Accueil
Séances plénières
Tables des matières
Biographies
Livres numérisés Bibliographie et liens
Note d’intention
Séance précédente Séance suivante
Congrès
national de Belgique
Séance du
samedi 22 janvier 1831
Sommaire
1) Communications des pièces
adressées au congrès
2) Commission de
vérification des pouvoirs (Van de Kerkhoven)
3) Projet de
constitution : Des institutions provinciales et communales, des finances).
Rapport de la section centrale
4) Projet de constitution.
Titre III, chapitre III. Du pouvoir judiciaire. Institution du jury (de Robaulx, de Sécus (père), Dehaerne, de Theux, Blargnies, Helias d’Huddeghem, Beyts, Van Snick, Raikem, de Robaulx, Raikem), justice
de paix (Allard, de Theux, Van Snick, Claus, de Robaulx, Raikem, Jottrand, A. Rodenbach, Fransman, Lebeau, Destouvelles, de Theux, C. de Smet, C. Rodenbach),
nomination des juges et présidents (Devaux, de Sécus (père), Allard, Forgeur, François, Destouvelles)
(E. HUYTTENS, Discussions du
Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe
Wahlen et Cie, 1844, tome 2)
(page
230) (Présidence de M. de Gerlache)
La séance est ouverte à une heure.
(P. V.)
M. Henri de Brouckere, secrétaire, lit le procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)
COMMUNICATION DE PIECES ADRESSEES AU CONGRES
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit une lettre de
M. Barbanson annonçant que la mort de son père l'empêchera pendant quelques
jours de prendre part aux travaux du congrès. (U. B., 24 janv.)
-
Pris pour notification. (P. V.)
Le
même secrétaire présente l'analyse des pétitions suivantes :
M. Gambier dénonce M. de
Coppin, comme cumulant (page 231) les traitements de membre du gouvernement provisoire, de membre
du comité central, de membre du congrès, dont le traitement de chaque membre,
dit le pétitionnaire, est fixé au budget, et de gouverneur du Brabant, ainsi
que de commissaire voyer. (On rit.)
Plusieurs
habitants de Lembeke présentent des réflexions sur les distilleries.
M.
Reulen demande le payement d'une créance à charge de l'État.
La
régence de Wavre demande qu'on transfère le tribunal civil de l'arrondissement
à Wavre.
Un
grand nombre de membres de la garde civique, du 2e bataillon, à
Bruxelles, demandent que le duc de Leuchtenberg soit élu roi.
Un très
grand nombre d'habitants de la province de Namur demande pour chef de l'État
Auguste Beauharnais.
M.
Jacob Verbrugghen demande que son fils soit dispensé de la milice.
M. Delhez
demande que le célibataire, chef d'une maison, soit dispensé de la garde
civique.
Cinq
habitants d'Agimont dénoncent l'administration de leur commune comme tortueuse
et marquée au coin de la féodalité la plus prononcée.
Le conseil
communal d'Ellezelles réclame contre une pétition présentée au congrès, et qui
demande la translation du chef-lieu du canton d'Ellezelles à Flobecq.
Plusieurs
habitants d'Alost demandent l'élection d'Auguste Beauharnais.
Un grand
nombre de signatures sont apposées au bas d'une pétition pour engager le
congrès à élire Auguste Beauharnais, mais cette pétition est sans désignation
du lieu où elle a été signée.
Le
parquet de Bruxelles présente un mémoireen faveur de l'inamovibilité du
ministère public.
Une
seconde pétition d'Alost demande l'élection d'Auguste Beauharnais.
Les
officiers de la gendarmerie belge, à Bruxelles, demandent l'élection du duc de
Leuchtenberg comme le seul moyen de réunir toutes les opinions. (U. B., 24
janv. et P. V.)
- Ces
pièces sont renvoyées à la commission des pétitions. (P. V.)
M. le
président demande que l'assemblée se réunisse
demain à midi, pour entendre le rapport de diverses pétitions très importantes.
Adopté.
(C., 24 janv.)
M. Henri de Brouckere, rapporteur de la quatrième
commission de vérification des pouvoirs, propose de remplacer MM. de Ryckere,
député de Gand, et Janssens, député de Saint-Nicolas, tous deux
démissionnaires, par M. le baron Dellafaille d'Huysse, premier suppléant élu
par le district de Gand, et l'abbé Van de Kerkhoven, cinquième suppléant élu
par le district de Saint-Nicolas, les trois premiers suppléants ayant
antérieurement donné leur démission, et le quatrième siégeant déjà en
remplacement de M. le comte Vilain XIIII. (U. B., 24 janv., et P. V.)
- Ces
conclusions sont adoptées, et MM. le baron Dellafaille d'Huysse et l'abbé Van
de Kerkhoven sont proclamés membres du congrès. (P. V.)
M. le
président demande si la commission est en état
de faire son rapport sur l'admission du député qui doit remplacer M. Théophile
Fallon. (C.. 24 janv.)
Un membre – Non ; à demain ce rapport. (C., 24
janv.)
PROJET DE CONSTITUTION :
TITRE IV (DES
INSTITUTIONS PROVINCIALES ET COMMUNALES) ET TITRE V (DES FINANCES). RAPPORT DE
M. Raikem fait le rapport de la section
centrale sur le chap. IV, titre III, du projet de constitution, intitulé : Des
institutions provinciales et communales.
- Le
congrès en ordonne l'impression et la distribution. (P. V.)
M. le chevalier de Theux de
Meylandt fait,
au nom de la section centrale, un rapport sur le titre IV du projet de
constitution Des finances.
-
L'impression et la distribution de ce rapport sont ordonnées. (P. V.)
L'ordre
du jour est la suite de la discussion du chap. III, titre III, du projet de
constitution : Du pouvoir
judiciaire. (U. B., 24
janv.)
Article 74
(page 232) La discussion continue sur
l'article 74, ainsi conçu :
« Art.
Dans
la séance d'hier, M. de Robaulx a proposé l'amendement suivant :
«
L'institution du jury en matières criminelles et pour les délits politiques et
de la presse est rétablie. » (J. F., 24 janv. et A.)
M.
de Robaulx demande la parole ; il propose un nouvel amendement dans les termes
suivants :
« Le
jury en toutes matières criminelles, et pour délits politiques et de la presse,
est établi.
« Le
renvoi devant le jury de jugement est prononcé par un jury d'accusation. » (U.
B., 24 janv. et A.)
J'ai
proposé, dit-il, ce nouvel amendement, parce que, dans la séance d'hier, M. de
Sécus déclara qu'il voterait pour le jury d'accusation et pour le jury de
jugement ; j'ai pensé que quelques membres du congrès pourraient partager la
même opinion, que d'autres auraient une opinion contraire, et c'est pour aider
à éclairer la discussion et à la faire porter sur toutes les questions que peut
présenter l'article, que j'ai rédigé le nouvel amendement ; je déclare au
surplus que je ne tiens pas du tout à la deuxième partie de mon amendement, et
que ce n'est, comme j'ai déjà eu l'honneur de le dire, que pour donner occasion
à ceux qui voudraient le jury d'accusation, d'en parler. (U. B, 24 janv.)
M. le baron de Sécus (père) appuie
l'amendement du préopinant. Il ne faut plus tarder d'accorder à la nation une
institution aussi salutaire. Il faut établir le jury dans toute sa pureté
originelle. Cette institution a été faussée sous Bonaparte, mais ce n'est pas
là une raison pour la repousser.
M. l’abbé Dehaerne
voit dans le jury le principe salutaire de la prédominance de l'opinion
publique sur le sens privé du magistrat. Les dissentiments, d'ailleurs,
religieux ou politiques, qui partagent les hommes de l'époque, rendent
indispensable l'institution d'une magistrature, à laquelle toutes les classes
ont leur contingent à fournir. Ainsi prévaudra sur la prédilection ou
l'aversion du juge, ce qu'il y aura de général dans les idées individuelles des
citoyens, L'orateur prouve, par des exemples frappants, que la liberté
religieuse ne serait qu'une chimère sans l'établissement du jury, Partant du
principe qu'il vaut (page 235) mieux
absoudre cent coupables que condamner un innocent, il voudrait que les
condamnations ne pussent, comme en Angleterre, être prononcées qu'à l'unanimité
du jury. Quelle plus grande garantie que le concours de douze citoyens, pris
indistinctement dans toutes les professions et dans toutes les opinions ?
L'honorable
membre établit ensuite un calcul algébrique très ingénieux pour prouver quelles
chances d'infaillibilité présente ce mode de procédure. Admettant que dans les
graves matières qui intéressent la vie ou l'honneur du citoyen, chaque juré
puisse, isolément, se tromper une fois sur quatre, ce qui supposerait cependant
une très grande légèreté, encore serait-il qu'on aurait en faveur de l'équité
collective d'un jury de douze, unanime dans son verdict, la probabilité de la
douzième puissance du chiffre 3, contre
le chiffre 12. Qu'on suppose une erreur par douze causes, chez chacun des
jurés isolément, ce qui est plus présumable qu'une sur quatre, le verdict
présentera la garantie d'un trillion contre douze unités ? L'orateur veut le
jury dans ses plus larges applications (J. F., 24 janv.)
M.
le chevalier de Theux de Meylandt admet sans difficulté le jugement par jury, pour les
délits politiques et de la presse. Il n'oserait l'admettre, quant à présent,
pour les autres crimes ou délits ; il voudrait qu'une réserve fût faite à cet
effet dans la constitution, pour qu'on pût l'admettre dans la suite. Ce n'est
pas en haine de l'institution en elle-même ni de la liberté, que l'honorable
membre hésite à attribuer au jury le jugement de toutes les affaires
criminelles ; mais il craint que, dans certains cas, les jurés ne fussent
beaucoup trop sévères. Entre autres cas, il cite celui où un bomme de la
campagne serait jugé par des jurés de la campagne, et il pense que ces jurés
pencheraient trop vers la rigueur.
L'honorable
membre vote pour l'article de la section centrale et contre l'amendement. (U.
B., 24 janv.)
M. Blargnies – Messieurs, s'il fallait ici convertir
quelqu'un sur l'excellence du jugement par jurés, nous ne devrions pas nous
trouver réunis en congrès.
Il
faudrait désespérer d'un peuple se disant mûr pour la liberté, et qui cependant
ne voudrait pas du jugement par jurés. .
La
question qui nous occupe est une question d'honneur et de dignité nationale ;
elle peut se traduire par celle-ci : La société belge est-elle assez civilisée,
assez morale, assez éclairée pour supporter l'institution du jury ? en est-elle
moins digne que les Français ou les Anglais ?
Cette
question, messieurs, a été résolue affirmativement par notre section centrale ;
elle attribue aux jurés les procès politiques et de la presse, c'est-à-dire les
matières qui exigent au plus haut degré, outre l'indépendance, la fermeté et la
probité, la connaissance des hommes, des droits, des besoins, de la société et
de la force de son gouvernement.
La section
centrale a donc jugé
Elle la
lui refuse, car les crimes politiques sont très rares en comparaison des délits
en général.
Il y a là
une inconséquence qu'il est de notre devoir de corriger ; nous ne pouvons pas
vouloir que la garantie du jury soit accordée aux accusations en matière
politique ou de presse, accusations qui régulièrement entraînent des peines
légères, presque jamais infamantes, et que cependant cette sauvegarde soit
enlevée aux nombreux accusés dont l'honneur, la liberté et la vie sont mis en
péril, tous les trois mois, dans nos cours d'assises.
Je
finis par vous rappeler, messieurs, en faveur de mon opinion, le grand principe
que tous les Belges sont égaux devant la loi.
Je
vote pour l'admission du jury en toutes matières criminelles. (U. B., 24 janv.)
M.
Trentesaux – Les orateurs qui m'ont précédé ont tous parlé dans mon sens. Je renonce à
la parole. (C., 24 janv.)
M. Helias d’Huddeghem – L'un de nos griefs les plus odieux, contre l'ancien gouvernement, a été
l'abolition du jury par simple arrêté. Si cette garantie tutélaire avait été
maintenue, jamais de fatales poursuites n'eussent été même tentées. La crainte
seule d'être frustré de l'institution du jury amena l'insurrection de
l'Amérique du Nord contre l'Angleterre. Aussi de nouveaux développements de
cette garantie furent-ils les résultats immédiats de la victoire populaire.
Le grand
jury se compose, aux États-Unis, de 12 à 24 citoyens ; pour qu'une accusation
puisse être admise, le suffrage de 12 est indispensable. Des conditions
nombreuses sont exigées pour faire partie du jury ; les noms de ceux qui
réunissent les qualités requises sont déposés dans une boîte (page 234) scellée, à la maison
municipale ; dans la quinzaine qui précède les assises, on tire au sort 36
jurés, parmi lesquels les 12 jurés définitifs sont choisis de la même manière.
Il est
inutile, messieurs, de vous faire observer que le mode de formation du jury est
infiniment plus libéral en Amérique qu'il ne l’est en France d'après le Code de
décembre 1808, encore en vigueur, puisque c'est par le soin des préfets que se
forme la liste du jury pour chaque session.
Je désire
que le jury soit établi tant pour les affaires criminelles que pour les
affaires politiques et de la presse, parce que je regarde comme indispensable
la distinction établie entre les juges du fait et les juges du droit ;
distinction sans laquelle le magistrat, décidant sans cesse de la vie et de
l'honneur des citoyens, pourrait se laisser aller, sans s'en apercevoir, aux
préventions les plus dangereuses, prendre l'habitude de la dureté et cesser
d'être impartial par crainte d'être trop indulgent. Personne ne pouvant se
croire à l'abri de toute action judiciaire, quelle n'est pas, messieurs,
l'importance d'une institution qui donne au prévenu des juges dont les intérêts
ne sont pas distincts de ceux de la société
?
Chaque
membre du jury est un arbitre inconnu d'avance ; il est nommé pour chaque
session et aussitôt avant la procédure. Ainsi plus de possibilité de cabales
antérieures, et d'ailleurs une latitude suffisante de récusation est laissée au
prévenu.
Le
jugement par jurés est une des plus belles conceptions que nous offre la suite
des siècles. (J. F., 24 jan..)
M.
le baron Beyts – Et moi aussi, messieurs, je voterai pour l'amendement de M.
de Robaulx ; et moi aussi je veux le jury en matière criminelle, et notamment le
jury de jugement, sans toutefois exclure le jury d'accusation que je ne crois
pas aussi nécessaire, et auquel, si j'étais obligé de choisir, je préférerais
le jury de jugement.
Messieurs,
je vous avoue que je ne m'attendais pas, lorsqu'il paraissait y avoir tant
d'unanimité sur la nécessité du jury, je ne m'attendais pas, dis-je, qu'après
notre révolution l'admission du principe souffrît autant de difficulté,
d'autant plus que le premier projet, qui avait réuni l'unanimité des suffrages,
avait réglé la chose en trois mots : Le jury sera rétabli. C'est à la
section centrale que nous devons d'en voir restreindre l'application aux deux
cas prévus par l'article, les plus difficiles précisément et les moins
susceptibles d'être bien jugés par des hommes peu habitués aux débats
judiciaires ; tandis que pour les cas ordinaires on veut nous laisser sous le
régime où nous vivons. Je ne suis pas content des arguments qu'on a fait valoir
contre le jury ; et moi aussi je pourrais faire un beau discours en faveur de cette
précieuse institution, si je ne savais que tous les publicistes ont traité la
question de manière à ne laisser rien de nouveau à dire, et si où ne savait que
tous les peuples, dès l'instant qu'ils ont eu le bonheur de reconquérir leur
liberté, s'empressent de s'assurer la possession du jugement par jurés. Hier,
en parlant contre le jury, on a remonté beaucoup trop haut en faisant remonter
le jury à l'enfance des sociétés. Dans l'enfance des sociétés, c'étaient les
patriarches, les pères de famille qui rendaient la justice. Un peu plus loin
l'orateur a confondu cette institution avec une espèce de cour féodale tenue
par le seigneur, pour le jugement d'un vassal, qui avait le droit de n'être
jugé que par des vassaux comme lui. Mais il a oublié que ces affaires se
jugeaient par le combat, et que celui-là avait raison qui avait pu s'assurer la
victoire. Ces jugements se ressentent de la violence, de la férocité et de la
barbarie de nos aïeux, sortis des forêts de
(Ici
l'orateur fait l'historique du jury en France et en Angleterre ; il répond en
passant à certains calculs algébriques faits par M. l'abbé Dehaerne sur la
probabilité de la bonté des jugements.)
(page 235) Et moi aussi, dit l'honorable
membre, j'ai fait ces calculs et je les ai faits pour un espace de dix années
sur les jugements rendus par la cour de Bruxelles, dans le temps où j'étais
procureur général près cette cour. J'ai trouvé des résultats si inattendus, que
j'étais embarrassé pour savoir si je devais abandonner les calculs ou m'en
rapporter à des résultats vraiment extraordinaires.
(L'orateur, après s'être un peu appesanti sur
ces calculs, difficiles à saisir, et qui du reste ne présentent que peu
d'intérêt, puisqu'en définitive, et de l'aveu même de M. Beyts, toutes ces
probabilités sont fausses, fait le rapprochement suivant :)
Sous
Napoléon on avait créé des tribunaux exceptionnels composés de huit juges, de
sorte qu'il fallait toujours cinq voix contre trois pour prononcer une
condamnation. Ces tribunaux étaient destinés à juger ceux qui étaient indignes
de jouir de la faveur constitutionnelle, comme les galériens, les condamnés à
des peines infamantes, et, je crois aussi, les faux monnayeurs : eh bien,
messieurs, nous vivons sous un régime moins favorable, car il suffit de trois
juges contre deux pour condamner un individu, c'est-à-dire la différence d'une
voix, tandis que sous l'Empire on exigeait deux voix de majorité pour condamner
un galérien. (Sensation.)
L'orateur,
après avoir rappelé que le roi Guillaume avait dit à la législature : «
Remaniez le Code pénal comme vous voudrez, pourvu que vous ne rétablissiez pas
l'institution du jury, » entre dans l'examen du jury d'accusation ; et, après
une assez longue dissertation sur les attributions de ce jury, il vote pour
l'amendement de M. de Robaulx. (Aux voix ! aux voix !) (U. B.,
24 janv.)
M. Van Snick parle au milieu
du bruit des conversations particulières. Il se prononce pour le rétablissement
du jury. (C., 24 janv.)
M. Alexandre
Rodenbach – Je demande la clôture. (U. B., 24 janv.)
M. Raikem, rapporteur, soutient que l'article de la
section centrale laisse à la législature le droit d'appliquer le jury à toute
sorte d'affaires criminelles, puisqu'il dit : « L'institution du jury sera
établie au moins pour les crimes et délits politiques, etc. » Ce qui
implique qu'on pourra, si l'on veut, l'appliquer à d'autres cas que ceux qui
sont prévus et précédés des mots : au moins.
L'honorable
membre combat ensuite le jury d'accusation, qu'on ne pourrait rétablir sans
remanier notre législation criminelle. (Aux voix ! aux voix ! La
clôture !) (U. B., 24 janv.)
- La
clôture est mise aux voix et prononcée. (U. B., 24 janv.)
Un des secrétaires donne lecture du (page 236) dernier amendement de M. de
Robaulx ; il est conçu en ces termes :
« Le
jury en toutes matières criminelles et pour délits politiques et de la presse
est établi.
« Le
renvoi devant le jury de jugement est prononcé par un jury d'accusation. »
(C., 24 janv. et A.)
-
L'assemblée décide de voter par division sur cet amendement. (C., 24 janv.)
La
première partie est mise aux voix et adoptée ; elle remplace l'art. 74 du projet.
(P. V.)
La
deuxième partie relative au jury d'accusation est ensuite mise aux voix et
rejetée. (U. B., 24 janv.)
M.
de Robaulx demande qu'il soit inséré au procès-verbal, que ce rejet ne préjudicie en
rien sur l'admission de cette institution, reconnue utile par plusieurs
orateurs ; qu'il est simplement entendu que la question sera laissée à la
discrétion des législateurs futurs. (E., 24 janv.)
M. Raikem, rapporteur, pense que, pour faire droit à cette
juste réclamation de M. de Robaulx, il est utile d'insérer au procès-verbal que
le jury de jugement est de nécessité, le jury d'accusation est facultatif. (E.,
24 janv.)
-
L'assemblée décide qu'il sera inséré au procès-verbal qu'en n'accueillant
point la disposition qui avait pour but d'introduire le jury d'accusation, elle
n'entend point le rejeter définitivement, mais bien abandonner la question tout
entière à la loi organique du jury. (P. V.)
« Art.
75. Les juges de paix et les juges des tribunaux sont directement nommés par le
chef de l'État.
« Les
conseillers des cours d'appel sont nommés par le chef de l'État, sur deux
listes doubles, présentées, l'une par les cours elles-mêmes, l'autre par les
conseils provinciaux.
« Les
conseillers de la cour de cassation sont nommés par le chef de l'État, sur deux
listes doubles, présentées, l'une par le sénat, l'autre par la cour de
cassation elle-même.
« Dans
ces deux cas les candidats portés sur une liste pourront également être portés
sur l'autre.
« Toutes
les présentations seront rendues publiques.
« Les
présidents et vice-présidents sont nommés par les cours et tribunaux. » (A. C.)
M.
Allard propose un amendement ainsi conçu :
« Les
juges de paix, les présidents et juges des tribunaux de première instance, sont
nommés directement par le chef de l'État.
« Les
présidents et conseillers des cours d'appel et de la cour de cassation sont
nommés par le chef de l'État, sur une liste triple de candidats présentés par
les cours elles-mêmes.
« Toutes
les présentations sont rendues publiques au moins huit jours avant la
nomination. »
-
L'honorable membre développe son amendement. (U. B., 24 janv. et A.)
M.
le chevalier de Theux de Meylandt propose au § 1er de l'article, un amendement ainsi
conçu :
« Les
juges de paix seront élus directement par les citoyens pour le terme de dix
années. » (A.)
M. Alexandre
Rodenbach – Appuyé ! (U. B., 24 janv.)
M.
le chevalier de Theux de Meylandt développe son amendement. (C., 24 janv.)
M. Van Snick propose un
terme de cinq ans. (Appuyé !) (C., 24 janv.)
M.
Claus – Les
juges de paix ne sont pas seulement appelés à un ministère de conciliation, ils
sont encore appelés à décider d'actions possessoires, de points de droit
difficiles, de questions importantes ; je vote contre l'élection populaire.
(E., 24 janv.)
M. de Robaulx – Je propose de substituer les mots : les
électeurs, à ceux de : le chef de l'État qui se trouvent dans le §
1er de l'amendement de M. Allard. (A.)
M. le président donne la parole
à M. de Robaulx pour développer son amendement. (E., 24 janv.)
M.
de Robaulx – Messieurs, l'amendement tend à soumettre à l'élection tous les juges de
paix et les juges de première instance.
(page 237) Les motifs qui ont engagé M.
Claus à se prononcer contre l'amendement de M. de Theux, sont précisément ceux
qui me déterminent à le soutenir. Je désire que non seulement les juges de
paix, mais aussi les juges d'arrondissement soient élus directement par le
peuple.
Les
antécédents me servent. Rappelez-vous, messieurs, que sous la république
française tous les magistrats étaient élus par la nation directement, et c'est
ici le lieu de leur rendre cette justice, que ceux qui ont été élus font encore
aujourd’hui l'honneur de la magistrature tant par leur intégrité que par leurs
connaissances.
Le
peuple se trompe rarement sur ce qui lui convient, le passé nous le prouve ; il
me paraît qu'il vaut mieux admettre l'élection populaire que les nominations
dues à la faveur des antichambres et au protectorat des flatteurs. (E., 24
janv.)
M. Raikem, rapporteur – Nous avons admis dans la constitution
une combinaison des principes monarchique et républicain. Il faut conserver
cette combinaison dans l'organisation de l'ordre judiciaire. On parviendra à ce
but en abandonnant aux électeurs le choix des juges de paix et des juges de
première instance. Que l'on ne craigne pas que le peuple fasse de mauvais choix
: il est trop intéressé à avoir de bons juges, et lorsqu'on lui suppose assez
de lumières pour élire de bons députés, on peut bien lui supposer également
assez de lumières pour choisir de bons juges. (C.. 24 janv.)
M.
Jottrand parle
en faveur de l'élection des juges de paix. Mais il voudrait que ces magistrats
fussent choisis à vie. (C.. 24 janv.)
M.
Alexandre Rodenbach – Messieurs, je vote en faveur de l'amendement de mon honorable
collègue M. de Theux ; voici pourquoi : un grand nombre de juges de paix de
M.
Fransman – Le but de l'institution des juges de paix fut d'établir des
conciliateurs, afin d'éviter des procès non fondés et qui seraient le résultat
de querelles particulières. Pour remplir ces fonctions, il ne suffit pas d'être
juste et intègre, mais il faut encore avoir une connaissance parfaite de la
jurisprudence. Il est donc à désirer que les juges de paix soient nommés à vie,
pour que des hommes qui ont fait une longue étude du droit puissent demander
ces places sans crainte de se voir éloigner par une élection populaire. (J. F., 25 janv.)
M. Lebeau – Je voterai contre l'amendement de M.
de Theux. Ce n'est pas en accordant au peuple le droit de choisir les juges de
paix que vous parviendrez à améliorer cette institution : c'est en exigeant des
garanties de science et de probité des candidats, que vous atteindrez ce but.
Déjà l'on a fait une part bien mince à la prérogative royale ; ne la
rétrécissons pas davantage. Laissons au chef de l'État le choix des juges de
paix, mais rendons les juges de paix inamovibles. (C., 24 janv.)
M.
Destouvelles parle dans le même sens que M. Lebeau. (Aux voix ! aux voix !) (C.,
24 janv.)
M.
le chevalier de Theux de Meylandt défend son amendement contre les objections des
préopinants. (Aux voix ! aux voix !) (C., 24 janv.)
M. Camille de Smet se prononce contre l'élection parce
que les habitants des campagnes ne réunissent pas toujours les connaissances nécessaires
pour faire de bons choix. (C., 24 janv.)
M.
Constantin Rodenbach propose l'amendement suivant :
« Les
juges de paix sont nommés à vie par le chef de l'État sur une triple liste de
candidats choisis par les électeurs. » (A.)
- Cet amendement est
appuyé. (C., 24 janv.)
M. le président met aux voix
l'amendement de M. de Theux ; il est rejeté. (C., 24 janv.)
Ceux de
MM. Rodenbach et de Robaulx sont ensuite successivement mis aux voix et
rejetés. (C., 24 janv.)
Le
1er paragraphe de l'amendement de M. Allard est également mis aux voix et
rejeté. (C., 24 janv.)
On
met aux voix le 1er paragraphe de l'art. 75 ; il est adopté. (P. V.)
On
demande qu'on ajoute au mot juges le mot présidents, et qu'on
étende la prérogative du chef de l'État à la nomination des présidents des
tribunaux et des cours. (C., 24 janv.)
M.
Devaux parle
contre cette addition. Il veut que les présidents soient nommés par les tribunaux
et les cours. (C., 24 janv.)
M. le baron de Sécus (père) parle dans le
même sens. (C., 24 janv.)
M. le baron Beyts demande quelques explications. (Un
grand nombre de ses collègues, qui l'entourent, s'empressent de les lui
donner.) (C., 24 janv.)
(page 238) M. Destouvelles explique en quelques mots les motifs
qui ont porté la section centrale à rédiger l'articlé 75, tel qu'il est dans le
projet. (Aux voix ! aux voix !) (C., 24 janv.)
M. le président Voulez-vous
qu'on ferme la discussion ? (Oui, oui.) Alors je vais mettre aux voix le
2e paragraphe de l'amendement de M. Allard. (C., 24 janv.)
- Ce paragraphe est rejeté. (P. V.)
On met
aux, voix le 2e paragraphe de l'art. 75 ; il est adopté. (P. V.)
Le 3e
et le 4e paragraphe de l'art. 75 sont ensuite successivement adoptés. (P. V.)
On passe
au 5e paragraphe qui est ainsi conçu :
« Toutes
les présentations seront rendues publiques. » (U. B., 24 janv., et A. C.)
M. Allard a
proposé l'amendement suivant :
« Toutes
les présentations sont rendues publiques au moins huit jours avant la
nomination. » (U. B., 24 janv., et A.)
M. Forgeur propose quinze jours. (P. V.)
-
L'amendement de M, Allard, ainsi modifié, est adopté. (P. V.)
M.
François propose
la disposition additionnelle suivante :
« La liste
de présentation par les cours sera communiquée aux conseils provinciaux avant
que ceux-ci procèdent à la formation de leur liste de présentation.
« Celle de présentation par la cour de cassation sera
également communiquée au sénat avant qu'il procède à la formation de la sienne.
» (A.)
-
Cette disposition additionnelle n'est pas appuyée. (C., 24 janv.)
La
discussion s'ouvre sur le § 6 de l'art. 75 ; en voici les termes :
« Les
présidents et vice-présidents sont nommés par les cours et tribunaux. » (U. B.,
24 janv. et A. C.)
M. Destouvelles fait observer qu'il serait impossible
de mettre ce paragraphe à exécution dans certains cas : celui, par exemple, où
un tribunal de première instance, qui n'est composé que de trois juges,
viendrait à perdre son président. Comment attribuer aux deux juges restants la
nomination du président ? (U. B., 24 janv.)
- Sur
cette observation la discussion du § 6 est renvoyée à lundi. (U. B., 24 janv.)
La séance est levée à
cinq heures. (P. V.)