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Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 18 mai 1848
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi relatif au personnel de la cour
d’appel de Bruxelles et de certains tribunaux de première instance (Delfosse)
3) Projet de loi accordant prolongation du délai
d’exécution des lignes ferroviaires concédées de Liége à Namur, de Mons à
Manage, de Louvain à la Sambre et d’Entre-Sambre-et-Meuse (de Brouckere)
4) Projet de loi portant assentiment de la convention
internationale portant abolition de la traite des nègres
5) Projet de loi accordant prolongation du délai
d’exécution de la ligne ferroviaires concédée de Flandre occidentale (de Brouckere)
6) Rapports sur des pétitions
7) Projet de loi modifiant le droit de timbre (d’Huart)
8) Motion d’ordre relative aux difficultés d’exercice
du droit électoral (Jonet, Rogier,
de Mérode, Rogier, de Mérode)
9) Projet de loi établissant certains conseils de
prud’hommes (Rousselle, d’Hoffschmidt)
10) Projet de loi accordant prolongation du délai
d’exécution des lignes ferroviaires concédées de Liége à Namur, de Mons à
Manage, de Louvain à la Sambre et d’Entre-Sambre-et-Meuse (Manilius,
Frère-Orban)
11) Projet de loi accordant prolongation du délai
d’exécution de la ligne ferroviaires concédée de Flandre occidentale (de Brouckere)
12) Projet de loi accordant la naturalisation
ordinaire (Gilson)
13) Projet de loi accordant des crédits
supplémentaires au budget du département de l’intérieur. Droits sur les lins et
service de santé civil (typhus) (Maertens)
14) Projet de loi portant institution du système des
warrants (code de commerce et politique commerciale du gouvernement).
Désignation des marchandises (T’Kint de Naeyer, Mercier, Delehaye, Tielemans, d’Hoffschmidt)
15) Rapports de pétitions relatives, notamment, aux
brevets d’invention (Lejeune)
16) Projet de loi relatif aux incompatibilités
parlementaires. Indépendance des députés-fonctionnaires. Discussion générale (de Bonne, Lejeune), clôture de la
discussion générale (Destriveaux, Rogier)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1847-1848)
(Présidence de M. Verhaegen, vice-président.)
(page 1707) M A. Dubus. procède à l'appel nominal à deux
heures et un quart.
- La séance est
ouverte.
M. T’Kint de
Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ;
la rédaction en est approuvée.
M. A.
Dubus présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur Blande, ancien
gendarme à cheval, réclame l'intervention de la chambre, pour obtenir un emploi
dans l'administration des chemins de fer de l'Etat. »
- Renvoi à la
commission des pétitions.
________________
« Les sieurs
Puissant frères, propriétaires et exploitants de carrières de marbres,
demandent une réduction de péage sur les canaux de Charleroy à Bruxelles et de
la Sambre canalisée. »
-Renvoi à la
commission d'industrie.
_________________
Messages du sénat,
faisant connaître 1° qu'il a adopté neuf projets de loi tendant à proroger le
délai dans lequel des officiers de la marine marchande pourront accepter la
naturalisation ordinaire qui leur a été conférée ; 2° qu'il a pris en
considération diverses demandes en naturalisation ordinaire ; 3° qu'il a rejeté
trois demandes de naturalisation ordinaire.
- Pris pour
information.
PROJET DE LOI RELATIF AU PERSONNEL DE LA COUR D’APPEL DE BRUXELLES ET DE CERTAINS TRIBUNAUX DE PREMIERE INSTANCE
M. Delfosse, au nom de la commission
spéciale qui a examiné le projet de loi tendant à proroger le délai fixé par la
loi qui a augmenté temporairement le personnel de la cour d'appel de Bruxelles
et des tribunaux de Tournay et de Charleroy, dépose le rapport sur ce projet de
loi.
- La chambre ordonne
l'impression et la distribution de ce rapport.
PROJETS DE LOI ACCORDANT PROLONGATION DU DELAI DE REALISATION DES LIGNES CONCEDEES DE LIEGE A NAMUR, DE MONS A MANAGE, DE LOUVAIN A LA SAMBRE ET D’ENTRE-SAMBRE-ET-MEUSE
M. de Brouckere. - J’ai l'honneur de
présenter le rapport de la section centrale qui a examiné les projets de loi
relatifs à une prorogation de délai à accorder aux compagnies concessionnaires
des chemins de fer de Liège à Namur, de Mons à Manage, de Louvain à la Sambre
et d'Entre-Sambre-et-Meuse.
Les trois projets ont
été adoptés par toutes les sections.
Dans la troisième on
a émis un doute sur le point de savoir si l'article 5 du projet de convention
concernant le chemin de fer de Louvain à la Sambre explique assez clairement
que, nonobstant la prorogation qui serait accordée à la société
concessionnaire, elle n'en serait pas moins tenue de remplir avant le délai
fixé par la convention du 21 mai 1845, c'est-à-dire avant le 21 mai 1848, tous
les engagements contractés par elle envers des tiers. La section centrale
estime que l'article 5 est très explicite à cet égard. Il suffira du reste,
s'il n'en est pas ainsi, d'avoir appelé l'attention de M. le ministre des travaux
publics sur cette disposition puisqu'elle n'est pas arrêtée et ne doit être
considérée que comme énonçant ses intentions.
La cinquième section,
à l'occasion de la prorogation de délai demandée par la compagnie
concessionnaire du chemin de fer de Louvain à la Sambre, demande des
explications détaillées sur les causes qui mettent (page 1708) obstacle à ce que les travaux soient poursuivis dans les
environs de Louvain et sur les motifs qui nécessitent la prorogation.
La section centrale
pense que ce projet est suffisamment justifié par l’exposé des motifs et
insiste particulièrement sur la nécessité où se trouve la compagnie
concessionnaire, par suite des circonstances, d'ajourner les appels de fonds.
Les explications plus
détaillées que réclame la section centrale pourront être fournies dans la
discussion.
En conséquence, la
section centrale propose à l'unanimité l'adoption des trois projets de loi.
- La chambre met la
discussion de ces trois projets de loi à l'ordre du jour de la présente séance.
PROJET DE LOI PORTANT ASSENTIMENT DE LA CONVENTION INTERNATIONALE PORTANT ABOLITION DE LA TRAITE DES NEGRES
M. le
ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Le Roi m'a chargé de
présenter à la chambre un projet de loi ayant pour objet de soumettre à son
assentiment la convention conclue avec l'Autriche, la Grande-Bretagne, la
Prusse et la Russie pour l'accession de la Belgique au traité relatif à
l'abolition de la traite des nègres.
- Il est donné acte à
M. le ministre de la présentation de ce projet de loi, qui sera imprimé et
distribué.
La chambre le renvoie
à l'examen des sections.
PROJET DE LOI ACCORDANT PROLONGATION DU DELAI DE REALISATION DE LA LIGNE CONCEDEE DE FLANDRE OCCIDENTALE
M. le ministre des
travaux publics (Frère-Orban). - Messieurs, j'ai l’honneur de déposer un
projet de loi, ayant pour objet d'accorder une prorogation de délai à la compagnie
du chemin de fer de la Flandre occidentale.
- Il est donné acte à
M. le ministre de la présentation de ce projet de loi, qui est renvoyé à la
section centrale qui a examiné les autres projets de même nature.
M. de Brouckere. - La section
centrale pourra se réunir un moment, et faire un rapport dans la séance.
RAPPORTS DE PETITIONS
M. David. - J'ai l'honneur de déposer
le rapport de votre commission d'industrie sur plusieurs pétitions
d'administrations communales et d'habitants du Hainaut qui demandent que le
gouvernement soit autorisé à étendre au minerai de fer, à la castine et aux
perches des houillères, la réduction des péages sur la Sambre.
________________
M. Cans. -J'ai l'honneur de
déposer sur le bureau un rapport de la commission d'industrie sur quatre
pétitions de brasseurs et marchands.de levure.
________________
M. Bruneau. - J'ai l'honneur de
déposer les rapports de votre commission d'industrie sur des pétitions
demandant un changement de droits de douanes sur les ruches d'abeilles, la cire
et le miel.
La commission propose
une modification au tarif actuel en ce qui concerne la sortie des ruches
d'abeilles.
- Ces rapports seront
imprimés et distribués.
PROJET DE LOI MODIFIANT LE DROIT DE TIMBRE
M. d'Huart. - J'ai l'honneur de déposer
le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner les projets de
loi relatifs aux modifications à apporter à la législation sur le timbre.
- Ce rapport sera
imprimé et distribué. Les deux projets figureront à la suite des objets à l'ordre
du jour.
M. Jonet (pour une motion d’ordre). - Messieurs, il y a
quatre semaines que des pétitions nous sont arrivées des cantons de Jodoigne, Perwez
et Wavre ; ces pétitionnaires demandaient à pouvoir voter à l'avenir soit au
chef-lieu de leur canton, soit, au moins, dans la ville de Wavre. Ces pétitions
ont été renvoyées à M. le ministre de l'intérieur avec demande de
renseignements. Depuis lors je n'ai plus entendu parler de cette affaire. Je
prierai M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien donner les renseignements
demandés et s'expliquer sur la question de savoir s'il n'y aurait pas moyen de
faire un bout de loi pour rendre justice aux pétitionnaires.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - J'ai adressé un rapport à' M, le président de
la chambre ; je pense qu'il lui sera parvenu. La question donne lieu à une divergence
d'opinions, dans les localités-même, et je dois ajouter que la députation
permanente, qui a été consultée, n'a pas donné un avis favorable. Dans l'état
actuel des choses, l'intention du gouvernement n'est pas de déposer un projet
de loi.
M. de Mérode. - Je suis étonné,
messieurs, que la députation permanente n'ait pas donné un avis favorable à la
réclamation .dont l'honorable M. Jonet vient de parler. Il suffit de prendre
une carte du pays pour voir combien il sera difficile aux électeurs, rendus
beaucoup plus nombreux qu'ils ne l'étaient précédemment, de se transporter, de
tous les villages les plus éloignés de l’arrondissement, au, chef-lieu, qui se
trouve entièrement à l'extrémité. Je dirai, messieurs, que maintenir cet état
de choses, c'est nuire à la ville de Nivelles, car, c'est faire, ressortir la
difficulté que les électeurs éprouveront à exercer leurs droits.
Dans l'intérêt même de la ville de Nivelles, j'insiste
pour que le gouvernement présente, avant la clôture de la session actuelle, une
mesure qui mette les électeurs des cantons dont il s'agit dans la possibilité
d'exercer leurs droits. Sans cela la moitié, au moins, de ces électeurs ne
pourront pas prendre part aux élections, attendu qu'ils devraient faire une
absence de trois jours. Il n'y a pas même de route directe. Je le demande,
messieurs, y a-t-il égalité entre des électeurs dont les uns peuvent exercer
leurs droits en sortant de chez eux pendant une heure ou deux et dont les
autres ne peuvent les exercer qu'en s'absentant pendant trois jours ?
Evidemment, messieurs
; il est indispensable de faire droit à la pétition dont il s’agit. Quant à la
députation permanente, je suis persuadé que si elle avait sérieusement examiné
la question, elle n'aurait pas donné un avis défavorable. Je demande, moi, que
M. le ministre agisse conformément à ce que son propre bon sens lui indiquera
sans s'inquiéter de la décision de la députation permanente.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - Je reconnais que la circonscription
électorale de l'arrondissement de Nivelles offre des inconvénients pour un
grand nombre d'électeurs, mais ils ne sont point particuliers à
l'arrondissement de Nivelles. Dans des proportions moindres, ils existent dans
un assez grand nombre d'arrondissements. Il faut donc que le gouvernement et la
législature procèdent avec une extrême réserve, dans la révision de ces
circonscriptions électorales. J'avoue que, s'il y a des motifs d'établir de
nouvelles divisions, l'arrondissement de Nivelles est un de ceux qui doivent
figurer en tête des arrondissements où des modifications devraient être
introduites ; mais une fois qu'on sera entré dans cette voie, sous peine de
faire des injustices à d'autres arrondissements qui ne sont pas lésés de la
même manière, mais qui ont aussi à se plaindre de l’éloignement, nous devrons
généraliser la mesure. Il convient donc de s’abstenir aussi longtemps qu'il
sera possible.
Voilà, les motifs qui ont déterminé l'avis de la
députation permanente du conseil provincial. Je répète que les électeurs de
l'arrondissement ne sont pas même d'accord sur la nouvelle division à
introduire ; que les uns veulent une division électorale cantonale, et que
d'autres veulent deux divisions électorales, dont l'une aurait pour chef-lieu
Wavre, et l'autre Nivelles. Il conviendrait donc que les électeurs lésés par la
circonscription actuelle se missent d’accord sur la nouvelle circonscription à
établir.
Il faudra que, pour
cette fois, les électeurs de l'arrondissement de Nivelles prennent, comme ils
l'ont toujours fait, conseil de leur patriotisme, et passent sur certains
inconvénients matériels pour venir exercer leurs droits politiques. Je crois
que les électeurs de l'arrondissement de Nivelles sont de trop bons citoyens,
pour exiger, dans leur intérêt particulier, des mesures qui pourraient donner
lieu à des conséquences fâcheuses au point de vue général.
Des membres. - L’ordre du
jour !
M. de Mérode. - M. le ministre de
l'intérieur vient de dire que les électeurs n'étaient pas d'accord dans toutes
les communes, relativement à la localité qu'on pourrait fixer pour faciliter
l'exercice de leurs droits électoraux.
Mais s'ils ne sont parfaitement
d'accord sur le meilleur moyen de faciliter l'exercice de ces droits, au moins
ils sont tous d'accord sur ce point, qu'une réunion subsidiaire à Wavre serait
beaucoup moins gênante pour eux, que l'obligation de se transporter à Nivelles.
Il y a plus ou moins dans la facilité à exercer les droits, mais faute de plus,
on accepterait le moins.
Quelque soit le
patriotisme des électeurs de l'arrondissement de Nivelles, ils ne pourront pas,
dans l'état actuel, se déplacer tous ; la majorité même ne pourra pas se
déplacer pour aller à Nivelles, eu égard aux difficultés qui se rattachent à ce
voyage et à la multiplication du nombre des électeurs ; car précédemment, il
était déjà assez difficile de réunir les électeurs à Nivelles ; et maintenait
que le nombre des électeurs est considérablement augmenté, il y aura
véritablement impossibilité. (L'ordre du
jour !)
M. le président. - Il n'y a pas de
proposition ; nous passons à l'ordre du jour.
M. de Mérode. - Ma proposition est
que M. le ministre de l'intérieur veuille se livrer immédiatement à un nouvel
examen de la question, et que si, comme je viens de l'établir, il reconnaît la
nécessité de faire droit aux pétitions, il nous propose un projet de loi, que
nous voterons avant notre séparation.
- L'ordre du jour est
prononcé.
M. Rousselle. - Une commission spéciale,
qui m'a fait l'honneur de me nommer son président, a été chargée de l'examen de
projets de loi ayant pour objet d'établir un conseil de prud'hommes à Pâturages
et à Boussu. Cette commission a été arrêtée par une observation grave qu'elle a
eu l'honneur de soumettre à M. le ministre des affaires étrangères avec prière
de demander l'opinion de M. le ministre de la justice. La réponse n'est pas
parvenue à la commission. La session est au moment de finir, la commission sera
dans l'impossibilité de présenter un rapport à la chambre. La commission pense
qu'il n'y a pas péril en la demeure, que cette affaire peut être ajournée à la
session prochaine. C'est ce que j'ai l'honneur de proposer à la chambre.
M. le
ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - J'ai transmis à M.
le ministre de la justice la demande de la commission, je présume
qu'incessamment il aurait pu envoyer les renseignements demandés. J'aurais
désiré qu'il fût présent avant que la chambre prît une résolution sur la
proposition de la commission. Je demande que la chambrene prenne pas maintenant
de décision sur la proposition dont il s'agit.
PROJETS DE LOI ACCORDANT PROLONGATION DU DELAI DE REALISATION DES LIGNES CONCEDEES DE LIEGE A NAMUR, DE MONS A MANAGE, DE LOUVAIN A LA SAMBRE ET D’ENTRE-SAMBRE-ET-MEUSE
M. le président. - La chambre avait
décidé la discussion immédiate de divers projets de loi ayant pour objet
d'accorder des délais pour l'exécution de plusieurs chemins de fer. M. le
ministre des travaux publics ayant un amendement à présenter et devant se
rendre au sénat demande que la discussion de ces projets soit renvoyée à
demain.
(page 1709) M. Manilius. - Je .demande alors
l'impression du rapport.
M. le ministre des
travaux publics (Frère-Orban). - Ce n’est pas pour réfléchir que je demande la
remise de la discussion des projets, dont il s'agit, c'est parce que
relativement à un de ces projets, celui qui concerne le chemin de fer de Mons à
Manage, la compagnie propose d'affecter son cautionnement pour l'achèvement de
cette ligne aux mêmes conditions que celles qui ont été arrêtées pour le
cautionnement de la Dendre. Je désire à cet effet saisir la chambre d'un
amendement, je le présenterai demain.
M. Manilius. - Je persiste à
demander l'impression. Nous pourrons ainsi examiner le rapport et l'amendement
de M. le ministre.
- L'impression et la
distribution du rapport sur les divers projeta, ainsi que l'amendement annoncé
par M. le ministre sont ordonnées.
PROJET DE LOI ACCORDANT PROLONGATION DU DELAI DE REALISATION DE LA LIGNE CONCEDEE DE FLANDRE OCCIDENTALE
M. de Brouckere. - Messieurs, la
section centrale qui a été chargée de l'examen du projet de loi concernant la
prorogation de délai demandée par la compagnie du chemin de fer de la Flandre
occidentale vous propose par mon organe l'adoption de ce projet de loi.
- La chambre ordonne
l'impression et la distribution de ce rapport.
PROJETS DE LOI ACCORDANT LA NATURALISATION ORDINAIRE
M. Maertens, au nom de la
commission des naturalisations, présente 22 projets de loi relatifs à des
demandes de naturalisation prises en considération par les deux chambres.
- La chambre ordonne
l'impression et la distribution de ces projets de loi. Une proposition de M. Gilson., ayant pour objet la
mise à l'ordre du jour de ces projets de loi, n'est pas adoptée.
PROJET DE LOI ACCORDANT DES CREDITS SUPPLEMENTAIRES AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR
Rapport de la section centrale
M. Maertens,
rapporteur. - Messieurs, dans la séance d'hier, la chambre
a renvoyée à l'examen de la section centrale deux nouvelles demandes de crédits
supplémentaires, présentées par M le ministre de l'intérieur, l'une de 8,480
fr., pour payer les dépenses provenant des mesures prises pour prévenir la
falsification de la graine de lin à semer ; l'autre de 40,000 fr., pour faire
face aux besoins du service de santé.
Voici les motifs sur
lesquels ces deux demandes de crédits sont basées.
Introduction de la
graine de lin de Riga.
Il résulte des
recherches faites par l'administration que la culture du lin dans les Flandres
tend tous les ans à diminuer et que, par suite de cette circonstance, un grand
nombre d'ouvriers employés à la manipulation de cette plante se trouvent sans
travail.
Le gouvernement a été
amené à s'enquérir des causes qui peuvent avoir produit cette diminution dans
la culture, malgré le prix assez élevé que le producteur retire des lins de
première qualité. Il a acquis la conviction que l'une des causes de cette
décadence consiste dans la falsification de la graine débitée au cultivateur.
La meilleure graine
de lin, celle qui donne les produits les plus estimés, et par conséquent d'une
plus haute valeur, vient de Riga. Dans ce port d'exportation la graine est
soumise à un contrôle, les barils qui la contiennent reçoivent une marque
officielle avant d'être expédiés à l'étranger. On est donc obligé d'admettre
qu'elle arrive pure de tout mélange dans nos ports, et que c'est en Belgique
même que s'opère la fraude, qui consiste à racheter les vieux barils portant la
marque de Riga, à les remplir de graines d'autres provenances et à les revendre
sont le nom de graine de Riga.
De là surviennent des
mécomptes et des pertes qui découragent le cultivateur et l'engagent à
restreindre la culture de cette plante.
Le gouvernement a cru
de son devoir de prendre, dans l'intérêt de la population des Flandres, des
mesures pour remédier à un tel état de choses, et, à cet effet, un arrêté royal
en date du 17 novembre 1847, a restreint, à certains bureaux, l'importation des
graines de lin de Riga et a ordonné la marque et le plombage des barils de
graines dont l'origine était suffisamment justifiée. Les dispositions prises
par l'administration, en vertu de cet arrêté, ont été combinées de telle façon
que la falsification devînt en quelque sorte impossible. Les frais d'apposition
des plombs et de la marque ne doivent pas, aux termes de l'arrêté royal
précité, tomber à la charge du commerce. Le gouvernement a pensé qu'il
convenait, pour cette année, de mettre cette dépense à la charge de l'Etat.
Les frais du plombage
et de la marque, calculés au taux le plus réduit, s'élèvent à 50 centimes par
baril. Le nombre des barils importés depuis la date du 18 novembre 1847
jusqu'au 1er avril suivant, s'élève à 24,130, dont les frais montent à 7,249
fr.
Les importations du
deuxième trimestre de 1848 entraîneront une dépense que l'on peut, au maximum,
évaluer à 1,000 fr.
Les frais de
confection des fers et de la marque s’élèvent à 231 fr.
Le total de la
dépense est donc de 8,480 fr.
Il est à remarquer
que les mesures qui ont occasionné cette demande de crédit ont été prises à
titre d'essai et que, s'il résulte de l'enquête que le gouvernement a établie,
qu'elles atteignent le but proposé, les frais du plombage et de la marque des
barils seront mis à la charge du commerce. La dépense dont il s'agit ne devra
donc plus se renouveler.
Service de santé
L'épidémie qui,
l'hiver dernier, régnait dans les Flandres, et qui n'a pas entièrement cessé
ses ravages, a déjà complétement absorbé la somme de 23,300 fr. portée à l'article
2 du chap. XXI du budget de 1848.
Cette allocation
était destinée à faire face à différentes dépenses ; elle servait
ordinairement :
1° A donner des
encouragements pour la propagation de la vaccine ;
2° Pour le service
sanitaire des ports et côtes ;
3° Pour accorder des
subsides aux élèves sages-femmes ;
4°Pour allouer des
subsides aux communes en cas d'épidémies, pour impressions et dépenses
imprévues.
Comme il ne reste
plus de ressources pour satisfaire aux besoins du service de santé pendant les huit
mois restants, le gouvernement demande qu'à cette fin, une somme de 40,000 fr.
soit ajoutée à celle portée au budget pour l'exercice courant.
Cette somme se
subdivise de la manière suivante :
1° Pour le service de
la vaccine, les ports de mer, les subsides aux élèves sages-femmes ;
impressions et dépenses imprévues : 14,000 fr.
2° Secours aux
communes à l'occasion des épidémies, surtout aux communes où règnent les
fièvres typhoïdes : 20,000 fr.
3° Récompenses
pécuniaires, médailles et subventions à accorder pour services rendus à
l'occasion des épidémies : 6,000 fr.
Total : 40,000
fr.
La section centrale
apprécie l'importance des mesures auxquelles les deux crédits demandés sont
destinés à faire face et, s'en rapportant quant au dernier, aux évaluations
présentées par le gouvernement, elle a l'honneur de proposer à la chambre
d'ajouter aux crédits supplémentaires admis dans la séance d'hier, les deux
articles suivants :
« Art. 4. Il est
alloué au budget du département de l'intérieur pour l'exercice 1848, une somme
de 8,480 fr. pour payer les dépenses provenant des mesures prises par l'arrêté
royal du 15 novembre 1847, à l'effet de prévenir la falsification de la graine
de lin à semer. »
« Art. 5. Une somme
de 40,000 fr. est ajoutée au crédit voté à l'article 2 du chapitre XXI du
budget de 1848. »
Vote des articles et de l’ensemble du projet
- Les articles 4 et
5, proposés par la section centrale, sont successivement mis aux voix et
adoptés.
II est procédé au vote,
par appel nominal, sur l'ensemble du projet de loi ; en voici le
résultat :
89 membres sont
présents.
3 (MM. Faignart,
Dautrebande et Delfosse) s'abstiennent.
86 prennent part au
vote.
70 votent pour
l'adoption.
16 votent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour
l'adoption : MM. Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Maertens, Manilius, Mast
de Vries, Mercier, Orban, Orts, Pirson, Raikem, Rodenbach, Rogier, Rousselle,
Thienpont, T'Kint de Naeyer, Van Cleemputte, Vanden Eynde, Van Huffel, Van
Renynghe, Veydt, Vilain XIIII, Anspach, Brabant, Broquet-Goblet, Bruneau, Cans,
Clep, Cogels, d'Anethan, de Breyne, de Brouckere, Dechamps, de Clippele, de
Corswarem, Dedecker, de Denterghem, de Foere, de Haerne, de la Coste, Delehaye,
d'Elhoungne, de Liedekerke, de Meester, de Mérode, de Sécus, de Terbecq, de
Theux, de Tornaco, de T’Serclaes, de Villegas, d'Hane, d'Hoffschmidt, Donny,
Dubus (aîné), Dumont, Duroy de Blicquy, Fallon, Gilson, Henot, Herry-Vispoel,
Huveners, Jonet, Lange, Lebeau et Verhaegen.
Ont voté contre : MM.
Lys, Moreau, Osy, Pirmez, Tielemans, Tremouroux, Vandensteen, Bricourt, David,
de Bonne, de Man d'Attenrode, Desaive, Destriveaux, Dubus (A.), Eenens et Eloy
de Burdinne.
M. le président. - Les membres qui se
sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Dautrebande. - Je n'ai pas été
présent à la discussion.
M. Delfosse. - Je me suis abstenu
parce que le projet de loi comprend avec des dépenses qui sont justifiées,
d'autres dépenses auxquelles il m'est impossible de donner mon assentiment et
qu'on devrait laisser pour compte de ceux qui ont eu le tort de les faire sans
autorisation.
M. Faignart. - Je me suis abstenu
parce que je n'ai pas assisté à la discussion.
PROJET DE LOI PORTANT INSTITUTION DU SYSTEME DES WARRANTS
Discussion des articles
Article 5
« Art. 5. Le
gouvernement désignera les marchandises indigènes et étrangères auxquelles sont
applicables les dispositions des articles précédents. »
M. le président. - M. T'Kint de
Naeyer propose la rédaction suivante :
« Le gouvernement
désignera les marchandises indigènes, et les denrées et matières premières
étrangères auxquelles sont applicables les dispositions des articles
précédents. »
M. T’Kint de
Naeyer. - Messieurs, l'amendement que j'ai déposé sur le
bureau n'est, en réalité, qu'un changement de rédaction. En vous proposant de
substituer aux mots « marchandises étrangères », les mots (page 1710) « denrées et matières
premières étrangères », mon but a été de mettre l'article 5 en harmonie
avec l'article premier, qui, sur ma proposition, avait été modifié dans ce sens
par la section centrale. Je suis persuadé que c'est par suite de la rapidité
avec laquelle M. le rapporteur a dû terminer son travail, que cette
rectification n'a pas été faite à l'article 5.
Messieurs, puisque
j'ai la parole, je demanderai à ajouter quelques observations très succinctes
relativement à l'application des warrants aux produits indigènes.
Je ne puis partager,
à cet égard, l'opinion qui a été émise dans la séance d'hier, par mon honorable
ami, M. Gilson. Je crois que dans la crise exceptionnelle que nous traversons,
la mesure sera utile, et que nous devons en attendre de bons résultats. En
effet, à moins qu'il ne soit possible d'anticiper en quelque sorte par la
circulation sur la consommation qui est momentanément diminuée, un grand nombre
d'industriels ne pourront pas continuer à donner du travail à leurs ouvriers.
J'engagerai le
gouvernement à soumettre les mesures réglementaires et d'exécution à l'avis des
chambres de commerce. Car il me semble que ces mesures devront nécessairement
varier selon les localités et selon les besoins des industries auxquelles il
s'agit de venir en aide. Il faut surtout éviter qu'une institution qui est
bonne en principe ne dégénère en abus et que les entrepôts que le gouvernement
compte ouvrir ne deviennent une nouvelle espèce de monts-de-piété.
Plusieurs membres du
cabinet ont déclaré dans la séance d'hier, qu'une partie très considérable des
fonds qui avaient été affectés, par la loi du 20 mars, au comptoir d'escompte,
restait encore disponible. Si ces fonds n'ont pas trouvé d'emploi, on pourrait
en conclure, comme vous l'a dit hier, je crois, un honorable membre, que les
valeurs commerciales créées par les transactions antérieures commencent à s'épuiser
et que les ventes courantes ne les renouvellent que dans une très faible
proportion. Je suis loin de vouloir contester ce fait qui se reproduira
nécessairement dans tous les temps de crise.
Mais ce qui est vrai en thèse générale peut ne pas
être applicable dès à présent à toutes les localités. A Gand, messieurs, les
industriels ont lutté courageusement, mais très péniblement, pour pouvoir
maintenir le travail ; car il n'a pas été possible jusqu'à présent d'y donner
au crédit toute l'extension que des besoins légitimes et réels réclamaient
impérieusement. Je ne crains pas de dire que si le comptoir d'escompte pouvait
mettre dans ce moment à la disposition de la banque des Flandres un million et
davantage peut-être, elle serait à même d'en faire un emploi très utile.
J'espère donc, messieurs, que cet établissement sera admis dorénavant au
réescompte dans une proportion beaucoup plus large.
Je pourrais, à
l'appui de ces observations, faire valoir de hautes considérations d'ordre
public, comme M. le ministre de l'intérieur l'a fait dans la séance d'hier ;
mais comme je suis convaincu qu'il en est très pénétré lui-même, je me bornerai
à insister pour qu'à l'avenir le gouvernement imprime plus d'activité aux
rapports du comptoir d'escompte avec les provinces.
M.
Mercier, rapporteur. - Messieurs, l'article premier stipule qu'en
ce qui concerne les marchandises étrangères, le titre de possession ne peut
être délivré que pour les denrées et matières premières. Il ne peut donc y
avoir de doute sur la portée de l'article 5, et je ne vois pas pourquoi il
faudrait faire à cet article la distinction que l'on propose. S'il est de toute
évidence qu'en ce qui concerne les marchandises étrangères, le gouvernement ne
pourra accorder des titres que pour les denrées et les matières premières, je
ne puis comprendre l'utilité de l'amendement de l'honorable député de Gand.
M.
Delehaye. - La rédaction de l'article 5 me paraît laisser
un doute, que l'on ferait disparaître en disant : « Le gouvernement
désignera les marchandises indigènes et étrangères indiquées à l'article
premier auxquelles sont applicables les dispositions des articles précédents ».
M. T’Kint de Naeyer. - Je me rallie à
cette rédaction.
M. Tielemans. - Messieurs,
l'amendement me paraît inutile, mais je crois cependant qu'il y aurait une amélioration
à introduire dans l'article 5, L'article 5 parle des marchandises auxquelles
sont applicables, dit-il, les dispositions des articles précédents ;
conséquemment il s'agit et des matières premières et des denrées mentionnées au
premier paragraphe de l'article premier et des marchandises indigènes
mentionnées au paragraphe 2. Dès lors l'article 5 est très clair, si l'on
retranche seulement les mots « indigènes et étrangères ».
Je proposerai cette
suppression.
M. le
ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Je me rallie à cet
amendement.
- L'article, ainsi modifié, est mis aux voix et
adopté.
Articles 6 et 7
« Art. 6. Les règles relatives
à l'entretien des marchandises et à la responsabilité des dépositaires,
établies par la loi du 4 mars 1846, seront observées à l'égard des marchandises
indigènes.
« Ces marchandises
seront soumises aux mêmes droits d'entrepôt que les marchandises étrangères. »
- Adopté.
______________
« Art. 7. Le
gouvernement réglera l'application de la présente loi. Les dispositions qu'il
aura prises à cet effet formeront l'objet d'un projet de loi qui sera présenté
aux chambres législatives dans la session de 1848-1849. »
- Adopté.
Second vote des articles et vote sur l’ensemble du projet
- La chambre décide
qu'elle procédera immédiatement au vote définitif.
Les amendements
introduits dans le projet sont successivement mis aux voix et définitivement
adoptés.
Il est procédé au
vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.
83 membres sont
présents.
74 adoptent.
3 rejettent.
6 s'abstiennent.
En conséquence, le
projet est adopté.
Ont voté l'adoption :
MM. Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier,
Moreau, Orts, Pirson, Raikem, Rodenbach, Rogier, Sigart, Thienpont, T'Kint de
Naeyer, Tremouroux, Vandensteen, Van Huffel, Van Renynghe, Veydt, Vilain XIIII,
Zoude, Anspach, Brabant, Broquet-Goblet, Bruneau, Cans, Clep, Cogels, d'Anethan,
David, de Bonne, de Breyne, Brouckere,
Dechamps, de Clippele, de Corswarem, Dedecker, de Denterghem, de Haerne, de La
Coste, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de Liedekerke, de Meester, Desaive, de
Sécus, Destriveaux, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de T'Serclaes, de
Villegas, d'Hane, d'Hoffschmidt, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dumont,
Duroy de Blicquy, Eenens, Eloy de Burdinne, Fallon, Gilson, Henot,
Herry-Vispoel, Huveners, Jonet, Lange, Lebeau et Verhaegen.
Ont voté le rejet :
MM. Lys, Orban et Vanden Eynde.
Se sont abstenus :
MM. Osy, Rousselle, Tielemans, Bricourt, Dautrebande et de Foere.
M. le président. - Les membres qui se
sont abstenus, sont invités, aux termes du règlement, à faire connaître les motifs
de leur abstention.
M. Osy. - Messieurs,
j'aurais donné un vote approbatif à la loi sur les warrants si on n'y avait pas
introduit la disposition qui a été présentée hier par l'honorable ministre des
affaires étrangères. A aucune condition, je ne puis consentir à ce qu'on
immobilise une partie des fonds des billets de banque qui ont été mis à la
disposition du gouvernement ; je ferai tout ce qui dépendra de moi pour les
retirer de la circulation le plus tôt possible.
M. Rousselle, M. Tielemans, M. Bricourt
et M.
de Foere déclarent s'être abstenus pour les mêmes motifs.
M. Dautrebande. - Je me suis
abstenu parce que je n'ai pas assisté à la discussion.
RAPPORTS DE PETITIONS
Rapport fait, au nom
de la commission permanente de l'agriculture, du commerce et de l'industrie ,
sur la pétition dc sieur Coupiny, concernant l'entrée des fèces ou lies
d'huiles.
M. David,
rapporteur. - La commission conclut à ce que le système douanier
en vigueur jusqu'au 31 décembre 1847, en ce qui touche l'entrée des fèces de
foie de morue soit rétabli et que, si la chose paraît nécessaire, des bureaux
de douanes soient expressément désignés pour les déclarations à l'entrée de
cette matière première, et vous propose, vu l'urgence, de renvoyer à cet effet
la présente pétition à MM. les ministres des finances et des affaires
étrangères.
- Personne ne
demandant la parole, le renvoi de la pétition à MM. les ministres des finances
et des affaires étrangères est mis aux voix et adopté.
Discussion du rapport
fait, au nom de la commission permanente de l'industrie, par sur la pétition
d'ingénieurs, fabricants et inventeurs, concernant la loi sur les brevets
d'invention.
M. Gilson, rapporteur. - La conclusion de
la commission est le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur.
- La discussion est
ouverte. La parole est à M. Lejeune.
M. Lejeune. - Messieurs, si ce
que le rapport contient est exact, il n'y a rien à dire pour le moment sur la question.
La commission d'industrie nous annonce que M. le ministre de l'intérieur a
nommé une commission chargée de l'examen de la question concernant la révision
de la législation des brevets ; ce qui constituera un commencement
d'organisation de la propriété intellectuelle ; c'est tout ce que nous avons
demandé jusqu'à présent.
Je déplore que, par
un motif très regrettable, nous n'ayons pas un rapport plus étendu sur cette
question. Si ce motif n'avait pas existé, je suis persuadé que l'honorable
rapporteur aurait produit à la chambre un travail tout à fait digne de
l'importance du sujet. Je ne puis, pour le moment, qu'appuyer les conclusions
de la commission et engager le gouvernement à persister dans son intention de
faire examiner la question. Là se bornent, pour le moment, les vœux des
pétitionnaires.
On veut aujourd'hui
des innovations, des réformes ; eh bien, qu'on tente cette réforme-là ; cette
innovation, on pourra l'essayer sans aucun danger pour nos finances, qui s'en
trouveront peut-être bien, sans aucun danger pour les droits acquis. Tout ce
qui est aujourd'hui dans le domaine public y resterait ; tout ce qui est dans
le domaine de la libre concurrence y resterait. S'il y a changement de système
dans la législation sur les brevets, ce changement n'atteindra que l'avenir.
Tandis que quelques
hommes vont jusqu'à poser en principe la non-propriété, organisons chez nous la
propriété intellectuelle ; donnons des garanties à un droit de propriété qui
n'est pas suffisamment protégé par la loi.
Si, contre toute
prévision, le nouveau système à introduire ne produisait pas tous les effets
qu'on en espère, on pourrait facilement en (page 1711) revenir, sans compromettre aucun intérêt, sans avoir
causé le moindre préjudice à qui que ce soit.
J'engage donc le
gouvernement à ne pas perdre de temps pour examiner cette question.
- Le renvoi de la
pétition à M. le ministre de l'intérieur est mis aux voix et adopté.
PROJET DE LOI RELATIF AUX INCOMPATIBILITES PARLEMENTAIRES
M. le président. - Le dernier objet à
l'ordre du jour est le projet de loi sur les incompatibilités parlementaires.
Des membres. - A demain.
M. de Theux. - On peut ouvrir la
discussion générale.
- La chambre
consultée décide qu'on ouvrira immédiatement la discussion générale.
Discussion générale
M. le président. - Le gouvernement se
rallie-t-il au projet de la section centrale ?
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - Non, M. le président.
M. le président. - La parole est à M.
de Bonne.
M. de Bonne. - Messieurs, le
rapport sur le projet de loi soumis à votre examen rappelle qu'une question de
constitutionnalité a été soulevée dans deux sections. Dans une seule, la
première, elle a été soumise à un vote ; un seul membre a cru à
l'inconstitutionnalité du projet de loi. Ce membre, c'est moi, et je viens
donner les motifs de mon opinion.
La question soumise à
vos délibérations me semble une des plus graves qui vous aient jamais occupés.
Au moment où toutes les opinions regardent l'observation stricte, rigoureuse,
littérale de la Constitution, comme la seule ancre de salut au milieu des
tempêtes qui grondent autour de nous, au moment où les grands corps de l'Etat,
les assemblées politiques, les organes de la presse croient nécessaire, pour
rassurer les esprits inquiets, de demander ou de répéter, comme formule
sacramentelle, « la Constitution, toute la Constitution, rien que la
Constitution » ; c'est alors que le ministère, mû sans doute par les
intentions les plus libérales, mais se laissant entraîner, par un désir inconsidéré
du bien, hors des limites constitutionnelles, vient vous proposer, selon moi,
d'effacer un des articles les plus importants de la Constitution, l'article 50
qui fixe les conditions d'éligibilité, et qui non seulement les fixe, mais,
comme si le législateur eût prévu vos intentions, vous défend d'avance d'y rien
ajouter, vous déclare non seulement qu'il n'y a aucune autre condition
d'éligibilité que celles qu'il énumère, mais encore qu'il ne peut y en avoir.
« Aucune autre condition d'éligibilité, est-il dit, ne peut être
requise ».
Ceci n'est-il pas
manifeste, positif, frappant ? Ceci laisse-t-il la moindre ouverture à
l'équivoque, aux ambages, à l'interprétation ? C'est là surtout ce qui m'a
frappé dès que le projet de loi actuel a été proposé. J'ai vu cette assemblée
se poser elle-même en pouvoir constituant, répondre au congrès : Vous avez dit
qu'aucune autre condition d'éligibilité ne pouvait être requise ; et nous, nous
prétendons en requérir d'autres ; à celui qui nous prouvera qu'il est Belge,
qu'il jouit des droits civils, qu'il a 25 ans, qu'il est domicilié en Belgique,
nous dirons : Tout cela ne nous suffit pas, prouvez encore que vous n'êtes pas
fonctionnaire ; et ce que le congrès n'a pas exigé, n'a pas voulu que personne
exigeât, nous qui n'avons pas cette mission, nous l'exigeons, en usurpant un
mandat qu'on ne nous a pas confié, qui ne nous appartient pas, que les pères de
la ' Constitution belge ont défendu qu'on nous confiât.
Ne vous semble-t il
pas, messieurs, que cette considération doit dominer toute la question, que les
arguments les plus puissants en faveur des incompatibilités doivent tomber
devant ce mot légal : Nous ne pouvons pas.
Mais songez donc
qu'il y a quelques jours à peine des journaux, des brochures, l'opinion de
certains publicistes du pays, l'exemple d'une grande nation voisine vous
demandaient le suffrage universel ; qu'avez-vous fait ? Vous avez abaissé le
cens à 20 florins. Mais là vous vous êtes arrêtés. Pourquoi ? Parce que là
était la limite fatale, le « non amplius ibis » que vous traçait la
Constitution ; et les meilleures raisons du monde ne vous eussent point
déterminés à retrancher un centime des 20 florins qui étaient la limite de vos
pouvoirs.
Et pourtant,
messieurs, l'autorité constituante n'avait pas ajouté : Ce cens ne peut être
diminué d'un centime.
Vous ne vous croyez
pas le pouvoir constituant quand il s'agit de donner des droits d'électeurs à
des citoyens à qui la loi suprême ne les a pas donnés, et vous vous
constitueriez souverains pour enlever le droit d'éligibilité à des citoyens à
qui la loi suprême l'a donné.
Mais une fois que
vous aurez enlevé la barrière posée par l'article 50, on peut, et à bien plus
forte raison, vous demander la suppression de celle qu'impose l'article 47 ;
l'éligible fonctionnaire, comme tout autre, peut ne pas être électeur ; cette
condition n'étant pas exigée, cet éligible vous dira ; Quoi ! vous prétendez ne
pouvoir me donner le droit d'élire parce que la Constitution ne me le donne
pas, et vous voulez m'enlever le droit d'être élu que cette même Constitution
me donne ? Expliquez, si vous le pouvez, de pareilles contradictions.
- On dira que depuis
33 ans, sous le précédent gouvernement comme sous celui-ci, on a signalé de
graves inconvénients à l'admission des fonctionnaires dans cette assemblée.
1° Influence des
fonctionnaires sur les électeurs ; ceux-ci sont portés à donner leur voix,
souvent même en dépit de leur conscience, à des hommes dont ils ont beaucoup à
espérer ou beaucoup à craindre ; et le ministère est censé user de tous les
moyens de corruption électorale pour faire arriver à la chambre des hommes dont
l'intérêt lui répond d'avance de leurs suffrages.
2° L'action du
gouvernement sur les fonctionnaires élus.
Ceux-ci, à leur tour,
sont portés à aliéner la liberté de leurs votes en faveur du ministère dont ils
ont aussi beaucoup à espérer et beaucoup à craindre ; et le ministère est porté
à les maintenir sous sa dépendance par les mêmes moyens de corruption qu'il a
employés pour les faire parvenir.
3° Le retard dans
l'expédition des affaires ou le surcroît de travail pour les collègues du
fonctionnaire élu ; la présence des fonctionnaires dans la chambre doit
nécessairement amener un de ces deux résultats ;
4° La position fausse
du fonctionnaire représentant à l'égard de ses supérieurs qui ne seraient pas
représentants, et à l'égard du ministre à qui il doit obéir, comme
fonctionnaire, pour l'exécution d'une loi que, comme représentant, il aura
peut-être rejetée, combattue même s'il appartient à l'opposition ;
5° L'exemple de plusieurs
Etats constitutionnels, nos aînés dans le système représentatif et qui ont
admis des incompatibilités ;
6° Enfin l'exemple de
la Belgique elle-même, qui en a déjà admis en déclarant inéligibles les membres
de la cour des comptes et de la cour de cassation.
Je ne cherche, vous
le voyez, messieurs, à diminuer ni le nombre, ni la valeur des objections ;
mais je vois que de tous ces griefs, on peut aisément réfuter les uns et
remédier aux autres sans violer la Constitution, sans sortir de l'ordre légal.
Plusieurs pays
constitutionnels, et la Belgique elle-même, en certains cas, reconnaissent des
incompatibilités.
Cela est vrai : En
Angleterre, une foule de fonctionnaires sont inhabiles à être élus au parlement
; et, non seulement il existe des incompatibilités parlementaires ; mais des
incompatibilités électorales.
Mais en Angleterre,
il n'y a pas de constitution proprement dite, souverainement établie, par un
corps constituant. Le parlement est omnipotent ; une législature non seulement
peut ajouter aux lois constitutives faites par une autre, mais même les
modifier, en changer l'esprit, les annuler même.
Une législature
créera une incompatibilité, une autre en supprimera et des plus importantes ;
c'est ainsi que la suppression des « tests » a fait disparaître cette
grande loi d'incompatibilité qui excluait tous les catholiques et les
dissidents.
La législature belge
n'est point omnipotente comme le parlement anglais.
L'acte de confédération
américaine, par son article 5, défend « à tout délégué au congrès de posséder
aucun office dépendant des Etats-Unis pour lequel lui ni aucune autre personne
pour lui recevrait des appointements, profits ou émoluments quelconques. »
Un pouvoir constituant a établi cette disposition.
Le congrès belge, qui
la connaissait sans doute, aurait pu l'adopter, et il ne l'a pas voulu.
Parmi les six ou sept
constitutions qui se sont succédé en France depuis 1791 jusqu'en 1830, aucune
n'admet d'incompatibilités, si ce n'est celle du 5 fructidor an III (22 août
1793) ; seulement celle de 1791 obligeait les fonctionnaires élus à opter entre
leur place et la députation.
Mais ce qui résulte
de tous ces exemples, c'est que les seules assemblées constituantes proprement
dites, c'est-à-dire, celles où les représentants du peuple ont été appelés à
cette fin, ont pu établir des incompatibilités et que les assemblées simplement
législatives ne l'ont jamais fait et ne pouvaient le faire, quand l'assemblée
constituante ou bien avait tracé elle-même la ligne de démarcation, ou n'avait
positivement voulu en tracer aucune.
Au reste, ce qui
s'est fait ailleurs ne serait ni une règle, ni une justification, ni une excuse
pour nous.
Mais, dit-on, il a
été établi des incompatibilités en 1830 pour la cour des comptes, en 1832 pour
la cour de cassation.
Remarquez, messieurs,
que le décret du 30 décembre 1830 a été rendu par le congrès lui-même ; que ce
corps était constituant, qu'ainsi il avait qualité pour établir des
incompatibilités parlementaires ; le congrès ne faisait que continuer sous ce
rapport la Constitution ; mais lui-même sentait si bien que cette qualité
donnait à tous ses actes une force qui vous liait tout autrement que de simples
dispositions législatives que, ne voulant pas, lui, si peu partisan des
incompatibilités, vous enchaîner par cette sorte d'annexé à la Constitution,
comme vous l’êtes par la Constitution elle-même, il spécifia positivement à
l'article 19 du décret qu'il était soumis à la révision de la législature.
Ainsi le même congrès
qui vous défendait péremptoirement de créer aucune incompatibilité ne vous a
permis qu'une chose, d'effacer la seule que lui-même ait ajoutée
postérieurement.
En dépit de ces
intentions si positivement manifestées, la loi organique de l'ordre judiciaire
du 4 août 1832, article 6, déclare les fonctions de membre de la cour de
cassation incompatibles avec celles de représentant. Mais je regrette de le
dire, messieurs, en consacrant cette disposition, la législature, selon moi, a dépassé
ses pouvoirs ; elle a agi inconstitutionnellement, elle a donné aux
législatures suivantes un exemple pernicieux, et si j’avais eu l'honneur
d'appartenir alors à cette chambre, j'aurais protesté de toutes mes forces,
comme je le fais aujourd'hui contre ce qui alors comme aujourd'hui m eût paru
un abus de pouvoir.
Je regarde donc les
exemples cités, soit dans les divers Etats (page 1712) constitutionnels, soit même en Belgique, comme tout à
fait étrangers à la question et ne justifiant en aucune manière la proposition
de loi qui nous est présentée. Quant aux autres griefs précédemment exposés, je
ne les nie point, je les admets même ; mais je pense qu'il est possible d'y
porter remède sans violer la Constitution.
Dans tout ce qui
tient aux intérêts et de l'administration privée de l'utile collaboration des
fonctionnaires élus et des collègues de ces fonctionnaires surchargés d'un
surcroit de travail par l'absence forcée de leurs collègues devenus
représentants, n'y a-t-il pas moyen de faire remplacer tout fonctionnaire élu
par un suppléant ? Il est beaucoup de fonctions pour lesquelles il en existe
déjà ; on peut en créer pour celles qui en manquent, en allouant à ces
suppléants tout ou partie du traitement du fonctionnaire élu.
Les choses ne se
passent-elles pas ainsi quand un fonctionnaire est retenu par une maladie plus
ou moins longue et dont souvent on ne peut fixer la durée ? Ce fonctionnaire,
dira-t-on, avait des talents, des qualités, des connaissances spéciales et
l'administration souffre de cette privation.
Mais, messieurs, ce
sont sans doute ces connaissances, ces qualités, ces talents qui ont appelé sur
lui le choix de ses concitoyens ; ils ont pensé que tous ces avantages seraient
d'une utilité plus puissante et plus générale s'ils étaient appliqués, dans la
chambre, au pays tout entier. Vous ne voulez pas que l'administration pâtisse,
et vous laisserez pâtir le corps électoral, la représentation nationale, la
Belgique entière, en un mot, par l'absence d'un fonctionnaire qui pouvait
contribuer au bien-être de tout le pays, comme il contribue au bien-être d'une
administration spéciale.
D'ailleurs le
ministre a aussi sa responsabilité ; s'il juge que la marche des affaires soit
entravée par l'absence d'un fonctionnaire, il a toujours le droit de lui
ordonner de rester à son poste, de lui refuser un congé et de cette manière de
le forcer à opter.
Mais je veux que ce
droit ne soit pas une nécessité légale, qu'il reste facultatif, que le ministre
n'en use que sous sa responsabilité devant les chambres et devant le pays ; que
le pays et les chambres restent toujours les juges de la conduite dans des
occasions semblables.
Si ce qu'on a dit est
vrai, le ministère aurait hésité entre la présentation du projet de loi actuel,
et la publication d'un arrêté royal qui aurait déclaré qu'à l'avenir aucun
congé ne serait accordé aux fonctionnaires pour assister aux séances de la
chambre.
Le gouvernement était
dans son droit, sa responsabilité le couvrait. Cette mesure était légale à mes
yeux.
Pour ce qui tient aux
influences des ministres et des fonctionnaires sur les électeurs et les
élections, sur tout ce qui est ou ce qui semble corruption électorale, c'est
ici que j'invoque toute la sévérité de la loi. Dès qu'une plainte serait
portée, que d'office une enquête rigoureuse ait lieu sur la conduite du
fonctionnaire ou du ministre accusé, et si sa culpabilité est prouvée, que la
peine soit à la hauteur de la faute ; que corrupteur et corrompu soient
déclarés à jamais incapables et indignes de toute fonction législative,
administrative ou judiciaire.
En Angleterre, des
peines sévères sont comminées contre la corruption électorale,
« bribery ».
Je sais que, malgré
la sévérité des lois, la corruption ne s'exerce en aucun pays d'une manière
plus déplorable, plus scandaleuse. C'est que les lois ne suffisent pas, ni sous
la monarchie constitutionnelle, ni sous la République. Avec les lois, il faut
les mœurs. Mais j'ose le dire et je ne prétends pas ici flatter mes
concitoyens, je n'ai jamais flatté personne, le peuple pas plus que les rois,
il serait trop tard de commencer ; mais il me sera permis de dire que nos mœurs
politiques sont plus pures que celles de l'Angleterre. Ce qui manque aux
Belges, ce n'est ni la probité ni la loyauté ; c'est, me paraît-il, l'éducation
constitutionnelle. Et cette éducation, à qui incombe le devoir de la donner, si
ce n'est à nous ? Ce n'est pas à coups de lois et d'institutions, eu
multipliant les incompatibilités que nous rendrons cette chambre digne de la
nation et de l'Europe ; c'est par l'éducation constitutionnelle, intellectuelle
et morale des électeurs. Le corps électoral, on ne peut se le dissimuler, n'est
pas assez instruit de ses droits, ni surtout de ses devoirs. C'est à nous à les
lui apprendre.
Pourquoi les
fonctions d'électeur ne sont-elles pas légalement obligatoires, comme celles de
juré ou de garde civique ? Si vous vous refusez à prononcer sur la culpabilité
ou l'innocence de vos concitoyens, à défendre leur repos intérieur, à veiller à
la sûreté publique, vous êtes passible de certaines peines ; et si par mauvais
vouloir, par indifférence, par égoïsme, par indolence même, vous vous refusez à
contribuer au bien-être du pays tout entier qui dépend de la moralité et de la
capacité de ses mandataires, vous êtes libre de vous renfermer dans une
abstention apathique.
Soyons du moins
conséquents, et quand nous exigeons le plus, quand nous demandons une longue
session, ou des veilles fréquentes et pénibles, ne craignons pas d'exiger deux
ou trois jours par année consacrés aux devoirs électoraux.
Que l'on fortifie
dans nos universités l'étude du droit public belge, de la Constitution, de
l'économie politique, dans ces parties qui peuvent éclairer l'électeur sur le
choix des candidats ; que ces connaissances soient déclarées obligatoires pour
l'obtention des grades dans quelque faculté que ce soit.
J'avoue que
j'aimerais mieux voir interroger le jeune homme qui se présente pour la
candidature en philosophie et lettres sur ces matières que sur les détails
infinis, fastidieux et souvent inutiles de l'histoire de la philosophie
ancienne ou des antiquités de Rome et de la Grèce, sans nier cependant leur
utilité spéciale et relative.
Que ces connaissances
exposées d'une manière simple, claire, élémentaire, sans controverses
ambitieuses, fassent partie même de l'enseignement moyen ; car plus nous
avançons plus, elles deviendront indispensables à tous, sans distinction de
rang ni de fortune ; que, comme l'a demandé l'honorable M. Lebeau au
commencement de cette session, on cherche à rendre accessible au plus grand
nombre la publication des Annales parlementaires, en en réduisant le prix, en
les traduisant en flamand, etc.
Il y a beaucoup
d'autres moyens, sans doute, de contribuer à l'éducation électorale, et la
presse doit être sous ce rapport notre plus puissant auxiliaire.
Je n'ai voulu en
parler ici que parce que je la regarde comme le seul moyen licite, réel,
efficace avec le temps contre les maux et les abus dont on se plaint. Ces maux
et ces abus je suis loin de le nier, je ne crois pas les avoir dissimulés, mais
je pense que la loi d'incompatibilités que l'on vous propose n'y remédiera en
rien.
Cette loi je la
rejette donc :
Comme inutile, s'il
existe des inconvénients pour l'administration dans l'admission des fonctionnaires
à la chambre, la Constitution et les lois existantes nous donnent assez de
moyens de les neutraliser ; si l'on se récrie contre la corruption et les
fraudes électorales, une bonne loi pénale est un remède beaucoup plus puissant
contre elles que toutes les incompatibilités ; car combien de gens qui ne sont
pas fonctionnaires appartiennent pourtant au ministère et peuvent influencer
les électeurs, parce qu'ils ont parmi les fonctionnaires des fils, des frères,
des parents, des amis !
Comme illogique, en
ce que vous ne vous croyez pas le pouvoir de donner le droit d'élection en
dessous des limites de la Constitution et croyez avoir celui d'enlever le droit
d'éligibilité à ceux qui en jouissent.
Comme injurieuse aux fonctionnaires, en ce qu'elle les
déclare incapables de remplir avec indépendance et intégrité le mandat de
représentant.
Injurieuse tout à la
fois à la nation et aux fonctionnaires en ce qu'elle les place dans un état de
présomption légale de corruptibilité.
Enfin
inconstitutionnelle en ce qu'elle ajoute à l’article 50 une condition nouvelle
d'éligibilité.
M. Lejeune. - Messieurs, ce
n'est pas sans quelque répugnance que je prends la parole dans cette
discussion. Si j'avais pu donner mon approbation an projet de loi sur la
réforme parlementaire, j'aurais été heureux d'émettre un vote silencieux ; le
projet de loi ne manquera pas de défenseurs. Mais telle n'est pas ma conviction
; mon vote sera négatif, et dès lors je tiens, non pas à m'engager dans la
discussion approfondie des graves questions que soulève cette loi, non pas à
défendre mon opinion avec un zèle indiscret ; mais à exprimer simplement et
brièvement les motifs de mon vote.
En précisant moi-même
les raisons qui me guident, mon but est de ne pas les abandonner au domaine des
suppositions plus ou moins erronées.
On me dira peut-être
que la loi m'étant applicable, il me restait la ressource de l'abstention ;
mais ce moyen terme qui accuse le doute, l'irrésolution, ne serait pas
l'expression de ma conviction bien arrêtée. Je croirais manquer à mon devoir de
représentant si, mon opinion étant bien formée, j'exprimais, par quelque
considération que ce fut, un vote qui n'y fût pas conforme.
D'ailleurs, si,
pendant les treize années que j'ai eu l'honneur de siéger dans cette chambre,
je n'ai pas été toujours, pas plus que tout autre, à l'abri de l'erreur, j'ai
du moins toujours exprimé librement mon opinion, sans égard pour ma position
personnelle. On voudra bien me permettre de persévérer dans cette conduite
jusqu'à la fin.
Messieurs, la
Constitution belge consacre dans le sens le plus large le principe de la
liberté électorale. En développant ce principe de liberté, au lieu de le
restreindre, on doit finir par s'en rapporter entièrement à la sagesse du
collège électoral, en qui réside la souveraineté.
L'application de ce
principe de liberté constitutionnelle dans toute son étendue peut, dit-on,
donner lieu à des inconvénients, à des abus. Je ne veux pas le nier.
La Constitution
laisse-t-elle au pouvoir législatif la faculté d'apporter des restrictions à ce
grand principe de liberté ? Je ne soutiendrai pas la négative ; cette question
me parait jugée. Je crois que la loi peut établir des exceptions à la règle,
sans violer la Constitution.
Mais ce que je
soutiens, c'est que, pour ne pas s'écarter de l'esprit de la Constitution, les
exceptions doivent se restreindre au strict nécessaire pour prévenir des
inconvénients réels, des abus constatés.
Il est contraire à
l'esprit de la Constitution d'établir, non pas une exception, mais une règle
générale d'exclusion ou d'incompatibilité. Or c'est ce que font et le projet du
gouvernement et le projet de la section centrale. J'adresse donc à l'un et à
l’autre projet le reproche de s'écarter du sens véritable de la Constitution.
En effet, messieurs,
on est bien loin de s’en tenir au strict nécessaire.
On exclut l'armée en
masse. Où est donc le grief que vous voulez redresser, l'abus à corriger ?
L'armée a-t-elle pénétré trop avant dans les chambres ?
On interdit aux
électeurs déporter leur choix sur de nombreuses catégories de fonctionnaires,
dont aucun ne s’est jamais présenté devant un collège électoral. Qu'est-ce que
cette exclusion inutile, si ce n’est un acte d'inutile défiance envers le corps
électoral ?
(page 1713) On veut interdire l'entrée des chambres aux ministres
des cultes rétribués par l'Etat. Est-ce pour sauver le pays d'un grand danger ?
Chose étrange, c'est
au moment même où, par le libre jeu de nos institutions, les ministres des cultes
se retirent de plus en plus de toute lutte politique, qu'on voudrait les
frapper d'incapacité ?
Il semble vraiment
qu'on a hâte de faire la loi d'exclusion, de peur qu'elle ne devienne inutile.
Remarquez encore
qu'il n'est fait aucune distinction entre les deux chambres ; cependant pour le
sénat le choix des électeurs est déjà très restreint, et d'ailleurs la session
de cette assemblée se borne, en temps ordinaire, à 50 ou 60 séances.
La réforme
parlementaire semble devoir être le corollaire indispensable de la réforme
électorale ; mais la différence entre ces deux espèces de réforme est
incommensurable.
Qu'est-ce que la
réforme électorale ? C'est un large développement d'un droit
constitutionnel ; c'est la fécondation d'un principe libéral, posé dans la
Constitution ; c'est donner à un grand nombre de citoyens belges des droits
politiques dont ils avaient été privés jusqu'ici ; c'est le progrès dans la
liberté. Cette réforme, aussi radicale que possible, j'ai pu la voter à cause
des circonstances ; marchant avec notre temps, qui a marché très vite, j'ai pu
voter cette réforme par entraînement ; je l'ai votée sans regret, sans
arrière-pensée, et de plus sans aucune inquiétude pour mon pays, que je crois
en état de supporter cette somme de liberté.
Mais la reforme
parlementaire, telle qu'elle est proposée, est loin d'avoir les mêmes
caractères ; ce n'est pas un progrès, ce n'est pas le développement, mais la
restriction d'un principe constitutionnel ; c'est restreindre la liberté
électorale, la plus précieuse de toutes les libertés ; c'est restreindre la
souveraineté du collège électoral, la base de notre organisation politique ;
c'est un acte de défiance envers le corps électoral.
Le projet de loi
s'écarte donc de l'esprit de la Constitution. Pénétré de ces sentiments, je ne
puis ni l'approuver ni m'abstenir.
On pourrait me
demander si, selon mon opinion, il faudrait maintenir le statu quo, s'il n'y
aurait rien à faire pour prévenir des inconvénients que je n'ai pas niés, et
pour donner satisfaction à l'opinion publique sur certains points.
Messieurs, j'aurais
désiré qu'on eût remédié, autant que faire se peut, à des inconvénients réels
ou possibles, non pas par des lois qui apportent des restrictions aux principes
fondamentaux de nos institutions ; mais par des mesures d'ordre purement
secondaires, qui eussent donné des garanties nouvelles et fortes de
l'indépendance du député quel qu'il fût ; et de son dévouement aux intérêts de
la patrie. Mais il ne m'appartient pas de faire des propositions nouvelles, qui
seraient d'ailleurs inutiles et qui me feraient sortir de la réserve que je me
suis imposée dans ce débat.
Quant à l'opinion
publique, c'est dans le collège électoral qu'elle doit exercer et qu'elle
exercera principalement son empire. Si vous déniez au corps électoral
l'intelligence nécessaire à l'exercice de ses droits, s'il est incapable de
faire un choix judicieux dans l'intérêt du pays, alors prenez toutes les
mesures possibles pour faire progresser l'éducation politique des électeurs. Si
enfin, après avoir pris toutes les précautions convenables et compatibles avec
le développement des principes constitutionnels, il reste encore des
inconvénients et même des abus, le meilleur parti à prendre c'est de s'y
résigner et de s'en remettre au temps pour les corriger : car il serait
impossible et dangereux de vouloir remédier à tout par une législation
ombrageuse.
Il me reste à dire un
mot sur les détails de la loi. .
Le principe
d'exclusion posé dans la loi allant, selon moi, à l’encontre de la
Constitution, je suis disposé à accueillir toutes les propositions qui tendent
à atténuer la rigueur de ce principe ; j'adopterai donc toutes les exceptions
qui seront proposées.
Je borne ici mes
observations ; je ne veux pas entrer plus avant dans le débat, il me suffit
d'avoir motivé mon vote.
J'ai dit, messieurs, que j'ai toujours exprimé mon
opinion, sans égard à ma position personnelle ; je dois en finissant ajouter un
seul mot :
A l'honneur des mœurs
politiques de la Belgique et pour rendre hommage à la vérité, je dois déclarer
que jamais, sous aucun ministère, aucun ministre n'a fait la moindre tentative
ni directe ni indirecte, pour obtenir un vote contraire à ma conviction..
Plusieurs
voix. - A demain ! à demain.
D’autres voix. - Continuons !
continuons !
- La chambre décide
que la discussion continue.
M. Destriveaux. - je regrette de
devoir, pour me conformer à la décision de la chambre, prendre la parole en ce
moment ; en parlant demain je pourrais être plus court.
M. le président. - La parole est à M.
Lebeau et ensuite à M. Tielemans.
Si personne ne la
prend, je devrai fermer la discussion générale.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - Je ne me suis pas opposé à l’ouverture de la
discussion de la loi sur les incompatibilités parlementaires ; mais il
avait été entendu que ce projet serait discuté en dernier lieu. Je ne m’oppose
pas à ce que cette discussion continue, mais je demande qu’on n’aborde pas la
discussion des articles avant d’avoir voté les divers projets de loi dont la
chambre est saisie.
M. le ministre des
travaux publics (Frère-Orban). - Divers projets ont été mis à l’ordre du jour
de demain ; je demande le maintien de cette décision ; après on
pourra reprendre la discussion de la loi des incompatibilités.
M. de Theux. - Tous les objets
mis à l’ordre du jour y restent, demain on décidera la priorité.
- La séance est levée
à 4 heures un quart.