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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 29 mars 1848
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions
relatives à l’établissement de la gendarmerie à Tamise (Vilain
XIIII), à la situation des ouvriers de Phoenix de Gand (Delehaye)
et au timbre sur les journaux (de Bonne)
2) Projet de loi tendant à ouvrir des crédits
supplémentaires au budget du département des affaires étrangères (Osy)
3) Projet de loi portant révision des lois sur la
garde civique (Castiau)
4) Projet de loi relatif à la durée des fonctions des
membres du conseil communal (Castiau, Rogier,
Rousselle, Castiau, de Brouckere)
5) Projet de loi relatif au mode de nomination des
membres des jurys d’examen pour les grades académiques (Destriveaux,
de Mérode, Rogier, de Brouckere, de La Coste, de Haerne, Lebeau, de Mérode, Verhaegen, Lebeau, Verhaegen, Lebeau, Rogier, Le
Hon, de Mérode, Rogier, de Theux, Rogier, de Brouckere, Delfosse, Dubus (aîné))
(Annales parlementaires de Belgique, session
1847-1848)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1160) M. T'Kint
de Naeyer procède à l'appel
nominal à deux heures et un quart. La séance est ouverte.
M. Troye donne
lecture du procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est approuvée.
M. T'Kint de Naeyer fait connaître l'analyse des pétitions suivantes.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Plusieurs
habitants de Gembloux proposent des mesures qui ont pour objet d'améliorer la
situation financière du pays. »
« Plusieurs
habitants de Wandre demandent le rejet du projet de loi d'emprunt et proposent
des mesures pour améliorer la situation du pays.
« Même demande
des membres du conseil communal et des habitants de Flamierge et de Renaix. »
- Renvoi à la section
centrale chargée d'examiner le projet de loi sur l'emprunt.
______________
» Plusieurs fermiers
cultivateurs dans l'arrondissement de Nivelles, demandent des droits d'entrée
sur les céréales. »
- Renvoi à la
commission permanente de l'industrie.
______________
« Le sieur d'Henry demande que les membres de
la chambre qui n'assistent pas aux séances de la chambre ne touchent pas
l'indemnité mensuelle. »
- Renvoi à la
commission des pétitions.
« Le conseil communal de Tamise demande
l'établissement d'une brigade de gendarmerie à Tamise. »
- Sur la proposition
de M.
Vilain XIIII, renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un
prompt rapport.
______________
« Les ouvriers de l'établissement du Phœnix à
Gand demandent que le gouvernement leur procure du travail. »
- Même décision, sur
la proposition de M. Delehaye.
______________
« Plusieurs propriétaires de la commune
d'Ortho prient la chambre de leur accorder un délai de 6 mois pour leur
faciliter le payement des 8/12 de la contribution foncière exigés par la loi du
26 février. »
-Même renvoi.
______________
« Plusieurs membres des conseils
communaux de Blankenberghe, Uytkerke, Nieuwmunster, Zuyenkerke, Meetkerke,
Wenduyne et Houttave. »
-Même renvoi.
« Plusieurs ouvriers typographes à Bruxelles
demandent l'abolition du timbre des journaux. »
M. de Bonne. - M. le ministre de l'intérieur nous a annoncé hier
qu'il présenterait sous peu un projet de loi sur le timbre des journaux. Je
demanderai le renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt
rapport pour que ce rapport soit prêt, quand ce projet de loi sera présenté.
- Cette proposition
est adoptée.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDUT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT DES AFFAIRES ETRANGERES
M. Osy dépose le rapport sur un projet de loi de crédit
supplémentaire concernant le département des affaires étrangères.
- La chambre ordonne l'impression et la
distribution de ce rapport et met la discussion de ce projet de loi à la suite
de l'ordre du jour.
PROJET DE LOI PORTANT REVISION DES LOIS SUR LA GARDE CIVIQUE
M. Castiau (pour
une motion d’ordre). - L'honorable M. Eenens a déposé, il y a deux jours déjà,
le rapport de la section centrale sur le projet de loi relatif à la révision
des lois sur la garde civique. On m'assure que ce rapport est imprimé. Je
voudrais qu'on en hâtât la distribution, et, attendu l'urgence, que la chambre
mît ce projet de loi à la suite de l'ordre du jour. Il est probable que les
objets à l'ordre du jour ne traîneront pas en longueur, et qu'on pourrait
commencer la discussion du projet de réorganisation de la garde civique, dans
l'une de nos premières séances.
On avait cru devoir attendre la présence de M. le
ministre de l'intérieur pour statuer sur la mise à l'ordre du jour de ce
projet. Il est présent, et je pense qu'il ne s'opposera pas à ma proposition.
M. le président. - Le rapport a été imprimé ce matin ; il sera
distribué ce soir.
- La proposition de M. Castiau est mise aux voix et
adoptée.
PROJET DE LOI RELATIF A LA DUREE DES FONCTIONS DES MEMBRES DU CONSEIL COMMUNAL
Discussion générale
M. le président. - La discussion est ouverte sur l'ensemble du
projet présenté par la section centrale, auquel le gouvernement se rallie.
M. Castiau. -
Messieurs, les fonctions communales, comme toutes les fonctions
représentatives, constituent un véritable mandat.
En règle générale, le mandat est révocable, c'est
là son essence. Si donc l'on appliquait au mandat politique les règles du
mandat ordinaire, toutes les fois que la confiance qui a présidé à la collation
du mandat vient à s'évanouir, il faudrait, également décider que le mandat
lui-même doit disparaître. Ainsi la majorité d'un collège électoral
conserverait le droit de retirer le mandat placé dans des mains indignes ou
incapables.
Tel est le principe général, mais à ce principe une
exception a été apportée, lorsqu'il s'agit de mandat politique ; on a établi la
non-révocation du mandat politique pendant un temps déterminé. C'est, je le
répète, une dérogation passablement grave apportée au principe posé en matière
de mandat, puisqu'il impose aux électeurs des mandataires qui pourraient avoir
perdu leur confiance.
Mais par cela même que cette dérogation peut
paraître avoir un caractère exorbitant, il importe de ne pas l'étendre au-delà
de limites assez étroites.
Ainsi pour le mandat des chambres, on en a limité
la durée à quatre années. C'est également la limitation adoptée pour le mandat
de conseiller provincial.
On a droit de s'étonner, messieurs, de ce qu'à côté
de cette disposition qui limitait la durée du mandat politique et la durée du mandat
de conseiller provincial à quatre années, on ait donné en 1836 au mandat de
conseiller communal une durée de six années. N'est-ce pas une véritable
anomalie d'avoir donné plus d'importance, quant à la durée, au mandat communal
qu'au mandat législatif et qu'au mandat provincial ?
On ne voit donc pas comment, après avoir établi que
le mandat législatif et le mandat provincial n'auraient pas une durée
supérieure à quatre années, on a prorogé pendant 6 ans le mandat communal ;
c'est-à-dire que pendant six années, les électeurs qui ont conféré le mandat
communal, se trouvent dans l'impossibilité de révoquer ce mandat, quelques
griefs qu'ils aient à faire valoir à charge de leurs représentants, alors même
qu'ils auraient démérité à leurs yeux, violé leurs droits et compromis leurs
intérêts.
Puisque donc nous examinions une loi relative à la
durée des fonctions communales, puisqu'on voulait introduire sur ce point, une
réforme, j'aurais voulu que cette réforme fût un peu plus large que celle qu'on
vous présentait et qu'on limitât la durée du mandat des conseillers communaux
au terme qui avait été déterminé pour le mandat législatif et pour le mandat
provincial, c'est-à-dire à quatre années.
Toutefois, je ne ferai pas de ces considérations
l'objet d'une proposition formelle ; je me borne à faire ici une réserve dans
l'intérêt du principe et du droit des électeurs.
Je trouve donc la durée de six ans exagérée déjà ;
mais, messieurs, en 1842, on avait été beaucoup plus loin. En 1836 on avait
établi le mandat de six années ; en 1842, sous l'influence des idées
réactionnaires que nous avons eu si souvent l'occasion d'attaquer dans cette
enceinte, on a porté jusqu'à huit ans la durée du mandat communal.
Je l'ai dit déjà, c'était là l'atteinte la plus
grave qu'on pût porter aux institutions représentatives. Un mandat de huit
années, c'est l'anéantissement du mandat électoral ; c'était une sorte
d'inamovibilité dont on investissait le conseiller communal. Autant valait
supprimer l'élection.
La commission, messieurs, vient vous proposer d'en
revenir purement et simplement, quant à la durée du mandat, à la loi de 1836,
de limiter le mandat à six années. Elle reconnaît donc par-là, messieurs, que
le mandat qui avait été conféré en vertu de la loi de 1842, que ce mandat de
huit années était un mandat entaché d'irrégularité, de nullité.
Eh bien, on a lieu de s'étonner que la section
centrale n'ait pas même proposé, pour les mandats irrégulièrement conférés en
1845, d'en revenir purement et simplement au système de la loi de 1846, en en
limitant la durée à six ans. Elle proclame ces mandats irréguliers et elle les
respecte et les laisse se continuer pendant huit ans. C'est pour faire cesser
cette anomalie que j'avais proposé le renouvellement intégral des conseils
communaux. L'honorable rapporteur de la section centrale s'était empressé de
demander le renvoi de mon amendement à la section centrale. J'avais cru d'abord
que cette proposition était faite dans des vues de bienveillance, de sympathie
pour mon amendement ; elle avait été présentée en termes si bienveillants et
d'une voix si doucereuse, que j'avais été pénétré en quelque sorte de
reconnaissance pour l'empressement de l'honorable rapporteur, et que je lui
avais livré le sort de mon amendement. Mais, à ma grande surprise, l'honorable
rapporteur n'avait demandé le renvoi de mon amendement à la section centrale
que pour l'étouffer sous des fins de non-recevoir et l'ensevelir sous une
proposition d'ajournement indéfini.
Depuis lors, cependant, les choses ont changé de
face ; le ministère est venu présenter, dans la séance d'hier, un projet de loi
qui reproduit textuellement la proposition que j'avais faite.
M. Rousselle. - Je demande la parole.
M. Castiau. -
J'espère que l'honorable rapporteur, qui demande la parole, la demande pour
déclarer qu'il adoptera la proposition qui est maintenant présentée par le
gouvernement.
Puisque la chambre est saisie de cette proposition,
ce que nous aurions à faire de mieux aujourd'hui, ce serait d'ajourner la
discussion du projet de loi dont nous nous occupons, car le projet de loi et
surtout l'article 3 se rattache précisément au projet présenté par le
gouvernement, Que décide en effet l'article 3 ?
« Les mandats de
conseiller qui ont été conférés, en 1845, en vertu de la disposition
transitoire de l'article 155bis de la loi du 30 juin 1842, pour le terme de
neuf ans, expirant le 31 décembre 1854, cesseront leurs effets le 31 décembre
1853.
« Les élections pour le prochain renouvellement par
moitié des conseils communaux auront lieu le dernier mardi d'octobre 1850. »
Vous le voyez, messieurs, cette disposition ne
cadre plus avec le projet qui est maintenant présenté par le gouvernement, et
qui établit le renouvellement des conseils communaux. Je crois donc qu'il
serait convenable, pour ne pas avoir à revenir sur ces questions, d'ajourner la
discussion de la loi jusqu'au moment où la chambre s'occupera du projet relatif
au renouvellement des conseils communaux et de fondre ces deux projets.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, il n'est pas nécessaire d'ajourner la
discussion du projet de loi actuel, il suffit de retrancher les articles qui
viennent à tomber par suite de la présentation de deux lois que j'ai déposées
hier sur le bureau. Il restera de la loi actuelle ce qui en fait toujours la
partie essentielle, c'est-à-dire la durée du mandat de conseiller limitée à 6
années, le retour au principe de la loi de 1836. 11 s'agira ensuite des deux
autres lois qui ont pour objet, l'une d'opérer la classification nouvelle des
communes en vertu de l'article 19 de la loi communale, l'autre de prescrire le
renouvellement des conseils communaux dans le courant de 1848 ; ce sont deux
lois séparées et on peut très bien discuter et voter séparément.
M. Rousselle, rapporteur. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour répondre quelques mots à
l'honorable M. Castiau, qui, suivant l’habitude qu'il a prise de juger ses
collègues, a trouvé bon de diriger contre moi une attaque personnelle, attaque
injuste et dont l'honorable membre aurait dû se dispenser envers un rapporteur
chargé d'un mandat et qui est venu l'accomplir avec conscience devant la
chambre.
L'honorable M. Castiau a
cru que j'avais voulu étouffer son amendement lorsque j'ai demandé, non pas
qu'il fût renvoyé à la section centrale, car c'est l'honorable membre lui-même
qui a fait cette demande, mais que cette proposition fût momentanément ajournée
; je déclare que cet amendement se présenterait avec beaucoup plus
d'opportunité quand on discuterait le projet de loi sur la durée du mandat des
conseillers communaux.
L'honorable membre m'a personnellement attaqué
comme si j'étais opposé à sa proposition ; au contraire, j'y suis tout à fait
favorable, et je vois avec plaisir que le gouvernement a adopté son opinion. Si
cette proposition était venue tout d'abord de l'initiative du gouvernement,, je
l'aurais appuyée, comme j'avais appuyé dans la section centrale la proposition
de l'honorable membre ; mais par esprit de conciliation, je me suis rendu à
l'opinion des autres membres de la section centrale qui ont désiré que cette
proposition ne vînt qu'après avoir été étudiée par le gouvernement ; de manière
que l'honorable membre peut compter que quand on discutera le projet qui a été
présenté hier par M. le ministre de l'intérieur, il me trouvera d'accord avec
lui pour le voter.
M. Castiau. -
Je ne puis rester sous le poids des reproches que vient de m'adresser M.
Rousselle. S'il fallait l'en croire, je l'aurais mis en scène et j'aurais
dirigé contre lui des attaques personnelles, et tout cela, suivant mes
habitudes, a-t-il dit. Voici, ce me semble, messieurs, une observation qui n'a
pas mal elle-même le caractère de personnalité. En est-il de même de celles que
je vous ai soumises ? Mais loin qu'elles aient eu un caractère blessant de
personnalité, je croyais lui avoir dit les choses les plus obligeantes et les
plus agréables. J'avais parlé de ses formes insinuantes et de son doucereux
langage. Je lui avais dit qu'il m'avait profondément touché par l'empressement
avec lequel il avait réclamé le renvoi de ma proposition à la section centrale
dont il était le rapporteur.
M. Rousselle. - Vous m'avez reproché de n'avoir réclamé le renvoi de votre
proposition que pour l'étouffer.
M. Castiau. -
Il est vrai, messieurs, que j'ai laissé percer cette pensée ; mais avais-je
tort ? Quelle était la conclusion du rapport ? L'ajournement indéfini de ma
proposition ; et l'ajournement indéfini, qu'est-il qu'un moyen honnête
d'enterrer les propositions dont on veut se débarrasser ?
J'ai, je l'avouerai, été passablement surpris de
cette proposition, après l'accueil empressé qu'on paraissait avoir fait à mon
amendement ; et cet étonnement, je l'ai exprimé avec quelque vivacité, j'en
conviens, j’en avais le droit, ce me semble, d'autant plus que je n'avais pas
trouvé dans le rapport l'ombre d'un argument pour justifier la plus étrange des
conclusions, le rejet d'une proposition qu'on trouve logique.
L'honorable rapporteur
vient de vous dire qu'il était personnellement partisan de la proposition que j'avais
faite. J'avoue, messieurs, que je ne le croyais pas, car l'honorable membre
s'était au contraire ingénié à trouver quelque motif spécieux pour justifier
l'ajournement qu'il (page 1152) réclamait.
Et savez-vous quel était ce motif ? L'inconvénient de voir procéder, dans le
courant de d’une année, à de triples élections, celles des chambres, des
conseils provinciaux et des conseils communaux.
Aujourd'hui, il paraît que cet inconvénient, qu'on aurait
voulu élever à la hauteur d'un danger, s'est évanoui comme par enchantement.
Les convictions se sont subitement modifiées à l'apparition du projet
ministériel qui a repris ma proposition. Cette proposition, on l'adopte avec
empressement quand le ministère la présente, et quand j'en étais l'auteur, on
en réclamait l'ajournement indéfini, c'est-à-dire le rejet ! C'est tout ce que
j'avais voulu constater.
M. de Brouckere. - Comme membre de la section centrale, je crois d« mon devoir de
déclarer que l'honorable M. Rousselle s'est de prime abord déclaré favorable à
la proposition de l'honorable M. Castiau et que dans son rapport il s'est
constitué l'organe de la majorité de la section centrale.
M. Castiau. -
Il en a exprimé l'opinion, de manière à ne pas laisser deviner la sienne.
- Personne ne demandant plus la parole, la
discussion est close.
Vote de l’article unique et vote sur l’ensemble du projet
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - Par
suite des projets de loi présentés hier, les articles premier et 3 du projet
viennent à tomber.
« Article unique. La loi du 30 juin 1842, n°505,
est abrogée en ce qui concerne les modifications apportées aux articles 20
paragraphe premier, 54 paragraphes premier et 2, 55 paragraphe premier, et 60
de la loi précitée.
« Les dispositions modifiées sont remises en
vigueur dans les termes suivants :
« Art. 20. § 1er. La réunion ordinaire des
électeurs, à l'effet de procéder au remplacement des conseillers sortants, aura
lieu, de plein droit, de trois en trois ans, le dernier mardi d'octobre, à dix
heures du matin.»
« Art.. 54. § 1er. Les conseillers communaux sont
élus pour le terme de six ans, à compter du 1er janvier qui suit leur élection
: ils sont toujours rééligibles.
« § 2. Les conseils sont renouvelés par moitié tous
les trois ans. »
« Art. 55. § 1er. Le bourgmestre et les
échevins sont également nommés pour le terme de six ans. »
« Art. 60. Les membres élus, lors du renouvellement
triennal, entrent en fonctions le 1er janvier. Ceux qui auraient été élus dans
une élection extraordinaire prennent séance aussitôt que leur élection aura été
reconnue valide. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal.
76 membres répondent à l'appel.
70 membres répondent oui ;
5 membres répondent non ;
1 membre s'abstient.
Ont répondu non : MM. de Theux, de Corswarem,
Huveners, Raikem et Vanden Eynde.
Ont répondu oui : MM. Dubus (aîné), Dumont, Duroy
de Blicquy, Eenens, Eloy de Burdinne, Fallon, Frère-Orban, Gilson, Henot.
Herry-Vispoel, Jonet, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys,
Maertens, Manilius, Mast de Vries, Moreau, Orts, Osy, Pirmez, Pirson,
Rodenbach, Rogier, Rousselle, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Tielemans,
T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Troye, Van Huffel, Van Renynghe, Verhaegen,
Veydt, Zoude, Brabant, Bricourt, Broquel-Goblet, Castiau, Cogels, d'Anethan, de
Baillet-Latour, de Bonne, de Brouckere, de Chimay, de Clippele, Dedecker, de
Denterghem, de Foere, de La Coste, Delehaye, Delfosse, de Liedekerke, de Man
d'Attenrode, de Meester, de Muelenaere, Destriveaux, de Terbecq, de Tornaco, de
T'Serclaes, d'Hane, d'Huart et Liedts.
M. le président invite M. de Mérode à motiver son abstention.
M. de Mérode. - Je me suis abstenu, parce que le changement proposé n'améliorera la
condition de personne. Ce sont les lois d'amélioration pour les différentes
classes de la société dont je voudrais que l'on s'occupât.
PROJET DE LOI RELATIF AU MODE DE NOMINATION DES MEMBRES DES JURYS D’EXAMEN UNIVERSITAIRES
Discussion générale
M. Destriveaux. - Messieurs, le rapport de la section centrale ne contient aucunes
conclusions précises. Après avoir examiné le projet de loi, les motifs, le
rapport de la section centrale, je me suis déterminé à voter pour que la
faculté de choisir les membres des jurys d'examen dans les termes du projet de
loi soit accordée au gouvernement.
Mais à cette expression de ma pensée, je dois
joindre cependant cette observation péremptoire pour moi, que je ne voterai de
cette manière que parce que la loi qui nous est proposée présente un caractère
purement transitoire.
II ne s'agit que du terme d'une année ; pour
un plus long temps, dans la situation où se trouve l'enseignement de l'Etat,
dont je m'occuperait exclusivement, je me serais abstenu de voter, parce que,
dans mon intime conviction, les jurys d’examen, tels qu’ils existeraient dans
le système du haut enseignement, ne peuvent donner aucune espèce de garantie,
quels que soit d’ailleurs les talents et
toutes les qualités morales que je me plais à reconnaître aux membres qui
peuvent composer les jurys.
Si la chambre me le permet, je me croirai obligé
d'entrer dans quelques détails, qui ne sont pas étrangers à la question, il
s'en faut, mais qui cependant n'ont pas pour objet direct de motiver mon vote.
(Parlez ! parlez !)
Voici les raisons qui me déterminent à voter dans
le sens restreint que je viens de déclarer.
Les examens, la composition et le mode d'action des
jurys d'examen doivent être distincts. L'un est le fond, les autres sont la
forme. Le fond, c'est donc la nature et la distribution des matières sur
lesquelles doit rouler l'examen.
Les examens, pour être rationnellement établis,
doivent nécessairement se trouver en rapport avec la nature de l'enseignement.
Or, maintenant les matières du haut enseignement, sont-elles tellement
distribuées ? Sont-elles placées dans un ordre tellement rationnel, tellement
satisfaisant pour les besoins de l'enseignement en général, pour les besoins
même de l'éducation politique et morale à un point de vue élevé pour les
besoins du pays ? Je n'hésite pas à dire que non.
Ici je cède à l'empire d'une conviction acquise par
quelque expérience de l'enseignement public. L'examen est une épreuve à
laquelle sont soumis les élèves et qui répond du résumé, dans leur
intelligence, de l'enseignement qu'ils ont reçu. Or, maintenant si nous
considérons l'enseignement donné par l'Etat, ou plutôt sous la direction et aux
frais de l'Etat, si nous l'examinons dans son ensemble, nous trouvons qu'il est
d'un côté extrêmement défectueux et de l'autre irrationnel.
Et ici qu'on y prenne garde. Je ne parle que du
fond. Qu'on ne voie pas dans mes paroles une volonté même détournée de diriger
quelque blâme sur les personnes ou sur les volontés.
Les personnes peuvent avoir agi consciencieusement,
les volontés peuvent être pures ; mais les intentions peuvent avoir été
trahies, soit par inexpérience, soit par des préoccupations dont on ne sent pas
toujours ou l'à-propos ou la portée.
Je me demande d'abord si, dans l'enseignement
public, il y a un système coordonné. Je dois répondre que non. L'enseignement
primaire se présente d'abord, isolé dans sa sphère inférieure, dans l'état
actuel des choses ne se rattachant à rien.
L'enseignement primaire comprend l'enseignement sur
quelques généralités, sur quelques points déterminés, si l'on veut. Mais une
chose qui a été négligée, c'est l'enseignement appliqué aux différentes
localités. Notre Belgique n'est pas grande ; mais elle est tellement
distribuée, que dans ses diverses localités différentes lumières sont
nécessaires ; il en est des lumières auxquelles il faut accoutumer même les
faibles yeux de l'enfance.
Messieurs, je vais rapidement.
Je cherche l'état de l'enseignement moyen ; mais en
vain, car il est encore en projet. Ainsi entre l’enseignement primaire et
l'enseignement supérieur, il n'y a pas de coordination. Or, que faut-il pour
que le système général de l’enseignement réponde aux besoins de la raison
privée et de la raison publique ? Il faut que dans l'enseignement tout se
coordonne ; que chaque partie de l'enseignement puisse suffire à elle-même ;
qu'en épuisant son degré, il soit satisfait aux besoins des classes différentes
de la société.
Nous n'en sommes pas encore venus, messieurs, au
temps où peut se répandre une égalité générale dans l'enseignement, dans les
lumières, dans l'instruction. Il y a une inégalité de classes qui ne peut pas
être vaincue dans le temps où nous sommes ; qui le sera peut-être dans
l'avenir, mais dont la prévision échappe à mes faibles facultés
intellectuelles.
Il faut donc que chaque degré de l'enseignement
puisse suffire à ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas gravir un degré
supérieur. Mais il faut aussi que chaque enseignement soit établi dans la
prévision que celui qui le reçoit passera à un enseignement plus élevé. Il faut
ainsi qu'il y ait coordination et de l'enseignement primaire à l'enseignement
moyen et de l'enseignement moyen à l'enseignement supérieur.
Dans notre pays rien de cela. Tout est séparé. Il
ne peut pas y avoir cette coordination, parce que les degrés manquent. Je
laisse à part, relativement à l'enseignement primaire, les observations que
l’on peut faire contre l'organisation intérieure, contre l'organisation
pratique, l'organisation de l’administration. On y viendra plus tard.
Je suis obligé de franchir l'enseignement moyen qui
n'est pas encore organisé : Mais dans le haut enseignement j'arrive à signaler
un mal fondamental, et qui tend malheureusement encore à se répandre, et
envahit toute espèce d'écoles ; c'est la volonté d'atteindre
« l’encyclopédisme », qu'on me permette ce mot.
On ne veut pas réduire un enseignement, quel qu'il
soit, à ses proportions rationnelles. Il faut de tout ; pour l'avocat : il faut
qu'il connaisse la physique ; c'est tout au plus si l'on ne demande pas d'un
médecin qu'il connaisse le droit. Nous avons des programmes admirables de
longueur, admirables de surabondance.
L'enseignement est tellement grand, tellement
développé, qu'après en avoir épuisé toutes les parties, après l'avoir parcouru
dans tous ses degrés, on est tout étonné que le résultat d'un enseignement
aussi riche, aussi prodigue, ne produise pas la moindre instruction, excepté
chez les êtres privilégiés dont la rectitude ou le génie a pu franchir et
vaincre les difficultés que les programmes présentent. De cette manière il
n'est pas de doute qu'elles ne soient surchargées d'enseignements hétérogènes,
d'enseignements parasites, d'enseignements qui sont encore quelquefois
morcelés, et tout à l'heure je signalerai, dans quelques branches dont
l’enseignement m'a été plus familier que les autres, d'autres inconvénients encore.
Les examens doivent donc rouler sur cette excessive
surabondance, sur (page 1163) cette
abondante stérilité d'enseignement. Eh bien ! il est moralement impossible que
ceux qui subissent des examens puissent les subir avec succès. Ils peuvent
avoir de la mémoire. Mais l’enseignement, l’instruction ne sont pas dans la
mémoire seule ; c’est dans l’assimilation à la pensée, de ce qui a été
enseigné. La mémoire souvent trompe ; elle conduit à des conséquences que le
jugement, s'il était bien établi, bien assis, bien fondé, n'admettrait pas.
Jetons un regard sur la philosophie. Oh !
l'enseignement en est bien riche ! Pour être reçu candidat en philosophie, et
c'est un grade pour lequel se présentent des jeunes gens de 17 à 18 ans, il
faut avoir suivi des cours de langues anciennes, des cours d'antiquités plus ou
moins approfondis ; il faut avoir suivi des cours d'histoire de la philosophie,
de philosophie, d'anthropologie. L'examen auquel se présentent ces jeunes gens
pour être reçus candidats se compose de quinze sujets sur lesquels il faut
qu'on examine chacun dans l'espace de deux heures.
Je demande quelle tête, à moins que ce ne soit un
de ces phénomènes que la nature nous offre quelquefois pour montrer à l'homme
jusqu'où il peut aller ; je demande quelle tête peut répondre, même de mémoire,
à une semblable épreuve et quelles garanties elle peut donner à la société.
L'anthropologie ; la science de l'homme ; la
science philosophique souvent l'histoire des erreurs humaines ; l'histoire
des vaines tentatives pour connaître l'intérieur de notre organisation
intellectuelle et connaître comment se forme cette pensée qui distingue l'homme
du reste de la création ! et on impose à des jeunes gens de 17 à 18 ans, cet
examen qui ferait trembler des hommes faits !
Enumérerai-je les épreuves auxquelles on soumet
ceux qui doivent être docteurs en philosophie ? Messieurs, il y a généralement
bien peu de docteurs en philosophie. Il y a la philosophie pratique ; il y a la
philosophie théorique ; il y a la philosophie spéculative qui s'étend à mesure
que l'on avance dans son domaine. D'habiles professeurs peuvent certainement
aplanir les difficultés ; mais quand on arrive à l'examen, on voit
l'inconvénient de cette surabondance de matières dont je viens de parler tout à
l'heure.
Me sera-t-il permis, messieurs, de citer les
examens de droit, l'ordre des matières de l'enseignement du droit ? On dirait
en vérité que les programmes ont été faits pour que l'enseignement du droit ne
pût être d'aucune utilité pour les besoins publics qui existent aujourd’hui et
qui renaissent à chaque pas que nous faisons dans la carrière.
Les enseignements élevés, ceux qui sont destinés à
transmettre véritablement et d'une manière rationnelle d'âge en âge, et je ne
parle pas de siècle, je parle de l'âge de l'homme ; ceux, dis-je, qui sont
destinés à transmettre une expérience que nos devanciers ont faite à un prix
dont nous nous effrayons peut-être aujourd'hui ; eh bien, cet enseignement ne
peut restreint dans d'étroites limites, produire presque aucun fruits.
L'histoire politique, celle qui décrivant ses
révolutions sociales est l'histoire de la raison humaine, cette histoire si
importante pour nous qui vivons aujourd'hui sur des débris de tant
d'institution, peut-être aussi sur des débris de trônes, cette histoire
politiques, à qui est-elle enseignée ? A de jeunes hommes occupés au début de
leurs études en droit. L'histoire politique, c'est-à-dire non pas l'histoire
des combats, non pas l'histoire des campements, non pas l'histoire des sièges,
non pas l'histoire de la diplomatie, négociant pendant des années, pendant des
siècles peut-être pour l'asservissement d'une ville ou pour l'asservissement
d'une bourgade, mais l'histoire du progrès de la raison humaine, du progrès des
peuples, obtenu par les sacrifices les plus grands, par les sacrifices les plus
nobles et le plus longtemps maintenus ; car, il faut le dire, souvent par une
fatale destinée les peuples ne reconquièrent pas la liberté, l'honneur
d'exister selon les lois de l'humanité, par des sacrifices d'un moment ; il
faut qu'ils aient le courage de la persévérance, il faut aux peuples plus de
constance qu'aux hommes isolés parce que les hommes passent, mais que les
peuples restent.
Eh bien, messieurs, cette histoire politique,
pendant combien de temps en parle-t-on (je ne dirai pas l'enseigne-t-on, car il
s'agit de jeunes gens qui ne sont pas encore candidats en droit), pendant
combien de temps en parle-t-on ? Pendant un semestre ; cela signifie à peu près
80 leçons ; c'est autant qu'il en faut pour apprendre l'art de la tachygraphie.
Eh bien, l'histoire politique, dont l'importance n'a pas besoin être prouvée
plus que je ne l'ai fait, l'histoire politique ne peut être bien comprise que
quand on sait à fond quelles sont les relations des peuples entre eux, non
d’après des pactes de famille, mais d'après les lois éternelles de la nature.
Eh bien, l'histoire politique de l'Europe est enseignée à des jeunes gens
aspirants à être candidats, à des candidats à la candidature, sans que jamais
on leur ait parlé un seul instant du droit des gens.
Le droit public est enseigné à un degré plus élevé,
mais pendant combien de temps s'en occupe-t-on ? Pendant un semestre.
Le droit administratif, qui demande des études si
longues, et ici je pourrais m'adresser à une expérience qui me répondrait bien
haut, le droit administratif combien de temps y consacre-t-on ? Un semestre.
En revanche, messieurs, et qu'on ne pense pas que
je veuille me livrer à des épigrammes, le sujet est trop grave pour que je me
le permette, en revanche on s'occupe avec un soin particulier de la science qui
consiste à concilier le passage d'une antique loi à une autres, passage dont la
conciliation est un, travail très long mais le plus souvent stérile dans ses
conséquences.
Ainsi le principe des lois qui règlent les
conditions de notre existence sociale, dont l'étude nous met en garde et contre
toute espèce de séduction et contre la corruption, contre les prétentions d'une
domination qui n'est point légitime, qui nous met en garde aussi contre nos
entraînements, qui nous fait connaître la véritable liberté et nous apprend à
prononcer ce nom avec amour, mais aussi sans passions désordonnées, voilà ce
qui n'est point compris, ce qui n'est point enseigné.
Eh bien, messieurs, il faut faire des savants, mais
il faut surtout faire des citoyens qui connaissent les lois du pays.
Certes je ne blâme point ceux qui, reposés de leurs
premières études, qui se sentant assez forts pour la vie politique, qui sentant
leur intérieur, leur conscience tranquille et sur leurs lumières et sur leur
volonté, se livrent aux études anciennes, à l'étude approfondie de l'antiquité
; je les félicite, au contraire, parce que leurs recherches peuvent faire
surgir encore des choses utiles à l'humanité. Mais dans l'enseignement et dans
l'éducation publique qui s'y joint, ces objets ne doivent point tenir la
première place. Il faut savoir nous affranchir de quelques traditions qui nous
viennent d'une époque où l'enseignement avait été réglé de manière à laisser
les populations stationnaires lorsqu'on
ne pouvait pas les, faire reculer. C'est la une politique qui, aujourd'hui est
brisée, qui doit être brisée surtout en Belgique et qui l'est sans que personne
songe à en ramasser les éclats.
Voilà, messieurs, comment
je conçois le haut enseignement et son système général. Voilà comment je
conçois que les examens soient une garantie. Mais aujourd'hui ils ne prouvent
rien si ce n'est un peu de fermeté et toujours beaucoup de bonheur. Je pourrais
ajouter beaucoup d'autres développements à ma pensée, un jour peut-être j'en
aurai l'occasion.
En ce moment je crois en avoir assez dit pour
expliquer le sens et la portée de mon vote, et je m'arrête.
M. de Mérode. - Messieurs, depuis longtemps je n'accepte le mode de nomination du
jury d'examen par le gouvernement et les chambres, que comme un ordre
temporaire et d'expectative jusqu'à ce qu'un système plus conforme aux
véritables principes se produise, en s'appuyant sur des moyens d'exécution
praticables, et si je me suis résigné à la participation des chambres en ce qui
concerne la formation de ce' jury, c'était pour éviter qu'un objet de nature
aussi spéciale et aussi relevée fût réduit à la simple condition de matière
administrative et fût ainsi considéré sous un point de vue fort au-dessous de
la hauteur qui lui appartient.
C'est donc avec une vive satisfaction que j'ai vu
un professeur de droit à l'université de Bruxelles présenter à la législature
des observations éloquemment développées sur une question d'ordre vraiment
supérieure et pour laquelle il offre une solution à la fois rationnellement
théorique et pratique qui mérite, messieurs, votre attention la plus sérieuse,
et je dirai la plus bienveillante. « Ainsi que l'ordre judiciaire, dit M.
Roussel, l'enseignement a besoin d'une complète indépendance dans le personnel
appelé à formuler ses décisions, et nous ne verrions aucune liaison entre les
deux parties d'un dilemme dont l'enseignement libre formerait la base et dont
l'action du pouvoir serait le chapiteau.
« On résoudrait facilement le problème, si
l'on consentait à se dégager de tout préjugé et à oublier complètement les
traditions impériales. Nous voulons des jurés et non des commissaires. La
gloire de l'Etat réside dans le bonheur commun et dans la liberté commune. »
Telle est la vérité, gardons-nous de la laisser
obscurcir par des fins de non-recevoir empruntées aux mêmes détails. La liberté
d'enseignement est notre patrimoine à nous Belges, ce patrimoine nous devons le
régir par des procédés qui nous soient propres.
J'ai cité les quelques phrases frappantes et
incisives de la première partie du travail de M. Roussel considérant le sujet
important qu'il traite du point de vue politique qu'il résume dans le seul mot
« impartialité ».
Il aborde ensuite le point de vue scientifique et
là il réclame dans l'examinateur la capacité pour laquelle il faut deux
éléments : la science elle-même et la faculté spéciale de l'examen qui résulte
delà faculté d'exposition.
Les pouvoirs politiques sont des forces variables
et militantes ; la passion est l'âme des pouvoirs modernes ; le calme,
l'impartialité, l'abnégation sont des conditions rigoureusement exigées des
jurys d'examen. Pas d'autre ambition dans la carrière de la science que le
progrès de la science ou l'intérêt de la société. Le pouvoir lutte ou
administre, ou commande, le jury doit juger.
« Si notre langage semble
un peu rude, qu'on nous le pardonne, ajoute en finissant M. Roussel, car
l'exposé des motifs du nouveau projet de loi nous traite un peu cavalièrement,
nous professeurs de l'enseignement supérieur libre, qui avons peuplé les
hôpitaux de bons médecins, des tribunaux et les cours de magistrats et
d'avocats distingués, l'administration d'excellents employés, et les chaires de
professeurs honorables.
« A la suite de ces considérations diverses
appuyées sur d'excellentes raisons, M. le professeur Roussel formule un projet
qui me semble préférable à la nomination du jury par le concours des chambres
et du gouvernement comme par l'action unique de celui-ci.»
Quand ce système, mis à l'essai, aura fonctionné
pendant un an pourra être corrigé et perfectionné par une loi définitive.
(page 1164) M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). -
Messieurs, bien que mon opinion, en matière de jury universitaire, soit toute
favorable, en principe, à l'intervention de l'Etat ; bien que le système de la
nomination du jury par le gouvernement me paraisse, après l'examen le plus
impartial et le plus réfléchi, me paraisse celui qui présente le moins
d'inconvénients, l'intention du gouvernement n'a pas été d'amener la chambre à
se prononcer d'une manière définitive sur ce principe.
Les questions qui se rattachent à l'enseignement
public sont de celles pour lesquelles la plus haute impartialité doit régner et
dans les régions du gouvernement et dans les régions parlementaires. Nous
sommes très sérieusement et très fortement attachés au principe de la
Constitution qui a consacré la liberté de l'enseignement.
En toutes circonstances, messieurs, nous nous
montrerons jaloux de défendre dans toute son étendue ce noble principe de notre
Constitution, qui n'est d'ailleurs que parfaitement placé à côté de tous nos
autres principes constitutionnels.
Ainsi, messieurs, lorsque nous venons vous demander
de substituer pour l'année 1848 l'action complète du gouvernement à l'action
partielle qui lui est dévolue aujourd'hui dans la nomination des membres du
jury, je le répète, nous ne venons pas demander à la chambre de consacrer
définitivement un principe qui, je le reconnais, doit, s'il veut avoir quelque
chance de durée et de popularité, doit être l'objet d'un examen approfondi qui
aura lieu sous l'empire d'autres préoccupations que celles dans lesquelles nous
nous trouvons aujourd'hui.
Après cette réserve, je me borne à soutenir, dans
les circonstances où nous sommes, le mode indiqué comme le plus simple, le plus
facile, le plus expéditif. Nous remettons à une époque plus calme l'examen du
principe même de l'institution du jury universitaire ; si la chambre s'était
trouvée sous d'autres préoccupations, si nous ne nous faisions scrupule de
consacrer peut-être deux séances à une opération en quelque sorte matérielle,
nous le déclarons tout de suite, au lieu d'être entraînés dans de longues
discussions de principe, nous aimerions mieux laisser les choses dans l'état où
elles se trouvent, nous engagerions les chambres à faire pour 1848 ce qu'elles
ont fait les années précédentes. Ce que nous vous demandons aujourd'hui, c'est
que les chambres délèguent pour cette année au gouvernement la mission de
nommer sept jurés au lieu d'en nommer trois.
Croit-on que le gouvernement mettra dans
l'accomplissement de cette mission plus de partialité que n'en mettrait la
chambre ? Non, messieurs, vous savez comment se font par les chambres les
nominations des jurés. Si la chambre ne veut pas se dessaisir, pour cette
année, du droit de nomination, qu'arrivera-t-il ? Les amis du ministère lui
demanderont une liste de candidats ; le ministère indiquera à ses amis les
candidats qu'il désire voir nommer, ou bien le ministère acceptera les
candidats que ses amis désirent voir nommer.
Les majorités sont déplacées ; les années
antérieures, on se plaignait que les choix des jurés universitaires fussent
dictés par le côté droit ; il pourrait arriver que cette année on se plaignît
que les choix fussent dictés par le côté gauche. C'est un système qui manque de
franchise.
Si le gouvernement voulait faire de la partialité,
et mettre à l'abri sa responsabilité, rejeter sur les chambres la
responsabilité de choix partiaux, il devrait conseiller aux chambres de
continuer cette année à nommer les membres du jury ; ce serait peut-être une
leçon utile et dernière donnée à ce qui peut rester de partisans au système de
la nomination des jurés parlés chambres.
Au point de vue de l'impartialité et de la
responsabilité des choix, je crois donc qu'il convient de remettre la
nomination au gouvernement. Au point de vue scientifique. qui n'est pas moins
important que celui de l'impartialité, je demande (et je ne veux faire ici
injure aux lumières de personne dans cette enceinte), je demande si le ministre
qui a des rapports fréquents, directs avec le corps enseignant, ne se trouve
pas plus compétent pour faire de bons choix, au point de vue de l'examen, que
la chambre qui n'a pas, comme corps, ces relations directes et journalières
avec le corps enseignant.
Quelques personnes se sont effrayées des principes
qui ont été développés dans l'exposé des motifs accompagnant le projet de loi ;
ces principes sont les miens, je ne le dissimule pas ; lorsque nous en
viendrons à discuter le système définitif, ce sont des principes que je
tâcherai de faire prédominer, à moins qu'après un examen approfondi de la
question, il ne me soit démontré qu'on peut arriver à un résultat meilleur de
nature à être accepté par une plus grande sympathie, par une confiance plus
générale.
Les paroles que je viens de prononcer doivent
suffire pour effacer dans certains esprits les craintes qu'auraient pu faire
naître les principes énoncés dans l'exposé des motifs.
Messieurs, l'on a mis en avant un autre système qui
est séduisant au premier abord : c'est celui auquel l'honorable M. de Mérode a
fait allusion. Je ne dis pas que ce système sou mauvais, qu'il doive être rejeté
d'une manière absolue, je demande seulement qu'on se donne le temps de
l'examiner.
Les questions qui se rattachent à la nomination du
jury d'examen sont nombreuses ; il n'y a pas seulement le fait de la nomination
du jury ; il y a encore les questions auxquelles l'honorable M. Destriveaux a
fait tout à l'heure allusion ; j'ai indiqué dans l'exposé des motifs un certain
nombre de questions qui se rattachent à la nomination du jury d'examen ; toutes
ces questions seront examinées simultanément ; j'aurai soin de les soumettre à
un comité d'hommes spéciaux choisis parmi les membres de tous les corps
enseignants, et dans lesquels toutes les opinions viendront se refléter
librement ; j'espère que l'année prochaine je serai à même de présenter un
système qui puisse être accepté par toutes les opinions, car, je le répète, je
suis animé des intentions les plus droites et les plus impartiales en matière
d'enseignement. Le système mis en avant par l'honorable M. de Mérode mérite
d'être examiné ; s'il était mis en discussion, j'aurais dès à présent des
objections à y faire.
Ainsi, il est présenté comme offrant toute espèce
de garantie au point de vue de l'impartialité ; eh bien, ce système n’offrirait
pas toute espèce de garantie à ce point de vue. Que fait ce système ? Il
substitue à l'action des chambres et du gouvernement l'action du corps
enseignant. Mais le corps enseignant, est-ce seulement les deux universités de
l'Etat, l'université de Bruxelles, l'université de Louvain ? Chacune de ces
quatre universités désignera deux jurés ; puis viendront la cour de cassation
et des corps savants pour nommer le neuvième juré. Est-ce bien là dans toute
son étendue le principe de la liberté de l'enseignement ? On craint le monopole
du gouvernement, alors qu'il serait chargé seul de la nomination des jurés ;
mais dans le système dont il s'agit en ce moment, on substitue au monopole du
gouvernement le monopole des universités.
On ne sera plus privilégié à soi seul mais à trois,
le gouvernement, l'université de Louvain et l'université de Bruxelles. Que
deviennent les études privées libres, que devient l'étudiant qui a été chercher
l'enseignement à l'étranger ou dans une faculté libre ? On a parlé de
l'établissement d'une faculté libre à Namur. Cette faculté se trouverait en
concurrence avec une faculté de Louvain. Je demande si les professeurs de
l'université de Louvain seront bien impartiaux pour juger les élèves qui
sortiraient de la faculté libre de Namur.
Je demande si les professeurs des universités de
l'Etat et les professeurs d'une université libre, qui en définitive ont
intérêt, et c'est de plus pour eux une question d'honneur, à voir leurs
facultés suivies, leurs cours bien fréquentés, s'ils ne devront pas faire un
effort presque surhumain pour se montrer aussi impartiaux vis-à-vis d'élèves
qui se sont passés d'universités pour faire leurs études, que vis-à-vis des
élèves des universités.
Ce système a un côté séduisant, mais, au point de
vue de la garantie d'impartialité qui semble engager l'honorable M. de Mérode à
l'admettre, il est incomplet.
Au point de vue pratique, il offre certains
inconvénients. Je ne veux pas me livrer à une discussion approfondie de ce
système ; il sera examiné avec d'autres ; il y en a plusieurs, c'est une
question dont on cherche depuis longtemps la solution. Dans ce système on est
obligé d'attribuer certaines matières à certaines universités. C'est le
gouvernement qui divise les matières en quatre groupes et assigne à chaque
université le groupe de matières pour lesquelles elles devraient nommer des examinateurs.
L'intervention du hasard au point de vue de l'impartialité peut être une bonne
chose, mais au point de vue scientifique, c'est la chose du monde la plus
aveugle.
Il peut arriver que le hasard attribue à une
université un groupe de matières pour lesquelles l'enseignement universitaire y
est précisément le plus faible et les professeurs auxquels on attribuera
l'examen sont les plus incompétents. Je demande si au point de vue scientifique
le hasard peut offrir ces garanties qu'on réclame.
Je me ferai un plaisir
d'appeler dans le sein de la commission l'honorable professeur qui a présenté ce
système. Je ne puis que rendre hommage à ceux des professeurs qui sont assez pénétrés
de l'importance de leur mission et de leurs fonctions pour prendre à cœur ces
sortes de questions et qui les traitent avec talent.
Pour le moment, la chambre n'a qu'à se prononcer
entre deux faits.
Veut-on continuer pour cette année la nomination
par les chambres, ou veut-on pour cette année confier cette mission au
gouvernement ? Le gouvernement ne fait pas de sa proposition une question
importante, une question politique, une question ministérielle, il n'est mû par
aucun intérêt, son seul désir est de faire gagner du temps à la chambre et de
la dispenser d'une occupation qui, dans les circonstances actuelles, ne semble
pas devoir avoir pour elle beaucoup d'attrait ni beaucoup d’utilité.
M. le président. - M. de Mérode a déposé comme amendement le projet
formulé à la page 3 du rapport.
M. de Brouckere. - Messieurs, comme rapporteur de la section centrale, je n'ai aucune
mission à remplir dans cette discussion. Vous avez vu en effet, par le rapport
que j'ai eu l'honneur de présenter à la chambre, que dans le sein de cette
section aucun des systèmes dont elle a eu à s'occuper n'ayant pu réunir la
majorité des voix, elle a dû s'abstenir de formuler des conclusions. Si j'ai
demandé la parole, c'est donc uniquement pour exprimer mon opinion personnelle
et je le ferai en très peu de mots ; car je ne pense pas que la chambre soit
disposée à entrer dans une discussion approfondie ; ce serait, selon moi, tout
à fait hors de saison.
Je regrette de ne pas pouvoir partager l'opinion du
gouvernement ; mais il m'est impossible de donner mon assentiment au projet
qu'il a présenté à la chambre. Je n'avais pas besoin des protestations que
vient de faire M. le ministre de l'intérieur pour être convaincu de la droiture
de ses intentions.
Je suis pour ma part intimement convaincu que si la
nomination du (page 1165)
jury était abandonnée au gouvernement cette année, M. le ministre de
1'intérieur ferait un bon usage de la prérogative qu'on lui aurait donnée ; je
suis convaincu que dans les nominations qui seraient faites, il rendrait
pleinement hommage au noble principe de la liberté d'enseignement, pour me
servir de ses expressions ; mais veuillez ne pas perdre de vue que si vous
abandonnez aujourd'hui au gouvernement la nomination de tous les membres du
jury sans aucune condition, sans aucune restriction, il sera extrêmement
difficile de lui ôter cette prérogative l'année prochaine, quand il sera
question de prendre une mesure définitive. Déjà M. le ministre vous l'a dit ;
s'il attache peu d'importance à la décision que nous prendrons aujourd'hui,
l'année prochaine sa position sera différente. Quand il s'agira du système
définitif, il soutiendra d'une manière plus énergique l'opinion qu'il émet
maintenant, sans tenir beaucoup à ce qu'elle triomphe. Comment pourrions-nous,
je vous le demande, lui enlever dans quelque temps, alors qu'il mettrait un vif
intérêt à la conserver, une prérogative que nous lui aurions accordée
aujourd'hui qu'il n'y tient que faiblement ? Evidemment, accorder aujourd'hui
provisoirement au gouvernement le droit absolu de nommer les membres des jurys
d'examen et le lui ôter l'an prochain, ce serait, l'an prochain, lui témoigner
une défiance dont il aurait le droit de se formaliser. Je ne veux pas me lier à
ce point que mon vote ne soit plus libre à l'avenir et lorsqu'il s'agira de
décréter une mesure définitive. Il ne le serait plus, à mon sens, si j'avais
accepté le projet de loi présenté par le gouvernement.
Restent deux autres systèmes : celui actuellement
en vigueur, qui attribue la plus grande partie des nominations aux chambres et
une autre partie au gouvernement, puis le système d'élection par les corps
enseignants.
Je n'hésite pas, pour ma part, à donner la
préférence à ce dernier système, qui a été formulé en termes convenables par un
honorable professeur de l'université de Bruxelles. Je la lui donne, parce qu'il
présente, selon moi, plus de garanties sous le rapport de l'impartialité et de
la science.
Sous le rapport de l'impartialité, l'honorable
ministre de l'intérieur a fait une objection : il reconnaît que le système est
impartial vis-à-vis des quatre corps universitaires aujourd'hui existants :
mais, dit-il, il est éminemment partial contre l'enseignement privé, qui
n'aurait pas de représentant dans les jurys universitaires, alors que les
quatre universités en auraient chacune un.
Qu'il me soit permis de répondre à cette objection,
que jusqu'à présent l'enseignement libre n'a pas eu, que je sache, de
représentant particulier dans les jurys d'examen. Les jurys ont été composés
exclusivement de professeurs des universités et de personnes appartenant aux
corps scientifiques, ou à la magistrature. Quel serait le résultat du système
que je préconise ? Précisément que les membres des jurys seraient choisis
partie dans les universités, partie dans les corps scientifiques et dans le
corps le plus éminent de la magistrature.
Seulement comme tout se ferait par l'élection, nous
aurions une garantie d'impartialité, que nous n'avons pas quand les nominations
sont abandonnées soit au gouvernement, soit à des corps politiques.
L'enseignement privé, dit-on, ne sera pas
représenté ! Mais les membres choisis par la cour de cassation et par les
académies seront précisément les représentants de l'enseignement libre.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). -Un sur
neuf.
M. de Brouckere. - Un sur neuf serait assez, car si l'on veut faire le relevé des
élèves qui se sont présentés aux examens, je crois que l'on y trouvera la
preuve que l'enseignement privé n'y est pas dans une proportion plus forte que
celle d'un sur neuf.
J'ai une autre réponse à faire à l'objection, c'est
que tout en admettant le système de M. Roussel le jury pourrait n'être composé
que de cinq membres qui seraient désignés, un par chaque université et un par
les corps qu'il indique. Sous le rapport scientifique, ce système est encore, à
mon avis, celui qui présente le plus de garanties d'impartialité.
Mais, m'objecte-t-on, c'est cependant le hasard qui
désignera quelle partie de la science chaque université représentera, et le
hasard est aveugle. Je conviens que si parmi ces personnes que le hasard peut
désigner il s'en trouvait qui pussent être considérées comme incapables de remplir
le rôle d'examinateur, nous ne devrions pas facilement nous en rapporter au
hasard.
Mais les hommes capables de bien enseigner sont
capables de bien examiner. Quelle que soit la matière que le sort assigne à
chaque université, je n'hésite pas à dire que chacune d'elles pourra envoyer
aux jurys d'examen des hommes éminemment capables. Je le répète donc, je
n'hésite pas à donner la préférence au système d'élection par les corps
enseignants et par les corps scientifiques.
J'ajouterai un seul mot à ces courtes observations
; car je tiens à démontrer à la chambre que je suis aujourd'hui conséquent avec
l'opinion que j'ai défendue en 1835, alors que, pour la première fois, nous
avons traité la question des jurys d'examen ; c'est qu'à cette époque j'ai
présenté à la chambre une proposition qui se rapproche singulièrement de celle
que je viens de défendre. Voici dans quels termes elle était conçue ; c'est du
Moniteur que je l'extrais :
« Le jury sera composé en nombre pair, savoir
:
« D'un professeur de chacune des universités de
l'Etat ;
« D'un professeur de chaque université libre ayant
au moins cent élèves ;
« De deux ou de trois membres nommés par le
gouvernement.
« Chacun des professeurs à désigner par les
universités sera nommé par la faculté dont il fait partie, laquelle nommera en
même temps un suppléant pour le remplacer en cas d'empêchement.
« Le jury devra être au
complet pour procédera un examen ; le professeur appartenant à la faculté ou le
récipiendaire a fait ses études, n'aura que voix consultative. »
Il n'y avait donc entre le système que j'ai
présenté en 1835, et le système auquel je donne la préférence aujourd'hui
qu'une seule différence notable ; c'est que d'après le premier les membres des
jurys d'examen qui n'étaient pas pris dans les universités et désignés par
elles étaient nommés par le gouvernement, tandis que, d'après la proposition de
M. Roussel, ils seraient nommés par les corps scientifiques et par la cour de
cassation. Il y aurait moyen, peut-être, de s'entendre sur ce point.
M. de La Coste. - L'honorable ministre de l'intérieur a exprimé avec chaleur son
adhésion au principe de la liberté d'enseignement qui est l'un des droits les
plus importants que nous garantisse la Constitution. Une idée bien simple se
présente ici à l'esprit, c'est que toute liberté doit avoir une garantie. En
effet, lorsqu'une liberté est proclamée, lors même qu'elle existe en fait, si
elle n'est entourée d'aucune garantie, ce n'est plus une liberté ; c'est une
simple tolérance. J'ai donc toujours pensé que dès l'instant que la liberté
d'enseignement était admise en principe, elle devait avoir une garantie. De
même que, pour garantie de la liberté individuelle, de la liberté civile, nous
avons le jury, l'inamovibilité de la magistrature, il faut dans le jury
d'examen des garanties d'indépendance ; les réclamer, ce n'est pas témoigner de
la défiance au pouvoir, c'est discerner et reconnaître la condition qui est
faite au pouvoir dans un Etat libre.
C'est à ce titre de garantie que nous avons admis
l'intervention de la chambre. La majorité a changé. La majorité actuelle peut
conserver le pouvoir que l’ancienne majorité s'était réservée. Quant à moi, j'y
donnerai volontiers les mains : je n'ai aucune défiance à l'égard de mes
collègues.
Si cependant, messieurs, la majorité, guidée par
les principes qu'elle a émis, ou du moins que plusieurs de ses membres ont émis
en diverses occasions, ne veut pas se saisir de cette autorité, il est évident
que nous ne pouvons la lui imposer.
J'ai dit que je n'ai aucune défiance à son égard.
Je n'en aurai pas davantage, à l'égard de M. le ministre de l'intérieur, et je
suis pleinement rassuré, tant par ses antécédents que par la déclaration
solennelle qu'il nous a faite.
Je dirai plus, messieurs, j'ignore, et c'est là une
question fort obscure dans la pratique, j'ignore quel sera le résultat plus ou
moins favorable ou à telle ou telle institution, ou à l'enseignement libre en
général, soit de l'intervention unique du gouvernement, soit de tout autre mode
que l'on pourrait adopter. Mais je pense que cette intervention unique du
gouvernement n'est pas logique. Je le pense, d'après les principes que j'ai
déjà eu l'honneur de vous exposer.
Je préférerais donc, messieurs, ainsi que la
plupart des orateurs qui se sont déjà expliqués, la proposition de M. Roussel,
qui me paraît offrir des garanties
d'impartialité par la balance qui s'établirait entre les différentes
universités.
J'avoue que
l'objection qui a été élevée par M. le ministre de l’intérieur leur avait
frappé mon esprit. Je conviens que la part des études privées serait un peu
restreinte s'il y avait dans chaque jury, conformément à cette proposition,
neuf membres dont huit seraient nommés par les universités. Mais il faut
remarquer que cette proposition ne serait accueillie qu'à titre d'essai. Il
faut la considérer non pas comme une œuvre définitive que nous n'avons pas le
temps d'élaborer, mais comme une mesure transitoire soumise à l'épreuve de
l'expérience.
Messieurs, je ne puis m'empêcher à cette occasion,
sans vouloir entrer dans tous les détails que l'objet comporte, d'appuyer les
observations présentées par un honorable membre, ancien professeur de
l'université de Liège, sur la multiplicité des matières d'examen.
Je n'ai point à énoncer l'opinion qui pourrait
exister à cet égard chez l'un des établissements dont il est question dans
cette discussion ; les opinions que j'émets ne relèvent que de mes convictions
; et elles pourraient, même cette fois, n'être pas très d'accord avec celle à
laquelle je fais allusion.
En effet, messieurs, il y a sur ce point deux
opinions en présence. Les uns pensent que cette multiplicité de matières a une
grande utilité pour élever le niveau des études, pour concourir au
développement de l'intelligence ; d'autres, et je suis de ce nombre, y voient
un très grand danger ; pour moi j'avoue que c'est une chose que je ne comprends
pas que devant 5, 7 ou 9, soit commissaires du gouvernement, soit délégués des universités,
un jeune homme vienne s'expliquer sur les questions les plus abstraites et les
plus controversées, sur les questions débattues entre les sectes, entre les
écoles philosophiques, qu'il vienne dire ce qu'il pense de Dieu, de l’âme, de l'immortalité,
de la destinée humaine ; qu'il vienne s'expliquer sur l'histoire considérée à
un point de vue élevé.
Eh ! mon Dieu ! ouvrez l'histoire ; montrez-moi la
première page d'une histoire quelconque, et je vous dirai à quelle religion, à
quelle secte philosophique, à quel système appartient l'auteur. Poursuivez ; et
à chaque feuillet vous retrouverez ces grandes questions sur lesquelles il faut
qu'il n'y ait non seulement aucune intervention de l'Etat, mais aucune
intervention de personne ; sur lesquelles chacun doit conserver la liberté de
sa conscience et de sa pensée. Je voudrais donc voir élaguer des examens toutes
ces questions spéculatives ; non seulement celles (page 1166) qui touchent à la conscience, mais aussi celles qui
touchent à la science, dans la sphère la plus haute ; car il ne faut pas
s'imaginer qu'on puisse la renfermer dans le cercle des universités, soit
libres, soit de l'Etat. Il peut surgir des vérités nouvelles combattues à leur
naissance comme toutes les vérités. Eh bien ! ce domaine doit rester
entièrement libre ; il ne doit être soumis ni à un jury ni à un tribunal
d'aucun genre.
Je voudrais donc que lorsqu'il s'agira d'un projet
définitif, cette question fût mûrement examinée.
Messieurs, je n'étendrai pas plus loin ces
observations, puisque par une sorte de convention tacite, chacun s'en montre
ici très sobre. Je me bornerai à dire que, quant à moi, j'incline davantage
pour le projet de M. Roussel par les motifs que j'ai indiqués et par ceux qu'a
exposés l'honorable M. de Brouckere.
Je ne puis admettre en
principe le projet du gouvernement. Je l'aurais peut-être adopté comme une
espèce de trêve ; mais je craindrais que cette trêve ne compromît la solution
définitive. L'honorable M. de Brouckere a très bien fait observer qu'il serait
difficile d'enlever plus tard au gouvernement un pouvoir qui lui serait donné
provisoirement. L'expérience, en effet, serait, je crois, faite avec beaucoup
de sagesse ; l'expérience serait donc tout à fait en faveur du pouvoir que nous
aurions donné au gouvernement et sans que cela prouvât rien en faveur du
principe, ce serait cependant un préjugé à l'époque à laquelle nous aurons à
discuter la question plus mûrement et dans son ensemble.
Je ne pourrai donc, messieurs, me prononcer en
faveur du projet du gouvernement, et tout au moins je m'abstiendrai.
M. de Haerne. - Je reconnais, avec la plupart des préopinants, que ce n'est pas le
cas de discuter fond, à la question du jury d'examen. Je demanderai cependant à
la chambre qu'elle veuille m'écouter pendant quelques instants et d'accorder la
permission d'expliquer mon vote.
Et d'abord, messieurs, avant d'entrer dans les
explications, j'aurai un mot à dire sur une question très grave, très
importante qui a été traitée, il y a un moment, par l'honorable M. Destriveaux.
Je reconnais avec cet honorable membre, que la grande multiplicité des branches
qui se rencontrent dans plusieurs examens et notamment dans l'examen de
philosophie, présente un grave inconvénient, et que pour la plupart des
récipiendaires on peut dire que c'est une tâche extrêmement difficile, pour ne
pas dire impossible, à remplir.
Ce n'est pas le moment de trancher la question, je
le reconnais. Mais, je pense que le seul moyen d'obvier en grande partie à cet
inconvénient serait, pour l'avenir, de diviser l'examen actuel pour la
philosophie ; d'établir un examen préparatoire qui devrait être subi par les
élèves pour leur admission à l'université, but que l'on pourrait atteindre en
exigeant dans la loi qu'il y ait une année d'intervalle entre cet examen
préparatoire et l'examen pour la candidature en philosophie. L'examen
préparatoire roulerait sur les langues, la littérature, les mathématiques, la
physique, la chimie et d'autres branches qu'on enseigne généralement dans les
établissements d'instruction moyenne.
On scinderait ainsi les branches trop nombreuses
qui se rapportent aujourd'hui à l'examen en philosophie qu'on simplifierait
considérablement de cette manière ; et on obtiendrait encore un autre avantage
en ce qu'on n'exposerait pas autant les jeunes gens qui se présentent aux
examens à faire pendant une année ou deux des frais qui quelquefois peu-veut
être inutiles par suite de l'insuccès qu'ils rencontrent devant le jury. Cet
examen préparatoire renforcerait en même temps l'enseignement moyen, et
présenterait aussi une espèce de concours auquel seraient appelés les élèves de
tous les collèges.
Messieurs, pour arriver au fond de la question et
pour motiver mon vote, je dirai que je suis, en quelque sorte, obligé par mes
antécédents, par les convictions que j'ai eu l'honneur d'exprimer dans cette
enceinte, il y a quatre ans, d'adhérer au projet présenté par l'honorable M. de
Mérode, et qui avait été formulé par un honorable professeur de l'université de
Bruxelles.
D'après le système que j'ai préconisé en 1844, je
ne puis me déclarer partisan ni de l'intervention des chambres d'après le mode
actuel, ni de l'intervention exclusive du gouvernement dans la nomination du
jury d'examen. Je n'ai pas repoussé entièrement cette double intervention, mais
je voulais, avant tout, que l'intervention des corps enseignants fût
prédominante.
Telle était la pensée fondamentale que j'exprimais
à cette époque et elle différait peu au fond de l'opinion émise alors par
l'honorable M. Delehaye, qui a présenté un système ayant beaucoup d'analogie
avec celui de M. Roussel. Il s'agit toujours, dans l'opinion de ces messieurs
et dans la mienne, de faire intervenir les corps enseignants, les corps savants
en majorité, de manière à présenter une garantie certaine contre toute
partialité qui pourrait se rencontrer soit de la part des chambres soit de la
part du gouvernement. C'est là, messieurs, le fond du système que j'ai exposé
ici précédemment et mes convictions n'ont pas changé à cet égard.
L'honorable ministre de l'intérieur vient de
signaler quelques inconvénients qui se présentent dans le système dont je
prends la défense. Je dirai d'abord que, quel que soit le système auquel on
s'arrête, on rencontrera toujours des inconvénients.
M. le ministre de l'intérieur trouve que dans ce
système il existe peu de garanties d'impartialité à l'égard des élèves en
études privées ; je partage l'opinion de l'honorable M. de Brouckere, je pense
que s'il y a des membres pris dans les corps scientifiques, à côté de membres
pris dans les corps enseignants, on peut compter sur une impartialité telle
qu'il ne peut plus y avoir de crainte sérieuse, d'autant plus que les
professeurs des différentes universités, contrôlés d'abord par les membres des
corps savants, se contrôlent aussi les uns les autres, et que la collusion
entre eux est très difficile, à cause des intérêts différents qu'ils
représentent. Et après tout, s'il doit y avoir quelque lacune dans le système
de jury qu'on admettra pour un an, il vaut mieux qu'elle se rapporte aux élèves
en études privées, qui sont toujours en minorité, qu'aux élevés des
universités. Du reste, d'ici à un an, l'expérience aura parlé.
Dans le projet même du gouvernement, je ne trouve
pas des garanties complètes d'impartialité à l'égard des élèves en études
privées. Je vous prie de croire, messieurs, que j'ai toute confiance dans les
intentions loyales de l'honorable ministre de l'intérieur ; mes votes et les
discours que j'ai prononcés dans cette enceinte depuis l'ouverture de la session
en font foi ; mais il s'agit ici d'un principe, il s'agit d'un ministère futur
quelconque, il s'agit de savoir si les membres nommés par le gouvernement ne
croiraient pas devoir pencher en faveur des universités du gouvernement, alors
même que celui-ci ne les influencerait pas le moins du monde.
Si les membres du jury sont nommés par le
gouvernement, il est tout naturel qu'ils aient une propension à favoriser les
universités de l'Etat au détriment des autres, au détriment des études privées.
Ainsi, l'inconvénient que vous croyez rencontrer, à l'égard des études privées,
dans le système que je soutiens, se présente évidemment dans le jury nommé par
le gouvernement, et, de plus, les universités libres sont privées de toute
garantie d'impartialité. Il a donc un double inconvénient, outre qu'on
s'expose, comme l'a dit l'honorable M. de Brouckere, à préjuger la question
pour l'avenir.
Je pense donc, messieurs, que de tous les systèmes
dont s'est occupée la section centrale, celui qui présente le moins d'inconvénients
est le système qui a été formulé par un honorable professeur de l'université de
Bruxelles, et c'est pour ce motif que j'y adhère.
On a dit que ce système n'a
pas été assez mûrement examiné ; mais d'après ce que je viens d'avoir l'honneur
de dire, il a été examiné pour le fond, il y a 4 ans, car il diffère fort peu,
quant au but et à l'effet qu'il doit produire, des idées qui ont été présentées
alors par l'honorable M. Delehaye et de celles que j'ai exposées moi-même à
cette époque ; il s'agit toujours de faire intervenir en majorité les corps
enseignant des universités.
Depuis plusieurs publicistes, en faisant ressortir
les inconvénients du jury tel qu'il est composé actuellement, se sont occupés
de ces idées, en ont exposé le mérite. M. Roussel les a modifiées quelque peu,
les a présentées avec talent.
On ne peut donc pas dire que ce projet est
improvisé. Sans être à l'abri de toute critique, il exclut le plus
formellement, selon moi, toute tendance d'opinions politiques, et en même temps
il présente le plus de garanties au point de vue de la science.
C'est pour ces motifs, messieurs, que je crois
devoir me rallier à la proposition de l'honorable M. de Mérode.
M. Lebeau. -
Messieurs, je n'ai pas le moins du monde l'intention d'exprimer une opinion sur
le projet que M. le comte de Mérode a fait sien, parce que je ne crois pas,
réellement, que la discussion, sous ce point de vue, puisse être sérieuse.
Comment ! messieurs, on déclare que l'organisation du jury d'examen est une des
plus délicates qui puissent s'offrir aux délibérations de la législature, parce
qu'elle touche à une de nos libertés à l'égard de laquelle toutes les opinions
se montrent ombrageuses, dans un sens ou dans l'autre ; et l'on vous convie à
adopter un projet dont la chambre est saisie pour ainsi dire à l'improviste,
qui n'a subi aucun examen en sections, qui n'a été l'objet d'aucun débat
contradictoire, dont personne n'a pu faire ressortir les inconvénients ou les
avantages, d'une manière approfondie ! Et l'on propose ce système qui est un
changement radical de tout ce qui a été pratiqué depuis l'organisation de
l'enseignement universitaire, on vous le propose comme amendement ! Réellement
cela ne peut pas être sérieux. II est impossible que la chambre commette
l'imprudence à laquelle on semblerait vouloir la convier, si l'on insistait
pour l'adoption d'un système que personne, réellement, n'a eu le temps
d'examiner.
Il n'y a donc, messieurs, que deux systèmes en
présence ; le statu quo ou le projet de M. le ministre de l'intérieur. Il ne
peut y avoir de débat sérieux que sur le point de savoir auquel de ces deux
systèmes on donnera la préférence.
Eh bien, messieurs, je ne saurais pas, moi, ne voir
dans la question même réduite à ces proportions, une simple question de temps,
une simple question d'économie des moments de la chambre. Il y a, selon moi,
quelque chose qui différencie davantage les deux projets qui restent en
présence. Nous avons nous, messieurs, lorsque nous étions en minorité, nous
avons attaqué le système de l'intervention des chambres comme radicalement
vicieux, comme conférant l'exercice d'une prérogative très importante à un
pouvoir irresponsable, irresponsable parce qu'il l'est de sa nature, parce
qu'il n'a qu'une responsabilité morale, et irresponsable surtout, parce qu'il
n'agit pas sous le contrôle de la publicité. Eh bien, ce que j'ai condamné dans
la minorité, il m'est impossible de l'admettre, même provisoirement, dans la
majorité. Je croirais, par-là, donner à mes adversaires le droit de penser que
j'ai changé d'opinion en changeant de place et que nous n'étions pas sincères
lorsque nous avons combattu cette prérogative à l'époque où elle était dans les
mains de ceux dont nous combattions les opinions, puisque nous voulons
l'exercer nous-mêmes, maintenant que nous sommes devenus majorité.
(page 1167)
Je repousse donc cette prérogative que j'ai condamnée chez les autres et dont
maintenant je ne veux pas pour moi.
Et quand même je voudrais apporter dans mes choix
la plus grande impartialité, comment le pourrais-je, moi qui ne suis pas en
rapport avec le personnel enseignant, qui n'ai pas, comme le ministre de
l'intérieur, les moyens de savoir dans quelle proportion, tel établissement ou
telle partie de la science doit être représentée ? Comment voulez-vous que
j'exerce ce droit, non seulement avec impartialité, mais même avec intelligence
? Savez-vous comment presque toujours je l'exerçais pendant le temps que
j'étais de la minorité ? En déposant des bulletins blancs. Et savez-vous
comment plusieurs d'entre nous l'exerceraient aujourd'hui que nous sommes
majorité. En nous concertant avec M ; le ministre de l'intérieur, ou avec
d'autres collègues, et en copiant pour ainsi dire les bulletins que nous
recevrions de sa main.
Je demande si c'est là pour une chambre exercer
utilement, avec dignité, avec impartialité, un droit pareil ? Par- cela seul,
la question est jugée.
Ne croyez pas, messieurs, que ce soit par une sorte
d'infatuation de la prérogative royale que je veux investir temporairement le
gouvernement du droit de nommer les jurés ; non, messieurs, la prérogative
royale n'a pas à revendiquer la nomination du jury ; si la chambre la lui
accorde, ce n'est pas qu'elle reconnaîtra ce droit comme conséquence de la
prérogative, mais parce qu'elle reconnaîtra que, provisoirement du moins, c'est
le meilleur de tous les moyens.
Je l'ai dit dans d'autres circonstances : ne
croyons pas qu'il existe nécessairement un antagonisme entre la représentation
nationale et le gouvernement. Le gouvernement, c'est l'émanation de la majorité
de la législature, agréée par le chef de l'Etat ; ce n'est pas autre chose ; il
y aurait un véritable anachronisme à croire qu'il faut toujours se défier du
gouvernement, alors surtout que l'on est majorité et que le gouvernement peut
avoir à rendre compte à cette majorité de l'usage qu'il a fait de sa confiance.
Je regarde la nomination par le gouvernement comme
tellement préférable à la nomination par les chambres, que j'ai déclaré, dans
d'autres circonstances (j'en appelle à vos souvenirs), et alors que j'étais sur
les bancs de l'opposition, que j'aurais accordé sans scrupule au chef de
l'opinion catholique, dirigeant alors le ministère, le droit de nommer les
membres du jury, parce que je suis convaincu qu'un gouvernement qui agit sous
le contrôle de la publicité, ne pourra jamais, dans une matière aussi délicate,
abuser de la confiance que la législature lui aurait témoignée.
Je n'insisterai pas plus longtemps sur ces raisons,
pour déclarer que, comme l'honorable M. Destriveaux, je voterai pour le projet
du gouvernement.
J'avoue que je ne suis pas effrayé du danger qui
paraît préoccuper plusieurs de mes honorables collègues, l'un à gauche, l'autre
à droite. Ils ont peur que si nous mettons, même provisoirement, cette arme
dans les mains du gouvernement, nous ne puissions jamais plus l'en retirer,
alors cependant que le gouvernement lui-même déclare que c'est une mesure
provisoire. Eh bien, ce danger, je ne l'aperçois pas.
Si l'essai que va faire le gouvernement est
mauvais, si l’on s'en plaint, on sera averti, et voilà pour l'avenir une
combinaison écartée ; mais si, par une bonne fortune fort rare, le gouvernement
avait contenté tout le monde, je pourrai lui donner le droit de contenter
encore tout le monde l'année suivante ; j'agirais en cela comme j'agis pour la
loi des péages ou pour d'autres lois d'une durée temporaire.
Je ne terminerai pas ces
considérations sans remercier l'honorable M. Destriveaux d'être venu fortifier
de sa vieille expérience les réclamations qui se sont déjà produites plusieurs
fois dans cette enceinte. Non seulement au point de vue de la science, mais à
un point de vue qui n'est pas moins important pour les pères de famille, il y a
de grandes réformes à introduire dans le système de l'enseignement
universitaire.
L'enseignement universitaire, tel qu'il est
organisé c'est l'effroi des pères de famille ; il y a nombre de pères de
famille qui tremblent à l'idée de compromettre la santé de leurs enfants, en
les soumettant à des études qui sont au-dessus des forces d'un homme, arrivé à
un état de virilité beaucoup plus complète. Il y a donc sur ce point de
sérieuses méditations à faire de la part du gouvernement, et je crois que
toutes les opinions sont d'accord pour demander qu'il y ait une révision
sérieuse des matières sur lesquelles portent les examens universitaires.
M. de Mérode. - Messieurs, un temps suffisant s'est écoulé depuis la pétition
présentée par M. le professeur Roussel, pour que son système ait pu subir un
examen convenable, non pas comme loi définitive, mais comme loi provisoire. Si
nous continuons à nous traîner dans l'ornière de la nomination du jury par les
pouvoirs politiques, nous ne ferons aucun progrès.
Indépendamment des professeurs des universités de
l'Etat et des universités libres, M. Roussel introduit la cour de cassation
pour le droit, l'académie de médecine pour les sciences médicales, la section
des lettres de l'académie royale des sciences et des lettres pour la faculté de
philosophie, la section des sciences de la même compagnie pour lg faculté des
sciences.
Je ne dis pas que tout inconvénient soit évité par
le projet que j'adopte provisoirement comme préférable en réduisant le nombre
des examinateurs à cinq, je reconnais que l’enseignement privé n'obtient point
par le mode d'élection attribué aux corps enseignants et aux corps
scientifiques toutes les garanties désirables, mais il faut en convenir, comme
l'a dit M. de Brouckere, les garanties n'ont pas été meilleures jusqu'ici ;
tandis que nous avons l'espoir d'obtenir ultérieurement les améliorations
reconnues nécessaires après l'essai d'un système beaucoup plus conforme à la
nature de l'objet que nous traitons ; essai qui facilitera beaucoup le vote
d'une loi définitive ; tandis que la nomination pure et simple par le
gouvernement, c'est-à-dire par un ministre qui change à chaque péripétie
politique, ne nous apprendra rien et nous laissera tout à fait dans la même
incertitude, lanterne inexpérience que par le passée
Selon l'honorable M Lebeau,
le projet que j'appuie n'est qu'une improvisation tombant en quelque sorte des
nues ; mais plusieurs orateurs vous ont suffisamment rappelé que cette
prétendue improvisation constituait une idée déjà ancienne et méditée et qui
peut très bien aujourd'hui être mise à l'essai pour que nous sortions enfin par
une expérience nouvelle et vraiment utile d'un provisoire sans cela
interminable.
Veuillez-vous rappeler, messieurs, que tout
récemment encore vous n'avez pas voulu laisser au Roi et à ses ministres la
libre nomination des bourgmestres qui sont pourtant les agents du pouvoir
exécutif dans l'ordre purement administratif. Et vous abandonneriez à cette
autorité l'ordre scientifique, vous lui laisseriez la suprématie sur
l'enseignement. Ce serait une inconséquence dans laquelle la chambre ne voudra
pas se jeter.
M. Verhaegen. - Messieurs, je sens le besoin de motiver en peu
de mois mon vote qui cette fois ne sera pas favorable au projet du
gouvernement.
Certes le gouvernement a toutes mes sympathies, et
aujourd’hui plus que jamais je désire lui donner mon concours ; mais mes
sympathies ne peuvent pas aller jusqu'à lui sacrifier une de nos libertés les
plus précieuses, la liberté d'enseignement.
Pour moi il est évident qu'en attribuant au
gouvernement la nomination des membres du jury universitaire sans entourer
cette nomination d'aucune garantie, c'est porter atteinte à la liberté, et je
crois superflu d'entrer à cet égard dans des développements. Une liberté sans
garantie, n'est qu'une tolérance, et réduire à une simple tolérance l'existence
des universités libres c'est tuer la liberté d'enseignement.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - Je
demande la parole.
M. Verhaegen. - Aujourd'hui que j'appartiens à la majorité, je
ne fais autre chose que ce que je faisais en 1844, lorsque siégeant sur ces
mêmes bancs j'appartenais à la minorité, et ici je réponds à mon honorable ami
M. Lebeau. Qu'ai-je fait en 1844 ? J'ai soutenu le projet de M. Nothomb ; mais
ce projet ressemblait beaucoup, quant au fond, au projet que M. le comte de
Mérode a fait sien.
Dans le projet de M. Nothomb, la nomination de
membres du jury n'était pas attribuée au gouvernement sans condition ni réserve
; au contraire, le gouvernement était astreint à choisir dans chacune des
universités de l'Etat ou libres ; ce projet portait :
« Le Roi nomme annuellement, dans le mois qui
précède la première session, les membres titulaires et suppléants des jurys.
« Les jurys sont composés, les administrateurs
inspecteurs et recteurs des universités de l'Etat et les chefs des deux
universités libres, actuellement existantes, entendus, de manière que, dans
chaque section, ces quatre établissements, ainsi que les sciences, objets des
examens, soient représentés. »
Il y avait là une garantie que je ne rencontre pas
dans le projet que nous discutons. Aussi je ne croirai pas le moins du monde
être en contradiction avec moi-même en rejetant le projet du gouvernement,
alors qu'en 1844 j'appuyais le projet de M. Nothomb.
M. le ministre de l'intérieur disait, il n'y a
qu'un instant, qu'en adoptant le projet auquel faisait allusion l'honorable
comte de Mérode, on rendrait possibles des coalitions entre les quatre
universités existant au détriment de l'enseignement privé, parce que, a-t-il
dit, on est toujours disposé à soutenir les établissements auxquels on
appartient. S'il en est, ainsi, par la même raison, un ministère quelconque, je
ne dis pas le ministère actuel, car j'ai pleine confiance dans son impartialité
; mais un ministère futur pourrait aussi, dans la nomination du jury d'examen,
favoriser les universités de l'Etat au détriment des universités libres, lui
qui par position est obligé de soutenir les universités subsidiées par le
trésor.
L'honorable M. Lebeau a fait une autre observation
que, pour mon compte, je ne puis laisser passer sans réponse.
Pour nous engager à donner
la préférence au projet du gouvernement : même sur le statu quo, il nous a dit
que si aujourd'hui la chambre avait, comme par le passé, à nommer au scrutin
secret les membres du jury d'examen, cette nomination se ferait sur les listes
que le gouvernement ferait parvenir à nous, membres de la majorité, toujours
disposés que nous sommes à voter dans son sens ! Je dois, messieurs, le
déclarer en toute franchise, jamais je n'accepterai pareil rôle ; je croirais
masquer à mon devoir et à ma conscience en consentant à n'être qu'une machine à
voter ; et encore une fois jusque-là ne vont pas mes sympathies pour un
ministère même composé exclusivement de mes amis politiques.
M. d’Elhoungne. - Personne ne serait nommé si tout le monde faisait cela.
M. Lebeau. - Je ne sais comment m'expliquer, de la part d'un honorable membre,
qui connaît mon caractère, l'espèce de chaleur avec laquelle il a parlé d'une
partie de mon discours. Je n'éprouve aucune répugnance à répéter ce que j'ai
dit. Si on ne veut pas perdre sa voix et consacrer plusieurs jours à des
scrutins, il faut se concerter d'avance. Alors, quoi de plus naturel que de
consulter l'homme, qui a la confiance de votre parti et qui est placé de
manière à vous inspirer une (page 1168)
confiance entière pour l'impartialité des choix ? C'est le cas de M. le
ministre de l'intérieur, pour ses amis politiques. Je ne conçois pas ce que le
puritanisme le plus ombrageux peut trouver de révoltant dans une pareille chose.
Si ce n'était pas M. le
ministre de l'intérieur, ce serait M. Verhaegen, ou quelques membres en rapport
avec l'université de Liège, de Gand ou de Louvain, car je veux être juste pour
tout le monde. Quand j'étais minorité et sûr de voter inutilement, je vous l'ai
déjà dit, savez-vous ce qui m'arrivait ? Je mettais dans l'urne des bulletins blancs.
Une prérogative ainsi exercée est jugée.
M. Verhaegen. - Je ne sais si on n'a pas voulu me comprendre ou
si on a voulu donner à mes paroles un sens autre que celui qu'elles ont.
L'honorable M. Lebeau vient de prouver que j'ai raison. On se concerte, dit-il,
on s'entend sur les noms les plus convenables ; ce n'est pas là ce qu'on avait
prétendu pour combattre le statu quo ; on avait soutenu que la majorité, si la
chambre nomme, accepterait aveuglément les listes du gouvernement. C'est contre
cette prétention que j'ai protesté.
M. Lebeau. Je ne suis pas plus capable que vous
d'accepter ce qu'on pourrait appeler une consigne. On ne suppose pas une pareille
pensée chez un ami politique dont on connaît aussi bien le caractère que vous
connaissez le mien.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - Dans ce
débat, il faut tenir compte de la position respective des orateurs. On suppose
au ministre un intérêt à défendre le système qu'il a mis en avant ; cet intérêt
au moins, on voudra bien le reconnaître, n'a rien de personnel, rien de local.
Je pourrais supposer chez les adversaires qui ont parlé du projet jusqu'ici un
intérêt ; je pourrais demander s'ils parlent au nom de l'intérêt public ou au
nom de tel ou tel établissement. Je pense que ceux qui peuvent parler au nom de
l'intérêt public, au nom de la liberté d'enseignement largement comprise,
largement appliquée, doivent se rapprocher du système du gouvernement ; il
admet la liberté pour tous, tandis que le système que certains membres
préconisent admet la liberté au profit des deux universités de Louvain et de
Bruxelles. Je dis que le système qu'on préconise comme devant réunir tous les
suffrages à raison des garanties d'impartialité qu'il présente, renferme en
lui-même le monopole et le privilège.
Au surplus, ce système je l'ai examiné avec
bienveillance, j'ai dit qu'il méritait les honneurs d'un examen approfondi. On
ne pourrait pas considérer comme un examen suffisant la discussion à laquelle
nous nous livrons en ce moment. Je ne le repousse pas d'une manière absolue
dans l'avenir, mais aujourd'hui je le repousse formellement ; je ne veux pas
qu'il me soit imposé, et je déclare que, s'il était adopté, il ne recevrait pas
la sanction du gouvernement.
Il reste donc deux systèmes : savoir si, pour 1848,
les membres du jury d'examen seront nommés par le gouvernement ou par les
chambres. J'ai fait connaître, je crois y avoir mis toute la franchise et la
modération désirables, que je n'entendais pas enchaîner le vote de la chambre à
un principe ; je réserve la question de principe ; veut-on que je renouvelle
cette déclaration ? Le système de nomination par la chambre offre-t-il plus de
garanties d'impartialité que celui de la nomination par l'Etat ? Non,
messieurs.
Il offre moins de garanties d'impartialité ; il est
moins favorable au principe de liberté, il offre plus d'inconvénients pratiques
que la nomination par le gouvernement.
J'ai dit tout à l'heure qu'en réalité ce ne sont
pas les chambres législatives qui font les nominations ; que la majorité qui
fait les nominations reçoit les bulletins tout écrits, et que, cette année, au
rebours de ce qui s'est passé les années précédentes, les bulletins tout faits
viendraient ou du ministère de l'intérieur, représentant les universités de
l'Etat, ou de M. Verhaegen, représentant l'université de Bruxelles, au encore
de tel ou tel député représentant l'université de Gand. Voilà comment se
feraient les nominations pour cette année.
M. d’Elhoungne. - C'est clair.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - Jamais
les choses ne se sont passées d'une autre façon. L'honorable M. Verhaegen le
sait bien.
M. d’Elhoungne. - La majorité ne faisait pas autrement.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - Je
demande si une prérogative à exercer peut donner lieu à une susceptibilité
aussi haute, alors qu'il s'agit de la remettre au gouvernement.
Quant à moi, je n'ai jamais exercé qu'avec
répugnance, comme député, une pareille prérogative qui était vraiment
dérisoire.
Ainsi, il ne s'agit pas ici de sacrifier une de nos
libertés. L'honorable M. Verhaegen sait fort bien que tel n'est pas le but, la
portée du projet de loi. Si M. Verhaegen pouvait dépouiller un moment le
caractère dont il est revêtu en dehors de cette enceinte, pour examiner arec
impartialité le projet de loi, au point de vue de la liberté générale, je suis
persuadé qu'il y reconnaîtrait un caractère de garantie bien supérieur à celle
de la nomination par la chambre. D'ailleurs, vous tous, membres de la gauche,
avez-vous par vos votes donnera préférence au système que je viens proposer
aujourd'hui, et à quelle époque ? A une époque où le droit de nomination était
exercé par un ministère à qui vous refusiez toute confiance. Aujourd'hui que le
gouvernement est composé d'hommes sortis de vos rangs, et que vous considérez
comme vos amis politiques, vous ne lui accorderiez pas ce que vous ne refusiez
pas à un ministère contre lequel tous votiez chaque année !
Je concevrais cette défiance de l'autre côté de la
chambre. Mais je ne puis la comprendre de ce côté-ci. (M. le ministre désigne le côté gauche de la chambre.)
M. de Mérode. - II ne s'agit pas de défiance. Il s'agit d'une loi.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - Je suis
étonné que l'honorable M. de Mérode, qui s'est élevé avec tant de bon sens
contre le système de nomination par la chambre, qui l'a constamment repoussé,
vienne aujourd'hui l'adopter.
M. de Mérode. - Pas du tout ! J'ai proposé un autre système.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - A
l'époque où vous combattiez avec tant de vivacité la nomination par la chambre,
vous n'avez pas mis en avant le système dont vous vous êtes improvisé le
partisan.
Vous donniez la préférence au système de la
nomination par l'Etat, et si vous avez à vous prononcer pour la nomination par
les chambres ou par le gouvernement, je demande auquel des deux systèmes vous
donnerez la préférence.
M. de Mérode. - Je ne veux ni me noyer, ni me brûler.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). – Il
faudra bien cependant que l'honorable M. de Mérode se résigne à l'une ou à
l'autre de ces extrémités, car vous aurez à choisir entre l'un et l'autre
système.
Il y a en faveur du système de la nomination par
l'Etat beaucoup de choses à dire. Il y a de nombreux et d'excellents arguments
à faire valoir. Mais je veux éviter, dans les circonstances actuelles, une
longue discussion de principe ; non pas que je la redoute ; je ne recule pas
devant le principe que j'ai consigné dans l'exposé des motifs. Je le maintiens
et je le maintiendrai aussi longtemps qu'on ne présentera pas un système qui me
paraisse meilleur. Si un autre système plus garantissant, plus en harmonie avec
nos libertés était présenté, je l'examinerais et je l'accepterais avec plaisir,
avec empressement.
Voulant éviter la longueur inévitable d'une discussion
de principe, j'ai dit qu'à défaut du système que je mets en avant, je
préférerais le statu quo, réservant ainsi toutes les questions. Il reste à la
chambre à voir si elle veut passer deux ou trois jours à nommer les membres des
jurys. Je crois que, dans les circonstances actuelles, la chambre a d'autres
devoirs à remplir, des choses plus sérieuses à faire, que le gouvernement a
quelque chose de plus important à faire que de distribuer des bulletins aux
membres de la chambre.
Plusieurs
membres. - La clôture !
M. Tielemans. - Je désirerais motiver mon vote.
- La clôture est mise aux voix ; l'épreuve est
douteuse.
M. le président. - La discussion continue.
Plusieurs
membres. - A demain !
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - Il
serait préférable de terminer aujourd'hui !
M. Tielemans. - Je renonce à la parole.
- La discussion est close.
Discussion sur l’article unique
La chambre passe à la discussion sur l'amendement
présenté par M. de Mérode (voir plus haut) et sur l'article premier du projet
de loi ainsi conçu :
« Art. 1er. Les membres titulaires et
suppléants des jurys d'examen pour les grades académiques seront nommés par le
Roi, pour les deux sessions de 1848. »
M. Le Hon. - L'intervention des chambres dans les
nominations du jury d'examen a fait son temps. L'expérience l'a condamnée.
Avant d'y substituer un système définitif mûrement étudié, le gouvernement vous
a proposé une mesure provisoire et temporaire. L'amendement de M. de Mérode n'a
point ce caractère ; c'est un système nouveau aussi complexe que le premier, et
d'un succès très contestable. On s'est plaint des abus de la partialité
politique, il tend à faire naître ceux de la partialité scientifique ou
professorale, et cela, sans examen préalable, et en s'introduisant, sous forme
d'amendement, d'une manière furtive, dans la loi. Cet expédient est irrégulier
et inadmissible.
J'avais pensé que la motion de M. de Mérode, si
elle était appuyée, devait être renvoyée aux sections, suivant les règles
établies ; mais puisque la chambre paraît disposée à la soumettre à l'épreuve du
vote, comme amendement, je crois qu'elle ne doit pas hésiter à la rejeter, sauf
à reproduire ultérieurement la combinaison de l'honorable M. Roussel, lorsqu'il
sera question de délibérer sur un système définitif.
M. de Mérode. - Il serait nécessaire de renvoyer le projet aux sections s'il
s'agissait d'une loi définitive. Mais comme il ne s'agit que d'une loi
provisoire, je crois qu'il n'est nullement nécessaire de soumettre ma
proposition aux sections.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - Je prie
l'honorable M. de Mérode de remarquer que j'ai déclaré que le projet qu'il met
en avant ne serait pas sanctionné par le gouvernement, au moins ne serait pas
contresigné par le ministre de l'intérieur.
- L'amendement présenté par M. de Mérode est mis
aux voix et rejeté.
L'article premier du projet du gouvernement est mis
aux voix. Deux épreuves par assis et levé sont déclarées douteuses.
Il est procédé au vote par appel nominal sur cet
article.
74 membres répondent à l'appel nominal.
1 (M. Dechamps) s'abstient.
33 votent l'adoption.
40 le rejet.
En conséquence l'article n'est pas adopté.
(page 1169)
Ont voté l'adoption : MM. Dumont, du Roy de Blicquy, Fallon, Frère-Orban,
Gilson, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Loos, Lys, Moreau, Pirmez, Rogier, Sigart, T'Kint
de Naeyer, Troye, Van Cleemputte, Van Huffel, Veydt, Anspach, Broquet-Goblet, Bruneau,
Cans, de Denterghem, Delfosse, d'Elhoungne, Destriveaux, de Terbecq, de
Tornaco, d'Hane, d'Hoffschmidt, Dolez et Liedts.
Ont voté le rejet : MM. Dubus (aîné), Henot,
Huveners, Lejeune, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Orban, Orts,
Raikem, Rodenbach, Rousselle, Scheyven, Simons, Thienpont, Tielemans,
Tremouroux, Vanden Eynde, Van Renynghe, Verhaegen, Vilain XIIII, Brabant,
Bricourt, Castiau, Clep, d’Anethan, de Bonne, de Brouckere, de Corswarem, de
Foere, de Haerne, de la Coste, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Meester,
de Mérode, de Theux, de T'Serclaes et d'Huart.
Le membre qui s'est abstenu
est invité à faire connaître les motifs de son abstention.
M. Dechamps. - Messieurs, mon intention était d'appuyer le système que l'honorable
M. de Mérode a fait sien. Mais la déclaration de M. le ministre de l'intérieur,
qui ne nous a pas laissé la liberté de notre vote, m'a empêché de me prononcer.
M. le président. - Par suite de ce vote, l'article 2 devient
inutile.
M. de Theux. - Messieurs, il me paraît résulter clairement des deux votes émis
par la chambre, d'une part, qu'elle n'a pas voulu innover en accordant au
gouvernement la nomination pure et simple des jurys d'examen, et, d'autre part,
qu'elle n'a pas voulu innover en adoptant la proposition de l'honorable M. de
Mérode, qui était le système formulé par M. le professeur Roussel. Il suit de
là qu'il n'y a plus que le troisième système annoncé par M. le ministre de
l'intérieur.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - Je n'ai
pas annoncé de troisième système.
M. de Brouckere. - Messieurs, la conséquence que tire l'honorable M. de Theux de ce qui
vient de se passer, n'est pas le moins du monde exacte ni logique. Deux
systèmes ont été successivement rejetés, mais il ne s'ensuit nullement que le
troisième soit accepté, ou même que la chambre ait manifesté l'intention de
l'accepter, et la meilleure preuve que je puisse en donner, c'est ce qui a eu
lieu dans la section centrale, où les trois systèmes ont été successivement
rejetés.
M. de Theux. - Ah !
M. de Brouckere. - L'honorable M. de Theux, qui montre de
l'étonnement, sait cependant très bien qu'il en est ainsi, puisque le rapport
le dit formellement.
Messieurs, nous sommes maintenant sans aucun projet
de loi, et aucun projet n'est recevable en ce moment de la part d'un membre de
la chambre ; mais il est libre à chacun de déposer sur le bureau une
proposition qui pourra être prise en considération après que la lecture en aura
été autorisée par les sections.
M. Delfosse. - Aux termes de l'article 45 du règlement, les articles d'un projet de
loi rejetés doivent être soumis à un second vote. Il n'y a donc rien de
définitivement décidé.
M. Dubus (aîné). - L'article du règlement dont il s'agit n'a jamais été appliqué que
lorsqu'il s'agissait de projets de lois dont le principe et plusieurs articles avaient
été admis ; toutes les fois qu'un premier article renfermant le principe du projet
avait été écarté, la chambre a considéré le projet tout entier comme définitivement
rejeté et jamais en pareil cas ; le projet n'a été soumis à un second vote. Je
ne pourrais pas, de mémoire, citer des précédents, mais je suis certain qu'il y
en a beaucoup,
M. le président. - D'après le règlement, tel qu'il a toujours été
appliqués la chambre n'est plus saisie d'aucune proposition.
- La séance est levée à 5 heures.