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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 20 mai 1848

(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1771) M. A. Dubus procède à l'appel nominal à onze heures et demie.

La séance est ouverte.

M. T’Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Dubus communique à la chambre l'analyse des pièces qui lui sont adressées.

« Le conseil de fabrique de l'église de Vielsalm réclame l'intervention de la chambre pour que le gouvernement fasse reconstruire, aux frais de l'Etat, la partie du mur de soutènement du cimetière de la commune qui a été démolie pour établir l'assiette de la route de Salm-Château à Trois-Ponts et qu'il lui paye une indemnité pour l'emprise qu'il a faite sur le cimetière. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« La dame St-Leu, née Wallez, reclame l'intervention de la chambre pour faire accorder à son fils aîné, jusqu'à sa majorité, une pension de 600 fr., en récompense des services rendus pour feu son père, ancien consul général de Belgique. »

- Même renvoi.


Par divers messages, en date du 18 et du 19 mai, le sénat informe la chambre qu'il a donné son adhésion :

1° A 19 projets de loi de naturalisation ordinaire ;

2° Au projet de loi portant dérogation temporaire à la loi du 21 juillet 1844 ;

3° Au projet de loi portant règlement définitif du budget de l'exercice 1841 ;

4° Au projet de loi portant règlement définitif du budget de l'exercice 1842 ;

5° Au projet de loi ouvrant au département des travaux publics un crédit de fr. 2,005,615-38 ;

6° Au projet de loi sur l'entrée des machines ;

7° Au projet de loi ouvrant au département des finances un crédit supplémentaire de fr. 2,521,331-32 ;

8° Au projet de loi relatif à l'aliénation des biens domaniaux.

- Pris pour notification.


Par dépêche du 18 mai, M. le ministre de l’intérieur adresse à la chambre 123 exemplaires du rapport du jury de la dernière exposition industrielle.

- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.


Il est fait hommage à la chambre par M. l'ingénieur de Laveleye de deux exemplaires de son mémoire sur un projet de distribution d'eau de source dans la ville de Bruxelles. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Rapports sur des pétitions

« Rapport fait, au nom de la commission permanente d’industrie sur les pétitions des administrations communales et habitants dans le Hainaut, des propriétaires et directeurs d’établissements industriels dans le bassin de la Sambre, et des sieurs Puissant, frères, concernant la réduction de péages sur la Sambre canalisée, pour le transport des marbres, des minerais de toute espèce, de la castine, etc. »

M. David. - La commission conclut au renvoi de la pétition à MM. les ministres des finances et des travaux publics.

M. Dechamps. - Mon intention n'est pas de prendre la parole sur le projet de résolution qui nous est soumis ; je regrette seulement que le gouvernement, éclairé sur l'objet de ces pétitions, ne nous ait pas soumis un projet de loi pour satisfaire à ces réclamations. Je me joins, du reste, à la commission, pour exprimer le vœu que notre système vicieux de péages puisse être bientôt révisé.

Permettez-moi d'adresser au ministère une interpellation sur un autre objet, qui touche aussi à la question des péages.

L'intention du gouvernement était de présenter, si je ne me trompe, un projet de loi de prorogation relatif à la réduction de 75 p. c. sur l'exportation des produits du sol et de l'industrie. La loi actuelle expire vers la fin de l'année. M. le ministre des affaires étrangères avait, je pense, reconnu la nécessité de faire voter avant notre séparation un projet ayant pour but de proroger la loi de 1842.

Les marchés pour les houilles, en Hollande, se font six mois ou un an d'avance ; il était donc nécessaire de rassurer le commerce, par la présentation de ce projet de loi ; rien ne lui nuit comme l'incertitude.

Je demanderai donc au gouvernement de vouloir bien nous dire ce qu'il compte faire, et de faire disparaître, par l'assurance qu'il noue donnera, les incertitudes qui pourraient naître de son silence.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Mon collègue M. le ministre des affaires étrangères, avait préparé un projet tendant à proroger la loi dont parle l'honorable préopinant. J'avais donné mon adhésion à ce projet. Mon collègue et moi, nous comptions que la chambre aurait pu s'en occuper dans le cours de la session ; mais comme on paraît vivement désirer de se séparer, nous avons renoncé à le présenter ; l'intention du gouvernement est d'en saisir les chambres dans la prochaine session. Le gouvernement a reconnu l'utilité de proroger la loi qui accorde une réduction de péages pour les transports destinés à l'exportation. Les intéressés peuvent avoir toute sécurité. D'ailleurs, le délai fixé pour l'expiration de la loi est encore fort éloigné, et il sera très facile aux nouvelles chambres de voter en temps utile la loi accordant la prorogation.

M. Faignart. - Messieurs, je regrette que le gouvernement n'ait pas présente le projet de loi dont viennent de parler M. Dechamps et M. le ministre des travaux publics, car il est très essentiel que les extracteurs de houille sachent à quoi s'en tenir ; étant souvent obligés de faire des marchés six mois ou un an d'avance, ils devraient savoir à quoi s'en tenir pour proportionner l'extraction à la vente probable. D'après les paroles que vient de prononcer M. le ministre des travaux publics, je pense qu'on peut être assuré que le gouvernement a l'intention de présenter, au début de la prochaine session, le projet de loi dont il s'agit.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.


« Rapport fait, au nom de la commission permanente de l’industrie sur les pétitions de brasseurs et marchands de levures, concernant les droits d’entrée sur la levure »

M. Cans. - La commission est d'avis qu'il n'y a pas lieu de prendre en considéra-lion la demande des pétitionnaires tendante à l'augmentation du droit d'entrée. Elle conclut, cependant, au renvoi des pétitions à MM. les ministres des finances et des affaires étrangères, en les priant d'examiner s'il ne serait pas utile de réduire à un droit de balance le droit de sortie de 1 p. c sur la levure, qui grève ce produit de l'industrie belge, contrairement aux vrais principes de l'économie politique.

M. de La Coste. - Je n'occuperai pas la chambre du contenu du rapport ; il est convenu qu'il n'indique que l'opinion de la commission ou du rapporteur, que cela n'implique pas de décision de la part de la (page 1772) chambre ; sans cela, j'aurais examiné la question. Cela dit, e me réunis à la commission pour demander le renvoi des pétitions.

- Les conclusions de la commission sont adoptées

Projet de loi relatif aux droits de douane sur les abeilles en ruches, le miel et la cire

Vote de l'article unique

« Article unique. Par modification au tarif de la loi du 20 août 1822, les droits à l'entrée et à la sortie sur les abeilles en ruches sont réduits à un centime la ruche. »

- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal.

Le projet est adopté à l'unanimité des 70 membres qui ont répondu à l’appel. Il sera transmis au sénat.

Ont répondu à l'appel : MM. Dechamps, de Clippele, de Corswarem, Dedecker, de Denterghem, de Haerne, de La Coste, Delehaye. Delfosse, de Man d'Attenrode, de Mérode, de Sécus, Destriveaux, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de T'Serclaes, de Villegas, d'Hane, d'Hoffschmidt, d'Huart, Donny, Dubus, (Albéric), Duroy de Blicquy, Eloy de Burdinne,, Faignart, Fallon, Frère-Orban, Gilson, Herry-Vispoel, Huveners, Jonet, Lange, Lebeau, Lesoinne, Loos., Lys, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Moreau, Orts, Osy, Pirmez, Raikem, Rodenbach, Rogier, Rousselle,, Sigart,. Simons, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Eynde, Verhaegen, Veydt, Vilain XIIII, Wallaert,, Brabant, Bricourt, Bruneau, Cans, Clep, Cogels, Coppieters, d'Anethan, David, de Breyne, de Brouckere et Liedts.

Projet de loi sur les incompatibilités parlementaires

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale continue.

La parole est à M. de Mérode.

M. de Mérode. - Ce qui se passe, messieurs, dans le pays avec lequel nous avons le plus de relations, dont nous avons conservé le code de lois civiles et dont nous parlons la langue, doit nous attacher plus encore que précédemment aux institutions, sous lesquelles nous avons vécu depuis qu'elles ont été fondées par un congrès national constituant, qu'aucune violence ou surprise n'ont détourné de ses propres inspirations.

S'il est une idée dont il faille se défier aujourd'hui plus que de toute autre, c'est l'idée d'une perfectibilité imaginaire qui fait qu'on abandonnerait par des essais continuels le connu pour l'inconnu ; et ce qui a subi l'expérience de la pratique pour des conceptions non expérimentées et dont on espère des merveilles, parce que les inconvénients qu'elles présentent n'ont pas été soumis au crible d'une épreuve préalable.

Combien, de personnes, aujourd'hui ruinées en France par un profond bouleversement, regrettent (sans oser le dire toutefois, comme on osait presque tout dire sous le régime précédent) cette monarchie constitutionnelle qui n'était pas la perfection idéale, chacun le sait, mais qui assurait à l'homme modéré dans son langage et ses prétentions toute facilité pour se plaindre des abus et obtenir avec une certaine patience le redressement des erreurs gouvernementales et des vices de quelques lois. Combien de Français, qui ne voyaient peut-être dans la royauté qu'une sorte de privilège pour un prince et sa famille, sentent cruellement aujourd'hui que ce privilège était la sauvegarde de la fortune des uns, du salaire des autres ! Et le silence presque général sur ce fait palpable est la plus grande preuve même de l'inévitable contrainte morale qui pèse actuellement sur les opinions.

Pour faire le tour du monde, au contraire, la liberté n'a plus besoin de passer par la Belgique. Telle est la conviction générale de ses habitants. Ce n'est donc qu'avec la plus grande réserve qu'il faut toucher aux règles fondamentales qui, après dix-huit ans d'exercice, ont amené ce résultat.

Une chose, messieurs, est certaine, c'est que le congrès national, bien qu'il connût comme nous l'inconvénient d'enlever pour un temps plus ou moins long un certain nombre de fonctionnaires à leur poste, n'a pas voulu les exclure de la représentation nationale. Il a fait à leur égard des exceptions, je le sais ; mais les exceptions confirmaient la règle. En effet, qui ne comprend que les membres de la cour des comptes, devant être élus par les représentants, ne pouvaient être représentants eux-mêmes ? Car leurs fonctions, étant temporaires, nécessitaient d'assez fréquentes réélections, et dès lors ils eussent été appelés à se donner pour une fonction rétribuée leur propre voix ou obligés de s'abstenir, ce qui les eût mis vis-à-vis de leurs collègues dans une position d'inégalité et d'infériorité peu convenable.

Quant aux membres de la cour de cassation, on voulut leur éviter, comme magistrature suprême, toute participation aux luttes politiques, et, d'autant plus, qu'en cas d'accusation des ministres, ceux-ci devenaient leurs justiciables.

Or, je le demande, messieurs, qu'y a-t-il de commun entre un système d'exception aussi restreint et basé sur des motifs de haute convenance, et une exclusion générale ou presque générale comme celle qui vous est présentée par la section centrale ou bien par le gouvernement ?

Et cependant, quand j'examine la conduite des fonctionnaires dans cette chambre, depuis 18 années, je n'y vois pas de servilisme, je n'y vois pas non plus défaut habituel d'égards et de ménagement rationnel pour les ministres. La conciliation entre les extrêmes n'a pas manqué d'ordinaire à la nécessité de respecter le principe d'ordre et le principe d'indépendance. Mais ce qui s'est produit manifestement, de la part de plusieurs, c’est une foule de services rendus à la chose publique par des rapports bien faits, par une participation très instructive et très active, très utile aux débats. Parcourez nos bancs, enlevez-en tous les membres qui ont rempli des fonctions publiques, et vous verrez quel vide vous aurez creusé pour l'intelligence des affaires ! Et que restera-t-il alors exclusivement au pays pour candidats à la représentation nationale ? Il vous restera, comme vous le disait hier l'honorable M. Lebeau, des propriétaires, des avocats, des industriels.

La première classe est, je pense, propre à défendre les intérêts publics, parce qu'elle y est stimulée par son propre intérêt ; mais elle n'a pas la connaissance du droit civil. Seule elle ne pourrait formuler des dispositions législatives. Quant aux avocats, les plus instruits, les plus estimés ne quittent que rarement leur clientèle pour se vouer à la carrière parlementaire dans un pays comme le nôtre, où les débats des chambres n'offrent pas, ainsi qu'en Angleterre ou en France, l'attrait d'une publicité universelle, et ceux qui habitent Bruxelles sont souvent forcés de ne pas assister aux séances les plus importantes, parce que les causes privées les appellent devant les tribunaux.

La plupart des industriels les plus éminents et qui sont, les plus occupés, craignent aussi de faire partie des chambres, surtout de la chambre des représentants ; ils se mettent donc peu sur les rangs, et plusieurs ont souvent obstinément refusé les voix qu'on leur offrait.. Ainsi l'électeur, trop restreint dans ses choix, sera forcé de les porter sur des avocats dépourvus de. clientèle, sur des hommes de lettres, qui trop souvent ne connaissent ni l'agriculture, ni l'industrie, ni l’administration, et qui se font connaître dans les journaux par des projets de couleur populaire, propres à séduire plus ou moins au premier coup d'œil, mais dont la pratique serait ruineuse.

Or, des chambres composées comme je viens de l'indiquer laisseront sans doute au pays l'avantage de jouir des services constants de tous les fonctionnaires, mais cet avantage partiel sera chèrement payé par l'ensemble. Le point essentiel que l'on doit avoir en vue, disait hier M. Lebeau, c'est la bonne composition du parlement. Agir autrement, ce serait imiter le médecin qui donnerait tous ses soins aux bras et aux jambes plutôt qu'à l'estomac et au cœur ; et j'ajoute, pour mon compte, que ce serait imiter les passagers traversant une mer orageuse, qui s'occuperaient plus de l'agencement parfait de leurs cabines que de la disposition solide et générale du navire qui les porte et d'où dépend leur salut et leur vie.

Je n'ignore pas cependant qu'une certaine réforme est nécessaire, et je l'admettrai, si l'on ne sort pas de l'esprit de la Constitution, qui n'exclut pas les fonctionnaires du parlement, par cela seul qu'ils occupent des emplois rétribués par l'Etat ; cet esprit était trop intelligent, trop prudent, en effet, pour interdire à tout militaire, à tout juge, à tout membre du ministère public, à tout ingénieur, à tout employé supérieur des finances, de la justice, des affaires étrangères, à tout fonctionnaire de l'ordre administratif le droit d'éligibilité, à moins qu'il ne consentît à renoncer à sa carrière. Non, ce fruit ce pouvait naître que d'une fleur comme le bouleversement européen d'aujourd'hui ; mais je conçois que pour assurer la liberté de l'électeur, on ne permette pas au gouverneur de province, au commissaire de district, au juge ou au membre du ministère public, dans les tribunaux de première instance, d’être élu dans la circonscription territoriale où il exerce ses fonctions, et pour éviter toute combinaison de subterfuge, d'y être élu avant une année révolue depuis ce changement, ou même une démission, parce que l'influence électorale que donne ou donnait sa place au candidat peut être justement considérée comme trop impérative, trop gênante pour le libre arbitre des administrés ou justiciables immédiatement placés sous son pouvoir administratif ou judiciaire.

Joignez à l'exception ainsi limitée et non pas radicalement exclusive pour ces fonctionnaires ; joignez-y une retenue sur les appointements de tout fonctionnaire représentant, égale à l'indemnité qu'il peut percevoir en cette dernière qualité lorsqu'il n'habite pas la capitale, et vous aurez donné une grande satisfaction à l’opinion, publique, dont le cumul des traitements ou indemnités excite non sans motif la réprobation. Si plus tard elle réclame davantage, on avisera ; mais pour mon compte je ne doute pas qu'elle ne se contente très bien de ces conditions. Elle s'en contentera d'autant plus qu'il est évident que ces conditions réduiront suffisamment le nombre des fonctionnaires publics, désormais appelés à faire partie de la représentation nationale. Néanmoins, en réduisant le nombre, ces restrictions que je propose laisseront à une classe respectable, instruite et nombreuse de citoyens, le droit qu'elle a possédé sans en abuser pendant une heureuse période de dix-huit ans.

Messieurs, j'ai voté dans ma section contre le principe de l'exclusion des fonctionnaires publics. Mais ensuite, je me suis opposé au principe des catégories qui établissent des distinctions entre eux, entre les hauts grades et les moindres, entre les inamovibles et les amovibles.

Les gouverneurs sont peut-être plus nécessaires à leur province que les commissaires à leur district ; et quant aux juges, leur inamovibilité serait un motif pour moi de leur interdire de prendre part aux luttes politiques, car cette inamovibilité a uniquement pour but d'assurer aux justiciables autant qu'il est possible l'impartialité des jugements. Or, l'on (page 1773) ne peut nier que les luttes parlementaires ne soient peu propres à la garantir, et qu’elles ne la compromettent plus ou moins par des manifestations publiques d'opinions sur des causes qui peuvent donner matière à des procès entre particuliers, et nous en avons eu un exemple, au commencement de cette session même, à l'occasion d'un testament.

Ainsi donc, messieurs, vous le voyez, l’inamovibilité des juges ne doit pas les placer dans une position plus favorable contre l'exclusion que les membres du parquet, dès que l'on se veut lancer dans la voie des exclusions absolues, c'est-à-dire de celles qui n'ont pas une, raison particulière et directe, comme l'incompatibilité qui a été appliquée aux membres de, la cour des comptes et de la cour de cassation ; et d'après les observations si frappantes de l'honorable M. Tielemans, je serais facilement porté à croire que l'établissement de ces incompatibilités est plutôt à regretter, en ce qui concerne la cour de cassation, qu'à étendre encore ; c'est pourquoi je repousse des catégories du projet gouvernemental comme le système plus égalitaire de la section centrale, coupant l'herbe sous le pied à tous sans préférence, ce qui me le ferait préférer pourtant, vu qu'il est au moins exempt de partialité.

En finissant, je vous engage vivement, messieurs, à ne pas vous occuper de ce qui résulterait momentanément, pour les districts que vous connaissez, de telle ou telle disposition de la loi en discussion, mais seulement de l'effet général qu'elle peut produire en bien ou en mal sur l'avenir du pays tout entier.

M. de Theux. - Il m'est impossible d'émettre un vote sur une question aussi importante que celle soumise à vos délibérations, sans en dire les motifs.

Il est des réformes que les chambres peuvent refuser ou ajourner d’accord avec le gouvernement ; que les chambres imposent quelquefois .au gouvernement ; mais qu'elles ne refusent pas quand c'est le gouvernement qui les a proposées. La loi des incompatibilités ou de la réforme parlementaire est du nombre de ces réformes. Aussi dans les sections le projet a-t-il été généralement adopté. Il n'a rencontré que deux objections. L’une porte sur la constitutionnalité de la mesure ; l'autre sur les exceptions que renferme le projet du gouvernement.

En ce qui concerne la constitutionnalité, il m'est impossible de partager l'opinion qui a été émise par quelques membres, que le projet serait contraire soit au texte, soit à l'esprit de la Constitution. On a proclamé ce principe que les chambres seraient incompétentes pour statuer sur, les incompatibilités ; que cette matière aurait dû être réglées par la Constitution.

Pour moi, j'admets le principe contraire. C'est-à-dire que dans mon opinion, les chambres peuvent tout ce que la Constitution ne leur a pas interdit, à moins qu'il ne s'agisse d'objets spécialement réglés par la Constitution ; or la question, des incompatibilités parlementaires n'est pas de ce nombre et la Constitution ne fait aucune défense aux chambres de la régler.

Chaque fois que le congrès a voulu empêcher le pouvoir législatif de régler une matière, il s'en est exprimé formellement. Cela prouve que, dans la pensée du congrès, les chambres peuvent régler toutes les matières sur lesquelles il n'y a pas d'interdiction constitutionnelle. La Constitution a statué à l'article 78 :

« Le Roi n'a d'autre pouvoir que ceux que lui attribuent formellement la Constitution et les lois particulières portées en vertu de la Constitution elle-même. »

Mais en ce qui touche le pouvoir législatif, il n'y a aucune restriction ; il est donc omnipotent ; seulement ses décisions sont essentiellement variables, c'est à-dire qu'une loi peut défaire ce qu'une loi a créé.

Que la Constitution n'ait pas réglé la matière des incompatibilités, cela me paraît également hors de doute,

L'article 36 de la Constitution dispose, il est vrai, que le membre de l’une et de l'autre chambre qui accepte un emploi salarié doit être soumis à une réélection. Mais entre cette disposition et une loi sur les incompatibilités, il y a une différence essentielle. Pourquoi l’article 36 de la Constitution ? C'est que le député s'étant, par son fait, placé dans une position nouvelle, il convient que le collège électoral, si le député désire continuer son mandat, soit appelé à statuer de nouveau. Mais la loi des incompatibilités n’a d'autre effets que de décider dans quel cas le fonctionnaire amovible ou inamovible doit résider dans l'intérêt du service ; dans quel cas il lui est défendu de cumuler le mandat législatif avec tes fonctions.

Ainsi, pour moi, la constitutionnalité du projet n'est en aucune manière douteuse ; et comment le serait-elle, lorsque le congrès à lui-même a établi une incompatibilité entre les fonctions de la cour des comptes et le mandat législatif ;lorsque les chambres, qui ont maintenant succédé au congrès, ont établi l'incompatibilité entre les fonctions de membre de la cour de cassation et celles de membre du parlement ; lorsque plus tard la loi a décidé que les fonctions de conseiller provincial étaient incompatibles avec les fonctions parlementaires ?

Voyons, messieurs, où l'opinion contraire nous conduirait. Loin d'établir des incompatibilités, nous devrions rapporter immédiatement toutes celles qui ont été établies. Or, je demande comment une semblable décision serait appréciée. Ce serait de noire part insulter au congrès et aux législatures qui nous ont précédés.

Voyons, messieurs, si les exceptions contenues dans le projet du gouvernement sont fondées en raison.

La première porte sur les gouverneurs de province élus dans d'autres provinces que celles où ils exercent leurs fonctions.

Ainsi que l'a dit la section centrale, si l'on admet le principe de résidence pour les fonctionnaires publics, si l'on admet le principe des soins exclusifs donnés aux fonctions publiques, il faut convenir que ce principe s'applique en premier lieu et essentiellement aux gouverneurs des provinces. Et puis, messieurs, ne comprend-on pas qu'avec cette distinction il suffirait d'un déplacement opéré par le gouvernement, pour changer la position parlementaire d'un gouverneur.

D'autre part, on dit, on a soutenu que les gouverneurs de province devaient être admis à faire partie de la législature en qualité de sous-ministres.

Messieurs, c'est là une qualité toute nouvelle qu'on attribuerait aux gouverneurs ; Comment ! les gouverneurs de province seraient ici en qualité de sous-ministres obligés de soutenir toutes les lois que le gouvernement présente, alors qu'ils n'ont pas pris part aux délibérations du cabinet ? Ce serait là une position essentiellement fausse, une position qui n'est pas dans nos mœurs parlementaires. Cette raison ne peut donc me déterminer en faveur de l'exception.

La deuxième exception porte sur les officiers-généraux. Eh bien, messieurs, la spécialité des officiers généraux n'est point la politique parlementaire. N'est-il point extraordinaire de voir admettre dans la législature les officiers généraux et d'en voir exclure les diplomates, dont la mission est de s'occuper essentiellement de politique ? Dira-t-on qu'il est nécessaire que l'armée soit représentée au sein des chambres ? Mais, messieurs, le même motif s'appliquerait à la diplomatie. Et puis, le ministère n'est-il point le premier défenseur des intérêts de l'armée ?

Convient-il, au point de vue gouvernemental, d’appeler les officiers-généraux à se mettre, dans le sein du parlement, en opposition avec le ministre de la guerre, leur chef immédiat ? je ne le crois pas. Je crois que l'armée, le gouvernement ni le pays n'ont rien à gagner à une semblable position., D’ailleurs, la loi n'exclut point les officiers en retraite, à quelque grade qu'ils appartiennent, non plus que les diplomates en retraite. Nous avons donc toujours des chances de voir dans l’enceinte législative des membres ayant appartenu à l'armée active, des diplomates ayant rempli des postes plus ou moins éminents.

La troisième exception porte sur les conseillers des cours. Messieurs, si c'est à raison de l'inamovibilité de la magistrature, l'exception devrait s'étendre aux tribunaux de première instance. Dira-t-on peut-être que les conseillers des cours ont des talents et des connaissances supérieures à celles des magistrats, de première instance ? Mais, messieurs, cette assertion, vraie dans beaucoup de cas, manque de justesse dans beaucoup d'autres. Ainsi, nous avons dans le parlement des présidents de tribunaux de première instance qui ont déployé des talents égaux à ceux que l'on pourrait trouver dans la magistrature la plus élevée. Nous avons vu des membres des tribunaux de première instance refuser les postes les plus éminents de la magistrature, et cependant les membres des tribunaux de première instance sont irrévocablement exclus.

La magistrature inamovible représente-t-elle une spécialité ? Mais, messieurs, à ce titre vous devriez aussi admettre les officiers des parquets et surtout les officiers des parquets des cours. Ils représentent également une spécialité dans la magistrature.

En résumé, messieurs, le projet du gouvernement crée, dans mon opinion, une catégorie de fonctionnaires privilégies et je crois que si ces catégories étaient adoptées par la loi, elles disparaîtraient tôt ou tard. Le principe, une fois posé, doit être porté à ses conséquences naturelles.

On a objecté que le projet de la section centrale était un projet aristocratique dans ses conséquences. S’il en est ainsi, messieurs, le projet du gouvernement est également aristocratique dans ses conséquences, car ce ne sont point les rares exceptions qu'il renferme qui changent le caractère de la loi. Et d'ailleurs, messieurs, sont-ce des exceptions démocratiques que celles qui portent sur les gouverneurs des provinces, les officiers généraux et les membres de la magistrature supérieure ?

A coup sûr, non ; soit par la nature de leurs fonctions, soit souvent par leur position de fortune, ces fonctionnaires ne peuvent pas appartenir à la démocratie.

D'ailleurs, l'honorable orateur qui a produit cette supposition de projet aristocratique a avoué qu’aux Etats-Unis une loi semblable avait amené des effets démocratiques.

Messieurs, une autre objection qu'on a faite au projet, c'est qu'il aurait pour conséquence l'institution d’un conseil d'Etat. Mais déjà cette institution est condamnées aujourd’hui, alors qu’il n'y a aucune espèce d'incompatibilité établie ; ce projet gagnera peut-être un plus grand nombre de partisans ; c'est ce que l'expérience nous fera voir ; mais dans tous les cas ce ne sont, pas les exceptions contenues dans le projet du gouvernement qui empêcheraient la création d’un conseil d’Etat. Ce n’est pas parce vous auriez dans les chambres quelques officiers-généraux, deux ou trois gouverneurs peut-être, quelques magistrats de cour d'appel, que vous seriez dispensés de créer un conseil d'Etat,, si cette institution doit être la conséquence nécessaire de la loi des incompatibilités.

Messieurs, j'ai présenté le vote de la loi comme une nécessité, alors surtout que le gouvernement en avait pris l'initiative. Indépendamment de cette considération, je crois que, dans les circonstances actuelles, cette réforme est plus praticable qu'elle ne l'a été jusqu'ici. Les grandes organisations sont faites, ; l'organisation judiciaire, l’organisation administrative, l'organisation militaire sont achevées.

Depuis 18 ans, le système politique a fait de notables progrès ; l'expérience parlementaire a reçu de grands développements. Depuis que les chambres et les conseils provinciaux fonctionnent, beaucoup de personnes (page 1774) se sont habituées à l'étude des affaires publiques ; d'autre part, nos universités offrent de grandes ressources à cet égard.

Le projet présentera de graves inconvénients, on l'a dit et je veux l'admettre ; mais ces inconvénients ne nous permettent pas de repousser le projet du gouvernement.

Un des plus graves inconvénients, dans mon opinion, c'est la perte de plusieurs de nos collègues qui se sont distingués par leur talent, par une longue participation aux discussions parlementaires ; c'est de perdre en général (je ne fais pas d'exception) nos collègues fonctionnaires qui ont fait preuve de patriotisme et de dévouement à nos institutions. Voilà, pour moi, la conséquence vraiment regrettable du projet ; mais cette conséquence existe à peu près entière dans le projet du gouvernement, comme dans celui de la section centrale.

Nous sommes à une époque d'innovations. Le gouvernement a proposé, et vous avez décrété, messieurs, la réforme électorale la plus large ; le gouvernement vous a proposé une réforme parlementaire très large ; maintenant le débat ne peut plus rouler que sur les rares exceptions que renferme le projet du gouvernement.

Espérons que la loi que nous avons déjà faite sur la réforme électorale et celle que nous allons voter sur la réforme parlementaire auront pour résultat d'écarter pour longtemps toute demande de réformes nouvelles et de mettre le parlement à l'abri de toute espèce de critique.

Si, plus tard, l'expérience nous dévoilait qu'il est nécessaire de revenir sur la réforme parlementaire, eh bien, la législature pourra apprécier alors, avec pleine connaissance de cause, ce qu'il conviendra de statuer.

Mais en attendant je voterai pour le projet du gouvernement ; je voterai pour les extensions données à ce projet par la section centrale, à moins toutefois que, par la nature des exceptions qui pourront être introduites, je ne sois amené à voter contre l'ensemble de la loi.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, il m'est impossible de placer sur la même ligne, comme vient de le faire l'honorable préopinant, le projet du gouvernement et le projet qu'y a substitué la section centrale.

Le projet du gouvernement admet certaines catégories, se renferme dans certaines limites, ne repousse virtuellement aucune classe de fonctions importantes ; le projet de la section centrale, au contraire, expulse tout ce qui porte le nom de fonctions publiques, et c'est à peine s'il fait grâce aux fonctions ministérielles.

En proposant le projet de loi, nous avions cru, faisant la part des circonstances, que nous allions très loin ; mais nous n'aurions pu penser que des hommes pratiques, d'anciens ministres auraient pu penser que nous n'allions pas assez loin. Parce que le gouvernement propose de maintenir, comme habiles à faire partie de la législature, certaines catégories de fonctionnaires, l'honorable préopinant voit dans cette réserve une sorte de privilège en faveur de certains fonctionnaires, il repousse cette réserve au nom de la logique.

Mais, messieurs, lorsque nous sommes venus proposer d'abaisser le cens électoral à 20 florins, nous avons aussi établi dans le pays, sous l'empire de la Constitution, je dois le reconnaître, mais la Constitution l'a voulu ainsi ; nous avons établi des catégories de citoyens privilégiés, c'est-à-dire les citoyens payant 20 florins ; les autres constituent une catégorie de citoyens exceptés par la loi, repoussés de l'exercice de certaines fonctions publiques.

La logique de l'honorable orateur qui vient de parler, la logique de la section centrale devrait, s'il lui faut la suppression de toute espèce de privilège, de toute exemption, demander le droit électoral pour tout citoyen belge ; elle arriverait directement au suffrage universel ; voilà où conduirait le système radical de la section centrale.

Cela peut être conforme aux règles rigoureuses de la logique poussées à bout ; mais cela ne me paraît pas conforme aux règles de la saine raison et à la bonne pratique gouvernementale.

. Messieurs, ce n'est pas pur caprice de notre part, c'est encore moins, je ne sais si je dois relever cette objection, c'est encore moins le puéril désir pour le gouvernement de conserver dans la chambre certaines individualités auxquelles nous lieraient des affections particulières ; ce ne sont pas ces motifs qui nous ont engagés à proposer des exceptions pour certaines catégories de fonctions. Il y a pour ces exceptions des motifs sérieux que je vais développer en peu de mots.

L'opinion générale, non pas depuis le 24 février, mais avant le 24 février et bien longtemps avant, l'opinion générale quelle était-elle ? C'est qu'il y avait dans la chambre beaucoup de fonctionnaires, qu'il y en avait trop, ainsi que le disait l'honorable M. Delfosse. L'opinion générale était qu'il fallait arriver à réduire dans la chambre le nombre des fonctionnaires. C'est sous l'impression de cette opinion déjà ancienne que le ministère nouveau avait préparé, soumis même à l'avis de quelques-uns de ses amis, un projet d'arrêté par lequel il invitait certaines catégories de fonctionnaires à opter entre leurs fonctions et leur mandat de représentant. Cet arrêté avait particulièrement en vue le cumul des fonctions de commissaire de district, de procureur du roi et les fonctions parlementaires.

Un scrupule nous arrêta ; nous crûmes qu'à la veille de l'ouverture de la session il convenait de soumettre cette question importante à la discussion des chambres. Des événements imprévus vinrent depuis changer, il faut le dire, l'état de l'opinion. Ces événements amenèrent le gouvernement, et les chambres à des mesures dont la proposition, dont le vote étaient réservés sans aucun doute à un avenir plus éloigné. L'opinion publique exigea davantage ; et comme nous vivons dans un gouvernement où l'influence de l'opinion publique ne peut être niée, pas plus que déclinée, la loi actuelle s dû subir, comme plusieurs autres qui ont été présentées et votées, la loi actuelle a dû subir l'influence de cette opinion. Nous avons donc été plus loin dans le projet de loi qui vous a été présenté que nous n'avions été dans le projet d'arrêté.

Nous étendîmes les incompatibilités à des fonctionnaires autres que ceux que j'ai mentionnés tout à l'heure ; mais nous crûmes en agissant ainsi avoir répondu suffisamment au vœu de l'opinion et an vœu des chambres ; et ce n'est pas sans une pénible surprise, que nous avons vu l'espèce d'entraînement avec lequel on s'est empressé de substituer à une réforme déjà très grande, une réforme complète, une réforme radicale. Nous proposons de réduire, l'on vous propose de détruire.

Nous proposons d'élaguer les branches, on vous propose de couper l'arbre à la racine.

On croirait, et je n'accuse personne, mais on croirait que quelques-unes des victimes que le projet de loi doit frapper, ont voulu entraîner avec elles ceux que l'on qualifie de privilégiés, et se sont écriées : Je ne mourrai pas seul et quelqu'un me suivra !

Voyons si nous pouvons justifier les catégories exceptées que propose la loi.

Nous demandons une exception pour les gouverneurs de province, non pas pour tous, mais pour ceux qui auront été élus par une province qu'ils n'administrent pas.

Cette première catégorie peut se justifier facilement.

Pourquoi repousse-t-on les fonctionnaires publics de cette chambre ? Ce n'est pas par ce seul et unique motif que, forcés de remplir leurs fonctions au lieu de leur résidence, ils ne peuvent, sans les négliger, venir en remplir d'autres dans une autre résidence. C'est une objection, un inconvénient, je le reconnais. Mais il y eu a d'autres.

La principale objection faite contre la nomination des gouverneurs, l'objection vraiment politique est celle-ci : Le gouverneur peut se servir de son influence, comme administrateur, pour déterminer en sa faveur, le choix des électeurs, ses administrés.

Ensuite, si le gouverneur devient l'élu d'un arrondissement de sa province, ses soins particuliers se porteront de préférence sur cet arrondissement ; l'administration des autres arrondissements pourra avoir à en souffrir. Dans l'arrondissement même, les catégories d'électeurs qui auront voté pour le gouverneur seront présumées obtenir de lui plus de faveurs que les électeurs qui se seraient montrés contraires à son élection.

Voilà les objections politiques contre la nomination du gouverneur de la province. Ces objections disparaissent entièrement, lorsque le gouverneur est nommé par une autre province.

On dit que le gouverneur négligera ses fonctions de gouverneur, lorsqu'il viendra exercer ses fonctions de représentant. Qu'il soit nommé par la province qu'il administre, ou par une autre province, l'objection est la même. Mais le gouverneur peut trouver dans un membre de la députation un remplaçant, ce qui n'existe pas pour beaucoup d'autres fonctions.

En deuxième lieu, l'objection tirée de la résidence s'affaiblit considérablement, si, au lieu de placer le gouverneur dans la chambre des représentants, nous le plaçons dans le sénat. Prenez-y garde, vous ne faites pas une loi seulement pour la chambre des représentants. Votre loi engage le sénat, qui, je présume, aura aussi son mot à dire, aura à mettre son poids dans la balance, lorsqu'il s'agira de décider cette question. Le sénat sera juge de ses intérêts, de sa dignité ; il saura ce qu'il lui convient de faire ; vous ne pouvez ici stipuler pour le sénat ou contre lui. Au sénat, le nombre des séances est beaucoup moins considérable qu'à la chambre des représentants. On peut dire que la présence d'un gouverneur au sénat ne peut nuire à la marche de son administration. Je verrais, surtout au sénat, avec un extrême regret l'absence complète de fonctionnaires publics. Les préfets, en France, qui d'abord ont pu faire partie de la chambre des députés, alors qu'ils étaient nommés par un département autre que celui qu'ils administraient, ont toujours continué à faire partie de la chambre des pairs.

Je passe aux officiers généraux.

Ici, c'est un autre genre d'objection qu'invoque l'honorable M. de Theux ; car (ce n'est pas là assurément une preuve de la force de son argumentation) pour chaque catégorie il y a des objections différentes. Nous reconnaissons qu'il y a contre chaque système des objections. Mais pour que l'argumentation fût bonne en principe il faudrait qu'elle fût la même contre toutes les catégories.

Pour les officiers généraux, on ne peut invoquer l'objection tirée de la (page 1775) résidence ; car un officier général peut commander une division et résider dans la capitale. D'autres, ne commandant pas de division, peuvent également résider dans la capitale.

C'est, dit-on, qu'un officier général ne peut pas être un homme parlementaire. Pourquoi ? Il peut se trouver en opposition avec le ministre ! Sans doute ; mais il peut aussi prêter un concours extrêmement utile au ministre. Exclure les officiers généraux, c'est déclarer qu'à l'avenir le gouvernement aura à choisir le ministre de la guerre en dehors du parlement.

Sans doute l'exemple a été donné de ministres choisis en dehors du parlement. Mais sont-ce là des antécédents que le parlement doive encourager ? Ne doit-il pas s'efforcer autant que possible d'obtenir de la prérogative royale, qu'elle choisisse les ministres dans l'une ou l'autre chambre ? Ne sont-ce pas là les premiers éléments du gouvernement représentatif ?

N'admettre aucune catégorie d'officiers, ou admettre des officiers qui par leur âge ne sont plus en état de rendre des services, ce qui revient au même, c'est décider en principe que le ministre de la guerre ne pourra être pris dans le sein de la chambre, à moins que vous ne vouliez attribuer les fonctions de ministre de la guerre à un représentant non militaire.

Je passe à la catégorie des conseillers des cours d'appel. Ici c'est un autre genre d'objections. On nous dit : Vous admettez les conseillers ; nous, nous les repoussons, parce que vous n'admettez pas les présidents des tribunaux. Voilà l'argument de l'honorable M. de Theux.

Pourquoi, nous dit-on, repoussez-vous les présidents de tribunal ? Pourquoi excluez-vous les juges ? Messieurs, nous ne repoussons pas en principe les présidents des tribunaux et les juges. Nous reconnaissons que les tribunaux peuvent fournir et ont fourni au parlement des membres très distingués, qui ont rendu des services, qui pourraient encore nous en rendre.

Mais pourquoi avons-nous repoussé les membres des tribunaux ? Par ce motif qu'il y avait trop de fonctionnaires publics dans la chambre et qu'il fallait en restreindre le nombre.

Du reste, si l'on croit qu'il peut être utile d'augmenter le nombre des fonctionnaires inamovibles dans le sein de la chambre, nous ne nous refusons pas d'examiner une proposition qui serait faite dans ce sens. Quand je dis qu'il y a trop de fonctionnaires publics dans la chambre, je suis d'accord, je pense, avec toutes les opinions. Voilà le fait qui nous a amenés à ne pas admettre les présidents et les juges des tribunaux parmi les exceptions. Il est telle ville qui envoie à la chambre un procureur du roi, un président et un juge. Je demande, messieurs, si un pareil état de choses (je ne fais pas d'allusion aux personnes) ne constitue pas un véritable abus ? Dans telle autre ville, c'est le président, c'est le vice-président ; de plus un juge d'instruction s'était mis sur les rangs ; de telle manière que si les électeurs qui portaient ce juge d'instruction, l'avaient emporté, nous aurions eu président, vice-président et juge d'instruction, dans le parlement.

Voilà ce qui constitue des abus véritables, et voilà à quels abus nous avons voulu remédier. Mais veut-on, en comprenant dans l'exception les membres de l'ordre judiciaire, limiter cet abus ? Veut-on limiter le nombre de ces fonctionnaires qui seront admis dans la chambre ? Nous examinerons la question.

Nous nous sommes attachés aux conseillers des cours.

Pourquoi ? Parce que nous n'avons pas voulu repousser de la chambre des représentants l'ordre judiciaire tout entier, c'est-à-dire, une collection de citoyens, qui, par leur expérience, par leur aptitude, peuvent jeter tant de lumières dans nos délibérations.

Nous nous sommes arrêtés aux conseillers des cours, parce que, messieurs, devant introduire un grand nombre d'exceptions, nous avons dû nous restreindre aux sommités, et si une loi antérieure dont, pour notre part, nous n'approuvons pas les effets, n'avait pas exclu de la chambre les conseillers de la cour de cassation, nous eussions été heureux de les maintenir comme dignes de figurer dans le parlement belge, sans nous laisser arrêter par cet argument qui a servi de base à leur exclusion, qu'ils ne peuvent faire partie de la chambre parce qu'ils peuvent être appelés dans certains cas à se prononcer sur la mise en accusation des ministres.

Je crois que l'exclusion des membres de la cour de cassation a laissé dans les chambres des vides qui se font encore sentir aujourd'hui. Nous avons appauvri, il faut le dire, d'hommes considérables, d'hommes d'expérience, d'hommes de science, d'hommes de vertu civique, nous avons appauvri d'une manière assez notable l'un et l'autre parlement en excluant les membres de la cour de cassation.

Je sais que l'objection que je viens de faire contre l'admission des membres des tribunaux, on pourra la faire contre les conseillers de cours. On pourra nous dire que les électeurs pourront aussi transporter dans la chambre un grand nombre de conseillers et que, par suite, le service judiciaire sera en souffrance. Eh bien, à cette objection pratique je ferai une réponse pratique.

Si l'on craint l'abus du trop grand nombre, je ne m'oppose pas à ce qu'on limite le nombre des conseillers qui pourront être nommés par chaque ressort. Qu'on limite à 2 ou à 3 le nombre de conseillers par ressort.

Ce ne seront, dit-on, que six conseillers, si tous sont nommés. Eh bien la présence de six conseillers de cour, choisis parmi les plus éminents sans doute, ne sera certainement pas inutile dans un grand nombre de nos discussions. Les lumières jetées dans une discussion par un seul homme pratique, par un seul homme de science, vous disent assez quels fruits le parlement pourrait tirer de la présence de deux ou trois conseillers. Je ne veux pas faire d'allusions personnelles, ni favorables ni défavorables ; j'en appelle seulement à vos souvenirs très récents.

Je crois, messieurs, en avoir dit assez pour justifier les exceptions que nous avons cru devoir maintenir dans la loi. Je n'ai pas besoin de dire qu'en proposant ces exceptions, nous n'avons été mus par aucune espèce de considération personnelle. J'espère que la chambre en est bien convaincue. Mais, messieurs, même à ce point de vue personnel, nous trouverions, au besoin, des arguments en faveur des exceptions que nous présentons. Car, considérez quelques-uns de vos collègues compris dans les catégories exceptées, et dites, messieurs, si leur absence de cette chambre ne présentera pas de graves inconvénients ; s'il est indifférent pour la chambre de se voir tout d'un coup privée du concoure d'hommes dont la longue expérience, les lumières, l'indépendance seraient destinées à rendre encore des grands services.

L'honorable M. de Theux veut en finir tout d'un coup avec les réformes ; admettons une réforme radicale ; excluons complétement tout ce qui porte le nom ou le titre de fonctionnaire ; c'est le moyen, dit-il, de ne plus avoir à revenir sur cette question.

Messieurs, mon opinion est entièrement contraire à cet égard à celle de l'honorable préopinant.

Si vous allez trop loin, messieurs, si au lieu de vous renfermer dans les limites restreintes, dans les limites sages que nous ayons présentées, si vous poussez l'exclusion à outrance, attendez-vous à une réaction ; attendez-vous qu'avant quelques années le parlement sera de nouveau saisi de cette question que vous voulez trancher aujourd'hui. Il est très probable que les inconvénients que nous ne faisons que pressentir aujourd'hui, se présenteront d'une manière tellement palpable que des propositions pourront être faites dans cette chambre pour revenir sur ce qu'on déciderait aujourd'hui, pour reconstruire sur ce qu'on démolirait aujourd'hui. Je n'en veux qu'une preuve, messieurs, ce sont les regrets très légitimes qui ont souvent été exprimés dans cette enceinte et hors de cette enceinte sur l'absence de certains conseillers de la cour de cassation que la loi d'organisation judiciaire a enlevés à nos débats.

Ainsi, messieurs, si vous voulez éviter des retours fâcheux, si vous voulez que le parlement ne soit plus saisi de cette question, faites une réforme raisonnable, faites une réforme modérée. Elle sera, messieurs, acceptée par le pays, car le pays veut des choses raisonnables, des choses modérées, des réformes prudentes ; mais je ne pense point que l'opinion publique réclame cette réforme radicale que vous voulez lui imposer.

L'honorable orateur qui m'a précédé, a considéré la proposition comme une innovation ; mais cette proposition, en elle-même, n'est pas une innovation pour le pays. A différentes reprises les chambres ont eu à s'occuper de ce que l'on appelle aujourd'hui la réforme parlementaire.

En 1835, l'honorable M. Dumortier fit une première proposition qui avait pour objet d'exclure les commissaires de district et les gouverneurs de province nommés dans leur ressort. Cette première proposition de l'honorable M. Dumortier ne fut pas accueillie par la chambre. Il la reproduisit en 1837, et alors cette proposition fut votée par la chambre ; elle alla échouer au sénat. Nous avons déjà une sorte d'engagement sur la question ; une sorte de demi-loi a été faite par laquelle on excluait des fonctions parlementaires les commissaires de district et les gouverneurs de province nommés dans leur district ou dans leur province ; mais encore l'honorable auteur de la proposition faisait exception pour les fonctionnaires de la chambre et leur conservait leur double position. Nous n'avons fait, messieurs, que continuer ces antécédents et, pour le dire en passant, lorsque l'honorable M. Dumortier fit cette proposition, je ne me rappelle pas qu'il y ait eu dans la chambre un seul membre qui se soit élevé contre la constitutionnalité du projet de réforme.

A cette époque, messieurs, si ma mémoire ne me trompe, la proposition de l'honorable M. Dumortier fut acceptée comme parfaitement constitutionnelle ; elle fut votée par la chambre. C'est un argument de plus à ajouter aux arguments déjà si nombreux et si concluants joindre en faveur de la constitutionalité de la proposition.

Je crois, messieurs, qu'au lieu de nous livrer à une dissertation approfondie sur la question de constitutionnalité, nous ferons mieux de nous en rapporter à tous les antécédents qui sont très explicites, très significatifs et qu'on ne pourrait répudier aujourd'hui qu'avec les plus graves inconvénients. En effet si toutes les lois votées précédemment ne s'harmonisent pas avec la Constitution, il faut se hâter, non pas demain, mais aujourd'hui même, de les rapporter et de revenir à la règle constitutionnelle, car c'est la Constitution qui est notre sauvegarde à tous, c'est la Constitution que nous devons avant tout respecter et faire respecter.

Messieurs, après ces observations pratiques me sera-t-il permis de terminer par quelques considérations générales ? Nous croyons qu'il faut maintenir dans les chambres un certain nombre de fonctionnaires publics parce que nous croyons qu'il faut au pays un certain nombre de citoyens consacrant leur existence à la vie parlementaire, à la vie politique, parce que nous croyons qu'il faut créer, encourager dans le (page 1776) pays ce qui lui a manqué longtemps ce qui lui manque encore dans une certaine mesure, une classe d'hommes politiques. Les classes parlementaires et politiques, qui se vouent à la conduite des intérêts publics, ce n'est pas en un seul jour, messieurs, que de pareilles classes peuvent se former.

La France elle-même, on peut le dire sans lui faire injure, la France surtout quand on la compare à un pays voisin, est encore peu riche aujourd'hui en hommes formant ce que j'appelle la classe politique dit pays. Ce n'est que par un long travail, retenez-le bien, ce n'est que par un long travail que l’on peut parvenir à former un certain nombre d'hommes propres à conduire convenablement, dans l'une et l'autre opinion, les affaires politiques, les affaires administratives du pays.

Si vous supprimez la carrière parlementaire pour cette catégorie de citoyens, messieurs, vous commettez une grave imprudence, vous faites renaître des inconvénients que le temps contribuait à effacer de jour en jour. Si votre proposition est adoptée, il sera dit qu'un homme public, qu'un homme politique, ne pourra plus servir don pays qu'à la condition d'être ministre ou à la condition de cesser d'être homme parlementaire.

Je vous demande, messieurs, si c'est là le moyen de fortifier, d'étendre cette classe d'hommes politiques dont le pays a encore si grand besoin. Des ministres sortent de leurs fonctions ; ils peuvent prêter un concours utile à leurs successeurs : rien, dans la politique de leurs successeurs ne leur fait ombrage ; ils peuvent donner un concours utile à l'administration ; eh bien, il ne leur sera permis de donner ce concours, qu'à la condition de se suicider comme hommes politiques, comme hommes parlementaires. Une opinion nouvelle arrive aux affaires ; il lui importe de ne pas arriver seule, d'y arriver avec une partie de ses forces, d'y arriver soutenue par les hommes éminents qu'elle renferme ; eh bien, le ministère nouveau s'adresse à ces hommes éminents qui font partie de la chambre, en leur offrant certaines fonctions administratives, des places de gouverneurs, par exemple ; et ces soutiens naturels de l'opinion qui arrivera au pouvoir, lui feront défaut, ou bien ils devront abandonner le parlement, c'est-à-dire abandonner le moyen de soutenir efficacement la cause à laquelle ils se sont voués, de soutenir l'opinion à laquelle ils doivent leur concours. En un mot, vous n'aurez plus, avec le système de la section centrale, que des aspirants-ministres parmi vos hommes politiques ; toute autre carrière devra être abandonnée, à moins que, pour courir les emplois administratifs, on ne consente à abandonner la carrière politique.

J'ai parcouru (vous savez, messieurs, que ces questions ne sont pas discutées pour la première fois), j'ai parcouru les discussions qui ont eu lieu en France, dans ces quinze dernières années, et je n'ai pas rencontré une seule opinion qui se soit prononcée pour l'exclusion complète des fonctionnaires publics du parlement. Or, le système de la section centrale, qui maintient, par grâce spéciale, les ministres, exclut d'une manière absolue tous les fonctionnaires.

Je répète que je n'ai pas rencontré une seule opinion qui soit favorable à ce système. A part les Etats-Unis, dont nous n'avons pas à nous préoccuper en ce moment-ci ; à part ce qui sera décidé par une constitution qui n'est pas encore faite dans un pays voisin, si nous prenons pour exemple notre devancière, notre modèle dans le gouvernement constitutionnel, nous trouvons qu'en Angleterre un très grand nombre de fonctionnaires publics font partie du parlement. Les shérifs, en dehors de leurs comtés, peuvent être élus ; 75 fonctionnaires publics faisaient l'année passée partie du parlement.

Messieurs, permettez-moi quelques citations ; je les emprunterai à des hommes dont on ne récusera pas, je t'espère, la compétence en ces sortes de matières.

L'honorable M. de Rémusat qui, avec une louable constance, a poursuivi, pendant plusieurs années, la réforme de la chambre des députés, l’honorable M. de Rémusat a fait constamment ses réserves pour le maintien, dans la Chambre des députés, d'un certain nombre de fonctionnaires ; voici comment il s'exprime :

« On est généralement d'accord sur ce point qu'il faut des fonctionnaires à la chambre, qu'il y faut des fonctionnaires politiques. Mais ce n'est pas tout. On doit admettre aussi un certain nombre de fonctionnaires non politiques, à cause de l'importance de ces classes de fonctionnaires dans la société.

« Une chambre qui ne leur ouvrirait pas ses portes, qui les proscrirait de son sein, proscrirait en quelque sorte une classe de la société ; elle ne serait plus une véritable représentation nationale. »

L'honorable M. Thiers, et je crois qu'il peut nous être permis d'invoquer ce nom illustre, d'invoquer l'autorité de cet homme pratique, de cet administrateur distingué, de ce ministre qui a laissé de grands souvenirs ; voici ce que disait l'honorable M. Thiers, parlant et parlant d'une manière très hardie en face du gouvernement aujourd'hui tombé ; voici ce qu'il disait, tout en condamnant la présence d'un trop grand nombre de fonctionnaires publics dans la chambre des députés :

« Je vais essayer de donner la raison vraie, la raison fondamentale, à mon avis, de l'admission des fonctionnaires dans cette chambre, et vous verrez, quand je l'aurai donnée, que je suis loin de vouloir les exclure. La chambre doit être la représentation exacte de la société dans toutes ses parties, et dans ses vraies proportions. Il faut donc qu'elle contienne toutes les professions dont la société se compose, et dans la mesure qui convient à leur nombre et à leur importance. Il faut également l’agriculteur qui concourt à la première des productions, celle du sol ; le manufacturier qui concourt à la seconde production, celle de l'industrie ; le négociant qui échange toutes ces productions naturelles ou industrielles ; le banquier qui solde ces échanges, le savant qui éclaire les uns et les autres, l'avocat qui les défend dans leurs contestations... Il les faut tous pour que la représentation soit complète. Et quand vous admettez l'agriculteur, le manufacturier, le négociant, le banquier, le savant, l'avocat, vous excluriez la noble profession du magistrat qui les juge, du marin qui les protège au loin, du militaire qui les défend sur la frontière !... Oh non, ce serait une exclusion non seulement injuste, mais absurde. La représentation nationale serait incomplète, elle serait fausse au lieu d'être vraie... »

Enfin, messieurs, une dernière autorité, et celle-ci est plus actuelle encore, une dernière autorité que je demande la permission de vous citer, c'est celle d'un homme qui a joué un grand rôle dans ces derniers temps et qui occupe une place éminente dans le nouveau gouvernement français. Voici comment M. de Lamartine s'expliquait, à l'égard des fonctionnaires à une époque où il avait déjà expliqué en pleine chambre ses motifs de se ranger du côté de l'opinion démocratique. Je donnerai une analyse rapide de son discours :

« Il voit un mal immense pour le pays, dans la présence d'un trop grand nombre de fonctionnaires à la chambre. »

« II en a aussi cherché le remède, mais il ne l'a pas trouvé dans le moyen qu'on propose : il voit ce remède dans le jugement électoral : les électeurs sont les juges en dernier ressort de l'immoralité ou de la moralité de la situation des représentants du pays qu'ils nomment ; à eux seuls appartient de prononcer, si le député fonctionnaire ou non est à leurs yeux dans des conditions d'indépendance de situation ou de caractère, qui les satisfont ; s'il use ou s'il abuse de la haute influence que leurs suffrages lui ont acquis pour lui ou pour son pays ; s'il est digne ou indigne que leur confiance lui soit continuée. »

« Il croit que le vice actuel du pays, c'est l'insuffisance, le manque d'hommes publics. Il fait le tableau de l'étrange situation du gouvernement privé de l'appui de ces hommes, et dont on veut diminuer et déconsidérer les seuls soutiens qu'il possède.

« Je conjure, dit-il, la chambre de ne point écouter les mesquines préventions d’une démocratie qui se défie d'elle-même, qui veut se mutiler elle-même. Vous n'enlèverez pas la force à ce grand pays menacé de toutes parts, en le séparant en pays législatif et en pays exécutif. Le pays doit rester entier pour suffire à tous ses besoins. »

Ce que cet homme illustre disait d'un grand pays, nous pouvons le dire du nôtre. Il doit rester entier pour suffire à tous ses besoins.

Je le sais, par la réforme que nous vous présentons, on pourra dire que le pays ne reste pas entier pour tous ses besoins.

On pourra nous reprocher peut-être un jour d'avoir été trop loin dans notre désir de satisfaire à ce que réclamait l’opinion publique. Mais au moins, nous n'abandonnons pas tous les principes, nous ne renonçons pas à toute réserve.

Dans l'ordre judiciaire, dans l'armée, dans l'administration, nous conservons certaines catégories de fonctionnaires. Nous consacrons surtout le principe dans la loi. Là est l'immense différence entre le système du gouvernement et le système proposé par la section centrale.

Maintenant, dans la pratique notre système offre-t-il certains inconvénients ? Nous ne nous refusons pas à examiner les amendements qui pourraient être présentés. Craint-on que, par la réserve faite en faveur des conseillers des cours d'appel, on n’en vienne à priver les cours d'un trop grand nombre de conseillers ? Que, par un amendement, on diminue le nombre de magistrats qui pourra être envoyé à la chambre par chaque ressort.

Croit-on que nous fassions trop peu pour l'armée en n'admettant que les officiers généraux ? Qu'on fasse une proposition en faveur d'autres officiers, nous l'examinerons.

Quant aux gouverneurs, nous nous en sommes expliqués ; des raisons politiques s'opposent d'une manière absolue à ce qu'ils soient nommés dans leur propre province. Mais quand un gouverneur est un homme public assez important, assez estimé et aimé du pays pour qu'une province autre que celle qu'il administre se fasse un honneur de l'envoyer à la chambre des représentants, nous disons que pour ce cas spécial il faut devons maintenir l’exception que nous avons proposée.

J'appelle en dernier lieu l'attention de la chambre sur cette circonstance que cette loi ne concerne pas seulement la chambre des représentants, qu'elle concerne aussi une autre branche du pouvoir législatif. Vous devez prendre en considération les dispositions de l'autre chambre, avant de vouloir lui imposer d'une manière aussi absolue un système que cette chambre a déjà repoussé, alors même qu'il se présentait à elle sous des formes beaucoup moins radicales, beaucoup plus modérées qu'aujourd'hui.

La proposition de M. Dumortier, qui ne s’appliquait qu'â deux catégories de fonctionnaires, aux commissaires d'arrondissement et aux gouverneurs nommés hors de leur ressort ; après avoir été adoptée par cette chambre, n'a pas trouvé d'accueil dans l’autre chambre. Il en est résulté que depuis (page 1777) lors, la proposition a été lettre morte. Je vous engage à faire une loi qui ait chance d'être acceptée par toutes les branches du pouvoir législatif.

M. de Tornaco. - Messieurs, à mesure que cette discussion se prolonge, je crois remarquer qu'on perd de vue les motifs principaux du projet de loi qui nous occupe en ce moment. Ce n'est pas, comme vient de le dire M. le ministre de l'intérieur, à cause du grand nombre de fonctionnaires qui se trouvent ici qu'on a réclamé une mesure législative, ce n'est pas non plus parce que les fonctionnaires auraient une trop grande influence sur les collèges électoraux. Il y a d'autres motifs, motifs plus simples, et qui, par cela même, ont donné aux réclamations une sorte d'unanimité. Je les rappellerai en peu de mots, puisqu'on paraît les oublier.

Ces motifs sont tellement frappants, saisissables, que je ne crains pas de dire que, parmi les lois de réforme présentées dans cette session, celle que nous allons voter est celle qui sera acceptée avec le plus d'unanimité dans le pays, ce sera la plus populaire de toutes ; cela parce que les motifs sont plus généralement et mieux compris.

On comprend, en effet, d'une manière fort générale, qu'il est fort difficile à un fonctionnaire public de se trouver en même temps à Bruxelles et dans une autre ville. On comprend qu'il est impossible (pour me conformer à la rectification de l'honorable M. Lebeau), de se trouver dans deux lieux à la fois, de remplir des fonctions qui exigent la présence dans deux localités différentes. Voilà ce qu'on comprend parfaitement dans tout le pays.

On comprend si bien dans le pays cette impossibilité que certains collèges électoraux, pour éviter aux fonctionnaires publics la peine trop grande de concilier des choses inconciliables, les ont rayés de la liste de leurs candidats. Le fait a eu lieu à Liège, à Gand, à Verviers, et ne tarderait probablement pas à arriver dans d'autres localités.

M. Lebeau. - Alors pourquoi la loi ?

M. de Tornaco. - Parce que la réforme ne serait pas générale, et que d'ailleurs, dans ce moment, nous voulons donner satisfaction à l'opinion publique.

Cette loi a été réclamée vivement, et cette réclamation a été si générale qu'elle mérite bien que nous y ayons égard. Un autre motif qui est encore populaire, c'est qu'il ne paraît pas très convenable de cumuler à la fois les indemnités de représentant et le traitement de fonctionnaire. Cette considération est beaucoup plus populaire qu'on ne la suppose généralement.

Dans le peuple, on ne comprend que difficilement qu'on cumule les traitements de fonctionnaire avec l'indemnité de représentant ; on le comprend de jour en jour moins à mesure que les hommes capables de remplir des fonctions soit administratives soit représentatives devient plus nombreux. Il y a un autre motif, messieurs, du projet de loi qui est également populaire ; on reconnaît que la présence d'un trop grand nombre de fonctionnaires dans les chambres, notamment dans la chambre des représentants, ôte à la représentation nationale son caractère de sincérité.

Messieurs, je suis bien loin sans doute de vouloir porter atteinte au caractère de l’un ou l'autre de mes collègues, je les regarde généralement comme très indépendants. Je regretterais qu'on pût me supposer une opinion contraire. Cependant, il faut bien le reconnaître, la position du fonctionnaire dans les chambres n'est pas la même que celle du représentant, qui n'est pas fonctionnaire. Je dis qu'un fonctionnaire devrait avoir perdu tout sentiment de délicatesse pour avoir la même position qu'un autre membre de la chambre. Un fonctionnaire qui doit son emploi à un ministre, qui a été maintenu ou promu par lui, est naturellement porté à avoir à l’égard de ce ministre des ménagements qu'il n'aurait pas s'il n'était pas dans une position semblable. C'est là, je le répète, un fait tout naturel ; je désire qu'il demeure toujours vrai, car je n'aime pas, je l'avoue, des fonctionnaires qui frappent sans égards la main qui les a élevés.

Je crois inutile d'entrer davantage dans les détails des motifs déterminants du projet de loi.

Je ne les ai rappelés que parce qu'on les oubliait quelque peu depuis le commencement de la discussion. Au reste, ces motifs sont si péremptoires, qu'en général personne ne les a combattus. L'objection principale qu'on a faite au projet de loi a été tirée de son inconstitutionnalité. Quant à cette objection, après ce qui a été dit, je ne pense pas devoir m'y arrêter. Je ferai seulement une remarque sur ce qu'a dit un honorable membre qui a prononcé un discours savamment raisonné. Il a soutenu que toute incompatibilité devait avoir son principe dans la Constitution même.

Si on adoptait le système de cet honorable membre, il faudrait que la chambre décidât qu'elle connaît mieux la Constitution que le congrès lui-même, il faudrait que la chambre décidât que le corps législatif le plus éloigné du congrès a mieux connu la Constitution que les chambres qui l'ont suivi de plus près. Or, une décision pareille serait contraire à la raison ; il faudrait que la Chambre condamnât toutes les chambres qui l'ont précédée, car elles ont admis l'incompatibilité dans la loi d'organisation de la cour des comptes ; elles sont admis l'incompatibilité dans la loi d'organisation de l'ordre judiciaire et de plus dans la loi provinciale, dans la loi communale, réglant des institutions auxquelles personne ne contestera leur grande-importance dans notre pays. Je doute fort, messieurs, que la chambre consente à prononcer une pareille condamnation contre les chambres qui l'ont devancée.

Tout à l’heure, un honorable ministre vous a cité des .autorités en faveur de l'admission des fonctionnaires publics, dans le sein du parlement. Il a prononcé les noms de MM. de Rémusat et de Lamartine.

Mais vous avez sans doute remarqué, messieurs, que les opinions citées sont antérieures au 24 février et que les événements de ce jour ont dû nécessairement les affaiblir de beaucoup, sinon les détruire entièrement. Je me rappelle avoir lu dans presque tous les journaux français qu'une des grandes fautes commises par le gouvernement déchu avait été le maintien dans la chambre des députés d'un grand nombre de fonctionnaires, de n'avoir pas (me dit-on) accepté la réforme ; mais la présence de ce grand nombre de fonctionnaires a été cause du refus de réforme. Il tombe sous le sens qu’une chambre de 4 à 500 membres où se trouvaient 181 fonctionnaires comme le dit l'honorable M. Rodenbach. (Interruption.) Je ne veux pas discuter sur le chiffre. Il tombe sous le sens qu'une chambre comme celle-là ne pouvait pas être l'expression vraie de la nation.

La sincérité du gouvernement représentatif faisait complètement défaut, la vérité devait être nécessairement ignorée ou imparfaitement connue du gouvernement ; l'un des plus grands avantages des institutions représentatives devait être perdu.

Messieurs, bien que j'approuve la réforme parlementaire, je ne puis approuver entièrement le projet de loi de votre section centrale ; je trouve qu'elle a trop généralisé ; qu'elle n'a pas distingué ce qui devait l'être, en un mot ; je pense qu'elle aurait dû admettre, pour le sénat, quelques exceptions à la règle générale d'exclusion des fonctionnaires publics.

Les motifs d'incompatibilité qui existent, quant à la chambre des représentants, n'existent pas pour le sénat ; ou s'ils existent, c'est à un degré moindre que pour la chambre des représentants. Parmi ces motifs que je viens de rappeler se trouve le cumul du traitement de fonctionnaire avec l'indemnité de représentant ; ce motif n'existe pas quant au sénat. L'impossibilité de remplir d'une manière convenable des fonctions administratives et des fonctions parlementaires est un motif bien moins sensible quant au sénat, qui n'a (année commune) que de 50 à 60 séances. Il est un grand nombre de fonctions que les sénateurs pourraient, sans grand inconvénient, cumuler avec les fonctions législatives.

Messieurs, le sénat ne doit point être, au même point que la chambre, l'expression du mouvement des esprits, du mouvement intellectuel du pays ; il doit être de sa nature, suivant son institution, suivant le rôle que lui a assigné le congrès, il doit être modérateur, conservateur. Le motif d'incompatibilité tiré de la sincérité des institutions représentatives, n'a donc pas, quant au sénat, la même force que touchant la chambre des représentants.

Les choix du sénat sont fort limités, à cause des conditions d'éligibilité. Convient-il de les limiter encore plus ? Je ne le pense pas. L'abus du cumul n'a jamais été très grand au sénat. Je crois qu'à présent il y a sept fonctionnaires au sénat, c'est peu comme abus c'est beaucoup, au contraire, comme utilité. Je vous avoue qu'en parcourant la liste des sénateurs, j'ai été frappé d'y voir aussi peu de fonctionnaires ; mais j'ai été frappé surtout du vide qu'ils laisseraient au sénat, si vous les obligés à quitter ce corps.

Messieurs, je crois que la loi devrait faire des exceptions pour les sénateurs ; et je suis d'autant plus porté à le croire que, malgré nous, malgré tout l'entraînement que nous avons à voter la loi qui nous occupe, nous devons reconnaître que l'exécution de cette loi amènera un vidé dans cette chambre. C'est là un fait que personne ne pourra contester dans cette enceinte : c'est que si tous les fonctionnaires publics, si tous les fonctionnaires instruits et les hommes de talent qui se trouvent ici, viennent à quitter la chambre, il se fera nécessairement un vide dans le parlement. Ce vide existera surtout dans le commencement. Je ne doute pas que dans l'avenir il ne devienne moins sensible. A mesure que les places seront ouvertes, il se formera plus de candidats, il y aura plus d'hommes qui se présenteront pour les remplir. Mais dans les commencements, je suis persuadé qu'on s'apercevra de l'absence des fonctionnaires qui vont être exclus de cette enceinte.

Si ce fait est vrai, une conséquence toute naturelle, c'est que le sénat, à mesure que la chambre contiendra moins d'hommes d'expérience, devrait en contenir davantage, pour rétablir en quelque sorte l'équilibre.

Remarquez, messieurs, qui si vous ôtez au sénat les hommes d'expérience qui y sont, vous n'aurez plus au sénat que des industriels et des propriétaires. Si vous excluez tous les fonctionnaires publics, c'est à ces deux seules catégories de citoyens que se réduira la formation du sénat.

Quant à moi, je ne puis me faire illusion sur un inconvénient semblable.

Je désire, autant que qui que ce soit, de conserver intactes les institutions de notre pays, et c'est pourquoi j'ai cru devoir faire ces observations à la chambre. Je désire que le sénat, non plus que toute autre institution de notre pays, ne soit amoindri, et je crains que par l'adoption du projet tel qu'il vous est présenté par la section centrale, le sénat ne soit amoindri. Car c'est sur les têtes du sénat que la loi frappera.

Messieurs, si je croyais qu'un amendement dans le sens des idées que je viens de présenter, pût avoir quelque assentiment dans la chambre, je m'empresserais de le rédiger et de le soumettre à son adoption.

Il y a, messieurs, deux catégories de fonctionnaires que je voudrais voir maintenir comme éligibles au sénat ; ce sont les officiers de l'armée et les membres inamovibles de la magistrature. (Interruption.) On me fait observer qu'il n'y eu aura pas beaucoup. Mais quand il n’y en aurait qu'un ou deux de chaque catégorie, je trouve que ce serait un immense (page 1778) avantage pour le sénat où ces deux spécialités vont faire défaut plus que jamais.

Je crains que l'adoption complète du projet de la section centrale ne soit préjudiciable à l'institution du sénat. Cette crainte, j'ai voulu l'exprimer. Si, d'ailleurs, la chambre croit qu'il soit nécessaire de faire une expérience complète, je suis loin de trouver, dans les observations que je viens de présenter touchant le sénat, une raison de voter contre le projet de la section centrale.

M. de Haerne. - Messieurs, je dois l'avouer, dans ce grave débat j'ai longtemps hésité sur la position que j'avais à prendre, sur le vote que j'avais à émettre. En présence des discours lumineux et remarquables que vous avez entendus dans les séances précédentes et dans celle-ci, je balançais entre les divers systèmes. Dans une question aussi compliquée et aussi importante, il me paraît tout naturel qu'on éprouve quelque hésitation.

Messieurs, d'un côté on a soutenu la question de l'inconstitutionnalité de la mesure ; d'un autre côté on a établi un système que l'on appelle radical, celui de la section centrale, mais qui à mes yeux ne l'est pas ; et en troisième lieu nous avons le système du gouvernement, le système des catégories.

Pour m'orienter, messieurs, dans cette espèce de dédale parlementaire, j'ai dû m'attacher à un principe et tâcher de rester conséquent avec ce principe, sauf cependant à admettre une certaine limite qui en matière politique est toujours nécessaire. Car lorsqu'on outre les principes politiques, on tombe ordinairement dans l'erreur.

Quant à la constitutionnalité, messieurs, je ne reviendrai pas sur les considérations qui ont été émises à cet égard dans les séances précédentes. Seulement je dirai que, d'après ce qui s'est passé au congrès, je ne puis avoir le moindre doute sur la constitutionnalité du projet.

On a dit, il est vrai, pour soutenir que cette mesure n'est pas constitutionnelle, que le congrès, en songeant au cumul, n'avait placé cette disposition que parmi les articles supplémentaires ; mais il n'en est pas moins vrai qu'elle est aussi formelle que les autres. On a dit aussi que le décret relatif à la cour des comptes avait été pris avant que fut voté l'article 50 de la Constitution, d'où l'on veut déduire l'inconstitutionnalité.

Mais, messieurs, on devrait bien se rappeler que si le congrès, en établissant l'incompatibilité des membres de la cour des comptes avec la qualité de membre de la chambre, avait voulu faire de son décret une mesure constitutionnelle, il n'aurait pas manqué de l'indiquer ; il l'aurait indiqué, lorsqu'il se livra plus tard à la discussion de l'article50 de la Constitution, discussion dans laquelle on devait nécessairement rencontrer cette objection, puisque le décret relatif à la cour des comptes avait été porté préalablement. Or, le congrès n'en a rien dit. Ainsi la priorité donnée par le congrès au décret relatif à la cour des comptes, sur le vote de l'article 50 de la Constitution, loin de prouver l'inconstitutionnalité de la mesure que nous discutons, fournit un argument en sens contraire.

Comme on vous l'a fait observer très judicieusement, dans une séance précédente, il y a un exemple qui tranche la question, c'est le décret relatif à l'exclusion de la famille de Nassau que le congrès avait porté sans indiquer s'il était constitutionnel ou simplement législatif et à l'égard duquel il décida plus tard qu'il avait entendu porter une décision constitutionnelle.

D'après ces motifs, messieurs, qui vous ont déjà été signalés, mais auxquels j'ajoute quelques circonstances pour les renforcer, je crois que la chambre ne peut pas avoir le moindre doute sur la constitutionnalité de la mesure proposée.

Messieurs, la réforme parlementaire ou plutôt la réforme de l'étal actuel des fonctionnaires publics, cette réforme est-elle nécessaire ?

D'après les réclamations qui ont été faites depuis plusieurs années au sein de la législature, dans les journaux, dans le public, on ne peut douter que certaines réformes ne soient réclamées par l'opinion publique. Les raisons vous en ont été exposées à plusieurs reprises. Dans la séance d'aujourd'hui encore, M. le ministre de l'intérieur vous en a cité quelques-unes, et à ces motifs l'honorable M. de Tornaco vient d'en ajouter encore d'autres. Il a complété ainsi la série des raisons qu'on a fait valoir depuis longtemps en faveur de la mesure projetée.

En effet, messieurs, il est certain qu'un nombre plus ou moins considérable de fonctionnaires publics se remplacent difficilement dans l'exercice de leurs fonctions et qu'il y a par conséquent incompatibilité, contradiction même entre l'exercice du mandat qui exige leur résidence dans la capitale et l'exercice de leurs fonctions qui exige leur résidence dans une autre localité.

Aussi, messieurs, une réforme quelconque a-t-elle été envisagée comme nécessaire à peu près par tout le monde. Mais fallait-il tout d'un coup admettre cette réforme d'une manière radicale, d'une manière complète, ou bien fallait-il commencer par établir le principe et la nécessité d'une réforme dans certaines limites, en attendant que l'expérience vînt nous éclairer sur l'extension que l'on pourrait donner plus tard à cette mesure ?

Messieurs, si dans les divers systèmes proposés, j'en trouvais un où l'on fût conséquent jusqu'au bout, où l'on poussât le principe jusqu'à ses dernières conséquences, je déclare franchement que je serais assez porté à y donner mon assentiment. Mais je vous avoue que je ne trouve pas même que le système de la section centrale soit conséquent. On l'appelle un système complet et radical, mais d'après les motifs qui ont été énoncés plusieurs fois, si l'on veut admettre toutes les raisons alléguées en faveur de la réforme parlementaire, il me semble que le système de la section centrale n’est pas complet non plus, car il conserve les chefs des administrations, il conserve les ministres. Il est vrai que l’honorable rapporteur de la section centrale allègue des motifs en faveur de l’admission des ministres comme membre des chambres, entre autres que, d’après la Constitution, ils sont appelés à discuter dans les chambres ; mais, messieurs, il n'est pas nécessaire pour cela que les ministres fassent partie de la législature ; ils pourraient fort bien prendre part à nos débats sans posséder le mandat de représentant ou celui de sénateur qu'ils ne peuvent d'ailleurs cumuler. D'un autre côté, il est certains motifs que l'on a fait valoir contre d'autres catégories de fonctionnaires, les gouverneurs, par exemple, les commissaires d'arrondissement, les procureurs du roi, quant à l'influence prépondérante qu'ils peuvent exercer sur les électeurs, afin de les faire voter en leur faveur ; eh bien, ces motifs, s'ils existent à l'égard des fonctionnaires que je viens d'énumérer, militent à bien plus forte raison contre l’admission des ministres. Ainsi, messieurs, je dis que le système de la section centrale n'est pas complet non plus. Je dirai même que nous avons reçu, il n'y a pas longtemps, des pétitions où l'on proposait un système plus large encore, en demandant l'élimination des bourgmestres du sein de la représentation nationale, et il y a des raisons plausibles à invoquer en faveur de cette incompatibilité. Les bourgmestres, en effet, sont nommés par le gouvernement ; ils se trouvent plus ou moins sous la dépendance du ministère, en présence duquel ils doivent délibérer dans cette chambre. Je fais cette observation, messieurs, dans le seul but d'en tirer cette conclusion que, quel que soit le système qu'on adopte parmi ceux qui nous sont présentés, toutes les opinions sentent la nécessité de s'arrêter à une limite quelconque et qu'il n'y a pas de système complet, radical, dans aucune opinion de la chambre.

Pour vous en donner une preuve de plus, j'analyserai rapidement quelques raisonnements qui viennent d'être avancés par l'honorable M. de Tornaco. Cet honorable membre vient de dire, en faveur d'un système plus ou moins radical pour la chambre, bien qu'il témoigne une grande prédilection pour le sénat, il vient de dire qu'il est impossible de remplir deux fonctions à la fois. Eh bien, cela est vrai jusqu'à un certain point ; mais alors il faut exclure bien d'autres fonctionnaires que M. de Tornaco semble cependant admettre. N'est-il pas également difficile, messieurs, de remplir en même temps les fonctions échevinales et celles de membre de la chambre ? Il faut donc exclure également les échevins, les conseillers communaux. Les fonctions de notaire se concilient très difficilement avec le mandat législatif ; il faudrait donc également exclure les notaires.

L'honorable membre a ajouté qu'on ne peut pas cumuler un traitement quelconque et l'indemnité. C'est encore là un motif d'exclusion pour une foule de fonctionnaires. Et cependant, ni l'honorable membre, ni aucun préopinant n'ont accepté ces conséquences.

Ainsi, messieurs, je soutiens qu'aucun système n'est complet, que dans tous on s'arrête à un point donné, parce qu'on sent qu'il doit nécessairement y avoir une limite aux exclusions.

Eh bien, messieurs, puisqu'il en est ainsi, puisqu'il faut une limite, il me semble qu'il est tout rationnel d'admettre dans les principales branches d'administration les fonctionnaires les plus éminents qui semblent résumer en eux les lumières et l'expérience propres à ces diverses branches d'administration ; c'est à peu près là ce que fait le projet ministériel. Il réunit en quelque sorte en un faisceau commun toutes les lumières des administrations diverses, en admettant qu'elles soient représentées par leurs chefs ou leurs membres les plus distingués dans les chambres.

C'est ainsi que, pour l'ordre administratif, les ministres pourront faire partie des chambres ; pour l'armée, les lieutenants généraux ; pour l'ordre judiciaire, les conseillers des cours d'appel.

Quant aux gouverneurs, je ne puis pas admettre le système du gouvernement, je ne puis adopter l'exception qu'il établit en faveur des gouverneurs élus en dehors de leurs provinces. Il me semble qu'en admettant cette exception, on jette un blâme sur tous les autres gouverneurs, et que le motif de l'influence qu'ils peuvent exercer sur les électeurs de leurs provinces s'applique à plus forte raison aux ministres.

Je termine par une seule observation.

Un honorable préopinant vous a dit qu'en admettant le système de la section centrale, c'est-à-dire en poussant le système d'exclusion plus loin que ne le fait le gouvernement, on pourra plus tard, instruit par l'expérience, revenir sur ses pas, on pourra réformer la réforme dans un sens contraire à ce que nous faisons maintenant. Je crois préférable de ne pas aller jusqu'au bout pour le moment, et d'attendre que l'expérience vienne nous éclairer sur la question de savoir s'il y aurait plus tard encore d'autres exclusions à admettre, d'autres incompatibilités à établir ; je crois qu'il vaut mieux ne pas aller de prime abord jusqu'à l'extrême, et si l'expérience vient démontrer que nous n'avons pas fait assez, alors nous serons toujours à même d'aller plus loin.

Par les considérations que je viens d'avoir l'honneur de vous présenter, messieurs, j'indique mes préférences ; mais si les modifications que je désirerais voir apporter au projet de la section centrale ne sont pas admises, cela ne m'empêchera pas de voter en faveur de l'ensemble de ce projet.

M. Malou, rapporteur. - Messieurs, l'honorable ministre de l'intérieur terminait tout à l'heure son discours par des citations empruntées aux hommes politiques d'un pays voisin ; ces opinions pouvaient avoir une grande valeur à l'époque où elles ont été émises. Mais aujourd'hui demandons-nous pourquoi, après avoir atteint, pour le cens (page 1779) électoral, la limite extrême fixée par la Constitution, nous sommes appelés à discuter un projet de loi de large réforme parlementaire ; c'est parce que le temps a marché, parce que nous devons marcher avec lui , ces opinions qui étaient hardies à l'époque où elles ont été prononcées, sont devenues aujourd'hui timides, insuffisantes, ne pouvant satisfaire à aucun des intérêts que les événements ont fait naître.

De quoi s'agit-il ? D'une question d'indépendance parlementaire ? S'agit-il, comme on le disait hier, de savoir si, moyennant telle ou telle combinaison, les éléments parlementaires seront meilleurs ou plus mauvais ? Non, il s'agit, comme le gouvernement l'a constaté dans l'exposé des motifs du projet, de satisfaire à l'une des exigences de l'opinion publique. Sans doute chacun de nous peut en recevoir l'impression d'une manière différente ; à mes yeux, dans les circonstances où le pays se trouve, après les réformes déjà votées, la plus grande faute politique que l'on puisse commettre, faute que j'appellerai presque un malheur pour le pays, serait d'adopter une demi-réforme qui aurait tous les inconvénients, sans avoir aucun des avantages d'une réforme entière.

Que faut-il encore ? Que le principe de ce projet de loi ne soit pas la critique de notre passé à tous, de ce passé qui nous a faits ce que nous sommes, qui nous a permis d'avoir, au milieu de la grande crise de 1848, cette attitude si noble et si digne que nous conserverons, je l'espère, jusqu'à la fin ; non, il ne faut pas jeter, aujourd'hui moins que jamais, le moindre blâme sur le passé des assemblées législatives qui ont fondé la Belgique, qui l’ont amenée où elle est. Eh bien, en dehors du principe de la résidence, en dehors de cette idée que nous voulons aujourd'hui avec l'opinion publique, parce que le temps a marché, parce que des nécessités nouvelles se sont révélées ; en dehors de cette idée, que le fonctionnaire doit se consacrer exclusivement à ses fonctions, il y a nécessairement, fatalement, un blâme, une critique du passé, il y a de l'ingratitude. Car déclarer, comme le propose le projet du gouvernement, que tels ou tels fonctionnaires sont exclus, que tels autres fonctionnaires ne le sont pas, c'est déclarer qu'il y avait à faire dans notre passé une distinction de capacité, sinon d'indépendance de caractère et de position. Eh bien, je ne veux pas de l'une ni de l'autre partie de l'alternative, la loi doit être non seulement logique, mais encore juste, vraie, fondée sur les faits dans le passé, comme sur les intérêts du présent et de l'avenir.

Deux questions essentielles partagent ce débat ; la question de constitutionnalité, la question de l'opportunité et en quelque sorte de l'extension qu'il convient de donner au principe du projet de loi.

Sur la constitutionnalité du projet, il ne peut y avoir de dissidence entre le gouvernement et la section centrale. Vous avez entendu en effet M. le ministre de l'intérieur maintenir et le principe de la loi et les exceptions qu'il propose d'y introduire.

Dès lors entre nous la question de constitutionnalité ne peut mettre de dissentiment, puisque sur une telle question de principe, il ne peut y avoir ni du plus ni du moins. En traitant brièvement cette question je défends donc à la fois et le projet du gouvernement et celui de la section centrale.

Sur la deuxième question, le dissentiment est faible ; nous posons le même principe ; nous le poussons, non pas, comme le disait M. le ministre de l'intérieur, aux limites extrêmes de la logique, mais un peu plus loin que le gouvernement n'a cru devoir le pousser.

En fait, l'application du système de la section centrale et du système du gouvernement offre cette différence que, par le premier, il y a quatre ou cinq membres de plus dans les deux chambres, sur 30 à 40 qui devront opter.

Voilà notre dissentiment quant à la portée immédiate de la loi.

En appliquant les principes constitutionnels dans les lois que nous sommes appelés à faire, il y a un double écueil à éviter : l'un consisterait à ne pas voir ce qui est dans la Constitution ; l'autre, non moins dangereux, serait de vouloir trouver dans la Constitution ce qui n'y est pas.

Par un concours de circonstances que vous pouvez tous apprécier, nous avons été entraînés à modifier fréquemment, trop fréquemment peut-être, nos lois organiques. L'instabilité des lois organiques (ou l'a toujours dit) est un mal ; mais l'instabilité de la Constitution serait un mal beaucoup plus grand. Lorsque vous êtes obligés de toucher à la Constitution, vous mettez en question l'existence même du pays. Si vous deviez admettre que le pouvoir législatif a d'autres droits que ceux qui sont formellement consacrés par la Constitution, n'auriez-vous pas introduit dans votre organisation politique le principe le plus fatal, celui de l'instabilité de la Constitution elle-même ? Lorsqu'une nécessité quelconque se révélerait, vous auriez à opter entre la réforme de la Constitution avec tous les dangers qu'elle entraîne et le danger peut-être très grave de méconnaître un vœu de l'opinion publique.

Au-dehors (et je ne crois pas, je me hâte de le dire, que cette pensée ait pénétré dans la chambre), au-dehors on demande que la question des incompatibilités soit résolue dans un sens très large ; mais on soutient en même temps que cette réforme ne peut se faire qu'en révisant la Constitution.

Le pouvoir législatif a tous les droits que la Constitution ne lui dénie pas. On vous a déjà cité des restrictions faites par quelques articles. Pour rester dans les termes de la question spéciale dont la chambre s'occupe, si le congrès avait adopté la doctrine que je combats, aurait-il écrit dans l'article 50 de la Constitution : » Aucune autre condition d'éligibilité ne peut être requise. »

Cette addition eût été un non-sens. Ne prenons donc pas un microscope trop puissant pour trouver dans la Constitution ce qui n'y est pas, n'admettons pas qu'en dehors de la loi fondamentale, il y ait des articles non écrits, sous-entendus, des principes plus forts que la Constitution elle-même. La Constitution doit s'interpréter par elle-même, et non par les constitutions adoptées à l'étranger. Je n'admets pas qu'on puisse légitimement puiser dans les constitutions de 1791 de l'an III ou de l'an VIII et dans les diverses chartes qui se sont succédé en France l'interprétation de notre Constitution. Le congrès a consulté pour la faire nos traditions historiques, nos mœurs, nos besoins ; il n'a pas cherché ses modèles à l'étranger.

S'il n'a pas écrit le principe des incompatibilités dans la Constitution, voyons s'il a défendu à la législature de l'écrire dans nos lois. On nous dit que toute loi qui a pour but de modifier la composition des grands pouvoirs de l'Etat est essentiellement constitutionnelle. Je regrette que l'honorable membre qui a soutenu cette thèse ne l'ait pas développée avec l'autorité de son talent, quand nous avons discuté la loi de la réforme électorale. Aucune loi peut-elle modifier plus profondément la composition du parlement que celle qui change les éléments du corps électoral ? Le texte de la Constitution, pour qui veut l'examiner tel qu'il est, la simple définition des mots démontrent la compétence de la chambre.

Qu'est-ce qu'être éligible ? C'est être capable de recevoir un mandat d'un collège électoral.

Qu'est-ce que l'incompatibilité ? C'est une déclaration que telle et telle fonction ne peuvent être cumulées. Aussi longtemps que vous laissez chaque citoyen dans la plénitude de sa capacité pour recevoir le suffrage des électeurs, vous n'établissez pas de nouvelle condition d'éligibilité. Ce n'est pas là une distinction subtile, c'est la définition même des mots dont nous nous servons.

Cette distinction a été faite par la section centrale. Ainsi d'une part elle propose d'établir l'incompatibilité, d'autre part, quand il s'est agi de déclarer des fonctionnaires temporairement inéligibles, elle a reconnu» que l'article 50 de la Constitution ne permettait pas d'établir cette disposition par la loi.

Si je voulais pousser la doctrine soutenue devant vous à ses dernières conséquences, je dirais que le gouvernement comme la législature seraient complètement impuissants, quels que fussent les abus que l'expérience révélerait. D'après cette doctrine, s'il arrivait que le parlement entier fût composé presque exclusivement de fonctionnaires amovibles, le gouvernement et la législature pourraient remédier à de pareils abus. Si telle est la conséquence peut-on admettre le principe, sans dire en même temps que la Constitution permet la négation du gouvernement représentatif, qu'elle contient le germe de sa destruction.

Je m'étonne d'entendre contester au sein d'une chambre le droit de régler, d'organiser toutes les administrations, de dire quels sont les devoirs spéciaux des fonctionnaires en cette qualité. C'est cependant ce qu'implicitement on soutient. Comment ! la loi ne peut pas dire qu'elle interdit aux fonctionnaires amovibles comme aux fonctionnaires inamovibles de cumuler avec leurs emplois telle ou telle autre fonction ? La loi ne peut pas dire quels sont les droits et les devoirs qu'elle attache à cette espèce de délégation partielle de la souveraineté nationale ?

Il y a, messieurs, comme on vous l'a dit, plusieurs précédents. L'honorable député de Bruxelles s'est principalement attaché, dans la séance d'hier, à affaiblir l'autorité du précédent posé par le congrès au moment où il s'occupait de la Constitution ; la Constitution, dit l'honorable membre, n'était pas encore votée ; à tout prendre, en abrogeant les dispositions contraires, la Constitution aurait abrogé cette partie du décret relatif à la cour des comptes.

Un simple rapprochement de dates détruit l'objection. Ses rapports sur la cour des comptes et sur l'article 36 de la Constitution ont été faits le 22 décembre ; le congrès a voté en premier lieu le décret relatif à l'institution de la cour des comptes à la séance du 29 décembre. Aux séances des 5 et 6 janvier il a nommé les membres de cette cour ; le président a été choisi dans le sein du congrès ; il a été obligé d'opter ; or l'article 36 de la Constitution avait déjà été voté ; l'article 50 a été adopté le jour même où le congrès complétait l'élection des membres de la cour des comptes. Il résulte de là que le congrès a nettement et en connaissance de cause décidé la question.

En consultant les discussions du congrès, j'ai trouvé un autre fait qui montre combien on risque de s'égarer en adoptant la doctrine de l'honorable membre. Lors du vote de l'article 36, un membre avait proposé d'établir des incompatibilités par la Constitution. La proposition a été rejetée. A l'article 36 on avait proposé d'étendre les conditions d'éligibilité, en déclarant notamment que les personnes en état de faillite jusqu'au moment de la réhabilitation ne pourraient être ni électeurs ni éligibles. Le congrès, comme à l'article 36, a rejeté ; niais deux mois plus tard il a introduit dans la loi électorale cette disposition plus étendue, qu'il n'avait pas voulu placer dans la Constitution ; s'il en est ainsi, est-on recevable à dire que du rejet de la Constitution de l'article relatif aux incompatibilités parlementaires, nous serions aujourd'hui incompétents pour insérer dans la loi ce principe d'incompatibilité, pour faire ce que le congrès a fait lui-même, quant à la loi électorale ?

L'honorable membre a terminé en nous faisant observer que, pour la cour des comptes et pour la cour de cassation, il y avait des raisons spéciales. Si le débat se réduit à ce point, nous verrons quelles sont les raisons spéciales qu'on peut invoquer, soit pour le principe, soit pour les exceptions. Mais ce n'est plus une question constitutionnelle. Il y a eu une raison pour la cour des comptes, plusieurs raisons pour la cour de cassation. Nous verrons s'il y a, pour la proposition du gouvernement ou de la section centrale, une ou plusieurs raisons. Nous demeurons dans notre libre appréciation. La question de constitutionnalité est écartée !

(page 1780) Après les précédents qui ont été posés, en examinant les termes et l'esprit de la Constitution, il ne restera, je l'espère, dans vos esprits aucun doute sur la possibilité constitutionnelle d'établir des incompatibilités. Je ne m'arrête donc pas plus longtemps à cette partie du débat.

L'honorable M. Lebeau, à la séance d'hier, a combattu la proposition de la section centrale sur un autre terrain. Ce projet, selon l'honorable membre, peut profiter à telle ou telle opinion ; selon l'honorable membre, ce projet aurait des tendances aristocratiques.

Je ferai d'abord remarquer à la chambre que l'initiative de la proposition vient du cabinet, qu'elle a été réclamée, non par cette opinion qu'on accuse de tendances aristocratiques. Ne comprend-on pas au reste que les anciens partis n'ont plus de raison d'existence ? Quand on combat un projet de loi, à raison des avantages qu'il offrirait à telle ou telle opinion, en se reportant à nos luttes d'autrefois, on ne comprend ni la situation actuelle, ni l'avenir des partis politiques.

Si nous subissons une crise pénible à tant d'égards, il est permis du moins d'espérer qu'il en sortira, pour notre nationalité et le bonheur du pays, une sorte de compensation. Des enseignements, qui ne seront pas perdus, sont nés de ces événements si graves : le besoin de l'union s'est fait sentir à tous les hommes qui veulent la Belgique telle qu'elle est : les anciens partis ne reparaîtront plus. S'il en est ainsi, peut-on en ne songeant qu’au passé, apprécier un projet de loi au point de vue des avantages qu’il offrirait à tel ou tel parti ?

Le projet aurait, dit-on, des tendances aristocratiques. Mais, en vérité, notre pays a-t-il une aristocratie ? N'est-il pas une véritable république constitutionnelle ? La démocratie n'est pas seulement dans nos institutions ; elle est dans nos idées, dans nos mœurs, dans la constitution de la propriété.

Aussi, quel est le partage que l'honorable membre a fait de la nation ? D'une part, les fonctionnaires représentant en quelque sorte les classes moyennes. D'autre part, tout le reste de la nation. Si vous excluez les fonctionnaires, nous dit-on, vous préparez l'avènement de chambres aristocratiques. Cette assertion se trouve heureusement réfutée par les développements mêmes qu'a présentés l'honorable membre. Quelles sont, en effet, les catégories dans lesquelles seraient principalement choisis les membres des chambres, après que les incompatibilités auront été admises ? La première aristocratie dont l'honorable membre paraît redouter l'invasion, permettez-moi de le dire, serait l'aristocratie des avocats sans cause.

Vient ensuite l'aristocratie des industriels. En troisième lieu, le clergé. Enfin l'aristocratie des propriétaires !

Je me bornerai à dire quelques mots de cette dernière catégorie. Demandons-nous comment la propriété est constituée en Belgique. La grande propriété, l'aristocratie territoriale n'existe pas. Les classes moyennes possèdent le sol ; elles sont propriétaires. La grande propriétaire, la propriété aristocratique, en Belgique, est la très rare exception.

En excluant les fonctionnaires du parlement, on craint en quelque sorte de n'être plus en nombre. C'est une impression qui m'est restée en entendant une partie du discours de l'honorable préopinant. Les avocats éminents que la chambre possède ne méritent pas, a-t-il dit, le premier prix d'assiduité. Les industriels non plus ! La réforme parlementaire expose donc les chambres belges à n'être plus en nombre. Si c'est là l'inconvénient qu'on peut sérieusement opposer à la réforme parlementaire, je crois qu'il n'est guère moindre avec le projet du gouvernement accepté par l'honorable membre qu'avec le projet de la section centrale qu'il repousse, et qu'à tout prendre, l'objection n'est pas décisive.

On paraît craindre aussi de manquer de candidats-ministres. L'honorable ministre de l'intérieur, à la séance d'aujourd'hui, a déclaré au contraire que les personnes qui entreraient au parlement seraient des candidats-ministres, que du moins on en trouverait beaucoup. Je crois que ni l'un ni l'autre de ces résultats ne se produiront ; la mesure proposée aujourd'hui ne peut ni augmenter, ni diminuer les difficultés des crises ministérielles. Ces difficultés ont des causes plus graves, plus profondes, qui se sont produites et se produiront encore à l’avenir, quelle que soit votre décision sur le projet de loi.

Je prends donc le juste-milieu (pour me servir d'une expression employée hier) entre l'opinion de l'honorable M. Lebeau et celle de M. le ministre de l'intérieur, quant à l'influence du projet sur les futures crises ministérielles.

Je passe à l'examen des exceptions proposées du gouvernement et d'après le projet. Si vous faites le recensement des fonctionnaires exclus d'après le projet de la section centrale, vous verrez qu'il y a 4 ou 5 membres de plus exclus par le projet de la section centrale. Il faut, sinon pousser la logique à ses dernières conséquences, du moins dans les voies que nous sommes appelés à faire, mettre quelque logique. Je ne la veux pas poussée à l’extrême. Je ne suis pas trop exigeant ; mais j’en demande un peu.

Voyons donc si les exceptions peuvent se justifier.

Pour les gouverneurs, par exemple, c’est à un abus d’influence qu’on veut remédier. Or, en fait, la plupart des gouverneurs qui ont été ou qui sont membres des chambres avaient été nommés hors de leur province. L’abs des influences ne s’est donc guère révélé. Vous voulez néanmoins, sinon y remédier, du moins le prévenir ; vous dites que les gouverneurs ne pourront être élus qu’en dehors de leur province.

Mais qu’arrivera-t-il lors des élections ? Par la force des choses il se formera entre les gouverneurs, permettez-moi cette expression, une sorte d'assurance mutuelle. Si donc vous voulez remédier à l'abus des influences, vous n'atteignez pas votre but par l'adoption du projet de loi. Il y a d'ailleurs, pour éluder la loi, un autre moyen, on l'a déjà indiqué ; lorsqu'on voudra procurer un mandat parlementaire à tel ou tel agent du gouvernement, ou en priver un autre du mandat dont il est investi, une mutation de personnel peut se faire ; rien n'est plus simple, plus facile. Si vous me permettez encore une expression un peu vulgaire, je dirai que l'on verra des gouverneurs jouer aux barres à chaque renouvellement électoral.

L'administration peut-elle se trouver bien d'un pareil système ? Ne devons-nous pas désirer que les gouverneurs, comme tous les autres ordres de fonctionnaires, se consacrent exclusivement à leurs fonctions ?

Il y a, d'après notre organisation, un motif politique, spécial quant aux gouverneurs. Un juge vient à la chambre, un suppléant nommé en vertu de la loi, est appelé à le remplacer. Quand un commissaire d'arrondissement s'absente, le gouverneur nomme son délégué. Ainsi, pour tout ordre de fonction autre que celle de gouverneur, le suppléant tire son mandat de la même origine que le titulaire. Le gouverneur, au contraire, est remplacé par un membre de la députation permanente qui doit sons mandat au principe électif. L'exception, en ce qui concerne les gouverneurs, loin d'être logique, est donc contraire à tous les intérêts de l'administration.

Je comprendrais jusqu'à un certain point que l'on pût admettre tous les gouverneurs sans distinction, quel que fût le lieu où ils obtiendraient un mandat parlementaire, si l'on mettait en pratique, si l'on croyait pouvoir introduire dans notre législation le principe qu'a préconisé hier l'honorable M. Lebeau ; si les gouverneurs étaient des sous-ministres ; si à la chambre ils étaient les soutiens naturels, nécessaires du cabinet ; si, membres de l'administration, ils avaient pour devoir de se retirer avec le ministère qui les aurait nommés. Je concevrais jusqu'à un certain point qu'on donnât aux cabinets cette sorte de milice auxiliaire. Mais un pareil principe, heureusement, n'existe pas encore. A mes yeux, il serait fatal au parlement parce qu'il y introduirait des hommes qui ne siégeraient pas avec la plénitude de leur liberté. Il serait fatal à l’administration parce qu'il y introduirait l'instabilité qui existe dans le pouvoir central. Il serait fatal aux hommes eux-mêmes, parce que si les fonctionnaires siègent dans la chambre, il faut qu'ils y soient au même titre que tous les autres représentants, comme avec les mêmes devoirs.

Aussi longtemps donc que nous resterons dans le système qui a été en vigueur depuis 1830, les gouverneurs, sans distinguer dans quel arrondissement ils ont été élus, ne doivent plus faire partie de la législature.

Quant aux officiers généraux, M. le ministre de l'intérieur motive principalement l'exception par cette considération que le ministre de la guerre devrait désormais être choisi en dehors du parlement. Je ferai remarquer d'abord que jusqu'à présent il n'y a pas été choisi. On me dit que c’est un mal. C'est possible. Mais je fais remarquer qu’en stipulant l’exception on ne prévient pas la lésion d’un droit qui aurait existé jusqu’à présent et qu’on enlèverait.

Ensuite je retourne l'objection. Vous forcez, dites-vous, à choisir le ministre de la guerre hors du parlement. Mais, par la disposition que vous proposez, vous forcez en quelque sorte le Roi à choisir le ministre de la guerre parmi les lieutenants généraux, si vous voulez qu'il soit membre de la chambre. Or, je ne veux pas examiner si les forces vives de notre armée sont exclusivement dans les grades supérieurs ou dans d'autres grades ; mais je dis que votre disposition consacre le principe d'un véritable privilège en faveur de neuf officiers supérieurs.

S'il m'est permis de rencontrer ici une observation générale que présentait l'honorable ministre de l'intérieur, je demanderai si, en établissant les catégories que je viens d'indiquer, on peut réellement espérer d'améliorer notre éducation politique, de former des hommes politiques. Le défaut de nos institutions n'est pas là. On conçoit que dans un pays profondément démocratique, où il n'existe pas d'aristocratie véritable, l'instruction politique soit faible, soit difficile. On le conçoit surtout dans un pays jeune comme le nôtre ; Mais déjà le progrès est remarquable, sous ce rapport ; et si la réforme proposée n'offre pas de grands dangers à ce point de vue, c'est précisément à cause des progrès qui ont été réalisés. Cette réforme peut-être n'aurait pu être adoptée impunément il y a dix-huit ans.

Une dernière exception vous est proposée. Elle concerne la magistrature. Ici encore, messieurs, même absence de logique, j'oserais presque dire : logique à rebours. Voyez en effet ! On permet aux conseillers de cour d'appel et je crois que l'intention du gouvernement est de ne pas permettre aux présidents de chambre des cours d'appel...

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Pourquoi pas ?

M. Malou. - Vous dites dans votre projet : les conseillers.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Les présidents de chambre sont conseillers.

M. Malou. - Je suis charmé d'avoir provoqué l'explication ; on avait douté.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Vous ne pouviez douter ; vous avez l’esprit trop lumineux pour cela.

M. Malou. - On permet donc à tous les membres des cours d’appel de siéger au parlement. Or, messieurs, les membres de la cour d'appel n'ont pas de suppléants. On l'interdit aux juges de première instance qui ont des suppléants en vertu de la loi. Il faudrait donc donner des suppléants aux conseillers des cours d'appel ou bien supprimer ceux des tribunaux (page 1781) de première instance, pour faire rentrer cette exception dans la logique.

Pour les tribunaux de première instance, à ma connaissance, on ne demande plus aucune augmentation de personnel. Hier encore, pour la cour d'appel de Bruxelles, nous avons voté une prorogation de la loi qui a augmenté son personnel.

On dit qu'il n'existe aujourd'hui dans les chambres législatives que trois membres des cours d'appel. Mais on ne peut pas raisonner ainsi. Du jour où vous aurez établi une catégorie ou vous aurez exclu presque tous les fonctionnaires, vous augmenterez dans une proportion très forte les élections de ceux que vous aurez admis.

On me dit et j'entends M. le ministre de l'intérieur répéter : Limitez le nombre. C'est impossible ; c'est inconstitutionnel. Si vous limitez le nombre, si vous dites que deux membres de chaque cour d'appel pourront être élus, vous dites que les autres deviennent inéligibles et vous tombez sous le coup de l'article 50 de la Constitution ; de sorte que vous ne pouvez limiter le nombre. Si vous posez votre exception, elle portera ses fruits et vous pourrez être appelés, par exemple, à donner à la cour d'appel de Bruxelles une cinquième chambre, parce que cinq conseillers au lieu de trois auraient été nommés membres des chambres législatives.

Le moyen que vous indiquez n'est donc pas un remède pratique.

Je pourrais ajouter que dans l'organisation même de ce principe, il y aurait des grandes difficultés, qu'il serait difficile, par exemple, de régler l'ordre de priorité dans la jouissance de ce privilège ; mais je passe tous ces inconvénients de détail, parce que comme j'espère l'avoir démontré à la chambre, la mesure n'est pas constitutionnelle.

Messieurs, pour résumer ces observations en quelques mots, je dirai : J'aurais compris que cette question ne fût point soulevée, j'aurais compris que le gouvernement eût successivement fait quelques réformes ; mais lorsqu'une telle question est posée devant les chambres, lorsque l'opinion publique l'a comprise, comme le disait tout à l'heure l'honorable M. de Tornaco, gardons-nous, messieurs, d'une faute et d'une erreur funeste, gardons-nous de faire les choses à demi, dans un moment comme celui où nous sommes.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - L'honorable préopinant regrette que le gouvernement n'ait fait les choses qu'à demi, qu'il n'ait introduit qu'une demi-réforme alors que l'opinion publique réclame une réforme complète telle que celle que veut lui donner la section centrale.

D'un autre côté, l'honorable préopinant fait un autre reproche à l'opposition du gouvernement contre les conclusions de la section centrale, et ce reproche est celui-ci : Pourquoi vous opposer aux conclusions de la section centrale ? Nous différons de si peu, cela tient à trois ou quatre personnes. Si nous différons de si peu de chose, ou votre réforme est complète ou la réforme de la section centrale n'est pas aussi radicale que le proclame l’honorable M. Malou.

Messieurs, l’honorable M. Malou vient de dire que ce qui était acceptable avant le 24 février cessait de l'être aujourd'hui que les opinions ont marché.

Oui, messieurs, les opinions ont marché et nous avons suivi les opinions. Je vois que l’honorable M. Malou, qui figurait autrefois, qu'il me permette de le lui dire, parmi les retardataires, paraît aujourd'hui marcher devant. J’engage l'honorable M. Malou à marcher du même pas que nous. Je ne lui demande pas davantage.

En proposant de maintenir certaines catégories de .fonctionnaires dans le parlement, nous avons, en quelque sorte, dit-on, condamné le passé. C'est une ingratitude vis-à-vis d'hommes qui ont rendu des services à la chose publique. Messieurs, je ne sois pas complètement ingrat, je sauve autant que faire se peut les sommités parlementaires, et l'honorable M. Malou comment prouve-t-il sa reconnaissance à ces fonctionnaires ? Il leur prouve sa reconnaissance en les mettant tous à la porte. Je demande si c'est là beaucoup.de logique ou peu de logique.

Une réforme parlementaire est une ingratitude vis-à-vis des fonctionnaires dans le parlement. Mais, messieurs, ce n’est pas en 1848 que la chambre se rendrait ingrate, c’est dès l’année 1837 qu’elle s’était montrée ingrate, car dès 1837 la chambre avait adopté, sur la proposition de l’honorable M. Dumortier, une réforme qui excluait et les commissaires de district et les procureurs du roi. D'ailleurs, messieurs, cette question doit être complètement isolée des noms propres et des membres présents dans cette enceinte. Il s'agit d'une question de principes et non pas d'une question de personnes. On nous rendra cette justice que nous n'avons pas cherché à ménager nos amis ou à frapper nos adversaires. La question que nous avons introduite est une question de principes ; elle frappe de part et d'autre, sans distinction ; elle ménage aussi de part et d'autre sans distinction.

Le seul argument sur lequel repose tout le système de la section centrale est celui-ci : Nous ne voulons chercher les motifs d'incompatibilité dans aucune des raisons administratives ou politiques mises en avant par le gouvernement ; nous faisons résider le système dans ce seul principe : chacun à son poste ; obligation de résidence pour les fonctionnaires publics, impossibilité de remplir deux fonctions à la fois.

Eh bien, ici encore la section centrale n'est point logique, car si l'incompatibilité entre les fonctions parlementaires et les fonctions administratives n'a point d'autre motif que l'impossibilité pour le même homme de remplir deux fonctions à la fois, il faut commencer par placer en tête des incompatibilités les fonctions ministérielles, car s'il est des fonctionnaires publics qui sont occupés en dehors de cette enceinte, qui doivent à leurs

C’est sans doute pour cette raison que la logique américaine a exclu les ministres des chambres législatives. Mais nous ne sommes pas encore arrivés et nous n'avons pas l'intention d’arriver à la logique des institutions américaines.

La résidence. Le clergé tout entier n’est-il pas tenu, et par des liens beaucoup plus rigoureux encore que les fonctionnaires civils, n'est-il pas tenu à la résidence ?

Eh bien, excluez-vous les membres du clergé ? Je vous en préviens, votre système doit conduire jusque-là et pour moi, je ne mets pas en doute que si vous excluez tous les autres fonctionnaires publics tenus à la résidence, vous devez placer en tête des incompatibilités, les fonctions du clergé. Eh ! ne voyez-vous pas que cet argument sur lequel vous appuyez tout votre système, est un des plus futiles qui se puissent imaginer, un des plus contraires à la bonne logique et à la pratique ? Car, enfin, à moins que vous ne vouliez que les chambres se composent de gens n'ayant absolument rien à faire, il est impossible de rencontrer des représentants qui n'aient pas des obligations quelconques à remplir ; si ce ne sont pas des obligations relatives aux affaires publiques, ce seront des obligations, relatives à des affaires privées.

Les avocats, les médecins, les négociants, ont des fonctions, des obligations particulières, importantes, aussi, à remplir.

Il faut également dans ce système, basé sur la nécessité de la résidence, exclure les bourgmestres et les échevins dans les grandes villes, par ceux-là sont aussi tenus à résidence, ceux-là ont des fonctions fort importantes à remplir.

L'on s'est un moment égayé à l'occasion des gouverneurs que nous admettons dans la chambre, à la condition qu'ils ne soient pas nommés dans leurs provinces. Je croyais avoir donné des raisons sérieuses à l'appui de ce système. L'on a dit que ce système touchait à l'absurde, qu'il était tout à fait inopérant, en ce sens qu'il s'établirait entre les gouverneurs des provinces une sorte d'assurance mutuelle, en vertu de laquelle le gouverneur de Liège, par exemple, procurerait au gouverneur d'Anvers la confiance des électeurs liégeois, et réciproquement.

Cela peut être accepté comme plaisanterie, mais comme raisonnement sérieux, il m'est impossible d'y applaudir. J'admets (et c'est là le côté grave de la question), j'admets qu'un homme éminent qui occupera le gouvernement de la Flandre orientale, par exemple, pourra obtenir les suffrages des électeurs de la capitale ; mais je doute qu'un pareil honneur puisse échoir tous les gouverneurs ; je suis convaincu que lorsque les électeurs d'une province confieront le mandat de représentants à des gouverneurs d'autres provinces, c'est qu'ils verront en eux des hommes tout à fait éminents, qui par leur capacité et les services qu'ils ont rendus, appartiennent en quelque forte au pays ; ce sont ces hommes que je veux maintenir dans le parlement et que la section centrale repousse.

Messieurs, faisons un retour sur nous-mêmes. Les personnages qui ont siégé sur le banc ministériel sont nombreux. Où les a-t-on pris ? Tous, à cinq ou six exceptions près, parmi les fonctionnaires-représentants. Parmi les anciens ministres qui ont été empruntés à la catégorie des fonctionnaires représentants, je citerai en tête (le nom se présente tout naturellement) l’honorable M. Malou lui-même ; je vois figurer ensuite dans la liste son honorable ami M. Dechamps, MM. de Muelenaere, Nothomb, d'Huart, Liedts, mon honorable ami M. Lebeau, M. Rogier (s'il m'est permis de me nommer moi-même), M. d'Anethan...

Un membre. - M. d'Anethan ne faisait pas partie de la chambre.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Soit ; supprimons M. d'Anethan.

... MM. Ernst, Mercier, d’Hoffschmidt, Raikem, Leclercq. Je suppose que ces personnes n'eussent pas pu, à raison de leurs fonctions, faire partie de la chambre, où eussiez-vous recruté vos ministres ?

Maintenant, il est aussi des ministres qui n'ont pas été choisis parmi les fonctionnaires représentants ; je citerai, entre autres, MM. Desmaisières, de Briey et Van Volxem.

Mais, dit-on, à quoi bon cette mesquine réserve qui ne s'applique qu'à quelques individus ? Vous aurez neuf militaires au plus dans la chambre ; qu'est-ce que cela ?

Nous n'en demandons pas même neuf ; je crois que ce serait trop de militaires dans la chambre ; mais je veux en avoir, ne fût-ce qu’un seul capable de représenter et de défendre l’armée, capable, au besoin, de fournit un membre au cabinet.

Ai-je entendu dire, parce qu’il n’y aurait pas de lieutenants généraux (page 1782) dans la chambre, qu'il serait interdit au Roi, de nommer un ministre de la guerre ? Eh non ; et vous qui vous montrez maintenant si avancés, vous auriez dû me soutenir lorsque j'ai défendu ce principe, qu'exclure les militaires de la chambre, c'est décréter qu'à toujours la prérogative qui choisit les ministres aurait le droit de choisir les ministres de la guerre en dehors de la chambre ; loin d'étendre cette prérogative, vous qui voulez marcher plus vite que nous, vous devriez, au contraire, la forcer de se retremper constamment dans le sein du parlement qui n'est que la représentation de la souveraineté nationale.

Les conseillers, dit-on, à quoi bon ? 3 ou 4 conseillers dans la chambre, qu'y gagne-t-on ?

Je dis qu'on y gagne beaucoup. Quand je jette les yeux sur les membres de la chambre, il me suffit de rencontrer un seul homme distingué appartenant à la cour de Bruxelles pour être entièrement convaincu de la grande utilité, de la grande nécessité de ne pas exclure cette classe de fonctionnaires publics si utiles par leur expérience, par leurs lumières. Un seul membre emprunté aux cours peut être un puissant argument en faveur de la thèse que je soutiens. Votre thèse, dit-on, ne vaut rien. J'avais dit : Si on craint qu'il n'en vienne un trop grand nombre, que la loi limite le nombre des conseillers appelés à faire partie de la chambre ; ce remède, dit-on, est inconstitutionnel. L'honorable membre croit qu'il est constitutionnel de les exclure tous, mais il trouve inconstitutionnel d'en exclure 16 sur 18. Je ne vois pas que cela soit conforme à la saine logique.

L'on nous dit que l'opinion publique réclame impérieusement une réforme radicale complète. Il y a différentes manières d'apprécier l'opinion publique. L'opinion publique, pour les uns, n'est pas ce qu'elle est pour d'autres. Il y a une opinion d'une grande minorité qui s'appelle volontiers en ce moment l'opinion publique ; cette opinion a des organes, ces organes trouvent que tout marche mal dans le pays ; c'est au nom de l'opinion publique qu'ils réclament. Cette opinion-là trouve que la Constitution telle qu'elle est ne va plus au pays, qu'il faut faire un pas de plus, qu'il faut marcher avec l'époque. Il est impossible que cette opinion trouve qu'il serait bon de commencer la réforme par la suppression de tous les fonctionnaires publics, sauf à venir à celui qui les domine tous. De cette opinion, nous n'en sommes pas, nous ne cherchons pas à lui donner satisfaction ; quelle que soit notre position, que nous soyons sur les bancs de l'opposition ou sur les bancs ministériels, nous lui résisterons.

Pour finir par une observation que déjà j'ai eu l'honneur de faire à l'honorable M. de Theux, je dirai en toute assurance : Voulez-vous faire chose sage, stable, sur laquelle l'opinion publique n'ait plus à s'émouvoir, qui permette au parlement nouveau de commencer et de mener à bonne fin les travaux nombreux qui lui sont réservés, sans s'occuper de questions politiques, adoptez la réforme dans les limites que nous avons présentées ; sinon, craignez qu'une réaction en sens opposé ne se manifeste et ne fasse manquer le but qu'on s'est proposé. Car, de même que vous auriez été trop loin en excluant d'une manière radicale tous les fonctionnaires, par un mouvement réactionnaire facile à prévoir, l'élément fonctionnaire se représentant trop influent, trop prépondérant, nous pourrions voir renaître et s'accroître les abus que nous avons voulu faire cesser.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

M. le président. - Nous passons à la discussion des articles.

Discussion des articles

Article premier

M. le président. - M. Lebeau vient de déposer un amendement à l'article premier ainsi conçu :

« Cette incompatibilité ne s'appliquera pas non plus aux membres inamovibles de la cour de cassation, des cours d'appel et des tribunaux de première instance.

« Sont exceptés : les membres des tribunaux de première instance dont le personnel est inférieur à 4 juges, le président compris.

« Les membres des cours et des tribunaux ne pourront être élus dans l'arrondissement où ils ont leur domicile.

« Il ne pourra être élu aux chambres législatives que :

« Deux membres dans la cour de cassation ;

« Deux membres dans chaque cour d'appel ;

« Un membre dans chaque tribunal de premier instance.

« Dans le cas où ce nombre serait dépassé, la préférence sera accordée à celui ou à ceux qui auront obtenu la majorité la plus forte de suffrages électoraux, sans égard aux chiffres plus ou moins élevés des votants dans les divers collèges qui seraient en concurrence. »

M. Lebeau a la parole pour le développer.

M. Lebeau. - Messieurs, je dois d'abord bien préciser le sens de mon amendement. Il n'a pas pour objet d'exclure les autres catégories de fonctionnaires comprises dans l'exception du projet ministériel. Je me propose de voter pour le maintien de ces exceptions ; mais prévoyant le cas où ces exceptions seraient repoussées par la chambre, et ayant spécialement à cœur de maintenir au nombre des éligibles les membres de l'ordre judiciaire tout entier, j'ai déposé un amendement sur lequel j'appelle l'attention la plus sérieuse de la chambre.

Messieurs, je conviens avec un honorable préopinant, que le temps a marché beaucoup depuis quelques mois ; qu'un quart de siècle peut-être, moralement parlant, nous sépare des premiers mois de l'année présente. Oui, le temps a marché à grands pas, et une vive impulsion, vous le savez, est surtout venue du dehors ; la Belgique, sans doute, a marché aussi, et pour cela elle n'avait besoin que d'obéir à sa propre impulsion ; mais les événements qui exercent sur l'Europe entière et spécialement sur la Belgique une énergique pression, ont mis à l'ordre du jour bien d'autres idées de réformes. Malgré son entraînement, je suis sûr que l'honorable préopinant, qui invoque pour le projet en discussion la marche rapide du temps, croirait devoir y réfléchir mûrement avant de donner son assentiment, tout ce que le temps a apporté en fait d'idées de réforme. S'il fallait obéir aveuglément à toutes les impulsions qui viennent du dehors, ce n'est pas seulement sur une réforme parlementaire, sur une réforme électorale que vous auriez à délibérer. Il est bien d'autres questions qui ailleurs sont mises à l'ordre du jour.

Si vous ne saviez résister au courant des idées du jour, vous auriez probablement à délibérer prochainement :

Sur la question de l'abolition des traitements du clergé ;

Sur la substitution, à notre système d'impôt, de l'impôt progressif.

Je me bornerai à citer, parmi celles que les événements ont mises à l'ordre du jour, ces deux seules questions.

Si donc nous devons faire la part du mouvement qui nous presse, faisons-la en hommes prudents, fermes et réfléchis, qui savent accorder les réformes que conseille la prudence et repousser les exagérations.

J'ai dit, dans une précédente séance, que les principes absolus, déposés dans le rapport de la section centrale, font le procès à la constitution du pays. J'ai dit que le système proposé par la section centrale avait la prétention d'être plus sage, plus prévoyant que les législateurs du congrès.

Dirai-je, avec un autre préopinant, que le pays (chacun a un pays à sa guise), que le pays était mûr pour une réforme parlementaire radicale, que le pays tout entier veut l'exclusion des fonctionnaires des chambres législatives. Mais si le pays veut cela, nous perdons véritablement ici notre temps. Si le pays veut cela, si le corps électoral ne veut plus voir de fonctionnaires siéger dans les chambres, fiez-vous donc au pays, au corps électoral ; il n'en enverra plus. Singulier moyen démontrer sa déférence pour la volonté du pays et du collège électorale ! Singulier témoignage qu'on est sûr des sentiments et des vœux du pays, qu'il faille lui défendre, de par la loi, de faire le contraire de ce qu'il veut si énergiquement et si universellement !

Voilà, sur ce point, messieurs, en quoi se résume la logique de l'honorable préopinant qui siège derrière moi, et qui nous a habitués à une plus solide argumentation.

Je viens, dans cette espèce de naufrage, chercher à faire surnager au moins une classe de fonctionnaires, à laquelle ne s'adressent pas la plupart des objections dont l'admission de quelques autres peut être l'objet. Je viens soutenir de nouveau, devant la chambre, l'opinion que j'ai soutenue, en 1832, avec cet honorable ami dont l'honorable M. Destriveaux invoquait et avec raison, hier, l'autorité si respectable, j'ose le dire, et pour la chambre et pour le pays.

Si je succombai alors, si je succombe aujourd'hui, je ne considérerai pas le combat comme fini irrévocablement. J'imiterai peut-être à cet égard l'exemple de ce qui se passe dans un autre pays où nous devons si souvent puiser des leçons. Convaincu de la bonté de ma cause, je reviendrai probablement à la charge, si les électeurs me font l'honneur de me renvoyer dans cette enceinte, si l'expérience surtout vient confirmer les tristes prévisions que m'inspire la loi.

Je veux essayer de maintenir dans une certaine mesure, au sein des chambres législatives, des fonctionnaires dont la présence y est, selon moi, d'un grand intérêt pour le pays. Je veux que l'accès des chambres reste ouvert à la magistrature, à la magistrature inamovible. Elle nous donne la garantie d'une indépendance patente, officiellement constatée, la garantie d'une sévère moralité comme la règle, presque sans exception, d'une considération qui n'est pas plus contestée.

Je veux de la magistrature, parce que je ne veux pas que, sous prétexte de réformes absolues et démocratiques, on fasse, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, qu'on le dise ou qu'on le cache, la guerre aux villes, la guerre aux classes moyennes.

M. Malou, rapporteur. - Il ne s'agit pas de cela ! Vous y mettez toujours de la passion !

M. Lebeau. - Nullement, à moins que vous n'appeliez ainsi la passion du vrai. C'est mon opinion vive et profonde, mais non pas passionnée, dans le sens que vous paraissez attacher à ce mot.

Je ne sais à qui je puis déplaire ou manquer, en énonçant ainsi mon opinion.

J'ai déjà dit hier que, pour moi, la loi, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, est, dans son principe, comme elle sera dans ses résultats, essentiellement une loi aristocratique. J'en appelle à l'expérience, elle jugera entre vous et moi.

L'honorable M. de Theux a cru renverser cette supposition, en me (page 1783) parlant des Etats-Unis, où existe le système qu'on veut faire prévaloir ici, et où l'on ne voit pas les chambres envahies par l'aristocratie. Pour que l'aristocratie envahît les chambres législatives, il faudrait commencer par la créer. Là il n'y en a pas. Ici il y en a.

Je n'entends en aucune façon blesser qui que ce soit, on me servant de cette expression. L'aristocratie, et surtout l'aristocratie belge, s'est associée, presque à toutes nos époques les plus glorieuses, à la cause de l'indépendance nationale, à la cause du progrès en fait de franchise et de libertés. Je ne suis pas ingrat ; je veux conserver à l'aristocratie une large part d'influence dans les affaires publiques. Cette part, la Constitution la lui a faite. Mais je crois qu'il n'est pas de son intérêt, pas plus que de l'intérêt du pays, que cette influence soit prépondérante. Cette prépondérance, le projet a pour tendance, il peut avoir pour résultat de la lui rendre.

Messieurs, abandonnant ces considérations générales et rentrant plus directement dans le sujet, je me trouve d'abord face à face avec cette petite objection du cumul, dont il ne reste peut-être rien à dire, après le langage si lucide et si logique de l'honorable M. Tielemans.

Les réformistes, qui s'appuient sur les dispositions constitutionnelles relatives au cumul, sont bien autrement sévères que la Constitution elle-même. Qu'a voulu prévenir la Constitution ? Le cumul en lui-même, en principe ? Non. La Constitution a voulu prévenir les abus du cumul. Du reste, j'ai déjà prouvé, je pense, dans une séance précédente, que cette expression de cumul ne peut s'appliquer qu'au traitement et non à des fonctions. En voulez-vous la preuve, précisément pour la catégorie des fonctionnaires dont je m'occupe en ce moment ? Lisez l'article de la Constitution : « Aucun juge ne peut accepter du gouvernement des fonctions salariées, à moins qu'il ne les exerce gratuitement, et sauf les cas d'incompatibilité déterminés par la loi. »

Ainsi donc, la Constitution, loin d'avoir proscrit le cumul des fonctions pour les membres de l'ordre judiciaire, a, au contraire, prévu textuellement, dans son article 103, le cumul des fonctions judiciaires avec des fonctions autres que les fonctions judiciaires, pourvu qu'on les exerce gratuitement, et encore faut-il que ce soient des fonctions données par le gouvernement ; de manière que si même vous pouviez voir dans les fonctions législatives de véritables fonctions, comme l'article 103 n'interdit le cumul que pour les fonctions que l’on tient du gouvernement, il ne serait pas applicable dans le cas actuel.

J'ai d'ailleurs établi que les fonctions législatives ne sont pas des fonctions salariées, que le traitement n'est pas affecté aux fonctions législatives, puisque l'indemnité n'est que la représentation des frais de séjour et de route, à tel point que le député appartenant à la capitale (et beaucoup de magistrats sont dans ce cas) ne jouit pas de cette indemnité.

Messieurs, on vient toujours reproduire cet éternel argument de l'impossibilité matérielle de cumuler l'exercice de deux fonctions. Mais cela n'est pas vrai surtout pour les membres des tribunaux qui ont leur résidence dans la capitale. Ils sont précisément, ceux-là, dans la situation de MM. les avocats des cours d'appel, de MM. les avocats à la cour de cassation, qui, par la manière dont les séances sont distribuées, par le choix des heures affectées à l'expédition des affaires judiciaires, peuvent parfaitement bien pourvoir à l'une et à l'autre de leur double mission d'avocat et de député, précisément comme le peuvent les membres de la cour d'appel, les membres de cour de cassation résidant à Bruxelles.

D'ailleurs, messieurs, s'il y a un pays où, pour les fonctionnaires étrangers à la capitale, un pareil cumul présente peu d'inconvénients, en comparaison des grands avantages que le pays peut en recueillir, c'est la Belgique ; c'est un petit pays, sillonné de chemins de fer qui placent pour ainsi dire toutes nos localités à quelques heures de la capitale, et si le cumul des fonctions parlementaires et des fonctions judiciaires, dans quelques localités éloignées de la capitale, entraînait des inconvénients graves, il y aurait des mesures à prendre peut-être pour affecter une partie des traitements à ceux qui desservent provisoirement ces fonctions.

Déjà, messieurs, sans que la loi ait rien prescrit, je connais d'honorables magistrats qui siègent dans cette enceinte, et qui se sont très largement, très honorablement exécutés sous ce rapport, et qui ne touchent que leur indemnité.

J'ai entendu dire par quelques partisans d'une réforme radicale que si l'on n'apportait pas immédiatement des restrictions à la libre entrée des fonctionnaires dans cette chambre, le parlement allait être envahi par le corps judiciaire, au grand détriment des justiciables.

Envahi, messieurs ! Mais nos portes sont ouvertes depuis dix-sept ans à la magistrature, et savez-vous combien on a compté de magistrats inamovibles dans cette enceinte à toutes les époques ? 17 au plus dans les deux chambres sur 150 membres. Aujourd'hui il y en a 12 dans les deux chambres sur 163 membres. A Bruxelles, où il est si facile de concilier le double mandat, les doubles fonctions de membre d'une cour et de membre de la législature, savez-vous quel est le nombre des conseillers que les collèges électoraux de la province envoient ici ? Trois. Trois sur 27 dont la cour se compose. Et de juges de première instance, combien y en a-t-il élus par ces collèges électoraux ? Pas un seul ; pas un seul juge de Bruxelles ne siège à la chambre. Oh ! énorme abus !

La cour de Gand ne nous envoie pas un seul conseiller ; la cour de Liège ne nous envoie pas un seul conseiller. Oh ! énorme abus !

De tout le vaste ressort de la cour de Bruxelles, 3 membres de tribunaux de première instance siègent ici ; du ressort de la cour d'appel de Gand il y en a 4 ; du ressort de la cour d'appel de Liège, il en est élu 2. Vous le voyez, messieurs, l'abus est énorme. Il y a nécessité, urgence extrême d'y pourvoir !

Eh bien, messieurs, à ces abus, si vous voulez encore les appeler ainsi, j'oppose déjà une première restriction.

Ainsi, je n'admets pas que les magistrats puissent être choisis dans l'arrondissement où ils sont domiciliés. Là je comprends que, trop rapprochés par leurs relations, de leurs justiciables, il peut être utile, par une susceptibilité excessive, par une sollicitude exagérée pour leur considération, de ne pas permettre qu'ils soient élus. De plus, je limite soigneusement le nombre, et je vous avoue, messieurs, que je n'ai pas été peu surpris d'entendre un homme tel que l'honorable M. Malou, qui nous a habitués à un peu plus se solidité dans ses raisonnements, de l'entendre déclarer à l'avance qu'une telle limite est inconstitutionnelle. Comment, messieurs, il ne sera pas inconstitutionnel de proscrire en masse toute une cour d'appel, et il sera inconstitutionnel, faisant la part, d'abord des besoins parlementaires, faisant la part, ensuite, des besoins non moins importants de la justice, de déclarer que toute une cour, tout un tribunal ne pourra pas être envoyé dans cette chambre ! C'est déclarer tous les autres inéligibles ! Mais, mon Dieu, avez-vous donc déclaré que les aspirants aux conseils provinciaux, les aspirants aux conseils communaux, sont frappés d'inéligibilité, quand pour cause de parenté, vous leur avez défendu d'entrer ensemble au conseil communal, au conseil provincial, par le même collège ? Il n'y a pas là, messieurs, l'ombre d'une inconstitutionnalité.

Mais, disent encore les amateurs d'une réforme absolue, les magistrats bien qu'inamovibles, ne sont pas complètement indépendants ; ils attendent leur avancement de la faveur du pouvoir ; ils peuvent, les juges de première instance, chercher à devenir présidents ; de présidents, chercher à devenir conseillers, et de conseillers de cour d'appel, chercher à devenir conseillers de cour de cassation. Mais, messieurs, vous savez bien que, d'après la Constitution, le gouvernement n'a pour ainsi dire qu'un droit nominal à cet égard. Il n'a que l'investiture des fonctions supérieures de la magistrature. La magistrature, dès que vous vous élevez au-delà du rang de juge, devient élective ; les fonctions sont conférées par de véritables collèges électoraux qui imposent en quelque sorte leurs candidats au choix du gouvernement. Et, messieurs, pour avoir déjà triomphé de cette première épreuve, il faut que les magistrats aient commencé à se faire remarquer par leurs œuvres, qu'ils aient commencé à donner des gages de leur science, de leur impartialité, de leur modération, de leur patriotisme.

Il y a, messieurs, une objection que j'ai entendu faire par des hommes dont l'opinion est pour moi d'un grand poids, que j'ai entendu faire, je dois le dire, par quelques magistrats eux-mêmes. J'ai assez de confiance dans la bonté de la cause que je défends pour n'avoir besoin d'user d'aucune espèce de réticence. Le danger, disent-ils, c'est d'introduire l'esprit politique dans la magistrature. Je ne voudrais blesser personne par des paroles dédaigneuses. Mais, qu'il me soit permis de le dire, l'objection n'a de grave que la forme : au fond elle est puérile. Comment, messieurs, dans un gouvernement constitutionnel, comment est-il possible que même un magistral, de quelque réserve qu'il s'enveloppe, puisse soustraire à tout le monde la connaissance de l'opinion politique à laquelle il appartient ? Cela est tellement impossible que si vous faisiez devant moi l'appel nominal des membres qui composent notre tribunal, notre cour d'appel et même notre cour de cassation, je pourrais vous dire à l'instant même quelle est la couleur de leur opinion. Ils ne la cachent pas et ils font bien de ne pas la cacher. Si vous voulez que dans un gouvernement constitutionnel, dans un gouvernement de libre discussion, les magistrats n'aient pas d'opinion politique, commencez par leur interdire le droit d'être électeurs. Car s'il y a une fonction essentiellement politique, c'est évidemment celle d'électeur, et si vous voulez que le magistrat n'ait pas d'opinion politique vous ne pouvez pas le ranger parmi les électeurs.

Messieurs, j'en appelle encore au passé pour faire justice de ces fantômes que l'on se crée dans l'avenir. Depuis 17 ans, la magistrature est admise dans les deux chambres législatives, elle y pénètre sans obstacle ; je vous le demande, en quoi le contact des magistrats avec les fonctions législatives a-t-il nui à la considération de la magistrature belge ? La magistrature belge a-t-elle cessé depuis 17 ans de grandir dans la considération et dans l'estime du pays tout entier ?

Si vous excluez, messieurs, la magistrature, sans exception aucune, des chambres législatives, prenez-y garde, vous pourriez bien y manquer d'une catégorie que je ne veux pas voir prédominante, mais dont le concours est indispensable dans presque toutes nos décisions, dans toutes nos discussions, ce sont les jurisconsultes éminents, au moins les juristes instruits.

« La Constitution, disait en 1832 l'honorable M. Liedts, la Constitution n'accordant pas de traitement aux membres, le nombre des avocats distingués, qui ont assez de dévouement pour sacrifier leur clientèle et peut-être leur fortune à l'honneur de représenter le pays, n'ira certes pas en augmentant.

« Si maintenant vous excluez en outre tous les membres de l'ordre judiciaire, vous n'aurez plus à la chambre des hommes de loi. »

Voilà ce que disait l'honorable M. Liedts dans la séance du 5 juin 1832.

« On a éloigné des chambres les hommes du barreau, disait, dans la même séance, l'honorable M. Gendebien, parce qu'on n'a pas donné une indemnité qui pût compenser la perle de la clientèle, et on a mis les membres des cours d'appel pour remplacer les avocats.»

Vous remarquerez, messieurs, que le principe de mon amendement, par sa généralité, ne doit blesser personne ; il n'établit pas de catégories. Ce (page 1784) principe repose sur l'inamovibilité. Non assurément que les officiers du parquet, essentiellement amovibles, ne méritent pas, à l'égal de la magistrature, la considération et l'estime publiques ; mais il y a pour la magistrature un signe officiel d'une indépendance plus grande, d'une indépendance de position qui fait taire jusqu'au soupçon même de complaisance pour le gouvernement.

J'ai vu avec douleur repousser de cette chambre les membres de la cour de cassation Que leur manque-t-il pour y siéger avec honneur, avec utilité pour tous ? Ce ne sont pas les lumières, ce n'est pas l'expérience, ce n'est pas la considération : deux ou trois élections préalables ont constaté l'estime dont ils étaient environnés par plusieurs corps de l'Etat.

.Aussi la cour de Bruxelles a-t-elle, à l'occasion de la loi d'organisation judiciaire, exprimé le vœu que la cour de cassation fût éligible comme elle ?

L'indépendance de position des membres de la cour de cassation est plus absolue encore que celle de tous les autres membres de l'ordre judiciaire, car ils n'ont rien à craindre ni à désirer du pouvoir. C'est une garantie de plus pour ceux qui craignent que la très légère prérogative que le pouvoir exerce, quant à l'avancement des autres membres de l'ordre judiciaire, ne puisse porter atteinte à la considération et à l'indépendance de la magistrature.

Les membres de la cour de cassation ont d'ailleurs plus de loisir que les autres magistrats, et pour eux non plus aucun cumul de traitement n'est possible, puisque leur résidence obligatoire à Bruxelles ne leur permet pas même de toucher l'indemnité.

J'arrive à l'objection principale ; on n'en a pas donné d'autre lors de la discussion de la loi de 1832.

« Les membres de la cour de cassation jugent les ministres... »

Voyons.- messieurs, les réalités et laissons là les hypothèses.

Combien de fois assisterons-nous au spectacle du jugement d'un ministre mis en accusation ? Quand des ministres sont mis en accusation, c'est d'ordinaire après des révolutions. Dans nos gouvernements parlementaires, où quelques voix de majorité renversent des ministres, il n’est pas nécessaire de recourir au moyen extrême de la mise en accusation. Il serait insensé, selon moi, de sacrifier l'éligibilité d'une classe de citoyens éminents à une éventualité que je pourrais reléguer dans les chimères. Mais enfin, pour avoir réponse à cette objection, supposons le cas d'une accusation intentée par la chambre contre un ministre ; eh bien ! le conseiller de la cour de cassation qui siégerait sur ces bancs, s'abstiendrait ici, ou il s'abstiendrait à la cour de cassation.

Il y a une contradiction singulière, surtout pour la cour de cassation .quand on prétend qu'il faut, pour obéir à l'esprit de la Constitution, empêcher l'esprit politique de s'infiltrer dans la cour de cassation ; tandis que c'est la Constitution elle-même qui a fait de la cour de cassation un corps politique, l'a dotée d'attributions politiques à côté d'attributions judiciaires ; de sorte que la réfutation de l'objection, spécialement pour la cour de cassation, je la puise dans la Constitution elle-même.

Et d'ailleurs, est-ce le seul exemple du mélange d'attributions politiques et judiciaires dans le même corps ? La chambre des représentants, qui, au besoin, ferait les fonctions de chambre des mises en accusation, n'exercerait-elle pas à la fois des fonctions judiciaires et politiques ?

Et si nous allions chercher au-dehors des exemples, qu'on rejettera peut-être aujourd'hui, avec un profond dédain, au cri de : périssent les colonies plutôt qu'un principe ; si nous consultons l'Angleterre, qui exclut des deux chambres du parlement un grand nombre d'agents du gouvernement, vous verrez que la chambre des lords, qui est un corps politique, a aussi des attributions judiciaires ; la chambre des lords juge même beaucoup d'autres causes que celles qui se rattachent à l'accusation des ministres. Le chancelier .d'Angleterre est un ministre ; ce qui ne l'empêche pas de présider la .chambre des lords, et au besoin de la présider comme cour de justice. Il préside, en outre, la, première cour du royaume ; et en Angleterre, quel que soit le parti auquel le chancelier appartienne, on professe en général le plus profond respect pour le président de la cour de chancellerie, pour les décisions, que souvent il est appelé à prendre seul.

Je n'ai pas besoin de rappeler qu'en France, la chambre des pairs était en même temps une cour de justice.

Enfin, si je ne craignais d'abuser des moments de la chambre, je ferais voir que dans les constitutions les plus démocratiques, où l’on s’est attaché avec le plus de soin à la démarcation la plus rigoureuse des pouvoirs ; que dans les constitutions des Etats particuliers de l’Union américaine, et même dans la Constitution fédérale, vous avez des corps qui sont à la fois judiciaires et politiques. Le sénat des Etats-Unis, corps politique, est aussi un corps judiciaire, pour juger non seulement les ministres, mais beaucoup de catégories de fonctionnaires publics.

Et, messieurs, il ne faut pas l’oublier, quand on est homme d’honneur, quand on habite un pays où la publicité a fortifié les caractères et les mœurs publiques, celui qui siège comme membre d’un corps judiciaire fait aisément abstraction de ses opinions. Cela est tellement vrai que nous avons vu naguère les membres de la chambre des pairs d’Angleterre, qui avaient été attaqués violemment, publiquement, par O’Connell dans toutes ses tournées à travers l’Irlande, une commission de la chambre des lords, composée de jurisconsultes appartenant au parti tory proposer et obtenir l’annulation par cette chambre du jugement qui avait condamné le célèbre Irlandais.

Voilà comment, à la faveur du développement des caractères et des mœurs publiques, les hommes savent faire abstraction de leurs opinons quand ils ont l’honneur de siéger comme magistrats. J’en appelle à chacun de vous, à tous mes honorables collègues, si quelques-uns d'entre vous s'étaient constitués l'arbitre dans une question où il pourrait s'agir de l’honneur ou de la fortune d'un de leurs adversaires politiques, je vous le demande, peut-on supposer que revêtus de cette magistrature momentanée vous iriez, abjurant votre conscience, consulter l'opinion politique à laquelle on appartient pour prononcer votre verdict ? S'il ne peut en être ainsi, si dans une mesure qui concilie les besoins du parlement et des justiciables, vous laissez pénétrer les membres de la cour de cassation et des autres corps judiciaires dans telle enceinte, soyez-en sûrs, leur caractère n'en recevra aucune atteinte.

Je ne veux pas faire violence à la chambre qui m'a déjà montré beaucoup d'indulgence de bienveillance ; même, j'avais encore diverses considérations à présenter, mais cédant à une impatience contre laquelle je n'entreprends jamais de lutter, je renonce à la parole.

Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

M. le président. - Voici un autre amendement que vient de déposer M. de Mérode :

« Sont déclarées incompatibles avec le mandat de représentant et de sénateur les fonctions de gouverneurs de province élus dans la province qu'ils administrent et celles de commissaires d'arrondissement dans le ressort dû ils exercent leurs fonctions.

« La même incompatibilité s'applique aux juges des tribunaux de première instance et aux officiers du ministère public attachés à ces tribunaux qui sont élus dans leur circonscription judiciaire. »

M. de Mérode. - Messieurs, parmi les objections qui ont été faites aux divers systèmes qui se sont produits dans cette discussion, je n'en ai pas entendu formuler une seule contre ma proposition qui consiste à procéder à l'égard des incompatibilités dans l'esprit bien évident du congrès, c'est-à-dire en ne déclarant les incompatibilités que pour des motifs directs et tout à fait spéciaux.

Or, messieurs, il est impossible de ne pas reconnaître par l'expérience des faits que les gouverneurs, et plus encore les commissaires de district, possèdent généralement une influence trop grande dans leur province et leur district, en ce qui concerne leur propre candidature électorale, et que cette influence ôte à une multitude d'électeurs une part notable de la liberté de leur vote en faveur des concurrents de ces fonctionnaires.

Cette influence n'est point possédée au même degré par les juges des tribunaux de première instance et les officiers du ministère public des mêmes tribunaux dans leur ressort ; cependant, comme il est d'une faible étendue, les justiciables sont trop rapprochés de ces fonctionnaires pour ne pas être faciles, quand ceux-ci se présentent à leurs suffrages dans une élection.

On m'a demandé pourquoi je ne proposais aucune exception concernant les juges des cours d'appel. Mon motif est que leur circonscription judiciaire renferme deux et trois provinces ; que, par conséquent, l'action que ces juges ou officiers du ministère public peuvent exercer se trouve ainsi tellement disséminée qu'elle n'est point comparable à celle-des juges et officiers du ministère public des tribunaux inférieurs dans un ressort très étroit où chacun se connaît.

M. Malou, rapporteur. - Si, dans les temps calmes, on doit toucher avec réserve les questions sociales qui par elles-mêmes soulèvent toujours des dangers, il le faut surtout aujourd'hui que la question sociale est si vivement, si violemment agitée autour de nous.

J'exprime donc de nouveau de regret de voir l'honorable M. Lebeau se rendre mal compte du principe et des effets de la loi. S'il était vrai qu'elle eût des tendances aristocratiques, je pourrais laisser à M. le ministre de l'intérieur le soin de répondre à son honorable ami, car cette loi, encore une fois, nous ne l'avons pas inventée. Pouvez-vous admettre, en fait, qu'il n'y ait plus dans notre société, telle qu'elle est constituée, et au sein des classes moyennes assez de forces vives pour constituer un parlement, lorsque les fonctionnaires n'y seront plus ? Vous ne pouvez pas l’admettre ; dès lors l'objection de l'honorable M. Lebeau disparaît.

On nous accuse d'avoir eu la prétention d'être plus sages que le congrès. C'est une question du plus ou moins entre nous, puisque l'honorable membre admet une certaine réforme. Sans prétendre être plus sages que le congrès, nous pouvons faire quelque chose de plus ; depuis le congrès, des faits se sont passés ; c'est d'après les faits qu'on rédige les lois.

Comme si ce n'était assez d'un appel à l'antagonisme des diverses classes de la société, l'honorable membre sépare encore les populations, suivant, qu'elles habitent les villes ou les campagnes ; le projet, selon lui, serait un acte d'hostilité envers les villes. L’honorable membre perd de vue tous les faits. J’ai formé le tableau des fonctionnaires qui se trouvent dans les deux chambres, et j'ai comparé le nombre respectif des fonctionnaires envoyés par les grandes villes et par les autres districts. Le nombre total des fonctionnaires siégeant dans les deux chambres est de 40 ; d'après mes calculs, 8 seulement sont élus par les collèges électoraux des grandes villes, en comptant comme telles, si on veut bien le permettre, Bruges, Louvain et Tournay.

En fait sur 40 fonctionnaires, il n’y a que 8 élus par les collèges électoraux des principales villes ; et l’on dira que le projet fait la guerre aux villes !

J'ai le droit d'être surpris à mon tour que l'honorable membre n'ait pas conquis la différence qui existe entre la position faite aux fonctionnaires, par la proposition de la section centrale et par le système d'après lequel deux membres d'une cour auraient le droit d'éligibilité et tous les autres ne l'auraient pas.

La différence est très grande. Dans le projet de la section centrale, chaque conseiller ne peut élu, en donnant après l'élection sa démission (page 1785) comme conseiller. Dans le système contraire, il suffit que deux membres d'une cour fassent partie des chambres pour qu'aucun autre ne puisse même se mettre sur les rangs. Dans le premier cas il y a une règle générale fondée sur les devoirs administratifs de tous, tandis que dans le second il y a exception-, il y a privilège. Ce privilège n'est pas conforme à l'esprit de la Constitution.

Je crois (et je ne fais qu'indiquer les idées principales), je crois que nous devons nous attacher spécialement à ne pas introduire dans nos institutions judiciaires les idées et les discussions des partis politiques. Plus le pouvoir judiciaire est indépendant, plus ses droits constitutionnels sont étendus, plus nous devons éviter qu'il intervienne dans la politique. Je conçois qu'on connaisse les opinions de chaque membre de l'ordre judiciaire. La liberté des opinions existe pour eux comme pour tous les autres citoyens. Mais il ne suffit pas que ses opinions soient connues pour qu'il doive intervenir dans les luttes de la politique. La dignité de la magistrature pourrait y perdre. Les justiciables ne pourraient-ils quelquefois penser, à tort sans doute, que l'homme politique siège sous la robe du magistrat ?

Plusieurs membres. La clôture !

M. Osy. - Je désire avoir un renseignement.

Je lis dans le rapport de, la section centrale :

« La sixième section estime que le paragraphe premier de l'article premier est applicable aux ministres des .cultes, qui reçoivent un traitement de l'Etat. La section centrale a été partagée d'opinion sur ce point. Six membres étaient présents ; trois ont voté dans le sens de l'incompatibilité, trois en sens contraire. »

Je sais que, quand il y a partage de voix, la proposition est rejetée. La section centrale ne fait donc pas de proposition. Mais- la sixième section ayant exprimé l'opinion que les ministres des cultes qui reçoivent un traitement de l'Etat sont compris dans le paragraphe premier de l'article premier, nous devons avoir une explication pour savoir à quoi nous en tenir,

M. Tielemans. - Je demanderai également un mot d’explication à M. le ministre de l'intérieur.

J'aurais le droit de répondre à l'honorable rapporteur, qui a cité des faits sur lesquels je pourrais éclairer la chambre. Mais la question que j'adresse à M. le ministre de l'intérieur.....

M. le président. - Je suis obligé d'interrompre l'honorable membre. Il y a une demande de clôture sur laquelle je dois consulter la chambre.

M. de Mérode. - Dans un débit aussi important que celui-ci, il est impossible qu'on laisse étrangler la discussion. Malheureusement, il y a un départ ce soir, ou demain matin, qui est dans la tête de beaucoup d’honorables membres ; et les affaires publiques doivent souffrir de cette idée. Lorsqu'il s'agit d'une question aussi importante, tout doit être subordonné à la discussion de la loi.

Je demande que l'on entende M. Tielemans, ainsi que ceux qui auraient des observations nouvelles à présenter.

- La clôture est mise aux voix ; l'épreuve est douteuse ; en conséquence la discussion continue.

M. Tielemans. - Je demanderai seulement à M. le ministre de l'intérieur si l'article premier du projet s'applique à la personne dont il question dans l'article 88 de la Constitution. Cet article de la Constitution déclare que l'héritier présomptif de la couronne est sénateur de droit. L'article premier du projet de loi déclare les fonctions militaires incompatibles avec le mandat de sénateur. Quelle sera la portée de cette disposition ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Ma réponse sera extrêmement simple : Evidemment la loi ne s'applique pas à la personne à laquelle l'honorable député de Bruxelles fait allusion, et qui est sénateur de plein droit.

Mais j'irai plus loin : Votre loi, et toutes les lois que vous feriez dans la limite de vos pouvoirs déclareraient que ce personnage n'est pas admissible au sénat, que vos lois seraient vaines, parce qu'elles se briseraient contre l'article de la Constitution.

Ainsi vous pouvez être parfaitement tranquilles sur la portée de votre vote quant à ce point.

Vient une autre question : c'est celle relative aux ministres des cultes qui reçoivent un traitement de l'Etat. On nous demandé s'ils sont compris dans la loi. Le projet de loi ministériel s'applique à tous les fonctionnaires recevant un traitement de l'Etat, sauf ceux qu'excepte l'article premier, c'est-à-dire les chefs des départements ministériels, les lieutenants généraux, les gouverneurs élus dans une autre province que celles qu'ils administrent et les conseillers des cours d'appel. En dehors de ces exceptions, tout ce qui touche un traitement de l'Etat est exclu.

Plusieurs membres. - La clôture !

M. Malou, rapporteur (sur la clôture). - Messieurs, la question soulevée par l'honorable M. Tielemans ne peut, à mon avis, présenter aucun doute.

Quant aux ministres des cultes, si l'on veut qu'en principe la loi, leur soit applicable, lorsqu'ils sont, salariés par le trésor, il faut les mentionner expressément dans le second paragraphe de l'article premier.

Il s'agit d'une question très grave. Ne déclarons pas incidemment que les ministres des cultes sont compris sous les expressions de fonctionnaires ou employés salariés par l'Etat. Je ne veux pas soulever de discussion à cet égard ; mais si l'on veut appliquer le principe, je demande qu'on ajoute quelques mots au paragraphe du projet de la section centrale, ou qu'on ajoute un paragraphe spécial à l'article du gouvernement pour comprendre dans l'incompatibilité les ministres des cultes, lorsqu'ils reçoivent un traitement de l'Etat.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ne vois pas la nécessité de rien changer à la disposition ministérielle. Les ministres des cultes exercent-ils, oui ou non, des fonctions ? Ces fonctions sont-elles, oui ou non, salariées par l’Etat ? Je ne pense pas qu'il y ait le moindre doute à cet égard ; il n'est donc pas nécessaire de faire une mention spéciale des ministres des cultes. Que vous les nommiez fonctionnaires ou employés, ou que vous ne leur donniez pas cette qualification, il est certain qu'ils exercent des fonctions salariées par l'Etat.

M. de Haerne. - Messieurs, la question est extrêmement gravir. Il y au fond de cette question un principe, et un principe très important. Je ne veux pas plus que M. Malou soulever une discussion à cet égard ; mais je déclare que la question mérite toute votre attention. Il est vrai, comme le dit M. le ministre de-l'intérieur, que les services rendue par la plupart des ministres des cultes sont des fonctions rétribuées par l’Etat ; Mais on pourrait comprendre, et il y en a qui comprennent l'article dans un autre sens. On pourrait dire que les fonctions ecclésiastiques sont des fonctions de l'Etat. (Non ! non !) Je suis heureux d'avoir provoqué cette explication ; puisqu'on dit non, je demande quel inconvénient il y aurait à-adopter l'amendement de l'honorable M. Malou qui sauve le principe et évite toute discussion à cet égard.

J'engage M. le ministre à se rallier à cet amendement qui, d’après ce que je viens d'entendre de sa bouche, n'est nullement contraire à ses intentions.

M. le président. - M. Malou propose de rédiger ainsi le second paragraphe de l'article premier du projet de la section centrale : « Il en est de même des ministres des cultes rétribués par l'Etat, des avocats en titre, etc. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je n'ai aucune objection à faire contre l'amendement de l'honorable M. Malou. Il n'entre nullement dans la pensée du gouvernement d'assimiler de tous point les ministres des cultes aux fonctionnaires de l'Etat proprement dits. Ils remplissent des fonctions ; mais ils les remplissent, aux termes de la Constitution, avec toute indépendance. Ils ne tiennent pas leur nomination du gouvernement, ils forment une catégorie de fonctionnaires à part. Mais on ne peut pas nier qu'ils remplissent des fonctions publiques, que ces fonctions publiques sont salariées par l'Etat et que notamment tous les arguments qu'a fait valoir la section centrale pour éliminer les fonctionnaires publics s'appliquent directement aux ministres des cultes.

- La clôture de la discussion est prononcée.


La chambre décide qu'elle accordera la priorité dans le vote au projet de la section centrale.

M. Lebeau. - Je demande que l'on vote par division.

« § 1er. Les fonctionnaires et employés salariés par l'Etat, nommés membres de l'une ou de l'autre chambre, sont tenus, avant de prêter serment, d'opter entre le mandat parlementaire et leurs fonctions ou leurs emplois. »

- Adopté.


« § 2. Il en est de même des avocats en titre des administrations publiques, des agents du caissier général et des commissaires du gouvernement auprès des sociétés anonymes. »

M. le président. - M. Malou a proposé de dire : « Il en est de même des ministres des cultes rétribués par l'Etal, des avocats en titre, etc. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je considère que la discussion n'est pas épuisée sur les divers paragraphes ; car il y a des propositions de la section centrale qui n'ont pas été touchées dans la discussion. Ainsi il n'a nullement été question de l'exclusion des avocats en titre des administrations publiques.

M. le président. - La discussion a été close sur l'article premier et sur tous les amendements qui s'y rapportent.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - La chambre ne peut vouloir adopter des propositions qui n'ont pas été discutées. On va jusqu'à exclure de la chambre les avocats qui ont la connaissance des affaires administratives.

M. Malou. - Il y aura un second vote.

- La première partie du paragraphe amendée par M. Malou, et ainsi conçue : « Il en est de même des ministres des cultes rétribués par l’Etat ; » est mise aux-voix et adoptée.


« Des avocats en titre des administrations publiques. »

- Adopté.


« Des agents du caissier général. »

- Adopté.


« Des commissaires du gouvernement auprès des sociétés anonymes. »

- Adopté.


- La chambre décide qu'elle votera aussi par division sur les différentes exceptions qui sont proposées.

L'exception relative aux chefs de départements ministériels est mise aux voix et adoptée.


- Il est procédé au vote par appel nominal, sur l'exception relative aux lieutenants-généraux :

88 membres sont présents.

25 adoptent.

(page 1786) 60 adoptent.

3 s'abstiennent.

En conséquence, l'exception n'est pas adoptée.

Ont voté l'adoption : MM. de Haerne, Desaive, de Sécus, de Terbecq, d'Hoffschmidt, Dumont, Duroy de Blicquy, Faignart, Frère-Orban, Gilson, Huveners, Jonet, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Mast de Vries, Rogier, Tielemans, Veydt, Wallaert, Anspach, Biebuyck, Bruneau, Clep, Cogels et de Bonne.

Ont voté le rejet : MM. Dechamps, de Chimay, de Clippele, de Corswarem, Dedecker, de Denterghem, de La Coste, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Meester, Destriveaux, de Theux, de Tornaco, de T'Serclaes, de Villegas, d'Hane, d'Huart, Dubus (Albéric), Eloy de Burdinne, Herry-Vispoel, Lange, Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Malou, Manilius, Mercier, Moreau, Orban, Orts, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rousselle, Sigart, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleemputte, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Van Huffel, Van Renynghe, Verhaegen, Vilain XIIII, Zoude, Brabant, Bricourt, Cans, d'Anethan, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Breyne et de Brouckere.

MM.de Mérode, Fallon et Liedts se sont abstenus.

M. de Mérode. - Messieurs, je suis ennemi de la Saint-Barthélemy de fonctionnaires qui s'exécute aujourd'hui ; mais d'un autre côté, je ne puis pas établir des exceptions aussi spéciales que celles que l'on nous propose. C'est pourquoi, ne pouvant exercer l'impartialité comme je le désirais, j'ai préféré m'abstenir.

M. Fallon. - Je ne me suis point abstenu par des scrupules constitutionnels, j'ai la conviction que ni le projet du gouvernement, ni celui de la section centrale ne portent aucune atteinte à la Constitution ; mais je me suis abstenu parce que, dans ma position, il me répugnait de participer aux votes sur des projets de loi qui me plaçaient personnellement en cause.

M. le président. (M. Liedts.) - Si la chambre veut bien me le permettre, je motiverai mon abstention de ma place. (Oui, oui.)

Parmi les exceptions proposées, il en est une qui me concerne et pour ne pas laisser préjuger mon opinion sur cette question qui m'est personnelle, je n'ai pas voulu émettre un vote.


M. le président. - Je vais maintenant mettre aux voix l'exception relative aux gouverneurs.

Plusieurs membres. - L'appel nominal.

Des membres. - L'appel nominal.

- Il est procédé à l'appel nominal.

88 membres répondent à l'appel.

65 membres répondent non.

20 membres répondent oui.

3 membres (MM. de Mérode, Fallon et Liedts) s'abstiennent.

- En conséquence, l'exception n'est pas admise pour les gouverneurs.

M. de Mérode, M. Fallon et M. Liedts déclarent s'être abstenus pour les motifs qu'ils ont énoncés dans le vote précédent.

Ont répondu non : MM. Dechamps, de Chimay, de Clippele, de Corswarem, Dedecker, de Denterghem, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Meester, de Muelenaere, Desaive, Destriveaux, de Theux, de Tornaco, de T'Serclaes, de Villegas, d'Hane, d'Huart, A. Dubus, Eloy de Burdinne, Faignart, Herry-Vispoel, Lange, Le Hon, Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Moreau, Orban, Orts, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rousselle, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleemputte, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Van Huffel, Van Renynghe, Verhaegen, Vilain XIIII, Zoude, Anspach, Brabant, Cans, Cogels, d'Anethan, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Breyne et de Brouckere.

Ont répondu oui : MM. de Sécus, de Terbecq, d'Hoffschmidt, Dumont, Duroy de Blicquy, Frère-Orban, Gilson, Huveners, Jonet, Lebeau, Lejeune, Rogier, Tielemans, Veydt, Wallaert, Biebuyck, Bricourt, Bruneau, Clep, et de Bonne.


M. le président. - Nous passons à l'exception concernant les membres de la cour d'appel.

M. Lebeau. - Mon amendement absorbe celui du gouvernement ; je demande qu'on le mette aux voix par division. (Adhésion.)

M. le président. - En ce cas, je mets d'abord aux voix la partie de l'amendement qui concerne les membres de la cour de cassation.

- Cette exception n'est pas admise.

La chambre rejette ensuite successivement l'exception proposée 1° en faveur des membres de la cour d'appel ; 2° en faveur des membres des tribunaux de première instance.

L'article premier dans son ensemble est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2. Les membres des chambres ne pourront être nommés à des fonctions salariées par l'Etat, qu'une année au moins après la cessation de leur mandat.

« Sont exceptées les fonctions de ministre, d'agent diplomatique et de gouverneur. »

- Adopté.

Article 3

« Art. 3. Par extension à l'article 40 de la loi provinciale, ne peuvent être membres des conseils provinciaux : les commissaires d'arrondissement, les juges de paix, les membres des tribunaux de première instance, ainsi que les officiers des parquets près des cours et tribunaux.’

Paragraphe additionnel proposé par la section centrale :

« Les conseillers provinciaux ne peuvent, pendant la durée de leur mandat, être présentés comme candidats pour les places de l'ordre judiciaire par le conseil dont ils sont membres. »

M. le président. - M. Delehaye propose d'ajouter dans le premier paragraphe, après les mots « de première instance », ceux-ci : « et des cours d'appel ».

M. Delehaye. - Je ne dirai que peu de mots pour justifier mon amendement.

Messieurs, vous savez que les conseils provinciaux ont quelques attributions communes aux cours d'appel ; telles sont, par exemple, les présentations ; si donc vous admettez les conseillers des cours d'appel au sein des conseils provinciaux, ils exerceront deux fois les mêmes attributions. Ensuite, les conseils provinciaux se réunissent à la fin de l'année judiciaire, c'est alors que les attributions des cours d'appel sont les plus nombreuses, et que les membres des cours doivent être le plus assidus à leur poste. Enfin, arrive le motif d'économie ; il est désirable que tous les conseillers soient constamment à leurs fonctions, afin que le personnel ne doive pas être augmente et afin même qu'on puisse le réduire, le cas échéant.

Voilà les considérations que j'invoque à l'appui de ma proposition ; je ne crois pas devoir en dire davantage.

- Cet amendement est mis aux voix et adopté.

Le paragraphe, ainsi amendé, est également adopté.


« § 2. Les conseillers provinciaux ne peuvent, pendant la durée de leur mandat, être présentés comme candidats pour les places de l'ordre judiciaire par le conseil dont ils sont membres. »

- Adopté.

L'ensemble de l'article est mis aux voix et adopté.

Article 4

« Art. 4 (2 du projet du gouvernement, transitoire). Les incompatibilités établies par la présente loi ne sont pas applicables aux fonctionnaires ni aux officiers de l'armée qui font actuellement partie de l'une ou de l'autre chambre, pour la durée de leur mandat actuel. »

M. Malou, rapporteur. - L'intention de la section centrale n'a pas été d'appliquer l'article 2 aux membres actuels de la chambre. Il y aurait une sorte de rétroactivité dans la loi, si l'on déclarait qu'aucun d'eux, avant une année, ne pourrait accepter de fonctions publiques. L'article 2 du gouvernement, devenu l'article 4, dit que les incompatibilités établies par la présente loi ne sont pas applicables aux fonctionnaires ou officiers de l'armée qui font actuellement partie de l'une ou de l'autre chambre pour la durée de leur mandat actuel. Il résulte de ce texte sainement entendu, qu'aucune des incompatibilités établies par la loi ne saisit les membres actuels des chambres à raison du mandat dont ils sont investis. Il est dès lors inutile, si telle est l'interprétation de l'article 4, d'insérer dans le projet une disposition spéciale.

M. Delfosse. - Je propose de changer la rédaction de la manière suivante :

« Les incompatibilités établies par la présente loi ne sont pas applicables aux membres de l'une ou l'autre chambre, pour la durée de leur mandat actuel. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Il y a une telle agitation qu'il est difficile de suivre l'ordre de la discussion. L'article 2 de la section centrale paraît avoir passé inaperçu. Il est entendu qu'on pourra y revenir au second vote.

- L'article, amendé par M. Delfosse, est mis aux voix et adopté.

La chambre décide ensuite que la séance sera continuée le soir à 8 heures pour le second vote.

- L'assemblée se sépare à 5 heures.


(page 1786) La séance est reprise à 8 heures un quart.

Pièces adressées à la chambre

M. le président. - Avant de passer à l'ordre du jour, je dois donner connaissance à la chambre de deux dépêches : l'une du département de la guerre transmettant des observations sur une pétition concernant des fonctions illégalement remplies dans les hôpitaux militaires ; l'autre de M. le ministre de l'intérieur, donnant des explications sur des pièces adressées à la chambre au sujet des élections de l'arrondissement de Nivelles.

Je propose à la chambre le dépôt au bureau des renseignements.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi sur les incompatibilités parlementaires

Second vote des articles

Article premier

M. le président donne lecture de l'article premier adopté au premier vote.

M. Osy. - Dans le deuxième paragraphe il y a une erreur ; on dit « les agents du caissier général » ; il n'y a pas de caissier général, mais un caissier de l'Etat. Il faut donc dire : « Les agents du caissier de l'Etat ». Il me paraît que nous devrions encore avoir une explication. Le caissier de l'Etat a autant d'agents que nous avons d'arrondissements dans le pays ; je demanderai si le chef et les directeurs sont également exclus de la chambre.

Ces agents, ce sont les agents dans les provinces.

Si le gouvernement et la section centrale entendent que le caissier de l'Etat, qui se compose du gouverneur et des directeurs de la Société Générale, soit exclu des chambres, il faut le dire.

(page 1787) M. Malou, rapporteur. - Il ne peut y avoir de doute sur les expressions de cet article. Je crois qu'il est plus exact de dire le caissier de l'Etat que le caissier général. Mais c'est un être moral. C'est jusqu'à présent la Société Générale pour favoriser l'industrie nationale. On ne peut dire que cette société ne peut être membre de l'une ou de l'autre chambre. Il ne s'agit que des agents de cette société dans les provinces. Donc en disant : « Les agents du caissier de l'Etat, » il ne peut y avoir aucun doute.

J'entends demander pourquoi l'on exclut ces agents de la représentation nationale. Ces personnes ne sont pas à proprement parler des fonctionnaires publics. On peut cependant dire que ce sont des fonctionnaires publics par personne interposée que si la combinaison était autre (et ce serait gratuitement qu'on supposerait qu'elle dût être maintenue) ce seraient des agents de l'Etat.

Il y a une raison de plus : il est désirable que les agents du caissier de l'Etat soient toujours au lieu de leurs fonctions, qu'ils n'en soient pas distraits pour venir siéger à la chambre.

M. Lebeau. - Il importe, quelle que soit la décision qu'il y ait à prendre, que la chambre en connaisse parfaitement la portée.

En d'autres termes, pour celui qui commande à tous les caissiers, à tous les agents, est-ce qu'il y aura incompatibilité ?

M. Malou, rapporteur. - Certainement.

M. Lebeau. - Il faut qu'on s'en explique ouvertement.

Je conçois parfaitement bien que, lors même que le chef, les directeurs d'une société anonyme seraient, en vertu de ses statuts, nommés par le gouvernement, ils ne seraient en aucune façon, pour cela, fonctionnaires, subordonnés du gouvernement. Mais quand le gouvernement a donné à une société anonyme une attribution aussi importante que la gestion de la caisse de l'Etat, et lorsque de ce chef on exclut (ce que dans une autre situation on n'aurait pas le droit de faire) les agents dans la province de cet établissement financier, il y aurait, semble-t-il, anomalie à frapper les subordonnés et à épargner leurs chefs. Je me borne à signaler cette anomalie, qui offrirait une nouvelle application de ce proverbe, que l'on frappe les petits et qu'on épargne les gros.

Je répète que, sans les rapports existant entre cet établissement financier et le gouvernement, la circonstance que le chef de cet établissement serait nommé par le gouvernement ne le rendrait pas passible de cette disposition.

Du reste, je n'ai pas le courage de poursuivre une discussion qui prend un caractère si personnel, ni de m'attaquer à un homme, surtout dans les circonstances actuelles. Je suis d'ailleurs en principe peu favorable aux exclusions. Je tiens seulement à ce que la chambre connaisse bien la portée de son vote.

M. Malou, rapporteur. - Dans la capitale, comme dans les provinces il y a un agent du caissier de l'Etat qui n'est ni le gouverneur, ni l'un des directeurs de la Société Générale. De sorte qu'à Bruxelles, comme ailleurs, l'article recevra son application. Mais on ne peut comprendre dans cet article le directeur et les administrateurs de sociétés anonymes.

- L'amendement de M. Osy consistant à substituer dans le deuxième paragraphe de l'article premier les mots : « des agents du caissier général » aux mots : « des agents du caissier de l'Etat » est mis aux voix et adopté.


M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Comme ce paragraphe a été rédigé par la section centrale, je me permettrai de demander à l'honorable rapporteur une explication. Que doit-on entendre par ces mots : « Les avocats en titre des administrations publiques » ? Sont-ce les avocats qui ont reçu une nomination de l'administration, ou les avocats qui ont l'habitude de plaider pour les intérêts d'une administration ? J'ignore par quelle circonstance on a été amené à rechercher les avocats des administrations publiques. Je pense que ces avocats, qui ont une connaissance spéciale des affaires administratives, auraient un titre de plus que les avocats ordinaires pour faire partie des chambres législatives. Je n'ai pas à rechercher les motifs de cette disposition nouvelle. Je ferai seulement observer que rien ne sera plus facile que d'éluder la disposition : si elle ne s'applique qu'aux avocats qui ont reçu une nomination, ce sera de retirer cette nomination en leur laissant la clientèle.

M. Malou, rapporteur. - Je ne me dissimule pas qu'on pourra éluder la disposition de la loi. Mais voici ce qui existe pour l'administration des contributions, douanes et accises : il y a des avocats, dans la plupart des arrondissements, qui reçoivent un traitement fixe par année, et en outre une nomination du gouvernement. Ce ne sont pas cependant des fonctionnaires. Mais il faut reconnaître que tous les motifs qui existent pour exclure des chambres les fonctionnaires existent également pour ces avocats. Nous avons donc dû les comprendre dans cette disposition.

Pour l'administration de l'enregistrement, les avocats reçoivent une nomination ; ils sont avocats en titre de l'administration de l'enregistrement et des domaines. Mais ils ne reçoivent pas de traitement fixe ; ils reçoivent des honoraires spéciaux, en raison des affaires dont ils sont chargés.

Nous avons pensé que pour les uns comme pour les autres, alors qu'ils ont reçu une nomination du gouvernement, quelque fût le mode de rémunération, que ce fût un traitement fixe ou variable, l'incompatibilité avec le mandat parlementaire devait être prononcée par la loi.

On me demande si les avocats, habituellement chargés des affaires de tel ou tel département seront exclus. Je crois qu'en fait il y aura une distinction à établir. Je crois que lorsqu'il s'agira de départements ministériels ou d'administrations qui n'ont pas une clientèle régulière, qui ne nomment pas un avocat chargé de toutes leurs affaires contentieuses, cette incompatibilité ne doit pas exister.

Ce que nous avons voulu exprimer par les mots : « Les avocats en titre des administrations publiques », c'est que l'incompatibilité doit exister pour les avocats qui ont une nomination et la clientèle permanente d'une administration, quel que soit le mode de rémunération.

M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Messieurs, je n'examine pas s'il ne sera pas extrêmement facile d'éviter la disposition à laquelle on attache de l'importance pour l'exclusion des avocats en titre. Presque l'on concède que du moment où il n'y a pas de nomination, ils ne seront pas frappes par l'incompatibilité, on se dispensera de donner une nomination et on chargera les mêmes avocats de plaider pour l'administration. (Interruption.)

L'honorable M. de Corswarem ne paraît pas croire que ce soit une chose possible, mais c'est ce qu'il verra ultérieurement.

On dit dans l'article que l'incompatibilité s'applique à tous les avocats en titre des administrations publiques. J'ai encore une question à faire à l'honorable rapporteur de la section centrale. On entend ordinairement par administrations publiques les établissements publics, les hospices, les bureaux de bienfaisance, les communes. On sait que les hospices, les bureaux de bienfaisance, les communes ont aussi des avocats. Je demande si ces avocats sont également exclus ; s'ils se trouvent frappés de l'incompatibilité.

Le doute est permis.

M. Malou, rapporteur. - J'ai reconnu tout à l'heure qu'on pouvait en certains cas éluder la disposition. La responsabilité sera à celui qui l'éludera. Mais le principe en lui-même, parce qu'il y a possibilité de l'éluder, ne me paraît pas énervé.

On demande si les avocats des hospices, des bureaux de bienfaisance, et autres administrations secondaires sont compris dans la mesure. Evidemment ils ne peuvent l'être, pas plus que les membres de ces administrations. On entend ici par administrations publiques, les administrations publiques de l'Etat : le sens de la disposition n'est pas douteux.

- L'article premier est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2. Les membres des chambres ne pourront être nommés à des fonctions salariées par l'Etat, qu'une année au moins après la cessation de leur mandat.

« Sont exceptées : les fonctions de ministre, d'agent diplomatique et de gouverneur. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, mon intention n'est pas de combattre cet article. Après le résultat que nous avons obtenu dans la première séance de ce jour, il serait inutile de faire perdre du temps à la chambre en cherchant à modifier la loi par des raisons même que je croirais bonnes.

Je considère cet article comme pouvant produire de fâcheux résultats au point de vue politique et au point de vue administratif. L'avenir en décidera. Il demeure seulement bien entendu qu'un ministère, quel qu'il soit, se verra privé, sauf pour les fonctions d'agents diplomatiques et des gouverneurs, de s'entourer d'hommes de sa confiance, d'hommes éminents, d'hommes capables par cela seul qu'il les choisirait dans le sein de l'une ou de l'autre chambre.

L'honorable rapporteur de la section centrale nous a dit à la fin de la discussion que l'on voulait bien accorder au moins cette faveur de ne pas rendre l'article 2 applicable aux membres de la chambre actuelle. Je ne pense pas que d'ici à une heure, il y ait grande chance pour le ministère de corrompre qui que ce soit dans cette enceinte au moyen d'un emploi public. Il est donc bien entendu que cette disposition ne peut pas s'appliquer aux membres encore en fonctions dans cette enceinte.

M. Malou, rapporteur. - M. le ministre de l'intérieur n'a pas bien compris la portée de l'observation que j'ai faite dans la première partie de la séance. Il résulterait de l'article 2 qu'un membre de cette chambre, non pas dans l'heure qui va s'écouler, mais dans l'année qui va s'écouler, ne pourrait être appelé, quelles que fussent les circonstances, à une fonction publique,

Par les explications que j'ai données, j'ai voulu prévenir une erreur d'interprétation des articles 2 et 4. La chambre a paru être unanime, à la fin de la première partie de la séance, pour reconnaître que l'article 3 ne s'applique pas aux membres actuels des chambres, à raison du mandat dont ils sont aujourd'hui revêtus.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - S'agit-il des membres actuels qui seraient réélus ?

Plusieurs membres. - Non ! non !

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Mais permettez ; s'il s'agit des membres actuels qui ne seraient pas réélus, je ferai observer qu'ils n'ont pas besoin de la permission de la chambre pour accepter une fonction publique, alors qu'ils ne seraient plus membres du parlement. Je demande donc, et sous ce rapport je n'avais pas compris pour de bonnes raisons l'observation de l'honorable M. Malou, c'est qu'il ne s'était pas complètement expliqué, je demande s'il entend que cet article soit applicable à des membres de la chambre, alors qu'ils seraient réélus et qu'ils feraient partie de la prochaine législature ?

Plusieurs membres. - Sans doute !

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Si c'est ainsi qu'on l'entend, je n'ai rien à dire.

M. Malou, rapporteur. - Il y a dans le projet de loi deux ordres de (page 1788) dispositions : L'une est une réserve pour la durée du mandat actuel des membres de la chambre, et je conviens, d'après les faits qui sont connus de chacun de nous, que ce mandat ne doit plus être de longue durée. A l'égard de ce mandat, les incompatibilités établies par l'article premier ne sont pas applicables aux membres actuels des chambres. Nous pourrons donc tous voter encore les lois dont nous sommes saisis ou dont nous pourrions être saisis.

Mais l'article 2 est une disposition qui saisit en quelque sorte tous les membres des chambres et qui s'étend au-delà de leur mandat. On m'a demandé si dès lors les membres de la chambre actuelle se croient inhabiles à être nommés à des fonctions publiques après la cessation de leur mandat. Or, il est, évident que cette incompatibilité ne peut leur être applicable. C'est dans ce sens qu'ont été données mes explications et que je crois utile de les reproduire.

- L'article est mis aux voix et définitivement adopté.

Articles 3 et 4

L'article 3 est définitivement adopté sans discussion.

L’article 4 est définitivement adopté sans discussion.

Motion d'ordre

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, j'ai défendu, comme je devais le faire, en acquit de mes fonctions, le projet de loi présenté par le gouvernement ; je considère ce projet comme préférable à celui qui a prévalu, à celui de la section centrale ; c'est une épreuve à laquelle la chambre veut livrer le pays ; je n'en attends pas les bons résultats que beaucoup de membres semblent s'en promettre ; mais, en bon citoyen, je ne demanderai pas mieux que de voir mes prévisions trompées à cet égard.

Mes collègues et moi, nous devons à la loyauté de déclarer a la chambre que nous porterons devant le sénat le projet de loi qui va probablement être voté à une grande majorité ; mais je dois aussi déclarer avec la même loyauté, que notre intention ne peut être de défendre devant le sénat un projet de loi que nous avons combattu dans cette enceinte. Le sénat, messieurs, sera juge dans cette question ; il a ses intérêts et sa dignité aussi à défendre. Lorsque le sénat se sera prononcé, le ministère aura à aviser.

Dans l'état actuel des choses, messieurs, le ministère ayant combattu le projet de loi, aurait eu deux partis à prendre ; ou retirer le projet ou se retirer lui-même. Si nous nous trouvions dans des circonstances normales, tranquilles ; si nous n'étions, pas à la veille d'élections générales, ce n'est point probablement le parti de retirer le projet de loi qui eût été pris par le gouvernement ; mais au moment où le pays va être consulté et où il va s'exprimer par un plus grand nombre d'organes, nous ne croyons pas, messieurs, qu'il eut été convenable de laisser à d'autres le soin de conduire les affaires du pays. Nous ne le croyons pas et nous ne le faisons pas, parce que nous avons de graves doutes sur la possibilité de constituer en ce moment sur des bases solides une administration nouvelle. Si les éléments de cette administration pouvaient sa rencontrer dans cette enceinte, nous les supplierions de vouloir bien se rapprocher et conduire, à notre place, les affaires du pays que nous avons eu le bonheur, et j'oserais presque dire que nous avons eu l'honneur de diriger jusqu'aujourd'hui.

Nous ne retirons pas, messieurs, le projet de loi parce qu'en cette grave matière, dans l'état actuel de l'opinion, en présence de la grande majorité qui a fait prévaloir un système contraire à celui que nous avons cru devoir défendre, nous pensons que nous manquerions et à l'opinion et à cette chambre en retirant immédiatement ce projet de loi avant d'avoir entendu surtout l'opinion qui doit être exprimée dans une autre enceinte ; Le. projet sera porté au sénat. Il n'y sera point porté, je le répète, à cette condition, que le gouvernement viendrait en prendre la défense, et vous comprenez, en effet, messieurs, que ce rôle ne nous serait point possible. Le sénat délibérera, délibérera librement, dans sa sagesse, dans son indépendance ; s'il donne raison au système qui a prévalu dans cette enceinte, je le répète, le gouvernement avisera. Pour aujourd'hui nous continuons notre rôle et nous voterons contre le projet de loi.

M. Malou, rapporteur. - Messieurs, je n'ai que deux mots à répondre. Dans un pays constitutionnel, tous les pouvoirs exercent librement leur action, la chambre, ainsi que le sénat, ainsi que le gouvernement. Jamais dans cette discussion, nous n'avons ni voulu ni même pu voulu lier la volonté du sénat, ou même la préjuger ; si le sénat croit devoir introduire des amendements dans le projet ou le rejeter, il en est parfaitement libre d'après la Constitution. Je dois seulement faire une réserve sur un autre point. L'honorable ministre de l'intérieur suppose qu'il y aurait eu en présence deux systèmes contraires. La discussion a établi, et me semble, qu'il n'y avait pas entre le système du gouvernement et celui qui a prévalu dans la chambre une opposition radicale, mais qu'il y avait seulement quelques différences de détail, et pour ainsi dire accessoires.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ne puis pas admettre que la différence entre le système de la section centrale et celui du gouvernement résidait seulement dans les détails ; il y avait une différence radicale : le gouvernement réservait plusieurs catégories de fonctionnaires, auxquels il maintenait le droit d'être nommés au parlement ; la section centrale repousse d'une manière absolue et complète tous les fonctionnaires, à la seule exception des chefs de départements ministériels.

M. Le Hon. - Je demande la parole. (Aux voix ! aux voix !)

M. le président. - Je dois faire observer que cette discussion ne peut amener aucun vote. Cependant si M. Le Hon a des explications à donner.....(La clôture ! la clôture !)

Un membre. - La clôture a été prononcée.

M. Delehaye. - Je demande l'exécution du règlement.

M. Le Hon. - Je connais le règlement comme l'honorable membre. La discussion n'a pas été close.

M. Delehaye. - Je prie M. le président de vouloir bien appliquer le règlement.

M. le président. - La discussion n'a pas été close. M. Delehaye aurait dû faire son observation quand M. Malou a pris la parole. Je comprends très bien qu'après la déclaration du gouvernement que lorsque le sénat se sera prononcé, il avisera, l'on demande des explications ou qu’on désire en donner. Du reste, je consulterai la chambre sur le point de savoir si elle entend ouvrir une discussion sur l'incident qui vient de s'élever.

- La chambre décide que la discussion est close.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

Voici le résultat de cette opération :

85 membres ont répondu à l'appel ;

60 ont répondu oui ;

23 ont répondu non ;

2 (MM. Fallon et Bricourt) se sont abstenus.

En conséquence, le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.

M. Fallon. - Je me suis abstenu par les motifs que j'ai énoncés dans la première partie de cette séance.

M. Bricourt. - Je me suis abstenu parce que je suis personnellement intéressé dans la question.

Ont répondu oui : MM. Dechamps, de Chimay, de Clippele, de Corswarem, de Denterghem, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Delfosse, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Meester, Destriveaux, de Theux, de Tornaco, de T'Serclaes, d'Hane, d'Huart, Dubus (Albéric ), Eloy de Burdinne, Faignart, Herry-Vispoel, Lange, Le Hon, Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Moreau, Orban, Orts, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rousselle, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleemputte, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Van Huffel, Van Renynghe, Verhaegen, Vilain XIIII, Anspach, Brabant, Bruneau, Cans, Clep, d'Anethan, Dautrebande, David, de Breyne, de Brouckere et Liedts.

Ont répondu non : MM. de Mérode, Desaive, de Sécus, de Terbecq, d'Hoffschmidt, Dumont, Duroy de Blicquy, Frère-Orban, Gilson, Huveners, Jonet, Lebeau, Lejeune, Pirson, Rogier, Thienpont, Tielemans, Veydt, Wallaert, Zoude, Biebuyck, Cogels et de Bonne.

Ajournement de la session parlementaire

M. le président. - L'ordre du jour étant épuisé, je propose à l'assemblée de s'ajourner indéfiniment..

- Cette proposition est adoptée.

La séance est levée à 9 heures et demie.