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Congrès national de
Belgique
Séance du mercredi 5
janvier 1831
Sommaire
1) Communications des pièces
adressées au congrès
2) Proposition ayant pour objet la
reprise des hostilités avec
3) Election des membres de la cour
des comptes
4) Motion d’ordre relative à
l’ordre des travaux et demande du comité général sur la question du choix du
chef de l’Etat (et/ou complots orangistes) (Rogier, de Robaulx, Rogier, Rogier, de Celles, Van Snick, Lebeau, De Lehaye, de Celles, Delwarde, Rogier, A. Rodenbach, Van Meenen, De Lehaye, Destriveaux, Lebeau, Forgeur, de Coppin, d’Arschot, Destouvelles, Rogier, Raikem, Devaux, Surmont de Volsberghe,
Forgeur, Pirson, de Gerlache, A. Rodenbach, F. de Mérode, Devaux, Lebeau, Jottrand, Rogier)
(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles,
Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 2)
(page 20) (Présidence de M. le baron Surlet de Chokier)
La séance
est ouverte à midi et demi. (P. V.)
M. Henri de Brouckere, secrétaire, donne lecture du
procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)
COMMUNICATION DE PIECES ADRESSEES AU CONGRES
M. Liedts, secrétaire, présente l'analyse des
pétitions suivantes :
Les
géomètres du cadastre de la province de Namur présentent au congrès des
observations sur la situation critique où se trouvent aujourd'hui les travaux
et les employés du cadastre.
Quatre-vingts
à cent habitants d'Anvers présentent pour souverain de
M.
Pétry, artiste vétérinaire de première classe, à Momatte, appelle l'attention
du congrès sur l'abus de l'empirisme dans la médecine vétérinaire. (J. F., 7
janv., et P. V.)
- Ces
pièces sont renvoyées à la commission des pétitions. (P. V.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit une lettre de M. de Thier, qui
demande un congé de 10 jours. (U.B., 7 janv.)
- Ce congé est accordé.
(P. V.)
M. le président – Messieurs, la pièce que nous croyons
égarée s'est enfin retrouvée chez l'imprimeur. Elle sera distribuée aujourd'hui
; nous pourrons donc demain discuter le titre IV de la constitution. (U.B., 7
janv.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire – Voici une proposition de M. Pirson
:
« Le
congrès national, considérant que le protocole de Londres, du 20 décembre
dernier, qui avait été annoncé d'abord comme renfermant la reconnaissance
formelle du nouvel État de
« Déclare
que la victoire et le sort des armes décideront seuls sur la question d'intérêt
et de liquidation entre les deux pays ; à quel effet, et pour que le roi
Guillaume et ses sujets n'en prétextent cause d'ignorance, le présent décret
sera notifié aux avant-postes ennemis par des parlementaires ou hérauts
d'armes.
« Le
gouvernement provisoire est chargé de l'exécution du présent décret.
« 5
janvier.
« PIRSON. »
(U.B., 7 janv.)
-
Cette proposition est appuyée. (C., 6 janv.)
M. le président – M. Pirson a la parole pour la
développer. (C., 6 janv.)
M. Pirson – Messieurs, vous avez tous,
comme moi, sans doute, lu et relu le fameux protocole de Londres du 20 décembre
dernier, et votre indignation, comme la mienne, se sera accrue à chaque
lecture. Fiez-vous donc à la diplomatie qui, à Paris comme à Bruxelles, disait
avec jactance que l'indépendance de
Serait-ce
bien le paragraphe suivant dudit protocole qui contiendrait cette
reconnaissance ?
« La
conférence (l'assemblée des cinq envoyés) s'occupera de discuter et de
concerter les nouveaux arrangements les plus propres à combiner l'indépendance
future de
Est-ce là
une reconnaissance formelle ? Nous pouvons espérer d'être reconnus un jour ;
oui, (page 21) mais c'est
lorsque nous nous serons prêtés à des arrangements qui se rapprocheront le plus
possible du but des traités de 1814 et 1815. Ce but, messieurs. c'était
d'opposer une barrière à
« Ces
arrangements ne pourront affecter en rien les droits que le roi des Pays-Bas et
la confédération germanique exercent sur le grand-duché de Luxembourg. »
Pesez bien
tous les mots de ce dernier paragraphe, messieurs ; on ne met point en question
les droits sur le grand-duché. On les attribue positivement au roi des Pays-Bas
; seulement on dit, au présent, qu'il les exerce, tandis que c'est nous qui les
exerçons maintenant. A la vérité, nous n'avons pas encore un an et un jour de
possession.
On ne dit
rien de Maestricht, ni de la citadelle d'Anvers, probablement parce que le roi
des Pays-Bas les tient encore, et qu'on espère qu'il pourra s'y maintenir.
Rassemblons,
messieurs, les notions éparses que la discussion d'avant-hier nous a procurées.
Un membre
du comité diplomatique nous a dit que le roi de Hollande se proposait d'évacuer
la citadelle d'Anvers le 20 de ce mois.
C'est que
le 20 de ce mois il espère que les conférences de Londres nous auront encore un
peu mieux enlacés que nous ne le sommes.
Ces faits,
messieurs, déroulent à mes yeux un projet sur lequel il ne me reste point le
plus petit doute ; ce n'est ni plus ni moins qu'un partage que l'on médite.
Nous verrons bien, ou plutôt nous ne verrons point, parce que vous saurez
déjouer de perfides projets, j'espère.
Pour les
déjouer, ces projets, il faut les connaître. Les voici : Partant du principe
d'équilibre de 1815, équilibre qui n'avait pour but que de resserrer les
limites de
On sait
bien que nous ne convenons pas pour être les geôliers de
Maintenant
si vous voulez vous opposer à ce projet, c'est la guerre qu'il faut préparer,
et non dépêcher des envoyés à Londres ; appelez aux armes tous les
Luxembourgeois qui ne consentiront jamais à devenir Prussiens ; il n'en est pas
un qui ne réponde à l'appel. Que le mois de janvier ne finisse pas sans que
vous ayez une constitution et un roi ; ou bien renoncez à toute indépendance,
et allez très humblement recevoir par vos envoyés les ordres de
Rassemblons
encore d'autres notions qui corroborent mes prévisions.
Nos
diplomates ont d'abord nié qu'il y ait eu des pourparlers relatifs au choix
d'un chef du nouvel État de
On parle
bien du prince Othon de Bavière, mais (page
22) il est mineur, et une régence nous tiendrait dans le provisoire.
Le prince
de Salm-Salm ne parait pas avoir beaucoup de chance.
Quant au prince
d'Orange, il ne faut plus, je crois, y penser : d'abord parce que le congrès a
prononcé l'exclusion ; et puis l'on sait ce que sont les restaurations. Au
surplus, ce prince n'a pas un caractère assez ferme et assez judicieux pour
résister à des influences dorénavant insupportables aux Belges. Il y aurait
décidément scission dans la nation et dans l'armée, et peut-être la guerre
civile.
Eh bien !
messieurs, toutes ces exclusions nous réduisent à un prince indigène, ou à une
régence, ou à la réunion à
C'est la
diplomatie qui a créé tous nos embarras. Je l'ai dit et je le répète, le
gouvernement provisoire a été dupe et nous aussi par contre-coup.
En
révolution, il ne faut jamais s'arrêter, aussi longtemps qu'on n'a pas atteint
le but : le nôtre était d'affranchir la totalité de notre territoire ; nous le
pouvions facilement, lorsque la diplomatie est venue nous arrêter.
La nation
est dans le malaise, elle s'impatiente, elle nous accuse de ne rien avancer ;
mais elle ne connaissait point notre position ; qu'elle ne désespère point de
son salut, les difficultés augmentent le courage ; mais qu'elle n'aille point
se diviser, car alors tout serait perdu : plus de nationalité possible.
Si l'on
proclame le prince d'Orange au nord de
Messieurs,
une autre cause de division se manifeste. Lorsque les industriels du Midi
réclament prestement des lois protectrices contre le commerce anglais ; lorsque
la frontière de terre demande une loi d'égalité, et d'être traitée comme les
côtes de la mer, on répond aux premiers comme faisait le gouvernement
hollandais : L'intérêt des consommateurs, qui sont le plus grand nombre,
s'oppose à ce que vous demandez. Aux habitants de la frontière on répond :
Laissez, attendez ; il faut nous ménager des moyens de compensation pour un
traité de commerce avec
La justice
éternelle. messieurs (un orateur vous le répète souvent). la justice éternelle
veut que nous soyons tous égaux devant la loi, et que dans nos délibérations
nous ayons sans cesse en vue l'intérêt de tout le royaume et non l'intérêt
personnel ou provincial.
Je le
répète. rallions-nous tous de bonne foi, soyons justes et attentifs aux
intérêts de tous. Occupons-nous sans relâche de la loi fondamentale, pendant
que nos guerriers conquerront ce qui reste encore de notre territoire au
pouvoir de l'ennemi ; rivalisons d'activité, législateurs et soldats. et
bientôt nous arriverons ensemble à notre but commun. Alors nous n'aurons plus
que des feux de joie et non de bivac à allumer pour une fête de famille, dont
plusieurs, alors, envieront d'être le chef. (U.B., 7 janv.)
M.
le président – Messieurs, vous venez d'entendre le développement de la proposition de M.
Pirson ; l'assemblée veut-elle qu'elle soit renvoyée à l'examen des sections ?
(U.B., 7 janv.)
- Le
congrès ordonne le renvoi aux sections. (P.V.)
M. de Robaulx – Je demande que la proposition soit
déclarée urgente ; sans cela la discussion n'en viendrait qu'après la
constitution et il ne serait plus temps de s'en occuper. (U. B., 7 janv.)
M. le président met aux voix la proposition d'urgence
; elle est rejetée. (P.V)
M. Van Snick – Le refus de voter l'urgence équivaut
au rejet de la proposition. (U.B., 7 janv.)
M. le président – Le congrès a décidé. (U.B., 7 janv.)
ÉLECTION DES MEMBRES DE
M.
le président – L'ordre du jour appelle l'élection des membres de la cour des comptes ;
je vais tirer au sort quatre bureaux de scrutateurs. (U.B., 7 janv.)
M. de Langhe demande qu'il n'en soit nommé qu'un
seul, et qu'on dépouille le scrutin à haute voix. (U. B.. 7 janv.)
- Ces
deux propositions sont rejetées. (U. B., 7 janv.) .
(page 23) Une discussion s'engage sur la
manière de voter.
Il est
décidé que le président de la cour des comptes sera nommé par un bulletin
séparé ; les six membres ensuite, et le greffier finalement. (E.,7
janv.)
M. le comte de Quarré
témoigne son étonnement
de voir l'assemblée revenir sur sa décision. (E., 7 janv.)
M. le président – Cela vous étonne ; vous en verrez
bien d'autres. (E., 7 janv.)
M. Henri de Brouckere – L'assemblée vient de décider que les
élections se feront par trois bulletins séparés. (E., 7 janv.)
M. Devaux dit que le scrutin de liste serait
plus convenable. (E., 7 janv.)
M. le président – S'il m'est permis de vous donner mon
opinion, je vous préviens qu'en procédant par scrutin de liste, vous n'en
sortirez jamais. (E., 7 janv.)
M. Le Hon – La décision que nous avons prise
tantôt ne peut annuler le décret que nous avons porté. (E., 7 janv.)
-
L'assemblée décide qu'on votera par bulletin séparé pour chaque membre. (E.. 7
janv.)
M.
le président – tire au sort les quatre bureaux de scrutateurs ; ils sont composés ainsi
qu'il suit :
Premier
bureau : MM. le comte Cornet de Grez, Vandorpe, l'abbé Verduyn, Fendius.
Deuxième
bureau : MU. Frison, Vandenhove, le baron de Woelmont, de Langhe.
Troisième
bureau : MM. Gendebien (père). Annez de Zillebeecke, le baron de Terbecq,
Deleeuw.
Quatrième
bureau : MM. le baron Osy, le comte de Bergeyck. Berger, le comte Duval de
Beaulieu. (U. B., 7 janv.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, donne lecture de la liste des candidats
qui se sont présentés. (U. B., 7 janv.)
Élection du président
On procède
au scrutin pour l'élection du président. Le nombre des votants était de 158 ;
les scrutateurs trouvent 160 bulletins. (U. B., 7 janv.)
M.
de Robaulx – Puisqu'il y a 160 bulletins et seulement 158 membres inscrits, il se
pourrait qu'en faisant l'appel nominal il se trouvât en effet qu'il n'y a que
158 membres, et alors l'opération serait nulle. Je propose d'annuler
l'opération, et que chaque membre à l'appel nominal dépose son bulletin dans
l'urne. De cette manière, nous ne pouvons manquer d'arriver à un résultat
valable. - Adopté. (E., 7 janv.)
- On
procède à un autre tour de scrutin. (U. B., 7 janv.)
Pendant
cette opération, un des secrétaires lit une lettre de M. le
vicomte Desmanet le Biesme, demandant un congé de huit jours pour rester auprès
de sa femme qui est en couches. L'honorable membre espère que tous les bons
maris appuieront sa demande si les célibataires voulaient s'y opposer. (On
rit.) (U. B., 7 janv.)
- Le congé est accordé. (P. V.)
Le
dépouillement du nouveau scrutin donne le résultat suivant :
Nombre des
votants, 160.
M.
Théophile Fallon a obtenu 108 suffrages
M. Bareel,
20
M. le
baron de Terbecq, 7
M. Seron,
6
M. le
baron de Viron, 4
M.
Vandenhove, 6
MM. de
Peneranda, Carpentier, Wouters, Le Grelle et Wautier, 1. (J. F., 7 jan..)
M.
le président – Au nom du congrès national, je proclame M. Fallon président de la cour
des comptes. (U. B., 7 janv. et P.V.)
Une voix – Bravo ! (U. B., 7 janv.)
Election du premier conseiller
On
procède au scrutin pour la nomination du premier conseiller ; en voici le
résultat :
M. Seron a obtenu 45 suffrages.
M. Albert van
Hoobrouck de Mooreghem, 14
M. Willems, 25
M. Vandenhove, 10
M. le baron de Terbecq,
10
M. Bareel, 9
M.
Wautier, 8 (J. F., 7 janv.)
Personne n'ayant
obtenu la majorité absolue, on procède à un second scrutin, qui offre le
résultat suivant :
M. Seron a
obtenu 63 suffrages.
M.
Willems, 37
M. Albert van Hoobroùck de Mooreghem, 13
M. le
baron de Terbecq, 9
M. le
baron de Viron, 8 (J. F., 7 janv.)
(page 24) Aucun des candidats n'ayant
réuni la majorité des suffrages, on procède à un scrutin de ballottage entre
MM. Seron et Willems, qui ont obtenu le plus de voix ; le dépouillement du
scrutin donne pour résultat :
Nombre des votants, 159
M.
Willems a obtenu 89 suffrages.
M. Seron, 60.
En
conséquence M. Willems est proclamé premier conseiller de la cour des comptes.
(U. B., 7 janv., et P. V.)
M. le président – L'heure est avancée ; je propose de faire
encore deux scrutins, et de suspendre la séance, qui sera reprise à six heures
et demie.(U. B., 7 janv.)
Élection du deuxième
conseiller
On
passe à l'élection d'un deuxième conseiller.
M.
Seron a obtenu 40 suffrages.
M. Baudier, 12
M. Vandenhove, 11
M. Van Willighen, 16
M. Evenepoel, 6
M. Bosquet, 2
Aucun
de ces candidats n'a obtenu la majorité absolue. (J. B., 7 janv.)
M. Charles Rogier
– Messieurs, je désirerais
savoir si le congrès ne pourrait pas renvoyer à un temps plus opportun une
opération qui nous fait perdre un temps précieux. Je demanderai en même temps
si on s'est occupé dans les sections des divers projets de loi dont il a été
question dans la séance d'hier, et notamment de la proposition qui est relative
au choix du souverain ; enfin si la section centrale serait prête à nous faire
un rapport sur cet objet. (u. B., 7 jony.)
M. le président – J'aurai l'honneur de répondre à M.
Rogier, au nom de la section centrale. On s'est occupé dans les sections des
divers projets de loi, mais nous n'avons encore reçu que les procès-verbaux de
trois sections sur la proposition de M. Constantin Rodenbach, deux sur la résistance
légale, un sur la loi de transit, et un sur la question de la mort civile. Dans
un tel état, il est impossible que la section centrale puisse faire de rapport.
(U. B., 7 janv.)
M. Charles Rogier – Le président de la cour des comptes
étant nommé, il pourrait organiser ses bureaux, et nous, nous pourrions
ajourner la nomination des autres membres. (Non ! non ! murmures.) Je
persiste à croire que nous pourrions ajourner cette opération. Nous avons une
élection bien plus importante à faire, et il conviendrait beaucoup mieux de
s'occuper de la proposition de M. Constantin Rodenbach. Je ne demande pas qu'on
l'examine précipitamment ; au contraire, on doit y apporter maturité et
réflexion, mais il faut s'en occuper sans délai. Si j'insiste sur cette
proposition, c'est que je la crois urgente, et je pourrais le démontrer dans un
comité général. (Vive agitation.) (U. B., 7 janv.)
M. de Robaulx – Notre honorable collègue vient nous
annoncer qu'il a de graves motifs d'urgence ; qu’il s'explique tout de suite et
publiquement, afin que nous puissions les apprécier ; le congrès décidera.
Prétend-on qu'il y a dangers, périls ? il faut en sortir, et la
publicité seule peut faire cesser les craintes. (E., 7 janv.)
M.
le président – A la reprise de la séance, ce soir, pendant les scrutins, la section
centrale pourrait s'occuper de la proposition de M. Rodenbach. (Non ! non
! Tumulte.)
(Le président agite la sonnette et réclame le silence pour
entendre M. Rogier, qui monte à la tribune.) (U.B., 7 janv.)
M. Charles Rogier – Messieurs, les patriotes qui sont à
la tête du pouvoir n'ont jamais reculé devant la publicité de leurs actes ;
leurs démarches sont exposées au grand jour : chacun peut en faire l'objet de
ses censures, et c'est un droit dont on a usé largement. Toutefois, avant de
vous donner les explications que je crois devoir mettre sous vos yeux pour vous
prouver qu'il est urgent que le congrès s'occupe du choix du souverain, je vous
demanderai si l'assemblée veut m'entendre en comité général ou en séance
publique. (U.B., 7 janv.)
-
L'assemblée est dans une agitation difficile à décrire. Tout le monde parle à
la fois. Au milieu du bruit général, il est impossible de saisir aucun mot.
(U.B., 7 janv.)
M. Trentesaux – Ou il ne doit jamais y avoir de
comité général, ou il doit avoir lieu lorsqu'il s'agit d'une question aussi
importante. (Appuyé ! appuyé). (U.B., 7 janv.)
M.
le président – D'après le règlement, si vingt membres demandent le comité général, il
doit être mis aux voix ; que ceux qui partagent cet avis veuillent bien se
lever. - Les deux tiers de l'assemblée se lèvent. (Agitation.) (E., 7
janv.)
(page 25) Une voix – Et quand aura-t-il lieu ? (C., 7
janv.)
M. Alexandre Rodenbach – Je demande que
le comité général ait lieu tout de suite. (U.B, 7 janv.)
M.
le président – Vous venez de décider le comité général ; rassemblée veut-elle que ce
soit à l'instant ? (Bruits. Diverses agitations. Réclamations.) Si
un tel bruit se continue, je me verrai forcé de céder le fauteuil. (E.. 7
janv.)
Le
congrès décide qu'il se formera en comité général ce soir à six heures et demie
(1).
- La
séance est levée à quatre heures et demie. (P. V.)
(L’ouvrage d’Emile HUYTTENS reprend
ensuite en note de bas de page ce qui suit :)
Nous empruntons au Journal des Flandres le compte rendu de ce comité ; on sait que ce journal avait des relations avec plusieurs membres du congrès ; c'est ce qu'il déclare lui-même en disant ; « Nous donnons, d'après les renseignements que nous procurent nos correspondances, le résumé, que nous avons lieu de croire exact, de la séance du soir (5 janvier), tenue en comité général ». Voici ce qu'il en rapporte, dans son numéro du 7 janvier :
M.
Charles Rogier, qui avait provoqué le comité
général, s’exprime à peu près en ces termes – Plusieurs partis divisent
1° Le chef de l'État sera-t-il indigène ou étranger ?
2° Quel sera ce prince ?
3° S'il est mineur, lui nommera-t-on une régence ou un conseil de régence ?
4° Quel sera ce régent ? ou quelle sera cette régence ?
Que notre résolution souveraine coupe court aux lenteurs de la diplomatie et que l'Europe sache à quoi s'en tenir !
M. le comte de Celles
– M. Rogier a bien classé nos factions intestines ; ce n'est pour aucun
de ces partis antinationaux que le sang belge a coulé. Pour ma part, je les
répudie tous. Je ne veux de
M. Van Snick pense qu'il faut en finir d'une manière quelconque avec l'ennemi, avant de songer au choix d'un chef. Au reste, c'est dans notre pays qu'il faudra le chercher. L'honneur national réprouve cette manie de tout chercher au dehors. D'ailleurs, la position d'un étranger serait précaire, insoutenable même en Belgique.
M. Lebeau
demande que le comité diplomatique veuille déclarer quelles sont les exclusions
que
M. le comte de Celles –
M. Lebeau – Le duc de Leuchtenberg est-il exclu ?
M. le comte de Celles – Je ne connais d'autre exclusion que celle du duc de Nemours.
M. De Lehaye
demande si, après avoir refusé le duc de Nemours à M. Gendebien,
- Des pourparlers très vifs s'échangent
entre plusieurs membres. On entend M. le comte de Celles dire : J'aime et
j'honore le grand peuple français, mais je suis Belge avant tout ! (Applaudissement.
prolongés.)
M. Delwarde se prononce pour la France, parce qu'elle a été le mobile de notre révolution.
M. Destriveaux – Nous n'avons pas encore à procéder au choix du chef de l'État. Restons dans la question : l'urgence de nous décider.
M. Forgeur ne voit pas cette urgence et ne sait pourquoi on n'achèverait pas d'abord l'œuvre de la constitution.
M. Charles Rogier dit que des complots se trament et qu'une prompte décision peut seule les déjouer. II parle de réunions séditieuses, de drapeaux oranges, etc.
M. Alexandre Rodenbach dit qu'on signe ouvertement à Gand en faveur de la dynastie abattue.
M. Van Meenen – La pétition de Gand est une affaire dont le congrès n'a pas à s'occuper. J'en ai connaissance, et justice se fera... L'honorable membre ne voit pas l'urgence de procéder à l'élection du chef de l'État. L'assemblée constituante n'a-t-elle pas employé treize mois à faire la constitution ?
M. De Lehaye dit que plusieurs signataires de la pétition de Gand, en faveur du prince d'Orange, rétracteraient leurs signatures s'ils voyaient la possibilité d'avoir un prince français (Note de bas de page : Ce résumé du discours de M. de Lehaye a été donné par le Journal des Flandres, dans son numéro du 9 janvier, comme une rectification du compte qu’il en avait rendu deux jours avant)
M. le chevalier de Theux de Meylandt croit qu'il y a urgence de s'occuper de l'élection d'un chef, maintenant surtout que le moment est propice pour s'en occuper avec calme et maturité.
M. François partage l'opinion de M. Van Meenen et cède la parole à M. Destriveaux.
M. Destriveaux dit qu'il n'y a pas urgence, puisqu'on invite l'assemblée à procéder lentement. Dès lors, pourquoi intervertir l'ordre des discussions ?... S'il y a des conspirateurs, les chefs de parquet qui siègent parmi nous ne molliront pas.
M. Lebeau désire que l'on continue à discuter la constitution et qu'entre-temps on prenne des informations positives auprès du cabinet français, afin qu'on sache d'avance si le choix du duc de Nemours serait agréé.
M. Forgeur dit que ce n'est pas sur une réponse que le roi Louis-Philippe donne en présence de son ministère et de la diplomatie européenne qu'il faut examiner la question ; (page 26) mais qu'il faut choisir ce prince ou son fils et réclamer sa parole et sa réponse en présence de son peuple et du peuple belge, mais que rien ne presse de le faire, avant que notre constitution soit votée.
M. le baron de Coppin est tellement convaincu de l'urgence d'un chef définitif qu'il quittera le gouvernement provisoire, si le congrès ne s'occupe de cette grande affaire, toute autre cessante.
M. le comte d’Arschot rappelle ce qu'a dit M. le comte de Celles, que le roi Louis-Philippe refusera son fils, le duc de Nemours, lors même que le congrès viendrait à choisir ce prince. Et c'est précisément parce que, nonobstant cette déclaration, l'Europe nous croit encore résolus à choisir le duc de Nemours, que nous devons la rassurer, en nous donnant un autre chef.
M. Wannaar demande à quel Belge le roi de France a fait cette déclaration.
Voix nombreuses – A M. Gendebien.
M. Destouvelles dit que puisque les paroles des membres du gouvernement, MM. Rogier et de Coppin, se trouvent en opposition avec ceux des organes mêmes de la justice, MM. Van Meenen et autres, il serait dorénavant à désirer que le gouvernement communiquât avec le congrès par message écrit, conformément à l'article 12 du règlement. Alors on aura quelque chose de mieux que des paroles vagues, incohérentes ou contradictoires.
M. Charles Rogier répond qu'il n'a parlé que comme député, que les faits allégués sont certains, et que si les officiers du ministère public n'en sont pas instruits, c'est qu'ils ne remplissent pas leur devoir avec toute l'exactitude désirable.
M. Raikem défend les officiers du ministère public, que M. Rogier vient d'attaquer. La justice, dit-il, ne peut agir que dans les cas prévus par la loi ; mais tonte menée n'est pas nécessairement un complot, un délit ; c'est à la sagesse du gouvernement à prévenir ces menées. II est souvent trop tard de les atteindre, lorsqu'elles ont pris le caractère de la sédition. Il y a urgence de s'occuper du chef de l’État.
M. Van Meenen est loin d'avoir ignoré les faits auxquels M. Rogier fait allusion, mais il croit qu'on en a exagéré la gravité et ne veut pas qu'on donne aux choses plus d'importance qu'elles n'ont en effet.
M. Devaux – D'après tout ce qui vient d'être dit, de part et d'autre, il y a urgence de choisir un chef pour l'État. Nous exposerions notre responsabilité en atténuant les dangers qui nous menacent, Les partis intriguent et conspirent ; le pays souffre et s'alarme. Il n'y a qu'une voix sur la nécessité d'en finir. C'est sous les trois couleurs françaises que l'orangisme se réfugie en désespoir de cause. Ce sont des traîtres qui arborent un drapeau étranger ! (Bravo ! bravo !)
M. Surmont de Volsberghe
– Il n'est que trop réel qu'on signe à Gand pour le prince d'Orange. Ce fait,
en opposition avec le décret qui exclut à perpétuité la dynastie de Nassau,
prépare une contre-révolution et devient dès lors punissable devant les
tribunaux. Du reste, je suis convaincu qu’il faut mettre un terme au
provisoire, mais qu'on se garde de donner
M. Forgeur
prend encore la parole, afin de prouver qu'on peut différer l'élection du chef
de l'État ; il s'appuie, cet égard sur la réponse même du comité diplomatique
au protocole des cinq puissances qui ne s'occupent pas même des limites de
M. Pirson – La nation est impatiente ; il s'agira donc, après ce comité général, de lui faire un rapport franc et naïf des embarras que nous éprouvons, de lui prouver que trop d'exigence de sa part serait injuste, et qu'il serait difficile d'aller plus promptement que nous n'allons. L'orateur croit que l'adoption de la forme purement républicaine eût prévenu de grandes difficultés. Il combat le reproche d'anarchisme qu'on adresse aux républicains. (Cette partie du discours de M. Pirson provoque de vives interpellations en sens divers.)
M. de Gerlache croit la discussion assez éclairée. Venons-en, dit-il, à une conclusion. Le mécontentement est général, les autorités sont dépourvues d'action et de vigueur. Sans être terroriste, on peut craindre de se réveiller un beau matin sous le drapeau orange. Nous n'avons rien à espérer des Français, ils nous ramèneraient à l'ordre de choses que nous venons de renverser. En attendant que nous ayons vidé la question qui nous occupe, je demande qu'on fournisse de nouvelles armes au ministère public pour réprimer la révolte qui se propage.
M. Alexandre Rodenbach demande que l'on envoie deux membres du congrès à Paris et deux autres à Londres pour s'assurer des intentions des puissances.
M. le comte Félix de Mérode – Un prince français ferait notre bonheur, mais ce choix compromettrait notre indépendance en allumant la guerre générale. On semble nier les conspirations, mais ne nous endormons pas. Il y avait du calme aussi la veille du jour où l'hôtel de l'odieux Van Maanen fut incendié.
M. le chevalier de Theux de Meylandt veut aussi qu'on sorte du provisoire.
M. Devaux propose
: 1° Que le comité diplomatique prenne les informations convenables auprès des
puissances étrangères ; 2° que quatre membres du congrès soient nommés au
scrutin secret, pour être adjoints à cet effet au comité diplomatique ; 3°
qu'en attendant que la nation ait choisi son roi, on nomme un gouverneur
général de
M. Lebeau propose un projet de loi contre le déploiement de couleurs qui ne seraient pas celles de la nation.
M. Pirson demande que ce projet soit présenté le lendemain en séance publique.
M. Devaux demande que du moins on décide si son projet, ainsi que celui de M. Lebeau, seront envoyés en sections.
M. Charles Rogier demande si le congrès continuera à s'occuper du chef de l'Etat.
M. le président – Sans doute, puisque les sections se sont déjà occupées de la proposition de M. Rodenbach sur le même sujet.
M. Jottrand demande qu'avant de procéder à la mise aux voix de la question d'urgence, on fasse connaître à la nation que ses représentants s'occuperont, avant toute autre chose, de choisir le chef de l'État.
- On met aux voix s'il est urgent de s'occuper du choix du chef de l'État. Il est décidé que oui.
M. Charles Rogier demande si les délibérations auront lieu en séance publique ou en comité général.
- On répond que ce point sera décidé, après que, le lendemain, la section centrale aura fait son rapport sur les opérations des diverses sections.
M.
Jottrand insiste pour la plus grande publicité possible. (Appuyé.)
- Ainsi à demain le rapport de la section centrale, ensuite la décision sur le comité général ou la séance publique.
La séance est levée à dix heures et demie du soir.