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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 14 avril 1848
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre notamment pétitions
relatives à l’abonnement sur les débits de boissons (Rodenbach,
de Brouckere, Liedts, de Brouckere, Rodenbach)
2) Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au
budget du département des travaux publics. Canal latéral de la Meuse (Lesoinne)
3) Rapports sur des demandes en naturalisation
4) Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au
budget du département des finances pour fabrication de monnaie de cuivre
(+monnaie d’or et d’argent) (T’Kint de Naeyer, Veydt)
5) Démission d’un membre de la chambre (Nothomb). Traitements des agents diplomatiques (Delfosse, Frère-Orban)
6) Rapports sur des pétitions relatives notamment à la
loi sur la pension des ministres (Le Hon, de Garcia)
7) Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au
budget du département des travaux publics. Chemin de fer de l’Etat, nécessité de recourir à des travaux publics en raison
de la crise sociale.
Comptabilité publique (dérogation au principe de l’adjudication publique en
matière de marchés) et/ou fixation des salaires des ouvriers (Frère-Orban, Vilain XIIII, de Garcia, de Man d’Attenrode,
(+droits sociaux des ouvriers du chemin de fer) Frère-Orban,
de Brouckere, de La Coste,
Frère-Orban, de Man d’Attenrode)
8) Fixation de l’ordre des travaux de la chambre.
Garde civique et/ou emprunt forcé (Verhaegen, Veydt, de Tornaco, Veydt), réforme électorale (Lebeau),
naturalisations (Destriveaux)
9) Nomination du greffier de la chambre (Huyttens)
10) Prise en considération de demandes en
naturalisation
11) Proposition de loi tendant à réunir le canton de
Stavelot à l’arrondissement administratif de Verviers. Réforme électorale
(uniformisation du cens et principe du vote au chef-lieu d’arrondissement) (Malou, Lebeau, Lys,
de Mérode, Malou, de Tornaco, Delfosse, Orban, de Brouckere, de Garcia, de Tornaco, Malou, Lebeau, de
Mérode, Orban, Rogier)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1847-1848)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1315) M. Troye fait l'appel nominal à 1 heure.
M. T'Kint de Naeyer donne lecture du
procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. Troye présente l'analyse des
pétitions adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Plusieurs débitants de boissons distillées
demandent l'abrogation de la loi du 18 mars 1838, ou qu'au moins le droit de consommation
qu'elle établit soit remplacé par un impôt sur la fabrication des boissons
distillées. »
M. Rodenbach. -
Messieurs, voilà déjà plusieurs années qu'on adresse à la chambre des pétitions
pour qu'on modifie la loi sur l'abonnement des boissons distillées. Il me
semble que ces pétitions ne doivent plus être renvoyées à la commission des
pétitions, car je crois qu'elle nous a déjà fait cinq ou six rapports à cet
égard.
Je
demande donc que cette requête soit adressée directement à M. le ministre des
finances. M. le ministre nous a dit lui-même que, dans un moment plus opportun,
il s'empresserait de présenter un projet de loi, pour que cet impôt, tout en
produisant autant au trésor, soit mieux, soit plus justement réparti. Je ne
doute pas que M. le ministre ne tienne sa promesse aussitôt qu'il le croira
possible.
M. de Brouckere. -
Je crois que cette pétition, comme toutes les autres, doit suivre le cours ordinaire.
Il faut que la chambre ait pris connaissance d'une pétition, avant de la
renvoyer au ministre.
M. Rodenbach. -
Je connais parfaitement bien l'article du règlement. Mais je sais aussi que je
puis appuyer ma proposition sur plusieurs antécédents ; que nombre de fois des
pétitions de même nature que d'autres sur lesquelles on avait déjà fait
rapport, ont été renvoyées directement à des ministres.
Au
surplus, si ma proposition rencontre de l'opposition, je demanderai le renvoi à
la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.
M. le président (M. Liedts). - Un mot
d'explication. La section centrale du budget des voies et moyens, à laquelle on
avait renvoyé plusieurs pétitions de cette nature, a conclu au renvoi à M. le
ministre des finances en ajoutant qu'elle demandait que la chambre prît la même
décision pour toutes les pétitions qui étaient conçues dans le même sens.
Depuis
lors, toutes les pétitions de même nature qui ont été adressées à la chambre
ont été renvoyées directement à M. le ministre des finances.
M. de
Brouckere. - Je demanderai si toutes les pétitions sont
formulées dans le même sens.
M. le président.
- Non.
M. de Brouckere. -
En ce cas, je crois que la chambre ne peut prendre une décision sur une
pétition qui n'a pas été examinée par une commission. On dit : La pétition a
tel but ; mais on n'explique pas dans quel sens elle est écrite, comment elle
est rédigée ; si elle est en termes convenables.
Je
m'oppose à ce qu'une pétition qui n'a pas été examinée par une commission soit
renvoyée aux ministres. Mais si l'honorable M. Rodenbach le veut, je demanderai
moi-même un prompt rapport.
M. Rodenbach. -
Je ne tiens pas à ma proposition. Je ne l'avais faite que parce qu'il y a des
antécédents. Je demande, avec l’honorable M. de Brouckere, un prompt rapport.
-
La pétition est renvoyée à la commission des pétitions, avec demande d'un
prompt rapport.
_______________
«
Plusieurs habitants de Vonèche, Froid-Fontaine demandent que le hameau de
Froid-Eontaine soit érigé en commune séparée de Vonèche. »
-
Renvoi à la commission des pétitions.
________________
«
Plusieurs ouvriers tailleurs, à Liège, demandent que les ateliers de travail
dans les prisons, les dépôts de mendicité et d'autres établissements cessent de
leur faire concurrence. »
-
Même renvoi.
________________
« Le sieur Urmez demande la révision ou
l'abrogation de la loi qui autorise la contrainte par corps pour dettes
commerciales et civiles. »
-
Même renvoi.
________________
« Le sieur François-Aimé Tousserand, employé à
Bruxelles, né à Paris, demande la naturalisation ordinaire, avec exemption du
droit d'enregistrement. »
-
Renvoi au ministre de la justice.
________________
« Il est fait hommage à la chambre par M. de
Lecluse, négociant à Bruges, de 120 exemplaires d'un travail qu’il vient de
publier sur le projet de l'établissement en Belgique d'une société de commerce
d'exportation et des comptoirs à l'étranger. »
-
Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS
M. Lesoinne. -
J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de
loi allouant au département des travaux publics un crédit pour l'achèvement du
canal latéral à la Meuse.
-
Ce rapport sera imprimé et distribué. Le jour de la discussion sera
ultérieurement fixé.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS
M. Moreau
donne lecture du rapport suivant : Messieurs, par une requête en date du 11
mars 1847, le sieur Charles Leleu, garde en chef du canal de Bruxelles à
Willebroeck, né à Lille, avait sollicité la naturalisation ordinaire.
Un
rapport vous a été fait, le 8 décembre même année, sur cette demande ; mais, dans
votre séance du 26 février 1848, vous ne l'avez pas prise en considération.
Ledit
Charles Leleu vous a adressé, le 2 mars 1848, quelques jours après votre
décision, une nouvelle pétition à l'effet d'obtenir la naturalisation
ordinaire.
Votre
commission à laquelle elle a été renvoyée, considérant que les faits et les
motifs que le requérant fait valoir sont les mêmes que ceux qu'il a invoqués
précédemment, est d'avis qu'elle a épuisé ses pouvoirs dans cette affaire ; en
conséquence elle a l'honneur de vous proposer le dépôt du dossier au bureau des
renseignements.
-
Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
________________
M. de Brouckere. -
Messieurs, la commission des naturalisations m'a chargé de présenter à la chambre
un rapport sur une pétition faite par sept capitaines ou seconds de navires de
commerce, auxquels la naturalisation ordinaire avait été accordée et qui n'ont
pas pu l'accepter en temps opportun. Ces sept pétitionnaires demandent à être
relevés de la déchéance qu'ils ont encourue. Je dépose le rapport sur le
bureau, la chambre décidera, sur sa mise à l'ordre du jour, ce qu'elle jugera
convenable.
Un membre.
- Quelles sont les conclusions ?
M. de Brouckere. -
La commission propose pour chacun des pétitionnaires un projet de loi ainsi
conçu :
«
Un nouveau délai de trois mois, à partir de la date de la publication de ta
présente loi, est accordé au sieur ... pour accepter la naturalisation qui lui
a été conférée par la loi du ... »
-
Le rapport sera imprimé et distribué. La chambre fixera ultérieurement le jour
de la discussion.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT DES FINANCES
M. T'Kint de Naeyer
(pour une motion d’ordre). - Messieurs, M. le ministre des finances a déposé
dans la séance d'avant-hier une demande de crédit pour la fabrication des
monnaies de cuivre. Je saisirai cette occasion pour demander à M. le ministre
s'il a pris des mesures pour mettre la Monnaie en activité, en ce qui concerne
la fabrication des monnaies d'argent et notamment des pièces de 2 fr. 50.
Le
but du législateur, en décrétant qu'il y avait lieu de frapper des pièces de 2
fr. 50, a été de maintenir dans la circulation du pays une quantité de
numéraire suffisante pour les besoins ordinaires des transactions. Je pense que
dans les circonstances actuelles l'utilité ne peut pas en être contestée.
M.
le ministre des finances (M. Veydt). -
Messieurs, j'ai pris des mesures pour faciliter au directeur de la Monnaie
l'acquisition des matières d'or et d'argent pour les convertir en monnaie.
Les
avances, que le trésor fait sur le dépôt de ces matières, ont lieu à
l'intervention de la commission des monnaies et elles ne peuvent jamais être de
longue durée, parce qu'il suffit de cinq jours pour réaliser l'argent en pièces
de monnaie. Mais il faut un certain temps pour réunir une quantité suffisante
de métaux précieux pour commencer le frappement.
Les
mesures que je viens d'indiquer produiront, je pense, un bon résultat. La
commission des monnaies les croit utiles et elle concourt avec empressement à
leur exécution.
En
ce qui concerne la pièce de 2 fr. 50 c, l'observation de l'honorable M. T'Kint
de Naeyer est fondée ; il y a opportunité à frapper cette nouvelle monnaie et
je puis annoncer à la chambre que, dans un délai de quinze à vingt jours, une
première émission aura lieu. La gravure du coin est commandée et elle eût été
achevée, si le graveur n'avait dû, durant ces derniers jouis, s'occuper de
l'entier achèvement du type de la monnaie d'or. Tout est réglé et terminé quant
à elle, et très incessamment des pièces de 25 fr. seront mises dans la
circulation.
DEMISSION D’UN MEMBRE DE LA CHAMBRE
M. le président donne
lecture de la lettre suivante :
«
Berlin, 8 avril 1848.
«
M. le président,
«
Forcé par les circonstances, qui n'admettent plus de congé de quelque durée,
d'opter, à défaut même de loi, entre le mandat parlementaire et la mission
diplomatique qui m'est confiée, j'ai cru devoir me remettre au gouvernement du
choix à faire ; il m'a été répondu, dans les termes les plus honorables pour
moi, qu'il serait difficile, en ce moment, de trouver un agent pour le poste
que j'occupe à Berlin, et qui ne pourrait rester vacant. Je me suis donc décidé
à donner ma démission de député, et je vous prie de faire part de cette
résolution à la chambre des représentants.
« A une époque aussi solennelle, il est permis moins
que jamais de parler de soi ; j'ajouterai seulement que ce n'est pas sans
émotion que je me sépare d'une assemblée où je suis entré en 1830, à l'âge de
25 ans, et où me reportent presque tous les souvenirs de ma vie. Si quelque
chose peut me consoler d'interrompre ma carrière parlementaire, c’est que
jamais l'honneur de représenter la Belgique à l'étranger n'a été plus grand.
Pendant qu'à nos côtés deux grands peuples se mettent en révolution pour copier
notre Constitution, nous continuerons, nous Belges, chacun dans la limite de
ses devoirs et de ses moyens, à défendre notre nationalité dans la forme que
nous lui avons librement donnée, et qui lui sert de sanction devant l'Europe.
« Je
saisis cette occasion, M. le président, de vous offrir les nouvelles Assurances
de ma plus haute considération.
«
(Signé) Nothomb. »
M. Delfosse. - M.
Nothomb parle d'une lettre que le gouvernement lui aurait adressée pour l'engager
à rester à son poste. J'espère que le gouvernement n'a pas entendu décider
par-là que nous conserverions un ministre plénipotentiaire à Berlin.
La
situation financière et la force des choses nous amèneront très probablement à
remplacer nos ministres plénipotentiaires par de simples chargés d'affaires. Il
serait fâcheux que le gouvernement ne comprît pas la nécessité de cette
économie.
M. le ministre des travaux
publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, je n'ai pas eu connaissance
de la dépêche qui a été écrite à l'honorable M. Nothomb et à laquelle il est
fait allusion dans la réponse que M. le président vient de lire. Mais j'ai la
certitude qu'aucune espèce d'engagement ne peut avoir été pris à l'égard de
l'honorable M. Nothomb, en ce sens qu'on conserverait sa position de ministre
plénipotentiaire à Berlin et éventuellement les indemnités qui y sont
attachées.
La
question d'argent, d'ailleurs, ne peut pas être définitivement décidée par le
gouvernement, elle reste à régler par la chambre. C'est donc lors de la
discussion du budget de 1849 dans lequel seront faites toutes les économies
possibles, que la question pourra se présenter.
RAPPORTS DE PETITIONS
M. de
Denterghem, rapporteur. - « Par pétition sans date, le
sieur Senault, ancien officier des douanes, réclame l'intervention de la
chambre pour obtenir la révision de sa pension. »
Renvoi
à M. le ministre des finances.
-
Adopté.
_________________
M. de
Denterghem, rapporteur. - « Par pétition datée de
West-Cappelle, le 23 mars 1848, le sieur Danhaive, sous-lieutenant des douanes,
réclame l'intervention de la chambre pour obtenir la décoration de l'ordre de
Léopold ou la croix de Fer. »
Ordre
du jour.
-
Adopté.
_________________
M. de
Denterghem, rapporteur. - « Par pétition datée de Gand, le
1er mars 1848, le sieur de Witte, ancien militaire, réclame l'intervention de
la chambre pour obtenir les arrérages de sa pension. »
Renvoi
à M. le ministre de la guerre.
-
Adopté.
_________________
M. de
Denterghem, rapporteur. - « Par pétition datée de Mons, le
6 mars 1848, le sieur Meurice, ancien militaire décoré de la croix de Fer, prie
la chambre de lui accorder une pension. »
Renvoi
à M. le ministre de l'intérieur.
-
Adopté.
_________________
M. de
Denterghem, rapporteur. - « Par pétition datée de
Bruxelles, le 13 mars 1848, le sieur Timmermans, décoré de la croix de Fer,
réclame l'intervention de la chambre pour faire régler sa pension et en obtenir
les arriérés. »
Dépôt
au bureau des renseignements.
-
Adopté.
_________________
M. de
Denterghem, rapporteur. – « Par pétition datée de
Schaerbeek, le 16 février 1848, le sieur Lefebre, médecin vétérinaire, demande
une indemnité qui puisse mettre à même d'extirper l'épizootie dans les
Flandres. »
Renvoi
à M. le ministre de l’intérieur.
-
Adopté.
_________________
M. de
Denterghem, rapporteur. – « Par pétition datée de
Marche, le 18 mars 1848, le sieur Fabry, ancien messager piéton, réclame
l’intervention de la chambre pour obtenir le remboursement de ce qu’il a versé
à la caisse des pensions ou pour être réintégré dans ses fonctions. »
Renvoi
à M. le ministre des travaux publics.
-
Adopté.
M. de
Denterghem, rapporteur. - « Par pétition datée
d'Argenteau, le 18 mars 1848, les membres du conseil communal d'Argenteau
demandent que la loi sur les pensions des ministres soit rapportée ou tout au
moins modifiée. »
-
La commission propose l'ordre du jour.
M. Le Hon. -
Messieurs, la pétition sur laquelle il vient d'être fait un rapport sollicite
l'attention de la chambre et du gouvernement sur une question qui semble devoir
appeler un nouvel examen de la part de l'un et de l'autre. Il s'agit des
pensions ministérielles telles que les a instituées la loi du 21 juillet 1844.
En
règle générale, les pensions qu'on accorde, sur le trésor, aux fonctionnaires
publics sont soumises à des conditions d'une sévérité prudente et sage. Il
faut, pour les obtenir, un long exercice de fonctions rétribuées par l'Etat, ou
des infirmités qui, après un terme révolu, empêchent de continuer à les
remplir.
La
législature précédente a pensé qu'il était juste d'introduire dans ce système
une exception en faveur des départements ministériels ; et elle a posé, comme
principe absolu, qu'un ministre qui aurait servi le pays, en cette qualité,
pendant deux ans, depuis 1830, aurait un droit acquis à une pension de 4,000
fr., et que ce chiffre s'augmenterait de cinq cents francs pour chaque année,
ultérieure ou antérieure, de fonctions ministérielles.
Je
ne conteste pas qu'il soit convenable, dans certaines circonstances, de
pourvoir à la position des hommes qui ont honorablement dirigé les affaires de
l'Etat ; mais pour qu'un tel privilège obtienne l'assentiment public, il faut
qu'il ait le caractère d'un acte de justice nationale, sans affecter la dignité
du pouvoir.
Or
ce caractère manque à la loi de 1844. Sans doute, elle a reçu quelques
applications qui ont récompensé d'anciens et très éminents services, et
l'opinion publique les a hautement sanctionnées de son suffrage ; mais d'autres
applications n'ont pas été accueillies de la même manière, et quand la loi
établit un droit absolu à la pension sur deux années de ministère seulement,
sans tenir compte d'aucune condition d'âge, de fortune ou de position, beaucoup
d'esprits éclairés, impartiaux craignent justement qu'elle ne froisse le
sentiment du pays, bien loin d'en être l'interprète.
Il
existe, je le sais, des droits acquis, en vertu de la loi du 21 juillet : il
n'entre pas dans ma pensée de les mettre en doute ni d'y porter atteinte. Si je
fais allusion au passé, c'est comme enseignement pour l'avenir. Je ne veux
citer aucun fait particulier, parce qu’en cette matière, les faits désignent
trop clairement les personnes : mais je dois dire que par l'effet de la
disposition absolue de la loi, il a été créé des pensions qui en sont la
critique la plus fondée, en ce qu'elles indisposent le pays contre les hautes
fonctions qui ont surtout besoin de sa considération et de son respect. Il
s'inquiète de la facilité avec laquelle ces pensions, quelque démocratique
qu'en soit le principe, viennent augmenter le poids des charges qu'il supporte.
Et il faut en convenir, le régime constitutionnel moissonne beaucoup de
ministères et peut faire beaucoup de ministères.
Quand
cette impression fâcheuse devient générale et qu'un collège administratif la
signale à la chambre, il ne nous est pas permis de repousser des
représentations d’une nature si grave par la formule de l'ordre du jour,
Un membre.
- On a proposé le dépôt au bureau des renseignements.
M. Le Hon. -
Je crois que l'honorable membre est dans l'erreur.
M. le président.
- Le feuilleton porte en effet pour conclusions le dépôt au bureau des
renseignements ; mais au nom de la commission le rapporteur a changé les
conclusions et proposé l'ordre du jour.
M. Le Hon. -
Je parle d'après ce que j'entends, quand j'ai attentivement écouté. Je viens m'opposer
à l'ordre du jour : j'aurais même repoussé, comme
insuffisante, la conclusion du dépôt au bureau des renseignements. Je demande
que la pétition soit renvoyée au ministre des finances. Je n'entends pas
préjuger, dès à présent, les modifications plus ou moins profondes que la loi
de l844doit subir. C'est là un sujet d'examen très sérieux que je recommande à
toute l'attention du cabinet. Le principe sur lequel repose la loi n'a rien que
de juste, que de conforme à l'esprit démocratique de nos institutions, quand
son application est subordonnée à des conditions de haute convenance, de
nécessité réelle ou d'éminents services rendus à l'Etat : mais le système de
cette loi, tel qu'il est organisé, me
paraît entaché d'un vice essentiel qui doit disparaître : il grève le
trésor public en faveur de la fortune et de la jeunesse.
Dans
un temps où des charges si nombreuses pèsent sur la nation, il ne faut pas
affaiblir auprès d'elle la considération des hommes appelés à la direction de
ses affaires en l'autorisant à supposer qu'ils sont, pour ses finances, à
chaque changement de cabinet, un fardeau de plus.
Je
propose donc le renvoi de la pétition au ministre des finances.
M. de Garcia. -
J'appuie de toutes mes forces les observations de l'honorable comte Le Hon.
Depuis longtemps, déjà, j'ai exprimé la pensée qu'il était nécessaire de
réviser la loi sur les pensions des ministres ; cette loi, il faut le
reconnaître, a soulevé une répulsion, et j'ose dire (page 1317) plus, une indignation générale dans le pays. Il est un
fait incontestable, c'est que le principe ou la base de toute loi de pensions
doit être que nul serviteur de l'Etat n'ait de droits à la pension, qu'autant
que l'âge et les infirmités le rendent incapable de pouvoir continuer à servir
la chose publique.
Je
le demande, la loi actuelle repose-t-elle sur l'ombre même d'une raison
semblable ? Un ministre valide ou non, un ministre qui aura rendu de grands
services au pays et un ministre incapable qui aura trahi ou négligé les vrais
intérêts de la nation, auront droit d'une manière absolue, après deux années
d'exercice, à la même pension, et même à une pension très élevée. Un ordre de
choses semblable ne peut être toléré. J'admets qu'on fasse des exceptions à une
règle absolue, en faveur de services éminents rendus au pays ; mais dans ce
cas, ces exceptions doivent faire l'objet d'une loi spéciale, et n'être faites
qu'à titre de munificence nationale.
Mais
les principes absolus en matière de pensions de ministres constituent un grief
devant la nation.
J'appuie
donc de toutes mes forces les observations de l'honorable comte Le Hon, et
comme lui, je demande le renvoi de la pétition dont il s'agit à M. le ministre
des finances, en recommandant cet objet à toute sa sollicitude.
Nous
connaissons tous les sentiments qui animent cet honorable haut fonctionnaire.
Nous sommes convaincus que chez lui les bonnes intentions ne feront pas défaut
pour satisfaire aux vues et aux raisons fondées, déduites dans la pétition
adressée à la chambre, pour obtenir la réforme d'une loi généralement reconnue
comme vicieuse et abusive. Je ne terminerai pas sans ajouter encore quelques
mots : Depuis quelque temps, je me suis préoccupé d'une proposition de loi sur
la matière en question, et je le déclare, si le gouvernement ne propose pas un
projet de loi à cet égard, usant du droit d'initiative qui appartient à tous
les membres de cette assemblée, je n'attendrai pas la fin de la session pour
demander le rapport de la loi spéciale en vigueur sur la pension des ministres.
-
Le renvoi de la pétition au ministre des finances est prononcé.
__________________
M. Lesoinne,
rapporteur. - « Par pétition datée de Liège, le 18 mars
1848, plusieurs prisonniers pour dettes demandent l'abrogation ou du moins la
révision de la loi du 18 germinal an VI. »
Renvoi
à M. le ministre de la justice.
-
Adopté.
_________________
M. Lesoinne,
rapporteur. - « Par pétition datée d'Ypres, le 28 février 1848,
le sieur Sinave demande que les anciens registres de l'état-civil, qui sont
déposés au greffe des tribunaux de première instance, soient confiés aux
administrations communales. »
Renvoi
à M. le ministre de l'intérieur.
-
Adopté.
_________________
M. Lesoinne,
rapporteur. – « Par pétition sans date, le sieur
Senault demande que la réparation civile pour délit de presse ne puisse être
poursuivie qu'après la déclaration de culpabilité prononcée par le jury. »
Renvoi
à M. le ministre de la justice.
-Adopté.
_________________
M. Lesoinne,
rapporteur. - «Par pétition datée de Bruxelles, le 23 mars
1848, le sieur Sterckel prie la chambre de lui faire grâce de la peine
d'emprisonnement qu'il devra subir s'il ne peut payer l'amende à laquelle il a
été condamné par le conseil de discipline de la garde civique. »
Ordre
du jour.
-
Adopté.
_________________
M. Lesoinne,
rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, en mars 1848,
plusieurs typographes-pressiers à Bruxelles demandent que, dans le cahier des
charges de l'adjudication des impressions à faire pour le service de la
chambre, on exige l'usage exclusif de presses à bras.»
Ordre
du jour.
-
Adopté.
_________________
M. Lesoinne,
rapporteur. - « Par pétition datée d'Ypres, le 25 février
1848, le sieur Sinave demande que les fabriques d'église remettent aux
administrations communales, au gouverneur de la province et au ministre de
l'intérieur, un inventaire des fondations et dons acceptés par elles, et que
cet inventaire soit affiché dans les églises. »
Renvoi
à M. le ministre de la justice.
-
Adopté.
_________________
M. Lesoinne,
rapporteur. - « Par pétition datée d'Ypres, le 25 février
1848,1e sieur Sinave demande que les administrations des hospices soient tenues
de remettre aux administrations communales un inventaire des fondations que
possèdent ces établissements, et que cet inventaire reste affiché dans la maison
commune. »
Renvoi
à M. le ministre de l'intérieur.
-
Adopté.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS
Discussion des articles
M. le président. -
L'amendement présenté par M. de Man d'Attenrode est ainsi conçu :
«
Par exception à l'article. 21 de la loi sur la comptabilité de l'Etat, il peut
être traité de gré à gré pour les fournitures qui s'opéreront au moyen de ce
crédit.
« Le
gouvernement fournira à la législature, conformément à l'article 46 de la même
loi, l'état des marchés qu'il aura contractés de cette manière. »
M. le ministre
des travaux publics (M. Frère-Orban). - Je demande
que l'amendement soit rédigé comme suit : « Les articles 20 et 21 de la loi de
comptabilité ne seront pas applicables aux marchés à faire, en exécution de la
présente loi. »
J'ai
dit hier les motifs qui obligeaient à suspendre non seulement l'article 21 de
la loi, mais également l'article 20, qui défend de stipuler dans des marchés
des à-comptes pour des fournitures à faire. Il peut se présenter des
circonstances telles que je doive nécessairement stipuler de pareils à-comptes.
On paraît être d'accord pour dispenser le
gouvernement de suivre l'article 21, qui oblige à traiter par marchés avec
publicité et concurrence. On doit également le dispenser de se conformer aux
prescriptions de l'article 20.
M.
Vilain XIIII. - Je demanderai à M. le ministre si dans le mot
« marchés » il comprend les dépenses à faire pour ouvrages de
terrassements.
M. le ministre des travaux
publics (M. Frère-Orban). - L'amendement comprend tous les
fournitures à faire exécuter par le gouvernement.
M.
Vilain XIIII. - C'est surtout pour les terrassements que le
gouvernement doit être autorisé à s'écarter des dispositions de la loi de
comptabilité ; car les entrepreneurs donnent aux ouvriers un salaire si minime
qu'ils n'ont pas de quoi se nourrir. Je demande, donc que le gouvernement soit
autorisé à faire faire par régie les ouvrages de terrassements.
M. le ministre des travaux
publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, l’inconvénient que
signale l'honorable M. Vilain XIII, et qui a été également signalé hier par
l'honorable M. de Garcia, peut être amoindri, sinon évité, et déjà le
gouvernement y a pourvu. Le gouvernement s'en est préoccupé, ainsi que le
comité des Flandres ; la question ayant été examinée, j'ai stipulé dans le
cahier des charges, pour l'adjudication des travaux des canaux de Zelzaete et
de Schipdonck, que le minimum des salaires à payer serait celui stipulé dans le
bordereau de prix annexé au cahier des charges, déduction faite d'un tantième
qui représente l'intérêt des avances à faire par l'entrepreneur et les frais de
son matériel. Ce tantième a été estimé par les agents de l'Etat à 18 p. c.
De
cette manière la classe ouvrière trouve une garantie qu'elle n'avait pas
précédemment.
Il a été en outre stipulé que le métré des travaux
serait fait par les agents de l'Etat et que, en cas de contestation, le
bourgmestre de la commune serait appelé conjointement avec un ingénieur, pour
régler les différends qui pourraient se présenter.
Ainsi
il a été pourvu aux plaintes légitimes qui ont été signalées par les honorables
membres.
Dans
les marchés qui resteront à conclure et qui seront conclus soit à main ferme,
soit par voie d'adjudication, selon les circonstances, des stipulations seront
insérées qui garantiront les intérêts des ouvriers.
M. de Garcia. -
Je remercie M. le ministre des travaux publics des explications qu'il vient de
donner. Je désire qu'il s'attache autant que possible à faire exécuter en régie
les travaux pour lesquels nous votons des subsides. L'expérience a prouvé,
notamment dans la province de Namur, les avantages de ce système. Une partie
des travaux d'entretien des ponts et chaussées se fout par régie ; les routes
sont beaucoup mieux entretenues et les travaux coûtent relativement beaucoup
moins. (Interruption.) Ces
renseignements, je les tiens de l'ingénieur en chef lui-même de la province de
Namur.
Il
n'y a donc point d'inconvénients à ce que le gouvernement, surtout à raison des
circonstances, embrasse ce système plutôt que le système des adjudications.
Malgré les précautions prises par le gouvernement, l'ouvrier aura toujours
beaucoup de peine à obtenir justice. Cela se conçoit facilement. Arrivé à la fin
de la quinzaine, s'il se plaint d'une réduction dans ses salaires, souvent il
est arrivé qu'il a été menacé d'être renvoyé du travail ; et en présence de ces
menaces, ses besoins lui font renoncer à ses droits.
Il est vrai que M. le ministre des travaux publics
vient de dire qu'il avait inséré dans le cahier des charges une clause d'après
laquelle les plaintes de l'ouvrier, les difficultés qui s'élèveraient entre lui
et l'entrepreneur seraient jugées par l. bourgmestre. J'avoue franchement que
je ne sais jusqu'à quel point la décision de ce fonctionnaire pourrait lier
l'entrepreneur vis-à-vis de l'ouvrier. Je ne sais si légalement une clause
semblable peut sortir ses effets ; à moins qu'on ne le considère comme
arbitrage convenu entre tous les intéressés.
D'après
ces observations, j'espère que les travaux qui font l'objet de la loi qui nous
est soumise, seront exécutés autant que possible en régie : je le désire
surtout parce que ces travaux sont essentiellement destinés à donner du travail
à la classe ouvrière, et que, selon moi, le travail en régie est le moyen le
plus sûr d'assurer la juste rémunération du travail de l'ouvrier.
M.
de Man d'Attenrode. - Messieurs, la proposition que
j'ai déposée sur le bureau, comme celle que vient de déposer M. le ministre des
travaux publics, tend à suspendre les garanties stipulées par l'article 21 de
la loi de comptabilité concernant les travaux faits par l'Etat.
Quelles
sont ces garanties ? Ces garanties consistent à assurer des prix modérés en
faveur du trésor et à prévenir le favoritisme en faveur de l'industrie.
Pourquoi
demandons-nous la suspension de ces garanties ? Nous la demandons afin que
le gouvernement puisse étendre à tous les établissements industriels, à toutes
les industries privées, les avantages des crédits que vous avez votés hier.
(page 1318) En effet,
si l'on procédait par voie d'adjudication, trois ou quatre établissements
seulement profiteraient des bénéfices de la loi que vous allez voter.
Je
ne voulais pas, messieurs, aller aussi loin que le gouvernement. Ma proposition
ne tendait qu'à exempter des prescriptions de l'article 21 les fournitures
faites par les établissements sidérurgiques. M. le ministre l’étend à tous les
travaux quelconques, aux travaux de terrassement, aux travaux de construction ;
il vous demande même une exception à l'article 20 afin de pouvoir accorder des
avances à l'industrie.
D'après
ce que viennent de déclarer les précédents orateurs, il semble que cette
proposition a des chances de succès et j'ai quelque propension à m'y rallier.
Je
ferai remarquer, messieurs, qu'une grande responsabilité va peser sur le
gouvernement, si la proposition est adoptée. Il devra d'abord prendre des mesures
pour assurer à l'Etat des prix modérés. Car si nous faisons des avantages à
l'industrie, il faut que ce ne soit pas complètement au détriment du trésor
public. Il faut ensuite qu'il use d'une grande impartialité.
Quant
à la question des prix, voici, ce me semble, la marche que le gouvernement
devrait suivre, surtout pour les livraisons des rails et accessoires et du
matériel d'exploitation.
Je
crois que le gouvernement devrait réclamer des soumissions de tous les
établissements du pays qui méritent sa confiance. Après avoir examiné ces
soumissions, il devrait adopter la moins élevée et offrir du travail au taux de
cette soumission aux divers établissements.
Et
afin d'obtenir des soumissions avec un rabais considérable, il me semble qu'il
y aurait lieu d'accorder l'avantage de doubles fournitures à l'établissement
qui ferait la soumission la moins élevée.
Ici,
messieurs, j'aurai encore un mot à dire.
Les
prix des fers ont varié en différentes circonstances d'une manière notable.
Vous vous rappellerez peut-être que l'année dernière nous avons discuté des
marchés qui avaient été conclus et qui furent jugés trop élevés. Ces prix
étaient tellement considérables qu'il est même des orateurs qui en vinrent
jusqu'à demander l'introduction des fers anglais, afin de faire cesser une
coalition qui s'était établie entre les divers établissements du pays, pour
forcer la main au gouvernement.
Les
établissements métallurgiques du pays différent entre eux en ce sens qu'il en
est qui sont sous le patronage des sociétés, tandis que d'autres moins
considérables sont dirigés par l'industrie particulière. Eh bien, ce sont les
établissements les moins considérables qui ont fait fléchir les prix qui
avaient été imposés au gouvernement par les établissements patronnés par les sociétés.
Je
demande donc que le gouvernement ait un égard tout particulier pour ces
établissements, qui ont rendu quelques services ; il est de toute justice qu’on
leur en tienne compte.
Encore
une observation.
Le
crédit que la chambre a voté hier a un caractère spécial ; il tend, d'après ce
qu'on a dit, à maintenir l'ordre par le travail ; il tend à alimenter le
travail dans les centres industriels. Il me semble, messieurs, que le
gouvernement doit engager les chefs des établissements à prendre en considération
les circonstances où nous nous trouvons, à ne pas chercher à faire des gains
considérables, car ce serait là une chose tout à fait inconvenante, dans un
moment où nous sommes obligés de recourir à un emprunt forcé pour faire faire
des travaux qui ont surtout pour but l’entretien de la classe ouvrière.
Maintenant,
messieurs, voici des questions que j'ai à adresser au gouvernement. Vous vous
rappellerez qu'en mainte circonstance, je me suis élevé contre le système qui
consiste à prélever des sommes considérables sur les crédits que nous votons en
faveur des constructions, pour accorder des traitements et des indemnités. M.
le ministre des travaux publics me permettra de lui demander s'il compte
prélever, sur les crédits que vous avez votés, des sommes quelconques pour
traitements ou indemnités d'un personnel qui est déjà si largement rétribué sur
le budget ?
Voici
le sujet de ma deuxième interpellation : Le gouvernement possède à Malines une
fabrique, qui nous coûte excessivement cher, puisque je vois figurer au budget,
rien que pour salaires des ouvriers, une somme de 270,000 fr. et une somme de
58,960 fr. pour traitement du personnel chargé de la surveillance ; ensemble
528,060 fr.
Eh
bien, messieurs, dans le passé on a donné une telle extension à cette fabrication
gouvernementale que sur une somme de fr. 2,076,694 82 dépensée pour la
construction de moyens de transport, le gouvernement a prélevé 615,000 fr. pour
salaires de ces ouvriers de l'atelier de Malines ; c'est plus du quart de la
somme totale ; cela est d'autant plus étrange que le travail de ces ouvriers ne
consiste qu'à assembler et ajuster les pièces que l'on se procure près de
l'industrie privée, les caisses de voitures, les roues, les essieux, toutes ces
pièces sont réunies à Malines et le personnel qui s'y trouve est employé à les
assembler, à les ajuster, à les garnir, et à les peindre.
J'ai
fait, messieurs, ces jours-ci, à propos de cette espèce d'enquête que nous
avons été chargés de faire, j'ai fait un relevé du personnel d'ouvriers qui se
trouvent à la fabrique de Malines : j'ai recueilli sur les étals de quinzaines
84 menuisiers et 39 aides-menuisiers. Conçoit-on ce que celle compagnie de
menuisiers peut faire à Malines, puisqu'il ne s'agit que d'ajuster, d'assembler
des pièces, de peindre et de garnir ? Je trouve ensuite 23 peintres et 34
aides-peintres ; le nombre total des ouvriers et contremaîtres s'élève à 432.
Mais,
messieurs, c'est là un personnel ruineux, qui certainement travaille moitié
moins que le personnel qui est employé par l'industrie privée. J'espère bien
qu'après avoir voté hier des sommes que vous aurez tant de difficulté à réunir,
nous ne verrons pas le quart de ces sommes, en ce qui concerne les travaux du
matériel des transports, passer dans cet atelier de Malines. Il me semble que
dans un temps ou déjà l'on réclame contre la fabrication dans les prisons, le
gouvernement doit user avec quelque modération d'une fabrique gouvernementale
où l'on produit incontestablement à des conditions moins avantageuses que dans
les établissements particuliers ; qu'il se rappelle souvent que le but de la
loi est d'alimenter le travail de l'industrie privée.
Encore
un mot, messieurs, quant au libellé qui a été présenté par le gouvernement.
Je
viens de déclarer que je me sentais disposé à me rallier à ce libellé. Mes
honorables amis, MM. Vilain XIIII et de Garcia ont fait valoir la considération
que les travaux exécutés en régie, abandonnés directement aux ouvriers, sont
plus avantageux pour eux que ceux qui sont confiés à des entrepreneurs, puisque ceux-ci emportent des sommes
considérables. Ces honorables membres ont déclaré que puisque nous ne pouvons
pas nous dispenser de faire les travaux dont il s'agit, nous devons les
exécuter de manière que les ouvriers en retirent tout le bénéfice possible.
Toutefois en me ralliant à la rédaction du gouvernement, qui leur donne toute
satisfaction, je ferai une réserve. M. le ministre n'a pas ajouté à sa
rédaction le deuxième paragraphe de ma proposition. Elle était ainsi
conçue : « Le gouvernement fournira à la législature, conformément à
l'article 46 de la loi de comptabilité, un état des marchés qu'il aura
contractés de cette manière. » Eh bien, je tirerai encore cette partie de mon
amendement. Le gouvernement n'a pas présenté de disposition pour suspendre
l'exécution de l'article 46 de la loi de comptabilité. Cet article conserve
donc toute sa force, toute sa valeur, et dès lors le gouvernement reste obligé
à rendre à la législature, un compte des marchés qu'il aura conclus, d'une
manière tout à fait exceptionnelle.
M. le ministre des travaux
publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, je n'ai pas reproduit
dans la rédaction que je viens de proposer le deuxième paragraphe de
l'amendement de M. de Man, qui tend à rendre applicable l'article 46 de la loi
de comptabilité aux fournitures qui pourront être faites en exécution de la loi
actuelle. Je ne voyais pas d'inconvénient à reproduire cette disposition, mais
je l’ai trouvée surabondante, puisque, les articles 20 et 21 se trouvant
suspendus, il y a lieu de rendre compte, en vertu de l'article 46.
L'honorable
M. de Man a signalé de nouveau les faits qui se rapportent au crédit
supplémentaire dont la chambre est saisie, mais qui n'est pas instruit
aujourd'hui, qui est retenu par la section centrale et sur lequel je regrette
de devoir, toujours incidemment, aujourd'hui comme hier, donner des
explications.
M.
de Man d'Attenrode. - C'est le passé qui doit nous
instruire.
M. le ministre des travaux
publics (M. Frère-Orban). - Avant d'affirmer des faits, il
faut que l'on puisse examiner les pièces, les apprécier contradictoirement, et
déjà, hier, j'ai démontré, je pense, d'une manière irrécusable, les erreurs
dans lesquelles tombait l’honorable membre. Aujourd'hui, il en commet de la
même nature quant aux salaires, et il en aura la preuve lorsqu'il aura examiné
les documents que j'ai soumis à la section centrale. Elever constamment des
préjugés, produire des accusations contre ce que fait le gouvernement, sans que
la chambre soit à même d'apprécier ces accusations, c'est, je dois le dire, une
chose véritablement fâcheuse. Il ne faudrait produire de semblables accusations
que lorsqu'on peut les appuyer par des preuves claires, évidentes, et l'on en
est seulement aux soupçons ; les pièces que l'on a sous les yeux ne sont
pas examinées.
M.
de Man d'Attenrode. - Elles sont examinées.
M. le ministre des travaux
publics (M. Frère-Orban). - Alors vous avez eu grand tort
d'affirmer hier qu'il y avait eu une sorte de détournement de fonds, en ce qui
concerne le crédit accordé par la loi d'avril 1845. Il est positif que les
développements indiquaient très clairement les constructions qui devaient être
faites ; or vous avez dit, qu'en appliquant les fonds à des dépenses relatives
à ces constructions, on avait violé la loi, et c'est une erreur évidente. Dites
que c'est une faute d'avoir excédé les crédits alloués, si l'urgence des
travaux n'est pas démontrée, et vous aurez raison. Mais ne fondez pas vos
accusations sur des faits contraires.
M.
de Man d'Attenrode. - Je maintiens ce que j'ai dit
hier,
M. le ministre des travaux
publics (M. Frère-Orban). - Je répète que nous ne pouvons pas
discuter d'une minière aussi irrégulière une demande qui n'est pas encore
soumise à la chambre ; je l'examinerai, lorsqu'elle sera mise en délibération.
L'honorable
membre fait au gouvernement quelques recommandations quant aux travaux qui
devront être commandés directement aux établissements. Il dit que je dois
prendre en considération les établissements qui sont dirigés par des particuliers
et qui auraient notablement fait réduire le prix des fers, maintenus à des taux
élevés, par suite d'une espèce de coalition de la part des établissements
patronnés par les banques. Pour être vrai, je dois dire que la réduction des
prix des fers est due à la société anonyme de Monceaux, patronnée par une
banque. Il y a donc erreur sur ce point de la part de l'honorable membre.
Dans
la répartition à faire des commandes, je n'aurai à prendre en considération, ni
les établissements patronnés par les banques, ni les (page 1319) établissements dirigés par des particuliers, je
m'efforcerai d'être juste envers les uns et les autres et de faire, dans
l'intérêt public, l'emploi le plus utile des fonds qui me seront confiés.
L'honorable
membre demande si l'on devra prélever des salaires sur les fonds qui sont
alloués au gouvernement. Messieurs, si le mode qui est indiqué par certains
membres doit être suivi pour l'exécution des travaux, le mode d'exécution en
régie, je devrai prélever des salaires sur ces fonds...
M.
de Man d'Attenrode. - Et des traitements ?
M. le ministre des travaux
publics (M. Frère-Orban). - Les traitements des agents de l'Etat
sont une charge du budget ; cela a été formellement stipulé, en ce qui touche
les agents du chemin de fer, sur la proposition même de l'honorable membre.
L'établissement
de Malines a été l'objet de critiques très vives de la part de l'honorable membre
; l'honorable M. de Man voudrait qu'on y restreignît considérablement ce qui
s'y fait ; que, dans un moment où l'on parle d'abolir le travail dans les
prisons, on n'entretînt pas non plus ces fabriques gouvernementales qui font
concurrence aux établissements privés. Mais l'honorable membre ne remarque pas
que ce sont, en définitive, des ouvriers qui sont employés dans cet atelier ;
que si le gouvernement y restreignait considérablement le travail, il ferait le
contraire de ce qu'on engage les établissements à faire : il serait obligé de
renvoyer un grand nombre d'ouvriers.
M.
de Man d'Attenrode.
Ce sont des ouvriers privilégiés.
M. le ministre des travaux
publics (M. Frère-Orban). - Hélas ! on ne peut trop se
plaindre s'il y a des ouvriers privilégiés ! ce que je sais, c'est qu’il y a au
chemin de fer environ 4,000 ouvriers de toute nature, que ces ouvriers ne
jouissent pas d’un salaire plus élevé que les ouvriers ordinaires ; mais ils se
trouvent placés dans de meilleures conditions, parce que l'on a pris certaines
mesures pour assurer leur avenir : c'est ce qu'il faudrait conseiller aux
autres établissements ; c'est ce que devraient faire les particuliers, c'est ce
que l'on va essayé de faire à l'aide des caisses de secours et de prévoyance
pour lesquelles des fonds ont été votés récemment.
Les ouvriers attachés au chemin de fer de l'Etat
ont, à l'aide d'une retenue sur leur salaire, constitué une caisse de secours
et de prévoyance qui aura pour résultat de mettre ces ouvriers à l'abri du
besoin, en cas de maladie, leurs veuves ou leurs enfants, en cas de mort. Ils
ont même droit à une pension, lorsque, par suite de l'âge ou des infirmités ils
se trouvent dans l'impossibilité de travailler. Il n'y a pas trop à se plaindre
de ce qui se fait en ce sens. C'est un bel exemple qui devrait être partout
suivi ; le chemin de fer donne sous ce rapport des enseignements très
salutaires.
Si
j'avais supposé que la question se fût présentée, j'aurais pu donner des
renseignements sur ce qui s'est fait au chemin de fer, pour la caisse de
prévoyance et de secours, et je pense que la chambre en aurait été extrêmement
satisfaite.
M. de Brouckere, rapporteur.
- Messieurs, ce n'est pas sur l'amendement de M. le ministre des travaux
publics que j'ai réclamé la parole ; je déclare d'avance que je voterai pour
cet amendement, et j'ajoute que j'ai confiance dans ce que fera le
gouvernement, quant à la répartition des fournitures à faire. Mais avant que la
chambre n'émette son vote définitif sur le projet de loi, je désire lui
soumettre deux observations qui ne sont peut-être pas nécessaires pour elle,
mais qui ne seront pas inutiles en dehors de cette enceinte.
La
première observation, c'est que la chambre a adopté tous les chiffres présentés
en dernier lieu par M. le ministre des travaux publics et que, s'il y a eu des
réductions sur les chiffres présentés primitivement, ces réductions opérées
d'accord avec lui ne tombent que pour une part très minime sur les fournitures
à faire par les établissements industriels.
Les
principales réductions sont les suivantes : environ 900,000 francs sur les
constructions, et 900,000 fr. pour achat et pose de billes ; à ces 1,800,000
fr., il faut en ajouter 800,000 que M. le ministre avait demandés en plus pour
l'augmentation du matériel des transports ; mais quant à ces 500,000, fr., ma
pensée est qu'ils seront alloués par la prochaine législature.
Ainsi
donc les réductions n'affectent pas ou n'affectent que pour une part très
minime les fournitures à faire par les établissements industriels.
Ma
seconde observation, la voici : la chambre a alloué, pour fourniture de rails
et accessoires, une somme de 1,670,151 francs 20 centimes ; eh bien, les rails qui
seront commandés à l'aide de cette allocation, ne pourront pas, au moins pour
la plus grande partie, être employés pendant cette campagne, parce que l'emploi
de ces rails doit nécessairement être précédé de l'achat et du placement des
billes ; ces rails seront donc pour la plupart mis en magasin pendant quelque
temps. Il s'ensuit que très probablement d'ici à la fin de l'année, la
législature ne pourra plus accorder que de bien faibles allocations pour
l'augmentation de la quantité de rails qui vont être commandés, et dont nous
n'autorisons aujourd'hui la fourniture que dans le seul intérêt de la classe
ouvrière.
Messieurs, je fais cette déclaration, afin que les
industriels ne se fassent pas illusion. La chambre se montre aussi bien
disposée à leur égard qu'ils pouvaient s'y attendre ; la chambre, quelle
qu'elle soit l'année prochaine, montrera les mêmes dispositions, j'en suis
certain ; mais enfin, quel que soit le bon vouloir de la législature, il y aura
nécessairement, dans les allocations auxquelles on consentira en faveur des
industriels, il y aura des bornes au-delà desquelles il sera impossible
d'aller. Voilà les deux observations que je voulais soumettre à la chambre
avant qu'elle passât au vote définitif de la loi.
M. de La
Coste. - Quand j'ai examiné dans les sections le projet en
ce moment soumis à nos délibérations, j'avais témoigné que j'étais disposé à
voter quatre millions et même à en faire l'objet d'un vote de confiance, à
laisser la somme à la disposition de M. le ministre pour être employée de la
manière la plus utile, non seulement en achats, mais en avances, afin de mettre
en activité une plus grande quantité de travail que la somme ne comportait en
elle-même.
Après
avoir un peu bataillé sur les chiffres, comme il convient à ceux qui disposent
de la bourse des contribuables, je voterai pour l'ensemble des sommes que la
chambre a allouées. Mais je ne puis m'empêcher de revenir sur une observation
fuite hier par l'honorable M. de Man. Le vote auquel je m'associe, parce que
j'ai la conviction que les sacrifices qu'on fait pour conserver l'ordre sont
moindres encore que ceux qu'on est obligé de faire pour le rétablir quand il a
cessé d'exister ; ce vote, il ne faut pas se le dissimuler, causera une vive
impression dans les localités auxquelles nous devons notre élection, et cette
impression sera loin d'être favorable.
Ainsi
que l'a dit l'honorable M. de Man, dans ce crédit il n'y aura rien ou du moins
une somme tout à fait insignifiante pour l'arrondissement de Louvain.
Cependant, je ne puis pas prévoir, personne ne peut prévoir si les mêmes motifs
qui déterminent la chambre à accorder l'allocation dont il s'agit, pour tout le
pays, ne nécessiteront pas également l’exécution de quelques travaux, soit dans
la ville de Louvain, soit dans le reste de l'arrondissement.
J'ai
trouvé dans les développements du projet 19,000 fr. pour maisons de garde, près
de Louvain, et 9,000 fr. pour la station de Tirlemont, et encore, cela fait-il
partie d'un crédit qui a été réduit. Ce sont là, comme moyen de travail, des
ressources tout à fait insignifiantes.
Je
rappellerai que dans les propositions primitives, qu'il a fallu restreindre à
cause de la situation des finances et du crédit, le gouvernement avait compris
une somme qui aurait profité à l'arrondissement de Louvain, celle qui était
destinée à la construction de prisons. Ce crédit n'a pas été reproduit dans le
projet actuel qui nous est défavorable sous tous les rapports. Je demanderai du
moins que cette construction fasse l'objet des méditations du gouvernement et
que celui-ci apporte une attention spéciale à l'examen de toutes les
propositions qui pourront lui être faites de la part de la ville et de
l'arrondissement de Louvain relativement à des travaux à exécuter au moyen d'allocations
pour d'autres objets, comme les chemins vicinaux et les routes.
C'est
une recommandation que je ne puis me dispenser de faire, parce que je la crois
juste, et dont l'effet serait de nature à atténuer l'impression que causera le vote
de cinq millions au payement desquels l'arrondissement de Louvain contribuera
pour une forte part, tandis qu'il n'aura qu'une part insignifiante dans les
résultats avantageux.
-
La discussion est close.
L'amendement
de M. de Man, sous-amendé par M. le ministre des travaux publics, est mis aux
voix et adopté.
M. le président.
- Comme l'article unique a subi des modifications, veut-on remettre à une autre
séance le vote définitif ? (Non !
non !)
-
La chambre consultée décide qu'elle votera d'urgence.
Second vote des articles et vote sur l’ensemble
M. le président.
- Je proposerai de faire de l'amendement un article 2.
-
Cette proposition est adoptée.
« Art.
1er. Il est ouvert au département des travaux publics un crédit de 5 millions
pour travaux au chemin de fer de l'Etat :
« A.
Terrassements et ouvrages d'art, rampes et pavages : fr. 636,800. »
« B.
Bâtiments des stations et loges de gardes : fr. 628,897 80
« C.
Rails et accessoires pour doubles voies ou renouvellement des voies
existantes : fr. 1,570,352 20
« D.
Matériel des stations : fr. 353,950
« E. Matériel des
transports : fr. 1,500,000
« F.
Raccordement de la station de Gand : fr. 200,000
« (Ces
200,000 fr. ne sont accordés qu'à titre d'avances et seront remboursés par la
ville de Gand.)
« G.
Raccordement de la station de Bruges. : fr. 110,000, sans que la part
d'intervention de l'Etat puisse excéder cette somme. »
M. le ministre des travaux
publics (M. Frère-Orban). – Il est bien entendu que le crédit
est mis à la disposition du gouvernement et que la division ne comprend que des
littera.
M.
de Man d'Attenrode. - Il est entendu que les divers
paragraphes ne constituent pas des articles, mais des littera, d'après la
demande du gouvernement ; or, les littera n'engagent pas l'administration.
Mais
je tiens à ce qu'ils soient compris dans le texte de la loi, afin qu'elle ne
perde pas de vue les intentions manifestées par la chambre.
M. de Brouckere. -
Ce sont des indications.
-
L'article premier est adopté.
________________
« Art.
2. Les articles 20 et 21 de la loi de comptabilité de l'Etal ne seront pas applicables
aux marchés à faire en exécution de la présente loi. »
_________________
(page 1320) Il est procédé à l'appel
nominal sur l'ensemble de la loi.
En
voici le résultat :
77
membres sont présents.
5
s'abstiennent.
72
prennent part au vote.
61
votent pour l'adoption.
11
votent contre.
La
chambre adopte.
Ont
voté pour l'adoption : MM. Desaive, de Sécus, Destriveaux, de Terbecq. de
Theux, de Tornaco, de Villegas, d'Hane, d'Hoffschmidt, d'Huart, Dolez, Donny,
Dubus (aîné), Dumont, Faignart, Fallon, Frère-Orban, Gilson, Henot,
Herry-Vispoel, Jonet, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Maertens,
Manilius, Mercier, Moreau, Osy, Pirmez, Pirson, Raikem, Rogier, Rousselle,
Sigart, Simons, T'Kint de Naeyer, Troye, Van Cleemputte, Vanden Eynde,
Vandensteen, Verhaegen, Veydt, Vilain XIIII, Zoude, Anspach, Brabant,
Broquet-Goblet, Cogels, Dautrebande, de Brouckere, de Chimay, Dedecker, de
Denterghem, de La Coste, Delehaye, Delfosse et de Muelenaere.
Ont
voté contre : MM. Huveners, Orban, Rodenbach, Thienpont, Van Renynghe, David,
de Corswarem, de Haerne, de Liedekerke et Liedts.
Se
sont abstenus : MM. Eloy de Burdinne, Lys, Bricourt, de Garcia et de Mérode.
M. le président.
- J'invite les membres qui se sont abstenus à motiver leur abstention.
M.
Eloy de Burdinne. - Dans les dépenses proposées,
s'élevant à cinq millions, il en est plusieurs auxquelles j'aurais voulu donner
mon approbation ; mais comme il en est beaucoup d'autres auxquelles je la
refuse, j'ai dû m'abstenir.
M. Lys.
- J'aurais voté volontiers pour plusieurs articles du crédit. Mais il en est
que je ne puis adopter, notamment ceux qui tendent à accorder des avantages à
des établissements industriels, parce que c'est, selon moi, donner ouverture à
des réclamations d'autres industries, qu'il faudra accueillir ; ainsi, pour ne
pas être injuste, mieux vaut les rejeter toutes.
Ensuite,
je ne puis admettre un prêt de 200,000 fr. à faire à une ville opulente. Il
sera pourvu à ce crédit au moyen de l'emprunt forcé. Ce ne sera donc pas
seulement le riche, mais encore le petit industriel, le petit propriétaire, la
petite bourgeoisie, qui devra en faire les fonds, si le projet est adopté ainsi
qu'il est présenté. Par ce motif, je n'ai pu donner mon assentiment à la loi.
M. Bricourt.
- Je n'ai pas voulu voter contre le projet, parce que je reconnais l'utilité
des allocations qui y figurent ; je n'ai pas voulu voter pour, parce que les
chiffres de ces allocations me paraissaient exagérés, surtout alors qu'elles
doivent être couvertes au moyen d'un emprunt forcé. En un mot, j'aurais voulu
que l'on demeurât dans les limites fixées par la section centrale.
M. de Garcia. -
Messieurs, les circonstances où nous nous trouvons commandent des sacrifices
considérables pour donner du travail aux ouvriers. Ce motif m'a déterminé à ne
pas voter contre la loi. Mais, d'un autre côté, les sacrifices qu'on demande me
paraissent trop élevés et peu en rapport avec ce qu'on peut sagement imposer au
contribuable par un emprunt forcé.
A
mes yeux, la hauteur de ces sacrifices exorbitants forcera le contribuable à
restreindre les dépenses du travail particulier et nuira aux ressources de la
classe ouvrière beaucoup plus qu'elle ne servira ses vrais intérêts ; en effet,
on ne peut se dissimuler que le contribuable ne pourra faire travailler, obligé
qu'il sera de donner ses écus au trésor.
Par
ce motif, je n'ai pu donner mon assentiment à la loi.
M. de
Mérode. - Je me suis abstenu par les motifs qu'ont énoncés
MM. Eloy de Burdinne et Bricourt.
FIXATION DE L’ORDRE DES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
M. le président.
- La suite de l'ordre du jour appelle la prise en considération de demandes de
naturalisation ordinaire et la nomination du greffier de la chambre.
M. Verhaegen.
- Je crois qu'il conviendrait de terminer immédiatement la loi sur la garde
civique que le sénat attend. Entre les deux votes de cette loi, nous pourrions
nous occuper des deux objets qui viennent d'être indiqués par M. le président.
M.
le ministre des finances (M. Veydt). - Je
voulais faire une proposition analogue à celle de l'honorable M. Verhaegen ;
elle a aussi pour objet notre ordre du jour.
II
serait très désirable, messieurs, que le projet de loi d'emprunt fût mis à
l'ordre du jour de lundi, en toute première ligne. Nous ne pouvons, je pense,
différer davantage une si importante discussion.
Si
l'examen de la loi sur la garde civique peut être terminé cette semaine, tant
mieux. Dans le cas contraire, je demanderai que M. le ministre de l'intérieur
consente à ce que la continuation de cette discussion soit postposée au projet
de loi sur l'emprunt.
M. Verhaegen. - Je me rallie
volontiers à l'observation de M. le ministre des finances.
Pour
atteindre son but, il serait convenable de reprendre de suite la discussion de
la loi sur la garde civique. Si la chambre voulait se réunir demain de bonne
heure, nous pourrons terminer, et commencer, à l'ouverture de la séance de
lundi, la discussion du projet de loi d'emprunt.
M. de
Tornaco. - Je viens d'entendre M. le ministre des
finances demander que le projet de loi d'emprunt soit mis à l'ordre du jour de
lundi. Je désirerais savoir si le gouvernement s'en tient aux bases proposées à
la chambre, s'il n'a pas l'intention d'y apporter quelques modifications. Il
est à remarquer que la section centrale n'a pris aucunes conclusions sur un
projet de loi d'une si haute importance. De sorte que la chambre est exposée à
une discussion qui peut devenir interminable.
Si
donc le gouvernement a des modifications à présenter, il serait bon qu'il les
fît connaître.
Je
crains que la discussion ne se prolonge indéfiniment, le but de ma demande est
d'éviter cet inconvénient.
Je
ferai remarquer ensuite que la semaine prochaine est une semaine où la chambre
a l'habitude de se séparer pour quelques jours. Je sais qu'en raison des
circonstances on pourrait déroger a cette habitude. Cependant il conviendrait
de laisser aux membres de la chambre quelques jours, pour qu'ils puissent
retourner chez eux.
Ceux
qui se rendent chez eux tous les samedis en parlent à leur aise. Il' est très
commode pour eux de critiquer ceux qui de temps en temps veulent retourner dans
leurs foyers pour vaquer à leurs affaires. Les personnes qui se trouvent
exactement à leur poste doivent, me semble-t-il, après deux mois, avoir
quelques jours à eux. (Interruption.)
Je n'insiste pas sur cette observation ; mais il me
semble qu'outre les autres observations, je peux faire valoir celle-là, sans
susciter des murmures de la part de mes collègues.
Je
reviens à l'opinion que j'ai émise d'abord ; je pense qu'il serait désirable
que le gouvernement, dans l'intérêt de la discussion et afin de l'abréger, fît
connaître les modifications qu'il se propose d'introduire, si toutefois il
s'agit de modifications ;
C'est
parce que j'en ai entendu parler que je me permets cette question.
M. le ministre des finances (M. Veydt).
- Messieurs, la lecture du rapport de l'honorable M. Rousselle fait connaître
que la plupart des sections ont exprimé le désir que l'emprunt ne soit fourni
que par les personnes le mieux en état de le payer. Dans cette vue l'administration
s'applique à chercher s'il ne serait pas possible de prélever, en effet,
l'emprunt sur les contribuables les plus imposés tant pour la contribution
foncière que pour la contribution personnelle, et tout en maintenant les autres
bases ; car jusqu'à présent le gouvernement maintient les bases de son projet.
Ce travail est avancé et je serai en mesure de le soumettre demain à mes
collègues. S'il est approuvé, je m'empresserai de le faire connaître à la
chambre, en faisant distribuer les modifications auxquelles il donnera lieu.
M. Lebeau. -
Messieurs, je ne m'oppose en aucune façon aux motions qui ont été faites de
continuer la discussion du projet de loi relatif à la réorganisation de la
garde civique et de fixer à lundi la discussion du projet de loi d'emprunt. Je
reconnais parfaitement l'urgence de ces deux mesures.
Mais
la chambre a mis à l'ordre du jour deux projets de loi qui n'ont aucune
importance et qui ont un caractère d'urgence. Un de ces projets notamment a un
tel caractère d'urgence, que si la chambre en différait un peu le vote, il
serait sans objet : c'est le projet de loi relatif à la réunion du canton de
Stavelot à l'arrondissement de Verviers, projet qui n'a rencontré aucune
objection, et qui aura tout au plus, je dois le croire, les honneurs d'un appel
nominal. (Interruption.)
Je
ne comprendrais pas, à moins qu'on ne voulût faire avorter le projet qui a été
soumis à la chambre, et les tentatives réitérées faites par la commune de
Stavelot elle-même, je ne comprendrais pas qu'on pût arrêter le vote de ce
projet. Je demande donc qu'il soit maintenu en tête de l'ordre du jour.
M.
Destriveaux. - Messieurs, je sais qu'en général la chambre attache
peu d'importance aux projets relatifs à des demandes de naturalisation. Aussi
n'insisterais-je pas, surtout en ce moment, pour le maintien de l'ordre du
jour, si parmi les demandes sur lesquelles vous devez vous prononcer il n'en
était plusieurs d'une urgence bien caractérisée. Le retard qu'on apporterait à
se prononcer sur ces naturalisations pourrait être extrêmement nuisible, non
pas sous le rapport d'intérêts pécuniaires, non pas sous le rapport d'intérêts
d'amour-propre, mais sous le rapport d'intérêts d'existence.
Plusieurs membres.
- L'ordre du jour !
-
La chambre consultée décide qu'elle maintient son ordre du jour tel qu'il a été
fixé.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS
Le
scrutin donne le résultat suivant :
Nombre
des votants, 70. Majorité absolue 40.
M.
Em. Huyttens, greffier actuel, obtient l'unanimité des suffrages, il est
proclamé greffier.
PRISE EN CONSIDERATION DE DEMANDES EN NATURALISATION
Nombre
des votants, 79. Majorité absolue, 40.
Thomas-Arnold
Kessels, sous-brigadier des douanes, né à Gouda (Pays-Bas), le 24 octobre 1804,
domicilié à West-Cappelle (Flandre occidentale), obtient 43 suffrages.
________________
Stephano-Hippolyte-Victorin
Colombier, capitaine de première classe au (page 1321) 1er
régiment de chasseurs-carabiniers, né à Vouziers (France), le 20 mars 1807, 55.
________________
Joseph-Jean-Baptiste-Eugène
Dausoigne, sergent-fourrier au ler régiment de chasseurs-carabiniers, né à Paris,
le 16 novembre 1825, 55.
________________
Christian
Zwahlen, sergent au 3ème régiment de ligne, né à Beltegem (Suisse), le 14
septembre 1802, 44.
________________
Jean-Jacob
Vioget, caporal au 3ème régiment de ligne, né à Combremont (Suisse), le 18 février
1792, 43.
________________
Herman-Ernest
Thoyssen, musicien-gagiste au 4ème régiment de ligne né à Altona (Danemark), le
6 juillet 1800, 45.
________________
Jean
Sorin, sergent-major au 9ème régiment de ligne, né à Ligneux (France),
le 15 mai 1804, 39.
________________
Thomas
Homburg, sergent au 2ème régiment de chasseurs à pied, né à Rotterdam
(Pays-Bas), le 1er juin 1808, 46.
________________
Jean-Salomon
Intrau, musicien-gagiste au 5ème régiment de ligne, né à Stollernheiin (Saxe),
le 25 mai 1795, 45.
________________
Charles-Théodore
Leichssenring, musicien-gagiste au 7ème régiment de ligne, né à Leipzig (Saxe),
le 7 janvier 1816, 44.
________________
Henri-Antoine
Hanisch, chef de musique du corps des sapeurs-pompiers, né à Mugeln (Saxe), le
3 novembre 1809, domicilié à Bruxelles, 45.
________________
Jean-Baptiste-Antoine
Meers, commerçant, né à Goes (Pays-Bas), le 18 juillet 1819, domicilié à
Louvain, 55.
________________
Jean-Lambert
Kocn, soldat à la 2ème compagnie sédentaire de fusiliers, né à Maestricht, le
28 fructidor an VIII, 46.
________________
François-Jules
Marot, lieutenant au 12ème régiment de ligne, né à Paris, le 15 messidor an
XIIII, 46.
________________
Pierre-François-Joseph
Laigle, maréchal-ferrant au 1er régiment de chasseurs à cheval, né à Fleurbaix
(France), le 1er août 1797, 42.
________________
Jean-Théophile
Meissner, musicien-gagiste au régiment d'élite, né à Eckartsberga (Prusse), le
1er octobre 1815, 45.
________________
Joseph
Jeslein, sergent-major au régiment d'élite, né à Lille (France), le 3 novembre
1815, 40.
________________
Bernard
Terneus, maréchal des logis au régiment des guides, né à Calcken (Flandre
orientale), le 14 frimaire an XII, 54.
________________
Laurent
Theuwissen, soldat au 3ème régiment de ligne, né à Berg-et-Terblyt (Pays-Bas),
le 21 septembre 1793, 46.
________________
Ferdinand
Clapp, sergent-fourrier au régiment d'élite, né à Paris, le 26 décembre 1825,
39.
________________
Charles-Eugène
Esbaque, employé, né à Wattrelos (France), le 10 avril 1825, 37.
________________
-
En conséquence, les demandes des sieurs Sorin, Klapp et Esbaque sont rejetées ;
les autres sont prises en considération.
PROPOSITION DE LOI TENDANT A REUNIR LE CANTON DE STAVELOT A L’ARRONDISSEMENT ADMINISTRATIF DE VERVIERS
M. le président.
- L'ordre du jour appelle maintenant la discussion de la proposition tendant à
réunir le canton de Stavelot à l'arrondissement administratif de Verviers.
M. Malou.
- Messieurs, dans la séance d'hier on a analysé une pétition présentée par des
électeurs de la ville de Stavelot, au nombre de 44 sur 52, si je suis bien informé.
Ces électeurs s'opposent à l'adoption du projet de loi. La pétition à la suite
de laquelle ce projet de loi a été formulé, émane de l'administration
communale. Il paraîtrait, d'après ce fait, que l'administration communale n'a
pas sainement apprécié l'intention des électeurs de Stavelot.
Dans
une séance précédente on a fait rapport sur une pétition émanée d'une des
communes du canton, et demandant une mesure différente de celle qui est
proposée.
Il
n'est pas fait mention, ni dans le rapport, ni dans la note de M. le ministre
de l'intérieur, transcrite dans le rapport, que la députation permanente ait
été consultée depuis le changement apporté à la loi électorale, ni que les
électeurs du canton de Stavelot aient pu faire leurs observations au sujet de
la mesure proposée.
Je crois donc, messieurs, qu'il est impossible de
statuer en ce moment, lorsque d'une part pour la localité principale et qui
contient le plus grand nombre d'électeurs, nous voyons que la presque unanimité
demande une autre mesure et que, d'autre part, une commune du canton la demande
également.
Je
conçois qu'une décision doive être prise par la chambre, dans un délai assez
rapproché, ainsi que le faisait observer tout à l'heure un honorable membre ;
je ne proposerai donc pas un long ajournement, mais je demanderai que la
chambre ne statue pas aujourd'hui sur le projet, et qu'elle renvoie la pétition
sur l'instruction de laquelle il n'a pas été statué hier, soit à la commission
qui a examiné le projet, soit à la commission des pétitions, avec prière de
faire un prompt rapport. Je pense que cette demande ne peut pas rencontrer
d'opposition.
M. Lebeau. -
Messieurs, rien ne serait plus naturel que de faire droit à la motion de
l'honorable M. Malou ; je m'y rallierais à l'instant, s'il ne s'était pas
complètement trompé sur l'objet de la pétition a laquelle il a fait allusion.
Je pense que cette pétition ne proteste en aucune manière contre l'idée de
réunir, sous le rapport administratif, le canton de Stavelot à l'arrondissement
de Verviers, auquel il ressortit déjà sous le rapport judiciaire.
Je
crois que la pétition n'a nullement cela en vue ; si je suis bien renseigné,
elle se borne tout simplement à demander que l'on puisse faire les élections à
Stavelot même pour le canton. C'est une pétition comme celle de la ville de
Wavre, qui a été analysée dernièrement et elle laisse dès lors complètement
intacte la question du projet de loi auquel il n'y a pas la moindre opposition
de la part de Stavelot, puisqu'une opposition de la part d'un habitant de
Stavelot serait absurde.
M. Lys, rapporteur.
- Messieurs, je vais donner lecture de la pétition pour démontrer que
l'honorable M. Malou s'est singulièrement trompé en disant que les électeurs de
Stavelot s'opposent à la réunion du canton de Stavelot à l'arrondissement de
Verviers :
(L'orateur donne lecture de cette pétition.)
Les
pétitionnaires disent positivement qu'ils sont portés pour la réunion à
Verviers, parce qu'ils établissent qu'ils sont à 17 lieues de Huy, tandis
qu'ils ne sont qu'à 6 lieues de Verviers.
II
n'y a, messieurs, dans tout le royaume que ce seul exemple d'un canton qui
appartient administrativement à un arrondissement et qui fait partie d'un autre
arrondissement, sous le rapport judiciaire.
Les habitants de Stavelot, quand ils ont à traiter une
affaire judiciaire et une affaire administrative, doivent se rendre à Verviers
pour l'une, et à Huy pour l'autre ; c'est là une chose extrêmement désagréable.
Jusqu'ici,
messieurs, il y avait à Stavelot un petit nombre d'électeurs, et déjà ils se
plaignaient fortement de devoir aller à Huy. Une élection leur faisait perdre
trois jours. Le même inconvénient existait pour les affaires de milice.
Aujourd'hui le nombre des élections est augmenté, et par conséquent il y aura
un plus grand nombre de plaintes.
D'après
ces faits, messieurs, il est évident que la réunion à l'arrondissement de
Verviers est une mesure qui convient aux habitants de Stavelot.
M. de
Mérode. - Messieurs, il y a une grande différence entre la
valeur que peut avoir le vote d'un électeur s'il fait partie de tel
arrondissement et la valeur du vote de cet électeur s'il fait partie de tel
autre arrondissement. Si vous êtes réuni à un arrondissement extrêmement
populeux et très industriel, et que vous apparteniez à une localité dont
l'agriculture est le principal moyen d'existence, il est certain que vous ne
pouvez pas faire représenter vos intérêts. Il ne m'est pas du tout démontré, par
la teneur de la pétition, que les habitants de Stavelot demandent à être réunis
à l'arrondissement de Verviers, en ce qui concerne les élections ; ils me
paraissent bien plutôt animés du désir de conserver les mêmes rapports
électoraux qu'ils ont eus jusqu'ici. Seulement comme ils sont fort éloignés du
chef-lieu, ils demandent, comme les habitants de Wavre et de Jodoigne l'ont
également demandé, à pouvoir voter dans leur localité.
Ce qui est certain, messieurs, c'est qu'il n'y a aucun
inconvénient à attendre que la question ait pu être examinée ; il ne faut pas
brusquer une pareille décision ; il faut savoir si réellement les électeurs
désirent être réunis à l'arrondissement de Verviers ou s'ils désirent continuer
à faire partie de l'arrondissement de Huy. Quant à moi, s'ils désirent
réellement que leur canton soit réuni à l’arrondissement de Verviers, je suis
tout disposé à voter la réunion ; mais s'ils désirent continuer à faire partie
de l'arrondissement de Huy, ce serait une singulière manière de faire droit à
leur pétition, que de prendre une décision tout à fait opposée à leur vœu. Je
demande, pour qu'il n'y ait pas de surprise, que la chambre adopte la
proposition de l'honorable M. Malou.
M. Malou.
- Messieurs, je n'ai pas dit tout à l'heure que les 44 électeurs, signataires
de la pétition, demandent à la chambre d'être réunis à l'arrondissement de
Verviers ; mais j'ai dit qu'ils demandent une mesure différente que celle qui
vous est proposée ; cela résulte à toute évidence de la lecture de la pétition.
Maintenant,
si l'on veut voter sur la proposition de la commission, que va-t-on faire ? On
va faire comme si on passait à l'ordre du jour, sans examen, sur la pétition de
la presque unanimité du corps électoral de Stavelot. Je demande si dans de
telles circonstances il n'est pas juste, il n'est pas nécessaire, en quelque
sorte, d'attendre que la commission, qui s'est prononcée en faveur de la
réunion de Stavelot à Verviers, ait pu faire l'examen de la pétition ; ce sera
pour elle l'affaire de quelques jours, puisqu'elle a pu improviser ce projet en
très peu de temps, elle pourra examiner la pétition et présenter de nouvelles
conclusions.
Dans
cet intervalle, l'on pourra savoir quel est réellement le vœu des habitants ;
pour moi, je ne connais pas les localités ; en présence des demandes diverses
qui sont faites, je ne puis pas démêler pour le moment quel est le véritable
vœu, quel est le véritable intérêt des habitants.
Ce motif me force à demander que la chambre ne statue
pas aujourd'hui, et qu'elle prononce un délai de quelques jours. Si je faisais
une proposition qui pût entraîner virtuellement le rejet de la proposition de
la commission spéciale qui était présidée par l'honorable M. de Man, je
concevrais qu'on s'opposât à la demande ainsi formulée, parce que ce serait
implicitement et à l'insu de la chambre, rejeter une proposition dont elle est
saisie ; mais telle n'est pas ma motion ; je demande seulement qu'on se donne
le temps d'examiner quel est le véritable vœu, le véritable intérêt des
pétitionnaires. Nous avons, d'une part, une pétition signés par le bourgmestre
et le secrétaire de Stavelot, et d'autre part, une pétition signée par 44
électeurs, et si je suis bien informé, Stavelot renferme 52 électeurs.
M. de Tornaco. -
Messieurs, la proposition de l'honorable préopinant tend à faire ajourner la
discussion du projet de loi qui nous occupe en ce moment. L'argument principal
de cet honorable membre est qu'un examen (page
1322) préalable de la pétition devrait avoir lieu et qu'un rapport devrait
être fait par la commission des pétitions ; je pense que cet argument vient
d'être complètement détruit, attendu que la chambre a pris connaissance de la
pétition tout entière ; la chambre à présent est suffisamment éclairée sur le
sens de cette pétition.
Les
pétitionnaires demandent à être réunis à Verviers, de préférence à Huy. Je
crois que sur ce point il n'y a pas de doute. Si la chambre avait quelque doute
sur le sens de la pétition, je lui rappellerais qu'il y a huit ou dix jours à
peine que nous avons eu une autre pétition qui ne laissait aucun doute ; cette
pétition n'exprimait pas seulement le vœu formé aujourd'hui par le conseil
communal de Stavelot, mais elle se faisait I écho du vœu exprimé depuis 20 ans
par les habitants de Stavelot.
Cette
affaire est importante. Il s'en est agi au conseil provincial de Liége à
diverses reprises, notamment en 1837. Tout le monde admettait tellement la
légitimité de la demande des habitants de Stavelot, que le conseil provincial a
avisé favorablement et à l'unanimité sur cette demande. La délibération du
conseil provincial doit se trouver dans les archives du ministère de
l'intérieur.
Je
crois, quant au vœu des habitants de Stavelot, qu'il ne peut pas y avoir de doute
; il faudrait fermer les yeux sur la situation respective des diverses
localités pour ne pas comprendre que les habitants de Stavelot désirent et
doivent désirer ardemment d'être réunis à l'arrondissement de Verviers.
Messieurs,
on vous a parlé tout à l'heure de 17 lieues que les habitants de Stavelot
doivent taire pour se rendre à Huy ; mais ils ont encore à faire 17 lieues pour
le retour ; ce qui fait en tout 34 lieues. Ils ont à s'imposer des dépenses,
ils doivent abandonner leurs affaires et loger dans la ville de Huy ; les
électeurs de Stavelot arrivent ordinairement la veille, et très souvent ils ne
s'en retournent que le lendemain de l'élection.
Un autre vœu qui est exprimé par les pétitionnaires et
sur lequel s'appuient les honorables membres qui ont parlé avant moi, c'est
d'être réunis à un autre arrondissement ou de voter dans le chef-lieu de leur
canton, c'est-à-dire de faire de Stavelot un chef-lieu particulier pour les
élections ; mais ce vœu avait déjà été exprimé dans la pétition précédente, et
vous comprenez que dans ce moment l'on ne peut donner suite à ce vœu ; il
faudrait changer la loi de réforme électorale votée il y a peu de temps, de
sorte qu'il ne reste plus que la pétition dont il vient d'être fait lecture :
c'est-à-dire, qu'il reste à choisir entre Huy et Verviers ; ce choix ne pouvant
être douteux pour les habitants de Stavelot, il faut réunir ces habitants à
Verviers, c'est ce que je prie la chambre de faire en ce moment ; j'espère que,
dans l'intérêt des habitants de Stavelot, la chambre n'hésitera pas à voler le
projet de loi.
M. Delfosse.
- Si l'honorable M. Malou connaissait les localités et les antécédents, il
n'hésiterait pas un instant à se prononcer avec nous en faveur de la
proposition Je la commission spéciale.
Comme
on vous le disait tantôt, il y a vingt ans que les habitants du canton de
Stavelot pétitionnent pour être réunis à l’arrondissement de Verviers. Le
conseil provincial de Liège et la députation permanente ont constamment appuyé
cette demande auprès du gouvernement, et il est étrange qu'on n'y ait pas
encore donné suite.
La
situation des habitants du canton de Stavelot est vraiment intolérable, lis ont
vingt lieues à faire pour exercer leurs droits politiques, ils doivent passer
par Verviers et par Liège pour aller voter à Huy. Leur réunion à
l'arrondissement de Verviers est un acte de justice qui ne doit plus se faire
attendre.
L'honorable M. Malou a tiré de fausses conséquences de
la pétition qui a été déposée hier sur le bureau. Parce que les pétitionnaires
ont demandé le vote au chef-lieu de canton, l'honorable membre s'imagine qu'ils
ne veulent pas la réunion à l'arrondissement de Verviers.
Mais
s'ils ont fait cette demande, c'est parce qu'ils désespéraient d'obtenir la
réunion à l'arrondissement de Verviers, c'est parce que de nombreuses démarches
étaient restées sans résultat ; ils ont dû naturellement croire qu'ils
continueraient à faire partie de l'arrondissement, de Huy et demandent, sous
l'influence de cette idée, le vote au chef-lieu. Mais on aurait tort de
conclure de cette demande subsidiaire qu'ils ne préfèrent pas la réunion à
l'arrondissement de Verviers ; pour quiconque connaît les localités et les
antécédents, cette préférence n'est pas douteuse.
M. Orban.
- On voudra bien reconnaître une chose, c'est qu'on apporte dans cette affaire
un empressement, je dirai une précipitation qui n'ont rien d'ordinaire. Il y a
à peine 15 jours que la pétition du conseil communal de Stavelot a été adressée
à la chambre et en 15 jours on a trouvé moyen de la renvoyer à la commission
des pétitions, d'en obtenir un prompt rapport, de renvoyer ce rapport au
ministre, d'obtenir du ministre une réponse avec la explications demandées et
un avis favorable, de renvoyer enfin le tout à une commission spéciale qui a
délibéré et pris l'initiative d'un projet de loi sur lequel nous sommes en ce
moment appelés à statuer. C'est là un empressement véritablement peu ordinaire
et qui est d'autant moins explicable qu'il s'agit d'une affaire de la nature la
plus délicate et qui demanderait les plus mûres méditations.
Il
s'agit en effet d'une modification apportée à la circonscription électorale, et
c'est, si je ne me trompe, la première mesure de ce genre qui aura été prise
depuis l'existence de la loi électorale, quoique assurément le district de Huy
ne soit pas le seul dont la circonscription laisse à désirer.
Ne
craint-on pas qu'en procédant ainsi par mesure isolée et exceptionnelle, l'on
ne s'expose au reproche de vouloir favoriser certaines combinaisons électorales
et porter préjudice à d'autres ? Si l'avenir venait à révéler de pareilles
combinaisons, la chambre aurait à regretter le rôle qu'on lui aurait fait jouer
en celle circonstance.
L'on
a parlé de l'instruction qui, dans le temps, a été donnée à cette affaire ;
l'on a dit que la réunion dont il s'agit avait reçu l’adhésion du conseil
provincial. N'est-il pas étrange que sur une simple pétition on s'empresse de
présenter un projet de loi, tandis que sur une demande régulièrement examinée
par la députation et le conseil provincial, à une autre époque, on n'a pas jugé
à propos de soumettre un projet à la chambre ?
Pour
justifier une semblable déviation des règles administratives, il faudrait au
moins que le vœu des électeurs du canton de Stavelot fût clairement manifesté.
C'est ce que je ne vois pas.
La
pétition dont vous avez été saisis en premier lieu émane, non des habitants,
mais du conseil communal d'une seule localité. Depuis lors une seconde pétition
vous est parvenue, émanant cette fois des habitants, et celle-ci se borne à
demander le vote au chef-lieu du canton sans exprimer le vœu d'une réunion à
Verviers. Cette omission est très significative et elle ressemble tout à fait à
une réclamation contre le vœu exprimé dans la pétition de l'administration
communale.
Si
vous voulez connaître réellement le vœu des électeurs du canton de Stavelot,
consultez-le, attendez au moins qu'il ait eu le temps de se produire ; car il
se peut que, dans quelques jours, vous soyez saisis de réclamations de la part
de toutes les communes du canton dans un sens contraire.
Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !
D'autres voix.
- Non ! non !
M. de Brouckere. -
S'il est une circonstance qui démontre que le projet est véritablement urgent,
c'est précisément l'empressement qui a été mis de toute part à en hâter
l'instruction ; et c'est de cet empressement que l'honorable préopinant veut
tirer la conséquence que rien ne presse ; c'est-à-dire que M. Orban veut avoir
raison contre tout le monde.
M. de
Mérode. - C'est une plaisanterie.
M. de Brouckere. -
Si c'est une plaisanterie, je suis fâché de ne pas y mettre autant d'esprit que
M. de Mérode qui a le privilège de nous faire rire. Pour moi je crois que je ne
fais pas rire M. de Mérode. Le plus souvent, je le mécontente.
Tout
le monde a reconnu qu'il y avait urgence à s'occuper de ce projet ; c’est qu'il
est véritablement urgent. S'il y a quelque chose de surprenant, ce n'est pas
l'empressement qu'on a mis à s'en occuper, mais le retard qu'on a apporté à
mettre la chambre à même de prendre une décision.
On vous l'a dit, depuis 20 ans les habitants du canton
de Stavelot demandent à être réunis à l'arrondissement de Verviers, pendant
vingt ans leurs réclamations ont été stériles. N'est-ce pas le moment de s'en
occuper quand nous sommes à la veille d'élections générales ? Voulait-on que le
projet fût discuté après les élections ? Si la chambre était tentée de
l'ajourner jusqu'au moment où les élections auront eu lieu, c'est alors qu'on
aurait raison de dire qu'il n'est pas urgent, qu'on peut le remettre ;
l'urgence existe précisément parce que nous sommes à la veille des élections,
parce que dans peu de temps les habitants auront à recueillir les avantages qui
doivent résulter pour eux de la résolution que vous prendrez. Car, pour moi,
cette résolution ne saurait être douteuse. J'ai fait partie de la commission qui
a examiné le projet de loi. Je n'ai pas hésité à reconnaître que la proposition
qui vous est soumise est l'expression du vœu général formé par le canton de
Stavelot.
M. de Garcia. -
Malheureusement derrière la question qui nous occupe il y a des intérêts
électoraux ; c'est un fait que nul de nous ne peut dissimuler, et s'il pouvait
y avoir des doutes, ils devront s'évanouir devant les interruptions qui partent
de certains bancs, et devant la manière avec laquelle la proposition est faite
et discutée. Au fond il y a donc ici autre chose qu'une question de bien-être
pour le canton de Stavelot.
Du
reste, l'on doit convenir qu'il peut être utile et avantageux aux communes
ressortissant à ce canton d'être rattachées à l'arrondissement judiciaire de
Verviers. Le vœu de la majorité des intéressés est-il bien manifeste ? C'est ce
qui peut être mis en doute. En effet, la mesure proposée est de nature à amener
non seulement un changement, au point de vue électoral, mais encore une
certaine perturbation dans la partie administrative de ce canton, qui jusqu'à
ce jour a relevé de l'arrondissement judiciaire de Huy.
Entre
autres perturbations, je citerai la matière hypothécaire qui ne peut manquer
d'offre quelques difficultés d'application.
A
la vérité l'on dit que depuis longtemps cette affaire a été instruite ; mais
précisément parce qu'il y a longtemps qu'une instruction a été faite, c'est un
motif de s'assurer si les circonstances n'ont pas changé. Depuis lors on a fait
des lois organiques, qui modifient radicalement ce qui existait. En présence de
cet état de choses, évidemment il fallait une instruction nouvelle. Or, je le
demande, a-t-on consulté sur cet objet le gouverneur de la province, le
commissaire du district, les président et procureur du roi ? Je ne trouve aucun
document à cet égard.
Plusieurs membres.
- Cela a été fait.
M. Malou.
- Il y a quinze ans.
(page 1323) M. de Garcia. - Soit, mais
encore une fois n'a-t-on pas marché depuis lors, et les choses sont-elles dans
le même état ? Nous avons voté la réforme électorale ; nous avons apporté une
réforme radicale à la loi électorale ; et je m'en féliciterais si on avait
voulu lui donner des proportions plus libérales encore, et plus sincèrement
libérales. Pour atteindre ce but, il fallait introduire dans la loi, non
seulement l'uniformité du cens, mais aussi l'uniformité de facilités pour tous
les citoyens dans l'exercice de leurs droits politiques. Il fallait, en
d'autres termes, mettre tous les citoyens à même d'émettre leurs suffrages sans
déplacement dispendieux. A cet effet, j'avais demandé en section, qu'on votât
au chef-lieu des cantons. Cette opinion, combattue par le gouvernement, a été
rejetée.
Je
le regrette sous tous les rapports. Je le regrette d'abord, parce que
l'exception est contraire à la justice et aux principes du vrai libéralisme. Je
le regrette, parce qu'à juste titre elle fera surgir aussi des réclamations de
beaucoup de localités. Que ces considérations n'alarment personne ; il ne
s'agit nullement du fractionnement, dont beaucoup semblent s'effrayer, il
s'agit purement et simplement de mettre tons les citoyens à même d'exercer
facilement leurs droits constitutionnels, il s'agit de prévenir le « tohu
bohu » déplorable qui résultera nécessairement d'une réunion immense
d'électeurs sur un même point.
Je
désire qu'un ordre de choses semblable n'amène pas de désordres ; je désire que
le pays n'ait pas à déplorer des accidents qui peuvent en résulter ; mais, je
le déclare, je crains beaucoup qu'il n'en soit autrement. (Non ! non !)
Interrompez-moi
tant que vous voudrez ; vous ne m'empêcherez ni d'avoir mes convictions, ni de
les exprimer.
Je
le répète, ce n'est pas sans inquiétude de certains désordres que je vois
l'agglomération d'une masse de citoyens en proie aux passions politiques, qui
sont inséparables du régime constitutionnel. Or, il était facile de les éviter
en respectant les droits de tous et de la chose publique. En établissant l'uniformité
du cens, il fallait, autant que possible, établir pour tous l'uniformité dans
la facilité d'exercer, les droits politiques, et pour cela consacrer le
principe que tous les citoyens belges voteraient pour les élections au
chef-lieu de leur canton. Ainsi l'on eût fait une loi largement libérale, telle
que je la voulais. (Interruption.)
Je
m'étonne de toutes ces interruptions, et j'invite les interrupteurs à prendre
la parole pour me répondre. Savez-vous, messieurs, que la loi électorale que vous
avez votée impose une contribution considérable et extraordinaire, à grand
nombre de nos concitoyens ? Savez-vous, qu'en moyenne, cette contribution ne
peut s'élever au-dessous de 10 francs ; c'est-à-dire, qu'elle s'élève au quart
de l'impôt qui leur donne le droit d'être électeur ? J'en appelle à votre
conscience, messieurs, une mesure semblable est elle-juste, est-elle vraiment
libérale ? Poser la question, c'est la résoudre. Aussi ai-je la conviction
qu'il faudrait revenir sur ce qui a été fait.
Les principes du juste, qui forment la base du vrai
libéralisme, sont imprescriptibles ; de toute part il vous arrivera si grand
nombre de réclamations motivées sur les raisons les plus plausibles que vous ne
pourrez sans iniquité refuser la faculté que j'ai vainement défendue lors de
l'examen de la loi sur la réforme électorale, si cette faculté ne s'était fait
attendre, bien probablement nous ne perdrions pas un temps précieux et nous
n'aurions pas à nous occuper de la proposition actuelle dont j'appuie l'ajournement.
M. de Tornaco. -
L'honorable M. de Garcia a terminé son discours par une revue rétrospective sur
la réforme électorale. Mes opinions sur cette question n'ont pas toujours été
conformes au vote qui a été émis dans cette enceinte : j'ai exprimé à ce sujet
une crainte qui était assez connue dans cette assemblée. Cependant, jamais je
n'ai eu de doute sur l'efficacité de la réunion des électeurs. J'ai toujours
regardé l'unité du corps électoral, l'assemblée générale des électeurs comme
une des plus belles pensées du congrès, comme la plus favorable à la
consolidation de notre nationalité. La réunion des électeurs dans les collèges,
la fusion des habitants des campagnes avec ceux des villes ont toujours eu mon
entière approbation. J'ai toujours cru que cette réunion était de nature à
élever l'esprit des électeurs, à établir l'unité dans l'esprit public, à
assimiler les diverses parties des collèges électoraux.
L'objection
la plus sérieuse, la seule que j'aie faite dans cette enceinte à la réforme
électorale, était tirée de la crainte qu'il n'y eût plus un juste équilibre des
intérêts matériels des contribuables.
Je
fais cette déclaration afin que l'on ne se méprenne pas sur mes sentiments :
ils ne sont pas les mêmes que ceux de certains membres qui exprimaient des
craintes sur les résultats de la loi de réforme, qui a été votée il y a peu de
temps.
Je
reviens à l'objet en discussion dont on s'est trop écarté.
L'honorable
M. de Garcia, en commençant, vous a dit qu'il y a malheureusement dans cette
question des intérêts électoraux en jeu. Je reconnais cette vérité. C'est un
fait très positif. Mais il n'est certes pas d'une importance telle qu'elle
doive passionner la chambre. Son importance est extrêmement minime. ;
Remarquez-le,
il ne s'agit que de faire passer d'un arrondissement à un autre 40 à 50
électeurs.
M. Orban.
- 200 électeurs.
M. de Tornaco. -
40 à 50.
S'il
y a des intérêts électoraux en jeu pour une partie de cette chambre, ils sont
également en jeu pour une autre partie de la chambre. Peut-être, si l'on
scrutait le passé, trouverait-on que ces intérêts électoraux ont été la cause
de certains retards qui étonnent tant l'honorable M. Orban, de ce qu'une injustice
grave a été commise à l'égard des habitants du canton de Stavelot.
Il
est de toute justice qu'un tort commis sous une influence soit réparé
aujourd'hui, qu'elle n'existe plus. Vous voyez que je pose franchement la
question.
Indépendamment
de l'opinion qui peut partager la chambre, il y a une chose à considérer (c'est
la véritable position de la question). Est-il vrai, oui ou non, que les
habitants de Stavelot soient intéressés à être réunis à l'arrondissement
administratif de Verviers plutôt qu'à celui de Huy ? Voilà bien ce qu'il faut
examiner, indépendamment de l'esprit de parti, que nous sommes tous intéressés
à ne pas écouler en ce moment.
En
nous bornant à ce point de vue, je pense qu'il n'est pas un membre de cette
chambre qui osât affirmer que les habitants du canton de Stavelot n'ont pas
intérêt à être réunis au district administratif de Verviers.
L'honorable
M. de Mérode dit, qu'il y a diversité d'intérêt de populations. C'est tout le
contraire. Quel est l'intérêt dominant dans le canton de Stavelot ? C'est
l'intérêt industriel.
Qui
ne connaît pas en effet la fabrication des cuirs de Stavelot ? (On rit.) Messieurs, la tannerie de
Stavelot, pour me servir d'une expression qui ne fasse plus sourire, est
renommée. Il y a là un grand commerce de tannerie, je crois que personne ne
l'ignore dans cette enceinte, et c'est la population qui est employée à
l'industrie de la tannerie qui est la population principale de Stavelot. Ce
fait, personne, je pense, ne le contestera. Ainsi l'unique objection, qui était
tirée de la diversité d'intérêts et qui a été présentée par l'honorable comte
de Mérode, ne peut plus rester debout. La population de Stavelot est une
population sympathique à l'arrondissement de Verviers et au chef-lieu de cet
arrondissement ; non seulement il y a rapports d'intérêts, similitude
d'intérêts, mais même des liens de famille très nombreux existent entre les
habitants de Verviers et ceux de Stavelot.
Messieurs,
la circonstance est très favorable pour résoudre la question, et les habitants
de Stavelot ont parfaitement bien fait d'en profiter. Je crois que comme ils
n'ont pas une grande influence dans le pays, s'ils eussent attendu un moment où
il ne se fût pas agi d'intérêts électoraux, on les aurait encore oubliés comme
on les a oubliés pendant vingt années.
D'ailleurs, messieurs, l'occasion se présentait tout
naturellement. Quand vous avez abaissé le cens, les électeurs de Stavelot ont
été d'autant plus frappés des inconvénients que présentait l'éloignement de
leur canton du chef-lieu où ils devaient aller voter. Que vous ont-ils dit dans
la première pétition ? Ils vous ont dit que le cens étant abaissé à 20 florins,
l'électoral était à portée d'électeurs moins riches et que ces électeurs
étaient moins capables de faire la dépense à laquelle ils seraient condamnés.
Voilà le motif principal qu'ils ont fait valoir en faveur de leur demande
d'adjonction à Verviers.
M. Malou. - Messieurs, d'après la tournure
qu'a prise la discussion, je ne crois pas devoir maintenir la proposition
d'ajournement. Il faut que la chambre vote pour ou contre le projet de loi.
M. de
Mérode. - Pourquoi ?
M. Malou.
- Parce qu'on a reconnu, de part et d'autre, qu'il s'agissait ici, à la veille
d'une dissolution, de changer le statu quo électoral dans un seul
arrondissement, de faire une loi électorale exceptionnelle pour quelqu'un
contre quelqu'un. C'est donc ici une question de justice Je voterai contre le
projet.
M. Lebeau. -
Messieurs, je crois que la question ne peut être ramenée à de pareilles
proportions, je ne dirai pas pour la plus grande partie de cette chambre, je
dirai pour personne dans cette chambre. Il est impossible que, sur les bancs de
ce côté du moins, nous acceptions une pareille signification du débat auquel
nous nous livrons ; et quant à moi, dussé-je ne pas échapper à de pareilles
imputations que je considère comme un véritable outrage, je prendrai part à la
discussion et je prouverai qu'il s'agit uniquement de mettre un terme au plus
inconcevable déni de justice qu'il soit possible d'imaginer.
Messieurs,
dès les premières années de notre révolution, le canton de Stavelot s'est
adressé à tous les pouvoirs en Belgique pour obtenir le redressement de ce qui,
sous l'ancien gouvernement, avait été considéré comme un acte irrégulier cl
condamnable.
En
1820 ou 1822, je ne me rappelle pas précisément la date, il a pris, paraît-il,
fantaisie au gouvernement, pour placer un individu, et l'opinion publique l'a
dit alors hautement, de créer un arrondissement nouveau dans la province de
Liège. On a créé un quatrième arrondissement dans la province de Liège et cet
arrondissement ayant été fait en partie au détriment de celui de Huy, on a
donné à ce dernier, pour faire taire les réclamations qui s'élevaient de sa
part, un appoint aux dépens de l'arrondissement de Verviers. Cet appoint,
messieurs, a été soldé par le canton de Stavelot.
Eh
bien, messieurs, sous l'ancien gouvernement et sous le gouvernement nouveau, le
canton de Stavelot n'a cessé de réclamer pour être réuni, sous le rapport
administratif, à l'arrondissement de Verviers, auquel il ressortit sous le
rapport judiciaire, et ces réclamations ont été trouvées tellement légitimes
que le conseil provincial de Liège, à l'unanimité, a émis par trois fois le vœu
que le canton de Stavelot fût réuni complètement à l'arrondissement de
Verviers.
(page 1324) Messieurs, en présence de la
stérilité des efforts faits par le canton de Stavelot, l'honorable M. David,
dès 1839, j'appelle l'attention de l'honorable M. Orban sur cette date pour
prouver avec quelle précipitation cette affaire a marché, l'honorable M. David
a déposé sur le bureau de la chambre une proposition de loi qui a été prise en
considération sans opposition aucune et qui a été renvoyée à une commission
spéciale.
Comment
se fait-il que cette proposition ait dormi pendant neuf ans dans les cartons ?
C'est ce que j'ignore.
M. Malou.
- Vous étiez ministre en 1841.
M. Lebeau. -
Nous étions ministre en 1841, dit l'honorable M. Malou. Mais il faut convenir
qu'il était assez naturel d'oublier une proposition qui avait eu le malheur d'être
ainsi enfouie dans les cartons et dont on n'avait plus parlé.
On
conçoit que l'administration communale de Stavelot ait perdu l'espoir. En
voyant l'inutilité de ses efforts, de ses réclamations, des trois résolutions
prises à l'unanimité par le conseil provincial de Liège, le canton de Stavelot
s'est résigné. Il s'est résigné à attendre des temps meilleurs pour la
réclamation qu'il avait soumise jusque-là inutilement à la chambre. Il a cru
qu'après les événements de juin, ce moment était arrivé et il s'est adressé de
nouveau à vous. C'est, messieurs, le conseil communal tout entier, ce sont les
élus de la commune de Stavelot qui se sont adressés à la chambre.
Je
demanderai seulement la permission de lire deux seuls paragraphes de la
pétition de l'administration communale de Stavelot. Cette lecture prouvera
toute l'actualité de la réclamation et pour quelle raison toute spéciale la
commune de Stavelot s'est émue de nouveau, et sollicite une prompte justice :
«
Un coup d'œil jeté sur la carte suffira peur vous convaincre, messieurs, que la
distance qui nous sépare de la ville de Huy, qui, soit dit en passant, s'écarte
tout à fait du point utile à nos affaires industrielles et commerciales, est de
100,000 mètres par la route de Liège, et de 75,000 mètres par la voie directe,
devant ainsi traverser deux arrondissements, ceux de Verviers et de Liège, pour
arriver au nôtre, celui de Huy. Tandis que la distance moyenne de Verviers (qui
est notre arrondissement judiciaire) n’est, pour toutes les communes de ce canton,
que de 30,000 mètres.
«
En présence d'une anomalie aussi grave, aussi extraordinaire, comment concevoir
la possibilité, pour tous les électeurs du canton de Stavelot (admis comme tels
avec le cens de 20 florins) de se transporter, à leurs frais, au chef-lieu de
l'arrondissement de Huy, à l'effet d'y exercer une de leurs plus belles, de
leurs plus importantes prérogatives ? Il est évident, messieurs, que si, au
mépris des lois, certains électeurs, payant le cens de 30 florins, auraient,
dans le temps, accepté des rémunérations, sous forme d'indemnités de voyage,
pour aller voter à Huy, il est d'autant plus rationnel de prétendre que, sous
l'empire de la loi nouvelle, les trois quarts à peu près des électeurs n'auront
point les facultés pécuniaires de faire, le cas échéant, sur leurs propres
deniers, un parcours d'environ 40 lieues pour l'aller et le retour. »
Messieurs,
l'heure nous presse ; sans cela je dirais que le conseil communal de Stavelot
est ici l'écho de la clameur publique qui a signalé, à propos des élections de
Huy, des faits dont l'honorable M. de Tornaco vous entretenait tout à l'heure,
avec une réserve dont je ne veux pas non plus me départir quant à présent.
Il y a d'ailleurs d'autres raisons que des raisons
électorales, il y a des raisons administratives qui sont puissantes. Ainsi les
habitants de Stavelot vont au tribunal de Verviers, à 6 lieues de leur
résidence, et ils sont obligés d'aller à Huy pour leurs affaires
administratives. Les malheureux miliciens sont obligés de faire chaque année 17
lieues pour se représenter au commissaire quand ils pourraient n'en faire que
6. Pour tous leurs rapports avec le commissariat d'arrondissement, les
difficultés et les dépenses sont triplées. (Aux
voix ! aux voix !)
Je
vois que la chambre est pressée d'en finir et je m'arrêterai ; mais j'aurais à
parler pendant une heure si je voulais faire ressortir tous les inconvénients
de la circonscription actuelle, pour les habitants du canton de Stavelot.
M. de
Mérode. - Messieurs, on a parlé tout à l'heure de passion ;
eh bien, moi, je ne suis passionné que pour la justice, et si réellement les
habitants du canton de Stavelot désirent la réunion de ce canton à
l'arrondissement de Verviers, aussitôt que j'en aurai la certitude, je voterai
pour cette réunion ; mais c'est précisément là ce qu'on ne veut pas examiner
sincèrement. On vient avec des affirmations qui ne sont appuyées d'aucune
preuve déterminante. Que demandent les électeurs du canton de Stavelot ? Ils
demandent à pouvoir voler à Stavelot. Or qu'auront-ils s'ils sont réunis à
l'arrondissement de Verviers, et si on leur refuse le droit de voter à Stavelot
? Ils devront faire douze lieues pour aller exercer leurs droits politiques. Il
n'y aura pas là égalité entre eux et les électeurs de Verviers. L'honorable M.
de Tornaco peut trouver beaucoup de plaisir à faire venir une masse d'électeurs
sur un point où il s'en trouvé déjà un très grand nombre ; c'est ce qui amène
tous ces dîners, tous ces transports en voiture, toutes ces dépenses énormes
auxquelles ne peuvent pas toujours se soumettre ceux qui sont opposés à M.
Tornaco. Mais je dis, moi, que si vous maintenez dans votre loi cette inégalité
entre les électeurs, il vous arrivera des pétitions de toutes les parties du pays
pour réclamer enfin l'égalité dans les élections, car c'est là la véritable
égalité, l'égalité juste, bonne et qui doit être sincèrement appliquée.
Je n'insisterai pas sur ce point, ce n'est pas là la
question que nous avons à décider en ce moment ; il s'agit de savoir quel est
le vœu des habitants du canton de Stavelot ; or, je n'ai aucune certitude sur
la nature de ce vœu, c'est pourquoi je demande un délai et un délai très court.
-
La clôture est demandée.
M. Orban. - Messieurs, je demande la parole
contre la clôture. Jusqu'à présent toute la discussion a porté sur la question
d'ajournement présentée par l'honorable M. Malou et qui vient d'être retirée
par lui. Depuis lors a seulement commencé la discussion sur le fond même de la
proposition, et nous n'avons entendu que le discours de l'honorable M. Lebeau
et les quelques paroles que vient de prononcer l'honorable comte de Mérode. Il
me semble donc que ce serait fermer la discussion avant qu'elle n'ait eu lieu,
que de prononcer maintenant la clôture. J'aurais voulu répondre à ce qui a été
dit par l'honorable député de Bruxelles sur les frais de voyage payés à
certains électeurs pour se rendre au chef-lieu électoral.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Rogier). - C'est la pétition du
conseil communal de Stavelot qui énonce ce fait.
M. Orban.
- Le conseil communal énonce ce fait, et M. Lebeau l'avait énoncé avant lui.
J'aurais voulu dire que ce fait est une conséquence fâcheuse de la position
exceptionnelle faite aux électeurs de la campagne.
-
La clôture est prononcée.
_________________
M. le président.
- M. de Mérode a déclaré qu'il reprend la motion d'ajournement. Je vais la
mettre aux voix.
Plusieurs membres.
- L'appel nominal.
Il
est procédé au vote par appel nominal sur la proposition d'ajournement ; en
voici le résultat :
57
membres sont présents.
20
adoptent.
37
rejettent.
En
conséquence l'ajournement n'est pas adopté.
Ont
voté l'adoption : MM. de Theux, d'Huart, Duroy de Blicquy, Eloy de Burdinne,
Faignart, Lejeune, Malou, Mercier, Orban, Pirmez, Raikem, Thienpont,
Vandensteen, Zoude, de Corswarem, Dedecker, de La Coste, de Man d'Attenrode et
de Mérode.
Ont
voté le rejet : MM. Desaive, Destriveaux, de Tornaco, de Villegas, d'Hane,
d'Hoffschmidt, Dumont, Eenens, Fallon, Frère-Orban, Gilson, Herry-Vispoel,
Jonet, Lange, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Loos, Lys, Manilius, Meneau, Pirson,
Rogier, Rousselle, Sigart, Tielemans, T'Kint de Naeyer, Troye, Verhaegen,
Vilain XIIII, Bricourt, Dautrebande, David, de Bonne, de Brouckere, Delehaye et
Delfosse.
________________
M. le président.
- L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :
« Le
canton de Stavelot, composé des communes de Stavelot, Basse-Bodeux, Bra,
Chevron, Fosse, Francorchamps, Gleize, Lierneux, Raliez, Stoumont et Wanne,
ressortissent à l'arrondissement de Verviers, sous le rapport administratif. »
On
passe à l'appel nominal.
La
chambre n'est plus en nombre.
52
membres seulement ont répondu à l'appel.
Ce
sont : MM. Desaive, Destriveaux, de Theux, de Tornaco, de Villegas, d'Hane,
d'Hoffschmidt, d'Huart, Dumont, Duroy de Blicquy, Eenens, Eloy de Burdinne,
Faignart, Fallon, Frère-Orban, Gilson, Herry-Vispoel, Jonet, Lange, Lebeau, Le
Hon, Lesoinne, Loos, Lys, Malou, Manilius, Mercier, Moreau, Orban, Pirmez,
Pirson, Raikem, Rogier, Rousselle, Sigart, Tielemans, T'Kint de Naeyer, Troye,
Vandensteen, Verhaegen, Vilain XIIII, Zoude, Bricourt, Dautrebande, David, de
Bonne, de Brouckere, Dedecker, Delehaye, Delfosse, de Man d'Attenrode et de
Mérode.
-
La séance est levée à 5 heures.