut
s'adresser aux administrations publiques de bienfaisance. Mais nous n'ayons pas
besoin pour cela de l'article 16. L'article 10 ledit d'une manière positive et
générale. Les administrations publiques de bienfaisance continueront autant que
possible à fournir, à l'intérêt légal, les fonds nécessaires aux opérations des
monts-de-piété. Cet article est général ; en toutes circonstances, le
mont-de-piété peut s'adresser aux administrations publiques de bienfaisance, en
toutes circonstances le mont-de-piété peut leur demander les fonds qui lui sont
nécessaires. Mais il peut arriver qu'il y ait insuffisance dans la caisse des
établissements de bienfaisance et dans la caisse du mont-de-piété. Le
paragraphe de l'article 10 prévoit ce cas, auquel l'honorable M. Loos faisait
également allusion. Alors il faut bien s'adresser à la commune, et la commune,
comme je le disais tantôt, n'est même pas obligée de fournir des fonds, elle
est seulement autorisée à en fournir.
Que décide l'article 16 de la section centrale ? Il
va beaucoup plus loin ; non seulement on permet de s'adresser en cas de gêne momentanée
aux établissements de bienfaisance pour solliciter un secours ; mais on leur
impose l'obligation de combler, le cas échéant, le déficit, et on leur impose
cette obligation après qu'ils ont déjà une première fois rempli le devoir dont
les a chargés le conseil communal. Or, ce n'est pas l'administration de la
bienfaisance qui a demandé la création du mont-de-piété ; ce n'est pas elle qui
a examiné quelles étaient les ressources du mont-de-piété, s'il pouvait
subsister ; c'est le conseil communal qui a dû se livrer à cet examen. Si
maintenant le conseil communal s'est trompé, s'il a pensé à tort qu'il y avait
des ressources suffisantes, c'est au conseil communal et non à l'administration
de la bienfaisance à réparer cette erreur.
L'administration de bienfaisance est autorisée à le
faire, si elle a des fonds disponibles ; mais elle ne peut y être tenue, si l'insuffisance
provient d'un vice de calcul qu'aurait fait l'administration communale.
Ainsi je pense qu'on ne peut admettre la disposition
de l'article 16, qui établirait, à charge de l'administration de bienfaisance,
une obligation beaucoup plus forte que ne le veut l'article 10.
Je pense donc, messieurs, que quand le cas d'insuffisance
se présentera, ce sera au conseil communal à aviser, si toutefois
l'administration de la bienfaisance ne veut pas donner les fonds.
L'honorable M. Loos maintient le retranchement
proposé par la section centrale. Il dit : Mais il peut se présenter des cas où l'administration
des, hospices n'a que 2.000 fr. en caisse, tandis que le bureau de bienfaisance
en aura 10,000. Si c'est le conseil communal qui doit déterminer la proportion
dans laquelle les versements auront lieu, il pourra arriver que le conseil
communal ordonne à l'administration, qui n'a que 2,000 fr. en caisse, d'en
verser 10,000.
Messieurs, il est évident que le conseil communal aura
soin de s'assurer de l'état de la caisse et qu'il tiendra compte de cet état
dans sa décision.
Mais il est important de maintenir la répartition à
faire par le conseil communal, parce qu'il peut se rencontrer des cas où les établissements
de bienfaisance se refuseraient à remplir leurs obligations et l'autorité supérieure
doit alors les forcer d'y satisfaire. Le contraire peut également arriver.
Supposons que les administrations de bienfaisance veuillent placer au
mont-de-piété des fonds qu'elles ont, ce qui constitue un placement très
avantageux. Il faut bien que l'administration communale dise : Vous avez toutes
deux, par exemple, 10,000 fr. à placer ; vous n'en placerez chacune que 5,000
puisque le mont de-piété n'a besoin que de 10,000 fr.
Il faut nécessairement que l'on
puisse d'un côté vaincre le mauvais vouloir des administrations de bienfaisance,
si elles se refusaient à donner les fonds nécessaires, et d'un autre côté
empêcher qu'elles ne donnent plus que la somme dont le mont-de-piété a besoin ;
et c'est le cas qui arrive le plus souvent, car les administrations des
hospices, trouvant un placement favorable dans les monts-de-piété, sont toujours
disposées à verser leurs fonds dans les caisses de ces établissements.
M. Loos. – Il me semble
que nous ne nous entendons pas encore sur la portée de l'article 16.
L'honorable d'Anethan persiste à voir dans le mot « déficit »
une insuffisance permanente de ressources pour le mont-de-piété.
La section centrale, ainsi que je l'ai dit, y a vu tout
autre chose. Elle y a vu une perte provenant d'un exercice annuel, et cette
perte produisant dans la caisse du mont-de-piété un déficit qu'il faut combler,
il restait à savoir qui aurait payé cette perte. Or, le projet en discussion
attribuant à l'administration des bureaux de bienfaisance et aux hospices les
bénéfices éventuels des opérations du mont-de-piété, après que la dotation aura
été formée, la section centrale a cru devoir leur attribuer aussi l'obligation
de combler, provisoirement et à titre d'avance, la perte qui serait résultée
des opérations d'un exercice
En écoutant l'honorable M. d'Anethan, j'ai remarqué
qu'il voyait dans le mot « déficit » tout autre chose. Il y a vu une insuffisance
permanente de capitaux pour pourvoir aux opérations des monts-de-piété.
Il s'agirait donc de nous mettre d'accord sur ce point
; s'agit-il d'une perte à combler, perte ayant produit un déficit dans la caisse
du mont-de-piété, ou s'agit-il d'une insuffisance permanente de capitaux, à
laquelle il faut pourvoir ? Quant à moi, je persiste à croire qu'on n'a eu en vue
qu'un exercice en perte ; et, dans ce cas, nous avons pensé que c'était aux
administrations de bienfaisance à combler le déficit.
Quant à la suppression que la section centrale vous
propose pour l'intervention du conseil communal relativement aux avances à faire
aux monts-de-piété pour le besoin de ses opérations, l'honorable M. d'Anethan
m'a répondu qu'avant de prendre une décision, le conseil communal pourra
toujours s'assurer des ressources des deux administrations. Mais voici ce qui
arrive dans la pratique : l'honorable M. Dedecker vous l'a déjà dit tout à
l'heure. Un besoin imprévu se déclare par suite d'un événement quelconque. L'honorable
M. Dedecker a supposé un événement malheureux. Mais je dirai que ce sont plutôt
les événements heureux qui atteint beaucoup de déposants aux monts-de-piété.
Il se présente une kermesse, un bal, une fête populaire
quelconque ; le mont-de-piété est assailli de déposants.
Eh bien, qu'à la suite de circonstances semblables les
ressources du mont soient épuisées, on ne peut pas réunir immédiatement le conseil
communal ; il faut donc que d'une manière permanente celui qui est chargé de la
gestion de l'établissement sache où il peut s'adresser pour avoir des fonds
lorsqu’il en a besoin.
Ces besoins de fonds, qui naissent presque inopinément,
cessent de la même manière, c'est-à-dire que si 1'administralion du
mont-de-piété a besoin de 10,000 fr. une semaine, il est très possible qu'il soit
en état de rembourser ces 10,000 fr. la semaine suivante. Or il serait très
onéreux de devoir garder ces fonds lorsqu'il n'en aurait plus besoin.
Par ces considérations, messieurs, je demanderai le
maintien de la disposition du projet primitif.
- La séance est levée à quatre heures et demie.