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Congrès
national de Belgique
Séance du
mercredi 2 février 1831
Sommaire
1) Communications des pièces
adressées au congrès
2) Question relative au
choix du chef de l’Etat (de Rouillé, Frison, Davignon, Werbrouck-Pieters, A. Rodenbach, Van de Weyer, Lebeau, Van de Weyer, de Stassart, Van Meenen, Rogier, de Pélichy van Huerne, de Rodes, F. de Mérode, Delehaye, Claes, Goethals, Raikem, de Leuze, Gendebien (père), Duval de Beaulieu, Jacques, de Bergeyck, Meeus, François, de Nef, Surlet de Chokier, Thonus, Le Grelle, Ooms, Dubois, de Tiecken de Terhove, d’Arschot)
(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès
national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et
Cie, 1844, tome 2)
(page
389) (Présidence de M. le baron Surlet de
Chokier)
La séance
est ouverte à onze heures. (P. V.)
M. Henri de Brouckere, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il
est adopté. (P. V.)
COMMUNICATION DE
PIECES ADRESSEES AU CONGRES
M. Liedts, secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes
:
Cinq
habitants de Bruxelles proposent le duc de Reichstadt pour chef de
Dix-sept
habitants de Marelles réclament contre les élections pour la recomposition de
leur administration locale.
Cinquante-neuf
habitants de Bruxelles proposent pour chef de
(page 390) Même demande faite par neuf
habitants d'Anvers.
Même
demande faite par quarante et un signataires d'une pétition ne portant aucune
indication de lieu.
Une
centaine d'habitants de Meerssen, près Maestricht, témoignent leur crainte que
leur commune ne retombe sous le joug hollandais.
Quarante
habitants de la commune de Seneffe déclarent qu'ils protestent formellement,
avec le congrès, contre toute intervention étrangère. (J. F., 4 fév., et P. V.)
- Les pétitions relatives au choix du chef de l'État seront
déposées au bureau des renseignements, les autres sont renvoyées à la
commission des pétitions. (P. V.)
M.
le président – Je vois avec peine que les bancs sont dégarnis, et qu'on n'a pas répondu
à l'appel que j'avais fait pour que l'on mît plus d'exactitude à se rendre aux
séances. Cependant les membres qui sont venus de bonne heure ne peuvent pas
être punis de l'absence et du retard des autres ; c'est pour cela que j'ai cru
devoir ouvrir la séance, quoique nous soyons en petit nombre. (U. B., 4 fév.)
L'ordre
du jour est la suite de la discussion sur la question du choix du chef de
l'État. (C., 4 fév.)
M. Deleeuw a la parole. Il est absent. (J. F., 4 fév.)
M. le président – La parole est à M. Alexandre
Rodenbach. (U. B., 4 fév.)
M. Alexandre
Rodenbach – A cause de ma cécité complète, je demande que l’assemblée
veuille bien permettre qu'un de messieurs les secrétaires donne lecture de mon
discours. (U. B., 4 fév.)
M.
le président – Celui de messieurs les secrétaires qui doit lire votre discours n'est pas
encore arrivé. (U. B., 4 fév.)
M.
de Rouillé – Après les développements que vous avez entendus depuis plusieurs jours,
sur la grave question qui nous occupe, je me bornerai à motiver mon vote en
peu de mots.
J'aurais
désiré trouver une combinaison qui, en satisfaisant aux intérêts de
J'ai
cherché vainement à m'éclairer sur ces points par les communications
diplomatiques qui nous ont été faites, car si je devais m'en rapporter entièrement
à ces notes pour fixer mon choix, je pourrais dire comme jadis un Romain
célèbre : « Je vois bien qui je dois fuir, mais je ne sais à qui
m'attacher ! »
Cependant j'ai suivi
attentivement la discussion, et en y réfléchissant je ne puis partager
l'opinion peu consolante de notre honorable collègue M. Blargnies, qui nous a dit que la guerre est une
nécessité de l'époque. Mais je la crois inévitable, cette guerre, en
élisant le duc de Nemours sous une
régence, et l'anarchie peut-être en France et en Belgique.
En effet,
les puissances ne verront dans cette élection autre chose qu'une réunion à
Enfin, j'ai observé que
les adversaires de l'élection du duc de Leuchtenberg ont fait ressortir avec
talent les fâcheux résultats qu'elle peut entraîner, mais ils ne m'ont
nullement l'assuré sur ceux beaucoup plus à craindre qu'ont signalés d'autres
orateurs, dans la supposition de l'élection du duc de Nemours.
Je pense donc, messieurs, que le bien général du pays est ici
d'accord avec le vœu d'une grande partie de ses habitants, et, à moins que de
nouvelles raisons déterminantes ne viennent me faire changer de résolution, je
voterai pour que le trône de
M.
le président appelle successivement MM. Charles Rogier, Forgeur, Van de Weyer ; ces
honorables membres n'étant pas encore arrivés, il donne la parole à M. Frison.
(U. B., 4 fév.)
M. Frison y renonce parce qu'il pense qu'il n'y
a plus rien à dire de neuf sur la question. Il votera pour le duc de Nemours.
(C., 4 fév.)
- M. Watlet, appelé
à la tribune, n'est pas présent à la séance. (J. F., 4 fév.)
M. Davignon
– Messieurs, d'après les
développements donnés par les honorables orateurs qui m'ont précédé, il reste
bien peu de chose (page 391) à dire
sur la grave question qui nous occupe. Je ne me présente à cette tribune que pour
vous exposer le plus brièvement possible les motifs de mon vote dans une
circonstance aussi solennelle.
J'ai eu
l'honneur de vous le dire, messieurs, dans une séance qui se rapportait au même
sujet, je pourrai donner mon suffrage à un prince qui aura l'aveu de
Dans la
seule combinaison contraire qui est présentée avec l'adhésion d'une partie de
cette assemblée, je ne trouve, après une profonde et sincère méditation, aucun
élément capable d'ébranler mes premières dispositions, et de me donner cette
conviction intime, nécessaire pour participer à un acte de la plus majestueuse
importance, comme celui auquel nous allons procéder.
En effet, par l'élection du candidat proposé,
il n'est question de rien moins que de nous mettre en opposition directe, je
dirai presque permanente avec
Mais, messieurs, rappelons-nous ce qui s'est passé
: ne serait-ce pas se montrer ingrats et compromettre une indépendance, encore
problématique, que nous ne devons qu'à la contenance ferme et noble de cette
puissance, et qui n'existera que par la conséquence des principes qu'un
gouvernement juste et bienveillant envers les faibles a eu le courage de
proclamer, et que, dans sa générosité, il saura maintenir ?
Je
puiserai particulièrement les motifs de mon opinion dans des raisons, que le
plus ordinairement on ne fait qu'effleurer, tant on voudrait les faire
considérer comme très secondaires ; et cependant, messieurs, dans les temps où
nous vivons, on doit reconnaître comme un des principes vitaux la réalité des
intérêts du pays ; elle doit l'emporter sur des arguments qui n'ont pour frêle
base qu'une vanité d'amour-propre. Il faut au commerce de
Le
Luxembourg aura vainement proclamé son émancipation, si énergiquement
contestée, si elle n'est mise à l'abri des atteintes de la force, par un
pouvoir capable de faire respecter les droits des peuples.
On nous a
dit, messieurs, on nous a intimé de quelle manière on entendait régler la
dette. Sa liquidation est de rigoureuse nécessité. Si nous sommes seuls pour
l'opérer, ne courons-nous pas le risque de nous voir imposer de nouveau une
masse de charges, dont le fardeau redevenant, comme jadis, insupportable,
serait un sujet réel de mécontentement, d'autant plus grave et plus durable
que, dans la position où on voudrait nous placer, il serait difficile de
trouver les moyens de les compenser par d'autres avantages. Un prince qui, loin
d'avoir l'appui de
Le peuple
sait aussi raisonner : revenu d'un premier moment d'enthousiasme bien naturel
en pareille occurrence, voyant le malaise se prolonger, il en rechercherait la
cause, et il trouverait, mais trop tard, que ce n'est pas avec de vains
prestiges qu'on sert les intérêts matériels du pays, mais bien en procurant de
nombreux consommateurs, des débouchés constants et assurés an commerce, à
l'agriculture et à une industrie qui, avec une protection bien entendue,
arrivera bientôt au point de n'avoir à redouter aucune concurrence.
Deux
honorables collègues ont traité hier avec succès et vérité, et en s'étayant de
nombreuses citations, les principaux éléments qui se rattachent à la question
commerciale. Entrer dans de nouveaux détails, serait une superfluité, dont, à
bon droit, vous ne me tiendriez aucun compte.
Nous
pourrions nous suffire à nous-mêmes, dit-on ; nous aurions une neutralité
garantie ;
S'il
pouvait rester quelque doute sur l'importance de l'industrie en Belgique, je
renverrais les incrédules au discours qu'a prononcé à la tribune française il y
a peu de jours un député qui a qualité pour en juger, mais dont je ne partage
pas certaines assertions exagérées.
Cependant,
messieurs, qu'a-t-on fait, que veut-on faire encore pour cette industrie ? Dans
la reconstruction de l'édifice social, on lui voue à peine, et comme par
bienséance, une légère mention. Repoussée de presque tous les marchés de (page 392) l'Europe par des prohibitions
ou par des droits qui en sont l'équivalent, un seul moyen se présente de
réparer la perte récente d'importants débouchés, de la sauver d'une ruine
imminente, et on voudrait l'en priver !
La
stagnation, je le sais, est la compagne obligée des révolutions ; mais la nôtre
va arriver à son terme ; si elle produit des bienfaits, il n'est que trop juste
que chacun y participe.
Nos maux
sont grands, s'écrie-t-on de toutes parts, il faut des remèdes prompts et
efficaces. Mais trouverons-nous, en nous isolant, les vrais moyens de
cicatriser les plaies si profondes de notre commerce et de notre industrie ?
les trouverons-nous dans un prince sans appui, sans alliances ? je dis sans
alliances commerciales avec avantages effectifs ; car, ainsi que vous l'a
démontré jusqu'à l'évidence notre honorable collègue M. Claus, dans celles dont
il a été fait mention, nous serions tout au plus au même rang que les nations
les plus favorisées, telles que
Non,
messieurs, si nous nous constituons ainsi, il y a bien des motifs de le
craindre, nous nous suicidons, entourés de voisins qui auront pour nous une
constante confiance, et qui ne verront que d'un œil mécontent et inquiet
l'ordre de choses qui doit surgir de notre régénération ; de voisins pour qui,
on ne doit pas le perdre de vue, il est une certaine nature d'intérêts et une
sorte de politique fondamentale dont ils ne se sont déviés en aucune
circonstance.
Notre
détermination en faveur d'un prince français n'amène rien qui, dans l'état où
sont les choses, dérangerait assez essentiellement l'équilibre de l'Europe,
pour être le prétexte raisonnable d'une guerre que nous avons tous la volonté
d'éviter.
Il n'est,
j'ose l'espérer encore, pas impossible de trouver des moyens de concilier les
intérêts des puissances qui veulent franchement le bien de tous. Ils vous ont
été signalés dans le cours de cette longue discussion.
Je
m'abstiens de les reproduire ici, de peur de fatiguer votre patience. Je me
bornerai à la seule remarque ,que c'est sans fondement qu'on nous représente
l'impossibilité de satisfaire l'Angleterre, par le seul motif que jamais elle
ne consentira que l'Escaut reste dans le domaine exclusif de
On a assez
longuement discuté sur la question de la paix et de la guerre, je pense que la
force seule des événements la résoudra ; mais je crois aussi que les peuples ne
veulent pas la guerre, et que, sans leur coopération morale, il est maintenant
difficile de la faire avec succès. Les progrès de la raison publique, qui ont
une influence si marquée sur la politique même des cabinets, contribueront,
espérons-le, à détourner ce fléau ; mais si, comme on veut nous le faire
craindre, elle est dans tous les cas imminente, inévitable, c'est un motif de
plus pour ne pas nous rendre défavorable un voisin puissant. Associons-nous
plutôt à ses efforts, pour paralyser des résolutions encore incertaines, ou du
moins pour éloigner cette guerre de nos contrées, qui sans cela en deviendront
le principal théâtre. .
Il en est
peu d'entre nous, messieurs, qui, contemporains des événements passés, n'avoueront
qu'ils ont toujours cru que nous reviendrions un jour à
L'occasion
de nous rallier par ce dernier mode se présente ; saisissons-la donc, et fixons
nos conditions. Établissons un trône qui ait de l'avenir, en appelant un des
fils du modèle des rois à présider aux destinées de
Je voterai
pour le duc de Nemours, ne voyant pour ma patrie que peu de chances de
prospérité et d'indépendance dans une autre combinaison. Celle-ci est, dans ma
conviction, la seule qui nous présente des garanties d'existence comme nation,
et qui nous offre le gage du bien-être futur d'une population attachée à ses
libertés, mais qui, essentiellement agricole et industrielle, a besoin d'une
protection qu'elle ne trouvera que là où il y a force, sympathie et
indépendance.
Concilions
donc, messieurs, et les intérêts moraux et les intérêts matériels, et nous
pourrons dire aux deux classes de nos concitoyens qu'ils concernent, en faisant
allusion à une ancienne devise, qui a été rappelée par l'honorable collègue qui
a parlé le premier dans cette mémorable discussion : Tout n'est pas perdu, car
vous aurez du pain et de l'honneur !
J'ai dit. (U. B., 4 fév.)
M. Werbrouck-Pieters – Messieurs, j'éprouve le besoin de
dire sur quels motifs je fonde le parti que je me propose de prendre dans cette
séance solennelle, où tout l'avenir de notre patrie est en présence.
C'est dans
une semblable circonstance que tout représentant de la nation, ayant
véritablement le cœur et la conscience belges, doit sans peur comme sans
reproche s'expliquer franchement, et savoir dire à la face du monde quels sont
les sentiments (page 393) et les
raisons qui le déterminent, dût-il ne pas partager l'opinion de la majorité, et
s'exposer même en se conduisant ainsi à perdre certaine popularité. Sourd aux
acclamations comme aux huées d'un parti quelconque, il restera inébranlable
dans ce devoir. Et où serait la liberté en tout et pour tous, si elle ne
trouvait point un asile sacré et inviolable dans cette enceinte ? Elle ne
deviendrait qu'un privilège exclusif d'une opinion ; elle ne serait enfin qu'un
leurre pour ceux qui ne penseraient point comme d'autres dont les idées ont la
faveur du jour. Ce serait là à mes yeux la plus grande tyrannie possible, et
faite pour étouffer les discussions dont le choc doit nous donner aujourd'hui
la lumière nécessaire pour bien juger de ce qui convient le plus aux intérêts
de
Plusieurs
orateurs ont parlé, à ce qu'il m'a paru, des puissances étrangères d'une
manière plus ou moins hasardée, s'imaginant sans doute que
Je vous
avouerai sincèrement, messieurs, que malgré toute ma bonne volonté et le désir
que j'ai de me trouver d'accord sur ce point avec eux, je ne le puis sans
renier ma conviction, sans renoncer à la franchise avec laquelle j'ai
l'habitude de m'énoncer.
Permettez-moi
donc de vous observer que, pour ma part, je pense que si l'Europe ou quelques
puissances de l'Europe croient avoir ou le droit, ou l'obligation d'intervenir,
ou si seulement elles s'y croient intéressées, qui doute que sous un nom ou
sous un autre, elles ne trouvent prétexte ou moyen de se mêler de nos affaires,
même en protestant de mille manières de leur respect pour nos droits.
Si l'on
considère même le droit ou la faculté d'intervenir de la manière la plus
abstraite, est-il vrai que ce droit ou cette faculté puisse toujours être
contestée ? Si je vois mon voisin préparer contre moi des moyens moraux ou
matériels d'agression, dois-je, avant de contrecarrer ses vues, attendre
positivement qu'il en ait assuré le succès ? La fable où
S'il
s'agit d'une intervention fondée sur des titres positifs, les traités de 1814
et 1815 n'en fournissent-ils pas une ample provision aux cabinets qui voudront
s'en appuyer, soit relativement au royaume des Pays-Bas, soit relativement au
grand-duché de Luxembourg, qu'ils considèrent comme appartenant à la
confédération, ainsi que le porte leur dernière déclaration.
Tout ce
qu'on allègue contre ce droit d'intervention se réduit, en dernier résultat, à
des divagations de métaphysique. Autant vaudrait contester le droit de faire
la guerre. Vous ne voulez pas me permettre de me mêler un peu de vos affaires
dans les intentions les plus pacifiques ? eh bien ! soit ; je vais m'en mêler
violemment, radicalement et malgré vous, en vous déclarant la guerre. Il ne
faut point nous laisser égarer par des subtilités de rhéteur ; ce ne seront
point elles qui décideront de notre sort.
Les
puissances n'interviendront pas ! Je le souhaite comme vous, messieurs ; mais
depuis deux mois que font-elles donc autre chose que d'intervenir ? Et
nous-mêmes, dès le premier moment, n'avons-nous donc pas provoqué cette
intervention ? n'était-ce donc pas une proposition d'intervention faite à
Si
quelques puissances, a-t-on dit et dira-t-on encore, interviennent contre nous,
d'autres interviendront en notre faveur. Que l'expérience du passé vous
préserve de cette déception. C'est leur intérêt, non pas le nôtre, que ces
puissances auraient en vue, et après vous avoir quelque temps joués, elles
finiraient par vous abandonner pour d'autres combinaisons, ou par vous
engloutir elles-mêmes. Je conviens qu'elles pourront peut-être se disputer
quelque peu sur l'étendue de la carrière qu'il pourrait leur convenir de vous
laisser parcourir, en vous exténuant ; mais croyez qu'elles ne s'entendront
que trop bien, quand il ne s'agira plus que de partager vos dépouilles et de
régler les contributions qu'elles exigeront de vous pour ce prix de leurs bons
ou de leurs mauvais offices ; non compris peut-être encore les frais, le
malaise et la servitude d'une occupation militaire pendant un nombre d'années
plus ou moins prolongé.
La
vaillance des Belges est grande sans doute ; mais d'autres peuples ont du
courage aussi, et leurs moyens d'attaques sont plus solidement organisés que ne
peuvent encore l’être nos moyens de défense. Et puis encore le sort des armes
n'est-il pas journalier ? Notre pays n'est pas profond : un échec notable à
l'une de nos frontières peut nous rejeter du premier coup à la frontière
diamétralement opposée et nous enlever toutes nos ressources, tant en
territoire qu'en population et (page 394)
en revenus publics. Pourquoi vous confier au hasard seul, quand il dépend
encore de vous d'arranger tout d'une manière et plus stable et plus sûre, avec
de la prudence et de la modération.
Mais, je
crois l'avoir entendu dire et répéter, vous en appellerez des gouvernements à
leurs peuples : vous ameuterez ceux-ci contre ceux-là. Ne voyez-vous donc pas,
messieurs, que cette impolitique menace doit seule vous aliéner et le gouvernement
et le peuple, sur qui vous paraissez compter le plus, puisque vous ne tendez à
rien moins qu'à remettre en problème et à la décision d'une ou de deux
batailles, et l'existence de l'un et la liberté de l'autre ? Vous n'y aurez de
partisans que dans la classe de ceux qui, toujours prêts à spéculer sur les
malheurs publics, s'inquiéteront peu 'de ce que peuvent devenir et leur pays
et le vôtre, pourvu qu'en peu de temps, ils puissent venir s'enrichir chez
vous et à vos dépens, soit dans les places qu'ils parviendront à s'y donner,
soit par l'adresse avec laquelle ils feront passer dans leurs coffres l'argent
destiné à la nourriture et au vêtement de vos soldats et à l'approvisionnement
de vos forteresses.
Quoi qu'il
en soit, je conçois, messieurs, que ceux qui n'ont point les craintes qui
m'obsèdent et qui placent toute leur confiance dans un appel aux peuples, qui
croient qu'il suffit de cet appel pour voir des légions innombrables accourir à
leur voix, peuvent avoir une opinion contraire à la mienne et les coudées
franches, nomment celui qu'ils estiment le plus convenir à la nation d'après
leur système. Pour moi, je ne me livre point à l'enthousiasme de ces brillantes
illusions ; et d'ailleurs alors même ce sera sur le sol de la patrie que se
videra la querelle des rois et dés peuples, et toutes les fois qu'il s'agit
d'appeler dans nos provinces pour venger nos injures un plus fort que nous, une
autre fable, celle du Jardinier et son seigneur, en retrace à mes yeux
les conséquences naturelles, et je me rappelle encore alors l'adage : Quidquid
delirant reges plectuntur Achivi ; ce qui signifie que les petits pâtissent
toujours des sottises des grands.
Je le
répète, messieurs, les lieux communs de l'enthousiasme m'affectent peu, j'aime
à m'appuyer sur quelque chose de plus positif ; si vous croyez
En
agissant ainsi, loin de me croire l'ennemi de mon pays, je pense au contraire
que je lui donne la plus grande preuve de mon amour et de mon attachement.
Toutes les
fois que j'ai été et que je serai appelé à lui faire connaître mon opinion,
j'ai imposé et j'imposerai silence aux sentiments que la passion inspire pour
lui parler raison et expérience ; elles sont meilleures conseillères :
puissent-elles avoir le dessus aujourd'hui !
Au surplus
et pour conclusion, la plupart, pour ne pas dire tous les orateurs qui m'ont
précédé, n'ont présenté et parlé que des deux candidats qui semblent seuls
avoir quelque chance ; ils sont convenus eux-mêmes que l'un et l'autre peuvent
nous amener une guerre plus ou moins immédiate. Je partage
malheureusement cette opinion, et c'est parce que telle est aussi ma conviction
que je recule devant la responsabilité qui pèserait sur moi en émettant un vote
qui attirerait (page 395) sur ma
patrie le plus cruel de tous les maux. C'est encore pour cette raison que je ne
donnerai ma voix ni au duc de Leuchtenberg ni au duc de Nemours.
Mais
lorsque le devoir de me prononcer me sera imposé, d'accord sur tous les motifs
que mon honorable collègue M. Osy vous a développés et auxquels j'adhère en
tous points, puisqu'il est une combinaison dont le respect que je dois à la
décision de l'assemblée me défend de parler, j'inscrirai sur mon bulletin le
nom auguste de S. A. le prince Charles-Théodore-Maximilien-Auguste de Bavière...
(Hilarité générale.) (C., suppl., 4 fév.)
M. le président – Messieurs,
c'est faire insulte au prince que l'orateur vient de nommer. (U. B.., 4 fév.)
M.
Werbrouck-Pieters – N'y faites pas attention, M. le président. (On rit plus
fort.)
L'orateur
reprenant son discours : Je voterai pour le prince de Bavière, frère du roi
actuel, et né le 7 juillet 1795, à moins qu'on ne me présente un candidat qui,
à mes yeux, conviendrait mieux. Ce prince offre cet avantage de ne pouvoir porter
ombrage à aucune puissance, et par là nous éloignerons de notre chère patrie
tout sujet de guerre et ses horribles conséquences : ce prince pourra encore
nous assurer plus tard des relations amicales avec les puissances, un peu d'industrie
et de commerce, et, en attendant, le repos et la stabilité après lesquels le
peuple et tous les Belges aspirent.
Messieurs,
j'ai parlé, je ne dis pas avec une franchise et une liberté entières, mais avec
ce que nous laisse de liberté l'état actuel des dispositions de l'assemblée ;
et il y a, quoi qu'on dise, et même sans celle du prince d'Orange, d'autres combinaisons
propres à sauver le pays, avec celle du choix de deux princes qu'aucun de nous
ne connaît, et ce sont celles que les préventions qui nous assiègent ne
permettent pas de développer maintenant. J'ai dit. (C., suppl., 4 fév.)
M. Deleeuw se fait inscrire sur. (E., 4
fév.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit le discours de M. Alexandre Rodenbach
:
Messieurs,
une oppression étrangère pesait sur
Nous avons
combattu ; comme les Français, nous avons su vaincre le despotisme ; nous
saurons asseoir d'une
manière durable l'édifice de nos libertés politiques et religieuses.
Élus par
le vote spontané d'un peuple libre qui nous a confié le mandat d'établir sur
des bases stables ce code de libertés qu'il a conquis et pour lequel il a versé
son sang, nous sommes appelés aujourd'hui à statuer sur la plus grave des questions
qui peuvent surgir d'une pareille époque sur celle du chef de l'État.
Des
insinuations craintives, indignes de cette énergie que le peuple belge a
déployée, fomentent des divisions dont une diplomatie astucieuse veut tirer
parti ; libres représentants d'un peuple qui a su conquérir cette liberté, nous
ne devons écouter ici d'autre voix que celle de l'intérêt national.
De faibles
débats d'intérêts commerciaux, discutés avec adresse, mais qui ne se rattachent
qu'à des intérêts isolés, quelques insinuations diplomatiques, résidu de cette
fallacieuse politique de
Ce fut
déjà un acte de faiblesse que celui de demander aux cinq grandes puissances
leur assentiment au choix que nous pourrions faire.
Le roi des
Belges doit être, comme le roi des Français, l'élu du peuple et non celui des
cabinets étrangers.
Émettons
tous ici un vote libre, indépendant, et qu'il tende à donner un chef aux
défenseurs de la patrie, si nous devons marcher encore au combat. Que son nom
nous promette la prospérité dans la paix, la gloire dans la guerre ; que le
sang de nos martyrs ne soit pas inutile ; que le drapeau national soit une fois
celui de la patrie et non l'auxiliaire de ses oppresseurs.
La
question relative au duc de Nemours, c'est la réunion à
L'immense
majorité des Belges repoussera un prince français mineur, et ne se réunira
jamais que par la force à cette France, d'abord si généreuse, dont le
machiavélique ministère nous pousse maintenant vers l'anarchie, afin de nous
envahir ensuite à travers les décombres de notre malheureuse patrie.
Dans plusieurs de nos grandes villes et surtout
(page 396) dans les campagnes, si la
haine pour la famille des Nassau est la première vertu, l'éloignement pour tout
joug étranger est la seconde.
Un
publiciste célèbre nous dit que, de toutes les combinaisons, l'élection d'un
prince français serait la plus fatale, et que nous ne tarderions pas de
perdre, avec notre indépendance, la liberté de la presse, la liberté
d'instruction, la liberté religieuse et les libertés provinciales et
communales.
Est-ce
pour retrouver nos griefs que nous voudrions un prince français ? avons-nous
fait la révolution pour un simple changement nominal ? fallait-il faire couler
tant de larmes, verser tant de sang, couvrir le pays de misère et de deuil pour
s'exposer à reprendre des fers qui, pour être plus polis, n'en seraient pas
moins pesants !
J'avais
pensé qu'une assemblée vraiment nationale ne méconnaîtrait jamais l'intérêt de
la patrie. J'ai acquis l'effrayant pressentiment du contraire, et c'est là ce
qui me force aujourd'hui à me joindre au grand nombre de mes honorables collègues
qui saluent comme roi des Belges le duc de Leuchtenberg.
Quelque
temps avant le départ de Bonaparte pour prendre le commandement de l'armée
d'Italie, un jeune enfant se présenta chez lui pour réclamer l'épée de son
père, l'émule et le compagnon de Lafayette ; à l'aspect de ce fer qui n'avait
jamais été tiré que pour la cause de la liberté, le jeune adolescent se trouble
et des larmes de douleur sillonnent ses joues. Sa touchante émotion décèle au
héros qui en est témoin le prix d'une âme aussi noble ; et cet enfant, c'était
Eugène de Beauharnais !
Le fils de
cette âme ardente, de ce cœur généreux, saurait-il s'écarter de la route que
son père lui a tracée ? Le duc de Leuchtenberg est la meilleure combinaison en
ce moment pour assurer la paix à
D'ailleurs,
la dignité de la nation ne pourrait descendre à élire un prince que sa famille
et le cabinet français nous refusent.
Nous voulons être libres, nous le serons avec
Auguste de Beauharnais, qui en assumant la défense de nos libertés, accepte les
conséquences de notre révolution et de notre position présente. D'un caractère
héroïque et fort, Auguste 1er volera, à la tête de nos braves légions, planter
le drapeau national sur les remparts de nos ennemis.
La
discussion ultérieure de l'assemblée délibérante fixera mon vote. (U. B., 4
fév. et C., supp., 4 fév.)
M. le président – M. Van de Weyer a la parole. (Attention
marquée dans l'assemblée. (J. F., 4
fév.)
M. Van
de Weyer – Messieurs, après tout ce qui a été dit sur la grave
question qui nous occupe, et de si nombreux discours prononcés à cette tribune,
pour ou contre les deux candidats ; après l'examen auquel on s'est livré sur
l'état actuel de l'Europe, et sur les questions résultant de cet état, il
serait difficile de dire quelque chose de neuf. Le champ vaste des conjectures
a été parcouru ; et, sur ce terrain mobile, chacun a cru pouvoir bâtir un
édifice solide.
Trois
opinions partagent cette assemblée. Les uns, en parlant du duc de Leuchtenberg,
regardent la guerre comme imminente ; les autres, en parlant du duc de
Nemours, croient aussi la guerre imminente ; les troisièmes, en parlant d'un
candidat que d'ailleurs ils ne nomment pas, assurent que la nomination de ce
candidat empêcherait la guerre d'éclater. Messieurs, la meilleure manière de
conjecturer en politique, c'est d'examiner le passé ; car les conjectures sur
l'avenir ne peuvent reposer que sur la connaissance des faits antérieurs. Or,'
c'est cette connaissance qui me porte à croire que la guerre n'est pas
possible, ni avec le duc de Leuchtenberg, ni avec le duc de Nemours. Je n'y
crois pas plus aujourd'hui que je n'y croyais il y a trois ou quatre mois. Je
rappellerai au congrès qu'il y a trois mois, on nous disait que les Prussiens
étaient prêts à passer les frontières et à envahir
L'intérêt
des diplomates réunis à Londres est d'éviter la conflagration universelle.
Je ne
crois donc pas plus la guerre possible avec le duc de Leuchtenberg qu'avec le
duc de Nemours.
Remarquez,
messieurs, que le choix du duc de Nemours est, pour
Je ne
crois donc pas à la guerre. Je ne reproduirai pas ce qui a été dit hier
touchant la situation de l'Angleterre et des autres puissances. Je
n'examinerai pas, car on l'a suffisamment prouvé hier, si la réforme
parlementaire n'impose pas à l'Angleterre la nécessité de renoncer à la guerre,
sous peine de voir éclater une révolution intérieure ; mais j'ajouterai que,
dans toutes les villes manufacturières, des pétitions couvertes de deux ou
trois cent mille signatures déclarent que, si contre toute justice le
gouvernement devait retomber dans le système de Pitt, et renouveler pour des
principes une guerre continentale, l'impôt serait refusé. Ce sont des faits
dont j'ai été témoin, messieurs ; ce sont des faits constants, avérés, populaires
en Angleterre.
A mes
yeux, le seul moyen de conserver à
Examinez,
messieurs, le système de ceux qui parlent en faveur du duc de Leuchtenberg, et
qui s'imaginent donner par là à
Mais en
supposant l'existence des traités, pensez-vous que le choix du duc de
Leuchtenberg serait respecté par les puissances ? Avons-nous oublié qu'une
condition première, essentielle, de ces traités, porte que tous les membres de
la famille Bonaparte seront à jamais exclus de tous les trônes de l'Europe ?
Que ferez-vous, après avoir rejeté le duc de Nemours, si vous élisez le duc de
Leuchtenberg ? Avez-vous le consentement des puissances ? Ont-elles rétracté
cette disposition des traités exclusive des membres de la famille Bonaparte ?
Si vous avez une pièce portant cette rétractation, produisez-la.
On a beau
dire que
J'ai la
conviction profonde que le duc de Leuchtenberg ne pourra pas mettre le pied en
Belgique : je puise cette conviction, non pas dans la lettre dont on a parlé et
que je n'ai pas vue, mais dans les sentiments d'honneur et de droiture que doit
posséder le duc de Leuchtenberg. Cette vénération de la famille Beauharnais
pour
Je me
permettrai de rappeler au congrès la détermination prise par le duc de
Leuchtenberg. Si j'ai bonne mémoire, le membre du congrès (Note de bas de page : M. le
baron de Stassart) qui
s'est prononcé le partisan le plus zélé et le plus ardent pour le duc de
Leuchtenberg, est possesseur d'une lettre du duc de Bassano qui confirme cette
détermination. Il y a deux lettres, une officielle, une particulière, et toutes
les deux contiennent un refus formel d'accepter la couronne. Voilà un motif
assez puissant, je l'espère, indépendamment des raisons que j'ai fait valoir et
qui sont prises dans les sentiments d'honneur du jeune prince, qui le forceront
à repousser votre choix.
Mais,
depuis ces lettres, dit-on, l'agent direct du duc de Leuchtenberg a déclaré
qu'il accepterait. L'agent direct du duc de Leuchtenberg ? je n'en connais pas
; je suis surpris d'entendre parler d'un agent direct. Il n'y a d'agent direct
que celui qui serait reconnu ; or, je le répète, il n'yen a aucun. La seule
personne revêtue d'un caractère semi-officiel n'est pas venue à Bruxelles. Le
comte de Méjean ne devait y venir qu'avec l'assentiment du cabinet français, et
il est retourné directement à Munich pour dire au prince que
Le refus
du jeune prince est donc assuré, si vous l'élisez. Quelle est la récompense
immédiate de ce refus ? de deux choses l'une : ou le retour du prince d'Orange
et la guerre civile à sa suite, ou bien, s'il accepte, l'envahissement et la
conquête de
Le choix
du duc de Nemours calme ces dispositions ; il calme aussi
De tous
les orateurs qui ont parlé en faveur du duc de Leuchtenberg, il n'en est pas un
seul qui ait répondu aux arguments nombreux et solides qui ont démontré que,
sans le duc de Nemours, nos intérêts commerciaux et industriels étaient
sacrifiés. Tous les industriels montés à la tribune ont démontré que
l'industrie et le commerce seraient anéantis par le choix du duc de Leuchtenberg
; un seul des partisans de ce dernier a-t-il répondu aux chiffres et aux
calculs incontestables si bien présentés par l'honorable M. Lardinois ? Non ;
en quoi donc espère-t-on ? On se flatte, on croit à la sympathie vive et active
des quatre puissances pour le principe de notre révolution ; on va plus loin :
Mais,
dit-on, c'est une grave erreur en politique que de s'appuyer sur une seule
puissance ; notre intérêt, au contraire, est d'exciter leur rivalité, en
s'appuyant sur toutes et en ne s'alliant à aucune.
On
raisonne, messieurs, comme si nous avions reçu l'assurance de l'appui des
puissances.
(page 399) Sera-ce
On a
considéré la nomination du duc de Nemours comme une espèce de réunion, et c'est
l'argument principal dont on se sert pour le repousser. Je crois avoir démontré
qu'il n'y a qu'un seul moyen d'empêcher la réunion, c'est de prendre un roi
français ; si le choix d'un tel prince était une réunion déguisée, je le
déclare, je repousserais cette candidature ; c'est parce que j'ai la conviction
que cet effet serait produit inévitablement par le choix du duc de
Leuchtenberg, que je lui refuse mon vote.
Un autre
argument qui circule entre les partisans du duc de Leuchtenberg, et que je
tiens de l'un d'eux, c'est que la nomination du duc de Nemours entraînerait à
l'adoption des principes religieux qui dominent en France, et que l'intolérance
philosophique, propagée dans notre pays, détruirait ces vues larges et
libérales qui nous animent.
J'ose le
dire, messieurs, cette supposition est une grave erreur. Je connais assez bien
mon pays pour croire que les principes d'unionisme, puisque c'est ainsi
qu'ils ont été nommés, sont trop profondément empreints dans le cœur des
libéraux belges pour que la nomination du duc de Nemours puisse leur porter
quelque atteinte. Quand les principes répandus en France existeraient dans
l'esprit de quelques-uns de nos compatriotes, les principes de l'union sont
trop justes pour ne pas finir par triompher même en France. Nous avons donné
l'exemple, et déjà en France l'intolérance philosophique perd tous les jours de
son influence.
Une
nouvelle tactique de ceux qui, hors de cette enceinte, poussent à l'élection du
duc de Leuchtenberg, c'est de répandre dans l'armée le bruit que la nomination
du duc de Nemours opérerait une diminution instantanée des appointements.
Voyez, messieurs, quelle manœuvre on ose employer ! Les bases de la stabilité
de l'État, comme de tous les États, reposent sur les forces morales et
matérielles. On inquiète les unes, on trouble leur conscience ; on fait un appel
à l'intérêt privé des autres. Comme si la nomination du duc de Nemours pouvait
porter atteinte à ce qui est établi et consacré chez nous !
J'aurais,
je l'avoue, préféré que l'assemblée, qui est partagée entre deux candidats, eût
pu réunir ses suffrages sur un tiers. Mais l'alternative est posée ; il faut la
subir.
Si je vote
pour le duc de Nemours, c'est parce que j'ai la conviction profonde que la
candidature du duc de Leuchtenberg cache un piége grossier, qui échappe
toutefois à ses partisans. Voter pour lui, c'est vouloir, c'est appeler la
restauration ! Et c'est là précisément ce qui fait appuyer secrètement cette
candidature par des bommes influents, qui cherchent à nous rendre victimes de
cette manœuvre. (U. B., 4 fév.)
M. Lebeau – Je demande la parole pour un fait
personnel ; je prie M. le président du comité diplomatique de rester à la
tribune. Messieurs, on a parlé d'un partisan zélé et ardent de M. le duc de
Leuchtenberg, lequel aurait reçu une lettre de M. le duc de Bassano. Comme j'ai
été, comme je reste et je resterai partisan zélé et ardent du duc de
Leuchtenberg, je désire qu'on sache que ce n'est pas moi qui ai reçu la lettre
en question ; et je déclare non seulement que je n'ai pas reçu cette lettre,
mais encore que je n'ai jamais pris part à une correspondance étrangère à ce
sujet.
Voici une autre question : on a dit qu'on avait la conviction
intime que le duc de Nemours accepterait la couronne. Comme nous avons un
refus officiel dans la lettre signée par M. le ministre des affaires
étrangères, je prie M. le chef du comité diplomatique de nous dire si nous
avons la révocation officielle du refus officiel. Vous sentez que, si, comme
particulier, j'ai la plus grande confiance en la parole d'honneur de M. le président
du comité diplomatique, comme député et vis-à-vis de mes commettants, il me
faut autre chose que la parole d'honneur. Je lui demande donc s'il a reçu la
rétractation officielle du refus persévérant de M. le duc de Nemours, et si
l'Angleterre donnerait son adhésion à ce choix ? (U. B., 4 fév.)
M. Van de Weyer, président du comité diplomatique – Je répondrai à la première observation
comme membre du congrès. Je suis surpris que l'honorable membre, qui repousse
avec force le soupçon d'avoir reçu une lettre du duc de Bassano, ait cru devoir
relever une assertion, un fait qui ne s'appliquait point à lui. Je n'ai nommé
personne, et ce n'est que dans le cas où je l'aurais nommé que l'honorable
préopinant aurait pu parler sur un fait personnel.
(page 400) Maintenant, comme président
du comité diplomatique, j'ai l'honneur de rappeler que rai dit que j'avais la
conviction intime que le duc de Nemours nous serait accordé. Le mot même de conviction,
dont je me suis servi, devait empêcher le préopinant de me faire la
question qu'il m'a adressée. Je n'ai pas dit que j'étais certain de l'acceptation
; car, pour tenir un pareil langage, il aurait fallu que j'en eusse la preuve
officielle, et, dans ce cas, j'aurais cru pouvoir et devoir trancher la
question. En mettant sous vos yeux la pièce probante, je vous aurais dit :
Messieurs, je viens de recevoir la preuve de l'acceptation du duc de Nemours ;
je puis donc annoncer au congrès que son choix ne sera pas fait en vain. Il
m'est impossible de parler ainsi ; mais je n'ai pas moins la conviction que la
couronne sera acceptée par le duc de Nemours. Les éléments de cette conviction,
je les puise ailleurs que dans des communications officielles ; et il me
semble que les motifs que j'ai développés suffisent pour la justifier. Je prie
le congrès d'être bien certain que, si une pièce quelconque me fût parvenue,
je n'en aurais pas fait mystère, parce que, dans une circonstance aussi
importante, je manquerais à mes devoirs si je n'en donnais pas connaissance
immédiate à l'assemblée. (Dans les tribunes : Bravo ! bravo ! - Interruption.)
(U. B., 4 fév.)
M. le président – J'en appelle aux bons citoyens des
tribunes. Quels sont ceux qui ont troublé l'ordre ? je somme les bons citoyens
de les indiquer. (Silence profond.) Ce silence est une improbation
contre les perturbateurs. Si cela se renouvelle, je serai obligé de confondre
les bons et les mauvais citoyens, et de faire évacuer les tribunes. (U. B., 4 fév.)
M.
le baron de Stassart – Je demande la parole pour un fait personnel. Le député que
notre honorable collègue, M. Van de Weyer, désigne comme ayant reçu de M. le
duc de Bassano une lettre relative au refus que le duc de Leuchtenberg ferait
de la couronne belge, c'est moi... J'ai fait, de cette lettre, en date du 25
janvier, l'usage que l'honneur me prescrivait d'en faire : (page 401) je me suis empressé d'en
donner connaissance à ceux de mes collègues qui croyaient devoir appuyer la
candidature du duc de Leuchtenberg ; je la leur ai communiquée, le 27, à
l'hôtel de
« Monsieur
le Baron,
« Je
comptais profiter du départ de M. V. D. T. pour vous remercier de la lettre que
vous m'avez fait l'honneur de m'écrire par M. le comte Méjean, qui est retourné
sur le champ en Bavière où l'on connaissait déjà les dispositions de notre
cabinet et où l'on avait pris, en conséquence, une résolution que vous
approuverez comme homme sage, quoi qu'elle puisse contrarier vos vues comme
Belge. Le prince Auguste ne pourrait accepter une élection à laquelle
« Agréez,
monsieur le baron, les nouvelles assurances de tous mes sentiments. .
« LE
DUC DE BASSANO.
« Paris,
mardi 25 janvier 1831. »
On lit au
bas de cette lettre les mots suivants écrits de la main de M. Van Meenen, l'un
des députés qui assistaient à la réunion dont parle l'orateur à la fin de son
discours : « Cette lettre nous a été communiquée le 27 février en notre
réunion, hôtel de
« VAN
MEENEN. »
Voici la
réponse que fit M. le baron de Stassart à la lettre de M. le duc de Bassano :
« Bruxelles,
le 30 janvier 1831.
« Monsieur
le duc,
« J'ai
reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 25, et je vous en
rends mille grâces, mais elle me jette dans le plus grand embarras du monde. M,
le comte Méjean m'avait dit que je pouvais affirmer de la manière la plus
positive que le prince Auguste accepterait la couronne des Belges et qu'il
serait, ici, douze jours après l'élection. M. le comte Méjean ne m'ayant pas
écrit pour dégager ma parole, je me considère comme obligé par l'honneur à
voter pour le duc de Leuchtenberg. Si néanmoins le duc de Nemours obtient plus
de suffrages au premier tour de scrutin, je croirai devoir, au second tour, me
rallier à ses partisans ainsi qu'un grand nombre de mes amis. Je sens
l'importance, pour
« Si
le duc de Nemours est élu, puissent au moins vos ministres soutenir ce qu'aura
fait le congrès national et montrer l'énergie nécessaire !
« Agréez,
monsieur le due, les nouvelles assurances de ma haute considération et de mon
dévouement.
« LE
BARON DE STASSART. »
M. Van Meenen – Le fruit que nous
recueillons aujourd'hui, messieurs, d'une diplomatie, à la fois humble et
présomptueuse, téméraire et timide, c'est que, par un fatal concours de circonstances,
à force de présentations et d'exclusions, surtout de la part du cabinet
français, auquel nous nous sommes trop imprudemment livrés, nous en sommes
réduits à opter entre deux candidats, devenus en quelque sorte inévitables, au
lieu d'élire, soit parmi nous, soit à l'étranger, librement,
consciencieusement, l'homme que ses propres vertus, le vœu public, et les
intérêts de l'État, appelleraient à nous gouverner.
Ni l'un ni
l'autre de ces candidats n'est de mon choix, et ne répond aux vœux que je
formais, lorsque j'acceptai l'honorable mission que je tâche ici de remplir,
ni, je crois, à ceux des électeurs qui me l'ont confiée.
Que faire
donc ? Me soustraire à un devoir que les circonstances ont rendu pénible ?
Parce que je ne puis avoir un homme selon mon cœur et mes vœux, jeter, dans
l'urne une voix perdue ? Parce que je ne puis atteindre au bien, tel que je le
conçois, refuser à ma patrie un suffrage qui pourra servir à lui épargner du
moins les maux qui la menacent ? Non, messieurs ; je me croirais traître à mon
mandat, déserteur de ma mission, et je ne sais point me rassurer contre la voix
impérieuse du devoir par les suggestions lâches de la timidité ou de
l'hypocrisie.
Je voterai
donc pour l'un des deux candidats entre lesquels se partagent les suffrages
utiles de cette assemblée. Et les motifs qui me déterminent, du moins jusqu'à
ce moment, je vais vous les soumettre.
L'orateur
croit qu'il n'y a point de guerre de principes à craindre ; les puissances sont
trop intéressées au maintien de la paix. Une guerre de conquête pourrait
éclater ; elle éclatera si nous choisissons le duc de Nemours qui ne peut convenir
aux cabinets étrangers, parce que c'est une réunion indirecte.
Si nous
choisissions d'ailleurs le duc de Nemours, le roi Philippe ne nous
l'accorderait pas, il l'a positivement déclaré.
L'orateur
croit que le duc de Leuchtenberg maintiendra l'équilibre européen ;
Le duc de
Leuchtenberg ne sera donc pas un roi transitoire, comme on l'a dit : reconnu
par tous les cabinets, ce prince sera assis sur un trône ferme et durable. Le
duc de Nemours au contraire sera un roi de transition ; car les puissances se
coaliseront contre lui et le feront tomber.
L'honorable
membre voudrait examiner la question sous le rapport des chiffres. Mais
il n'a pas les connaissances nécessaires pour la résoudre convenablement. On a
dit qu'on n'a rien répondu aux raisonnements des industriels. Mais on peut en
dire autant des arguments développés, par un grand nombre de partisans du duc
de Leuchtenberg.
L'orateur
termine son discours par une réfutation de quelques considérations développées
par M. Van de Weyer et déclare qu'il votera pour le duc de Leuchtenberg. (C., 4
fév.)
M.
Charles Rogier – Messieurs, quand, il y a six mois à peine, un joug avilissant
pesait sur notre chère patrie, que toute nationalité avait disparu, que
Et
trois mois s'étaient à peine écoulés, que la nation belge avait une armée à
elle, une administration à elle, une constitution à elle : une armée, avec son
drapeau tricolore arrosé du sang des plus pures victimes ; une administration
purgée de tous les privilégiés hollandais ; une constitution à faire envie aux
peuples les plus avancés en liberté politique et religieuse. :
Et le
prodige de cette révolution s'était accompli sans violence contre les
personnes, sans violence contre les biens, sans réaction d'aucun parti, sans
dissensions intestines, sans une seule condamnation politique, sans tentative
même de tyrannie, ni de la part de ceux que la révolution avait mis à sa tête,
ni de la part de ces classes pauvres, si puissantes après avoir été si
longtemps opprimées.
Est-il
étonnant, après tout cela, qu'un sentiment de nationalité ait pris l'éveil
chez nous, et déjà de si fortes racines ; que des sympathies naturelles se
soient effacées ; que des répugnances même en aient pris un instant la place,
alors surtout que ceux qui devaient nous tendre la main, au nom d'un peuple
voisin, n'eurent d'abord à nous apporter que de lâches conseils, puis d'insultants
détours dont s'indignèrent notre honneur et notre probité politique ?
Messieurs,
j'ai cru longtemps qu'après avoir proclamé notre nationalité et notre
indépendance, pour clore avec dignité, promptitude et bonheur une révolution
faite par nous seuls et pour nous-mêmes, le congrès ne devait pas choisir
notre chef en dehors de cette nation sortie si pure et si radieuse de sa
victoire ; qu'il devait, avant tout, la couronne à un prince d'origine belge et
révolutionnaire, qui fût à la fois le représentant de la révolution et la
garantie de sa durée.
Ce chef
eût été temporaire ou héréditaire ; peu importe, là n'était pas notre question
sociale : mais enfin, ce chef eût mis le dernier sceau à notre révolution,
avant que les embarras de la diplomatie vinssent s'en emparer, l'amortir et la
compromettre.
Un prince
indigène eût été un choix vraiment national ; attaché au sort de la révolution,
il aurait triomphé ou péri avec elle : mais il aurait triomphé, s'il faut
avoir foi dans cette Puissance supérieure et protectrice qui semble avoir
souri, dès la première heure, à l'acte de notre affranchissement, qui l'a
maintenu fort et respecté à travers bien des entraves, et qui devait aussi
cette récompense à tant d'héroïque dévouement, à tant de sang généreusement
versé, à tant de résignation unie à tant de courage.
Ce choix
s'est trouvé empêché : trop d'ambition d'une part, trop de désintéressement
peut-être de l'autre, ne l'ont pas permis. Aujourd'hui que ce premier et simple
droit d'une nation qui se constitue a été négligé ; qu'on a enlevé à
l'histoire de la révolution ce trait de fierté et de confiance en elle-même, au
peuple cette satisfaction d'un amour-propre légitime, aux nations qui ont à
s'affranchir cet exemple d'un expédient facile ; aujourd'hui qu'on est
convenu de prendre ailleurs que chez nous celui qui doit présider à nos
destinées, où convient-il d'aller le prendre ? Je n'hésiterai pas à le dire,
notre bon sens et nos intérêts le crient assez haut.
Nous avons
à côté de nous une nation amie, avec laquelle nous avons déjà été réunis en famille,
à qui nous devons le signal de notre émancipation, et probablement son
maintien ; un peuple qui nous offre, avec beaucoup d'égards, même origine,
même mœurs, même langue, même religion, mêmes intérêts commerciaux, mêmes intérêts
politiques, même situation enfin vis-à-vis de la vieille Europe.
Le cabinet
français, je le sais, malgré les services qu'il a pu nous rendre, a eu de
graves torts envers nous ; il a hésité, molli, traité cavalièrement notre
diplomatie jeune et sans expérience, mais loyale et confiante, image fidèle de
la nation. Mais que nous font, à nous, hommes francs, naïfs et fiers cependant,
ces détours, ces arrière-pensées, ces mensonges de tel ou tel ministre ? C'est
de peuple à peuple que l'affaire se passe : nos drapeaux sauront s'unir, nos
mains se serrer, nos cœurs se répondre. La permission de la diplomatie viendra
après. Et, qu'elle vienne ou qu'elle ne vienne pas, la volonté de deux nobles
peuples, portés l'un vers l'autre d'un fraternel élan, n'en doit pas moins
rester invincible.
(page 403) A Dieu ne plaise qu'en
appelant au trône belge un prince français, nous croyions faire acte de faiblesse
ou d'humiliation ! Quatre millions d'hommes libres, disant à un prince si
puissant qu'il soit : Tu seras notre chef, ne sont point, après tout, si
méprisables. Je ne suis point partisan de ces intrépides orgueils qui se
hérissent à la seule apparence d'une égratignure faite à l'honneur national ;
mais je sens tout ce qu'il y a de fort, de grand, de généreux dans l'acte
national qui se prépare, et, membre du congrès, membre du gouvernement belge,
chargé d'offrir la couronne à un prince quel qu'il fût, je la briserais à ses
yeux, si je le voyais ignorer quel honneur insigne une telle couronne imprime
à un front, et quelles obligations de reconnaissance elle impose.
Comme moi,
messieurs, vous aurez senti la rougeur vous monter au front, en lisant quels
dédains sont descendus récemment de cette tribune française, écho ordinaire
pourtant de tous les sentiments généreux. Messieurs, si ce dédain était celui
de
Mais,
au-dessus des mépris intéressés de quelques industriels, que les forces et les
richesses de notre production peuvent faire trembler ; au-dessus des ironies
d'un avocat, fort spirituel d'ailleurs domine au sein de la nation, comme à sa
tête, un sentiment pur, juste, de ce que nous valons, et de ce que nous avons
le droit d'exiger : j'en pourrai donner mainte preuve irrécusable. Il me suffit
de la trouver, cette preuve, dans la sympathie de la grande majorité du peuple
belge pour le peuple français ; messieurs, cet instinct ne se trompe pas, et il
ne s'adresserait pas à qui peu lui nuire ou qui ne peut lui répondre.
Deux
candidats se partagent aujourd'hui les vœux du congrès. L'un et l'autre offrent
tour à tour des titres également puissants à la perplexité de plusieurs de mes
honorables collègues ; je la comprends, je l'excuse, car je l’ai moi-même
partagée.
Mais
enfin, au lieu de se perdre en conjecture qui se combattent et se détruisent,
il faut prendre un parti, suivre, à défaut de raisonnement, l'impulsion de nos
sentiments intimes, et nous laisser aller à ce qu'ils nous conseillent ; faire,
en un mot, ce que le peuple belge a fait en rejetant le joug hollandais, ce que
vous avez fait pour sanctionner l'œuvre de ce brave peuple, en proclamant la
déchéance d'une famille royale, toute couverte du sang belge, en proclamant
votre nationalité, si noblement, mais si chèrement payée.
Lui et
nous, nous avons fait cela sans prévoir les chances de reconnaissance ou de non-reconnaissance,
de guerre imminente ou de guerre possible. Nous avons fait cela parce qu'il
nous paraissait bien et convenable, parce que les intérêts et l'honneur de la
révolution le voulaient ainsi, et vous avez vu que jusqu'à présent cela nous a
réussi. Ayons donc confiance en notre œuvre : achevons-la, nous n'avons perdu
qu'un temps trop précieux.
Je sais et
je comprends la popularité dont le nom d'un des candidats est entouré en plus
d'un endroit ; je veux croire qu'il n'y a rien de factice dans cette popularité
; je conçois que notre peuple qui, au fond de l'âme, pense souvent au temps des
Français, sympathise avec un nom tout brillant de souvenirs français ; mais je
n'hésite pas à voter pour son concurrent, persuadé que ce qui plaît dans Leuchtenberg
se retrouve dans Nemours, et qu'il offre d'ailleurs des avantages plus
positifs, plus nombreux, plus assurés.
Je trouve,
dans le duc de Nemours, le fils d'un roi élu et populaire, né d'une révolution
qui est la mère et l'appui de la nôtre, un prince jeune, élevé dans des
principes plébéiens, jeune mais majeur par la raison, réfléchi, en âge de
comprendre à la fois nos institutions et de s'y faire, et déjà capable de se
montrer à l'armée.
Je le
demande comme nous apportant l'alliance, l'amitié, le marché de
Il m'est
inutile d'examiner, quant à moi, un autre système : quels qu'aient été les
envies, les répugnances, les détours du cabinet français, il acceptera, je le
crois ; il y va de son honneur et de son salut. Quant à nous, nous aurons fait,
à l’égard de notre alliée naturelle, acte de bonne amitié et de bon voisinage :
si elle refuse, nous l'aurons constituée en état d'ingratitude, et elle n'aura
plus rien à nous dire après.
Il me
reste, messieurs, un aveu à faire. J'ai hésité quelque temps à prendre la
parole dans cette circonstance. Des souvenirs d'enfance me rattachent à
M. le baron de Pélichy van Huerne
– Moi aussi, messieurs,
ma devise sera : Indépendance, nationalité ; j'y ajouterai : Liberté, prospérité.
La
question qui nous occupe depuis plusieurs jours est des plus graves, je ne m'en
dissimule pas l'importance, ni l'immense responsabilité qui va peser sur nos
têtes. Un oui, un non décidera le bonheur, le malheur de la patrie.
Jamais,
non, jamais représentants d'une nation ne se sont trouvés dans l'affreuse
alternative de choisir le chef de l'État entre deux écueils.
En effet,
messieurs, tout ce que vous avez entendu sur le choix des deux candidats, qui
paraissent devoir, parmi nous, obtenir la majorité des suffrages, vient
malheureusement confirmer cette terrible position. Les éloquents orateurs qui
m'ont précédé à cette tribune ne vous l'ont pas caché.
Les
adversaires du duc de Leuchtenberg vous ont dit : Si vous choisissez ce prince,
vous vous montrerez ingrats envers
Avec le
duc de Leuchtenberg, abandon de la seule puissance qui pourrait vous soutenir ;
avec lui, guerre au centre du pays. Avec
Par la
non-reconnaissance, de la part des puissances, du prince de Leuchtenberg point
de commerce, point de relations, point de duché de Luxembourg, point la partie
du Limbourg, ni la rive gauche de l'Escaut, ni l'évacuation de la citadelle
d'Anvers. Vous périrez, le duc s'en ira, et vous vous trouverez dans une
situation plus affreuse que la première.
Les autres
vous ont dit : Avec le duc de Nemours, ce sera la guerre immédiate, la perte
de votre nationalité, de votre indépendance ; enfin, vous deviendrez une partie
intégrale de
On a dit
que les puissances s'opposeront à cette nomination, que l'Angleterre surtout,
toute-puissante sur mer, ne pourra, sans se départir de son antique politique,
reconnaître ce choix, et par conséquent deviendra votre ennemie, pour dans la
suite, s'alliant avec
Qu'avec le
duc de Nemours, la guerre deviendra européenne, et que votre pays en sera le
champ de bataille.
Dans ce
concours fatal de circonstances, l'homme prudent cherche un port pour éviter les
écueils qui lui paraissent inévitables et se mettre à l'abri de la tempête.
Je pense,
messieurs, avoir trouvé ce port, dans le choix d'un prince digne de notre
amour, et qui ne donnant aucun ombrage à nos voisins, pourra ramener la
tranquillité, l'ordre et le bonheur au sein de notre patrie.
Ce prince,
seule planche, d'après moi, de notre salut, est l'archiduc Charles d'Autriche,
frère de l'empereur régnant, qui, par ses qualités personnelles, a mérité la
considération de ses concitoyens, et par sa valeur celle de ses ennemis. Bonaparte
le regardait comme son rival ; ce grand capitaine l'estimait, et cette estime
était partagée dans son armée.
Ce prince,
loin de professer les principes de sa maison, s'est identifié avec les idées de
son siècle, et par sa manière de penser s'est trouvé mainte fois en opposition
avec les membres de sa famille. Ici, messieurs, qu'il me soit permis de vous
rappeler qu'en 1814 et 1815 il a refusé le commandement de l'armée qui
marchait contre
Bon
citoyen, excellent père, prince généreux et vaillant, professant notre
religion, connaissant nos mœurs, il défendra notre indépendance avec courage ;
ami des Belges qu'il a souvent conduits à la victoire, et dont il s'est
toujours fait un plaisir de se voir entouré, son plus grand bonheur sera de
contribuer à celui de ceux qu'il porte dans son cœur.
On se
rappelle encore, en cette capitale, du temps où momentanément il a exercé le
pouvoir, de son attachement aux Belges, de sa popularité.
Ce nom,
cher aux habitants de notre patrie, vient réveiller tous les bienfaits que son
oncle le prince Charles de Lorraine a répandus sur notre sol. On se rappelle
avec émotion, en traversant la place de
Ce prince,
dont nous regrettons la perte, était, j'en appelle à tous les habitants de
cette capitale, le père du peuple, l'ami du pauvre, le soutien de l'infortune.
Si ce nom
nous est encore cher, pourquoi ne placerions-nous pas sur le pavois celui qui,
portant le même nom, possède les mêmes vertus ? Ce nom électrise tous les
cœurs ; le prince Charles nous conduira à la victoire, et, guidés par sa valeur
héroïque, elle ne nous échappera pas. Suivant les traces de la grande
Marie-Thérèse, par sa prudence consommée, il nous procurera la stabilité, le
bonheur, il nous conservera notre indépendance. Citoyen avec nous, il défendra
nos libertés.
Avec lui
nous pourrons défendre avec plus de force nos justes droits sur le duché de
Luxembourg, duché qui de tout temps a appartenu aux Pays-Bas, dont on ne peut
contester la possession, depuis que Philippe le Bon, en 1462, en a éteint
toutes prétentions étrangères, moyennant une somme d'argent. Le prince Charles
aura d'autant plus d'intérêt (ce sera même le devoir de la reconnaissance) à
arracher nos braves frères des mains de la tyrannie, qu'il se ressouviendra de
la fidélité que les habitants ont toujours montrée à sa famille. Par lui aussi
nous obtiendrons plus facilement la restitution de la partie du Limbourg que
l'on veut nous arracher, l'évacuation de la citadelle d'Anvers, Maestricht, la
rive gauche de l'Escaut. Pour lors, amis de nos voisins, ne leur donnant aucun
ombrage, gouvernés par le prince de notre choix, nous verrons derechef
reparaître l'ordre, la prospérité.
Par son
influence, il procurera à notre industrie nationale des traités de commerce
avantageux ; il saura maintenir l'ouverture de l'Escaut, et la liberté des
rivières, posée en principe au congrès de Vienne ; il fera respecter notre
pavillon. Avec le prince Charles disparaissent tous les obstacles, régence,
discorde avec les puissances, accusation d'ingratitude, guerre ; et par contre
surgissent la paix, l'amitié de nos voisins, reconnaissance de leur part,
relation de commerce, hérédité, ce prince étant père de quatre fils, qui, en
nous assurant la stabilité, nous font entrevoir une alliance possible avec
L'objection,
que l'on pourrait faire, que les puissances l'ont exclu, est facile à réfuter.
Il ne se trouve pas dans la catégorie désignée ; frère de l'empereur
d'Autriche, il forme, avec les siens, une autre branche ; il ne donne pas un
agrandissement de territoire à l'Autriche, ni ne procure aucun avantage à
cette puissance. Il se trouve isolé : et si cette objection existait, il se
trouverait sur la même ligne que le duc de Nemours, mais dans une situation
plus favorable, n'appartenant que collatéralement à la famille régnante.
Je pense
donc, messieurs, que dans la position où nous nous trouvons, l'élévation, au
trône de
Malgré
l'admiration charitable de mon honorable collègue M. Henri de Brouckere,
persuadé jusqu'à ce moment, en ma conscience, de remplir le mandat dont mes
concitoyens m'ont honoré, je voterai pour le prince Charles d'Autriche. (C.,
supp., 4 fév.)
M. le marquis de Rodes – Messieurs, je
viens rendre compte à la nation du vote que je vais émettre, dans le choix le
plus grave, le plus solennel que jamais peuple libre ait eu à faire. J'avoue
que je ne l'émets qu'en tremblant, mais au moins avec la plus grande liberté et
fort de la pureté de mes intentions et de ma conscience.
Messieurs,
du moment que la révolution belge a été un fait accompli, avons-nous demandé
aux puissances de reconnaître le gouvernement provisoire, d'arborer dans
toutes nos provinces le drapeau national aux couleurs belges, de procéder aux
élections, de nous constituer en congrès et d'agir en souverain ?
Avons-nous
consulté les puissances, pour proc1amer l'indépendance de
Par ces
motifs, j'ai voté, il y a trois semaines, contre l'envoi des commissaires tant
à Londres qu'à Paris, parce que c'était admettre le droit d'intervention.
(page 406) Sans cesse on fait courir les
bruits les plus alarmants, et le mot de guerre est répété partout.
Certes, ce mot est effrayant ; mais nous a-t-il effrayé le 25 novembre ? et
notre indépendance n'en a été que plus respectée !
Depuis que
la diplomatie se mêle du choix du chef de notre État, nous voyons chaque prince
que nous nous proposons d'élire rencontrer des difficultés nouvelles et
recevoir un brevet d'exclusion. Tous les jours on nous communique
semi-officiellement des lettres qui partent évidemment de la même source. J'ai
vanté à cette tribune la politique franche du ministre Sébastiani ; elle
l'était alors. Depuis, il s'est rétracté ; j'en fais autant, je me rétracte
aussi.
Messieurs,
notre politique doit être celle de
Choisissons
donc Auguste de Leuchtenberg. Le duc de Leuchtenberg, dit-on, ne nous donnera
pas de traités de commerce avantageux. C'est la force des choses qui nous en
donnera ; et pour commencer,
Pour
l'intérieur, messieurs, le duc de Leuchtenberg nous apporte de grands
avantages. Il est majeur, et peut se mettre à la tête de notre armée, qui a si
grand besoin d'un chef. Sa présence seule nous sauvera de l'anarchie. Dès son
arrivée, le provisoire cesse, et l'ère de notre nouvelle constitution
commence.
Avant de
terminer, je désire parler du duc de Nemours. Il est mineur, c'est une
calamité. Toutes les puissances de l'Europe seront jalouses de la prépondérance
de
On nous
représente le trône du futur roi des Belges comme un voisin dangereux pour le
roi des Français, comme un foyer de bonapartisme. J'avoue que je ne puis
concevoir cette assertion. Je ne vois, moi, que des écueils pour nous, pour
notre constitution, et on n'en parle pas cependant.
Messieurs,
nous avons la charte la plus libérale qui existe ; l'élection directe, établie
sur les bases les plus larges pour nos pouvoirs provinciaux et communaux ; la
loi sur la responsabilité ministérielle la plus sévère et la plus précise ;
les libertés de l'enseignement, de la presse, du jury, les mieux établies, et
jusqu'à un sénat électif.
Si
nous avons un prince français, nos institutions seront vues et connues de
Des
députés influents nous traitent déjà, à la tribune de France, de petite
Navarre.
Voilà des
phrases bien consolantes ! Je ne veux pas être, moi, un sujet de la petite
Navarre, et notre belle Belgique, avec environ quatre millions d'habitants,
n'est pas faite pour être traitée ainsi. Je ne veux être ni directement ni
indirectement (page 407) à
La
neutralité de
Sous
l'égide de
M. le comte Félix de Mérode – Après la discussion qui depuis
plusieurs jours excite la sollicitude de cette assemblée ; après les développements
donnés en sens divers par les orateurs les plus capables de faire valoir les causes
soumises à son examen, je craindrais de contribuer à la perte d'un temps
précieux dans les circonstances qui nous pressent en cherchant à reproduire les
motifs qui déjà sous tant de formes ont été, messieurs, l'objet de votre
attention sérieuse. Si tous les membres du congrès qui représentent ici le
peuple belge eussent été aussi faciles sur l'adoption d'un chef que celui qui
a l'honneur de vous adresser en ce moment la parole, depuis longtemps le chef
de notre État nouveau serait proclamé. Oui, messieurs,je regarderais comme un
fait immense, comme un exemple aussi glorieux pour nous qu'avantageux à la
liberté des peuples soumis encore au régime du bon plaisir, que l'exclusion à
perpétuité de la maison d'Orange de tout pouvoir en Belgique fût consolidée
par l'élection d'un prince immédiatement reconnu par plusieurs puissances de
l'Europe. Et remarquez, messieurs, que ce triomphe de la civilisation libérale
sur l'humiliant système de l'inadmissible légitimité serait obtenu, non plus
par une nation de 32 millions d'hommes, inviolable lorsqu'elle veut défendre
son territoire, mais par un peuple qui n'en compte que 4 millions.
Animé du
désir de ne pas compromettre par des prétentions exclusives l'œuvre finale et
nécessaire de notre régénération, j'aurais accepté tous les princes qu'une
réputation flétrie ne me portait point à rejeter. C'est ainsi que j'eusse voté
sans regret pour le prince de Saxe-Cobourg comme pour le prince de Bavière, ou
un prince de Naples, neveu du roi des Français. Les qualifications de
protestant, d'Anglais, d'Allemand, de Bourbon, faisaient sur moi peu
d'impression, persuadé que tout chef quelconque livré à lui-même, au milieu de
nous, ne pouvait être que Belge, ne pouvait contracter d'alliance qu'en se
conformant aux vœux du pays.
Mais parmi
ceux qui se présentaient à l'imagination sous des couleurs propres à séduire
les esprits, soit par l'espérance de conserver la paix, soit par des souvenirs
que l'histoire ne permet pas d'oublier, deux personnages me semblaient particulièrement
inadmissibles : d'abord le prince d'Orange, non pas principalement, comme nous
l'a dit notre honorable collègue M. Osy, en vertu de l'exclusion prononcée par
la presque unanimité des membres du congrès, mais parce qu'il amènerait chez
nous la discorde, la guerre intérieure et les maux inévitables d'une
restauration.
En second
lieu, le prince de Leuchtenberg ; parce qu'il inquiéterait
Selon
plusieurs des partisans d'Auguste de Beauharnais, Louis-Philippe ne comprenait
pas les vrais intérêts de sa couronne ; c'était de Bruxelles que devait lui
parvenir la lumière ; éclairé par elle il eût appris sans doute que rien
n'était plus assuré, plus constant que la faveur populaire ; que la
versatilité humaine avait cédé pour toujours aux idées de stabilité ; qu'enfin
les chances de réunir, quelque jour, sans combat,
Pourquoi
donc, messieurs, au lieu de charger nos commissaires à Paris du soin de nous
transmettre des renseignements positifs sur les intentions du cabinet
français, n'avez-vous pas enjoint à ces mêmes commissaires de convaincre Louis-Philippe
que rien ne devait lui être aussi agréable que le choix du duc de Leuchtenberg
; que vous n'aperceviez aucun inconvénient à ce qu'une fille de France épousât
votre nouveau souverain ; qu'en conséquence, l'obstination seule du ministère
pouvait mettre des obstacles à un projet de mariage combiné et résolu à
Bruxelles ?
Cependant
vous avez cru devoir adopter une conduite différente. Vous avez pensé que la
dignité nationale belge ne s'opposait point à ce que vous parussiez dans la
disposition de n'agir, relativement (page
408) au choix du chef de l'État, que de concert avec
J'éprouve
une impression pénible lorsque j'entends traiter avec dureté, dans cette
enceinte, les agents de la seule puissance qui nous ait mis à l'abri de
l'invasion étrangère. Qu'on se plaigne, à la bonne heure, lorsqu'on pense en
avoir le droit ; mais qu'on renferme les plaintes dans les bornes qu'elles ne
doivent point dépasser sous peine d'inconvenance.
Parmi
quatre cents députés français, une trentaine, au plus, désapprouvent
l'opposition que met le ministère au choix du duc de Leuchtenberg ; peut-être
quelques autres, par un respect absolu pour l'indépendance des nations, pensent
que
Sans
Malgré les
erreurs du libéralisme étroit et réactionnaire qui domine encore la grande
nation française, erreurs incapables de résister longtemps à la raison
progressive, aux notions de justice destinées à se répandre de plus en plus
parmi les peuples civilisés, je suis résolu de ne pas séparer la cause belge
de celle de
On vous a
dit hier que les partisans du candidat opposé au duc de Leuchtenberg
représentaient l'avenir de
M. De Lehaye déclare qu'il
votera pour le duc de Nemours, parce qu'il nous importe de conserver l'amitié
et la protection de
M. l’abbé Verduyn renonce à la parole pour ne pas
retarder l'importante décision du congrès et pouvoir satisfaire plus
promptement à la juste impatience du public. (J. F., 4 fév.) (Le livre d’E. HUYTTENS reprend en bas
de page le discours que l’abbé Verduyn se proposait de prononcer et qui était
favorable au duc de Leuchtenberg)
M. l’abbé de
Foere – Je n'ai pas demandé la parole ; si je suis inscrit, c’est sans doute
pas erreur. (C., 4 fév.) (Le livre d’E. HUYTTENS reprend en bas de page le (long) discours que
l’abbé de Foere se proposait de prononcer et qui était favorable au duc de
Leuchtenberg)
M.
Claes (d’Anvers) – Messieurs, je croirais (page
410) manquer à mon devoir si, dans une affaire aussi grave et aussi
importante que celle du choix du chef de l’Etat, choix dont dépend le bonheur
ou le malheur de la nation, et le repos peut-être de toute l’Europe, je
n’exposais les motifs qui ont déterminé mon vote. Le congrès appréciera ces (page 411) motifs, et si, comme j’aime à
le croire, on peut y puiser la preuve que l’intérêt seul de mon pays m’a gui
dans la détermination que j’ai prise, j’en ressentirai une satisfaction bien
vive.
(page 412) La grande majorité du congrès
est fixée sur les candidats ; l'alternative est entre le duc de Nemours et le
duc de Leuchtenberg ; passons-les en revue et voyons sur lequel de ces deux candidats
il convient d'asseoir le choix.
Commençons
par le duc de Nemours. D'après les différentes communications, tant écrites que
verbales qui ont été faites au congrès, de la part du gouvernement français, il
est hors de doute, que si l'on fixait le choix sur le fils de Louis-Philippe,
il faudrait s'attendre à un refus formel. Le gouvernement français a trop
d'intérêt de ménager les puissances dont les plénipotentiaires sont réunis au
congrès de Londres, et de conserver la bonne harmonie avec elles, et il ne sait
que trop bien que cette harmonie cesserait à l'instant même que
Voilà pour
la minorité du duc de Nemours ; s'il n'y avait que cet inconvénient-là attaché
à la nomination de ce prince au trône de
La
nomination du duc de Nemours nous sépare à jamais de l'Angleterre, nous met en
hostilité immédiate avec elle. Blocus de nos ports de mer et fermeture de nos
fleuves, anéantissement total de tout commerce maritime, voilà les conséquences
nécessaires de pareille nomination. Et qu'est-ce que
L'Angleterre
ne fera plus de guerre continentale, les membres du parlement s'y opposeraient
; mais elle n'a pas besoin de la faire, elle serait à présent sans intérêt. Du
temps de Napoléon, qui avait la main haute sur presque toutes les puissances
de l'Europe, qui leur défendait de faire aucun commerce avec les Anglais, et
qui avait déclaré la guerre à
La
position de
Avec le
duc de Nemours nous perdrons Anvers, le Limbourg, le Luxembourg ; c'est une
combinaison faite depuis longtemps, pour le cas où
Le 4
novembre 1830, les plénipotentiaires réunis au congrès de Londres prennent une
résolution portant que les troupes respectives (de
Si
l'Angleterre en 1809, quand la flotte française se trouvait devant Flessingue,
quand cette ville possédait une garnison de 16,000 hommes, a poursuivi la
flotte jusque près d'Anvers, après avoir pris Flessingue et avoir fait
prisonnière de guerre la garnison entière, alors que les forts et rives de
l’Escaut étaient occupés par les Français, qu'est-ce qui l'empêcherait de venir
directement à Anvers, à présent qu'il n'y a pas le moindre obstacle, qu'il n'y
a pas d'ennemis à vaincre ? L'occupation de Maestricht et de Luxembourg faciliterait
aussi singulièrement l'entrée en Belgique des troupes de l'Allemagne, en même
temps que ces places arrêteraient les Français à se porter sur le Rhin. Je le
répète, ce serait en Belgique que la grande querelle se viderait, c'est
Il nous
reste le duc de Leuchtenberg, c'est le candidat que nous devons choisir pour
notre chef ; lui seul peut nous tirer d'affaire et prévenir la guerre. Je ne
parlerai pas des qualités personnelles du candidat et des souvenirs glorieux
attachés à son nom, d'autres orateurs ont rempli cette tâche ; je me bornerai
à réfuter les objections qu'on a faites contre son élection.
En prenant
le duc de Leuchtenberg, vous faites, dit-on, un acte hostile à
Un
honorable membre a laissé entrevoir que le duc de Leuchtenberg pourrait bien
être reconnu par l'Angleterre,
Plusieurs
de mes collègues, partisans des Français et du duc de Nemours, ont fait sonner
bien haut le mot de Sainte-Alliance, et ont insinué que le duc de Leuchtenberg
en est le candidat. Mais oublient-ils que
Un autre
membre, qui, pour faire valoir son candidat, le duc de Nemours, vous a dit
qu'en choisissant ce dernier la guerre n'était pas inévitable, et qui a fini
par conclure des armements considérables qu'on fait partout, que la guerre
aurait lieu dans tous les cas, ce membre, prophète de mauvais augure, vous a
prédit qu'avec le duc, de Leuchtenberg
La
minorité du duc de Nemours a gêné un peu l'honorable membre ; il a tâché
d'affaiblir cet inconvénient grave des princes mineurs par la citation de deux
faits historiques, sur des déclarations de majorité faites par les états
généraux de
Le même
membre a reproché à la nomination qu'on ferait du duc de Leuchtenberg, que les
puissances du Nord s'en serviraient pour donner (page 416) le temps de s'armer et de fondre ensuite sur
Les
pétitions du peuple et de l'armée en faveur du duc de Leuchtenberg prouvent,
nous a dit l'honorable membre, que le peuple entier est au congrès. Étrange
moyen d'écarter les vœux du peuple ! D'après l'honorable membre, les pétitions
deviendraient absolument sans aucun objet. Ceux qui voudraient pétitionner
recevraient pour tout espoir : Vous êtes représentés au congrès par vos
.mandataires, ils soigneront vos intérêts. Ainsi vos pétitions, vos requêtes ne
signifient rien ; on n'a pas besoin d'avoir égard à vos vœux. Singulier moyen
de répondre aux arguments et objections !
Pour
écarter le duc de Leuchtenberg, le même orateur a fini par avancer que ce
dernier refuserait : il a rapporté même une lettre du 16 janvier, dont il
prétend faire ressortir son prétendu refus. Rien de tout cela n'est officiel.
Ce sont des assertions mises en avant pour ébranler ou tâcher d'ébranler les
opinions fixées en faveur du duc de Leuchtenberg.
On a dit
qu'en nommant le duc de Leuchtenberg,
Une
dernière observation qui a été faite par plusieurs orateurs, partisans du duc
de Nemours, c'est que nous devons de la reconnaissance à
Honorables
collègues, partisans du duc de Nemours, je vous crois de bonne foi. Tout ce que
je puis vous dire, c'est que, d'après moi, vous êtes dans l'erreur. Je vous en
conjure, au nom de l'humanité, au nom de votre pays qui vous est cher, au nom
de cette France que vous aimez, réfléchissez-y bien : Nemours, guerre
générale, guerre certaine ; Leuchtenberg, guerre possible. Entre cette
alternative je ne saurais balancer. Mon vote, mon vote consciencieux est pour
Leuchtenberg. (C., supp., 4 fév.)
M. Goethals – Messieurs, plusieurs orateurs
distingués vous ont déjà développé longuement, et avec autant de talent que de
sagesse, la question si grave et si importante qui vous occupe.
Je ne
viendrai donc pas fatiguer davantage votre attention, ni prolonger cette attente
inquiète et sans doute bien raisonnable d'un peuple qui est impatient de
connaître son roi et son libérateur. Je serai bref et me bornerai à exprimer
les principaux motifs de mon vote.
Jamais,
messieurs, un événement plus solennel et plus important ne vint lutter avec la
conscience timide d'un député qui cherche à remplir loyalement le mandat qu'il
a reçu de la confiance du peuple, et dont il sait qu'il doit un compte sévère (page 417) à tous ses concitoyens.
Jamais les vœux d'un ami sincère de la liberté et de l'indépendance de son pays
ne se trouvèrent sous l'influence de circonstances plus difficiles et à la
fois plus décisives. C'est en effet d'une question de vie ou de mort politique
qu'il s'agit peut-être en ce moment ; et cependant pour la résoudre il ne
se présente que deux combinaisons également incertaines.
Si je
consulte les événements qui nous entourent, et que j'interroge cet avenir
soucieux où reposent les destinées de mon pays, je dois bien le dire, notre
situation précaire me frappe, et la justice de notre cause ne peut seule me
rassurer, parce que, de tout temps le plus faible a dû subir la volonté .du
plus fort, la loi de la nécessité !
Et moi
aussi, messieurs, je ne veux point séparer notre nationalité de notre
glorieuse indépendance. Mais, alors que je ne crois pas pouvoir assurer notre
liberté par nos propres moyens de défense, ne dois-je pas me faire un premier
devoir de lui chercher un appui du dehors, et mon patriotisme même ne me
dit-il pas hautement que mieux vaut traiter aujourd'hui librement avec un
monarque fort et puissant, le code de nos lois à la main, que de subir bientôt
le sort d'un peuple conquis ?... Ne nous le dissimulons pas, messieurs, par un
courage téméraire et une confiance aveugle, nous sommes à la merci de plus d'un
voisin jaloux de notre prospérité.
Et où donc
serait l'humiliation, quand une nation de quatre millions d'hommes seulement
invoque la protection d'un peuple voisin, respecté et respectable sans doute
par tant de monuments de gloire et de valeur ? Est-ce que la faible Belgique
devrait rougir de s'adresser avec loyauté à cette France de trente millions
d'habitants, sympathisant de mœurs et de principes avec elle et connaissant
aussi- ce que vaut l'honneur national, et ce que l'on doit à la foi jurée ?
Non, messieurs, l'exemple encore récent de
A ceux qui
craignent une guerre pour le duc de Nemours, je réponds que le cabinet français
connaît assez le diapason des affaires politiques en ce moment, et qu'il ne
peut vouloir se suicider lui-même. Non, messieurs,
Messieurs,
je le déclare, le salut de la patrie est ma suprême loi : ce qui forme ma
confiance, c'est ce principe de droit et de justice qui repose au fond de ta
conscience des peuples et qui repousse l'idée d'une agression impie ; c’est ce
traité de neutralité même, signé à Londres il y a peu de jours, et que
Il ne peut
donc y avoir une guerre contre nous pour une question de personnes ; si l'on en
veut aux principes, nous ne pourrons repousser l'alliance des l'ois qu'en nous
ménageant l'amitié de cette France qui est notre complice en liberté, et qui
nous a précédés et guidés dans la carrière que nous parcourons.
Je termine, messieurs, en vous disant que dans un choix qui
peut mettre en question le bonheur et l'intégrité de mon pays, j'ai cherché à
m'environner de toutes les lumières que j'ai pu appeler à mon secours. Si je
pouvais écouter la première impulsion de mon cœur, des affections personnelles
me porteraient sans doute vers ce jeune prince de Leuchtenberg que j'ai connu
naguère au milieu des siens, et dont le caractère heureux annonce peut être la
gloire et les vertus de son auguste père. Mais l'intérêt privé doit céder à
l'intérêt général et aux devoirs impérieux que m'oppose l'amour sacré de la
patrie. J'obéis donc à la voix religieuse de ma conscience, et dussé-je être trompé
par les événements, je ne crains pas de le dire, sous le poids de l'énorme
responsabilité qui pèsera sur nous tous, je crois ne pouvoir donner mon vote
en ce moment qu'au duc de Nemours. (C., supp., 4 fév.)
M. le comte de Robiano votera pour le duc de Nemours, avec
réserve de changer son vote, si au premier tour de scrutin un autre candidat
obtient la majorité. (U. B., 4 fév.)
M. Raikem – Messieurs, obligés de nous prononcer,
dans cette occasion solennelle, sur le choix du chef de l'État, ce n'est qu'en
tremblant que j'aborde une question aussi importante.
Jusqu'ici,
nous n'avons fait qu'exprimer la pensée du moment. L'appui prêté à une
candidature n'était pas un vote ; jusqu'au moment décisif, nous ne pouvons
aliéner nos suffrages. Ils ne sont pas même à nous ; ils appartiennent à la
patrie.
C'est avec
une entière liberté de mon vote que je parlerai des deux princes qui semblent
partager l'assemblée.
Je ne
connais ni l'un ni l'autre. Je présume qu'il en est de même de la plupart
d'entre nous. Mais, ce qu'il nous importe surtout, c'est de n'attirer aucun
fléau sur notre patrie ; c'est de chercher à consolider nos institutions.
Nous devons
tous en convenir, dans le choix du duc de Nemours, ce n'est pas la personne de
ce prince que nous envisageons. Il ne nous apporterait qu'une minorité ; et
quelles que puissent être les grandes qualités de ce prince, il faudra plusieurs
années avant qu'elles aient acquis le développement nécessaire pour prendre
les rênes du gouvernement.
Dans le
duc de Nemours, on vous l'a dit, c'est la protection, c'est l'appui de
Cette
protection, cet appui nous imposerait des devoirs envers cette puissance. Et je
suppose qu'elle consente à nous placer dans cet état sans exiger une fusion
complète.
Mais, ne
voyez-vous pas aussitôt la jalousie de l'Angleterre éclater.
Et nous,
dans quelle situation pénible serions-nous placés ! L'Angleterre, cette reine
des mers, interdirait la navigation à notre commerce, à notre industrie.
La
position où nous placerait l'élection du duc de Nemours, nous priverait des
avantages qu'offre la navigation ; et si même la rigueur des douanes
françaises était adoucie, il en resterait toujours assez pour paralyser notre
commerce avec l'intérieur de
Placés en
regard de cette puissance, elle serait nécessairement dominante ; elle nous commanderait.
Le peuple belge serait le vassal du peuple français. Et un peuple n'est jamais
aussi malheureux que lorsqu'il est commandé par un autre peuple.
Et les
institutions que nous nous serions données, quel serait leur sort ? Elles
deviendraient tout ce qu'il plairait à
Si la
guerre éclate, et elle est peu douteuse si l'on choisit le duc de Nemours,
Le choix
du duc de Nemours nous placera dans la plus fausse position. Mieux, et mille
fois mieux vaudrait la réunion pure et simple à
Je ne dissimulerai pas les maux que nous
préparerait cette réunion ; car il ne faut pas s'imaginer que l'Angleterre
abandonnerait un système constamment suivi depuis près de deux siècles.
L'Angleterre a intérêt à ce que
Si nous
voulons consolider notre indépendance, que devons-nous consulter ? l'intérêt
des nations. Notre séparation complète de
Mais, si
nous élisons le duc de Nemours, on ne peut pas en douter raisonnablement,
l'Angleterre ne verra dans ce choix qu'une réunion déguisée. Le peuple anglais
tient à notre existence politique ; il voit son commerce et la sûreté de ses
côtes secondés du port d'Anvers. Il agitera tous les cabinets de l'Europe.
Peut-être même parviendrait-il à agiter l'intérieur de
Consultons
l'intérêt des peuples plutôt que leurs sentiments. Ceux-ci sont sujets à des
variations. Ceux de la veille, souvent, ne sont pas ceux du lendemain.
L'intérêt agit plus constamment ; et le temps, loin de l'amortir, ne fait
qu'augmenter sa force.
Si nous
sommes indépendants de
Aussi, qui
nous a parlé d'un partage ? les journaux français. Et ce système n'est pas
nouveau. Il y a près de deux siècles que
Mais alors
les vues du cabinet français allaient plus loin : il voulait réduire la
puissance de l'Angleterre et dominer
Aujourd'hui,
L'Angleterre
se trouve placée, pour son propre intérêt, dans la nécessité de soutenir notre
indépendance. .
Je sais
que, depuis les anciens projets de
La question
du Luxembourg sans la forteresse, regardée comme la clef de l'Allemagne, offre
peu d'intérêt à
Élire le
duc de Nemours, c'est nous attirer un ennemi dans le peuple anglais ; c'est
perdre tous les avantages de notre position ; c'est nous placer sous la
domination de
Je ne parlerai
pas du malaise que souffrent maintenant notre commerce et l'industrie. Il est
le résultat nécessaire des circonstances. Je doute même qu'il pût cesser par
la réunion pure et simple à
Et la
guerre ! On nous a dépeint les ravages des armées ; la mort moissonnant cette
belle jeunesse ; les larmes des mères. C'est une suite inévitable de ce
terrible fléau.
Ce ne
serait encore là que les maux extérieurs que la guerre nous présente. A
l'intérieur, il faut un bras de fer pour contenir les passions, pour
neutraliser les partis. Le règne des lois cesse ; il est remplacé par celui de
la force. Nous n'avons pas oublié que le règne de la terreur fut le levier des
conquêtes de
Craignons
de porter au roi Louis-Philippe un funeste présent. Il l'a lui-même repoussé.
Les refus ont d'abord été formels. Et maintenant on semble encore ne nous
laisser qu'une probabilité de l'acceptation, tant on craint de se voir sur les
bords d'un précipice dangereux.
Frappé de
la prévision des malheurs qu'entraînerait pour ma patrie le choix du duc de
Nemours, je ne puis y coopérer par mon suffrage.
Dans le moment actuel, ce qu'il nous importe
d'éviter, c'est d'être la cause d'une guerre générale, qui compromettrait
toutes les existences. En l'évitant, il nous reste encore l'espoir d'un avenir.
Et le choix du duc de Leuchtenberg ne me semble pas devoir annoncer ce fléau.
Ce prince
avait paru d'abord obtenir la faveur générale. La crainte manifestée par le
gouvernement français, que
Ce n'est
donc pas le peuple français que nous devons craindre d'irriter par l'élection
d'Auguste Beauharnais, son éloignement n'aurait pour objet que de ménager la
susceptibilité de son gouvernement. Cette élection ne peut pas être un acte
d'hostilité envers le peuple français. On reproche à Napoléon d'avoir fait
couler le sang français pour chercher des trônes à ses frères ; Louis-Philippe
ne s'attirera pas le même reproche. Le roi-citoyen ne fera pas couler le sang
de ses concitoyens pour des raisons de famille. Ce n'est pas, sans doute, en
l'imitant qu'on fera la censure de la conduite de Bonaparte.
Quel appui
pourrait trouver dans le peuple français une guerre dont l'unique motif serait
le fils d'un Français élevé sur un trône voisin ?
Étrange
contradiction de ceux qui, invoquant sans cesse les peuples, font, lorsqu'il
s'agit de
Toutefois,
j'aurais désiré qu'on pût trouver un moyen de ménager la susceptibilité du
gouvernement français. Mais quelles candidatures a-t-il appuyées ? Un enfant,
des princes qui ne pouvaient pas nous inspirer de la confiance. Il ne peut donc
nous reprocher le choix du fils d'un héros.
Je ne
parlerai pas de l'absence d'avantages que l'on nous a dit devoir être la suite
du choix du duc de Leuchtenberg. Les circonstances sont graves sans doute. Mais
force est bien de choisir entre le duc de Nemours et le duc de Leuchtenberg.
Aucune autre combinaison n'est possible dans l'état actuel des esprits. Je
croirais manquer à ce que mon devoir m'impose, si je cherchais à éluder la
responsabilité de mon mandat par un suffrage différent. Le choix du duc de
Nemours est, à mes yeux, la perte de l'indépendance nationale, et, ce qui est
encore plus à redouter, la guerre et les horreurs qu'elle traîne après elle. Le
choix du duc de Leuchtenberg ne nous donne pas, à la vérité, un avenir assuré ;
mais au moins, il nous laisse l'espoir : et ne désespérons jamais du salut de
la patrie. (C., supp., 4 fév.)
M. le baron de Leuze – Messieurs,
les rois élus par les peuples furent toujours de grands hommes. La couronne
était le prix de leurs victoires, de leurs services, de leurs vertus, ou de
leurs crimes. C'étaient des héros de l'antiquité, délivrant la terre de ses
monstres. (Hilarité.) C'était Bonaparte renversant une république sanglante.
C'était un chef de révolution disant à son maître : Va-t'en (oh ! oh !), je
prendrai ta place. (On rit.)
Mais ce furent toujours des génies supérieurs. La majesté royale brillait sur
leurs fronts ; ils inspiraient la crainte et le respect : on obéissait. Celui
que vous allez choisir commandera-t-il ces sentiments ? S'élève-t-il bien haut
? Qu'a-t-il fait, enfin, qui mérite la couronne ? Si Frédéric de Mérode vivait
encore, vous diriez : Le voilà ! L'armée peut-être eût devancé vos vœux, l'eût
couvert de la pourpre et ramené triomphant. Mais la gloire fit plus... Il
mourut !... Le héros n'ayant pu atteindre qu'une couronne de lauriers, la
couronne des Belges est encore à donner. Qui l'aura ? Le vice-roi d'Italie fut
le Bayard et l'idole des armées, et l'amour qu'il inspira fut tellement extraordinaire,
que vous voulez couronner son fils ! le fils d'Eugène Beauharnais serait roi de
Ils disent
: Le monde est en convulsion ; c'est une mer agitée jusqu'en ses abîmes ; il
vient d'en sortir un roi !
Le flot
qui l'apporta recule épouvanté...
Quelle
sera sa destinée ? Nouvel Éole, saura-t-il contenir les vents ? Non,
disent-ils, il périra, et nous avec lui ! il faut donc l'abandonner, renforcer
ses ennemis, proclamer le fils d'Eugène, et le roi des Belges devient roi des
Français.
Cette
discussion étant déjà très longue, et son histoire comme celle qui dure
toujours, je passe au prince de Capoue qui s'arrache au sommeil, et semble
vouloir monter sur le trône d'un peuple libre. Qu'il y prenne garde, on n'y
dort pas beaucoup. Cependant ne dédaignons pas cette combinaison. L'alliance de
ce prince avec une princesse de France faciliterait nos traités de commerce,
nous assurerait de puissantes protections, et, quel que soit le sort du
gouvernement qu'on met en doute, le roi des Belges serait alors un fils de saint
Louis et de Marie-Thérèse, et à ce titre obtiendrait des puissances et du monde
entier la considération et le respect qu'on doit à ces illustres races. Mais,
messieurs, l'archiduc Charles, riche de biens et de gloire, serait bien une
autre fortune pour
Entre vos
deux candidats, que vous considérez comme deux écueils, vous vous écriez avec
effroi : Voilà Charybde, voilà Scylla ! Où nous sauver ? Où vous
sauver ?... Sauvez-vous dans les bras de l'archiduc Charles... il fut
déjà dans les vôtres... C'est ce prince que déjà vous portâtes en triomphe, et
dont les bosquets fleuris de Laeken furent le berceau. Sage dans les conseils,
terrible à la guerre, et bon partout, il a conquis l'estime des rois et l'amour
des peuples, et c'est de lui qu'on peut dire avec vérité :
La sombre
inimitié ne fuit point son visage,
On voit
voler partout les cœurs sur son passage.
Messieurs, les rois élus par les peuples furent toujours de
grands hommes (vous vous répétez) ; voulez-vous avoir le plus grand,
prenez l'archiduc Charles. (U. B., 4 fév.)
M.
Gendebien (père) – Messieurs, j'ai demandé la parole afin de motiver mon vote,
qui appelle au trône de notre Belgique le duc de Nemours, prince puîné de
France, selon les limites tracées dans le décret de réunion de 1795, décret
que les puissances ont reconnu et sanctionné solennellement, soit par leurs
traités de paix, soit par leurs alliances avec l'empire français.
Si cette
auguste assemblée appelait le duc de Leuchtenberg, elle devrait insérer dans la
constitution de notre État indépendant les articles du protocole du 20 janvier
qui nous prescrit des limites notablement plus resserrées, dispose de notre
intéressante province de Luxembourg, laquelle, de temps immémorial, a fait
partie de notre confédération monarchique, du cercle de Bourgogne, de la
pragmatique sanction de 1756, qui, comme nos autres provinces et aux mêmes
époques, a inauguré Philippe le Bon, Charles-Quint, Marie-Thérèse et François
II.
Il y a
plus : ce choix nous ferait perdre la bienveillance et l'appui de
Assurément
nos honorables collègues, députés de nos provinces de Luxembourg et de
Limbourg, doivent voter et voteront avec nous. Or, ce fut le 29 janvier, à
l'ouverture de notre séance électorale, que le protocole du 20 nous a été
communiqué. Ce choix de temps indiquerait-il la réserve d'improuver le choix
s'il s'écarte des prévoyances et de l'attente de la conférence ? En tout cas,
et certainement, l'à.-propos de cette communication attache au choix qui
résultera de nos votes des morcellements inadmissibles de notre État
souverain.
En proclamant notre indépendance, nous avons
protesté contre la réunion au royaume de France ; le choix du duc de Nemours
consolidera cette protestation en rendant la réunion impossible ; je dis impossible
parce que le roi des Français, ni ses loyaux et vertueux descendants, ne
fausseront jamais, soit l'honneur, soit la foi des traités.
Le
choix du duc de Leuchtenberg, au contraire, aurait pour résultat cette réunion
; les armées françaises feraient notre conquête, et
Si la
raison et la justice m'interdisent de fouiller dans la conscience de qui que ce
soit, je peux, je dois même, dans cette grave occurrence, descendre dans ma
propre conscience ; or je puis dire que j'y vois clairement que le vote que
j'émettrais en faveur du duc de Leuchtenberg aurait pour résultat final le
chef que nous réserve la conférence de Londres. - J'ai dit. (C., supp. 4 fév.)
M.
le comte Duval de Beaulieu – Messieurs, arriver à la tribune en ce moment, après beaucoup
d'orateurs brillants et éclairés, qui ont successivement et respectivement
développé les moyens propres à faire triompher la cause d'un des deux princes
que vous paraissez vouloir appeler à ce trône qui, à peine édifié, vous semble
devoir être occupé ; espérer captiver encore l'attention de votre assemblée,
est chose hardie ! Mais il faut motiver son vote, émettre ses doutes en cette
trop importante circonstance, chercher il résoudre ce problème imminent, à obtenir
pour résultat : stabilité, paix, prospérité, indépendance assurée.
Je suis
loin, messieurs, je dois le dire, d'y être parvenu ; je suis loin de trouver,
dans le choix de l'un ou de l'autre des candidats proposés, le fil certain qui
doit nous faire sortir du labyrinthe périlleux dans lequel nous sommes engagés,
et les garanties de bonheur que nous devons à la nation belge.
Mandataires
de ce peuple qui nous a investis de sa confiance, nous sommes responsables des
bases sur lesquelles nous allons fonder son existence.
Envoi de
membres du congrès à Londres, à Paris ; mission spéciale aux envoyés du
gouvernement provisoire qui s'y trouvaient : j'ai appuyé, j'ai provoqué toute
mesure propre à obtenir des renseignements positifs, vous le savez ; j'ai déclaré
ne pouvoir agir qu'avec parfaite connaissance. Ce que je vous ai dit alors (Note de bas de page : Dans la
séance du 12 janvier 1831),
qu'il me soit permis de vous le rappeler ; c'est encore ce que j'ai à vous
dire aujourd'hui :
« Quoi
qu'il en puisse être, messieurs, il paraît évident qu'avant que vous puissiez
utilement procéder au choix du chef de l'Etat, il faut sans doute calculer les
besoins de
« Il
en est d'imminents qui ne peuvent échapper à aucun œil : la délimitation
convenable du territoire ; la libre navigation de l'Escaut.
« Sans m'attacher
à d'autres points pour le moment, ceux-ci me semblent devoir être déterminés.
« Votre
constitution d'ailleurs est-elle achevée ? ce contrat bilatéral ou
synallagmatique qui doit nous lier et lier le chef de l'État à nous est-il prêt
à être présenté maintenant à son acceptation ?
« Est-ce bien le simple choix du chef de l'État,
messieurs, qui est imminent ? auriez-vous maintenant autre chose qu'un nom ?
que ce soit Pierre, Paul ou Jean, celui que vous placerez sur le trône que nous
importe ? ce sont les relations, les garanties qu'il apportera et qui
formeront en quelque sorte sa dot, c'est là ce que je veux connaître, c'est là
ce qui déterminera en fait l'indépendance réelle, le bonheur du peuple
belge, sa prospérité commerciale, industrielle et agricole si vivement réclamée
en cet instant.
« L'Europe
veut la tranquillité, nous voulons aussi la nôtre ; elle doit nous l'assurer
!...
« Il
ne me suffit pas à moi comme à un honorable préopinant, qu'une alliance ne
présente pas d'inconvénient. Je veux des assurances, des sûretés, des avantages,
s'il est possible.
« C'est
au moyen de ce que d'autres ne peuvent vouloir que souvent des conditions
favorables sont obtenues.
« Votre
force, votre pouvoir à l'égard des nations, messieurs, est dans celui que vous
avez encore de nommer un chef à l'État. Ne leur faites pas un nouveau sacrifice
sans être certains des résultats que vous obtiendrez : le droit de nous choisir
un souverain, vous l'avez conquis ! Il a été reconnu : vous saurez le maintenir
!
« Vous
saurez le maintenir par tous les moyens qui appartiennent à une nation noble,
généreuse, sensible à l'honneur.
« Vous
avez vu, le 24 novembre, ce qu'a produit dans cette enceinte la seule idée
d'intervention étrangère.
« Vous trouverez
de l'écho chez le peuple belge : vous choisirez qui bon vous semblera, il sanctionnera
et votre choix et son indépendance ; il soutiendra et ses droits et les
vôtres. »
Je n'ai
point été assez heureux pour faire prévaloir (page 423) mes opinions, elles n'ont été adoptées qu'en partie : le
choix d'un chef à l'État était une soif ardente.
On demandait la permanence, les heures étaient
comptées...
Messieurs,
quel est ce chef en qui vous allez remettre le salut de la patrie, qu'alors
vous croyez en danger par le moindre délai ?
Etes-vous
d'accord sur ce choix ? Après quatre jours de discussion à cet égard, où en
êtes-vous encore ?
Nous avons
quelques jalons qui marquent le danger, le précipice ; mais la route que nous
devons tenir pour arriver à la stabilité, à la prospérité, nous est-elle
indiquée ? De ce côté, guerre inévitable, vous a-t-on dit ; de l'autre, guerre
possible et probable. Et voilà les deux écueils entre lesquels nous sommes,
sans avoir voulu chercher, sans avoir voulu laisser indiquer d'autre direction.
Le roi
Philippe, le duc de Nemours rejettent vos offres, et guerre inévitable, vous a
dit l'organe des quatre puissances, serait la suite de leur acceptation.
Le duc de
Leuchtenberg, déclaré hostile à
Quand vous
aurez placé sur le trône ce prince, vous aurez engagé l'honneur de la nation à
l'y maintenir ; elle devra s'y dévouer, s'y sacrifier elle-même, quoi qu'il en
advienne ; toute raison d'État, de bien public devra céder à l'obligation
bénévole par laquelle vous l'aurez engagée et qu'il ne peut entrer dans votre pensée
de vouloir éluder. Chaque ville, contre ses intérêts mêmes, deviendra
peut-être une nouvelle Saragosse.
Quelle
différence de l'époque des glorieuses journées de septembre avec la situation
actuelle ! Alors vous défendiez vos foyers, vos maisons, vos enfants, vos
femmes, inhumainement attaqués pour vous imposer un joug illégal. Vous
résistiez aux horreurs d'une guerre injuste ; vous repoussiez la force brutale,
employée par celui qui avait fait avec vous un échange de serments qu'il ne
cessait d'éluder.
Alors,
messieurs, la plus légitime défense armait tous les hommes citoyens, sans
exagération de mots, sans phrases ampoulées, sans jactance. Vous les voyiez
venir braver une mort presque certaine, accourir sans réflexion au secours de
leurs frères menacés.
Cet état,
ce prodigieux effet d'une cause évidemment juste, a paralysé nos ennemis ; et
c'est, nous ne pouvons nous le dissimuler, à la stupeur qu'ils en ont ressentie
que nous devons attribuer nos premiers succès.
En
serait-il de même, si vous n'aviez à soutenir qu'un prince, qu'une guerre que
vous auriez épousée avec lui ?
Quelles
seront les qualités personnelles de ce prince ? Lui croyez-vous toutes les
perfections ? lui en croyez-vous plus qu'aux autres, par la seule raison que
nous ne le connaissons pas ?
Quelle est
la base de cet enthousiasme populaire, qui n'a surgi que parce qu'il était
suscité peut-être ? Des portraits affichés aux murs des cabarets, promenés
avec bruit dans les rues, présentés même en cette enceinte, peuvent exciter le
peuple, mais ne constituent pas l'opinion de la nation. On veut un chef, on
veut un roi ! Avec lui, quel qu'il soit, on pense que tout élément de
prospérité va renaître immédiatement ! que tous les intérêts l'exigent ! que
tous seront satisfaits !
Plusieurs
d'entre vous, messieurs, qui voulez aujourd'hui le duc de Leuchtenberg, si je
ne me trompe, avaient, dès le principe, préféré un prince français, s'ils
avaient espéré l'obtenir.
Je vous
l'ai déjà dit, messieurs, j'ai beaucoup connu le prince Eugène de Beauharnais ;
j'ai été élevé avec les cousins de celui que vous nous proposez d'appeler au
trône : je puis compter sur leur amitié ; mais j'estime trop cette famille pour
croire que le trône soit accepté sous de tels auspices. Un Beauharnais ne
voudrait apporter chez nous que bonheur et félicité, non pour lui, mais pour
nous. Il reculerait à l'aspect de la guerre et ses désastres.
Que
dis-je, la guerre ? messieurs, vous ne l'auriez même pas ; elle serait inutile,
et c'est ainsi que j'entends la réponse, qu'on a vantée, d'un organe du
gouvernement anglais.
Tel
qu'un soliveau en butte aux vents et aux vagues, sans appui ni soutien, votre
prince, sans relations puissantes, cerné en quelque sorte, tomberait par la
seule force d'inertie et les souffrances de la nation. Le prince Eugène, s'il
m'entendait, me saurait gré du sacrifice de mes affections ; il m'en estimerait
davantage, n'en doutez pas, je lui dois cette juste appréciation de son mérite
connu.
D'après
ma manière de juger des choses, l’avenir
que je prévois et que je viens d'indiquer, je ne croirais en aucune manière
pouvoir fixer mon (page 424) choix
sur le duc de Leuchtenberg, quels que soient pour moi les souvenirs de sa
famille.
Je ne
pense pas tout à fait de même à l'égard du duc de Nemours, bien qu'ainsi que
vous l'aurez remarqué dans la discussion, beaucoup des craintes manifestées
leur soient communes. Ici je vois l'appui de cette grande puissance avec
laquelle nous avons le plus de sympathie ; bien qu'elle refuse pour lui ce
trône, elle n'en appréciera pas moins l'offre, et si elle persiste, nous lui
aurons en quelque sorte intimé l'obligation de veiller à notre bonheur,
d'assurer nos destinées futures.
« Si
elle accepte, nous a dit un orateur, qui a jeté tant de jour sur cette
question, la guerre est imminente : unis avec elle, vous en partagerez les
chances ; avec elle vous triompherez, avec elle vous périrez. »
J'avoue
qu'autant je trouve louable, autant je serais prêt à m'abandonner à une
détermination, à un dévouement individuel ; autant je mettrai de réserve, de
crainte même, à abandonner à de telles chances les intérêts et le sang de mes
compatriotes, l'existence du pays. Bien qu'une pente naturelle nous entraîne
vers
Une
réunion, une fusion réelle, trahirait peut-être et nos vœux d'indépendance et
nos intérêts respectifs.
Le
choix du duc de Nemours pare autant que possible à cette crainte ; nous
conserverions nos institutions utiles.
Mais
si je me rangeais de ce parti, ce serait par la considération, par l'espoir que
j'aurais que la question d'acceptation serait traitée par
C'est
avec toute la maturité possible, dans le calme du cabinet, que doivent être
médités et réglés les grands intérêts de l'Europe.
Mais
vous semblez vouloir influencer, vous semblez vouloir forcer la main.
Vos
journaux sont des brandons de discorde, des congrèves avec lesquelles ils
veulent porter le feu en France ; ils renferment contre un gouvernement ami,
contre votre allié indispensable, les injures les plus grossières comme les
plus mal fondées. Elles justifient sa répugnance pour un prince dont les
intentions douteuses ne lui offriraient point de garantie contre celles ainsi
manifestées dans ce pays, trop voisin pour être indifférent.
Si
j'étais de ces ministres si injurieusement qualifiés, l'une de ces feuilles
incendiaires à la main, je dirais au roi, je dirais à cette nation de 32
millions d'habitants, qui a si sagement terminé au plus vite son indispensable
révolution :
« Les
Belges veulent vous y plonger de nouveau, ils attendent leur force du trouble
qu'ils susciteront chez vous. Ils prétendent soulever le peuple contre la
volonté de son chef ; c'est sur cette base coupable qu'ils veulent appuyer leur
nouvel État. C'est à l'intervention populaire qu'ils s'adressent, ceux
que ce mot intervention semble tellement effaroucher qu'ils ont voulu la
voir même dans les avis bénévoles que vous dictaient et votre bienveillance et
votre sympathie. C'est à l'intervention de l'anarchie qu'ils en
appellent, ceux qui rejettent si loin celle des puissances médiatrices, qui
réclament le maintien de la paix de l'Europe. »
Quel
est le Français, messieurs, qui, à ces paroles, ne se rallie autour du trône,
et qui n'unisse ses vœux et ses efforts pour que celui qu'on élève en Belgique
ne soit occupé que par un prince qui offre des garanties contre cette fraction
turbulente d'une population éminemment sage ?
Dans
cette enceinte même, de la bouche de députés qui y siégent, j'ai entendu ces
menaces offensives envers ce roi, envers ce gouvernement, voisin et ami,
auquel, en notre intérêt, on espère opposer et les chambres et le peuple. Ne
vous y trompez pas, messieurs, les révolutions mêmes fatiguent des révolutions.
Nul peuple n'est moins prêt à en faire que celui qui vient d'avoir à en
supporter, et si quelques individus en ont su tirer avantage, les masses ont
souffert : si les plaies sont faites en un instant, longtemps elles se font
encore sentir, et ne se cicatrisent qu'à la longue. Les peuples voisins mêmes
profitent des funestes exemples des révolutions ; et il n'est plus vrai de dire
que c'est un torrent qui s'accroît en roulant.
Le
plus fort argument que nous puissions faire valoir en faveur de notre
indépendance, c'est le calme, la sagesse, qui forceront à reconnaître que nous
ne pouvons, que nous ne voulons en abuser.
C'est
la plus efficace protection contre toute intervention (page 425) étrangère, contre toute atteinte à vos droits.
Les
menaces n'ont de force que soutenues par la puissance ; tout devient jactance,
si les moyens d'exécution manquent : elles n'effrayent personne.
Le
choix du chef de l'État, qui doit influer sur les destinées de l'Europe, vous
donnait le droit de faire vos conditions. Vous ne l'avez pas voulu ; vous allez
l'abandonner sans en user ; vous allez consommer l'acte sans avoir profité de
votre situation.
«
En
pouvons-nous faire autant ?
En
vain les petits États voudraient-ils résister à l'influence que la bonne
intelligence qui existe entre les grandes puissances leur donne ; en vain
voudraient-ils échapper aux combinaisons de la diplomatie, si la source de leur
prospérité, l'industrie et le commerce ont besoin de relations à l'extérieur.
Ne
nous le dissimulons pas, messieurs, nous devons faire partie de la grande
société européenne. Nous y serons admis par le calme et la fermeté que nous
mettrons en terminant au plus tôt notre révolution.
Le
talent, le mérite de ceux qui ont fait la révolution, c'est de savoir la
terminer.
L'honorable
M. de Brouckere nous a dit il cette tribune : « Je préfère la liberté à
l'indépendance. »
Messieurs,
nous voulons l'une et l'autre, nous avons mérité de les obtenir.
Mais,
je vous l'ai dit déjà, la liberté des pensées, la liberté des opinions, la
liberté de les exprimer : voilà celle à laquelle nous devons tenir le plus ;
c'est en elle qu'est à la fois et la dignité et la sauvegarde nationale.
Cependant,
nous qui nous plaignons, qui nous irritons contre l'atteinte que semblent
porter nos voisins à notre liberté dans le choix du chef de l'État, en
déclarant les relations plus ou moins amicales que leur commanderait leur
situation ou leur politique, nous avons nous-mêmes restreint cette liberté,
nous nous sommes liés à l'avance, nous avons enchaîné nos opinions, nous
semblons nous être défiés de nous-mêmes.
Dans
cette enceinte où nous avons tant de fois fait retentir ce mot de liberté, un
de nos premiers actes a été de nous l'ôter à nous-mêmes. Est-il vrai de dire
que nous soyons parfaitement libres ? est-il vrai de dire que le bien-être, la
prospérité de la nation, de quelque manière que chacun de nous veuille
l'envisager, puisse être l'unique guide de son vote ?
Vous
aviez déclaré l'indépendance de la nation ; l'exclusion, que
vous avez ensuite prononcée, n'aurait dû venir que de l'appel, au trône de
Je
vous ai dit alors : « Je fais céder mon opinion, le principe, à l'imminence des
circonstances du moment. » Par des considérations de haute politique,
j'ai cru devoir me joindre à la majorité, en ajoutant que cette mesure me
semblait une injure inutile et basse, une question de forme, oiseuse en fait.
Le péril était évident ; il fallait sauver l'existence de l'État, couper court
à l'anarchie. Sans doute, il eût été plus digne, messieurs, que le roi des
Belges, élu du peuple, élu de la nation représentée par le congrès, fût l'élu
d'entre tous.
Je
désirerai toujours que l'impartialité la plus parfaite, l'abnégation de toute
impression particulière, de toute haine, de toute prédilection, puisse jaillir
d'une manière évidente de tout acte émané de cette assemblée.
Exempt
de toute prévention, de toute entrave, l'intérêt général doit être notre seul
but, et nous devons chercher à l'atteindre.
Peu
certain encore à cet égard, peu certain sur le choix que je dois faire pour le
bien du pays, j'ai cru ne pouvoir me dispenser d'indiquer au moins que ce n'est
point à défaut d'examen.
Nous
allons, en quelque sorte, jeter le dé de la paix ou de la guerre, de la vie ou
de la mort, non pour nous, mais pour le pays.
Craintif
et timide, non pour moi, non pour mes intérêts, mais pour ceux qui me sont
confiés, pour l'accomplissement de mon devoir, je réserverai mon vote jusqu'au
moment prescrit pour l'émettre.
L'espoir
de la paix pourra me décider en faveur du duc de Nemours. (U. B., 4 fév.)
M.
Jacques déclare
que s'il ne consultait que les intérêts de sa province, il voterait pour la
réunion à
M le comte de Bergeyck
– Messieurs, un des
orateurs les plus éloquents de cette assemblée, et dont tout le monde connaît
le patriotisme, vous a dit dans une de nos précédentes séances, qu'il n'y avait
plus pour nous que trois combinaisons possibles : le prince d'Orange, le (page 426) duc de Nemours, et le duc de
Leuchtenberg. Messieurs, si des considérations majeures, si une décision
formelle du congrès national, décision que je dois et que je veux aussi
respecter, n'y mettaient obstacle, je vous avoue, que pour sortir de l'état de
crise où nous sommes, je n'hésiterais pas longtemps à prendre le premier parti
qui nous a été indiqué par notre honorable collègue de la province de Liége. (Murmures.)
Oui, messieurs, et en agissant ainsi, j'aurais non seulement l'espoir de
voir insensiblement renaître chez nous l'ordre et la tranquillité, et d'éviter
la guerre, mais encore l'assurance d'agir dans l'intérêt bien entendu de mon
pays, aussi bien que dans celui de l'Europe tout entière : car en prenant pour
chef de l'État soit l'infortuné prince dont je viens de prononcer le nom tout à
l'heure, soit même un de ses fils, j'ai la conviction, messieurs, qu'outre la
reconnaissance de notre indépendance, nous obtiendrions encore l'assentiment
immédiat et l'amitié de toutes les puissances étrangères ; et, messieurs, le
grand œuvre de notre révolution politique serait consommé.
Séparées,
il est vrai, à jamais de
Voilà,
voilà , messieurs, ce que, je pense, nous aurait apporté celui qui est venu
nous offrir l’olivier de la paix, e que néanmoins vous avez cru devoir
repousser. Tous ces avantages et bien d'autres encore, principalement sous le
rapport de l'industrie ou commerce des manufactures, les obtiendrez-vous avec
un autre chef de l'État, et surtout les obtiendrez-vous sans une guerre ?
Messieurs, quant à moi, je le désire de tout mon cœur, j'y contribuerai même de
tous mes efforts, mais qu'il me soit permis cependant de vous dire que j'en
doute fortement ; et tous les discours que j'ai entendu prononcer à cette
tribune n'ont fait que me fortifier encore dans l'opinion que j'ai toujours eue
à cet égard depuis le commencement de notre révolution.
L'arrêt
que vous avez prononcé, et qui, je l'espère, servira du moins de leçon à tous
les mauvais rois qui, comme Guillaume, voudraient encore persister à ne point
satisfaire aux vœux raisonnables de leurs peuples, met, je le sais, et je le
répète, messieurs, un obstacle presque insurmontable à ce qu'un prince de la
maison d'Orange puisse encore monter sur le trône de
Messieurs,
après avoir dit franchement, et sans le moindre détour, ma pensée tout entière
sur la grave question qui est maintenant à l'ordre du jour, et de la solution
de laquelle va dépendre le sort futur de la patrie, il me reste à vous prier
d'être néanmoins bien convaincus, que quel que puisse être le résultat de cette
mémorable séance, que quel que puisse être enfin le prince que vous choisissiez
pour chef de
J'ai
dit. (C. supp., 4 fév,)
M. Meeûs
déclare qu'il a été d'abord partisan du duc de Leuchtenberg ; mais depuis que
M. de Behr renonce à la parole (L’ouvrage de HUYTTENS reprend en note
de bas de page le discours qu’il se proposait de prononcer). (C., 4 fév.)
M.
François – Quelque avancée que soit en (page
428) ce moment la discussion, député du Luxembourg, j'aurais désiré pouvoir
prendre la parole en cette circonstance solennelle ; j'aurais voulu pouvoir
vous convaincre que l'élection du duc de Nemours entraînerait nécessairement la
séparation de ma province, séparation à laquelle
M. de Nef – Messieurs, quand le congrès proclama
l'indépendance de
Aujourd'hui
que le congrès a entièrement abandonné cette idée, il eût été inutile et même
téméraire pour moi de vouloir y persister.
Pour
donner un vote utile il ne m'est donc plus resté d'autre parti à prendre que
celui de choisir entre les deux candidats, vers lesquels la presque totalité de
suffrages paraît devoir se porter.
En
choisissant le duc de Leuchtenberg, nous aurions, j'en conviens, une
nationalité plus prononcée et surtout plus indépendante de
Il est
vrai qu'on répond à cela que le peuple français se refusera à ratifier la
politique de son gouvernement. Mais ce n'est qu'une conjecture, et une
conjecture que je regarde comme très peu probable, quand je considère que le
ministère français est actuellement composé des hommes qui représentent
véritablement l'opinion libérale en France.
Et
cependant si cette conjecture du renversement du ministère français ne se
réalise pas, et que nous ayons choisi le duc de Leuchtenberg, nous devons nous attendre
à voir de suite notre pays occupé par les armées françaises, et ensuite
incorporé à
C'est
là précisément ce que je veux éviter ; car je regarde comme une conséquence
inévitable de cette incorporation la perte immédiate des principaux avantages
de notre révolution. Dès lors, plus de liberté dans l'enseignement, plus de
liberté entière des cultes, et, comme notre pays ne sera jamais qu'une petite
fraction en comparaison de
Au
lieu de cela, .en choisissant le duc de Nemours, nous conservons notre
nationalité, et par suite, nos usages et nos libertés. Pourrait-on croire, en
effet, que ce prince, en supposant même qu'il y fût personnellement
contraire, irait agir contre les idées dominantes dans le pays qui l'aurait
choisi, pour faire naître ainsi contre lui les mêmes griefs que ceux qui ont
entraîné la chute du gouvernement précédent ? Certainement non ; et j'ai au
contraire la certitude que nous jouirions en paix des libertés que le courage
du peuple a su conquérir.
Je ne
me dissimule point cependant non plus qu'en choisissant le duc de Nemours, la
crainte de la guerre est loin d'être entièrement dissipée ; mais alors du moins
nous ne perdons pas l'amitié de
Ce
sont ces motifs, qui me forcent à persister dans la proposition que j'ai
signée, et tendant à la nomination du duc de Nemours, me réservant toutefois
de voter encore pour une autre combinaison, si la suite de la discussion m'en
offrait une plus avantageuse. (C., supp., 4 fév.)
(page 429) M. le président – Messieurs, il y a encore quatorze
orateurs inscrits : au point où est la discussion, il est très probable qu'ils
se répéteront, et que la discussion n'y gagnera guère. D'un autre côté, la
nation attend avec impatience le résultat de notre délibération, Il me semble,
pour abréger, que les orateurs inscrits pourraient renoncer à la parole, et que
les membres de chaque opinion pourraient se faire représenter par un orateur de
leur choix, qui résumerait la discussion ; alors nous n'entendrions que ces
deux orateurs, et les scrutins pourraient suivre immédiatement. (U. B., 4 fév.)
M.
de Robaulx appuie cette proposition, en demandant toutefois qu'on entende deux
orateurs de chaque côté. (U. B., 4 fév.)
M. Destouvelles s'élève contre la proposition du
président, (C., fév.)
M.
le comte d’Arschot – Je propose d'entendre encore quelques orateurs ; il
n'est que quatre heures et demie. (Appuyé.) (C., 4 fév.)
M. Lebeau s'élève aussi contre la proposition
du président. (U. B, 4 fév.)
-Cette
proposition n'a pas de suite. (U. B., 4 fév.)
M.
le président – M. Hippolyte Vilain XIIII a la parole. (U, B., 4 fév.)
M. Hippolyte
Vilain XIIII – J'y renonce. J'avais préparé de longues réflexions que je me
proposais de soumettre au congrès, mais
M. Thonus – Messieurs, la
question qui nous occupe a été de part et d'autre traitée avec talent et
profondeur ; si je prends la parole, c'est que j'ai (page 430) pensé que chacun de nous devait acquitter son tribut à la
patrie.
Avant
d'exposer les motifs qui ont déterminé ma conviction pour le choix d'un
monarque, j'éprouve le besoin de protester contre les retards que nous avons
eu à subir. Depuis quatre mois que notre indépendance est proclamée, nous n'avons
pu encore nous appliquer à cet événement, le plus important de notre
révolution.
La
cohésion des territoires, de nombreuses relations de commerce ; la sympathie à
beaucoup d'égards, ont établi une alliance étroite entre les Français et les
Belges. Je partage même l'avis de ceux qui pensent que
Le
monarque français a dit : «
Après
cet épanchement, messieurs, et les témoignages d'une amitié sincère que
Si
Avec
la possibilité d'obtenir le duc de Nemours, notre révolution n'est plus
douteuse : l'intérêt de l'État fait cesser toute concurrence ; entourée de
voisins d'une population beaucoup plus nombreuse que la sienne,
L'élection
proposée par l'honorable M. Barthélemy sera la source de tous biens pour le
royaume naissant ; elle lui procurera la garantie de la paix extérieure, elle
calmera les factions en nous assurant la paix intérieure.
Voilà
tout ce que nos concitoyens réclament : nous aurons dignement accompli notre
mandat par (page 439) l'heureux
concert qui appellera vers nous un fils du roi des Français, nous apportant
l'alliance étroite d'une nation belliqueuse qui a rempli l'univers de sa
gloire.
Quel
avantage peut se comparer à celui-là, et comment les partisans les plus zélés
du duc de Leuchtenberg ne céderaient-ils pas à l'évidence ! ! Avec ce prince
nous avons à la vérité dans le royaume un brave de plus ; mais notre unique
allié devient notre ennemi : avec le duc de Nemours nous resserrons le lien de
l'amitié avec la nation qui sextuple nos forces ; il n'y a point à balancer, ce
n'est pas quand il s'agit de fonder un royaume qu'il est permis de s'attacher
exclusivement aux qualités personnelles du souverain : ces avantages éphémères
et accidentels ne sauraient être le fondement durable d'une dynastie nouvelle
; la dot que nous apportera notre chef, outre ses vertus privées, doit être une
alliance intime qui assure des débouchés au commerce, une inviolabilité
complète de notre territoire, une durée éternelle à notre nationalité. -
Croit-on d'ailleurs que le fils d'Eugène, ce grand homme, qui unissait aux
vertus privées les vertus politiques, voulût, après la déclaration du roi des
Français, accepter la couronne de
J'ai
prononcé le mot de mort par consomption, et je n'ai rien exagéré.
On a
prétendu qu'en nommant le duc de Nemours encore mineur, nous prolongions
l'état provisoire. Notre honorable collègue M. Blargnies a prévu l'objection,
il y a répondu d'une manière satisfaisante. Quant à la prolongation du provisoire
à résulter des négociations avec
Réfléchissons
que si nous nous aliénions
Il ne
nous reste donc, messieurs, qu'un moyen de rendre le bonheur à la patrie
menacée de toutes parts ; saisissons-le d'une main ferme, et déférons la
couronne au second fils de Louis-Philippe, roi des Français, pour lequel je
voterai. (C., supp., 4 fév.)
M. Le Grelle – Messieurs, je n'abuserai pas de vos
instants. Vous avez écouté avec une religieuse attention le discours que notre
collègue M. Osy a prononcé, il y a deux jours, avec autant de modération que
d'énergie. Ce discours était basé sur des faits irrécusables, lumineusement
exposés, et dont personne jusqu'ici n'a essayé de contester l'effrayante
réalité. Messieurs, les principes de mon honorable ami sont les miens, les
développer serait fatiguer inutilement votre attention, en reproduisant moins
bien que lui ce qu'il a dit. Je me bornerai donc à motiver mon vote. Deux
combinaisons dominent en ce moment dans l'assemblée, l'une et l'autre me
paraissent fatales. J'en ai médité les conséquences inévitables, et de quelque
côté que je les envisage, je n'y vois que la guerre. Les orateurs nombreux qui
ont parlé successivement dans cette importante discussion ont fait entendre
tour à tour de grandes, de terribles vérités, non point en vantant les
avantages du choix de leur prédilection, mais en déroulant à vos yeux le
tableau des calamités sans nombre qu'amènerait le triomphe de leurs
adversaires. Les partisans du duc de Leuchtenberg objectent à ceux du duc de
Nemours que l'acceptation de leur candidat serait le signal d'une guerre immédiate
et générale, que jamais l'Angleterre ni les autres grandes puissances ne
consentiront à cette élection, que déjà une flotte anglaise se prépare à sortir
de Portsmouth, prête à fondre sur nos vaisseaux marchands, prête à bloquer
Anvers et nos autres ports.
Les
partisans du prince français répondent à ceux du fils d'Eugène : Votre candidat
ne sera jamais reconnu par
Tels
sont en partie, messieurs, les redoutables fléaux dont les amis des deux
illustres candidats qui partageront vos suffrages vous ont fait l'énumération
; ainsi, messieurs, de quelque côté que je tourne les regards, je ne découvre
que désastres, que dévastations, que la guerre avec toutes ses horreurs. Et
n'oublions pas, messieurs, que notre malheureux pays en sera encore une fois le
théâtre sanglant. Qu'avons-nous vu autrefois et que verrons-nous ? nos
campagnes dévastées, nos villes saccagées, nos ressources épuisées, notre
jeunesse moissonnée, nos fortunes bouleversées, nos maisons incendiées, les
arts sans émulation, le commerce languissant, l'industrie mourante, la
nourriture de l'artisan, tous les objets de première nécessité, rares et
chers, le crédit public anéanti, le règne des lois remplacé par un règne de
désordre et de fureurs ; et le peuple belge, qui depuis cinq mois supporte avec
calme, patience et résignation, les résultats pénibles d'une révolution
glorieuse, dont il a été le héros et la victime, le peuple, loin de voir un
terme à ses privations, loin de voir commencer une nouvelle ère de repos et de
prospérité, va éprouver une série de nouveaux, d'inévitables malheurs !
Messieurs,
une perspective aussi désolante, une alternative aussi cruelle, permettront
sans doute à un député qui aime aussi son pays, qui, libre de toute prévention,
de toute impulsion, n'aspire qu'au bonheur de son pays, elles lui permettront,
dis-je, de ne point s'exposer par un vote imprudent aux remords cruels, aux
regrets amers, d'avoir contribué à appeler dans ces contrées le fléau de la
guerre, d'avoir manqué de force et de courage pour résister avec une noble
liberté à deux combinaisons également malheureuses.
Je
sais, messieurs, que ma conduite ne sera point agréable au grand nombre ; mais
j'espère que, si vous ne partagez pas mon opinion, vous ne me refuserez du
moins pas votre estime, vous ne douterez pas de mes intentions pures, de mon
désintéressement : car quel que soit celui des deux candidats que vous élirez
pour souverain, jamais je n'aurai le mérite d'avoir coopéré à son choix ; la
main sur la conscience, et n'obéissant qu'à la plus intime, qu'à la plus
profonde conviction, je m'abstiendrai de concourir au scrutin de ballottage
entre le duc de Nemours et le fils d'Eugène. Je voterai pour l'archiduc Charles
d'Autriche. (C., supp., 4 fév.)
M. Ooms – Messieurs, une grande question, une question longtemps
attendue avec d'autant plus d'impatience qu'elle doit terminer toutes les
inquiétudes, a pendant plusieurs séances excité une discussion aussi animée
qu'indécise dans ses résultats.
J'ai prêté
une oreille attentive aux longs débats. La solution de toutes les hypothèses ne
me présente que du doute, et de quelque côté que je me tourne, je ne vois que
des difficultés. Cependant si je ne veux pas émettre un vote perdu, si je veux
remplir mon mandat, je suis obligé de voter pour un des deux candidats qui
réunissent la grande majorité des suffrages.
Dans
ces circonstances difficiles, je n'ai consulté que mon bon sens, et d'après
tout ce que j'ai entendu pour et contre les deux candidats, il m'a paru que je
devais donner la préférence à celui qui peut maintenir le bon droit et les
décisions du congrès.
Plusieurs
honorables membres ont déclaré qu'ils refuseraient leur vote pour le duc de
Nemours, de crainte de perdre notre indépendance. Moi, au contraire, je
voterai pour le duc de Nemours dans l'espoir de garantir notre indépendance,
car tous les protocoles qui nous ont été communiqués ne parlent que d'une
indépendance future, conditionnelle.
Ces
conditions pourraient être telles qu'elles feraient reculer le plus chaud
partisan de l'indépendance ; déjà nous avons protesté contre quelques-unes de
ces conditions ; je crains que notre protestation n'ait le sort de la note
dernièrement envoyée à la conférence de Londres par notre comité diplomatique ;
les régisseurs de l'Europe (page 433)
n'oublieront pas facilement la maxime qui est la règle constante de leur
conduite : Sic volo, sic jubeo.
On
nous a dit, si nous proclamons le duc de Leuchtenberg roi des Belges, que les
quatre grandes puissances deviendront plus généreuses envers nous, et
pourraient rapporter le protocole du 20 janvier. Je ne sais si je m'abuse ;
mais il me semble que les puissances ne peuvent ignorer que le choix du chef de
notre État ne peut rien changer à notre révolution ni à nos principes ; que,
si une lutte s'engage,
Messieurs,
quoique la révolution soit loin d'être terminée,
Messieurs,
les Polonais crient au secours et ne peuvent être secourus, et nous, nous
irions rompre avec notre seul ami au moment où
Un tel
système répugnerait à mon esprit, s'il ne répugnait pas à mon cœur. (C., supp.
4 fév.)
M. Du Bois – Messieurs, quarante de mes
soixante-quatre années consacrées au service de mon pays dans la carrière
administrative ont témoigné de mes opinions et de mes actes. Je leur dois les
suffrages de mes commettants et l'honneur de siéger parmi vous, messieurs, au
congrès national.
En
1815, aussi, je fus appelé à la commission chargée de rédiger la loi
fondamentale. Nous délibérions aux mêmes jours qu'à la bataille de Waterloo,
les Belges combattaient l'ennemi avec lequel ils sympathisent aujourd'hui.
Nous
apprîmes à
Triomphe
éphémère ! instabilité des choses humaines !
Il
n'est qu'un pas du Capitole à la roche Tarpéienne.
La loi
fondamentale n'existe plus, les vices qu'elle contenait ne m'échappèrent pas :
deux protestations formelles que je fis insérer aux procès-verbaux de nos
séances en ont fait foi. Je réclame aujourd'hui la même liberté dont j'ai joui
alors, non de proclamer, mais de motiver mon vote, aujourd'hui, dis-je, moment
solennel où il s'agit de nommer un roi qui doit régner sur ma patrie.
Je
déclare donc qu'en opposition avec la presque généralité des honorables membres
du congrès, divisés seulement entre le duc de Nemours et le duc de
Leuchtenberg, aucun de ces princes ne pourra emporter mon suffrage, parce que
leur nomination attirerait également sur mon pays une guerre imminente et toutes
ses conséquences.
Je ne
répéterai point, messieurs, tout ce que les honorables orateurs qui m'ont
précédé à celte tribune vous ont dit à ce sujet, en soutenant et combattant,
tour à tour, leur candidat.
Je
voterai pour l'archiduc Charles d'Autriche, prince aussi illustre par ses hauts
faits militaires, toujours cher et regretté des Belges, petit-fils de
Marie-Thérèse, dont la mémoire est pour
M. de Tiecken de Terhove – Lorsque j'ai manifesté le désir
d'avoir un prince français pour chef de l'État, je n'ai été dirigé dans ce
choix que par le bien-être, le bonheur de mon pays ; c'est que j'ai pensé, et
que je suis intimement convaincu qu'aucun prince de la terre ne pouvait nous
offrir les avantages immenses que nous eussions obtenus par le choix d'un
prince de cette nation. Notre voisinage avec
Voulez-vous
donc votre indépendance, hâtez-vous de nommer le duc de Nemours ; voulez-vous
ne pas vous voir séparés violemment de vos concitoyens du Luxembourg, du
Limbourg, de la rive gauche de l'Escaut, voulez-vous l'intégrité de votre territoire,
hâtez-vous de proclamer le due de Nemours, Je ne fatiguerai pas inutilement
l'assemblée, en appuyant mon opinion d'arguments que déjà différents
honorables collègues., et surtout l'honorable M. Van de Weyer et M. Le Hon ont
développés avec tant de talents, d'une manière si lumineuse, messieurs, vous
devez sentir la difficulté de notre position, et certes, messieurs, ce n'est
pas
M. Watlet renonce à la
parole. (C., 4 fév.)
M.
le comte d’Arschot – Messieurs, au moment de procéder à l'acte le plus
important de notre mission, toutes nos préférences, nos affections doivent être
déposées sur l'autel de la patrie.
C'est
en présence de la nation, de l'Europe entière, que nous allons voter : un seul
sentiment doit nous animer, la patrie ; ses intérêts, son bonheur, son
indépendance, voilà les résultats que nous devons chercher. Comment
pouvons-nous réaliser tant d'espéranees ? par une alliance intime avec
Et
c'est quand on nous enlève le Luxembourg, une partie du Limbourg, que
Maestricht, Anvers sont au pouvoir de nos ennemis, que l'on va peut-être
consommer notre ruine, en nous accablant du fardeau d'une dette immense,
résultat des prétentions de
Vous
le savez, messieurs, plus que personne, j'ai soutenu les diverses combinaisons
que l'on vous a proposées ; j'ai fait tous mes efforts pour leur obtenir des
partisans ; j'ai répété à satiété que
Si
cela était, messieurs, je ne dévierais pas des principes qui m'ont guidé dans
ma courte carrière diplomatique. Parvenir à ramener la paix dans ma patrie,
cicatriser par elle les plaies profondes que lui a faites la révolution, et qui
en sont les résultats nécessaires, quelque glorieuse que vous puissiez (page 435) la supposer, voilà le but
pour lequel j'ai souvent bravé la critique et les murmures. Si je croyais la
paix incompatible avec le choix du duc de Nemours, je ne lui donnerais pas mon
suffrage. Deux de mes honorables amis, MM. Le Hon et Van de Weyer, vous ont
déjà prouvé que la guerre pouvait être le résultat de différentes
circonstances, mais non de ce choix. Je n'examinerai donc que rapidement la
question de la guerre.
On a
dit : Ce sera une guerre de principes. Mais les progrès de la civilisation ont
rendu impossible une guerre de trente ans, une guerre de fanatisme ; l'époque
actuelle ne produit pas des Gustave-Adolphe pour la conduire, et les peuples
ne s'égorgeront pas pour détruire des principes de liberté qui aujourd'hui
germent partout.
On ne
fait la guerre que pour des intérêts matériels, pour défendre ce que l'on
possède ou conquérir ce que l'on convoite ; je ne vois aucune puissance dont
les États soient menacés par l'élévation du duc de Nemours sur le trône de
Par
respect, messieurs, pour un nom illustre, pour des souvenirs que je révère, je
me suis abstenu d'un parallèle qui eût été peu généreux. (U. B., 4 et 5 fév.,
et supp.)
M.
le président – Messieurs, il est cinq heures ; il y a encore six orateurs inscrits. Je
désirerais que demain l'on pût procéder à l'élection du chef de l'État. Il est
temps que cette grave question se décide, et il me semble que l'assemblée est
assez éclairée. Je vous propose donc, messieurs, de vous réunir demain à neuf
heures précises. Quand les six orateurs inscrits auront parlé, on pourra
consacrer une partie du temps qui nous restera aux répliques que deux orateurs
se sont réservées, et après cela, nous procéderons immédiatement à l'élection.
(C., 4 fév.)
- La
proposition de M. le président est adoptée. (C., 4 fév.)
La
séance est levée à cinq heures. (P. V.)