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Congrès national de Belgique

Séance du vendredi 17 décembre 1830

 

Sommaire

1) Elaboration du procès-verbal (de Robaulx, Nothomb)

2) Communications des pièces adressées au congrès notamment

a) pétition des habitants du Luxembourg protestant contre les prétentions hollandaises

b) lettre adressée par le prince archevêque de Malines relative à la liberté des cultes, de l’enseignement et au droit d’association

3) Motion d’ordre sur l’ordre des travaux (Van Meenen, de Robaulx)

2) Projet de constitution. Discussions des articles relatifs au sénat.

a) Article 1er. Proposition de faire élire les sénateurs par les conseils provinciaux ou directement par le corps électoral (Blargnies, Jottrand, Van Meenen, Deleeuw, Jottrand, Ch. le Hon, Jottrand, Blargnies, Lebeau, Blargnies)

b1) Article 2. Nombre de sénateurs (Devaux, Blargnies, Van Meenen, d’Arschot, Le Grelle, Jottrand)

c) Article 3. Durée de la nomination des sénateurs et/ ou droit de dissolution par le roi (Deleeuw, Jottrand, Devaux, Le Grelle, de Theux, Jottrand, Nothomb, Forgeur, d’Arschot, Destouvelles, Forgeur, Destouvelles, F. de Mérode, Jottrand, Raikem, Lebeau, F. de Mérode, Raikem, Lebeau, Barthélemy, Rogier, de Robaulx, Van Meenen, Ch. de Brouckere, Lebeau, Van Meenen, Nothomb, de Stassart, Forgeur)

b2) Article 2. Nombre et qualité des sénateurs (Van Meenen, Devaux, Le Grelle, Lebeau)

d) Article 4. Conditions d’éligibilité des sénateurs (notamment condition de cens) (de Foere, Beyts, Ch. de Brouckere, Pirmez, de Foere, Jottrand, Nagelmackers, Jottrand, Nagelmackers)

 

 (E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 1)

(page 524) (Présidence de M. le baron Surlet de Chokier)

La séance est ouverte à onze heures et demie (P. V.)

M. Henri de Brouckere, secrétaire, donne lecture du procès-verbal.

M. de Robaulx se plaint de ce que le procès-verbal ne fait pas mention exacte des divers amendements proposés et discutés dans la séance d’hier ; il cite en particulier un amendement qui avait été présenté par M. de Stassart (U. B., suppl., 19 déc.)

M. Nothomb, secrétaire – Je désire donner à cet égard une explication ; c’est moi qui habituellement rédige les procès-verbaux  ; et j’ai cru devoir suivre la marche adopté en France  ; on ne transcrit que les propositions ou amendements qui ont été adoptés  ; si on transcrivait les autres, le procès-verbal deviendrait d’une longueur démesurée. Il y a des exemples de la présentation sur le même article de quatre-vingt-quatorze amendements et sous-amendements, successivement déposés, retirés, appuyés et rejetés. (C., 19 déc.)

M. de RobaulxSi on ne les copie pas dans le procès-verbal, il faudrait les conserver et les déposer. (U.B., suppl., 19 déc.)

M. le présidentSi on veut que les amendements soient conservés, ce sera facile ; mais alors il ne faudra pas qu’ils soient écrits comme des ordonnances de médecin. (On rit.) (U.B., suppl., 19 déc.)

M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire – Il faudra donc placer au greffe un carton destiné au dépôt des amendements rejetés ? (C. 19 déc.)

M. de RobaulxJ’ai réclamé relativement à l’amendement de M. de Stassart ; le procès-verbal dit qu'il n'a pas été appuyé, et cependant il l'a été. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire – C'est qu'il y a deux amendements de si M. de Stassart, l’un qui n'a pas été appuyé, l'autre qui a été appuyé et rejeté. (U. B., suppl., 19 déc.)

Le procès-verbal est adopté. (P. V.)

 

COMMUNICATION DE PIECES ADRESSEES AU CONGRES

 

M. l’abbé Corten écrit au congrès qu'une indisposition l'empêche de se rendre aux séances. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. le vicomte Charles Vilain XIIII secrétaire, présente l'analyse des pièces suivantes, qui sont renvoyées à la commission des pétitions :

M. Diepenbeek demande que le congrès réclame tous les Belges envoyés aux colonies hollandaises, en s'appuyant de l'intermédiaire des cinq puissances médiatrices. .

M. Guilmard se plaint de l'interruption des foires, et demande qu'on en rétablisse le cours.

M. Vandenhove se présente comme candidat à la chambre des comptes.

Sept habitants de Binche demandent que la Belgique fasse un traité de commerce avec la France.

M. Marbais du Graty se présente comme candidat à la cour des comptes.

M. Remy, imprimeur, se plaint que toutes les impressions du gouvernement et du congrès soient faites par un seul imprimeur, tandis que dans l'état actuel de l'industrie, plusieurs pourraient en vivre.

MM. de Brabander et de Lescluze se présentent comme candidats à la chambre des comptes. (P. V.)

14,108 habitants du grand-duché de Luxem­bourg déclarent protester ; 1° contre les prétentions que le roi Guillaume pourrait vouloir conserver encore sur leur province ; et 2° contre toute négo­ciation diplomatique, et contre tout acte, quel que soit le pouvoir dont il émanerait, tendant à séparer le grand-duché de la Belgique. (P. V.)

M. le présidentVous voyez que c'est une adhésion des habitants du grand-duché de Luxembourg qui ne veulent pas se séparer de la Belgique. Cette pièce sera déposée au greffe.

M. le présidentJ'ai reçu, en outre, une lettre de M. le prince archevêque de Malines, dont je vais vous donner lecture :

« Malines, le 13 décembre 1830.

« Messieurs,

« Je croirais manquer à un des devoirs les plus essentiels de mon ministère si, au moment où vous allez décréter la constitution qui doit régir notre intéressante patrie, je ne m'adressais à vous, messieurs, pour vous engager à garantir à la religion catholique cette pleine et entière liberté, qui seule peut assurer son repos et sa prospérité.

« Les divers projets de constitution qui ont été publiés jusqu'à ce jour sont loin d'avoir suffisam­ment assuré cette liberté. L'expérience d'un demi-siècle a appris aux Belges qu'il ne suffit point de leur donner en général l'assurance qu'ils pourront exercer librement leur culte ; en effet, cette assu­rance leur était donnée dans l'ancienne constitution brabançonne, elle leur était donnée dans le con­cordat de 1801 , elle l'était encore dans la loi fondamentale publiée en 1815 ; et cependant que d'entraves leur culte n'eut-il pas à subir, que de vexations n'eut-il pas à essuyer sous les différents gouvernements qui se sont succédé pendant cet espace de temps !

« J'ai la ferme confiance que le congrès, composé des mandataires d'une nation éminemment religieuse, après avoir donné à différentes reprises des preuves non équivoques de son respect pour la religion, saura empêcher à jamais le retour de ces maux, qui doivent d'ailleurs être écartés avec d'autant plus de soin, qu'ils ne manquent jamais d'amener des crises dans l'État.

« Les catholiques forment la presque totalité de la nation que vous êtes appelés, messieurs, à re­présenter et à rendre heureuse ; ils se sont constamment distingués par un dévouement sincère au bonheur de leur patrie, et c'est à ce double titre que je réclame en leur faveur la protection et la bienveillance de votre assemblée. En vous exposant leurs besoins et leurs droits, je n'entends demander pour eux aucun privilège ; une parfaite liberté avec toutes ses conséquences, tel est l'uni­que objet de leurs vœux, tel est l'avantage qu'ils veulent partager avec tous leurs concitoyens.

« Bien que, par ses deux arrêtés du 16 octobre  dernier, le gouvernement provisoire ait affranchi (page 526) le culte catholique de toutes les entraves mises à son exercice et lui ait accordé cette liberté dans toute son étendue, il est cependant indispensable de la consacrer de nouveau dans la constitution, afin d'en assurer aux catholiques la paisible et perpétuelle jouissance.

« Les stipulations qui devraient y être consi­gnées à cet effet me paraissent pouvoir se réduire aux suivantes.

« D'abord il est nécessaire d'y établir que l'exer­cice public du culte catholique ne pourra jamais être empêché ni restreint. Faute de cette stipula­tion on ferma, sous le gouvernement précédent, des églises et des chapelles, où l'exercice public du culte était nécessaire, et où certes il n'entraî­nait ni inconvénient ni danger pour la tranquil­lité publique. Si, à l'occasion ou au moyen du culte, des abus se commettent, les tribunaux doivent en poursuivre les auteurs ; mais il serait injuste d'interdire le culte même, puisque la peine rejaillirait toujours sur des innocents et bien sou­vent n'atteindrait pas les coupables.

« Mais la condition essentielle et vitale, sans laquelle la liberté du culte catholique ne serait qu'illusoire, c'est qu'il soit parfaitement libre et indépendant dans son régime, et particulièrement (page 527) dans la nomination et l'installation de ses minis­tres, ainsi que dans la correspondance avec le Saint-Siège. Rien n'est plus juste ; car il est absurde de dire qu'une société quelconque est libre, si elle ne peut se régir à son gré, ni choisir et établir librement ceux qui doivent la diriger ; et quel plus dur esclavage peut-on imposer à un culte que de le contraindre à n'avoir pour chefs que des per­sonnes agréables à ceux qui peuvent même être ses plus cruels ennemis ? C'est évidemment fournir à ceux-ci un moyen sûr de l'affaiblir et de le dé­truire, en écartant les capacités, ou en privant les fidèles de pasteurs pendant un long espace de temps, comme l'expérience ne l'a que trop prouvé. C'est sans doute pour ces motifs que le gouverne­ment provisoire a si sagement aboli, par l'art. 4 de son arrêté du 16 octobre dernier, toute institution, toute magistrature créée par le pouvoir pour soumettre les associations religieuses et les cultes à l'action ou à l'influence de l'autorité. J'ose espérer que le congrès consacrera ce principe dans l'acte constitutionnel en établissant que toute intervention de l'autorité dans les affaires des cul­tes est interdite, qu'ils peuvent établir leurs mi­nistres et se régir avec une entière indépendance,

« La religion a une connexion si intime et si nécessaire avec l'enseignement, qu'elle ne saurait être libre si l'enseignement ne l'est aussi. Le con­grès consacrera donc, je n'en doute pas, la liberté pleine et entière de l'enseignement ; il écartera à cet effet toute mesure préventive et il confiera aux tribunaux le soin de poursuivre les délits des in­stituteurs ; mais j'ose le prier de stipuler spéciale­ment que les établissements consacrés à l'instruc­tion et à l'éducation des jeunes gens destinés au service des autels, seront placés exclusivement sous la direction et la surveillance des supérieurs ecclésiastiques. Cette disposition pourra d'abord paraître inutile, parce qu'elle n'est qu'une consé­quence immédiate et nécessaire de la liberté du culte ; mais les catholiques ont été si injustement entravés, si cruellement vexés à ce sujet sous les gouvernements précédents, qu'ils ne sauraient se l'assurer contre le retour de ces oppressions, si cette stipulation ne se trouve dans le nouveau pacte, et ils croient pouvoir l'espérer avec d'au­tant plus de fondement, que pour faire droit à nos justes réclamations, le gouvernement précédent avait consacré une semblable disposition par son arrêté du 2 octobre 1829 et par l'art. 12 de celui du 27 mai dernier.

« Les obstacles que les gouvernements précé­dents ont mis au droit qu'ont les hommes de s'associer pour opérer le bien, et qui pesaient particulièrement sur les associations religieuses et de bienfaisance des catholiques, font généralement désirer à ceux-ci que la liberté de s'associer, déjà rétablie par le gouvernement provisoire, soit con­firmée dans la constitution, et qu'il soit assuré aux associations des facilités pour acquérir ce qui est nécessaire à leur existence.

« Enfin les traitements ecclésiastiques sont un dernier objet que je prends la confiance de recom­mander à la sollicitude du congrès.

« L'État ne s'est approprié les biens du clergé qu'à charge de pourvoir convenablement aux frais du culte et à l'entretien de ses ministres ; l'art. 1er de la loi française du 2 novembre 1789 l'atteste. Le Saint-Siège de son côté n'en a ratifié l'aliéna­tion pour le bien de la paix, que sous la stipulation expresse que le gouvernement se chargeait d'accorder un traitement convenable aux minis­tres du culte, comme les art. 13 et 14 du concor­dat de 1801, ainsi que les bulles y relatives en font foi. En assurant donc les traitements ecclé­siastiques et les autres avantages dont l'Église a joui sous le gouvernement précédent, le congrès fera un acte de justice et raffermira la paix publi­que. Afin de prévenir d'injustes préférences et d'empêcher surtout que du chef de ces traitements aucun agent du pouvoir exécutif ne puisse gêner le libre exercice du culte, en exerçant une in­fluence illégale sur les opinions et la conduite des ecclésiastiques, ce dont il existe des exemples très récents, il faudrait que la répartition de ces secours fût fixée par la loi.

« Telles sont, messieurs, les dispositions qu'il est nécessaire de consigner dans la constitution belgique pour assurer aux catholiques le libre exercice de leur culte et les mettre à l'abri des vexations qu'une longue et triste expérience leur fait craindre. La confiance que j'ai dans vos lu­mières et dans la pureté de vos intentions me fait espérer fermement que vous les adopterez d'un commun accord. Vous me procurerez ainsi une consolation dont j'ai été privé depuis longtemps, vous remplirez tous les cœurs de joie, vous ac­querrez des titres incontestables à l'éternelle re­connaissance de vos concitoyens, et vous aurez la satisfaction d'avoir rempli le principal mandat qu'ils vous ont confié, parce que vous aurez con­solidé la liberté à laquelle ils attachent le plus de prix, celle de pouvoir pratiquer librement la re­ligion de leurs ancêtres.

« Je vous prie, messieurs, d'agréer l'assurance de ma plus haute considération.

« FRANÇOIS-ANTOINE,

« Prince de Méan, archevêque de Malines. »

(page 528) Deux cents exemplaires de cette pièce étaient joints à la lettre, ils ont été distribués ; il n'y a rien à ordonner. (C., 18 déc., et U. B., suppl., 19 déc.)

L'ordre du jour est la suite de la discussion sur le sénat. (P. V.)

 

MOTION D'ORDRE SUR L’ORDRE DES TRAVAUX

 

M. Van Meenen fait une motion d'ordre pour éviter le retour des discussions fâcheuses qui ont eu lieu dans la séance d'hier au soir. Il l'at­tribue à la multiplicité des amendements présen­tés et à ceux surtout qui étaient improvisés de toutes parts au moment des votes. Pour éviter le retour d'une marche aussi irrégulière, l'honorable orateur propose de décider en principe que celui qui voudra que le congrès délibère sur un amendement, sera tenu de le déposer sur le bureau avant la clôture de la discussion sur l'article amendé, et que le bureau refusera ceux qui lui seraient présentés postérieurement à la clôture. (U. B.,suppl., 19 déc.)

M. le présidentJe ne trouve à cela qu'un inconvénient, c'est que si vous laissez le refus d'un amendement à la discrétion du bureau, celui qui voudra que son amendement soit admis, élè­vera une discussion à cet égard, et que le bureau ne peut pas se permettre de discussion. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. Van MeenenMais au moins l'assemblée saura qu'après la clôture aucun amendement ne sera admis. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. de RobaulxJe demande le rappel au règlement. On m'a souvent rappelé au règlement, il faut que j'y rappelle les autres à mon tour. Notre règlement dit « que lorsqu'un membre vou­dra faire une proposition, il la déposera sur le bureau. Lecture en sera faite, et si elle est ap­puyée, l'auteur sera admis à la développer. » Au lieu de suivre cette marche, M. Van Meenen commence par entrer dans de longs développe­ments, et finit par faire une proposition sans sa­voir si elle sera appuyée. Je demande le rappel au règlement. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. Van MeenenM. de Robaulx confond... (Des voix s'élèvent de tous côtés, criant : Assez ! assez ! L'ordre du jour ! l'ordre du jour !) M. Van Meenen essaye en vain de se faire entendre. (U. B., suppl.,19 déc.)

- On passe à la discussion qui est à l'ordre du jour. (C., 19 déc.)

 

PROJET DE CONSTITUTION. ARTICLES RELATIFS AU SENAT

 

Discussion des articles

 

Article 1er du projet de la section centrale (article 53 de la constitution de 1831)

M. le présidentMessieurs,  hier vous avez rejeté l'art. 1er, amendé par M. Lebeau. Il s'est introduit un nouveau système, c'est celui de M. Blargnies. Voulez-vous commencer par son amendement ? (Oui ! oui !) (U. B., suppl., 19 déc.)

- On donne lecture de cet amendement ; il est ainsi conçu :

« Les membres de la chambre haute sont élus par les conseils provinciaux à raison de la population de chaque province.» (U. B., suppl., 19 déc., et A.)

M. le présidentM. Jottrand a proposé un amendement à la proposition de M. Blargnies. Cette proposition ainsi amendée est rédigée en ces termes :

« Les membres de la chambre haute sont élus à raison de la population de chaque province par les collèges électoraux qui élisent l'autre chambre. » (U. B., suppl., 19 déc., et A.)

M. BlargniesC'est un autre système, ce n'est pas un amendement. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. Devaux – Je demande la priorité pour l'amendement de M. Jottrand. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. Van MeenenJe fais observer que la proposition de M. Jottrand est un véritable amen­dement : en effet le système de M. Blargnies con­siste à confier l'élection du sénat aux états provin­ciaux ; celui de M. Jottrand, aux électeurs de la chambre basse : c'est toujours d'élire le sénat qu'il s'agit ; la différence ne consiste donc que dans le choix de ceux qui feront l'élection. Ainsi, si le système de M. Blargnies est une proposition, celui de M. Jottrand est un amendement ; si au contraire M. Blargnies n'a présenté qu'un amendement, la proposition de M. Jottrand est un sous-amende­ment. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. Deleeuw – Je crois qu'il y avait autant de différence entre le projet de la section centrale et le système de M. Blargnies, qu'il y en a entre ce système et l'amendement de M. Jottrand. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. JottrandIl y avait sur le sénat deux systèmes bien distincts, celui qui appelait le roi à prendre part à la nomination du sénat, et celui d'élection par la nation. Tout ce qui était relatif au premier, a été rejeté hier ; nous en sommes aujourd'hui à discuter sur le second. Comme moi, M. Blargnies veut que les sénateurs soient le pro­duit de l'élection ; évidemment mon système ren­tre dans le sien, et ma proposition amende la sienne. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. Le HonJe ne puis qu'approuver le soin scrupuleux de M. le président de consulter la chambre toutes les fois qu'il s'élève quelques diffi­cultés. Mais nous entrons dans un système de dis­cussion tout à fait extraordinaire en marchant ainsi. (page 529) Il s'agit de propositions qui n'ont été qua­lifiées, ni de propositions ni d'amendements. Là­-dessus les avis se partagent, chacun donne le sien et rien n'avance. Il me semble que M. le prési­dent pourrait nous proposer un ordre quelconque, et nous le suivrions. Remarquez qu'il n'y a pas aujourd'hui les mêmes raisons qu'hier pour dis­cuter sur la priorité ; s'il fallait se prononcer à cet égard, je ne sais en vérité pourquoi je l'accor­derais ou refuserais à un système plutôt qu'à l'au­tre. Je voudrais donc que M. le président nous indiquât un ordre quelconque ; c'est du reste la marche parlementaire que j'ai vue indiquée dans tous les ouvrages écrits sur cette matière : il faut que le bureau aide à faire disparaître cette multi­plicité d'avis, qui entravent la discussion et qui la rendent interminable. (U. B.. suppl., 19 déc.)

M. le présidentCette incertitude pro­vient, selon moi, de ce que nous sommes neufs dans la partie : pour moi, j'avouerai mon insuffi­sance, et je n'oserais prendre sur moi de pronon­cer doctoralement sur les difficultés qui se présen­tent. Mais si l'on veut s'en rapporter à mes faibles lumières et à mon impartialité, je ferai de mon mieux. (Oui ! oui ! marques nombreuses d'assenti­ment.) On va de nouveau vous donner lecture de l'amendement de M. Blargnies ; il sera admis ensuite à en présenter les développements. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, donne lecture de cet amendement :

« Les membres de la chambre haute sont élus par les conseils provinciaux à raison de la population de chaque province. » (U. B., suppl., 19 déc., et A.)

M. Blargnies développe son amendement.  (U. B., suppl., 19 déc.)

M. le président veut mettre cet amendement aux voix. - On réclame. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. Van SnickM. Blargnies a développé sa proposition, mais on ne lui a pas répondu. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. Lebeau réclame contre l'avis du bureau, et demande la priorité en faveur de la proposition de M. Jottrand. (C., 19 déc.)

- Cette proposition obtient la priorité. (P. V.)

M. le présidentM. Jottrand a la parole pour développer son amendement. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. JottrandLe système d'élection que je propose pour le sénat, je l'avais déjà proposé et développé dans notre discussion en comité général. Alors déjà j'avais l'opinion que les deux chambres dont nous composerons le pouvoir législatif en tiers avec le chef héréditaire de l'État, devaient être deux chambres électives. En demandant pour l'éligibilité des membres du sénat des conditions d'âge et de cens différentes des conditions requises pour pouvoir faire partie de l'autre chambre, je crois devoir repousser toute distinction dans le mode électoral.

Deux corps électoraux différents l'un de l'autre auraient, comme ou l'a déjà dit, l'inconvénient très grave de rendre la division possible et même inévitable au milieu même du pouvoir dont la principale, pour ne pas dire l'unique mission, est de rétablir l'harmonie dans la machine de l'État, quand cette harmonie a été troublée. Lorsque les deux chambres ne s'entendront plus, renvoyer pour vider le conflit devant deux corps électoraux, qui peuvent aussi ne pas s'entendre, c'est s'expo­ser à entrer dans un cercle vicieux.

Voilà pour l'inconvénient de l'existence simul­tanée de deux systèmes électoraux considérés d'une manière absolue.

Voyons maintenant les inconvénients particu­liers de l'élection attribuée aux conseils provin­ciaux, comme le voudrait M. Blargnies pour la formation du sénat.

. Nos conseils provinciaux seront des corps spécialement chargés d'intérêts administratifs. Ces intérêts, quand ils s'étendent sur une échelle un peu large, ne peuvent guère être bien traités que par des hommes qui ont fait une étude spéciale de l'administration, et qui se sont préparés de lon­gue main à en suivre la carrière. Ces intérêts doi­vent, autant que possible, être confiés à des corps dont le personnel ne soit pas sujet à varier sou­vent. Il est essentiel de remarquer aussi que, pour obtenir la meilleure administration possible des intérêts provinciaux, on doit pouvoir ouvrir sans inconvénient l'entrée des conseils de province aux citoyens qui, abstraction faite de leurs opinions politiques, suivent la carrière que l'on est convenu d'appeler administrative, et par conséquent ont leurs relations les plus fréquentes parmi les agents du pouvoir exécutif.

La qualité d'honnête homme et d'homme éclairé en ce qui regarde la science de l'administration, voilà, ce me semble, ce qu'il faut permettre aux électeurs pour les conseils provinciaux de re­chercher principalement dans leurs candidats.

Or, messieurs, vous fermerez la plupart du temps les conseils provinciaux aux citoyens dont je viens de dérouler les titres spéciaux à y être admis, si vous exigez qu'outre les qualités du bon administrateur, ils y apportent encore toutes les garanties nécessaires dans l'homme politique que (page 530) vous voudrez charger de l'importante élection des membres du sénat.

La nation, toujours attentive à leurs principales attributions, qui seront alors bien évidemment l'élection des sénateurs, choisira toujours pour membres de ces conseils les hommes les plus in­dépendants par leur caractère, leur position, leur opulence. Nous aurons encore alors pour adminis­trer les provinces une majorité de patriciens res­pectables sans doute, mais d'autant moins fami­liarisés avec l'administration, qu'ils seront d'une position plus élevée dans la société, d'une posi­tion qui les aura moins portés à rechercher, dans leur jeunesse ou leur âge mûr, les connaissances spéciales qui forment l'administrateur de second ordre. En résumé, vous sacrifierez l'intérêt domes­tique des provinces à leur intérêt politique , dans l'institution même créée pour pourvoir exclusive­ment au premier de ces intérêts.

L'élection directe des sénateurs par les mêmes électeurs qui choisissent les membres de l'autre chambre, fait disparaître ces inconvénients. (C., 19 déc.)

M. BlargniesL'honorable M. Jottrand a laissé de côté la question principale de ma propo­sition. En effet, messieurs, nous voulons un pou­voir neutre qui puisse prévenir les dangers qui pourraient résulter de la prépondérance du chef de l'État ou de la chambre élective ; il est donc néces­saire que ce pouvoir n'émane ni des mêmes élé­ments que la chambre élective, ni du chef de l'État.

Vous voulez autant que possible, messieurs, que la chambre des communes représente le mouve­ment, et le sénat la fixité ; vous voulez que le sénat serve de contre-poids à la chambre élective, et comment cela serait-il possible, s'ils étaient formés des mêmes éléments ? Dans ce cas, au lieu de se pondérer, ils s'appuieraient l'un sur l'autre et se prêteraient une force nouvelle.

M. Jottrand craint un conflit entre les corps électoraux ; mais cette idée a pour base la possibi­lité de dissolution du sénat, ce qui, dans mon opinion est inadmissible, car si le chef de l'État avait pouvoir de dissoudre les deux chambres, le peuple resterait à sa discrétion. L'honorable mem­bre a reproduit un argument auquel on a répondu d'une manière victorieuse : il est impossible, a dit M. Jottrand, d'être à la fois bon administrateur et bon électeur ; on choisira toujours des hommes politiques, et non des hommes propres aux fonc­tions de membres des états provinciaux. Mais, messieurs, chaque fois qu'il y aura élection populaire, on choisira des hommes politiques, et s'il n’en devait pas être ainsi, si l'on devait nommer seulement des spécialités, il vaudrait mieux con­fier  le choix au ministre de l'intérieur ou aux gou­verneurs de provinces, beaucoup plus à même de juger que les électeurs.            .

Il faut que le corps neutre ne sorte ni du pou­voir exécutif, ni du pouvoir populaire ; et, dans le rouage de notre constitution future, je n'ai vu que les conseils provinciaux auxquels il fut possible de confier cette nomination. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. LebeauMessieurs, vous avez décidé hier que la nomination du sénat n'appartiendrait pas au chef de l'État ; tout en respectant la décision de la majorité, je crois que cette décision est une grave erreur, et mon vœu le plus ardent est de me tromper dans mes prévisions. Maintenant que nous avons échoué dans la nécessité du projet que nous croyons le plus utile à notre pays, pour remplir consciencieusement notre devoir, nous devons chercher à le remplacer par celui qui nous paraît garantir le mieux les libertés du pays et les préro­gatives du chef de l'État. Il me semble que l'amen­dement de M. Jottrand est celui qui remplit le mieux ces conditions. On vous a dit que, pour créer un pouvoir neutre et modérateur, il fallait passer par la filière des états provinciaux ; et je dis, moi, que si vous passez par cette filière pour arriver à l'établissement du sénat, bien loin d'ar­river à l'élection d'un pouvoir modérateur, vous arriverez à l'établissement d'un pouvoir rival et peut-être supérieur à la chambre élective.

Comment voulez-vous arriver à l'établissement d'un pouvoir d'une nature différente, vous a-t-on dit, si vous en confiez la formation aux mêmes éléments ? Mais, messieurs, je trouve dans les con­ditions d'éligibilité les modifications demandées ; le cens et l'âge des sénateurs en font un pouvoir d'une nature différente de celui de la chambre élective, et tandis que pour le choix de celui-ci on demande garantie aux électeurs, pour le choix du sénat on demande garantie aux éligibles.

En adoptant la proposition de M. Blargnies, vous établissez un privilège dangereux, une aristocratie de votes flétrie par avance ici et en France. ­

(L'honorable orateur dit que les états provinciaux recruteraient le sénat dans leur sein, ainsi que cela s'est vu dans les états provinciaux de l'ancien régime et dans les conseils de régence ; il ajoute que le droit de dissolution serait illusoire, si on ne peut dissoudre les états provinciaux.) Votre sénat, dit en terminant l'orateur, ressemblerait au conseil des Anciens, qui traînait à la remorque le conseil des Cinq-Cents, qui fit le 18 fructidor, le 18 brumaire, et servit de marchepied au des­potisme de Bonaparte.

(page 531) Quand les corps administratifs s'occupent de politique, la politique absorbe tout. Je vous citerai l'exemple des états provinciaux de Liége, qui ne pouvaient s'occuper que d'élections et de pétitions, tandis qu'une route votée tous les ans de­puis huit ans est encore à faire. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. Blargnies fait valoir quelques nouvelles considérations en réponse aux objections de M. Le­beau. Il croit que l'on dénaturera l'institution du sénat, comme il la comprend, dès l'instant qu'on ne prend pas des mesures pour que sa composi­tion se forme d'éléments distincts de ceux de l'autre chambre.

L'orateur revient avec une nouvelle précision et de nouveaux aperçus sur un point qui lui semble démontré, c'est que le nouveau mode d'élection pour les conseils provinciaux rendra ces corps bien plus indépendants et bien plus propres à remplir simultanément des fonctions politiques et administratives, qu'ils ne l'étaient sous l'ancien régime. (C., 19 déc.)

- Aucun orateur ne demande plus la parole ; la clôture est prononcée. (C., 19 déc.)

M. de Rouillé  demande l'appel nominal. (C., 19 déc.)

- Plusieurs membres se lèvent pour l'appuyer. (C., 19 déc.)

M. Charles Le Hon – La plupart des propositions que nous adoptons sont importantes ; si pour chacune on réclame l'appel nominal, nous perdrons un temps précieux. (C., 19 déc.)

- Sur la demande de M. Théophile Fallon, l'ex­pression de chambre haute est remplacée par celle de sénat. (C., 19 déc.)

M. de RouilléCinq membres demandent l'appel nominal ; d'après l'art. 17 du règlement, l'assemblée ne peut se refuser à suivre ce mode. (C., 19 déc.)

- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'amendement de M. Blargnies, sous-amendé par M. Jottrand, lequel, après avoir été modifié dans sa rédaction, est conçu en ces termes :

« Les membres du sénat sont élus, à raison de la population de chaque province, par les électeurs qui élisent les membres de l'autre chambre. » (C., 19 déc., et P. V.)

176 membres répondent à l'appel : 136 votent pour, 40 contre. (P. V.)

Ont voté pour : MM. Du Bus, Speelman-Roo­man, Helias d'Huddeghem, Eugène de Smet, Ver­wilghen, Gelders, Constantin Rodenbach, Jean Goethals, Alexandre Rodenbach ;le baron de Stockhem, Gustave de Jonghe, le comte de Bergeyck, Dams, Vander Linden, Théophile Fallon, Allard, le vicomte de Jonghe d'Ardoie, Vanden­hove, le vicomte Charles Vilain XIIII, le marquis d'Yve de Bavay, le baron de Coppin, Charles Ro­gier, Roeser, de Gerlache, Béthune, le comte Félix de Mérode, le baron Surlet de Chokier, Van de Weyer, Alexandre Gendebien, Peemans, Huys­man d'Annecroix, Van Hoobrouck de Mooreghem, l’abbé Wallaert, Devaux, Ooms, Vergauwen­-Goethals, Van Innis, François, de Labeville, le baron de Woelmont, de Tiecken de Terhove, Da­vid, Jottrand, Marlet, le baron d'Huart, Defacqz, Wyvekens, Van der Belen, Le Bon, Baugniet, Morel-Danheel, l'abbé Pollin, de Coninck, Van­dorpe, de Behr, Nagelmackers, Buyse-Verscheure, d 'Martigny, Annez de Zillebeecke, Fransman, Beau­carne, de Nef, de Decker, Mulle, Leclercq, Van Meenen, de Roo, Raikem, Delwarde, l'abbé Ver­beke, Lesaffre, Thorn, de Selys Longchamps, de Man, l'abbé Dehaerne, de Langhe, le comte Cornet de Grez, d'Hanens-Peers, Janssens, le comte d' An­sembourg, de Rouillé, Barbanson, Masbourg, Nothomb, Trentesaux, Maclagan, Cauvin, le ba­ron de Terbecq, Berger, le marquis Rodriguez d'Evora y Vega, Simons, Buylaert, le vicomte de Bousies de Rouveroy, Bosmans, le vicomte Des­manet de Biesme, Lebeau, le baron de Stassart, Lardinois, Collet, le baron Beyts, Bredart, le baron de Leuze. Goethals-Bisschoff, Van Snick, le comte de Baillet, le baron Frédéric de Sécus, le comte d' Arschot, de Ville, Davignon, de Sebille , le baron Joseph d'Hooghvorst, le comte de Re­nesse, le comte Werner de Mérode, le baron de Viron, Thienpont, l'abbé Joseph de Smet, le baron de Meer de Moorsel, Blomme, Deleeuw, l'abbé Boucqueau de Villeraie, l'abbé Van Crombrugghe, le comte de Quarré, l'abbé Verduyn, le baron de Sécus (père), le marquis de Rodes, Claus, le chevalier de Theux de Meylandt, Cop­pieters, Charles Coppens, le baron de Pélichy van Huerne, Charles Le Hon, Zoude (de Saint-Hu­bert), de Muelenaere, Hippolyte Vilain XIIII....

Ont voté contre : MM. Charles de Brouckere, Surmont de Volsberghe, de Thier, Domis, Frison, François Lehon, Henri Cogels, le comte de Celles, Forgeur, Le Grelle, Henri de Brouckere, Jacques, Blargnies, Gendebien (père), l'abbé de Foere, Geudens, Van der Looy, rie Robaulx, Henne­quin, Destouvelles, Fendius, Dumont, (page 532) Werbrouck-Pieters, Claes (d'Anvers), Lefebvre, Teu­wens, d'Hanis van Cannart, Goffint, Seron, Pirmez, Watlet, Nalinne, Camille de Smet, le baron de Liedel de Well, l'abbé Andries, Fleussu, le baron Van Volden de Lombeke, Wannaar... (C., 19 déc.)

M. le présidentLa proposition de M. Blargnies, sous-amendée par M. Jottrand, est adoptée et remplacera l'art. 1er du projet de la sec­tion centrale.

 

Article 2 du projet de la section centrale (article 54 de la constitution de 1831)

M. le présidentJe vais ouvrir la discussion sur l'art. 2 dont voici le texte :

« Le sénat sera composé de 40 à 60 membres.

« Toutefois le chef de l'État pourra nommer un plus grand nombre de sénateurs, avec l'assenti­ment préalable de la chambre élective. Dans ce cas, la chambre élective fixera au nombre des sénateurs une nouvelle limite, qui ne pourra être dépassée à son tour sans la même autorisation. »

     Il m'a été remis des amendements... (U. B., suppl., 19 déc., et A. C.)

M. DevauxJe demande la parole sur la po­sition de la question. Il me semble plus convenable de commencer par voter sur l'art. 3 qui dispose que les sénateurs sont nommés à vie : la section centrale n'avait voulu des sénateurs à vie que dans la supposition où les articles précédents seraient adoptés ; mais aujourd'hui que l'on a dé­cidé le contraire, il vaut mieux commencer par savoir si nous aurons des sénateurs nommés à terme ou à vie, parce que cette décision pourra influer sur le nombre de sénateurs à nommer. Il est clair en effet que si l'on décide que le sénat ne sera que temporaire, on doit limiter le nombre de ses membres ; si l'opinion contraire prévaut, il faudra que le nombre en soit illimité, afin de pouvoir briser sa résistance si le besoin s'en fait sentir. Je propose donc de commencer par l'art. 3. (Appuyé ! appuyé  !)    (U. B., suppl., 19 déc.)

M. Van MeenenJe demande qu'avant de prononcer sur la proposition de M. Devaux, on lise tous les amendements présentés sur l'art. 2. Je viens d'en présenter un qui prouvera, je crois, qu'il faut suivre l'ordre numérique du projet. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. le présidentVeut-on qu'on lise les amendements ? (Oui ! oui !) Le premier est de M. Blargnies. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. BlargniesJe le retire. Mon système ayant été rejeté, mon amendement n'aurait plus de corrélation avec ce qui a été adopté. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. le présidentVoici le second amendement ; il est de M. Van Meenen. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit cet amendement ; il est ainsi conçu :

« Le sénat se compose de quarante-cinq membres électifs, et en outre :

« D'un conseiller, député par chacune des cours de justice pour chaque session ;

« De deux députés délégués par le conseil pro­vincial (les états) de chaque province pour chaque session ;

« D'un député délégué par le conseil commu­nal (régence) de chaque ville d'au-dessus de 30,000 habitants pour chaque session ;

« De trois députés délégués par les corps savants, que la loi désignera aussi pour chaque session ;

« Des évêques ;

« Des premiers présidents des cours de justice ;

« Du commandant en chef de la garde civique ;

« Du commandant en chef des forces de terre ;

« Du commandant en chef des forces de mer ;

« Du chef du génie militaire. J) (Cette longue énumération est accueillie par les rires de l'assemblée.) (U. B., 19 déc., et A.)

M. le comte d’Arschot propose, comme  arrière-amendement, d'admettre les présidents des tribunaux de commerce, les bâtonniers de  l'ordre des avocats...     (A.)

M. Le Grelle  propose un amendement conçu en ces termes :

«  Le nombre des sénateurs s'élèvera à la moitié des membres de l'autre chambre. » (A.)

M. Jottrand présente un amendement ainsi conçu :

« Le sénat est composé d'un nombre fixe égal à la moitié du nombre des membres de l'autre chambre.

« Les sénateurs sont choisis dans toutes les pro­vinces en observant autant que possible la propor­tion de leur population. » (A.)

M. le présidentMaintenant que les amendements sont connus, faut-il passer à la discussion de l'art. 3 ? (U. B., suppl., 19 déc.)

Le congrès décide que l'art. 3 sera discuté avant l'art. 2.    (P. V.)

 

Art. 3 du projet de la section centrale (article 55 de la constitution de 1831)

M. le présidentEn voici le texte :

« Les sénateurs sont nommés à vie. »

Quelqu'un demande-t-il la parole ? (U. B., suppl., 19 déc., et A. C.)

(page 533) M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire : Mais il y a des amendements. Le premier est de M. Deleeuw :

« Les sénateurs sont nommés pour le même terme que les membres de l'autre chambre.

« Le chef de l'État a le droit de dissoudre le sénat. »

Le deuxième est de M. Jottrand :

« Les sénateurs sont nommés pour six ans. Au bout de ce terme le sénat est renouvelé intégrale­ment. Les sénateurs sortants sont indéfiniment rééligibles : l'époque de la rénovation du sénat ne peut jamais coïncider avec l'époque de la rénova­tion ou d'une dissolution de l'autre chambre. »

Le troisième est de M. Devaux :

« Les sénateurs sont nommés pour un terme double de celui des fonctions de la chambre élective. » (U. B.. suppl., 19 déc., et A.)

M. le présidentJe vais commencer par l'amendement de M. Deleeuw :

« Le chef de l'État a le droit de dissoudre le sénat. »

Est-il appuyé ? (U. B., suppl., 19 déc.)

- Cet amendement est appuyé. (C., 19 déc.)

M. Deleeuw le développe – Il pense que les deux chambres étant également électives doivent également être sujettes à dissolution ; il y a même raison. (C., 19 déc.)

M. Devaux développe son amendement – Il faut, dit l'honorable orateur, que les sénateurs aient une existence le double plus longue que les députés, parce que vous avez voulu un sénat pour maintenir la stabilité des institutions, et que ce terme ne sera pas trop long. Si vous renouveliez le sénat tous les quatre ans, vous auriez un chan­gement continuel dans la législation ; cela nuirait non-seulement à vos institutions, mais encore à vos relations extérieures, parce qu'un gouverne­ment variable n'inspire pas à l'étranger une grande confiance, et l'expérience prouve que les gouvernements qui persistent le plus dans leurs vues finissent toujours par réussir. Il faut aussi que le chef de l'État ait le droit de dissolution. Élue par les mêmes hommes que la chambre basse, la chambre haute sera composée des mêmes éléments : quelle garantie offrira-t-elle de plus ? aucune ; le droit de dissolution est le seul remède pour vaincre sa résistance, si vous ne voulez pas admettre le nombre illimité des séna­teurs. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. Le Grelle développe son amendement en peu de mots – Il eût désiré que la nomination du sénat appartînt au chef de l'État ; puisqu'il n'a pu l'obtenir, il désire que le terme de la durée du sénat soit différent de la durée de la chambre élective. II retire son amendement et appuie celui de M. Devaux. Toutefois il désirerait pouvoir ob­tenir pour le sénat une durée de dix ans. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. le chevalier de Theux de Meylandt pense que la dissolution est un affront, que le renouvellement partiel par tiers est un re­mède suffisant. (C., 19 déc.)

M. JottrandLe droit de dissoudre le sénat accordé au chef de l'État aurait un inconvénient grave. S'il arrivait par exemple que le chef de l'État par des services éclatants rendus à la nation en temps de guerre ou en d'autres circonstances, eût tellement attaché la majorité à sa personne, pour un temps donné, qu'il lui devînt possible d'obtenir des élections aux deux chambres dont il abuserait ensuite dans son intérêt personnel, la prérogative de dissoudre ces deux chambres à la fois pourrait devenir funeste à la nation.

Si au contraire le sénat ne pouvait être dissous, mais seulement renouvelé à une époque fixe, un pareil inconvénient n'existerait pas, et le veto du sénat, opposé aux motions d'enthousiasme de l'autre chambre même applaudies par la nation, laisserait à celle-ci le temps de se refroidir et de ne pas se laisser surprendre.

Les inconvénients de la non-dissolution du sénat ne me paraissent pas balancer ceux qui pourraient résulter du droit de le dissoudre. (C., 19 déc.)

M. Nothomb – Un sénat, à l'abri de la dis­solution et des fournées, est un corps tout-puis­sant, maître de la royauté et de la deuxième chambre. Je répéterai ce que j'ai dit en comité général : dans l'hypothèse d'un sénat, je crois qu'il n'y a que deux systèmes possibles, celui qui fait élire la première chambre par le chef de l'État sans limitation de nombre, et celui qui la fait élire par le peuple en la rendant dissoluble. L'idée fondamentale, dont il faut partir, est celle­-ci. Il n'y a dans l'État qu'un pouvoir politique permanent, c'est la royauté héréditaire et inviola­ble ; il est de l'intérêt du pays, que les autres pouvoirs puissent se modifier, et ne s'immobili­sent jamais. Si vous permettez au sénat d'exister pendant six années hors de toute atteinte, ce corps sera maître de la royauté et de la deuxième cham­bre. Un exemple expliquera ma pensée : la deuxième chambre se déclare contre, la première pour le ministère ; le roi dissout la deuxième chambre, la nouvelle se prononce également contre les ministres ; cette volonté doit être un arrêt suprême, elle ne le sera pas, car le minis­tère peut se maintenir malgré le pays en s'ap­puyant sur la première chambre qui lui est favo­rable et qui est indissoluble. Tout ce qu'on peut (page 534) dire pour établir la nécessité de dissoudre la deuxième chambre s'applique à la première. Je ne pense pas que la mesure doive dans tous les cas être commune aux deux chambres ; c'est au prince à décider si les circonstances exigent la dissolu­tion de l'une et de l'autre chambre à la fois, ou la dissolution de l'une et le maintien de l'autre. Si la double dissolution était toujours nécessaire, la mesure pourrait présenter des inconvénients, produire quelquefois une commotion trop vio­lente et entraîner les deux chambres dans un mouvement difficile à maîtriser. Le système des fournées étant rejeté, j'adopterai le seul remède qui nous reste pour déplacer les majorités, la dissolution. J'appuierai de toutes mes forces l'a­mendement de M. Deleeuw (C., 19 déc.)

M. ForgeurOn me permettra de jeter en peu de mots quelques idées sur l'amendement : du moment que vous admettez que le sénat sera élec­tif, il faudra qu'il le soit pour le même terme que la chambre basse, et qu'il soit dissoluble. Selon M. Jottrand, le sénat serait élu pour six ans, et pendant six ans il ne pourrait pas être dissous ; de plus on ne pourrait pas faire de fournées. En sorte que si la chambre élective refusait le budget, la première ou la deuxième année de son élection, et que le sénat le refusât aussi, il faudrait une ré­volution pour vaincre sa résistance. On ne peut pas sortir de là : le chef ne peut pas faire de four­née, il ne peut pas dissoudre ; le gouvernement sera renversé. Venant au droit de dissolution, la question de savoir si le chef pourra dissoudre les chambres à son choix n'est pas admissible Le cas de dissolution se présentera lorsqu'il y aura conflit entre le pouvoir et les chambres, ou entre les chambres elles-mêmes. Eh bien ! je suppose qu'il y a conflit entre les deux chambres : le roi veut le juger ; la chambre basse est, selon lui, d'accord avec l'opinion du pays ; il dissout la chambre haute ; mais il s'est trompé. Que fait alors le chef de l'État ? il dissout la chambre basse ; et ainsi plusieurs dissolutions se succèdent, et chaque membre à son tour reçoit un affront, car du moment que les chambres sont élues par le même corps électoral, il est conséquent d'admettre que la dissolution est un affront pour la chambre dissoute ; si ce sont les mêmes élec­teurs qui nomment les deux chambres, ils enverront des éléments homogènes, et il est évident que lorsque le besoin de dissoudre une chambre se fera sentir, les mêmes raisons existeront pour prononcer la dissolution de l’autre. Du reste, tous les inconvénients qu'on vous signale viennent de la double représentation que nous avions crue inutile, et vers laquelle vous revenez, en confiant l'élection des députés et des sénateurs au même corps électoral. (U. B., suppl., 19. déc.)

M. le comte d’ArschotOn veut marcher de précaution en précaution, et on ne sait où l'on arrivera. On a créé un sénat pour représen­ter la stabilité, la seconde chambre, dit-on, re­présentant le mouvement ; aujourd'hui on veut dissoudre la stabilité. Mais ce qui est stable est indissoluble : je peux me faire à l'idée d'un sénat nommé à terme ; mais un sénat changeant tous les jours, attendant à tout moment sa dissolution, cela contrarie toutes les notions reçues en matière de gouvernement représentatif. Je dois le dire, on cherche à créer des fantômes pour se donner le plaisir de les combattre. On craignait l'influence du chef de l'État, on a obtenu un sénat nommé par les électeurs ; on n'est pas content encore, et on demande d'autres garanties. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. DestouvellesMessieurs, depuis trois semaines nous délibérons ; qu'avons-nous fait ? Je vais mettre rapidement sous vos yeux le résumé de la discussion. (L'assemblée, qui parait fatiguée de tous ces débats, accueille cette annonce par des murmures. Non ! non ! s'écrie-t-on de toutes parts. A la question ! à la question !) Je serai bref : Il y a un mois vous avez voté la monarchie par 174 voix contre 13, parce que vous avez re­gardé la monarchie comme le gouvernement qui vous convenait le mieux. Il y a deux jours, à 128 voix contre 62, vous avez reconnu qu'entre la chambre élective et le trône, il fallait un pouvoir intermédiaire pour empêcher et les empiétements du pouvoir sur les libertés publiques, et les dé­bordements des passions populaires contre le sou­verain. La conséquence de ce système était de donner au souverain la nomination des sénateurs à vie ; non-seulement vous lui avez refusé cette garantie, mais vous avez poussé l'ombrage jusqu'à ne vouloir pas lui laisser le choix sur des listes de candidats. Aujourd'hui 136 voix contre 40 viennent d'attribuer la nomination du sénat aux collèges électoraux. Savez-vous ce que vous avez fait ? vous en êtes venus à la république ! (Murmures.) Oui, à la république, je ne sais pas capi­tuler avec les mots ; la république vous déborde. On voulait une république déguisée ; pour moi, messieurs, qui avais voté la monarchie sans restriction mentale, parce que je la crois nécessaire, indispensable au bonheur de la Belgique, je ne saurais m'associer plus longtemps à votre œuvre, et je croirais violer, non pas mes serments, puis­que je n'en ai pas fait, mais les obligations que m’impose mon mandat, si .j'émettais mon vote (page 535) dans cette discussion. (Murmures.) Vous avez une chambre en deux volumes ; car ce n'est pas parce que votre sénat votera dans un lieu, et la cham­bre élective dans un autre, que vous aurez deux chambres ; le lieu de la délibération n'y fait rien ; vous n'avez qu'une chambre : maintenant je re­garde comme parfaitement inutile de savoir si les sénateurs seront nommés à vie ou à terme. C'est le temps qui décidera la question. Ce n'est pas moi, faible individu, qui n'ai que le désir brûlant d'être utile à mon pays, qui pourrais seul empê­cher le mal. Non, et puisque le mouvement est donné, qu'il continue. Allons !... .allons !.. al­lons !... (Rires et murmures.) Mais je le répète, je ne voterai sur aucun des amendements. (U.B., suppl., 19 déc.)

M. ForgeurSous prétexte de discuter les amendements, l'honorable préopinant nous a ac­cusés, en décrétant la monarchie, d'avoir voulu une république déguisée. Je le déclare : en votant pour la monarchie, j'ai pensé avec les soixante-­deux membres de la minorité qu'elle pouvait exis­ter avec une chambre unique. Aujourd'hui nous sommes à nous demander si le trône n'a pas assez de garanties dans la dissolution de la chambre haute ; chacun doit apporter ses lumières dans la discussion. Lorsqu'il s'agit de chercher le bien de son pays, rien n'est indifférent ; nous devons voter sur toutes les questions qui se présentent : il ne nous est pas permis de rester neutres. Voilà comme je comprends notre mandat, et comment je rem­plirai le mien. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. DestouvellesJe n'ai pas prétendu donner des leçons à qui que ce soit ; j'ai dit mon opinion, je l'ai dite librement parce que c'était mon droit, et je renoncerais à l'instant à mon mandat si l'on prétendait m'interdire de l'ex­primer. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. Charles Le Hon demande le rappel à la question et ajoute, en appuyant les observations de M. Forgeur, qu'un membre du congrès doit voter sur toutes les questions ou donner sa démission. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. DestouvellesIl s’agit de questions accessoires, les, questions principales ont été écar­tées ; le reste est sans importance, je n'y veux prendre aucune part, et je crois, en agissant ainsi, rester fidèle à mon mandat. (U. B., suppl., 19 déc.) .

M. le comte Félix de MérodeM. le comte d'Arschot vient de vous dire qu'il ne pou­vait allier ensemble les idées de sénat et de disso­lution ; et moi aussi, messieurs, .je pense que la chambre des députés peut seule être susceptible de dissolution, parce que l'autre chambre doit avoir une existence de stabilité, et pour remplir ce but elle doit être à vie ou du moins à renouveler régulièrement par dixième, de manière qu'elle suive avec plus de lenteur le mouvement des es­prits,

Si cette chambre se trouvait en désaccord avec la chambre des députés et le chef de l'État, le moyen simple que l'on se plaît toujours à passer sous silence, le moyen simple d'ôter au sénat la possibilité d'entraver absolument les résolutions des autres pouvoirs, est de laisser au chef de l'État le droit de faire voter réunies les deux assemblées législatives ; et comme, en admettant le système que j'ai proposé, les députés seraient en nombre double des sénateurs, la réunion laisse aux pre­miers tout l'avantage désirable. Les sénateurs n'obtiendraient gain de cause que dans le cas où la minorité des députés serait trop forte, et alors cette forte minorité prouve que la question en litige est considérée comme très douteuse, même dans cette chambre. Et quel inconvénient grave, comme je l'ai déjà dit, à ce qu'une forte majorité de sénateurs l'emporte sur une faible majorité de députés ? Tous les inconvénients quelconques sont impossibles à éviter, et celui-ci me paraît le moindre de tous. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. JottrandLe moyen proposé par M. de Mérode est déjà propre à lever l'objection contre l'élection à terme sans dissolution. (U. B., suppl. 19 déc.)

M. RaikemIl y a deux questions dont la so­lution est devenue nécessaire : il faut fixer le terme de la nomination et décider s'il y aura dissolution ou non. La dissolution est devenue inévitable de­puis qu'on a rejeté le système des fournées, Que deviendrait l'État, comme a dit un des préopinants, le sénat ayant rejeté le budget accepté par la seconde chambre ? (U. B., suppl., 19 déc.)

M. LebeauJe croyais que M. Raikem ré­pondrait à M. de Mérode. Il ne l'a pas fait ; j'y suppléerai. M. de Mérode propose d'appeler le sé­nat dans la chambre basse pour vider les différends, Mais c'est couvrir le sénat de ridicule. On appel­lera le sénat dans la chambre basse, où l' on se trouvera en nombre double, et par conséquent avec la certitude d'une majorité contre le sénat. C'est alors qu'il y aura affront pour les sénateurs.  (U. B., suppl., 19 déc.)

M. le chevalier de Theux de Meylandt prononce quelques mots pour appuyer encore le système de dissolution du sénat. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. le comte Félix de Mérode, répon­dant à M. Lebeau, ne conçoit pas, dit-il, quelle (page 536) honte ou quel ridicule s'attacherait à ce que des assemblées respectables se rapprochassent pour chercher à s'éclairer sur une question de doctrine ou d'intérêt public. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. Jottrand prononce quelques mots au milieu des conversations particulières. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. Raikem vote pour accorder au souverain le droit de dissolution de la chambre haute. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. LebeauM. Raikem a oublié de répondre à ce qu'a avancé M. de Mérode touchant la disso­lution. Ce serait faire, dit-il, un affront à la chambre que de la dissoudre, et il propose de réunir les deux chambres pour les faire délibérer en commun ; mais concevez-vous un affront plus sanglant, une dérision plus amère, que de voir cent députés proposer à cinquante ou soixante sé­nateurs de venir délibérer en commun sur une question, lorsque déjà on est fixé sur la manière de la décider, et qu'on a la ferme résolution de forcer la minorité à se soumettre ? C'est comme si la chambre basse tenait ce langage  : Nous sommes cent, vous êtes cinquante ; nous voulons une chose que vous ne voulez pas ; venez au milieu de nous, asseyez-vous et délibérez. Quand nous aurons fini, vous retournerez dans votre chambre. - N'est-ce pas cribler de ridicule, que dis-je ? n'est-ce pas couvrir d'humiliation la chambre moindre en nombre ? J'appuie l'amendement de M. Devaux. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. le comte Félix de MérodeJe conçois que l'on trouve un affront à faire entrer dans une chambre quarante ou cinquante pairs pour dénaturer l'opinion de la majorité, ou plu­tôt pour changer la majorité ; mais voir la chambre haute se réunir et voter avec les représentants du pays, rien ne me paraît plus simple et moins hu­miliant. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. Barthélemy parle dans le même sens que M. de Mérode et rappelle qu'il a donné la première idée de la délibération en commun. Il rappelle aussi qu'on ne doit jamais supposer que les deux chambres ne seront composées que d'en­têtés. (Rires.) (C., 19 déc.)

M. Charles Rogier soutient également l'opinion de M. de Mérode. Il dit que ce mode de vider le différend pourrait même devenir néces­saire dans certaines circonstances, même quand on admettrait le principe de la dissolution du sénat. (C., 19 déc.)

M. de RobaulxJe pense que le sénat, dans le sens que vous l'avez adopté primitivement, ne peut pas exister, et je me trouve en quelque sorte lié avec M. Destouvelles, quoique pour des opinions différentes, et forcé de m'abstenir comme lui. Je répondrai sous ce rapport à M. le Hon que déjà dans d'autres circonstances je me suis abstenu de voter, et que j'ai cru en cela user de la liberté qui appartient à tout le monde. Ici le droit de rester neutre est un droit tout comme un autre. Vous avez décrété un sénat, et par des amendements que je n'ai pu méditer, par des amendements en quelque sorte improvisés et qui cependant sont destinés à régir la nation pendant des siècles, vous avez jeté dans mon esprit des doutes tels, que lorsque je suis appelé à voter et à user de mon opinion, je suis comme M. Destouvelles, mais par des raisons différentes, obligé de laisser passer la discussion sans y prendre part. Pour cela je ne renonce pas à mon mandat, mais je ne crois pouvoir le remplir en cette occasion ; je ne suis pas assez éclairé. (Aux voix ! aux voix !) (U. B., suppl., 19 déc.)

M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire – L'amendement de M. Deleeuw a été sous-amendé par M. Van Meenen ; voici en quels termes :

« Le sénat ne peut être dissous.

» La portion élective du sénat se renouvelle par quart chaque année. » (U. B., suppl., 19 déc., et A.)

M. Forgeur – L'amendement de M. Van Meenen se rapporte à un premier amendement qu'il a proposé sur l'art. 2. (U. B., suppl., 19 déc.)

(Il s'élève un débat sur la question de savoir comment on votera. Plusieurs membres demandent la parole en même temps.) (C., 19 déc.)

M. Van Meenen obtient la parole pour dé­montrer que puisqu'on a fait précéder la discussion sur l'article 2 de celle sur l'article 5, il est néces­saire qu'il fasse, à propos de cet article 5, valoir son amendement. Il veut assurer l'indissolubilité du sénat et assurer en même temps des moyens de révocation compatibles avec le principe de stabilité. (Aux voix ! aux voix !) (C., -19 déc.)

M. Deleeuw quelques mots sur son amendement. (C., 19 déc.)

M. de RobaulxJe demande la parole. (Aux voix ! aux voix !) (U. B., suppl., 19 déc.)

M. Alexandre RodenbachJe crois qu'il convient d'en finir et que nous devons aller aux voix. (Appuyé ! appuyé !) (U. B., suppl. -19 déc.)

- L'amendement de M. Devaux, dans lequel les mots deuxième chambre ont été substitués à ceux de chambre élective, est mis aux voix. (C., 19 déc.. et P. V.)

Cet amendement est adopté ; il forme la première partie de l'art. 3. (P. V.)

(page 537) On met ensuite aux voix l'amendement de M. Deleeuw ainsi conçu :

« Le chef de 1'Etat a le droit de dissoudre le sénat. » (P. V.)

La première épreuve est douteuse. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. LebeauL'appel nominal ! (U. B., suppl., 19 déc.)

Des voixLa contre-épreuve ! (U. B., suppl.. 19 déc.)

M. LebeauLe règlement dit que lorsque cinq membres demandent l'appel nominal, il doit avoir lieu sans s'enquérir s'il y a doute. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. le présidentOn va procéder à l'appel nominal. (U. B., suppl., 19 déc.)

Il est procédé à cet appel ; 173 membres y ré­pondent : 99 votent pour, 74 contre ; en consé­quence l'amendement de M. Deleeuw est adopté. (P. V.)

Ont voté pour : MM. Du Bus, Charles de Brouc­kere, Speelman-Rooman, Constantin Rodenbach, Alexandre Rodenbach, Gustave de Jonghe, Dams, Vander Linden, Théophile Fallon, Allard, le vicomte de Jonghe d'Ardoie, Vandenhove, le vicomte Charles Vilain XIIII, le marquis d'Yve de Bavay, le comte de Celles, Destriveaux, le baron de Coppin, Roeser, de Gerlache, Forgeur, le baron Surlet de Chokier, Peemans, Huysman d'Anne­croix, Serruys, de Schiervel, Barthélemy, Nothomb, Trentesaux, Cauvin, le baron de Viron, Goffint, Berger, le marquis Rodriguez d'Evora y Vega, Simons, le vicomte de Bousies de Rouveroy, Bosmans, le vicomte Desmanet de Biesme, Lebeau, Lardinois, Bredart, Pirmez,le comte de Baillet, le baron Frédéric de Sécus, Watlet, de Ville, Da­vignon, Henry, de Sebille, le baron Joseph d'Hoogh­vorst, le baron de Meer de Moorsel, Deleeuw, l'abbé Boucqueau de Villeraie, l'abbé Van Crom­brugghe, le comte de Quarré, le baron de Liedel de WeIl, le marquis de Rodes, Claus, le chevalier de Theux de Meylandt, Coppieters, Fleussu, le a baron de Pélichy van Huerne, Charles Le Hon, Wannaar, Hippolyte Vilain XIIII, Le Grelle, Henri de Brouckere, Devaux, Ooms, Vergauwen-Goethals, François, de Tiecken de Terhove, le baron d'Huart, J'abbé de Foere, Wyvekens, l'abbé Pollin, Vandorpe, de Behr, Nagelmackers, Buyse-Verscheure, d'Martigny, Annez de Zillebeecke, Fransman, Beaucarne, de Nef, Mulle, Leclercq, Hennequin, Raikem, Delwarde, Thorn, Fendius, Dumont, de Man, l'abbé Dehaerne, de Langhe, le comte Cornet de Grez, le comte d'Ansembourg, de Rouillé, Barbanson.

Ont voté contre ; MM. Van Hoobrouck de Moo­reghem, l'abbé Wallaert, Jacques, Jean-Baptiste Gendebien, Blargnies, Van Innis, de Labeville, Gendebien (père), le baron de Woelmont, David, Jottrand, Marlet , Van der Belen, Le Bon, Bau­gniet, Morel-Danheel, Van der Looy, de Decker, Van Meenen, de Roo, l'abbé Verbeke, Lesaffre, Werbrouck-Pieters, Claes (d'Anvers), de Selys Longchamps, Lefebvre, Teuwens, d'Hanens-Peers, Janssens, Masbourg, Maclagan, d'Hanis van Can­nart, le baron de Terbecq, du Bois, Buylaert, Collet, le baron Beyts, le baron de Leuze, Goe­thals-Bisschoff, Van Snick, le comte d'Arschot, le comte de Renesse, Nalinne, le comte Werner de Mérode., Camille de Smet, Pirson, Thienpont, l'abbé Joseph de Smet, Blomme, le baron de Sécus (père), J'abbé Andries, Charles Coppens, Zoude (de Saint-Hubert), de Muelenaere, Helias d'Huddeghem, Eugène de Smet, Verwilghen, Gel­ders, Jean Goethals, le baron de Stockhem, Sur­mont de Volsberghe, de Thier, le comte de Ber­geyck, Domis, Frison, François Lehon, Henri Cogels, Albert Cogels, Charles Rogier, Béthune, le comte Félix de Mérode, le baron Osy, Defacqz, le baron de Stassart. (C., 19 déc.)

Ont refusé de voter : MM. Destouvelles, de Ro­baulx et Seron, qui a répondu d'une voix forte : Dans le doute abstiens toi. (On rit.)(U. B. , suppl., 19 déc., et P. V.)

Lorsque le nom de M. le baron de Stassart a été appelé, cet honorable membre a dit – Je réponds non, parce que le sénat que nous faisons ne signifie rien. (Murmures.) (U. B., suppl.. 49 déc.)

M. le présidentVoici un autre amendement de M. Charles de Brouckere :

« La dissolution d'une chambre entraîne celle de l'autre. »

- L'amendement est-il appuyé ? (Oui ! oui !) (U. B., suppl., 19 déc.)

M. Charles de Brouckere, développant son amendement – Si la dissolution est un appel au pays, il faut qu'il soit général ; car s'il était spécial, il en résulterait qu'une chambre étant dis­soute et revenant la même, il faudrait dissoudre l'autre ; l'opinion contraire est absurde. (C., 19 déc.)

M. LebeauLe préopinant ne s'est pas fait faute d'appeler absurdes les opinions de ses adver­saires, j'emploierai le même terme envers la sienne. Une dissolution ne doit pas toujours être générale pour amener un bon résultat, car si une chambre est évidemment de mauvaise foi, les élec­teurs en renverront une autre La presse et tous les moyens d'éclairer l'opinion agiront d'ailleurs (page 538) pour influencer les électeurs. Il faut d'abord es­sayer d'un palliatif avant d'en venir à la dissolu­tion des deux chambres, et ne pas, de gaieté de cœur, renvoyer devant le pays une chambre popu­laire, parce que l'autre chambre serait soupçonnée de ne pas l'être. (C., 19 déc.)

M. Charles de Brouckere soutient son opinion en retournant la dernière hypothèse de M. Lebeau et en disant que le chef de l'État sera toujours plus porté à dissoudre d'abord une cham­bre populaire qu'une chambre qui ne le serait pas. (C., 19 déc.)

M. Van Meenen réfute l'opinion de M. de Brouckere – La dissolution, dit-il, est un moyen extrême que le prince n'emploiera jamais avec la certitude d'agir en cela contrairement au vœu ma­nifeste du pays. (C., 19 déc.)

M. le présidentMessieurs, je me per­mettrai une observation. Je pense que nous pour­rons nous occuper de la question soulevée par l'amendement de M. de Brouckere, lorsque nous en serons à cette partie de la constitution dont les dispositions sont communes aux deux chambres. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. Forgeur – J'appuie la proposition du président. (Plusieurs voix : Le président ne fait pas de propositions.) Je fais la proposition mienne. (C., 19 déc.)

M. Nothomb – Je ferai une observation qui prouvera combien l'ajournement est nécessaire ; si vous vous occupez de l'amendement de M. de Brouckere, en voici un autre tout aussi grave ; la deuxième chambre ayant renvoyé les ministres en accusation devant la première, le chef de l'État pourra-t-il dissoudre celle-ci ? Reconnaissons que nous avons admis la dissolution en principe et qu'il nous reste à en régler l'exercice. (C., 19 déc.)

M. le baron de StassartCette propo­sition tient trop essentiellement à celles que nous avons discutées déjà, pour qu'on puisse l'ajourner. Il faut, avant que nous votions sur l'ensemble, que nous puissions nous faire une idée positive et complète de ce que sera ce sénat de si difficile création, J'insiste donc pour que l'amendement de M. de Brouckere soit discuté sans retard ; qu'on y mette le temps, à la bonne heure, mais point d'a­journement. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. ForgeurNous avons décidé que le sénat serait dissoluble ; ce point est arrêté. L'ordre logi­que et le plan de constitution que nous avons adopté exigent que l'amendement de M. de Brouckere et celui qu'annonce M. Nothomb, et que je ferai mien s'il ne Ie propose pas, soient ajournés. (C., 19 déc.)

M. le baron de StassartIl m'est im­possible de concevoir un sénat sans la moindre fixité, un sénat toujours sur le qui-vive, et je ne puis consentir à ce qu'on multiplie les chances de dissolution. (U. B., suppl., 19 déc.)

- Après un débat assez vif, l'ajournement est mis aux voix et prononcé. (U. B., suppl., 19 déc.)

L'ensemble de l'art. 3 est adopté en ces termes :

     « Les sénateurs sont nommés pour un terme double de celui des fonctions de la deuxième cham­bre ; le chef de l'État a le droit de dissoudre le       sénat. » (P. V.)

 

Article 2 du projet de la section centrale (article 54 de la constitution de 1831)

« Art. 2. Le sénat sera composé de quarante à soixante membres. » (A. C.)

( Le 2e § de cet article est venu à tomber par suite du rejet de l'art. 1er du projet de la section centrale.)

M. Van MeenenJe prie M. le président de faire relire mon amendement. (U. B., suppl., 19 déc.)

Un des secrétaires donne lecture de cet amendement qui est ainsi conçu :

« Je propose de modifier le projet de décret sur le nombre des sénateurs, de la manière suivante :

« Le sénat se compose de 45 membres électifs.

« et en outre :

« D'un conseiller, député par chacun des cours de justice, pour chaque session ;

» De deux députés, délégués par le conseil pro­vincial (les états) de chaque province, pour cha­que session ;

» D'un député délégué par le conseil communal (régence) de chaque ville d'au-dessus de 30,000 ha­bitants, pour chaque session ;

» De trois députés délégués par les corps sa­vants, que la loi désignera, aussi pour chaque sessions ;

« Des évêques ;

« Des premiers présidents des cours de justice ;

» Du commandant en chef de la garde civique ;

« Du commandant en chef des forces de terre ;

« Du commandant en chef des forces de mer ;

« Du chef du génie militaire. » (C., 19 déc., ct A.)

M. Devaux – L'amendement de M. Van Meenen ne peut être discuté, puisqu'on a décidé que le sénat serait électif. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. Le Hon fait la même observation. (C., 19 déc.)

M. Van MeenenMessieurs, on veut m'op­poser une espèce de fin de non-recevoir, pour écar­ter mon amendement, mais il est facile de l'éviter. Il est vrai qu'il a été décidé que les sénateurs seraient élus ; mais il n'a pas été décidé qu'il n'y (page 539) aurait que des sénateurs élus. (Oh ! oh ! vives réclamations, murmures, interruption prolongée. Pendant longtemps M. le président agite vaine­ment la sonnette.)

Quand le silence commence à se rétablir, M. Van Meenen continue ainsi - Messieurs, on n'a pas mis en question s'il n'y aurait que des sénateurs élus. (Rumeurs.) (U. B., suppl., 19 déc.)

M. le présidentSilence ! (U. B., Suppl., 19 déc.)

M. Van MeenenJ'en appelle à la conscience de vous tous. Avez-vous entendu qu'il n'y aurait que des sénateurs à vie ?... ( Oui ! oui !) Vous avez eu celte pensée ? (Oui ! oui !) Eh bien, je vous en félicite. (Un rire général éclate dans tous les points de la salle.) J'avais cru que vous vouliez quelque chose de distinct de la chambre élective, quelque chose de plus stable surtout, quelque autre chose enfin que ce que vous aurez maintenant. .

(M. Van Meenen continue à parler au milieu du bruit général. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. Fleussu, l'interrompant – M. Devaux a fait une motion d'ordre que je rappelle et que je viens appuyer. M. Van Meenen parle sur un amendement que nous ne pouvons discuter ; je demande la question préalable.(Appuyé ! la question préalable !) (U. B.,suppl., 19 déc.)

M. Van MeenenJe demande le rappel au règlement. Nul ne doit être interrompu. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. le présidentVous me permettrez de vous dire que vous n'êtes pas dans la question. On a décidé que les sénateurs seraient élus par les collèges électoraux, voilà un fait posé ; main­tenant, vous voulez y introduire des individus non sujets à l'élection, c'est aller directement contre ce qui a été décidé. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. Le HonLa motion d'ordre a-t-elle été faite avant que M. Van Meenen ne prît la parole ? (Oui ! oui !) Si c'est avant, il n'y a pas de doute qu'on n'ait le droit de refuser de l'entendre. Te­nons-nous à la stricte exécution de notre règle­ment, c'est le moyen de maintenir l'ordre dans les discussions et d'éviter une grande perte de temps. (U. B., suppl., 19 déc.)

- L'assemblée consultée décide que M. Van Meenen ne sera pas entendu. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit l'amendement de M. Le Grelle :

« Le nombre des sénateurs s'élèvera à la moitié de celui des membres de l'autre chambre. ») (Aux voix ! aux voix !) (U. B., suppl., 19 déc., et A.)

M. Le Grelle Je demande que la priorité soit accordée à l'amendement de M. Jottrand.  (U. B., suppl., 19 déc.)

M. LebeauJe demande la priorité pour ce­lui de M. Le Grelle, et s'il le retire, je le présente de mon côté ; celui de M. Jottrand est complexe, l'autre est simple, et c'est pour cela qu'il doit être mis le premier aux voix. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. le comte d’Arschot – La deuxième partie de l'amendement de M. Jottrand devient inutile. (J. n., 19 déc.)

- L'amendement de M. Le Grelle est mis aux voix et adopté avec la substitution des mots sera égal à celui de s'élèvera, et remplace l'art. 2 du projet. (P. V.)

 

Article 4 du projet de la section centrale (article 56 de la constitution de 1831)

On passe à l'article 4, l'article 3 étant déjà adopté.

M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, en donne lecture en ces termes :

« Art. 4. Pour pouvoir être sénateur il faut :

« 1 ° (Le 1 ° dépend de plusieurs dispositions du titre : Des droits des Belges.)

« 2° Jouir de ses droits politiques et civils.

« 3° Être domicilié en Belgique.

« 4° Être âgé d'au moins quarante ans.

» 5" Payer au moins mille florins d'impôt foncier sur des propriétés situées en Belgique.

» Dans les provinces où la liste des citoyens payant mille florins d'impôt foncier n'attein­drait pas la proportion de un sur dix mille âmes de population, elle sera complétée par les plus imposés de la province, jusqu'à concurrence de cette proportion de un sur dix mille. » (U. B., suppl., 19 déc., et A. C.)

M. le présidentJe vois qu'à l'exception des quarante ans exigés et des mille florins d'im­pôt, il faudra les mêmes conditions pour entrer au sénat que pour la chambre élective. Voici le 2e paragraphe : Jouir de ses droits politiques et civils ; je crois bien que vous ne voulez pas envoyer au sénat des fous ni des étrangers. (On rit.) Je vais mettre aux voix les divers paragraphes. (U. B., suppl., 19 déc.)

- Les 2e et 4e paragraphes sont successivement adoptés. (P. V.)

Sur le 5e paragraphe, M. l’abbé de Foere propose l'amendement suivant :

« Payer au moins six cents florins d'impôt foncier sur des propriétés situées en Belgique. » (A.)

M. le baron Beyts  maintient le cens à mille florins, sauf dans les provinces de Namur et de Luxembourg, où il veut qu'il soit réduit à trois cents florins. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. Charles de Brouckere présente un amendement ainsi conçu :

(page 540) « Pour être éligible, il faut payer mille francs de contributions directes. » (A.)

M. Pirmez propose de rédiger le § 5 en ces termes :

« Payer au moment de l'élection au moins mille florins d'impôt foncier sur des propriétés situées en Belgique. » (A.)

- L'amendement de M. Charles de Brouckere obtient la priorité, il est appuyé. (C., 19 déc.)

M. Charles de Brouckere le dévelop­pant – Dans le projet de la section centrale, on a exigé mille florins d'imposition directe, parce que la nomination du sénat étant faite par le souve­rain, on voulait avoir, dans la fortune des séna­teurs, des garanties d'indépendance, et le cens de mille florins était nécessaire si vous eussiez adopté les articles du projet. Mais, puisqu'il en est au­trement, nous n'avons plus besoin de ces garan­ties : je demande que le cens d'éligibilité soit réduit de moitié, et que toutes les contributions y soient comprises. La première chambre étant élue par les mêmes électeurs que la chambre des com­munes, elle aura autant de pouvoir qu'elle. Si à cela vous ajoutez l'influence d'une grande fortune, vous aurez une oligarchie. Votre chambre ressem­blera à l'aristocratie hollandaise, vous créerez un privilège immense pour quarante ou cinquante familles : si vous ne voulez arriver à ce résultat, diminuez le cens, et permettez qu'il se compose de toutes les contributions, afin que toutes les propriétés y soient représentées. (U. B., suppl., 19 déc.)

M. l’abbé de FoereJe n'hésite pas à dire que toute direction donnée aux capitaux qui tend à en entraver la circulation et à concentrer les fortunes doit être considérée comme funeste au pays. Or, si un cens de mille florins de contribution foncière est exigé pour avoir droit d'éligibilité au sénat, il en résultera une concentration de pro­priétés qui s'opposera, d'une manière rétrograde, aux intérêts du commerce, de l'industrie, de la navigation et du crédit public. Ces deux premières branches de prospérité nationale doivent être relevées ; les deux autres doivent recevoir une ex­tension beaucoup plus considérable. Il est un principe d'économie politique qui, je pense, n'est plus contesté par personne. C'est celui qui établit qu'il est de toute nécessité que tous les intérêts matériels d'un pays soient en harmonie entre eux. Le commerce, l'industrie, la navigation ne doi­vent donc pas être immolés, pas même en partie, à l'agriculture, alors même que ce sacrifice pour­rait être considéré comme utile aux intérêts agri­coles, ce que je suis loin de croire. Or, c'est ce qui résulterait, dans une proportion qu'il est en­core impossible de déterminer, du cens de mille florins d'impôt foncier que vous exigeriez des grands propriétaires pour être élus au sénat.

Un chef de famille est déjà sénateur éligible. Il a deux ou trois enfants mâles. Il sait que, dans nos mœurs actuelles, le droit de représentation exerce une immense influence sur la considération publique. Il cherchera à placer ses capitaux dans l'intérêt foncier, afin de préparer pour ses fils le droit d'éligibilité au sénat. Les pères de famille, qui n'atteignent point encore le cens électoral, feront également refluer, pour la même raison, leurs capitaux dans la propriété territoriale. Cette direction, imprimée aux capitaux d'une grande et riche partie de la nation, doit exercer des influences funestes sur les vrais intérêts du pays Voici, les conséquences désastreuses qui en résulteront.

Première. C'est soustraire autant de capitaux aux intérêts du commerce, de l'industrie et de la navigation qui languiront et ne pourront recevoir des développements proportionnés aux besoins de la population.

Deuxième. La population de nos campagnes est déjà dans une disproportion effrayante avec les besoins de l'agriculture. Si vous empêchez que ces bras surabondants soient employés par les autres intérêts matériels, que ferez-vous de cette population excessive et inerte, véritable lèpre des pays où ce mal existe. Cette surabondance de population augmentera en raison des entraves, mises par la concurrence et par la prohibition, à notre com­merce de toiles, entraves dont je suis loin de voir le terme, et qui, à mon avis, ne feront qu'aug­menter.

Troisième. Vous détruisez graduellement l'image de bonheur et de prospérité qui s'offre dans tout pays où la division des fortunes ou la petite propriété existe.

Quatrième. Vous courez directement à la taxe des pauvres. La même cause doit produire chez nous les mêmes effets qu'elle a entraînés dans un pays voisin.

Vous me direz que ce serait éluder le but du sénat, qui est celui d'assurer un droit de représen­tation à la grande propriété, celui d'accorder ce même droit à ceux qui ont un intérêt direct à la stabilité de nos institutions.

Je vous demanderai, messieurs, si des proprié­taires qui payent mille francs de contributions di­rectes n'ont pas un intérêt suffisant à la durée de nos institutions ? Je vous ferai observer encore que, si les électeurs jugent que ces propriétaires à mille francs d'impôt direct ne répondent pas (page 541) assez au but de cette représentation territoriale, ces électeurs pourront choisir des propriétaires à un cens plus élevé.

Il résultait de l'amendement de M. de Brouc­kere cette autre conséquence heureuse que le cercle de l'élection passive au sénat serait considérablement élargi, et qu'en conséquence les élec­teurs, agissant dans une sphère plus étendue, pourraient députer au sénat de meilleurs choix.

Par ces motifs, messieurs, j'ai l'honneur d'appuyer l'amendement proposé. (C., 21 déc.)

M. Jottrand propose de porter le cens à mille florins, dans l'amendement de M. Charles de Brouckere. (A.)

M. le présidentFaut-il mettre aux voix l'amendement de M. de Brouckere ? (U. B., suppl., 19 déc.)

M. NagelmackersL'amendement de M. de Brouckere renferme deux parties : l'une comprend dans le cens tous les impôts, l'autre réduit la quotité du cens. J'appuierai la première partie et m'opposerai à la deuxième. Je demande la division. (U. B., 20 déc.)

M. Le Grelle parle en faveur de la proposi­tion de la section centrale : c'est le seul moyen de maintenir une différence entre les deux chambres. (C., 19 déc.)

M. JottrandLa question est trop impor­tante pour que je ne vous demande pas la permis­sion de faire encore quelques observations.

La révolution française de 1789 a commencé à délier la propriété foncière des chaînes féodales. Depuis cette époque ce genre de propriété tend à se morceler et à se mobiliser chaque jour davantage.

Les nouvelles doctrines d'économie politique démontrent à l'évidence qu'il n'y a plus de dis­tinction à faire entre les diverses espèces de pro­priété ; qu'il n'y a partout que des valeurs échan­geables d'une nature identique si on ne les considère que sous le rapport du capital de la société politique.

Tous les efforts des administrateurs sages et éclairés tendront désormais à favoriser le morcel­lement des propriétés foncières. Les caisses hypothécaires, les plans financiers de toute espèce, par lesquels on cherche à mettre sur la place les valeurs immobilières comme toutes les autres va­leurs, prouvent à l'évidence que les préjugés sur la nature de la propriété foncière sont sur le point de disparaître.

Toutes les propriétés sont également importan­tes ; toutes donnent à ceux qui les possèdent une part égale d'intérêt à la chose publique. Nous avons l'occasion de proclamer solennellement que la Belgique comprend non-seulement la liberté plus largement que les autres nations ; mais en­core qu'elle ne leur cède en rien dans l'intelli­gence des véritables doctrines en ce qui concerne la richesse des États. (C., 19 déc.)

M. le vicomte Charles Vilain XIIIIJe déclare que je ne m'associe en rien à ce que vient de dire M. Jottrand. (C., 19 déc.) (Note de bas de page : « Ces paroles ont donné lieu à des réclamations de M. Ch. de Brouckere, auxquelles M. Jottrand a répondu. Nous transcrivons ci-après les deux lettres de ces honorables membres (lettres non reprises dans cette version numérisée.))

M. JottrandCela n'ôte rien au fondement de mes observations. (C., 19 déc.)

(page 542) M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, donne lecture de la proposition sui­vante de M. Nagelmackers :

« Pour former le cens toutes les impositions directes, patentes comprises, sont admises. » (U. B., suppl., 19 déc., et P. V.)

M. le président met cette proposition aux voix (U. B., suppl., 19 déc.)

- Après une épreuve et une contre-épreuve, le bureau déclare qu'il y a. doute. Il est procédé à l'appel. nominal. 164 membres y répondent : 81votent pour, 79 contre ; en conséquence, la proposition est adoptée. (P. V.)

Ont voté pour : MM. Jacques, Jean-Baptiste Gendebien , Devaux, Ooms, Blargnies, François, de Labeville, Gendebien (père), de Tiecken de Terhove, David, Jottrand, le baron d'Huart, l'abbé de Foere, Defacqz, Van der Belen, Le Bon, Geudens, Baugniet, Morel-Danheel, l'abbé Pollin, Vander Looy , Vandorpe, de Behr , Nagelmackers, Buyse-Verscheure, d'Martigny, Fransman, Beau­carne, de Nef, de Decker, de Robaulx, Leclercq, Van Meenen, Hennequin, Delwarde, Thorn, Du­mont, Claes (d'Anvers), l'abbé Dehaerne, Teu­wens, d'Hanens-Peers, Janssens, Barbanson, Masbourg, Nothomb, Trentesaux, Nopener, Si­mons, Buylaert, Seron, le vicomte Desmanet de Biesme, Lebeau, Lardinois, Collet, le baron Beyts, Bredart, Pirmez , Van Snick, Watlet, Davignon, Henry, de Sebille, Nalinne, Camille de Smet, Pirson, le baron de Meer de Moorsel, Deleeuw, Charles Coppens, Wannaar, Charles de Brouckere, Verwilghen, Gelders, Constantin Rodenbach, Frison, Théophile Fallon, Vanden­hove, le comte de Celles, Destriveaux, Charles Rogier, Roeser, le comte Félix de Mérode, le baron Surlet de Chokier, Van de Weyer, Alexandre Gendebien, Peemans.

Ont voté contre : MM. Van Hoobrouck de Mooreghem, Le Grelle, Henri de Brouckere, l'abbé Wallaert, Vergauwen-Goethals, Van Innis, le baron de Woelmont, Marlet, Annez de Zillebeecke, Mulle, de Roo, Raikem, l'abbé Verbeke, Fendius, de Selys Longchamps, de Man, Lefebvre, de Langhe, le comte Cornet de Grez, le comte, d'Ansembourg, de Rouillé, Maclagan, d'Hanis Van Cannart, le baron de Viron, le baron de Terbecq, Berger, le marquis Rodriguez d'Evora y Vega, Du Bois, le vicomte de Bousies de Rouveroy, Bosmans, Goethals-Bisschoff, le comte de Baillet, le baron Frédéric de Sécus, le comte d'Arschot, le baron Joseph d'Hooghvorst, le comte de Re­nesse, le comte Werner de Mérode, Thienpont, l'abbé Joseph de Smet, Blomme, l'abbé Bouc­queau de Villeraie, l'abbé Van Crombrugghe, le comte de Quarré, le baron de Liedel de WeIl, le marquis de Rodes, Claus, l'abbé Andries, le chevalier de Theux de Meylandt, Coppieters, Fleussu, le baron Van Volden de Lombeke, le baron de Pélichy van Huerne, Charles Le Hon, Zoude (de Saint-Hubert) , de Muelenaere, Hippo­lyte Vilain XIIII, Du Bus, Speelman-Rooman, Helias d'Huddeghem, Eugène de Smet, le baron de Stockhem, Surmont de Volsberghe, Gustave de Jonghe, .Ie comte de Bergeyck, Domis, Dams, Vander Linden, François Lehon, Allard, le vi­comte de Jonghe d'Ardoie, le vicomte Charles Vilain XIIII, Henri Cogels, le baron de Coppin, Béthune, Huysman d'Annecroix, de Schiervel, le baron Osy, le baron de Stassart. (C., 19 déc.)

- Il reste à fixer la quotité du cens. (C., 19 déc.)

L'amendement de M. Charles de Brouckere, qui fixe le cens à mille francs, est rejeté. (P. V.)

Celui de M. Jottrand qui fixe le cens à mille florins donne lieu à quelques observations. (C., 19 déc.)

M. le président veut mettre cet amende­ment aux voix ; ne pouvant obtenir que chaque député reste en place, il dit – Je vois qu'à la fin de la séance nous ne ferions rien de bon ; la séance est levée. (U. B., suppl., 19 déc.)

- Il est cinq heures.

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