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Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 16 mars 1848
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions
relatives à la concession ferroviaire de Louvain à Namur (de
La Coste)
2) Projet de loi portant réorganisation des
monts-de-piété.
a) Ressources financières versées par les communes et
les bureaux de bienfaisance (de Haussy, Malou, Delfosse, d’Anethan, Tielemans, de Haussy, Delfosse, de Haussy, Loos)
b) Objets perdus ou volés (de
Garcia, de Haussy, de La
Coste, d’Anethan, Dedecker,
de Garcia, Tielemans, de Haussy, Raikem, d’Anethan, Raikem, de Garcia)
3) Projet de loi ayant pour objet d’émettre un emprunt
forcé (+liste civile du Roi) (Malou)
4) Projet de loi relatif au droit de sortie sur les
étoupes de lin
5) Dépôt des rapports des officiers de police quant
aux circonstances de l’arrestation de M. et de Mme Marx (de
Haussy)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1847-1848)
(Présidence de M. Verhaegen., vice-président.)
(page 1067) M. de Villegas procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
- La séance est ouverte.
M. Troye donne lecture
du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. de Villegas fait connaître l'analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
«Le conseil communal d'Exel demande que la route de
Turnhout à Moll soit continuée jusqu'au camp de Beverloo en passant par Baelen.
»
- Renvoi au ministre des travaux publics.
« Le conseil communal de Louvain demande que le gouvernement
soit autorisé à restituer à la société concessionnaire du chemin de fer de
Louvain à Namur, le cautionnement qu'elle a déposé. »
- Sur la proposition de M. de La Coste, renvoi à la commission
des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
PROJET DE LOI PORTANT REORGANISATION DES MONTS-DE-PIETE
Discussion des articles
Chapitre IV. – Dotations. Emploi des bénéfices
et intérêts
M. le président. - La discussion est ouverte sur la nouvelle rédaction des articles 10 et
16 réunis, présentée par M. le ministre de la justice, ainsi conçue :
« Les administrations publiques de bienfaisance continueront
à fournir, dans la mesure de leurs ressources et aux conditions les plus
favorables, les fonds nécessaires à la gestion et aux opérations des monts-de-piété
; elles sont également tenues de combler, le cas échéant et à titre d'avance,
le déficit de ces établissements.
« Si leurs ressources sont insuffisantes à cet effet,
la commune est tenue de pourvoir aux frais de gestion et de couvrir le déficit
des monts-de-piété, et elle peut suppléer à l'insuffisance du capital spécialement
affecté aux opérations.
« En cas d'insuffisance des ressources des communes,
et si la province ou l'Etat n'y suppléent par des subsides, le mont-de piété
sera supprimé, et il sera procédé conformément à l'article 3.
« Dans ce cas, le mont-de-piété pourra être supprimé
par arrêté royal, si le conseil communal ne prend aucune délibération à cet
égard.»
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy). - L'examen
que j'ai fait de l'amendement déposé par l'honorable M. d'Anethan m'engage à
apporter quelques modifications à la rédaction que j'ai eu l'honneur de
proposer à la chambre.
D'abord, je demanderai qu'en tête de l'article on ajoute
les mots : « A défaut de fondations, donations ou legs », qui se
trouvait dans l'amendement de l'honorable M. d'Anethan et suivant la proposition
faite par l'honorable M. Malou.
Ensuite, je supprime dans le premier paragraphe les
mots « à la gestion et » et dans le deuxième paragraphe les mots « de
pourvoir aux frais de gestion et », de manière à ne laisser que le mot
générique « opérations » qui embrasse tous les résultats de la gestion
des monts-de-piété.
Les articles 10 et 16 seraient donc réunis en un seul
qui serait rédigé de la manière suivante :
« A défaut de fondations, donations ou legs, les administrations
publiques de bienfaisance continueront à fournir, dans la mesure de leurs
ressources et aux conditions les plus favorables, les fonds nécessaires aux
opérations des monts-de-piété. »
C'est un point sur lequel tout le monde est d'accord,
que le capital roulant du mont-de-piété doit être fourni par les établissements
de bienfaisance.
« Elles sont également tenues de combler, le cas échéant
et à titre d'avance, le déficit de ces établissements. »
C'est la rédaction de la section centrale que l'honorable
M. d'Anethan reproduit, dans le second article de son amendement.
Ensuite viendrait le second paragraphe de l'amendement
de l'honorable M. d'Anethan, dont je reconnais l'utilité :
« En cas de contestation, le conseil communal déterminera,
sauf l'approbation de la députation permanente du conseil provincial, la
quotité des versements à opérer par chaque établissement. »
Il faut ensuite s'occuper de l'hypothèse où les ressources
des établissements de bienfaisance seraient insuffisantes. Dans ce cas il faut
distinguer ; s'il s'agit du déficit d'un exercice accompli, la commune
doit y pourvoir.
En effet, c'est la commune qui a décrété l'érection
du mont-de-piété ; c'est elle qui en a arrêté les règlements organiques, c'est elle
qui a profité pour ses indigents des avantages de cette institution. C'est donc
elle qui doit combler le déficit résultant d'un exercice accompli.
Mais d'un autre côté, s'il s'agit d'un déficit permanent,
résultant de l'insuffisance du capital nécessaire pour les opérations du
mont-de-piété, la commune ne peut plus être obligée à le couvrir. Car dans
certains cas il pourrait en résulter en quelque sorte la ruine de la caisse
communale qui serait dans l'impuissance d'y pourvoir. Il arrive, en effet,
quelquefois et dans certaines circonstances, que le capital d'un mont-de-piété
doit être considérablement augmenté par suite de l'accroissement du nombre de
gages que l'on vient momentanément y déposer ; or, la commune ne pourrait être
soumise indéfiniment à une obligation aussi onéreuse.
C'est cette distinction qui se trouve indiquée dans
le second paragraphe de l'amendement que j'ai eu l’honneur de présenter.
Dans le premier cas, s'il s'agit du déficit résultant
d'un exercice accompli, la commune devra y pourvoir ; dans le second cas, il
lui sera seulement facultatif de le faire.
La disposition serait donc ainsi conçue :
« Si leurs ressources sont insuffisantes à cet effet,
la commune est tenue de couvrir le déficit des monts-de-piété, et elle peut
suppléer à l’insuffisance du capital spécialement affecté aux opérations. »
Ensuite il faut prévoir le cas où les ressources de
la commune seraient elles-mêmes insuffisantes. C'est l'objet du troisième paragraphe
;
« En cas d'insuffisance des ressources des communes,
et si la province ou l'Etat n'y suppléent par des subsides, le mont-de-piété
sera supprimé, et il sera procédé conformément à l'article 3. »
Vient enfin le quatrième paragraphe, qui renferme une
disposition présentée par l'honorable M. d'Anethan :
« Dans ce cas, le mont-de-piété pourra être supprimé
par arrêté royal, si le conseil communal ne prend aucune délibération à cet
égard. »
L'honorable M. Tielemans a proposé d'y ajouter qu'il
serait nommé en même temps, un commissaire liquidateur. Je ne pense pas, messieurs,
que cela soit nécessaire. Si le mont-de-piété doit être supprimé par suite
d'une insuffisance de capital, la commission administrative de l'établissement
sera chargée de faire la liquidation. Je crois que ce serait faire une espèce
d'affront à la commission, que de nommer un commissaire liquidateur ; personne
mieux que la commission n'est à même de procéder à celle liquidation et comme
ce ne sera point par son fait qu'elle devra avoir lieu, il me semble que la
nomination d'un commissaire spécial est tout à fait inutile.
M. le président. -Voici l'amendement de M. le ministre de la justice
:
« A défaut de fondations, donations ou legs, les administrations
publiques de bienfaisance continueront à fournir, dans la mesure de leurs
ressources et aux conditions les plus favorables, les fonds nécessaires aux
opérations des monts-de-piété ; elles sont également tenues de combler, le cas
échéant et a titre d'avance, le déficit de ces établissements.
« Si leurs ressources sont insuffisantes à cet
effet, la commune est tenue de pourvoir aux frais de gestion et de couvrir le déficit
des monts-de-piété, et elle peut suppléer à l'insuffisance du capital spécialement
affecté aux opérations.
« En cas d'insuffisance des ressources des communes,
et si la province ou l'Etat n'y suppléant par des subsides, le mont-de-piété
sera supprimé, et il sera procède conformément à l'article 3.
« Dans ce cas, le mont-de-piété pourra être supprimé
par arrêté royal, si le conseil communal ne prend aucune délibération à cet
égard. »
M. Malou déclare retirer son amendement.
M. Delfosse. - Je ne comprends pas pourquoi l'on persiste à établir une distinction
entre le cas où les fonds doivent être fournis pour couvrir un déficit et le cas
où ils doivent être fournis pour une autre cause. Cette distinction complique
inutilement les dispositions du projet de loi. La règle générale est celle-ci :
Les fonds dont les monts-de-piété peuvent avoir besoin, soit pour leurs
opérations, soit pour couvrir un déficit, doivent, autant que possible, être
fournis par les bureaux de bienfaisance et les hospices ; en cas d'insuffisance
des ressources de ces établissements, le conseil communal peut être appelé à y
pourvoir. La règle devant être la même pour tous les cas que je viens
d'indiquer, la distinction établie par M. le ministre de la justice n'a aucune portée.
M. le ministre de la justice demande que les fonds fournis
au mont-de-piété pour cause de déficit ne le soient qu'à titre d'avance. Mais
tous les fonds fournis aux monts-de-piété par les bureaux de bienfaisance et
les hospices le sont à titre d'avance et moyennant un intérêt minime. Je
repousserai donc la proposition de M. le ministre de la justice, et je voterai
pour celle de l'honorable M. d'Anethan.
(page 1068)
M. d’Anethan.
- Messieurs, j'avais demandé la parole pour faire les observations que vient de
présenter l'honorable M. Delfosse. J'avoue que pas plus que l'honorable membre,
je ne comprends la différence qu'on veut établir entre l'insuffisance du capital
et le déficit ; dès la première année, il faut pour les opérations du mont-de-piété
un capital suffisant ; ce capital n'est plus suffisant s'il y a déficit,
peu importe quand il se révèle. Il n'v a pas deux caisses différentes dans un
mont-de-piété, une dans laquelle est versé le capital, une autre pour les
dépenses annuelles. Dès l'instant donc où il y a déficit, il affecte le
capital, et, dans ce cas, comme dans tous les autres, il y a lieu d'examiner
avant tout si le capital restant est encore suffisant ; car s'il pouvait
suffire malgré le déficit sur les prévisions de l'année, il ne faudrait pas
venir au secours du mont-de-piété ; cette observation prouve qu'il peut exister
un déficit qui ne devrait être comblé ni par le bureau de bienfaisance ni par
la commune. Il s'agit donc uniquement de savoir si le mont-de-piété a une somme
suffisante pour pouvoir continuer les opérations auxquelles il est destiné ; et
si le déficit produit ce résultat, il y aura insuffisance de capital, et dans
ce cas la bienfaisance d'abord et la commune ensuite devront venir au secours
du mont-de-piété. Mais il n'en doit pas être de même si le déficit n'affecte
pas assez le capital pour empêcher les opérations, et dès lors il n'est pas
exacte de dire que par cela seul qu'il y a déficit, le bureau de bienfaisance
ou la commune doit aider le mont-de-piété. Un exercice peut se solder en perte,
sans que le besoin de secours en soit la conséquence.
Je ne comprends pas non plus pourquoi on fait une différence
entre les obligations de la commune, relativement à ce qu'on appelle le déficit
et relativement à ce qu'on appelle l'insuffisance du capital.
M. le ministre de la justice propose pourtant de dire
: Lorsqu'il s'agira d'un déficit, les communes et les bureaux de bienfaisance
alloueront des fonds à titre d'avance. C’était la rédaction de la section
centrale, rédaction au sujet de laquelle j'avais demandé quelques explications
à l'honorable rapporteur. Ces explications ont été fournies par l'honorable M.
Loos, et c'était pour faire droit à ces observations que j'avais proposé
l'article 11. Les honorables MM. Dedecker et Loos avaient dit qu'ils avaient
entendu par ce mot « avances » que les prêts, faits dans ce cas,
auraient été remboursés sur les premiers bénéfices et avant que la dotation ne
fût complète.
C'est uniquement pour établir d'une manière précise
le caractère de ces avances extraordinaires que dans l'article 11 j'avais proposé
d'insérer cette disposition que ces avances seraient remboursées sur les
premiers bénéfices.
La proposition de M. le ministre ne reproduit pas cette
disposition. Il se borne à dire qu'en cas d'insuffisance la commune est tenue
de pourvoir aux frais de justice et de couvrir le déficit, il ne parle pas du
remboursement, de manière que les communes et les bureaux de bienfaisance
devraient attendre que la dotation fût complète avant de pouvoir obtenir le
remboursement de ces avances extraordinaires.
Je pense
donc qu'il est préférable d'adopter l'amendement que j'ai proposé, en
substituant un mot : « il sera procédé » à « il sera agi ».
Quant a la suppression du commissaire liquidateur, je laisserai à M. Tielemans
le soin de la combattre. Je m'étais rallié à sa proposition, parce que, si elle
ne m'a pas paru absolument nécessaire, elle m'a du moins paru utile dans le cas
où une liquidation présenterait des questions épineuses dont la solution
pourrait demander la présence d'un homme versé dans la science du droit.
M. Tielemans. - Je n'avais proposé la nomination d'un commissaire liquidateur que pour
un cas qui peut se représenter e se présentera certainement, celui où les monts-de-piété
auront des fonds qui leur seront propres et qui se trouveront confondus dans la
caisse avec les fonds des hospices, des bureaux de bienfaisance et de la
commune. Je disais que dans ce cas il y aurait plusieurs intéressés ; c'était à
cause de cela que je croyais nécessaire d'établir un commissaire qui fît la
liquidation dans l'intérêt de tous. En faisant ma proposition, je n'avais pas
d'autre raison que celle-là, mais je pense qu'elle est assez solide pour
maintenir le commissaire liquidateur.
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy). - La rédaction
que j'avais proposée n'avait d'autre but que de concilier le malentendu qui
existait entre la section centrale et le projet primitif du gouvernement. Le
projet primitif disait que le conseil communal, dans chaque commune où il existe
un mont-de-piété, est tenu de porter annuellement à son budget la somme
nécessaire pour combler le déficit de cet établissement. La section centrale,
au contraire, imposait cette obligation aux administrations de bienfaisance,
mais à titre d'avance. D'après les explications données par l'honorable M.
Loos, la section centrale avait compris qu'il ne s'agissait que d'un déficit
constaté sur un exercice accompli, tandis que le projet primitif imposait cette
obligation à la commune, quand il s'agissait d'un déficit permanent. C'est pour
concilier ces deux rédactions que j'ai supposé l'une et l'autre hypothèse dans
celle que j'ai présentée, et il me semble que cette distinction est très utile.
Il peut arriver, en effet, qu'un
mont-de-piété ayant le capital nécessaire pour toutes ses opérations soit cependant
en perte, sur tel ou tel exercice, par suite de l'insuffisance même de ses
opérations, puisqu'il devra payer d'un côté des intérêts aux établissements de
bienfaisance, et que ses bénéfices pourront ne pas couvrir les intérêts et les
frais d'administration. Dans le cas où ce déficit existerait ce sera à la commune
à le combler. Mais si le mont-de-piété est dans l’impossibilité de fonctionner
par suite de l'insuffisance du capital, il sera facultatif à la commune
d'intervenir, si elle veut que le mont-de-piété soit maintenu. Mais elle ne
devra pas être tenue, dans ce cas, de compléter le capital.
Cependant si la chambre est d'avis que, dans tous les
cas, la commune ne doit intervenir qu'autant qu'il lui convienne de le faire,
alors la rédaction de l'honorable M d’Anethan serait préférable.
M. Delfosse. - M. le ministre de la justice voit deux cas là où
il n'y en a réellement qu'un. Il faut des fonds au mont-de-piété pour les opérations
en vue desquelles cet établissement est créé ; s'il ne les possède pas, ou s'il
n'en possède qu'une partie, il s'adresse au bureau de bienfaisance et aux
hospices, et, au besoin, au conseil communal, qui doit être libre d'examiner si
l'état financier de la commune permet d'accéder à la demande. Que le manque de
fonds provienne d'un déficit ou de toute autre cause, la position des divers
établissements dont je viens de parler doit rester la même. La circonstance que
le manque ou l'insuffisance des fonds proviendrait d'un déficit n'est pas de
nature à influer sur le mode à suivre pour mettre le mont-ile-piété en état de
continuer ses opérations.
- L'amendement de M. d'Anethan, auquel M. le ministre de la
justice (M. de Haussy) et M. Loos déclarent
se rallier, est adopté dans les termes suivants :
« Art. 10. A défaut de fondations, donations ou
legs, les administrations publiques de bienfaisance continueront à fournir,
dans la mesure de leurs ressources et aux conditions les plus favorables, les
fonds nécessaires aux opérations des monts-de-piété.
« En cas de contestation, le conseil communal déterminera,
sous l'approbation de la députation permanente du conseil provincial, la
quotité des versements à opérer par chaque établissement.
« Si les fonds que peuvent fournir les établissements
de bienfaisance sont insuffisants, le conseil communal y suppléera ; si ses
ressources ne le lui permettent pas, et si aucun subside n'est alloué par la
province ou par l'Etat, le mont-de-piété sera supprimé, et il sera procédé
conformément aux règles posées en l'article 3.
« Dans ce cas, la suppression sera prononcée par
le conseil communal et, à son défaut, par un arrêté royal qui nommera en même
temps le commissaire liquidateur. »
« Art. 11 (amendement de M. d'Anethan). Les versements
extraordinaires qui seront faits en cas d'urgence ou d'insuffisance momentanée,
soit par les administrations de bienfaisance, soit par la commune, seront, à
leur demande, remboursés sur les premiers bénéfices. »
-Adopté.
La chambre passe au chapitre VI.
Chapitre VI. – Objets perdus ou volés
Article 19
« Art. 19. Par dérogation à l'article 2279 du Code civil,
celui qui a perdu ou auquel il a été volé un objet engagé au mont-de-piété, ne
pourra le revendiquer que pendant six mois à dater du jour où le directeur de
l'établissement dûment averti avant l'engagement, soit par le propriétaire,
soit par la police, aura en même temps obtenu une désignation suffisante de
l'objet soustrait ou égaré. Dans ce cas cet objet sera restitué gratuitement à
son propriétaire. »
M. le président. - M. de Garcia de la Vega présente à cet article l'amendement suivant :
« Art. 19. La disposition de l'article 2280 du Code
civil est applicable à la chose volée ou perdue, qui a été engagée au mont-de-piété,
lorsque le directeur de rétablissement n'aura pas été averti de la perte ou du
vol avant l'engagement.
« L'avertissement devra contenir une désignation suffisante
de l'objet. ».
M. de Garcia. - Je dois dire quelques mots pour faire connaître la
portée de l'amendement que j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre dans la
séance d'hier. Le but essentiel de cet amendement est de faire disparaître entièrement
l'article 19 du projet de loi. Les motifs qui m'ont porté à demander cette
suppression sont fort simples. L'article 19 porte une dérogation à un principe
de droit commun, qui veut que les objets volés ou trouvés ne puissent être
prescrits que par l'espace de trois ans. Le projet de loi détruit ce principe,
en ce qu'il veut que les objets volés ou perdus, déposés au mont-de-piété,
soient prescrits au profit de cet établissement par six mois.
Ni dans l'exposé des motifs ni dans le rapport, je n'ai
trouvé aucune raison sérieuse de détruire un principe qui a pour lui la consécration
du temps. Je me suis vainement ingénié à les chercher. Une seule considération
est produite dans le rapport, à l'appui de cette étrange innovation ; elle se
résume en ce que la dérogation proposée n'aura pour effet que d'enrichir et
d'améliorer le sort des établissements des monts-de-piété.
Cette objection n'est, selon moi, nullement concluante.
Loin de là, elle devrait être repoussée, puisqu'on doit conserver saufs les
droits de tous et que la disposition nouvelle sacrifie l'intérêt du propriétaire
de la chose perdue ou volée. A cet égard, l'expérience n'a pas démontré que la
prescription de trois ans fût un terme trop long. Pourquoi donc vouloir changer
un principe de droit commun, qui a pour lui la consécration du temps ? Je le
répète, nul motif raisonnable n'est produit pour que la chambre se décide à
admettre une dérogation à notre droit commun. Mais contre mon amendement on
objectera sans doute, qu'il est (page
1069) inutile parce que l'article 21 de la loi que nous discutons remplit
le but de ma proposition. Cette objection est fondée jusqu’à un certain point.
L'article 21 contient une disposition qui
correspond à peu près à mon amendement.
M. d’Anethan. - Elle est plus complète.
M. de Garcia. - Vous dites qu'elle est plus complète. A mes yeux
elle l'est moins. Je m'explique : elle est plus complète en ce sens, que l'article
2280 ayant déjà reçu depuis longtemps son application, les difficultés
auxquelles il pouvait donner lieu ont été décidées et fixées par la jurisprudence.
Or, l’article 21 de la loi que l’on dit plus complet donnera, j’en ai la
conviction, donnera lieu, dis-je, à des difficultés qui ne surgiraient pas, si
on s’en rapportait à un texte de loi qui a reçu une longue application.
En assimilant les objets déposés aux monts-de-piété
aux objets vendus dans les conditions de l'article 2280, mon amendement, outre qu'il
conserve les principes du droit commun, est tout à fait rationnel.
En effet, il part de la supposition que l'on doit considérer
les effets reçus en gage par les monts-de-piété comme ceux qui sont vendus en
vente publique, cette assimilation me paraît des plus justes, et la raison en est palpable
; c'est qu'en principe général il ne peut appartenir à ces établissements de se
refuser à recevoir les objets que des malheureux leur présentent pour obtenir
un prêt à l'effet de se procurer du pain.
En résumé, mon amendement a
pour objet de maintenir des principes qui n'ont donné lieu à aucun inconvénient,
qui ont la consécration du temps et qui, selon moi, sans porter préjudice aux
monts-de-piété, sont utiles dans l'intérêt de ceux qui ont perdu ou à qui on a
volé des objets.
Si vous déclarez, comme le propose le projet, que la
prescription sera acquise après six mois, vous allez encourager tous les voleurs
à porter les objets voles ou trouvés, au mont-de-piété. Les monts-de-piété, qui
sont déjà des refuges d'objets volés, le deviendront davantage.
J'insiste donc vivement pour que la chambre ne s'écarte
pas, dans les circonstances actuelles, et sans motifs plausibles, des principes
consacrés par notre Code civil.
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy). - Messieurs,
je dois repousser l'amendement de l'honorable M. de Garcia et maintenir la
rédaction de l'article 19 du projet primitif du gouvernement, qui a été adopté
par la section centrale.
Je considère cette disposition comme l'une des plus
essentielles du projet. Je crois que le crédit et l'existence même des monts-de-piété
sont attachés au maintien de cette disposition.
L'article 2279 du Code civil, en consacrant le principe
qu'en fait de meubles la possession vaut titre, a établi une exception en
faveur du propriétaire de la chose perdue ou volée, qui a trois ans pour la revendiquer
entre les mains du détenteur, lequel doit la restituer gratuitement. Mais
l'article 2280 a apporté à cette disposition une modification essentielle, en
décidant que le propriétaire de la chose perdue ou volée ne peut en obtenir la
restitution qu'en remboursant à son possesseur tout ce qu'elle lui a coûté, si
celui-ci l'a achetée dans une foire, dans un marché, dans une vente publique,
ou de personnes vendant des choses semblables.
Ainsi, messieurs, si le projet de loi dont nous nous
occupons ne contenait aucune dérogation à ces dispositions, il en résulterait
que, pendant trois ans, les monts-de-piété seraient tenus de restituer une
chose perdue ou volée à tout propriétaire qui se présenterait pour la
revendiquer.
Messieurs, une pareille disposition paralyserait l'action
des monts-de-piété. Il serait impossible que des établissements qui sont
quelquefois dans le cas de recevoir 2 à 3,000 gages par jour, pussent continuer
à fonctionner. Leur administration serait à chaque instant entravée, par la
nécessité où l'on se trouverait de vérifier si chaque gage qui est présenté
n'est pas l'un des objets qui auraient été signalés comme perdus ou volés.
Il fallait donc placer les monts-de-piété dans une position
exceptionnelle. Il fallait déroger à leur égard au Code civil, et c'est ce qui
a été fait par l'article 19 du projet, qui réduit le délai de la prescription à
six mois, lequel délai courra à partir du jour où l'avertissement de la perte
ou du vol aura été donné au directeur de l'établissement.
Ce délai, messieurs, est suffisant pour garantir les
droits du propriétaire de la chose perdue ou volée. L’étendre au-delà de ce terme,
ce serait encore une fois entraver toutes les opérations des monts-de-piété.
L'article décide donc que si le directeur a été averti
de la perte ou du vol et si la désignation de l'objet perdu ou voté lui a été
donnée, la restitution de cet objet devra, pendant un délai de six mois, se
faire gratuitement, parce qu'alors il y a faute, il y a négligence de la part
du directeur qui, ayant été averti, a reçu comme gage l'objet perdu ou volé qui
lui avait été désigné. Seulement, dans ce cas, les règlements organiques
établiront la responsabilité envers l’établissement des employés qui se
seraient rendus coupables de semblables négligences.
Mais si aucun avertissement n'a été donné, alors évidemment
le mont-de-piété doit être considéré comme un possesseur de bonne foi, et comme
dans le cas de l'article 2280 du Code, il ne doit restituer la chose perdue ou
volée qu'à charge d'être entièrement indemnisé et de récupérer le montant du
prêt qui a été fait sur le gage ainsi que les intérêts jusqu'au jour où la
restitution s'opère.
Je ferai observer, messieurs, que de tout temps les
monts-de-piété ont été placés à cet égard sous l'empire d'une législation exceptionnelle.
On a toujours reconnu que cela était nécessaire, que sans cela il était
impossible que cette institution pût fonctionner et se maintenir. Nos anciens
règlements, nos anciennes lois sur les monts-de-piété, contiennent des, dispositions
analogues. Cependant l'arrêté du 31 octobre 1826 contient une disposition
contraire. Mais cette disposition avait été établie à raison de ce qui se
pratiquait dans les provinces du Nord, du royaume des Pays-Bas, où les
monts-de-piété étaient remis en entreprise entre les mains d'adjudicataires. Or
il fallait empêcher que ces entrepreneurs ne fussent trop enclins à recevoir un
grand nombre de gages sans s'inquiéter si ces gages n'étaient pas des objets
perdus ou volés.
Mais aujourd'hui il n'en est plus de même. Les monts-de-piété
étant administres par des commissions entièrement désintéressées, et
fonctionnant pour le compte et au profit des établissements de bienfaisance, le
même inconvénient ne peut plus se reproduire.
Je ferai remarquer d'ailleurs qu'en Hollande même on
avait reconnu l'inconvénient de cette disposition contre laquelle de nombreuses
réclamations s'étaient élevées.
Le nouveau Code civil des Pays-Bas
qui n'a pas été en vigueur dans ce pays à cause des événements de 1830,
contenait une disposition abrogatoire de l'arrêté du 31 octobre 1826 et analogue
à celle de l'article en discussion.
Je pense donc, messieurs, qu'il est très important de
maintenir dans le projet cette disposition et que vous compromettriez l'existence
des monts-de-piété et les avantages de la réforme que nous voulons introduire,
si vous admettiez l'amendement présente par l'honorable M. de Garcia.
M. de La Coste. - Messieurs, il y a ici deux intérêts à concilier : il y a l'intérêt du
mont-de-piété dont la responsabilité doit être restreinte dans des termes raisonnables.
Il y a aussi l'intérêt d'une bonne police ; l'intérêt d'empêcher les
détournements, d'empêcher les recels.
Ces deux intérêts, je le répète, doivent être conciliés.
Mais je crois que cette conciliation résulte d'un autre principe. C'est le
principe de l'article 1382 et de l'article 1383 du Code qui dit que tout fait
quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute
duquel il est arrivé, à le réparer ; et ensuite que chacun est responsable du
dommage qu'il a causé, non seulement par son fait, mais encore par sa
négligence ou par son imprudence.
Je pense, messieurs, qu'il faut
au moins laisser reposer sur les monts-de piété cette responsabilité du droit
commun, cette responsabilité générale et qui ne supporte pas d'exception, être
responsable de sa négligence ou de son imprudence, dans le cas où il
accepterait trop légèrement des objets qui seraient déposés.
Je pense que nous ne devons en aucune manière affaiblir
cette responsabilité et qu'on devra, au contraire, la renforcer par le
règlement organique. Dans les règlements anciens des monts-de-piété, arrêtés par
le gouvernement français, on avait pris des précautions, dans ce sens et je crois
qu'il n'est pas nécessaire, pour atteindre le but que j'ai en vue, de rien
changer au projet de loi ; mais je crois que ce commentaire était nécessaire et
que lorsqu'on s'occupera du règlement organique, il faudra le mettre en
harmonie avec les principes que je viens de rappeler.
M. d’Anethan. - Je viens combattre l'amendement de M. de Garcia et appuyer les observations
présentées par M. le ministre de la justice. Comme l'a dit M. le ministre, le
but de l'article 19 est de faire droit aux observations très justes qu'avait
suscitées l'arrêté de 1826. L'arrêté de 1826 obligeait les monts-de-piété à
restituer pendant 3 ans, d'une manière générale et gratuitement, les objets
provenant de vols qui avaient été déposés dans cet établissement. Voilà,
messieurs, quel était le régime introduit par l'arrêté de 1826. Cet arrêté
avait modifié l'état de choses antérieurement existant et qui péchait peut-être
par l'excès contraire, car d'après les règlements en vigueur avant 1826 les
monts-de-piété ne devaient jamais restituer les objets alors même qu'ils
provenaient de vols, sans obtenir le remboursement de la somme avancée. Ainsi,
messieurs, l'arrêté de 1826 a consacré un système tout à fait contraire à celui
qui existait .antérieurement, et il a évidemment outrepassé le but que l'on
devait se proposer.
Dans les articles du projet actuel, on a adopté un terme
moyen ; on a cherché et l'on a réussi, je pense, à concilier les justes intérêts
de toutes les parties, l'intérêt des propriétaires comme l’intérêt des établissements
prêteurs.
Si le directeur ou les employés de l'établissement n'ont
pas été avertis et si l'on a déposé un objet au mont-de-piété sans que le directeur
eût connaissance que cet objet provenait de vol, il est évident que, dans ce cas,
il faut une exception à l’article 2279 du Code civil. Comme je le disais dans
une autre séance, en répondant à une observation de l'honorable M. de La Coste,
le mont-de-piété n'est pas libre d'accepter ou de ne pas accepter les objets
qui lui sont présentés, et lorsqu'il n'a pas reçu d'indications, il serait
injuste de le forcer à restituer les objets sans obtenir la restitution de la
somme avancée. Nous sommes donc d'accord avec l'honorable M. de Garcia pour ce
cas, et ce cas est prévu par l'article 21 qui, je me permettrai de le dire à
l'honorable membre, est plus complet que son amendement.
Quand le directeur a été averti, faut-il modifier l'article
2279 du Code civil ? Faut-il, alors permettre au propriétaire de réclamer les
objets qui ont été déposés pendant les trois années qui suivent le dépôt, sans
qu'il doive rembourser l'avance qui a été faite par je mont-de-piété ?
L'honorable M. de Garcia pense qu'il faut maintenir pour ce cas le droit (page 1070) commun, qu'il faut obliger
l'établissement à restituer gratuitement les gages qu'il a reçus quand le
directeur a été préalablement averti. Je pense, messieurs, qu'il faut réduire à
six mois le temps pendant lequel cette restitution doit avoir lieu gratuitement,
et je ferai remarquer d'abord que le droit de réclamation pendant six mois est
une faveur nouvelle faite au propriétaire, une faveur qui n'existait pas avant
1826 ; on rend donc la position du propriétaire d'un objet volé meilleure
qu'elle ne l'était avant cette époque et je dirai même meilleure qu'elle ne l'a
jamais été ; car la disposition de l'arrêté de 1826, dont il s'agit en ce
moment, n'a jamais reçu d'exécution.
Mais, messieurs, il faut nécessairement que cet avantage
accordé au propriétaire repose sur la justice et qu'il soit compatible avec
l'administration du mont-de-piété.
Pour que cet avantage soit juste, il faut qu'au
moment du dépôt l'administration des monts-de-piété ait été mise à même de
savoir si l'objet déposé provient de vol. Eh bien, messieurs, avec l'amendement
de M. de Garcia, cela est complètement impossible.
Il se fait à Bruxelles, terme moyen, au-delà de 700
dépôts par jour ; il s'en fait quelquefois jusqu'à 2 à 3,000, comme l'a dit M. le
ministre, mais la moyenne est 700 ; comment voudrait-on que le directeur du mont-de-piété
s'assurât que pendant 3 années aucun de ces objets n'a été indiqué comme
provenant de vol ?
Je dis que c'est là une chose matériellement impossible,
et dès lors la responsabilité que vous voulez imposer aux monts-de-piété est
une chose injuste. Il sera déjà fort difficile de rechercher pour chaque objet
présenté les indications données pendant les six mois précédents, et on
voudrait qu'on dût rechercher celles qui ont été données pendant 3 ans !
Il doit examiner, article par article, les réclamations
faites, les indications données ; il doit ensuite vérifier si parmi ces
indications il en est qui se rapportent à l'objet présenté. Cela est impossible,
et dès lors, il serait souverainement injuste de faire peser sur le directeur
ou sur l'établissement une semblable responsabilité.
L'honorable M. de Garcia dit qu'il ne faut pas enrichir
les monts-de-piété ; il n'est pas question ici de les enrichir, mais de ne pas
les appauvrir injustement : l'objet déposé au mont-de-piété ne lui a pas été
donné gratuitement, et dès lors ce serait les appauvrir que de les forcer à
s'en dessaisir sans rentrer dans la somme prêtée.
Voilà la question véritable. Elle consiste à savoir
s'il faut enlever à l'établissement un objet qu'il a accepté de bonne foi, et contre
lequel il a donné une valeur. Or, l'amendement de l’honorable M. de Garcia, non
seulement empêche les monts-de-piété de s'enrichir, mais il tend à les ruiner.
L'honorable membre vous a dit que si l'amendement était
adopté, ce serait un encouragement pour les voleurs. Je ne puis pas admettre
cette conséquence. Lorsqu'un voleur dépose un objet au mont-de-piété, son but
est d'obtenir de l'argent sur cet objet, et il s'inquiète fort peu, après cela,
si l'objet reste au mont-de-piété ou revient au propriétaire, à qui il l'a
dérobé. Ce qui pourrait être un encouragement au vol, mais un moyen d'empêcher
la constatation des crimes, ce serait la faculté qu'aurait le mont-de-piété de
vendre instantanément l'objet qui a été déposé. Or, l'amendement de l'honorable
M. de Garcia n'est pas obstatif à ces ventes immédiates.
Je pense donc que les intérêts de bonne police,
dont se préoccupait à bon droit l'honorable M. de La Coste, ne peuvent
aucunement souffrir de la disposition qui est proposée et qui me paraît éminemment juste.
Quant à l'observation faite par l'honorable M. de La
Coste, relativement à l'applicabilité des articles 1383 et 1384 du Code civil,
l'article 20 du projet de loi fait un appel à la responsabilité dont parlait
l'honorable M. de La Coste, et qu'il faudra organiser par un règlement.
Je disais que l'amendement de l'honorable M. de Garcia
n'était pas aussi complet que l'article 21 du projet. L'honorable membre propose
de dire :
« La disposition de l'article 2280 du Code civil est
applicable à la chose volée ou perdue, qui a été engagée au mont-de-piété, lorsque
le directeur de l'établissement n'aura pas été averti de la perte ou du vol
avant l'engagement.
« L'avertissement devra contenir une désignation suffisante
de l'objet. »
Cet article veut dire que le mont-de piété est mis sur
la même ligne que le possesseur qui a acheté la chose volée dans une foire, par
exemple.
Mais l'honorable M. de Garcia ne parle pas des intérêts,
et sous ce rapport l'article 21 est plus complet que l'amendement de l'honorable
M. de Garcia.
L'honorable membre entend-il que l'individu qui viendra,
dans les trois ans, rechercher l'objet volé, déposé au mont-de-piété, devra,
non seulement rembourser la somme prêtée par le mont-de-piété, mais payer aussi
les intérêts de cette somme ? L'honorable membre ne tranche pas la question,
mais l'article 21 la tranche dans le sens du non-payement des intérêts. D'après
l'article 21, le propriétaire qui vient réclamer l'objet qui lui a été volé,
n'est pas tenu de rembourser les intérêts. Je pense qu'il faut maintenir ce
principe.
La section centrale propose
de faire payer, dans ce cas, les intérêts échus. Je ne crois pas ou il soit convenable
que le mont-de-piété s'enrichisse en recevant des intérêts, alors que la nature
de l'objet est bien constatée, et qu'il est reconnu provenir d'un vol ; dans
cette circonstance, ne serait-il pas immoral qu'un établissement public perçût
des intérêts, à raison d'un dépôt ayant une pareille source ?
Et puis, si, dans ce cas, il n'y a pas de faute de la
part de l'administration du mont-de-piété, il peut très bien se faire qu'il n'y
en ait pas non plus de la part de l'individu au préjudice duquel le vol a été
commis. Je crois que la seule disposition à prendre dans ce cas, c'est d'obliger
le propriétaire de rembourser la somme prêtée contre l'objet volé ; l'établissement
sera indemne, cela suffit.
M. Dedecker, rapporteur. - Messieurs, je ne reviendrai pas sur les observations qui ont été présentées
par M. le ministre de la justice et par l'honorable M. d'Anethan à l'appui des
articles 19 et 21 du projet actuel. Je crois que ces honorables préopinants ont
démontré à l'évidence la nécessité de maintenir ces dispositions qui dérogent,
il est vrai, aux principes de la législation ordinaire en matière de
restitution, mais qui sont conformes à la logique et au bon sens, et de nature
à concilier les divers intérêts.
Toutefois, relativement à l'article 21, il y a une légère
différence entre le projet de loi, tel qu'il a été présenté par le gouvernement,
et le projet de la section centrale. La section centrale propose que, dans le
cas où l'administration du mont-de-piété n'aura pas été avertie en temps utile
et n'aura pas reçu une désignation suffisante de l'objet, alors le propriétaire
de l'objet perdu ou volé, devra, contre restitution de l'objet, non seulement
rembourser la somme prêtée, mais rembourser aussi les intérêts ; l'honorable M.
d'Anethan voudrait que, dans ce cas, le propriétaire dût seulement restituer la
somme prêtée, sans être tenu de payer les intérêts.
Je crois qu'une telle décision ne serait pas juste.
Il est évident que, dans le cas prévu par l'article 21, il n'y a aucune faute à
reprocher à l'administration du mont-de-piété ; je ne vois pas pourquoi dès lors
cette administration devrait subir une perte quelconque, du chef de la restitution
de l'objet volé.
« Il ne faut pas, dit l'honorable M. d'Anethan, que
l'administration du mont-de-piété s'enrichisse, en se faisant aussi rembourser les
intérêts.» Mais, en exigeant aussi le payement des intérêts, le mont-de-piété
ne s'enrichit pas ; au contraire, en ne l'exigeant pas, l'administration du
mont-de-piété ferait une véritable perte, puisque l'argent prêté, contre
l'objet susceptible d'être restitué, aurait pu être prêté contre un autre gage,
et aurait dès lors porté intérêt. Si donc, dans le cas de restitution, vous ne
permettez pas au mont-de-piété de compter l'intérêt, vous lésez
l'établissement.
C'est pour prévenir cette lésion
que la section centrale propose de faire payer également les intérêts par le
propriétaire de l'objet restitué.
Et puis, il y aura ici maint abus possible. Quelqu'un
feint, je suppose, d'avoir perdu un objet qu'il aura fait engager au mont-de-piété.
D'après le système de l'honorable M. d'Anethan, il obtiendra la restitution de
l'objet contre le remboursement de la somme prêtée, et il ne sera pas tenu à
payer les intérêts.
Je persiste donc à croire que, dans le cas de l'article
21, il y a lieu d'exiger, non seulement le remboursement de la somme avancée,
mais encore le payement des intérêts échus ; sinon, on laisserait ouverture à
des abus très graves.
Par ces différents motifs, je propose de maintenir la
réduction proposée par la section centrale à l'article 21.
M. de Garcia. - Messieurs, le principal motif de mon amendement réside
dans la répugnance que j'ai à détruire les principes de droit consacrés par nos
lois. Il est évident que le projet de loi sur les monts-de-piété détruit un de
ces principes. Pour attaquer mon amendement et défendre la proposition du
gouvernement, on a fait valoir plusieurs argumentations. Nulle ne me paraît avoir quelque valeur. La première
repose sur la difficulté de faire des recherches pendant trois ans sur les
objets volés. Cette observation n'est qu'apparente, car je le demande à ceux
qui l'ont produite, les objets déposés restent-ils, peuvent-ils même rester
pendant trois ans déposés au mont-de-piété ? Evidemment non. Dès lors, les
recherches ne pourront jamais remonter que sur les objets qui s'y trouvent en
nature, et qui ne peuvent guère remonter qu'à 12 ou 13 mois.
Au surplus, cette objection que vous élevez contre mon
amendement s'élève aussi contre la disposition du projet de loi, qui suppose
des recherches au moins pendant six mois. Mais dans l'hypothèse où la proposition
du gouvernement serait admise, il me reste une question à faire au gouvernement.
Depuis six mois l'objet volé ou perdu déposé aux monts-de-piété
ne peut plus être recherché contre celui-ci, il lui est en d'autres termes
définitivement acquis.
Je demanderai au gouvernement quelle sera la position
du particulier qui aura acheté cet objet aux ventes du mont-de-piété. Pourra-t-il
être, lui, poursuivi par le propriétaire pour la restitution pendant trois ans
?
En d'autres termes, l'objet volé, qui aura passé six
mois au mont-de-piété, sera-t-il purgé du vice qui le soumettait à la restitution
?
Dans l'intérêt de tous, comme pour l'application de
la loi, il est important qu'on s'explique sur ce point, et je convie M. le ministre,
comme l'honorable M. d'Anethan, de faire connaître leur opinion à cet égard.
On a présenté une autre considération contre mon amendement,
et (page 1071) pour maintenir
l'article 19 du projet, on a dit que je compromettais l'existence des monts-de-piété.
Cette objection me paraît aussi vaine que les précédentes. Elle n'a rien de
fondé, puisque, par ma proposition j'oblige celui qui revendique un objet à
payer au mont-de-piété tout ce qui a été déboursé par celui-ci.
Dès lors, on doit le reconnaître,
mon amendement ne peut en rien, ni sous aucun rapport, compromettre l'existence
des établissements des monts-de-piété, et les objections faites contre lui ne
sont ni logiques, ni rationnelles.
On a cité, pour attaquer mon amendement, les arrêtés
antérieurs. D'abord j'observerai que ces arrêtés ne pouvaient légalement
détruire les principes de la loi. Mais mon amendement a pour objet de revenir
aux principes consacrés par le Code civil. Les arguments tirés de l'arrêté de
1826 et autres ne font rien à mon amendement qui rentre seulement dans les
dispositions du Code civil. Je n'en dirai pas davantage, mais je refuserai mon
vote à l'article 19 présenté par le gouvernement.
M. Tielemans. - On paraît d'accord qu'il est nécessaire de déroger à l'article 2279 du
Code civil en faveur des monts-de-piété, parce que, dans l'état actuel de la législation,
les objets volés ou perdus que l'on met en gage sont souvent une cause de gêne
ou de ruine pour ces établissements. Je partage cet avis ; mais la dérogation
qua l'on réclame se trouve dans l'article 21 du projet. En effet, cet article
porte :
« Les propriétaires des gages perdus ou volés qui n'en
auront pas fourni la désignation avant l'engagement et qui voudront en obtenir
la restitution, seront tenus de rembourser au mont la somme prêtée, avec
dispense toutefois d'en payer les intérêts. »
L'article 2279 du Code civil, au contraire, ne permet
la restitution que contre le remboursement de la somme payée. Ainsi les monts-de-piété,
par l'article 21 du projet, se trouvent garantis contre les pertes éventuelles
que l'article 2279 du Code civil peut leur causer.
Voyons maintenant l'article 19 du projet. J'ai relu
souvent cet article et je ne sais si mon intelligence me sert mal, mais je ne le
comprends pas encore. Il suppose le cas où, avant tout engagement, la police ou
le propriétaire de l'objet aura averti le directeur du mont-de-piété que cet objet
est volé ou perdu, en joignant à cet avertissement une désignation suffisante.
L'article suppose, en second lieu, que le directeur étant ainsi averti,
quelqu'un se présente à lui pour mettre en gage l'objet volé ou perdu ; or,
quel est en pareil cas le devoir du directeur ou de ses employés ? Il est dûment
averti que l'objet a été volé ou perdu ; il en a la désignation. Son devoir est
de retenir l'objet et de prévenir la police ou le propriétaire ; le mont-de-piété
ne prèle donc pas sur cet objet, il ne le reçoit pas en nantissement ; et dès
lors il n'est pas exposé à perdre.
L'article 19 me paraît donc complètement inutile. S’il arrivait
cependant que le directeur, malgré l'avertissement qu’il a reçu, et la désignation
qu'on lui a donnée de l'objet volé ou perdu, prêtai quelque chose sur cet
objet, il serait responsable envers le mont-de-piété de la perte qui en résulterait
pour l'établissement, et dans ce cas, il n'y aurait aucune raison pour déroger
à l'article 2279 du Code civil.
Ce serait un cas de responsabilité civile qui rentrerait
dans l'article 1382 du Code civil, dont parlait tantôt l'honorable M. de La
Coste.
Du moment où vous admettez que le directeur doit être
préalablement averti et avoir reçu une désignation suffisante de l'objet pour
appliquer l'article 19, je ne le comprends plus.
Je prie M. le ministre de donner des explications à
cet égard.
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy). - L'article
19 suppose que le directeur a été averti du vol ou de la perte de la chose et
que la désignation lui a été remise. Dans ce cas, si le directeur ou l'employé,
par négligence ou par toute autre cause, a reçu l’objet perdu ou volé, et qu'il
ait prêté sur cet objet, le mont-de-piété sera responsable en ce sens que le
propriétaire, se présentant dans le délai de six mois, pourra se faire
restituer gratuitement l'objet qui lui a appartenu. Mais l'article 20 répond à
l'objection de l'honorable M. Tielemans, et dit que dans ce cas le règlement
détermine la responsabilité des employés envers l’établissement.
Ainsi la restitution aura lieu à titre gratuit et la
perte sera pour l’établissement ; mais celui-ci exercera son recours contre l'employé
négligent ou coupable, conformément aux règlements qui seront établis par les
arrêtés organiques, et qui détermineront cette responsabilité.
Voilà comme je comprends la disposition de
l'article 19 et il me paraît évident
qu'elle est nécessaire, et qu'elle doit être maintenue.
La chambre ne perdra pas de vue que l'article 21 ne
déroge en aucune manière à l'article 2279, quant à la prescription. Il ne fait autre
chose qu'appliquer le principe de l'article 2280 du Code civil au propriétaire
des gages perdus ou volés qui viendrait les réclamer au mont-de-piété.
Mais l'article 19 contient une
disposition toute particulière, c'est celle par laquelle la prescription de 3
ans établie par l'article 2279 est réduite à six mois.
Or, tout le monde reconnaît qu'il serait impossible,
dans la pratique, qu'un mont-de-piété pût marcher, si pendant 3 ans l’établissement
était tenu de confronter minutieusement tous les gages qui lui seraient
présentes, quelque nombreux qu'ils pussent être, et de vérifier si chacun d'eux
est conforme à l'une ou à l'autre des nombreuses désignations remise depuis
trois ans au directeur de l'établissement. Tous les directeurs de mont-de-piété,
tous ceux qui ont quelque expérience en cette matière sont d'accord, qu'il est
impossible qu’un mont-de-piété puisse se soutenir, si cette restriction à
l’article 2279 du Code civil n'était pas admise.
M. Raikem. -
Je ne vois pas que M. le ministre de la justice ait répondu aux observations de
l'honorable M. Tielemans, qui à mes yeux a prouvé à l'évidence que l'article 19
du projet ne peut recevoir aucune application. Ces observations ne vous auront pas
échappé. Si l'on avait donné, avant le nantissement, une désignation suffisante
de l'objet, le directeur et les employés du mont-de-piété ne doivent pas le
recevoir. C'est ce qui a déjà été prévu par les règlements qui ont été faits
sous le gouvernement français. Mais je me demande en premier lieu si nous devons
nous occuper du Code civil, ou si nous ne devons pas plutôt faire des dispositions
spéciales pour les monts-de-piété.
Vous savez que quand on donne un objet en nantissement
à un particulier, le Code civil suppose nécessairement que celui qui le donne
en est propriétaire ; car à mon avis le nantissement de la chose d'autrui
serait nul. Mais tout en édictant ces dispositions, le Code civil statue à
l'article 2084 :
« Les dispositions ci-dessus ne sont applicables
ni aux matières de commerce ni aux maisons de prêt sur gage autorisées, et à
l'égard desquelles on suit les lois et règlements qui les concernent. » Ainsi
les dispositions qui concernent les maisons de prêts sur gages (les
monts-de-piété ont été envisagés comme tels) doivent faire l'objet de lois et
de règlements particuliers. Il me semble qu'ici nous devons nous occuper des
dispositions concernant les monts-de-piété, qu'il ne s'agit pas de déroger au
Code civil, puisqu'il ne dispose pas sur ce qui concerne les maisons de prêt
sur gages.
Je crois donc que nous devons nous renfermer dans des
dispositions spéciales et ne pas déroger au Code civil.
Mais je remarque d'abord que l'article 20 suppose que
nous avons connaissance des règlements organiques qui détermineront la responsabilité
des employés envers les monts-de-piété, et probablement aussi le délai après
lequel les gages pourront être vendus.
Ce serait d'après ces règlements organiques, que nous
ne connaissons pas, qu'il faudrait faire des dispositions législatives pour les
appliquer à ces mêmes règlements. Mais cela est assez difficile, quand ceux-ci
ne sont pas connus.
Si nous nous reportons aux règlements qui ont été faits
sous le gouvernement français, notamment aux dispositions qui concernent le
mont-de-piété de Paris réglées par un décret du 8 thermidor an XIII, nous y trouvons
diverses dispositions, d'abord celle qui concerne les obligations des employés
des monts-de-piété.
Des mesures très sévères sont prises afin de prévenir
le nantissement d'objets volés. Mais si l'on réclame comme volé un objet donné
en nantissement, on doit fournir la preuve qu'on en est propriétaire et
rembourser le prix du nantissement avec les intérêts et les droits. Je conçois
les dispositions corrélatives, les obligations sévères imposées à l'emprunteur,
ensuite l’obligation pour celui à qui l’on a volé l'objet de rembourser le
montant du prêt fait sur le nantissement. Mais si vous n'avez pas les deux
obligations corrélatives, comment juger de l'effet d'une seule obligation ? Car
l'influence du défaut de précautions de la part des employés sur l'obligation
de rembourser la somme pour laquelle l'objet avait été laissé en nantissement,
a donné lieu en France à une difficulté qui a été résolue par la jurisprudence.
La question s'y est présentée. Des employés n'avaient
pas pris les précautions suffisantes pour reconnaître si les objets avaient été
volés. Le vol fut prouvé ; une condamnation intervint ; restitution des objets
fut ordonnée au propriétaire. Mais le mont-de-piété dont il s'agissait alors,
soutint qu'il ne devait remettre les objets que moyennant remboursement du prix
qu'il avait donné à celui qui les avait déposés en nantissement. Sur cela est
intervenue une décision qui a déclaré que les employés n'ayant pas observé les
règlements, le mont-de-piété était responsable de ses employés, et qu'il ne
pouvait, dans ce cas particulier, exiger le remboursement du montant de la
somme qui avait été fournie sur le dépôt des objets en nantissement.
Il y a à tel égard un arrêt de la cour de cassation
de France du 28 novembre 1832.
Ainsi, messieurs, voilà les obligations qui sont bien
établies, qui sont corrélatives. D'un côté on sauvegarde les droits du mont-de-piété,
en ce qu'on oblige, quand les employés ont rempli toutes leurs obligations, de
restituer le montant de la somme pour laquelle l'objet a été mis en
nantissement ; et d'un autre côté le public a aussi ses garanties, puisque les
employés doivent prendre les précautions qui leur sont prescrites par les
règlements, afin de ne pas recevoir en nantissement des objets volés ou perdus.
Mais ici, dans l'article 19 du projet, on suppose non
seulement que les employés n'ont pas rempli les obligations qui probablement
leur seront imposées par les règlements, afin de s'assurer s'il y a suspicion
de vol ; mais encore on suppose qu'ayant eu connaissance des objets volés,,
qu'ayant eu connaissance de la désignation suffisante qui en a été donnée
préalablement, ils ont reçu ces objets en nantissement ; et dans ce cas, le
mont-de-piété qui certes devrait être responsable de ses employés, sauf son recours
contre eux, a une faveur : la prescription est réduite à six mois.
Un
membre. - Non ! Non !
M. Raikem. -
Je vais lire l'article :
« Art. 19. Par dérogation à l'article 2179 du Code
civil, celui qui a perdu ou auquel il a été volé un objet engagé au mont-de-piété,
ne pourra le revendiquer que pendant six mois à dater du jour où le directeur
de l'établissement dûment averti avant l'engagement, soit par le propriétaire,
soit par la police, aura eu même temps obtenu une désignation (page 1072) suffisante de l'objet soustrait ou égaré. Dans ce
cas cet objet sera restitué gratuitement à son propriétaire. »
Ainsi, dans ce cas, il ne peut y avoir de la part de
l'employé que faute grave tout au moins, et cette faute grave de la part de l'employé
qui a été dûment averti, on la fait tourner au préjudice du propriétaire qui
n'aura que six mois pour former la revendication.
En outre, pour former cette revendication, devra-t-il
remplir toutes les formalités de la saisie-revendication telle qu'elle est
tracée par les articles 826 et suivant du Code de procédure civile ? C'est ce
que semble indiquer la disposition du projet ne pourra le revendiquer. Ainsi il
faudra que dans les six mois ils viennent remplir toutes les formalités de la
saisie-revendication pour réclamer cet objet. Le plus souvent, dans ce cas, il
y aura suspicion de vol. Lorsqu'il y aura des indices que les objets ont été
volés, une poursuite répressive sera exercée ; la justice saisira les objets
qui ont été déposés en nantissement. Pendant que la justice sera saisie des
objets, pendant que la justice répressive instruira le procès, est-ce qu'on
devra encore former la saisie-revendication, ou suffira-t-il, dans ce cas, que
l'objet soit mis sous la main de la justice pour que postérieurement, et
lorsque la poursuite criminelle ou correctionnelle sera jugée, le propriétaire
puisse le revendiquer ?
Il me semble, messieurs, que
cette disposition donnerait lieu à beaucoup de difficultés dans la pratique. Je
crois d'ailleurs qu'elle est parfaitement inutile et même qu'elle serait
dangereuse, puisqu'on y suppose une faute très grave de la part des employés de
l'établissement auquel cet article s'applique.
Je pense donc qu'il n'y a pas lieu d'adopter cet article
et que l'article 21, qui rentre absolument dans l'amendement de l'honorable M.
de Garcia, suffirait à cet égard, que celui qui n'aurait pas donné un
avertissement préalable aux employés du mont-de-piété, ne pourra revendiquer
l'objet mis en dépôt qu'en remboursant la somme pour laquelle ce même objet a
été déposé.
M. d’Anethan. - Messieurs, l'honorable M. Raikem et l'honorable M. Tielemans ont combattu
la disposition de l'article 19, qu'ils considèrent comme parfaitement inutile.
Je pense que ces honorables membres négligent trop les cas qui peuvent se
présenter et qui se sont sans doute fréquemment présentés où cet article doit
recevoir une application que je considère comme nécessaire dans l'intérêt des
monts-de-piété.
Le raisonnement de l'honorable M. Tielemans et de l'honorable
M. Raikem serait exact, s'il était certain que jamais aucun objet à l'égard
duquel une désignation aurait été donnée, ne sera accepté par le mont-de-piété.
Mais comment peut-on donner l'assurance que, dans la grande quantité d'objets
portés au mont-de-piété, on n'acceptera pas, par une erreur tout à fait
involontaire, des objets perdus ou volés ? Comment s'assurer que les
désignations seront toujours tellement claires, que l'employé ne pourra pas commettre
d'erreur de la meilleure foi du monde ?
Si l'erreur est possible, si l'employé accepte un gage
provenant de vol et donne la somme fixée, quel est le droit du propriétaire
relativement à cet objet ? Peut-il le réclamer ? D'après l'article 2279, ce
propriétaire pourra le réclamer pendant trois ans ; par l'article 19, on veut
limiter ce droit de réclamation à six mois.
Il ne faut pas se préoccuper, me paraît-il, des difficultés
de procédure dont a parlé l'honorable M. Raikem ; il est inutile d'examiner
s'il faudra former une saisie-revendication. Messieurs, dans le cas de
l'article 19, le propriétaire réclamera dans la même forme que dans le cas de
l'article 2279 ; la seule différence entre ces deux articles, c'est que le délai
est abrégé.
Supposons que l'article n'existe pas. Vous n'appliquerez
sans doute pas l'article 21 au cas où le directeur aura été averti. Si le
directeur est averti, il y aura donc lieu à revendication de la part du
propriétaire, et il pourra revendiquer l'objet pendant trois ans ; C'est
l'opinion de l’honorable M. de Garcia, qui ne se préoccupe pas, lui, de la
difficulté soulevée par l'honorable M. Raikem, qui ne demande pas de quelle manière
on devra récupérer l'objet. Le Code de procédure trace la marche. S'il y a
refus de restitution fait par le mont-de-piété, on devra sans doute intenter
une action en justice régulière. Mais ce cas n'arrivera que rarement ; et dès
l’instant qu'un propriétaire revendiquera au mont-de-piété un objet pour lequel
il établira clairement son droit de propriété, le mont-de-piété ne fera aucune
difficulté pour le restituer, et n'attendra pas qu'une action en revendication
lui soit intentée. Du reste, dans ces cas, il y aura presque toujours poursuite
correctionnelle ou criminelle, et l'objet aura été saisi ; il figurera comme
pièce de conviction ; mais le droit du propriétaire restera, et il pourra
l'exercer en temps utile.
L'Honorable M. Raikem a traité aussi la question de
la responsabilité des employés envers l'établissement qui les a nommés ; mais il
ne s'agit pas maintenant de cette question : cette question sera réglée par les
arrêtes organiques auxquels renvoie l'article 20. C'est là qu'il s'agira de s'occuper
des différentes questions qui ont été traitées par les honorables MM. Raikem et
Tielemans. Lorsque les obligations des employés de l'établissement seront
définies, on examinera, dans chaque cas spécial, si les employés ont rempli ces
obligations. Mais cela est tout à fait indifférent au propriétaire de l'objet
voté, en ce qui concerne la restitution gratuite qu'il demande.
Ainsi, messieurs, le projet actuel n'établit pas un
droit nouveau, il maintient les dispositions de l'article 2279 ; seulement il abrège
le délai.
J'ai un mot à répondre à l'honorable M. de Garcia. Il
me semble qu'il n'a pas bien compris mes observations ni celles de M. le ministre
de la justice. L'honorable M. de Garcia dit : Comment est-il possible qu'on
doive examiner tous les objets déposés depuis 3 ans, alors qu'aucun objet ne
reste déposé pendant plus de 14 mois au mont-de-piété ? Mais, messieurs, là n'est
pas l'objection, voici en quoi elle consiste : Lorsqu'on vient déposer un gage,
le directeur de l'établissement doit s'assurer s'il a reçu antérieurement une
indication qui se rapporte au gage que l’on dépose. Voilà l'opération à laquelle
il doit se livrer. (Interruption.) Mais
il n'est pas question de gages antérieurement reçus.
Je prie l'honorable membre de vouloir bien peser cette
considération : on présente un gage ; le directeur du mont-de-piété, que doit-il
faire ? Il doit s'assurer s'il a reçu des renseignements qui puissent se
rapporter à ce gage. Eh bien, pour cela il doit rechercher les renseignements
qu'il a reçus depuis 3 années, dans le système de l'honorable M. de Garcia. Je
dis que c'est là une chose complètement impossible ; or, vous ne pouvez pas
punir quelqu'un pour ne pas avoir fait une chose impossible.
Ainsi, messieurs, il ne s'agit pas du tout de faire
la recherche d'un objet déposé depuis longtemps ; il s'agit, en recevant un
objet nouveau, de vérifier si les indications qui ont été données soit pendant
les six mois précédents, suivant le système que je défends, soit pendant les 3 dernières
années, suivant le système de M. de Garcia, si ces indications se rapportent à
l'objet déposé et doivent faire penser que cet objet provient de vol.
On a demandé si les objets vendus
après les six mois pourraient être réclamés.
Ces objets seront vendus publiquement, et l'individu
qui les aura achetés sera dans le cas prévu par l'article 2280, comme le
mont-de-piété s'y trouvera lui-même après l'expiration du délai fixé par l'article
19.
- La clôture est demandée.
M. Raikem (contre
la clôture). - Je désire, messieurs, répondre un mot à l'honorable M. d'Anethan.
L'honorable M. Tielemans m'a cédé son tour de parole.
Plusieurs
membres. - Parlez ! parlez
!
M. Raikem. -
Messieurs, l'honorable M. d'Anethan a maintenu le système de l'article 19 du projet.
D'abord, dit-il, aucun objet ne sera déposé au mont-de-piété parce que les
directeurs, lorsqu'ils auront été avertis, prendront toutes les précautions.
Mais il peut y avoir des erreurs de la part des employés, et c'est pour le cas
de ces erreurs que nous proposons une disposition favorable aux établissements.
Mais, messieurs, chacun est responsable de son erreur, et ce sera dès lors
l'employé qui sera responsable. Ici on propose d'abréger le terme de la
prescription à cause de l'erreur d'un employé. C'est donc une faveur accordée à
la négligence ; car chaque administration, en général, est responsable de ses
employés. J'en ai tout à l'heure cité un exemple.
Mais, dit-on, le plus ordinairement, les gages ainsi
présentés seront refusés lorsqu'on les suspectera de vol. Voilà donc, messieurs,
que nous faisons une loi pour les cas rares, pour les cas en quelque sorte
extraordinaires. Or c'est un principe qui a été consacré par la doctrine et
même par le législateur, qu'on doit s'abstenir de faire des lois pour les cas
rares, mais qu'on doit faire les lois pour les cas qui se présentent le plus
communément. Je crois donc, messieurs, qu'il ne faut pas faire une disposition
législative pour les cas dont il s'agit, et qu'il n'y a pas lieu de déroger au
droit commun.
Mais, dit-on, nous n'établissons pas un droit nouveau.
C'est là une erreur. Par l'article premier, vous établissez certainement un
droit nouveau et cela en vue de l'erreur d'un employé ; car, je l'ai déjà fait
remarquer, d'après le règlement français, lorsque l'employé n'a pas pris toutes
les précautions exigées par ce règlement, le mont-de-piété, qui est responsable
de ses employés, ne peut exiger le remboursement de la somme pour laquelle
l'objet a été mis en gage.
Je crois donc, messieurs, que
l'article 19 ne peut être accueilli, d'abord parce que ce serait une faveur accordée
à la négligence ou à l'erreur d'un employé, parce qu'on veut rendre, en quelque
sorte, le propriétaire qui a été volé, responsable de cette erreur, et cela par
une faveur extraordinaire, par une faveur qui n'a pas encore été accordée
jusqu'ici. Je ne vois pas que nous devions, dans une loi, prévoir, pour
favoriser l'établissement, le cas d'une négligence aussi grave de ses employés,
qui, avertis d'un vol, n'auraient pas examiné suffisamment les objets présentés,
ce qu'ils devaient faire afin de pouvoir traduire devant la justice celui qui
serait prévenu d'avoir commis le vol. (Aux
voix ! aux voix !)
M. le président. - Il s'agit d'abord de l'amendement de M. de Garcia.
M. de Garcia. (sur la position de la question). - Je crois, messieurs,
que la proposition du gouvernement doit venir avant la mienne, car je demande
la suppression de la proposition du gouvernement, et si l'article 19 est adopté
alors mon amendement trouvera sa place à l'article 21.
- L'article 19 (projet de la section centrale) est mis
aux voix et adopté.
PROJET DE LOI AYANT POUR OBJET DE DECRETER UN EMPRUNT PORTANT SUR CINQ BASES
M. le ministre des finances (M. Veydt) dépose un projet de loi ayant pour objet de décréter
un emprunt portant sur cinq bases.
(Note du webmaster :
le texte de ce projet de loi est repris dans les Annales parlementaires, à la
page 1073. Il n’est pas repris ici dans la présente version numérisée).
(page 1073)
Après la lecture de ce projet, M. le ministre des finances (M. Veydt) s'exprime en ces
termes :
« Messieurs, nous sommes chargés par le Roi de faire
connaître à la chambre que Sa Majesté a décidé de concourir pour une somme de
trois cent mille francs aux mesures qui sont commandées par les circonstances,
et indépendamment des autres charges qui pèsent en ce moment sur la liste
civile. (Très bien ! très bien !)
M. le président. – Il est donné acte à M. le ministre des finances de la présentation de
ce projet de loi qui sera imprimé et distribué.
- La chambre le renvoie à l'examen des sections.
M. le président. - Le projet de loi sera distribué ce soir ; peut-être pourrait-on dès lors
l'examiner dès demain dans les sections.
M. Malou. - Messieurs, je demande que .tout au plus tôt les sections
s'occupent après-demain de ce projet de loi qui renferme des questions de
principe et des questions de détail. Nous devons avoir le temps d'examiner mûrement
toutes les dispositions que la loi contient. (Oui ! oui !)
M. le président. - Les sections seront convoquées pour après-demain, à l'effet d'examiner
le projet de loi.
PROJET DE LOI RELATIF AU DROIT DE SORTIE SUR LES ETOUPES DE LIN
M. le ministre des affaires étrangères
(M. d’Hoffschmidt) dépose un projet de loi qui proroge la loi du 3 janvier 1847, relative
au droit de sortie sur les étoupes.
M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre des affaires étrangères du dépôt de
ce projet de loi qui sera imprimé et distribué, ainsi que l'exposé des motifs
qui l'accompagne.
- La chambre le renvoie à l'examen des sections.
COMMUNICATION DU MINISTRE DE LA JUSTICE
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy). - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau les
rapports des officiers de la police judiciaire et de la police locale au sujet
des arrestations qui ont fait l'objet des interpellations dans la séance du 11
mars.
Ces documents constituent l'information que j'avais
ordonnée et que j'avais promis de faire connaître à la chambre.
M. le président. – Il est donné acte à M. le ministre de la justice du dépôt de ces pièces
qui seront déposées sur le bureau.
- La séance est levée à 5 heures moins un quart.