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Note d’intention
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Congrès national de
Belgique
Séance du lundi 20 décembre
1830
Sommaire
1) Communication des pièces
adressées au congrès
2) Proposition ayant pour objet
pour objet une retenue sur les traitements des fonctionnaires (de Robaulx, Ch. Le Hon, Le Grelle, de Robaulx, Osy)
3) Motion d’ordre relatif au projet
de décret sur la garde civique (J. Vander Linden d’Hooghvorst)
4) Proposition
tendant à nommer une commission chargée de rédiger un projet de loi électorale
(de Tiecken de Terhove, Ch. de Brouckere)
5) Discussion
des articles du projet de constitution. Titre II. Des Belges et de leurs droits
a)
Article 1. Acquisition et perte de la nationalité (Destouvelles,
Raikem, Destouvelles, de Robaulx, Ch. de Brouckere, Van Meenen, de Robaulx, Van Meenen, Ch. le Hon, Beyts)
b)
Article 2. Nationalisation des étrangers (Devaux, Forgeur, Masbourg, de Stassart, Van Snick)
(E. HUYTTENS, Discussions du
Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe
Wahlen et Cie, 1844, tome 1)
(page
554) (Présidence de M. le baron Surlet de Chokier)
La séance est ouverte à onze heures et demie. (P. V.)
Un des secrétaires donne lecture du procès-verbal ; il
est adopté, avec une rectification demandée par M. François. (C., 22 déc.)
M. Thonus demande un congé de dix jours, dont il a besoin
pour aller régler des affaires de famille. (U.B., 22 déc.)
M.
le président – Le congé est-il accordé ? (Oui ! oui ! Non ! Non !) (U.B., 22 déc.)
- Le
congé est accordé. (P. V.)
M. Henri de Brouckere, secrétaire, présente
l'analyse des pièces suivantes :
Le sieur J. B. Ambroise envoie onze exemplaires d'un
prospectus ayant pour objet l'érection d'un nouveau monument à Waterloo. Il
voudrait « qu'une souscription à 25 centimes fût ouverte chez tous les peuples
de l'Europe, pour qu'une statue colossale de
- Dépôt à la bibliothèque. (P. V.)
_____________________
Le sieur J. B. Van der Elsken sollicite une place de membre
de la cour des comptes.
Le baron Ferdinand de Vischer fait la même demande.
Le sieur J. F. Graham, de Bruges,
adresse au congrès le prospectus d'un ouvrage intitulé Oogslag, etc.
Il annonce l'intention de publier un
second ouvrage qui pourra servir à la postérité de manuel de tout ce qui
s'est passé de mémorable pendant le temps de notre glorieuse révolution ; son
intention étant de mettre cet ouvrage, qui pourra faire quelques (page
555) volumes, sous la protection du congrès, il le prie
d'en agréer la dédicace.
Il adresse au congrès quelques réflexions sur la singulière
position de Guillaume Ier, ex-roi des Pays-Bas, etc., etc., et transmet à
l'assemblée un projet d'adresse au peuple batave.
Le sieur van Ecchi, d'Oostvleteren, se plaint de ce que le
commissaire du district d'Ypres emploie dans ses bureaux un Hollandais qui, de
plus, a été nommé secrétaire de deux communes.
Le sieur Charles Stanier et son épouse se plaignent de ce
que le juge d'instruction près le tribunal de Bruxelles aurait à tort décerné
un mandat de comparution contre leur fils Stanislas, du chef de la conduite,
louable selon eux, que ce dernier a tenue le 26 août dernier.
Les époux Frison, de Tournay, se plaignent de ce que, dans un
procès qu'ils ont eu à soutenir, ils ont été dupés par leur avoué ; ils prient
le congrès de faire réviser l'affaire, ou, si cela doit occasionner du
scandale, de leur faire obtenir une indemnité, ou enfin de leur faire savoir
s'il est impossible de forcer leur avoué à leur rendre compte.
Les experts, pour la contribution personnelle de 1830, dans
le contrôle de Loochristy, se plaignent de n'avoir reçu encore qu'une faible
partie de leur salaire ou indemnité ; ils prient le congrès de vouloir faire
ordonner le payement de ce qui leur revient.
Le chevalier Lelièvre de Staumont adresse au congrès quelques
réflexions sur l'institution du sénat.
Le sieur Vilain, de Tournay, propose un moyen pour
arrêter la hausse du prix des grains. Il demande que, dans chaque village,
situé près d'une ville, une commission soit chargée de visiter les greniers des
fermiers, et d'obliger ces derniers à fournir aux marchés une quantité de
grains proportionnée à leur magasin. (P. V.)
- Toutes ces pièces sont renvoyées à la commission des
pétitions. (P. V.)
M.
le président – M. de Robaulx a déposé une proposition ainsi conçue :
« AU NOM DU PEUPLE BELGE.
« Le congrès national de
« Considérant combien il est indispensable, dans
les circonstances actuelles, de venir au secours de la classe indigente,
surtout pendant la saison rigoureuse ;
« Que si, en pareille occurrence, tous les citoyens
doivent faire des sacrifices en proportion de leurs moyens, il est juste que
les fonctionnaires salariés par l'État en donnent les premiers l'exemple ;
« DÉCRÈTE :
« Art. 1er. Il sera fait une retenue sur tous traitements
des fonctionnaires et employés salariés par le trésor public de la manière
suivante, savoir :
« 1° 5 pour cent sur tout traitement de 600 florins inclus
1,200 ;
« 2° 10 pour cent sur ceux de 1,200 inclus 2000
fl. ;
« 3° 15 pour cent sur ceux supérieurs à 2000 fl. »
« Art. 2. Le produit de ces retenues sera immédiatement
appliqué au soulagement des pauvres pendant les trois prochains mois
d'hiver. »
« Art. 3. Le montant de cette retenue sera de suite
avancé par le gouvernement, sauf à le recouvrer au fur et à mesure du payement
des traitements pendant l'année. »
« Art. 4. Sont exemptés de cette retenue les traitements
militaires étrangers à l'administration. »
« Art. 5. Le pouvoir exécutif est chargé de l'exécution
du présent décret, et il en rendra compte à l'assemblée législative. »
« Mandons, etc.
« L'auteur de la proposition demande qu'elle soit
déclarée urgente.
« A. DE ROBAULX. » (E., 22 déc.)
M. le président – La
proposition de M. de Robaulx est-elle appuyée ? (Oui ! oui !) M. de Robaulx a la parole pour développer sa
proposition. (U. B., 22 déc.)
M.
de Robaulx – Messieurs, la proposition que j'ai l'honneur de
soumettre au congrès ne donnera pas lieu à de grands développements ; les
motifs en sont patents ; le congrès connaît la position malheureuse dans
laquelle se trouve la classe indigente, dans la saison rigoureuse où nous
sommes, alors, surtout, que la stagnation du commerce la laisse sans travail.
J'ai cru que, pour venir à son secours promptement, il n’y avait pas de
meilleur moyen que celui que je propose. Les employés n'ont rien perdu à la
révolution ; au contraire, la plupart ont obtenu de l'augmentation en obtenant
soit des emplois supérieurs, soit des fonctions nouvelles, et, si tout le monde
doit contribuer à cet acte de bienfaisance, il est juste (page 555) qu'ils soient les premiers ; il est on ne peut pas plus
naturel que ceux, qui vivent du trésor public fassent les premiers sacrifices.
J'ai cru que les traitements de 1 à 600 florins ne devaient pas être sujets à
la retenue, car ce serait ôter aux pauvres pour donner aux pauvres ; mais la
proportion indiquée pour les traitements supérieurs m'a semblé ne devoir
imposer qu'un léger sacrifice à ceux qui seront sujets à la retenue. Le besoin
est flagrant, messieurs, il faut y parer avec promptitude ; le gouvernement peut calculer, dès
aujourd'hui, le montant de la somme que devra produire la retenue ; il en fera
l'avance, et nous serons venus au secours de cette classe intéressante de la
société dont la position doit exciter la sollicitude de tous.
Je demande que le congrès déclare qu'il y a urgence ;
qu'une commission soit nommée pour faire l'examen de ma proposition, et qu'elle
soit tenue de nous faire son rapport dans les cinq jours. (U.
B.. 22 déc.)
M. le président – La
proposition est-elle appuyée ? (U. B., 22 déc.)
M. Forgeur – Il
faut d'abord savoir si elle est urgente ; on ne peut pas l'envoyer aux sections
sans cela. (U. B., 22 déc.)
M. le président – II m'est
égal de proposer l'urgence. (U. B., 22 déc.)
M.
de Robaulx – Ma proposition a été appuyée. Maintenant il y a deux
manières de procéder : ou de nommer une commission, ou de l'envoyer à
l'examen des sections. (U. B., 22 déc.)
M. le président consulte
l'assemblée pour savoir s'il y a urgence. (U. B., 22 déc.)
- L'urgence n'est pas reconnue. (Un colloque très animé
s'établit entre dix ou douze membres, qui parlent tous à la fois des divers
points de la salle.) (U. B., 22 déc.)
M.
Charles Le Hon – Je crois qu'on n'a pas bien compris
la proposition sur laquelle M. le président a consulté l'assemblée. Quand on a
demandé l'urgence, j'ai cru qu'il s'agissait de fixer un jour très prochain
pour faire un rapport ; et si l'urgence n'a pas d'autre but que de nommer une
commission pour cela, je crois qu'il est impossible que le congrès ne la
déclare pas. S'il s'agissait d'adopter la proposition, dès lors et déjà je concevrais
l'hésitation du congrès. Avec des intentions également bienfaisantes, on peut
avoir des opinions différentes sur la proposition de notre honorable collègue.
Je sais qu'il y a de fortes raisons pour, et de fortes raisons contre ; mais
c'est de la discussion que ces raisons doivent surgir : c'est la discussion qui
nous éclairera sur la bonté des moyens indiqués dans la proposition ; mais, en attendant, je crois que nous pouvons déclarer qu'elle est
urgente. (U. B., 22 déc.)
M.
de Rouillé – Je demande le renvoi aux sections. (U. B., 22 déc.)
M.
Van Snick – Je demande que la question soit posée de nouveau. Nous
sommes tous également d'avis de nous occuper le plus tôt possible de l'objet
de la proposition : si on en renvoyait la discussion après le vote de la
constitution, ce serait trop tard. (U. B., 22 déc.)
M. Le Grelle – Je fais
partie de l'administration des pauvres depuis quinze ans : je connais leurs
besoins et j'applaudis aux intentions louables de l'auteur de la proposition ;
mais je ne suis pas d'avis de l'adopter. Je crois qu'il faut encourager la
bienfaisance et non la forcer. Obliger les fonctionnaires publics à faire le
sacrifice d'une partie de leurs traitements, c'est établir un impôt en faveur
des pauvres, et il ne serait pas difficile de prouver que tout impôt de ce
genre ferait beau coup plus de
mal que de bien. (U. B., 22 déc.)
M. de Robaulx – Il s'agit de
savoir si ma proposition est urgente, non si elle établirait un impôt plus nuisible
qu'utile. J'ai demandé que le congrès votât l'urgence, parce que vous avez décidé
que vous ne vous occuperiez d'aucune question étrangère à la constitution, à
moins que l'urgence n'en eût été déclarée. Si aujourd'hui vous ne déclariez
pas ma proposition urgente, vous en renverriez la discussion aux calendes
grecques, et dans ce cas, je le déclare, je la retirerais. (U. B., 22
déc.)
M.
le baron Osy – Messieurs, le budget doit vous être présenté sous peu
de jours. Vous y verrez le chiffre des traitements accordés aux fonctionnaires
publics ; ils ont subi des réductions notables. Je propose que la proposition
de M. de Robaulx soit ajournée jusque après le budget ; vous verrez alors s'il
sera convenable de s'en occuper. (U. B., 22 déc.)
M. le président – Si j'ose me
permettre d'interpréter l'intention du congrès, il n'a pas prétendu renvoyer
l'examen de la proposition après la constitution. (U. B., 22 déc.)
M. Forgeur – M. Osy vient
de faire une proposition ; je demande qu'elle soit mise aux voix. (U. B., 22
déc.)
M.
le baron Osy – Le budget vous sera présenté incessamment,
puisque dans dix jours, nous serons
à la fin de l'année, et qu'il faut voter l'impôt. On peut, sans inconvénient,
attendre jusque-là. La proposition de M. de Robaulx serait examinée dans les
premiers jours de l'année. (U. B., 22 déc.)
(page 557) M. de Robaulx
– Ma proposition est-elle urgente, oui on non ? Je demande qu'on décide l'urgence. (Aux voix ! aux voix !) (U. B., 22 déc.)
M. Pirson – D'après
l'observation faite par M. Osy, il paraît que le traitement des fonctionnaires
ayant été diminué, on ne peut pas compter sur le moyen indiqué par M. de
Robaulx pour venir au secours de la classe indigente. Généralisant la
question, je demande qu'une commission soit nommée pour qu'il nous soit fait un
rapport sur les meilleurs moyens à prendre pour venir au secours des pauvres
par le travail. (U. B., 22 déc.)
M. Raikem – Il est
probable que M. de Robaulx tient plus à avoir des fonds que le décret, car ce
n'est pas un morceau de papier que l'on donnera pour secours aux pauvres. Mais
les employés ne sont payés qu'à la fin du trimestre : on peut donc attendre
jusqu'après l'examen du budget. (U. B., 22 déc.)
M.
de Robaulx vivement – Vous voulez faire rejeter ma proposition. Je
la retirerai si elle n'est pas déclarée urgente. (Brouhaha.) (U. B., 22
déc.)
M. le baron Beyts
– J'ai été pour l'urgence dans ce sens que nonobstant le travail de la
constitution on peut s'occuper de la proposition. On ne peut pas ajourner le
besoin des pauvres. (U. B., 22 déc.)
M. Nagelmackers – Le moyen que
propose M. de Robaulx n'est pas le meilleur ; sa proposition tend à faire
supporter l'entretien des pauvres à une seule classe ; si le budget était
connu, je proposerais de nommer une commission qui serait chargée de nous
soumettre, pour le soulagement des pauvres, des mesures justes ; par exemple,
un prélèvement sur les fonds provenant de la réduction. (C., 22 déc.)
M. Forgeur – Je demande
l'ajournement jusqu'après le budget. (Aux voix ! aux voix !) (U. B., 22
déc.)
- L'ajournement
est mis aux voix et prononcé. (P. V.)
M.
de Robaulx – Mais il s'agit de l'urgence. (C., 22 déc.)
Plusieurs voix – L'ajournement est prononcé ; il ne s'agit
plus de l'urgence. (C., 22 déc.)
M.
de Robaulx – Ma proposition est donc rejetée. (C., 22 déc.)
Plusieurs voix – Non, mais ajournée : vous attendrez,
ou bien un autre reprendra la motion. (C., 22 déc.)
M. Le baron Joseph
d’Hooghvorst rappelle que M. Charles
Rogier a présenté un projet de décret sur la garde civique ; il en demande
l'impression, comme destiné à rendre plus facile la
discussion de cette loi. (U. B., 22 déc.)
M.
de Rouillé appuie cette demande. (C.., 22 déc.)
M. le président – Voici ce projet de loi, mais je ferai observer que ce projet, selon M.
Rogier lui-même, ne devra être développé par lui que tout autant que le projet
de la section centrale en serait fort différent. (U. B.. 22 déc.)
M. Le baron Joseph d’Hooghvorst – Il sera trop tard. (U. B., 22
déc.)
M. Nothomb – Ce projet de loi est de M. Jolly. Comme on a contesté l'initiative de la
présentation des lois au gouvernement, M. Charles Rogier l'a présenté en son
nom. (U. B., 22 déc.)
M. de Robaulx – M. Rogier a dit qu'il se réservait d'user de ce projet pour présenter
des amendements ; comme nous ne le connaissons pas, nous ne pouvons pas
l'accepter à tout hasard et en ordonner l'impression. (U. B., 22. déc.)
M. Forgeur – Je demande que l'impression soit mise aux voix. (Appuyé ! appuyé !) (U. B., 22 'déc.)
- L'impression et la
distribution de ce projet sont ordonnées. (P. V.)
M. Henri de Brouckere, secrétaire, lit une proposition ainsi conçue :
« Le soussigné a l'honneur de
proposer au congrès national qu'une commission de dix membres soit nommée dans
son sein, chargée de la rédaction d'un projet de loi électorale. Ce projet
sera discuté en assemblée publique, avant que le congrès vote sur l'ensemble de
la constitution, pour que les principes bien définis de cette loi électorale y
soient consacrés.
« Si sa proposition est appuyée, il aura l'honneur de présenter quelques
observations pour la motiver.
» De Tiecken de Terhove »
(E., 22 déc.)
. Cette
proposition est appuyée. (E., 22 déc.)
(page 558) M. de Tiecken de Terhove la développant
– Nous allons, je l'espère, avoir une constitution où tous les droits seront consacrés,
où tous les pouvoirs seront limités, circonscrits dans de justes bornes ; où
les droits et les devoirs de chacun seront distinctement écrits ; mais si nous
voulons consolider nos institutions, si nous voulons donner à notre édifice
social des bases aussi fortes que durables, nous devons avoir une bonne loi
électorale ; sans cette loi, tout ce que nous allons élever manquera d'appui et
par conséquent ne pourra avoir de durée ; je l'envisage comme le complément
nécessaire, indispensable de tous nos travaux. C'est dans une bonne représentation
nationale que nous devons trouver la sauvegarde de toutes nos institutions ;
c'est elle qui au besoin élèvera des barricades contre tous les empiétements du
pouvoir. Il nous faut donc une loi qui nous garantisse une représentation
réelle de l'opinion publique ; elle doit consacrer le mode d'élection le plus
direct possible ; sans elle on parviendrait encore à démolir insensiblement, et
pièce par pièce, l'édifice que nous allons élever. Mais, messieurs, il faut
encore placer cette loi hors de toute atteinte ; il faut qu'on n'y puisse
porter une main sacrilège, qu'on ne puisse la modifier, la dénaturer, et par
suite compromettre l'existence de nos libertés, et nos institutions les plus
chères. A cet effet, messieurs, je viens vous proposer que les principes bien
définis de cette loi électorale fassent partie intégrante de la constitution.
Si sous l'ancien gouvernement, nous avions eu cette garantie, nous aurions pu,
malgré les vices dont la constitution d'alors était entachée, avoir encore une
existence supportable ; la nation bien représentée aurait pu s'opposer à tous
les envahissements, à toutes les usurpations du pouvoir ; mais faute d'une
bonne loi, nous n'avons jamais eu de véritable représentation nationale ; de là
les actes les plus arbitraires, les plus intolérables ; des vexations de tous
genres, enfin tous les maux sous lesquels le peuple a gémi tant d'années.
Lassé, fatigué enfin, il s'est vu forcé de se soustraire violemment à ce joug
insupportable. Prévenons, messieurs, pour l'avenir, des catastrophes pareilles
; tâchons, par des lois sages et suffisamment garanties, d'élever une barrière
d'airain contre tous les empiétements possibles et fermer ainsi à jamais, pour
le bonheur des peuples, l'abîme des révolutions, toujours creusé par les
écarts du pouvoir. .
Si ma proposition est adoptée, elle n'entravera en rien la
marche sur la discussion des articles de la constitution. La commission
s'occupera de la rédaction du projet de loi électorale, qu'elle pourra nous
présenter probablement avant que tous les articles de la constitution ne soient
adoptés ; ce projet pourra immédiatement être discuté et adopté en assemblée
publique, et l'on pourra pour lors, avant de voter sur l'ensemble de la
constitution, y consacrer les principes de la loi d'élection.
Ainsi marcheront de front et sans perte de temps deux objets
de la plus haute importance qui sont attendus avec tant d'impatience.
(E., 22 déc.)
M. le président – L'assemblée
veut-elle nommer une commission ? (Oui !
oui !) (U. B., 22 déc.)
M. Charles de Brouckere
– Je demande la parole. Messieurs, la question est complexe, j'en demande
la division. Je ne m'oppose pas à ce qu'une commission soit chargée de nous
présenter un projet de loi électorale, mais je m'oppose à ce qu'on l'examine
avant le vote sur la constitution. Nous avons décidé que nous ne nous
occuperions que de la constitution jusqu'à sa rédaction définitive ; décider
le contraire, ce serait nous lier aujourd'hui pour nous délier demain. (U. B.,
22 déc.)
M. Raikem – Je demande
la mise aux voix de la première partie de la proposition. (U. B., 22 déc.)
- On met aux voix la première partie ; elle est
adoptée. (P. V.)
M. le président – Les sections
nommeront chacune un de leurs membres pour s'occuper d'un projet de loi
électorale. M. de Terhove persiste-t-il dans la deuxième partie, ou la
retire-t-il ? (U. B., 22 déc.)
M. de Tiecken de Terhove, après hésitation – Je
la retire. (U. B., 22 déc.)
PROJET DE CONSTITUTION
Titre II – Des Belges et de
leurs droits
-
L'ordre du jour appelle la discussion sur le titre Il du
projet de constitution, intitulé : Des
Belges et de leurs droits (U. B., 22 déc.)
Article 1 : acquisition et perte de la nationalité
M. le président – Voici
comment est conçu l'art. 1er du projet de la section centrale :
« La qualité de Belge s'acquiert, se conserve et se perd, d'après les règles
déterminées par la loi civile.
« La présente constitution et les autres lois relatives aux droits
politiques déterminent, en outre, les conditions nécessaires pour l'exercice de ces
droits. » (U. B., 22 déc., et A. C.)
(page
559) M. Le Grelle –
L'assemblée est-elle d'accord sur la classification des titres de la constitution
? Il serait peut-être utile de le savoir. (C'est inutile ! C'est inutile
! la classification se fera plus tard) (U. B., 22 déc.)
M. le président – Voici un amendement
proposé par M. Destouvelles. (U. B., 22 déc.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII,
secrétaire, lit l'amendement :
« Art. 1er. Sont Belges : 1° ceux qui sont nés et domiciliés
en Belgique ; 2° ceux qui, nés à l'étranger de parents belges, sont domiciliés
en Belgique.
« Art.
2... » (U B., 22 déc., et A.)
Plusieurs voix – Mais nous n'en sommes qu'à l'article
1er. (U. B.,22 déc.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire –
L'amendement de M. Destouvelles est composé de trois articles qui tous ensemble
remplaceront l'art. 1er du projet :
« Art. 2. Sont réputés citoyens belges : 1° les
étrangers établis en Belgique avant le 1er janvier 1814, et qui ont continué
d'y être domiciliés ; 2° ceux qui ont été ou seront naturalisés.
« Art. 3. La qualité de citoyen belge se perd d'après les
règles déterminées par le Code civil relativement à la privation de la
jouissance des droits civils. » (U. B., 22 déc. et A.)
M. le président – L'amendement
est-il appuyé ? (Oui ! oui !)
(U. B., 22 déc.)
M. Destouvelles –
Messieurs, l'art. 1er de la section centrale est ainsi conçu :
« La qualité de Belge s'acquiert, se conserve et se perd
d'après les règles déterminées par la loi civile. »
Cet article me parait renfermer une erreur grave que je viens
signaler au congrès. Messieurs, vous savez qu'il y a deux espèces de droits,
les droits civils et les droits politiques ; ces droits sont fort différents
entre eux : les droits politiques sont ceux qui confèrent les droits
d'élection, celui d'être nommé à des fonctions publiques ; il n'y a que les
citoyens qui en puissent jouir : les droits civils sont ceux qui règlent la
propriété entre les individus, indépendamment de leur qualité de citoyens. Le
caractère des uns et des autres étant bien connu, voyons si l'on peut savoir
quelles sont les conditions requises pour acquérir, conserver ou perdre ces
droits politiques : l'art. 1er du projet de la section centrale me
renvoie pour cela à la loi civile ; j'ouvre le Code civil, et voici ce que je
lis, art. 7 : « L'exercice des
droits civils est indépendant de la qualité de citoyen, laquelle ne s'acquiert
et ne se conserve que conformément à la loi constitutionnelle. » Il n'y a
rien là qui me dise ce que je désirais savoir : le Code ne parle
que des droits civils ; cependant, lorsqu'il s'agit de fixer les droits
politiques, le projet renvoie à la loi civile, et celle-ci renvoie à son tour
à la constitution ; c'est donc à la constitution à fixer ces droits ; si elle
ne les fixait pas, il s'ensuivrait que le congrès, quoique congrès constituant,
laisserait aux législatures qui nous suivront le soin de le faire, et
ce ne serait que par des lois variables que des conditions aussi essentielles
seraient établies.
Lorsque, au mois de mars 1803, le Code civil fut promulgué,
la constitution de l'an VIII était en vigueur. Les droits politiques étaient
écrits dans cette constitution, de là résultait naturellement pour la loi
civile le besoin de renvoyer à la constitution. Mais aujourd'hui que la
constitution de l'an VIII n'existe plus pour nous, et que la loi dite
fondamentale de 1815 n'est plus de ce monde, il faut que la constitution les
supplée sur ce point. Le congrès constituant doit faire ce qu'a fait le
législateur de l'an VIII. Celte constitution est encore en vigueur en France,
quant à cette partie, car ni la charte de 1814 ni la nouvelle charte n'en
disent rien.
Je crois, messieurs, avoir justifié mon amendement ; ce
n'est qu'après un violent combat avec moi-même que je me suis décidé à vous le
présenter, parce que j'ai su que l'art. 1er du projet avait été l'objet de
longs débats dans la section centrale ; mais, je l'avouerai, je n'ai pas cru
devoir reculer devant cette considération, parce que ce n'est que par de mûres
réflexions que je me suis convaincu qu'il y avait une lacune qu'il était indispensable
de remplir.
Comme l'art. 1er embrassait non seulement les moyens
d'acquérir, mais encore les moyens de perdre la qualité de Belge, j'ai cru que
la perte de cette qualité pouvait être réglée par la loi civile. J'ai dit que
la qualité de Belge se perd d'après les dispositions du Code civil, puisque,
pour exercer les droits politiques, il faut nécessairement exercer les droits
civils ; on peut s'en rapporter au Code civil pour la perte des droits
politiques.
(L'honorable orateur termine en donnant lecture de son
amendement.) (U. B, 22 déc.)
M. Raikem – Messieurs,
je suis chargé de défendre le projet de la section centrale : l'art. 1er y a
été longuement discuté. On a rappelé la maxime que toute définition n'est pas
sans danger, et qu'il n'en est pas sans exception ; cependant il faut partir de
là pour s'entendre. Définissons donc ce que, dans le sens d'une constitution,
on entend par le terme citoyen.
Qu'est-ce qu'un citoyen ? C'est une personne
jouissant de ses droits politiques. Vous savez qu'il y a deux espèces de
droits : 1° les droits civils, 2° les droits politiques. Voyez maintenant (page 560) si l'on peut accorder les
droits politiques à qui n'a pas la jouissance des droits civils. Évidemment
non ; mais il faut avoir la jouissance de ces derniers pour pouvoir acquérir
les droits politiques. Les droits civils sont le moins, les droits politiques
le plus. Or, que porte le Code civil ? « Tout Belge jouira des droits civils. »
Ainsi, pour la qualité de Belge, « elle s'acquiert, se conserve et se perd
d'après les règles déterminées par la loi civile. » Pouvez-vous trouver un
Belge qui n'ait pas la jouissance de ses droits civils ? Non. Il est possible
qu'un Belge ayant la jouissance de ses droits civils n'ait pas la jouissance de
ses droits politiques ; le contraire est impossible. La première partie de
l'article est donc juste.
Que dit la deuxième partie ? « La présente constitution et
les autres lois relatives aux droits politiques déterminent, en outre, les
conditions nécessaires pour l'exercice de ces droits. » Vous trouverez en
effet dans la constitution des articles relatifs aux droits politiques, vous en
trouverez aussi dans la loi électorale, et ils suffiront pour qu'il ne puisse y
avoir de difficulté à cet égard.
On a dit que nous allions laisser aux législatures
postérieures le soin de régler la jouissance des droits politiques. Il n'y a
pas grand inconvénient à cela. De quelque
manière qu'on règle la jouissance des droits civils, il faudra nécessairement
la posséder, pour avoir celle de ses droits politiques, qui toujours resteront
définis et bien connus. D'ailleurs, ce ne sera pas tout à fait à la disposition
des législatures suivantes : il y aura des indications qu'elles ne pourront se
dispenser de suivre.
En France, dit-on, on s'en est rapporté à la constitution de
l'an VIII : mais nous, nous aurons dans la constitution et dans la loi
électorale des dispositions qui suppléeront à la constitution de l'an VIII.
Enfin, on fait une dernière objection relativement aux
étrangers habitant en Belgique avant 1814. Leur sort, dit-on, devrait être fixé par la constitution, et non par une loi transitoire :
votre section centrale a pensé le contraire ; elle a été d'avis de les admettre
à la jouissance de tous les droits attribués aux Belges, mais sous certaines
conditions ; car souvent un individu pourrait adopter une nouvelle patrie sans
renoncer à l'ancienne, et comme il ne faut pas qu'un homme ait deux patries,
nous exigeons de lui une déclaration portant qu'il renonce à sa patrie, et
qu'il veut continuer de résider en Belgique. Cette disposition sera
nécessairement transitoire, puisque après un certain temps elle ne sera plus
applicable à personne ; mais elle ne sera pas transitoire comme l'entend
notre collègue, elle fera partie de la constitution. (U. B., 22 déc.)
M.
Destouvelles expose de nouveau ses arguments qu'il appuie de
quelques articles du Code civil. Tout Français, y est-il dit, jouit des droits
civils, mais il n'y est pas dit qu'ils jouissent des droits politiques.
L'orateur désirerait que la loi électorale fît partie de la constitution, et
pense que cette loi devant être révisée tous les six ans, ce n'est pas un terme
fort éloigné de celui auquel on pourrait réviser la constitution. (P., 22
déc.)
M.
de Robaulx – Messieurs, il me paraît que l'amendement de M.
Destouvelles donne lieu d'examiner une question préalable : c'est de savoir si
la constitution doit s'occuper de régler les droits politiques. Le titre, même
admis provisoirement, nous indique assez qu'il s'agissait des Belges et de leurs
droits, car il porte ces mots : Des
Belges et de leurs droits. Il fallait donc dans ce titre s'occuper
d'abord de la qualité de Belge. Il paraît que la section centrale n'a pas voulu
s'occuper des Belges ; elle n'a voulu s'occuper que de leurs droits, et en cela
elle a été inconséquente avec son titre. Toutefois, elle ne l'a pas été avec
elle-même, car je lis dans l'art. 2 : « La naturalisation assimile
l'étranger au Belge pour l'exercice des droits politiques. » Par ces mots,
la constitution nous dit qui est citoyen belge. C'est l'étranger naturalisé.
Eh bien ! si la section centrale nous indique une classe de personnes jouissant
du droit de cité, elle aurait dû nous indiquer toutes les personnes qui
partagent cette jouissance. N'est-il pas parlé des étrangers jouissant des
droits politiques ?... (U. B., 22 déc.)
M. Devaux – Vous vous
trompez. (U. B., 22 déc.)
M.
de Robaulx – Vous indiquez une fois qui sera citoyen belge, vous
deviez l'indiquer pour toutes les classes ; vous garantissez les droits de cité
à un étranger, et vous les refusez à un Belge. Je crois que la constitution
doit déterminer les conditions qu'il faut pour être citoyen belge. (U. B., 22
déc.)
M.
Charles de Brouckere, rapporteur – L'erreur des
deux orateurs qui viennent de parler tient à une confusion d'idées : nous
n'avons pas défini le citoyen belge dans l'art. 1er, mais le Belge, laissant à
la loi civile le soin de déterminer les règles par lesquelles s'acquiert, se
conserve et se perd (page 561) cette
qualité. L'amendement de M. Destouvelles porte : « Sont Belges ceux qui sont
nés en Belgique. »
En sorte qu'un enfant né en Belgique de parents français
serait Belge, selon M. Destouvelles ; mais, d'après l'art. 10 du Code civil, il
est Français. Voici en effet ce que porte cet article : « Tout enfant né d'un
Français, en pays étranger, est Français. » Voilà où nous
conduirait l'amendement. La section centrale a voulu qu'on fût citoyen
belge avant d'avoir la jouissance des droits politiques, et nous avons ajouté :
« La présente constitution et les autres lois relatives aux droits politiques
déterminent, en outre, les conditions nécessaires pour l'exercice de ces
droits. »
Vous trouverez, en effet, dans la constitution, plusieurs
articles qui vous fixeront à cet égard. Mais, dit-on, vous avez qualifié les étrangers
de citoyens belges. C'est une erreur ; nous avons assimilé les étrangers
naturalisés aux citoyens belges. Il me semble que ce peu de mots suffisent pour
justifier les dispositions de l'article 1er. (Aux voix ! aux voix ! ) (U. B., 22 déc.)
M. Charles Le Hon
– Je demande la parole. (U. B., 22 déc.)
M. le président – Vous l'aurez
après les orateurs inscrits. (U. B., 22 déc.)
M.
Van Meenen, après avoir reproduit les arguments de
M. Charles de Brouckere, répond à l'objection de M. de Robaulx en ces termes –
Quant à l'objection de M. de Robaulx, elle tombe d'elle-même ; car l'art. 2
qu'il a invoqué ne dit pas : L'étranger naturalisé est Belge, mais assimilé au
Belge. Quant à ce qu'il a dit du titre, je lui ferai observer que le titre
n'est pas plus décrété que le reste de la constitution ; on peut amender le
titre qui, selon moi, devrait être changé en celui-ci : Droit public des
Belges. Par là, le titre répondrait à son but. (La clôture ! la clôture !)
- Comme M. le président se dispose à accorder la
parole à un autre orateur, un député assis dans le couloir du côté droit se
lève et dit d'une voix forte – Nous
sommes dix pour la clôture. (U. B., 22
déc.)
M. de Robaulx – Je demande
la parole contre la clôture. (U. B., 22 déc.)
Quelques voix – Ah ! ah ! oh ! oh ! (U. B., 22
déc.)
M.
de Robaulx – Ah ! ah ! Messieurs, je trouve fort étonnant
que l'on soit aussi mal accueilli lorsqu'on demande à éclairer une question,
la plus importante peut-être qui puisse nous être soumise, et lorsque
d'honorables orateurs ont demandé la parole pour nous porter le tribut de leurs
lumières. Je demande que la discussion continue. (On crie de toutes parts et
plus fort que jamais : Aux voix ! la
clôture ! la clôture ! ) (U. B., 22 déc.)
M. le président – Mais... (Aux voix ! aux voix ! ) (U. B., 22 déc.)
- M. Raikem veut faire une observation ; les cris ; la clôture ! étouffent sa voix. (U. B.,
22 déc.)
M. le président – Il s'agit de
clôture. (U. B., 22 déc.)
M.
de Robaulx – Il y a une question préalable, c'est de savoir si
l'amendement de M. Destouvelles... (Aux
voix ! aux voix !) (U. B., 22 déc.)
M. Forgeur – Il s'agit de
l'amendement de M. Destouvelles ; je demande la clôture de la discussion sur
cet amendement. (U. B., 22 déc.)
- La clôture est mise aux voix et prononcée. (U. B., 22
déc.)
Quelques voix – Il y a doute, (U. B., 22 déc.)
M.
de Robaulx – La contre-épreuve ! (U. B., 22 déc.)
- La contre-épreuve a lieu, mais la minorité est
évidente pour la soutenir. (U. B., 22 déc.)
L'amendement de M. Destouvelles est mis aux voix.
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire ;
Voici un amendement de M. Van Meenen :
« La qualité de Bekge s’acquiert, se conserve et se perd
d'après loi civile.
« La présente constitution et les autres lois relatives
aux droits politiques déterminent les conditions ultérieurement requises pour
l'exercice de ces droits. »
(Hésitation dans
l'assemblée. On paraît ne pas comprendre
l'amendement.) (U. B., 22 déc., et A.)
M. Van Snick demande une
seconde lecture de cet amendement. (U. B., 22 déc.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire,
le relit et fait remarquer que l'amendement consiste à changer les mots en outre en celui de ultérieurement. (U. B., 22 déc.)
M.
le président – L'amendement est-il appuyé ? (Non ! non !) (U. B., 22 déc.)
- Personne ne se lève pour soutenir M. Van Meenen ; il se
tourne vers le banc situé derrière lui, et fait signe à quelques membres de se
lever : ils se lèvent, l'amendement est appuyé. (U. B., 22 déc.)
M. Van Meenen
explique
son amendement au milieu des conversations particulières. (U. B., 22 déc.)
M. le président engage à
écouler l'orateur. (Le bruit continue.) (U. B., 22 déc.)
(page 562) M. Van Meenen termine ses
explications. (U. B., 22 déc.)
M. le président – A-t-on bien
compris les développements ? (On rit.)
(U. B., 22 déc.)
- L'amendement est mis aux voix et rejeté. (U. B., 22
déc.)
M.
Charles Le Hon – J'ai demandé la parole pour un
simple éclaircissement propre à jeter plus de clarté sur le § 1er de l'article
du projet, que je ne trouve pas en rapport suffisant avec le § 2 ; je lis : «
La qualité de Belge s'acquiert, se conserve et se perd d'après les règles
déterminées par la loi civile. » Voilà la proposition générale
; je lis ensuite : « La présente constitution et les autres lois relatives
aux droits politiques déterminent, en outre, les conditions
nécessaires pour l'exercice de ces droits. »
Je me suis demandé, en lisant ce § 2 : Outre quoi ? On peut répondre : Outre le
Code ; mais cette réponse est en dehors de l'article, car je ne vois pas qu'il
faille jouir des droits civils pour avoir la jouissance des droits politiques.
Je prie ceux qui y ont réfléchi plus que moi de me dire si j'ai tort dans mon
observation. Selon moi, voici comment il faudrait rédiger l'article ; je laisse
subsister le § 1er tel qu'il est ; j'ajoute : « La présente constitution
et les autres lois relatives aux droits politiques déterminent quelles sont,
outre cette qualité, les conditions nécessaires pour l'exercice de ces
droits. » (U. B., 22 déc.)
M. Van Meenen
– C'est mon amendement. (P., 22 déc.)
M. Charles de Brouckere
– Pas du tout. Nous sommes ici dix membres de la section centrale qui
nous réunissons pour appuyer l'amendement de M. Le Hon, mais non pas celui de
M. Van Meenen. (P., 22 déc.)
M. Du Bus pense que la constitution ne
doit pas s'en rapporter à la loi civile, et combat l'article 1er.
(C., 22 déc.)
M. Charles Le Hon
donne de nouveaux éclaircissements. (C., 22 déc.)
M. Du Bus – Tous les
Belges ne jouissent pas des droits politiques. La constitution doit dire quels
sont les Belges qui en jouissent. (P., 22 déc.)
M. Devaux – La
constitution doit seule établir les droits politiques, et le Code civil doit
établir les droits civils. Je demande la clôture. (P., 22
déc.)
- La clôture est mise aux voix et prononcée. (C., 22
déc.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire,
relit l'article amendé par M. Charles Le Hon :
« La qualité
de Belge s'acquiert, se conserve et se perd d'après les règles déterminées par
la loi civile.
« La présente constitution et les autres lois relatives
aux droits politiques déterminent quelles sont, outre cette qualité, les
conditions nécessaires pour l'exercice de ces droits. » (U. B.,22
déc.)
M.
le baron Beyts – Je propose un sous-amendement.
(Ah ! ah !) (U. B., 22 déc.) .
M. le baron Beyts
– Ah ! ah !.... (U. B.. 22 déc.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire,
lit le sous-amendement ; il est ainsi conçu :
« La présente constitution et la loi
organique relative aux droits politiques déterminent, en outre de cette
qualité, les conditions nécessaires pour l'exercice de ces droits. » (U. B., 22
déc., et A.)
- Ce sous-amendement n'est pas appuyé. (U. B., 22 déc.)
L'art. 1er, amendé par M. Charles Le Hon, est mis aux
voix et adopté. (P. V.)
Article 2. Nationalisation des étrangers
- La discussion s'ouvre sur l'art. 2. (U. B., 22 déc.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire :
« Art. 2. La naturalisation assimile l'étranger au
Belge pour l'exercice des droits politiques.
« Elle ne peut être accordée que par le
pouvoir législatif. »
Il y a un amendement de M. Devaux, le voici : « La
naturalisation est accordée par le pouvoir législatif.
« La grande naturalisation seule assimile l'étranger au
Belge pour l'exercice des droits politiques. » (U. B., 22 déc.,. A. C.,
et P. V.)
- L'amendement est appuyé. M. Devaux est admis à le
développer. (U. B., 22 déc.)
M. Devaux – Je serai
très court, messieurs ; et, si j'avais prévu que mon amendement dût entraîner
une aussi longue discussion que l'art. 1er je ne l'aurais pas proposé ; il est
urgent de hâter le travail de la constitution, et nous avons mis plus de deux
heures à adopter un article. Quand aurons-nous fini les 164 articles de la
constitution, si nous procédons aussi lentement ?
Je veux deux naturalisations, la petite et la grande ; l'une
et l'autre seront accordées par le pouvoir législatif. Si vous admettez le
système de la section centrale, il s'ensuivra que tous les naturalisés auront
les mêmes droits, et comme il est probable que la naturalisation s'accordera
facilement, on verra des étrangers devenir ministres, sénateurs, etc. Je ne
veux pas que semblable chose arrive, et il faut, pour l'empêcher, que le
législateur (page 563) sache bien
ce qu'il accorde en donnant la naturalisation ; cette seule distinction entre
la grande et la petite suffira pour fixer son attention sur les individus qui
demanderont la première, et il sera d'autant plus difficile que cette loi
donnera des droits plus étendus.
(U. B., 22 déc.)
M.
Forgeur – Je vote contre l'amendement comme complètement inutile.
Il faut, dit-on, que le législateur sache ce qu'il accorde ; mais, avec le système
de la section centrale, ne le saurait-il pas aussi bien que lorsqu'on aura
divisé la naturalisation en grande et en petite ? A quoi servirait d'ailleurs
la petite naturalisation ? à rien ; car un étranger peut venir en Belgique y
apporter son industrie, et il y jouira, sans être naturalisé, de la protection
des lois et de tous les droits civils des citoyens. Pourquoi donc fractionner
les individus en deux classes, dire à l'une : Vous irez jusque-là ; à l'autre :
Vous resterez en deçà ? Il me semble que la seule naturalisation suffit : nous
pouvons d'ailleurs nous en rapporter au bon sens des électeurs, qui n'enverront
pas légèrement des étrangers à la législature. (U. B., 22 déc.)
M. Van Snick – Qu'auront
ceux qui n'auront que la demi-naturalisation ? (U. B., 22 déc.)
M. Masbourg – Peut-être
que mon amendement concilierait tout. (U. B., 22 déc.)
M. le président – Il faut des
lumières pour le lire. (U. B., 22 déc.)
- La nuit est arrivée, on apporte des lumières.
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire,
lit l'amendement de M. Masbourg :
« Néanmoins l'étranger naturalisé ne sera admis aux fonctions
publiques qu'après dix ans de séjour en Belgique. » (U. B.,. 22
déc.)
M. Forgeur – Je demande
le rappel au règlement. L'amendement de M. Masbourg est une disposition
additionnelle ; il faut d'abord mettre aux voix l'amendement de M. Devaux.
(U. B., 22 déc.)
M.
le baron de Stassart – M. Forgeur a dit qu'il fallait s'en
rapporter au bon sens des électeurs, relativement à l'élection des étrangers
naturalisés. Mais je lui ferai observer que des étrangers peuvent devenir
ministres ; cela ne dépend pas des électeurs : je demande qu'il y ait deux
espèces de naturalisation. (U. B., 22 déc.)
M. Forgeur – Mais pour
devenir ministres, ils auront déjà obtenu la naturalisation. (U. B., 22 déc.)
M. le baron de Stassart
– Si vous n'avez
qu'une seule espèce de naturalisation, vous vous trouverez entre deux écueils :
vous vous montrerez trop faciles ou trop sévères. Il convient sans doute
d'accueillir favorablement celui qui se présente avec des capitaux ou des
connaissances industrielles; mais il ne faut pas que cet homme, tout utile
qu'il est à notre prospérité commerciale, à nos intérêts matériels, puisse
compromettre nos libertés ou notre indépendance politique, si le chef de l'État
le choisit pour ministre, quoique étranger à nos mœurs, à nos habitudes, à nos
institutions. On ne doit négliger, à cet égard, aucune précaution, et
l'amendement de M. Devaux me paraît fort sage. (Appuyé! Appuyé !)
(U. B., 22 déc.)
-
L'amendement de M. Devaux est adopté. (P. V.)
L'adoption
de cet amendement rend inutile celui de M. Masbourg. (U. B., 22 déc.)
M.
Van Snick propose
comme paragraphe la disposition suivante:
« Les
individus qui étaient établis en Belgique en janvier 1814, et qui, depuis cette
époque, out continué d'y résider, seront considérés à l'avenir comme Belges et
jouiront de tous les droits politiques, pourvu que, dans les six mois qui
suivront la publication de la loi fondamentale, ils déclarent à la municipalité
du lieu de leur résidence que leur intention est d'adopter
M. Raikem dit que cette proposition n'est pas à
sa place; ce sera l'objet d'un article additionnel à la constitution. (C., 22
déc.)
M. Van Snick ajourne sa proposition. (C., 22 déc.)
M.
le président consulte l'assemblée sur la question de savoir s'il y aura une séance du
soir. (C., 22 déc.)
-
L'assemblée décide qu'il n'yen aura pas. (C.. 22 déc.)
M.
le baron Osy demande que la commission chargée de faire un rapport sur la loi relative
à la chambre des comptes fasse son rapport demain. (U. B., 22 déc.)
M. le président – Si le budget ou la loi sur la chambre
des comptes me parvenait pendant la séance, je demanderais à l'instant si on
veut interrompre la discussion. (U. B., 22 déc.)
- Il est quatre heures et demie; la séance est levée. (P. V.)