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Congrès
national de Belgique
Séance du
vendredi 21 janvier 1831
Sommaire
1) Communications des pièces
adressées au congrès
2) Démission d’un membre (Janssens)
3) Projet de constitution. Titre
II (Des Belges et de leurs droits). Articles additionnels sur :
a) le droit de résistance
aux actes illégaux des fonctionnaires publics et droit de poursuite (notamment
à l’égard des ministres) (de Robaulx, de Theux, Lebeau, Forgeur, Van Meenen, (Thorn), de Theux, Lebeau, Forgeur, Van Meenen, Barthélemy, Fleussu, Devaux, Jacques, Claus, Forgeur)
b) l’abolition de la mort
civile (Beyts, de Sécus (père), Jottrand, Trentesaux, Defacqz, Devaux, de Robaulx, Raikem, Barthélemy, Devaux, Raikem, Defacqz)
4) Projet de constitution
(Titre III) : Du pouvoir judiciaire. Cour de cassation (Forgeur, Raikem, Lebeau, de Robaulx, Van Meenen, Raikem, Forgeur),
publicité des audiences (Forgeur, Lebeau, Raikem, Destouvelles, Lebeau, Forgeur, Destouvelles, de Theux),
institution du jury (de Robaulx, de Leuze, Raikem, de Sécus (père))
(E. HUYTTENS, Discussions du
Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe
Wahlen et Cie, 1844, tome 2)
(page
223) (Présidence de M. de Gerlache)
La séance
est ouverte à une heure. (P. V.)
M. Liedts, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il
est adopté. (P. V.)
COMMUNICATION DE PIECES ADRESSEES AU CONGRES
M. Liedts, secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes
:
Les
bourgmestres et assesseurs des communes de Flobecq, Everbecq et Wodecq
demandent que le chef-lieu du canton soit transféré d'Ellezelles à Flobecq.
M.
Chartol, médecin à Sambre, manifeste ses craintes que l'arrêté du 2 avril 1829,
qui détermine le mode de nomination des médecins des pauvres au plat pays, ne
soit rapporté.
Trois
habitants de Neuville émettent le vœu que le choix du congrès se porte sur
Louis-Philippe le roi des Français, qui régirait
Une
trentaine d'habitants de Villers-le-Gambon expriment le même vœu.
Même
demande de la part de huit habitants de Vodecée (province de Namur).
Le
bourgmestre de la commune de Villers-Deux-Églises atteste que les habitants de
sa commune désirent également de voir Louis-Philippe élevé au trône de
M.
Claes, à Louvain, demande que la police soit promptement organisée dans cette
ville.
Plusieurs
habitants de Wilryck réclament contre les élections municipales de leur
commune.
M. de
Rotard, à Bruxelles, demande que la nomination des membres du clergé soit
abandonnée à l'élection des citoyens.
Trente et
un bateliers de la province de Liége demandent la réforme des impôts qui
frappent particulièrement le batelage.
M.
Winaer, de Bruxelles, s'élève contre toute réunion de
M.
Duvier, de Bruxelles, propose le prince Auguste de Leuchtenberg pour chef de
l'État. (U. B., 23 janv. et P. V.)
-
Toutes ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions. (P. V.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, donne lecture d'une lettre par
laquelle M. Janssens annonce que ses nombreuses occupations le forcent à donner
sa démission de membre du congrès. (U. B., 23 janv. et P. V.)
- Pris pour
notification. (P. V.)
M. le président invite la
commission chargée de la vérification des pouvoirs des députés et suppléants
élus par
PROJET DE
CONSTITUTION. TITRE II (DES BELGES ET DE LEURS DROITS). ARTICLES ADDITIONNELS
SUR LE DROIT DE RESISTANCE AUX ACTES ILLEGAUX DES FONCTIONNAIRES PUBLICS ET SUR
Article
additionnel relatif aux droits de résistance aux actes illégaux des
fonctionnaires (article 20)
L'ordre du
jour appelle la discussion des conclusions de la section centrale sur les
propositions de MM. de Robaulx et Thorn, concernant le droit de résistance aux
actes illégaux des fonctionnaires (page
224) publics, et sur celle de M. le
baron Beyts concernant l'abolition de la mort civile. (P. V.)
M. le
président – Vous vous souvenez, messieurs, que la section centrale a proposé l'ordre
du jour sur la proposition de M. de Robaulx et sur la première partie de celle
de M. Thorn, et qu'à la place de la deuxième partie elle a proposé une
disposition ainsi conçue :
« Nulle autorisation préalable n'est nécessaire pour exercer des poursuites contre les fonctionnaires publics, pour
faits de leur administration, sauf ce qui est statué à l'égard des
ministres. » (U. B., 23 janv. et A. C.)
M.
de Robaulx demande que les motifs qui
ont déterminé la section centrale à passer à l'ordre du jour sur sa proposition
soient communiqués.
Si la section centrale, dit-il,
est le résumé des opinions de toutes les sections, si l'opinion de la majorité
des sections prouve celle du congrès, j'en tire la conséquence que nous ne
sommes pas encore assez mûrs pour adopter formellement un pareil principe ;
quant à moi, je crois que la résistance aux actes illégaux des autorités est légitime, et je ne persiste dans cette pensée que parce que, sans cela,
l'inviolabilité du domicile, la liberté individuelle et des cultes, si
pompeusement proclamées, ne sont que de vains mots.
Je
remarque cependant que le motif de la section centrale et celui qui paraît
diriger l'assemblée, c'est qu'il est inutile de consacrer ce principe dans la
constitution, quoiqu'il soit vrai en lui (adhésion générale). Le rapport
le prouve suffisamment, la question demeure donc entière et les tribunaux
restent juges de savoir si les faits et circonstances constatent l'illégalité
de l'acte, de manière à autoriser la résistance. En adoptant l'ordre du jour,
le congrès ne rejette donc pas le fond de la proposition. Je la maintiens et la
crois utile dans la constitution. (J. F., 23 janv.)
M.
le chevalier de Theux de Meylandt pense
qu'il faudrait admettre la poursuite contre tous les fonctionnaires publics
sans exception ; il propose en conséquence un amendement tendant à supprimer de
l'article les mots : sauf ce qui est statué à l'égard des ministres. (U. B., 23 janv., et A.)
M. Lebeau – Je ferai remarquer que cet amendement rentre dans celui proposé hier par
M. François, et qui a été renvoyé à la section centrale. (U. B., 23 janv.)
M.
Forgeur demande la lecture de la
proposition de M. de Robaulx. (U. B., 23 janv.)
M. le président – La voici :
« La résistance aux actes
illégaux des fonctionnaires ou agents de l'autorité est légitime. » (U. B., 23 janv.)
M. Forgeur – J'avoue, messieurs, que dans ma
section j'ai voté pour l'adoption de la proposition de M. de Robaulx, et je
suis encore de la même opinion. (U. B., 23 janv.)
M. Van Meenen – Je crois, messieurs, que tout le
monde est d'accord sur le principe posé par l'honorable M. de Robaulx. Mais,
pour en faire un article constitutionnel, il est permis d'hésiter. Cette proposition est l'expression d'une pensée dont la vérité n'est contestée par personne, mais qui serait
certainement dangereuse dans l'application, et qui pourrait entraver
l'exécution de la loi elle-même, en donnant à tout instant occasion à une
résistance fondée sur un prétendu droit, dont chacun se constituerait juge.
D'ailleurs il faudrait savoir ce qu'on entend par résistance. Est-ce une
résistance passive ? celle-là n'aurait pas besoin d'être consacrée dans la
constitution. Est-ce une résistance active et par la force ? je n'ai pas besoin
de vous démontrer combien elle serait dangereuse. Ce sont ces considérations
qui ont frappé la section centrale, et qui l'ont déterminée à vous présenter l'article en discussion. (Aux voix ! aux voix !) (U. B., 23 janv.)
M. de Robaulx – Si nous sommes tous d'accord sur
la vérité du principe, je ne vois nul empêchement à ce qu'il en soit fait
mention au procès-verbal, si l'assemblée est convaincue qu'il est inutile d'en
faire l'objet d'un article de la constitution. (Oui, oui.) (J. F., 23
janv.)
M. Liedts, secrétaire, lit l'amendement de M. le chevalier de Theux de Meylandt. (U. B., 23 janv.)
M. Forgeur – L'amendement de M. de Theux ne s'applique pas à la proposition de M. de
Robaulx. (U. B., 23 janv.)
- La proposition de M. de
Robaulx est mise aux voix et rejetée. (P. V.)
On passe
à la proposition de M. Thorn, ainsi conçue :
« Les Belges ont le droit de refuser
leur obéissance et, au besoin, d'opposer la force à tout acte illégal des
autorités et à tout acte illégalement exercé.
« Ils peuvent poursuivre, en
réparation des atteintes portées à leurs droits, tous ceux qui ont (page 225) sollicité, expédié, signé,
exécuté ou fait exécuter les actes dont ces atteintes sont résultées, et ce, à
partir de l'auteur immédiat de ces actes et sans avoir besoin d'obtenir aucune
autorisation préalable. » (A. C.)
- La première partie de cette
proposition est mise aux voix et rejetée. (P. V.)
La discussion s'ouvre sur la
seconde partie de cette proposition et sur la disposition de la section centrale. (J. B., 23 janv.)
M.
Barthélemy demande le renvoi de l'amendement de M. de Theux à la section centrale. (U. B., 23 janv.)
M.
le chevalier de Theux de Meylandt – Le motif de mon amendement est de ne pas faire d'exception en faveur des
ministres quand il s'agit de dommages-intérêts. Il a été décidé hier qu'ils ne
pouvaient être poursuivis pour délits qu'en vertu d'une autorisation de la
chambre des représentants ; mais il a été reconnu que cette autorisation
n'était pas requise pour agir civilement. L'exception devient donc inutile. (J. B., 23 janv.)
M. Lebeau – Je n'ai pas d'opinion formée sur l'amendement de M. de Theux, mais il me
semble dangereux ; car si vous constituez les tribunaux ordinaires juges des
dommages commis par des ministres, et que vous dispensiez les poursuites
d'autorisation, il n'est pas de mauvaises contestations auxquelles ils ne
soient en butte. Il me semble qu'au lieu d'improviser par un amendement un système qui touche aux plus hauts intérêts de l'État, il serait plus sage de renvoyer l'examen de cette question aux
rédacteurs du projet de loi sur la responsabilité ministérielle. (U. B., 23 janv.)
M. Forgeur – Il me semble que l'honorable préopinant
a traité une question autre que celle qu'il s'agit d'examiner. L'article de la
commission, amendé par M. de Theux, ne s'occupe pas de savoir si les ministres
pourront être jugés par les tribunaux ordinaires, mais seulement s'il sera
permis d'exercer des poursuites contre eux sans autorisation. Ce point décidé,
on verra à quels tribunaux devra être confié le jugement des ministres ;
j'appuie donc l'amendement de M. de Theux. (U. B.,
23 janv.)
M. Van Meenen – Le mot poursuites est trop vague,
car il y a des poursuites de plusieurs espèces ; il y a des poursuites au
criminel, au civil, au correctionnel, etc. Il faudrait qu'on sût que les
particuliers ont le droit de poursuivre les ministres en dommages et intérêts.
La rédaction de la section centrale me semble susceptible d'être modifiée. (U. B., 23 janv.)
M. Barthélemy appuie la proposition de M. Lebeau, parce qu'il faudra,
dit-il, distinguer pour quels cas l'autorisation sera ou ne sera pas
nécessaire. Il faut éviter, par exemple, qu'un ministre puisse être poursuivi
civilement, du chef d'un délit non poursuivi publiquement, sans qu'une autorisation préalable ait
été obtenue ; car il pourrait arriver, dans le
système contraire, qu'un ministre fût poursuivi devant un juge de paix, qui, à
l'occasion d'une simple demande de réparation civile, jugerait cependant de la
constitutionnalité ou de l'inconstitutionnalité d'un acte ministériel. (C., 23 janv.)
M.
Fleussu, rapporteur, soutient
les conclusions de la section centrale. Il croit que les ministres ne doivent
être à l'abri des poursuites auxquelles ils s'exposent, qu'en ce qui regarde
les poursuites à fin publique. Pour ces dernières poursuites, on leur donne un
accusateur et un juge particulier, d'après ce qui a été admis hier au chapitre des ministres. Pour les poursuites à fin civile, ils restent
dans le droit commun. (C., 23 janv.)
M. Devaux – Je demande que vous confirmiez purement et simplement l'article de la
section centrale ; car il ne s'agit pas seulement dans cet article de
poursuites civiles, mais encore de poursuites criminelles, qui certes ne
peuvent être faites sans autorisation, puisque la chambre seule des
représentants a le droit d'accuser les ministres. L'amendement de M. de Theux
détruirait l'économie de cette disposition : je vote pour son rejet. (U. B.,
23 janv.)
Plusieurs orateurs sont
encore entendus. (U. B., 23 janv.)
M.
Jacques propose l’amendement suivant
:
« Chacun peut poursuivre en
réparation des atteintes portées à ses droits et sans autorisation préalable,
tous fonctionnaires et agents publics qui ont signé, exécuté, ou fait exécuter
les actes dont ces atteintes sont résultées. » (A.)
M. Claus demande de remplacer les mots : pour faits de leur administration, par ceux-ci : pour faits relatifs à leurs fonctions. (A.)
M.
Forgeur propose un amendement qui
conserve dans l'article de la section centrale les mots : sauf ce qui est statué à l'égard des ministres, en y ajoutant les mots : par
l'article 66. Il demande ensuite qu'on ajoute :
« Nulle
autorisation n'est également requise pour poursuivre les ministres devant les tribunaux
civils. » (C., 23 janv.)
M.
Jottrand – Les tribunaux civils n'examineront pas si l'action est civile ou criminelle, mais si le plaignant
est lésé. (J.
B., 23 janv.)
(page 226) M. Forgeur – Le juge civil devra surseoir si la
chambre des représentants accuse le défendeur, sinon elle pourra le condamner
civilement. (J. B., 23 janv.)
Après une discussion de
droit, on met aux voix l'ajournement et le renvoi aux sections des amendements et
de la proposition de la section centrale. L'ajournement et le renvoi ne sont
pas admis. (C., 23 janv.)
- L'amendement de M. le
chevalier de Theux de Meylandt est mis aux voix et rejeté. (C., 23 janv.)
Il en est de même de ceux de
MM. Jacques et Claus. (P. V.)
L'amendement de M. Forgeur
est ensuite mis aux voix ; il est également rejeté. (C., 23 janv.)
Reste l'article proposé par la
section centrale qui est mis aux voix et adopté ; il formera l'art. 20 du titre
II. (P. V.)
Article relatif à l’abolition de la mort civile
On passe à la discussion de
la proposition de M. le baron Beyts ; elle est ainsi conçue :
« La pénalité de la mort civile
est abolie ; elle ne peut être rétablie. »
La section centrale en a proposé
l'ajournement jusqu'au moment où l'on s'occupera de la révision des Codes civil et pénal. (J. F., 23 janv.
et A. C.)
M. le baron Beyts – Messieurs, lorsque j'ai proposé l'abolition de
la mort civile, je l'ai fait pour qu'elle fût constitutionnellement abolie, à
l'effet qu'elle ne pût jamais être rétablie. En prononcer l'ajournement
jusqu'au remaniement des Codes, c'est l'ajourner à dix, à cent ans, peut-être,
aux calendes grecques enfin. (On rit) La section centrale, en refusant
de faire de ma proposition un article constitutionnel, n'a pas compris ou n'a
pas su se rendre compte des motifs qui me l'avaient dictée. J'ai voulu abolir
pour jamais, afin que le législateur fût dans l'impossibilité de la rétablir,
une peine odieuse et bizarre tout à la fois, puisqu'elle déclare mort un homme
vivant, un homme qui mange, un homme qui doit encore mourir.
Nous avons examiné cette peine,
dans ma section, sous le rapport du mariage, et nous avons perdu trois jours
pour savoir ce qu'il fallait penser de la position actuelle de M. et de
Mme..... (U. B., 23 janv.)
M. Raikem – De Polignac ? (U. B., 23 janv.)
M. le baron Beyts – Oui, de Polignac. (On rit.) Sont-ils encore mariés ? ne le sont-ils plus ? Ceux qui ont examiné la
question sous le rapport religieux (et je respecte fort les idées religieuses,
sans toutefois aller jusqu'à l'ultramontanisme) ont pensé qu'en conscience M.
et Mme de Polignac pourraient cohabiter ensemble. Ceux qui ne considèrent la
question que sous le rapport civil, ne peuvent s'empêcher de trouver
extraordinaire qu'un mort puisse avoir commerce avec un vivant. Faites
disparaître celte bizarrerie ; car si vous adoptiez les conclusions de la
section centrale, il pourrait arriver que la question restât entière encore
pendant dix ans si, comme cela est arrivé en Hollande, nous perdons dix ans à
refaire des Codes qui, en définitive, vaudront peut-être moins que ceux qui
nous régissent. Si vous êtes convaincus, dès ce moment, de l'odieux et de la
bizarrerie de cette peine, ne vous opposez pas à son abolition irrévocable ;
faites le bien quand on vous en donne l'occasion et qu'on vous y provoque. Je
persiste de plus fort dans ma proposition. (U. B.,
23 janv.)
M. le baron de Sécus (père) rappelle que lors de la discussion
du Code civil belge, il y avait déjà unanimité sur l'abolition de la mort
civile. (J. B., 23 janv.)
M.
Jottrand soutient la proposition de
M. Beyts, et dit que l'ajournement proposé par la section centrale est aussi
logique qu'il l'aurait été en 1815, lorsqu'on fit la loi fondamentale,
d'ajourner l'abolition de la peine de la confiscation jusqu'au remaniement des
Codes. (U. B., 23 janv.)
M. Trentesaux – Messieurs, il est facile d'accuser une loi de bizarrerie, et de prouver
cette bizarrerie par des oppositions qui en effet frappent tous les esprits au premier
abord, quand elles sont présentées comme l'a fait M. Beyts. Mais on ne
réfléchit pas que la mort civile n'est que métaphorique, et que son abolition
pure et simple peut entraîner des inconvénients. En faisant un Code pénal, vous
serez obligés, vous serez forcés d'attacher à certaines condamnations la
privation de tels ou tels droits civils. Si vous ne voulez pas employer le mot
de mort civile, vous en emploierez un autre ; mais, en changeant les mots, vous
conserverez au moins une partie de la chose. Le mot ne m'effraye pas ; je ne
crois pas que vous puissiez abolir la chose sans refondre la loi pénale et
votre système de pénalité. C'est pour ces motifs que j'appuie les conclusions
de la section centrale. (U. B., 23 janv.)
M. Defacqz – Messieurs, il est certain
que la mort civile est une peine monstrueuse, bizarre et perpétuellement en
contradiction avec la nature des choses. Son abolition est désirable ; elle
nous était promise par le Code civil refait sous l'ancien gouvernement. J'en
appuierais volontiers l'abolition constitutionnelle ; cependant il faut prendre
garde d'ouvrir dans la législation pénale une lacune qui la rende absurde,
inconséquente, et (page 227) partant
injuste. La mort civile est attachée à la peine des travaux forcés à perpétuité
et à la déportation ; si vous l'abolissez, les condamnés à ces peines
conserveront leurs droits civils, et sous ce rapport ils seront traités plus
favorablement que les condamnés aux travaux forcés à temps, à la réclusion ou
au bannissement ; car ceux-ci, pendant la durée de leur peine, perdent la
jouissance de certains droits, en vertu des art. 28, 29, 30 et 31 du Code
pénal. Pour prévenir cette injustice, il faudrait mettre les condamnés sur la
même ligne, par rapport à l'exercice des droits civils, et pour cela il serait
nécessaire d'abroger les articles ci-dessus, ou de les concilier ; mais cela va
nous entraîner à la réforme de la législation pénale, et nous faire sortir du
cercle dans lequel nous avons circonscrit nos occupations. Je pense qu'il est
convenable et prudent d'adopter les conclusions de la section centrale ;
cependant, si vous décidiez le contraire, je proposerais une disposition
additionnelle ainsi conçue ;
« Jusqu'à la révision des
lois pénales, les dispositions des art. 28, 29, 30 et 31 du Code pénal seront
applicables aux individus condamnés à des peines qui, aux termes de ce Code,
emportaient la mort civile.» (U. B., 23 janv. et A.)
M. Van Snick appuie la proposition de M. le
baron Beyts. (U. B., 23 janv.)
M.
Devaux – Nous ne pouvons pas adopter ex
abrupto l'abolition de la mort civile, avant de savoir par quoi nous
pourrons la remplacer : il s’élèvera d'ailleurs une autre question, celle de savoir
si ceux qui sont déjà condamnés renaîtront à la
vie civile ? Dans tous les cas il n'y aurait aucun inconvénient à ajourner,
sinon jusqu'à la confection nouvelle des Codes, du moins jusqu'à la fin de la
constitution. Il y aura en effet un article transitoire qui soumettra à la
révision, après un délai déterminé, les dispositions relatives à la peine de
mort et à la marque ; il serait temps alors de s'occuper de la proposition de
M. Beyts. (U. B., 23 janv.)
M. de Robaulx – Messieurs, j'appuie la proposition de M. Beyts, sans être arrêté par
l'argument de M. Defacqz, relatif à la disparité qui existerait entre les
condamnés aux travaux forcés à perpétuité on à la déportation et les condamnés aux
travaux forcés à temps ou à la réclusion. Les peines ne sont pas appliquées par
esprit de vengeance, mais dans le but de corriger les coupables. Et lorsque la
mort civile sera abolie, il ne faudra pas s'arrêter là. Alors devront
disparaître de notre législation toutes les peines perpétuelles. C'est comme
acheminement à cette amélioration que je vote pour la proposition de M. Beyts.
Je pense de plus, que, si vous l'adoptez, tous les morts civilement renaîtront
à la vie civile. (U. B., 23 janv.)
M. le baron Beyts fait valoir quelques nouvelles considérations en
faveur de sa proposition. (C., 23 janv.)
M. Le Bègue appuie cette proposition. (J. B., 23
janv.)
M. Raikem – Dans le moment actuel, à moins de refondre le Code pénal, vous ne pouvez
rien faire pour améliorer la condition des condamnés à une peine emportant la
mort civile. La seule chose que vous leur accordez, c'est le droit de faire un
testament et d'instituer un héritier testamentaire. (Aux voix ! aux voix !)
(U. B., 23 janv.)
M. Barthélemy dit que cette peine est un reste de barbarie qu'il faut s'empresser de
faire disparaître. (\J. B., 23 janv.)
- Les conclusions de la section
centrale tendant à faire prononcer l'ajournement de la proposition de M. le
baron Beyts sont mises aux voix et rejetées. (P. V.)
M.
Devaux – M. Beyts a l'intention de
dire : « La peine de mort ne pourra plus être prononcée, » et non
pas abolie ; car, en l'abolissant, vous rendez à la vie civile tous ceux
qui sont déjà condamnés à des peines emportant la mort civile. (U. B., 23 janv.)
M. Raikem, au lieu de : La pénalité de
la mort civile est abolie, propose de dire : La mort civile est abolie.
(P. V.)
- La proposition de M. le baron
Beyts ainsi (page 228)
amendée est mise aux voix et adoptée. (P. V.)
M. Defacqz, sur
l'observation de MM. Raikem, Destouvelles et
Le Hon, retire sa
disposition additionnelle, qu'il reconnaît ne pas pouvoir trouver place dans la
constitution, se réservant d'en faire plus tard l'objet d'un projet de décret. (U. B., 25 janv. et P. V.)
PROJET DE CONSTITUTION. DU POUVOIR
JUDICIAIRE (TITRE III, CHAPITRE III) : DU POUVOIR JUDICIAIRE
L'ordre du jour appelle la discussion du chapitre III,
titre III du projet de constitution : Du
pouvoir judiciaire. (U. B., 23 janv.)
Articles 68 à 70
« Art. 68. Les contestations
qui ont pour objet des droits civils sont
exclusivement du ressort des tribunaux. »
- Adopté.
(A.
C., et P. V.)
« Art. 69. Les contestations
qui ont pour objet des droits politiques sont
du ressort des tribunaux, sauf les exceptions établies par la loi. »
- Adopté. (A. C., et P. V.)
« Art. 70. Nul tribunal, nulle
juridiction contentieuse ne peut être établi qu'en vertu d'une loi. Il ne peut
être créé de commissions ni de tribunaux extraordinaires, sous quelque dénomination
que ce soit. » -
- Adopté. (A. C., et P. V.)
« Art. 71. Il y a pour toute
« Cette cour ne connaît pas
du fond des affaires, sauf le jugement des ministres ; mais elle casse les
jugements et arrêts rendus sur des procédures dans lesquelles les formes ont été
violées ou qui contiennent quelque contravention
expresse à la loi, et elle renvoie le fond du procès au tribunal ou à la cour qui doit en connaître. » (A. C.) .
M. Forgeur propose d'ajouter à l'article qu'il y aura, pour
la cour de cassation, obligation de casser un arrêt lorsqu'elle reconnaîtra qu'il y a eu fausse application de la loi. (U. B., 23 janv.)
M. Raikem, rapporteur – Dans toutes les lois françaises, la cassation n'est admise que pour violation
expresse de la loi ; ce n'est que dans les règlements
de l'ex-roi qu'on trouve qu'il y a lieu à cassation lorsque la loi a été faussement appliquée. (U. B., 23 janv.)
M. Forgeur ne partage pas l'opinion de M. Raikem : mais comme il reconnaît
l'impossibilité d'improviser une discussion en matière aussi grave, et attendu
que le rapport n'a été distribué qu'à l'entrée du congrès en séance, il demande
que la discussion soit ajournée à demain. (U. B.,
23 janv.)
M. le baron Beyts
appuie cette proposition. (U. B., 23 janv.)
M. Lebeau – Messieurs, la discussion où l'on vient d'entrer a pour résultat de me
confirmer dans l'opinion que le premier projet avait bien fait de ne poser que
le principe sur lequel devait être basée la cour de cassation, et de s'en
rapporter à une loi organique pour tout le reste. En voulant spécifier les cas
où il y aurait lieu à la cassation d'un arrêt, la section centrale a été
beaucoup trop loin, et si nous voulons suivre les conséquences des principes
qu'elle a posés, et les règles, nous en avons au moins pour huit jours. Je
crois que nous devons revenir au premier projet ; et retrancher la partie de
l'article qui commence par ces mots : Mais elle
casse les jugements et arrêts, etc., jusqu'à la fin. (U. B., 23 janv.)
M. Forgeur appuie cette proposition. (U. B.,
23 janv.)
M. de Robaulx – Si vous adoptez le retranchement, prenez garde que vous astreignez la
cour de cassation à ne connaître du fond des affaires que dans un seul cas,
celui d'accusation des ministres. Il pourrait cependant vous convenir de lui
attribuer la connaissance d'autres affaires, celles, par exemple, qui
concerneraient les princes, le domaine, la liste civile, et quelques autres
encore que vous pouvez avoir prévues et qui s'en trouveraient exclues. Il me
semble qu'il vaudrait mieux renvoyer l'article à la commission, qui tâcherait
de classer dans l'article tous les cas où la cour de cassation pourrait
connaître du fond des affaires. (U. B., 23 janv.)
M. Van Meenen – Ceci me fait souvenir que, dans la
loi sur la cour des comptes, nous avons attribué le jugement des affaires par
appel à la cour de cassation. (Quelques voix : Non ! non !) (U. B., 23 janv.)
M.
Barthélemy – Et les conflits. (U. B., 23 janv.)
M. Raikem, rapporteur – Messieurs, si nous avons une cour de cassation qui puisse connaître du
fond de quelques affaires, nous n'avons plus de cour de cassation. Hors le cas
d'accusation des ministres, il ne faut pas qu'elle puisse connaître du fond des
affaires. Elle n'est pas instituée dans l'intérêt des particuliers, mais dans
l'intérêt seul de la loi. On a dit qu'elle jugerait bien des conflits. Mais
est-ce juger une affaire au fond ? Non, car juger un conflit, c'est régler
devant quels juges on plaidera. Voudriez-vous que la cour de cassation pût
juger les affaires où seraient intéressés les princes, les hauts fonctionnaires
? Mais alors vous détruisez un des plus précieux principes de la liberté , (page 229) celui de l'égalité devant la loi.
Non, messieurs, les tribunaux ordinaires seront seuls appelés à juger des
intérêts civils de tous les citoyens de
M.
Forgeur – Il me semble impossible, comme l'a dit l'honorable
préopinant, d'attribuer à la cour de cassation la connaissance du fond des
affaires. Je suis tellement convaincu que ce serait fausser sa destination, que
j'ai voté hier à regret pour lui attribuer le jugement des ministres ; je n'y
ai consenti que parce que, dans le système constitutionnel que nous avons
adopté, il n'était pas possible de l'attribuer à une autre cour. Je crois que
l'article peut être voté avec le retranchement propose. (U. B., 23 janv.)
- L'ajournement
proposé par M. de Robaulx est mis aux voix et rejeté. (U. B., 23 janv.)
Le retranchement
proposé par M. Lebeau est adopté ainsi que l'article réduit à ces termes :
« Il y a, pour
toute
« Cette cour
ne connaît pas du fond des affaires, sauf le jugement des ministres. » (P. V.)
« Art. 72. Les
audiences des tribunaux sont publiques, à moins que cette publicité ne soit
dangereuse pour l'ordre et les mœurs, et, dans ce cas, le tribunal le déclare
par un jugement. » (A. C.)
M. Forgeur – Dans le
premier projet, on avait voulu que le jugement déclarant la publicité
dangereuse fût rendu à l'unanimité ; je demande que ces mots soient
rétablis dans l'article. (U. B., 23 janv.)
M. Lebeau – Je suis
tellement surpris de ne pas l'y voir que, si je ne me trompe, toutes les
sections furent d'avis de l'admettre, et qu'il faut que le retranchement
provienne d'une faute d'impression. (Non ! non !) Cette unanimité
est d'autant plus désirable que, tout récemment encore, dans des procès de la
presse, la publicité des débats a été réprouvée par les motifs les moins
plausibles. Croyez-vous qu'il y ait danger de la publicité, lorsque dans une
cour il se trouve un magistrat qui ne le pense pas ? Non, messieurs, il n'est
pas de magistrat qui se respecte assez peu pour s'opposer à un huis clos, s'il
y a évidemment danger pour l'ordre ou les mœurs dans la publicité des débats.
(U. B., 23 janv.)
M. Raikem, rapporteur – Ainsi un
seul membre pourrait s'opposer à la volonté de la majorité, et lorsque celle-ci
penserait qu'il y a danger pour les mœurs ou pour l'ordre, ce membre pourrait
seul dire qu'il croit le contraire, et son opinion prévaudrait ? Cela n'est pas
admissible. (U. B., 23 janv.)
M. Destouvelles – Quoi !
messieurs, vous vous en rapportez à la majorité des juges lorsqu'il s'agit de
l'honneur et de la vie des citoyens, et vous lui refusez la faculté de décider
une question beaucoup moins importante, celle de la publicité des débats ?
c'est une contradiction manifeste, et
que rien ne justifie. (U. B., 23 janv.)
M.
Lebeau persiste dans l'amendement de M. Forgeur ; il produit
de nouveaux arguments en sa faveur. (U. B., 23 janv.)
M.
Forgeur – La publicité des jugements est une des
plus grandes garanties des libertés civiles et publiques. Ce serait les
compromettre que de donner lieu à des restrictions trop faciles. La majorité
des juges peut être vendue. (J. B., 23 janv.)
M. Destouvelles – Sous les
rapports de la question de l'ordre, l'unanimité ne peut être requise, en
admettant qu'elle puisse l'être sous le rapport de la question des mœurs. Cette
distinction est importante. (C., 23 janv.)
M.
le chevalier de Theux de Meylandt pense que l'unanimité doit
être requise au moins pour les délits politiques et de la presse, et propose un
amendement ainsi conçu :
« En matière de délits politiques et de presse, le huis
clos ne peut être prononcé qu'à l'unanimité. »
( Appuyé ! appuyé ! ) (U. B, 23 janv.)
- L'amendement de M. Forgeur est mis aux voix et rejeté. (U.
B., 23 janv.)
Celui de M. le
chevalier de Theux de Meylandt est ensuite mis aux voix et adopté, et forme le
§ 2 de l'art. 72, qui est également adopté. (P. V.)
Article 73
« Art. 73. Tout
jugement est motivé. Il est prononcé en audience publique. » (A. C.)
- Cet article est
adopté sans discussion. (P. V,)
«Art.
M.
de Robaulx présente un amendement ainsi conçu :
« L'institution
du jury en matière criminelle et pour les délits politiques et de la presse est
rétablie. »
La rédaction, dit-il, que je propose a pour but de rétablir
le jury pour toutes les affaires criminelles ; rappelez-vous que l'un des
principaux griefs contre l'ancien gouvernement était qu'il nous avait ravi
cette précieuse garantie par un simple arrêté : d'après cela, et pour rendre
hommage à notre révolution, je ne pensais pas que cette (page 230) question pût éprouver le
plus léger doute. Cependant, si je m'arrête à la rédaction que nous présente la
section centrale, je ne vois l'institution du jury que pour des cas spéciaux.
Eh quoi ! vous garantissez le jury
pour de simples délits de presse, donnant lieu à une amende ou à un
emprisonnement, et vous pourriez, sans commettre la plus grave erreur, sans
réprouver toutes les idées du siècle, le refuser aux accusés dont la vie et la
liberté à perpétuité ou à temps sont menacées ? Je l'avouerai, une telle
omission fait injure à tous les principes qui sont journellement professés à
cette tribune.
Si vous n'admettez pas mon
amendement, vous laissez au ministère public et aux cours le soin et le droit
de qualifier eux-mêmes les crimes et délits ; vous laissez aux cours nommées
par le gouvernement le droit, au moyen d'interprétation, de soustraire au jury
la connaissance des affaires qui naturellement devraient lui être attribuées.
Vous, libéraux, pour vous enlever
le jury on décidera que les délits de la presse et politiques sont des délits
ordinaires, que l'on trouvera facilement moyen de ranger dans une autre classe
de délits.
Vous, catholiques, vous serez, par
vos relations à l'extérieur avec vos chefs, accusés de crimes et de délits, que
l'on aura soin de ne pas qualifier de politiques pour vous enlever le
jury.
Ces interprétations sont possibles, si vous n'admettez le
jury en toutes matières. (U. B., 23 janv. et A.)
M. le baron de Leuze parle contre l'institution du jury en toutes matières. Il pense que cette
institution est un héritage des temps de barbarie. Il ajoute que c'est en outre
un accroissement donné à la puissance démocratique qui, dans notre pays, est
déjà trop grande. D'ailleurs le jury n'est pas dans nos mœurs. Il cite sa
propre expérience ; quand il a fait partie du jury, il n'osait presque jamais
condamner pour s'épargner la possibilité d'un remords. Il énumère les dangers
de l'esprit de parti qui peut influer sur le jury. Il prétend que le jury, se
dispersant après son jugement, n'est plus soumis à aucune responsabilité et
qu'il n'en est pas de même pour des juges. (C., 23 janv.)
M. Raikem, rapporteur – Le jury a été
principalement réclamé en matière politique et de la presse ; je le veux aussi
pour les affaires criminelles. Le jury est une institution essentiellement
protectrice de l'innocence ; les jurés décident le fait et non le droit ; ils
n'ont d'autre guide que leur conscience. Je me range à l'avis de M. de Robaulx.
(J. F., 23 janv.)
M. le baron de Sécus (père) vote non seulement pour le jury de jugement, mais encore pour
le jury d'accusation. (U. B., 23 janv.)
Des voix
– A demain ! (J. B., 23 janv.)
- Il est quatre heures et demie ; la séance est levée.
(P. V.)