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Congrès national de Belgique

Séance du mardi 22 février 1831

 

Sommaire

1) Communications des pièces adressées au congrès

2) Vérification des pouvoirs des membres du congrès (Claes (de Louvain))

3) Projet de loi électorale (Watlet), détermination du cens (Lebeau, Van Snick, A. Rodenbach, Lebeau, Frison, de Robaulx, Jottrand, Lebeau, de Robaulx). Vote sur l’ensemble de la loi et rejet. Proposition de nouveau projet de loi électorale (Beyts)

4) Vérification des pouvoirs d’un membre (A. Bisschoff)

5) Nouveau projet de loi électorale (Beyts, Du Bus, Jottrand, Beyts, Osy, Lebeau, Beyts, Osy, Watlet)

6) Proposition visant à nommer un lieutenant général du royaume ou  un régent (Van Snick, de Robaulx, de Sécus (père), Lebeau, Ch. Le Hon, Osy, Ch. de Brouckere, Van Snick, A. Gendebien, Jottrand, de Robaulx, Rogier, Van de Weyer, Ch. Le Hon, Defacqz, Nothomb, Jottrand)

 

(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 2)

(page 560) (Présidence de M. de Gerlache)

La séance est ouverte à une heure. (P. V.)

M. Henri de Brouckere, secrétaire donne lecture du procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)

 

COMMUNICATION DE PIECES ADRESSEES AU CONGRES

 

M. Liedts, secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes :

Quarante-sept habitants d'Eecloo demandent que le congrès proclame la république.

Vingt et un habitants de Deynse font la même demande.

M. J. B. Leclercq, chevalier de la Légion d'hon­neur à Warneton, réclame le payement de sa pension.

M. De Hon se plaint de la composition de l'administration communale de Courcelles.

Dix habitants de Louvain demandent que la sortie des écorces de chêne ne soit pas défendue.

M. Henroz, démontre la nécessité d'achever la route de Marche à Terwagne.

La dame d' Hoedt, à Deynse, demande le congé de son fils Henri d'Hoedt, caporal dans l'armée belge.

Huit habitants de Ninove demandent qu'un bureau d'enregistrement soit établi dans cette ville.

M. J. Van der Bruggen, à Bruxelles, demande que le congrès choisisse, séance tenante et sans dis­cours, pour souverain de la Belgique, le duc de Saxe-Cobourg. (U. B., 24 fév. et P. V.)

- Ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions. (P. V.)

 

RAPPORTS DE COMMISSIONS DE VERIFICATION DES POUVOIRS

 

M. Coppieters, rapporteur de la commission chargée de la vérification des pouvoirs des députés et suppléants élus par le Brabant, propose l'admission de M. Claes, suppléant du district de Louvain, en remplacement de M. l'abbé Vander Linden, démissionnaire. (U. B., 24 fév.)

- Ces conclusions sont adoptées. (P. V.)

M. de Man, rapporteur de la commission chargée de la vérification des pouvoirs pour la province de Namur, propose l'admission de M. Mohimont-Bivort, député suppléant du district de Namur, en remplacement de M. le baron de Stas­sart, démissionnaire. (U. B., 24 fév.)

M. le comte de QuarréJe sais que M. Mohimont-Bivort refuse de siéger au congrès ; ne faudrait-il pas appeler un autre suppléant ? (J. F., 24 fév.)

Une voix – Il faut attendre la réponse. (J. F., 24 fév.)

- Les conclusions de la commission sont adoptées. (P. V.)

 

PROJET DE LOI ELECTORALE

 

 

Article 18

M. le président annonce qu'il a été déposé un paragraphe additionnel à l'article 18 de la loi (17 du projet) ; il est ainsi conçu :

« Lorsque plusieurs districts réunis concour­ront à l'élection d'un sénateur, et auront en même temps à faire séparément une autre nomination à la législature, la réunion ordinaire des collèges électoraux pour celte opération est remise au troisième mardi du mois de juin.

« Cette disposition n'est point applicable au district dans lequel se trouve le lieu fixé pour l'é­lection du sénateur susmentionné. »

« WATLET. » (U. B., 24 fév. et A.)

M. Watlet développe son amendement. (U. B., 24 fév.)

(page 561) M. le baron Beyts propose la rédaction suivante, et demande qu'on en fasse une addition à l'article 18 de la loi (17 du projet) :

« S'il y avait une élection extraordinaire à faire par plusieurs collèges réunis, elle se fera le troisième mardi de juin. » (C., 24 fév.)

M. Watlet persiste dans son amendement. (U. B., 24 fév.)

M. le chevalier de Theux de Meylandt le combat et appuie celui de M. le baron Beyts. (U. B., 24 fév.)

M. le président donne une seconde lecture de l'amendement de M. le baron Beyts. (U. B., 24 fév.)

M. Watlet demande la suppression du mot extraordinaire, et propose de dire :

« Lorsqu'il y aura lieu à procéder à une élection par plusieurs collèges réunis, elle se fera le troisième mardi de juin. » (A.)

Cette disposition modifiée dans sa rédaction est adoptée en ces termes :

« Lorsqu'il y a lieu de procéder à une élection par plusieurs collèges réunis, elle se fera le troisième mardi du même mois. » (A.)

M. Henri de Brouckere  donne lecture de l'ensemble de la loi électorale, avant de procéder à l'appel nominal. (U. B., 24 fév.)

 

Article 55

M. LebeauJe propose de faire à l'ar­ticle 55 de la loi un léger changement de rédac­tion.

Cet article porte : « Nul n'est élu au premier tour de scrutin s'il ne réunit au moins la moitié plus une des voix. »

Quand le nombre des électeurs est pair, rien de plus facile à appliquer que cet article ; mais quand le nombre est impair, il pourrait s'élever des dif­ficultés. En effet, je suppose, et je vais prendre un nombre très faible pour mieux faire comprendre mon raisonnement, je suppose, dis-je, qu'un col­lège soit composé de onze électeurs. Quelle est la moitié, plus un des membres ? Ce n'est pas six, car ce chiffre ne représente que la moitié plus la moitié d'un. Pour éviter toute difficulté, je pro­pose la rédaction suivante :

« Nul n'est élu au premier tour de scrutin s'il ne réunit plus de la moitié des voix. » (U. B., 24 fév. et P. V.)

- Cette proposition est mise aux voix et adoptée. (P. V.)

M. LebeauJ'ai à faire une proposition beau­coup plus importante. Je me suis aperçu qu'il y avait dans l'assemblée une grande divergence d'o­pinions relativement au cens électoral.

Cette divergence me fait craindre que la loi ne soit rejetée en totalité, à cause de l'abaissement du cens. Comme toutes les autres dispositions de la loi ont été adoptées par une forte majorité, si ce n'est à l'unanimité, il serait sans doute conve­nable de détacher du décret le point qui fait dis­sidence, et de voter sur le reste. C'est dans ce but que je dépose la proposition suivante :

« Le congrès national arrête le tableau du cens électoral qui suit, pour être annexé à son décret du » (U. B.. 24 fév.)

M. Van Snick propose une semblable mesure pour le tableau de la répartition des députés à élire par les provinces et les districts, tableau qui est également contesté par un grand nombre de mem­bres. (U. B., 24 fév.)

M. Alexandre Rodenbach demande le rejet de la proposition de M. Lebeau, comme contraire au règlement. (U. B., 24 fév.)

M. LebeauJe ne propose que de faire deux lois différentes. (J. B., 24 fév.)

M. le présidentLa proposition de M. Van Snick est-elle appuyée ? (U. B., 24 fév.)

- Cette proposition est appuyée. (U. B., 24 fév.)

M. Van Snick la développe. (U. B., 24 fév.)

M. Frison combat cette proposition et appuie celle de M. Lebeau, sans l'adoption de laquelle, dit-il, plusieurs membres sont disposés à rejeter la loi. (U. B., 24 fév.)

M. de RobaulxJe m'oppose à la propo­sition de M. Lebeau. D'après l'article 1er du projet, le tableau doit faire partie du décret et ne doit former qu'un tout avec lui ; rien ne peut en, être détaché, et, d'après le règlement, après avoir voté le projet article par article, nous devons voter sur l'ensemble. Voyez, messieurs, où la tactique nous mène : quelques personnes ont trouvé que le cens électoral avait été trop abaissé. (Rumeurs.) Oui, messieurs, il faut appeler les choses par leur nom ; il faut mettre le doigt sur la plaie : voilà où le bât blesse, l'abaissement du cens, et c'est pour ce motif qu'on voudrait aujourd'hui rejeter la loi. Je ne suis point de ceux qui trouvent le cens trop bas : libéral pur, je ne crains pas que l'abaisse­ment du cens profite à une faction, à un parti ; j'y vois seulement un avantage pour tous. Je ne puis admettre un retranchement, pour procurer à un décret une plus forte majorité : ce décret a été discuté dans son ensemble ; si nous voulons être conséquents, c'est aussi dans son ensemble que nous devons l'adopter ou le rejeter. Autrement, rien n'empêche que d'autres propositions sembla­bles à celle de M. Lebeau ne viennent retirer tels ou tels articles, et ainsi remettre tout en question. M. Van Snick vient de nous en donner une preuve.

(page 562) La marche indiquée par M. Lebeau est une véritable tactique, contraire aux formes adoptées : je la rejette. (U. B., 24 fév.)

M. JottrandJe m'oppose aussi à la proposition de M. Lebeau et à celle de M. Van Snick. Si nous consentions à ces propositions, il y aurait lieu de consentir aussi à toutes les autres demandes de division que l'on pourrait encore faire sur d'au­tres dispositions de la loi électorale. Je sais, par exemple, que quelques-uns de nos collègues veu­lent refuser leur vote à la loi, parce que, selon eux, il s'y trouve un article qui étend l'incapacité élec­torale à d'autres cas encore que ceux prévus par la constitution ; ce qui, toujours selon eux, rend la loi inconstitutionnelle. D'autres collègues peuvent encore avoir d'autres raisons, et ils seraient tout aussi fondés à demander des divisions que MM. Le­beau et Van Snick. Où cela nous conduirait-il ?

La loi a été discutée article par article. Le droit de demander des divisions, au moment de voter sur l'ensemble, n'existe pas. Je ne crois pas non plus qu'il y ait danger de voir rejeter cet ensemble. On se plaint que le cens électoral est trop bas. Je pense que, dans les circonstances particulières où nous nous trouvons, ce cens est le plus propre à nous faire obtenir des députés, véritables repré­sentants de la nation dans la législature qui nous succédera. Plus tard, et quand les circonstances toutes particulières au milieu desquelles nous nous trouvons auront disparu, rien ne s'opposera à une révision de la loi électorale. Cette loi au reste n'a été présentée et discutée que comme devant être provisoire. (C., 24 fév.)

M. LebeauJe ne répondrai pas aux insi­nuations d'un des préopinants qui cherche dans ma proposition des motifs qui n'y existent pas, et qui m'accuse de tactique. L'imputation fait plus de tort à celui qui se la permet qu'à celui contre laquelle elle est dirigée. Je ne désapprouve pas la loi pour les raisons que présume M. de Robaulx. Je la trouve trop aristocratique. Il est évident que s'il y a moyen de faire adopter une partie de la loi, c'est autant de gagné sur nos travaux futurs, en admettant que la question du cens mette dès main­tenant cette loi en danger d'être rejetée. Ce que j'ai proposé n'établit aucun précédent, car on en a déjà agi de la même manière à l'occasion de la loi sur la chambre des. comptes et de celle sur la garde civique. (C., 24 fév.)

M. de Robaulx répond en quelques mots qu'on a mal compris son intention quand il a parlé de tactique. Il démontre aussi que les exemples de précédents allégués par M. Lebeau ne sont pas concluants ; ce qui s'est passé pour les       lois que cet orateur a citées ne ressemble pas à ce qu'il propose aujourd'hui. (C., 24 fév.)

- La proposition de M. Lebeau est mise aux voix et rejetée. Par suite celle de M. Van Snick vient à tomber. (C., 24 fév. et P. V.)

On procède à l'appel nominal sur l'ensemble de la loi avec les tableaux du cens et de la répar­tition des députés.

139 députés répondent à l'appel : 64 votent pour la loi ; 75 contre. (P. V.)

Ont voté pour : MM. Gendebien (père), de Ro­baulx, l'abbé de Foere, Van der Belen, Le Bègue, Baugniet, Bosmans, Du Bus, Constantin Rode­nbach, François, de Tiecken de Terhove, Thien­pont, l'abbé Wallaert, Jottrand, l'abbé Van de Kerckhove, Hennequin, Beaucarne, Alexandre Rodenbach, l'abbé Andries, d'Hanens-Peers, l'abbé Dehaerne, l'abbé Verbeke, Gelders, Van Innis, le baron Beyts, de Decker, Camille de Smet, Annez de Zillebeecke, Ooms, le comte Wer­ner de Mérode, Peeters, de Gerlache, le baron de Meer de Moorsel, Vergauwen-Goethals, Henri de Brouckere, Pirmez, l'abbé Van Crombrugghe, l'abbé Verduyn, Lefebvre, Lecocq, Masbourg, Fransman, Louis Coppens, Deleeuw, Le Bon, Claes (d'Anvers), le vicomte Charles Vilain XIIII, le marquis de Rodes, le chevalier de Theux de Meylandt, l'abbé Boucqueau de Villeraie, Zoude (de Saint-Hubert), de Sebille, de Nef, Van Mee­nen, Demelin, Leclercq, de Lehaye, l'abbé Pollin, Fleussu, Teuwens, Pirson, l'abbé Corten, Helias d'Huddeghem, le baron Frédéric de Sécus. (C., 24 fév.)

Ont voté contre : MM. Watlet, le vicomte Des­manet de Biesme, Joos, de Labeville, le baron Osy, Jean-Baptiste Gendebien, le baron de Péli­chy van Huerne, Liedts, François Lehon, Cols, le comte d'Arschot, le comte Duval de Beaulieu, le marquis Rodriguez d'Evora y Vega, Blomme, Devaux, Destriveaux, le baron de Stockhem, Frison, Mulle, Defacqz, Lebeau ,le vicomte de Jonghe d'Ardoie, Destouvelles, le baron de Liedel de WeIl, Marlet, Werbrouck-Pieters, le baron de Leuze, d'Hanis Van Cannart, de Roo, de Man, Charles Le Hon, Olislagers de Sipernau, Bre­dart, le baron de Terbecq, Dumont, Roeser, le comte de Bergeyck, Le Grelle, le baron Joseph d'Hooghvorst, de Selys Longchamps, Blargnies, Van Snick, de Rouillé, Claus, Vandenhove, le comte d' Ansembourg, Nalinne, le baron de Cop­pin, Lardinois, David, Gustave de Jonghe, Hippo­lyte Vilain XIIII, Davignon, le baron de Viron, Henry, Barbanson, Zoude (de Namur), Coppieters, Barthélemy, Henri Cogels. Domis, Speelman-Rooman, (page 563) Dams, Alexandre Gendebien, Claes (de Louvain), Huysman d'Annecroix, d'Martigny, Du Bois, Serruys, le baron de Sécus (père), le baron Surlet de Chokier, Nothomb, le marquis d'Yve de Bavay, le comte de Quarré, Albert Co­gels. (C., 2_ fév.)

M. Seron, présent à l'appel, s'est abstenu de voter. (C.. 24 fév.)

- La loi électorale est rejetée. (Mouvement et agi­tation en sens divers. La séance est un moment suspendue, et quelques députés échangent entre eux des paroles animées.) (P. V.)

M. le baron BeytsMessieurs, nos tra­vaux touchaient à leur terme. La constitution allait être mise à exécution. Il ne manquait plus à notre système constitutionnel qu'une loi électo­rale. Cette loi, longuement discutée et examinée, vient d'être rejetée. Si je ne me trompe, il faut attribuer ce rejet à deux causes : au mécontente­ment de quelques intérêts locaux qui réclament contre la répartition des députés par provinces, et au taux minime du cens électoral tel que le con­grès venait de le déterminer : certes, il ne peut s'agir de celte partie de la loi qui règle purement et simplement le mode d'exercice de nos droits électoraux. Ce mode me paraît à l'abri de toute critique, parce qu'il est conforme à la raison et aux habitudes d'un peuple libre. Il me semble donc que l'on devrait se borner à intro­duire quelques modifications dans le tableau du cens et dans celui de la répartition des députés, et conserver le reste du projet, dont on pourrait donner lecture article par article, et voter successivement l'adoption sans inconvénient. (Appuyé.) (C., 24 fév.)

M. le président invite M, le baron Beyts à rédiger sa proposition par écrit. (E.. 24 fév.)

 

RAPPORT D'UNE COMMISSION DE VERIFICATION DES POUVOIRS

 

M. le baron de Pélichy van Huerne, rapporteur de la commission chargée de la vérifi­cation des pouvoirs des députés et suppléants élus par la province de la Flandre occidentale, propose l'admission de M. Adolphe Bisschoff, suppléant du district de Courtrai, en remplacement de M. Lesaffre, démissionnaire. (P. V.)

Cette admission est prononcée. (P. V.)

 

NOUVEAU PROJET DE LOI ELECTORALE

 

M. le baron BeytsJe propose de faire sur-le-champ le calcul qui consisterait à réduire d'un quart, au lieu d'un tiers, le cens tel qu'il était déterminé par le projet de la section cen­trale et d'adopter ensuite la loi électorale avec ce changement. (C., 24 fév.)

M. le présidentL'assemblée adhère-t­-elle à la base proposée par M. Beyts ? (C., 24 fév.)

M. Du BusOn ne peut faire des modifications ou des amendements à un projet rejeté. Si M. Beyts persiste dans sa proposition, je demande la question préalable. (C., 24 fév.)

M. JottrandJ'appuie la demande de la question préalable sur la motion de M. Beyts. Il ne m'est pas prouvé que la loi ait été rejetée par la majorité à cause de l'abaissement du cens. Et pour ne citer qu'un seul fait à l'appui de cette observation, n'avons-nous pas entendu notre ho­norable collègue M. Lebeau déclarer tout à l'heure que pour lui il regardait cette loi comme trop aris­tocratique. (Hilarité.) Il y aurait peut-être lieu, d'après cette opinion, d'abaisser encore le cens électoral pour satisfaire une partie des députés qui ont composé la majorité qui vient de faire rejeter la loi. (C., 24 fév.)

M. le baron BeytsLa raison de M. Le­beau n'est pas la raison de M. Lebeau. (Hilarité générale.) Ma proposition tend à abréger nos tra­vaux et à mettre le plus tôt possible la constitution à exécution. (U. B., 24 fév.)

M. le baron Osy demande que M. le baron Beyts, ou tout autre, présente un nouveau projet qui sera renvoyé à la commission. (U. B., 24 fév.)

M. LebeauM. Jottrand se trompe quand il interprète ce que j'ai dit sur le principe trop aris­tocratique du cens électoral ; j'ai soutenu que moins le cens est élevé, plus forte est l'influence de l'aristocratie, et j'ai cité, à l'appui de cette as­sertion, l'exemple de l'Angleterre, où les lords achètent les suffrages des électeurs à 20 schellings. (C., 21 fév.)

M. le baron Beyts insiste pour son amendement – Messieurs, prêtez-moi votre atten­tion ; j'ai ici un projet tout fait. (Tumulte dans l'assemblée. La plupart des membres se livrent à des conversations particulières.) (J. F., 24 fév.)

M. le baron Osydemande que M. Beyts remette son projet à la commission, pour que celle-ci en fasse son rapport après la discussion de la proposition de M. Lebeau sur le régent. (C., 24 fév.)

M. Watlet parle contre la proposition de M. le baron Beyts. (U. B., 24 fév.)

M. Werbrouck-Pieters demande le renvoi aux sections. (C., 24 fév.)

(page 564) M. DestouvellesLes pouvoirs de la commission sont expirés ; vous ne pouvez donc pas renvoyer à son examen le projet de M. Beyts. (C., 24 fév.)

M. Van Snick parle contre la proposition de M. le baron Beyts. (U. B., 24 fév.)

- L'assemblée décide que le projet de M. Beyts sera imprimé et renvoyé aux sections. (P. V.)

 

PROPOSITION VISANT A NOMMER UN LIEUTENANT GENERAL DU ROYAUME

 

L'ordre du jour est la discussion des conclu­sions du rapport de la section centrale, sur la proposition de M. Lebeau, tendant à ce qu'il soit nommé un lieutenant général du royaume. (P. V.)

M. de Gerlache, présidentMessieurs, notre respectable président étant de retour, je l'ai invité à reprendre le fauteuil qu'il a occupé avec tant de bonheur et d'une manière si distinguée. Il m'a opposé des scrupules de convenances que j'ai très bien sentis et que vous sentirez tous comme moi. Son nom sera sans doute souvent prononcé dans la discussion qui va s'ouvrir. Il m'a prié de continuer à le remplacer : je siégerai donc encore au fauteuil.

La parole est à M. Osy. (U. B., 24 fév.)

 

Motion d'ordre

 

M. Van Snick a la parole pour une motion d'ordre, et demande s'il ne conviendrait pas, avant d'entamer la discussion, d'examiner d'abord s'il y a lieu à nommer un régent ou un lieutenant gé­néral, sauf ensuite à s'occuper des candidats. (U. B., 24 fév.)

M. Deleeuw combat cette motion. (U. B., 24 fév.)

M. le présidentVoici la proposition rédigée et présentée par M. Van Snick :

« Je propose au congrès de résoudre la question suivante : Y a-t-il lieu de changer le mode de l'exercice du pouvoir exécutif aujourd'hui existant en Belgique, et de substituer une lieutenance gé­nérale au gouvernement provisoire tel qu'il est constitué en ce moment. » (U. B., 24 fév. et A.)

M. de RobaulxIl serait bien qu'il fût en­tendu que l'on ne discutera que la question de savoir s'il faut nommer un régent ou un lieutenant général, et que la discussion de personnes ne viendra qu'après que le principe aura été résolu. (U. B., 24 fév.)

M. le baron de Sécus (père) désirerait savoir, avant tout, si on ajoute quelque idée de plus à la nomination d'un lieutenant général qu'à celle d'un régent. (U. B., 24 fév.)

M. Lebeau déclare qu'il adhère aux conclu­sions de la section centrale, et qu'il votera pour la nomination d'un régent. D'autres membres peu­vent demander un lieutenant général ; pour lui, quoiqu'il en ait fait la proposition, il ne la sou­tiendra pas. Il croit au reste qu'il n'est pas besoin d'un décret pour fixer les points sur lesquels doit porter la discussion, et il demande le rejet de la proposition de M. Van Snick. (U. B., 24 fév.)

M. Charles Le HonIl me semble, mes­sieurs, que la proposition de M. Van Snick est un des éléments de la discussion ; car il est évident que ceux qui prendront la parole examineront d'a­bord s'il faut un régent ou un lieutenant général. La proposition de M. Van Snick est donc inutile ; j'en demande le rejet. (U. B., 24 fév.)

M. Van Snick insiste. (Aux voix ! aux voix !) (U. B., 24 fév.)

- Plusieurs membres demandent l'ordre du jour. Enfin, sur quelques observations de M. de Robaulx, M. Van Snick retire sa proposition. (U. B., 24 fév.)

 

Discussion du rapport de la section centrale

 

M. le baron OsyAprès le refus que nous avons reçu de la part de S. M. le roi des 'Français, refus que j'ai prévu, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire dans mon discours du 1er février, lorsqu'il s'agissait de nommer un chef de l'État, parce que j'étais persuadé que l'acceptation du duc de Nemours aurait amené une guerre géné­rale, ce dont notre patrie aurait eu à souffrir con­sidérablement, je crois qu'il est plus que temps de nous occuper à nous constituer définitivement.

Vous devez vous rappeler que le tableau que je vous faisais au 1er février était des plus effrayants ; et je crois me rappeler que personne ne m'a prouvé que je l'exagérais. Pour toute réponse, je n'ai entendu parler que de la conviction que l'on accepterait ; et même plusieurs membres, faisant partie du comité diplomatique, voulaient nous prouver que nous n'aurions pas la guerre.

Moi qui ne suis pas dans le secret officiel ni of­ficieux de notre diplomatie, et qui me serais bien gardé de m'en mêler, je n'ai raisonné que sur les pièces officielles émises par les cinq grandes (page 565) puis­sances, sur les nouvelles particulières que j'ai par le commerce, qui comme je dois le répéter, est souvent mieux instruit et voit plus clair que nos diplomates, parce que le commerce a des in­térêts très graves et très importants à défendre ; et ceux qui ont beaucoup à perdre ne raisonnent pas par ambition, passion ni théories ; mais vont droit leur chemin, ne consultant que le bon sens.

Le protocole du 20 janvier devait nous prouver à l'évidence que les cinq familles des grandes puissances s'étaient exclues réciproquement du trône de la Belgique, et j'en ai tiré, ainsi que mes amis les négociants étrangers, la conséquence toute simple que l'acceptation par le roi de France se­rait le signal de la guerre immédiate ; et je me suis si peu trompé, que même avant la réception de la nouvelle télégraphique de la nomination du duc de Nemours, le roi des Français avait fait déclarer par son envoyé à la conférence de Londres, qu'il n'accepterait pas, si son fils était nommé roi des Belges.

Vous vous rappelez que nous avons fait cette nomination le 3 février, et c'est le 4, après deux conseils de ministres qui ont été tenus à Paris, que la résolution formelle du roi a été envoyée à M. de Talleyrand, qui l'a fait consigner dans le proto­cole du 7 février, dont j'ai demandé communica­tion à cette tribune le 10 de ce mois, mais que, par des faux-fuyants, messieurs nos diplomates n'ont pas voulu nous communiquer. (C., 24 fév.)

Plusieurs voix – A la question ! à la question ! (C., 24 fév.)

M. le baron OsyJ'y vais venir, messieurs, j'y vais venir. - L'honorable membre reprend – Je dis faux-fuyants parce que j'ai acquis la preuve que ces messieurs ont reconnu depuis, dans d'au­tres actes, la mission de lord Ponsonby comme en­voyé des cinq grandes puissances, quoiqu'il leur fît des demandes isolément et sans la participa­tion de M. Bresson. Par exemple lord Ponsonby a demandé et obtenu des passe-ports pour les agents qu'il a envoyés à Maestricht pourvoir, au nom de la conférence de Londres, si nous exécutions ponc­tuellement la suspension d'armes qui nous a fait ouvrir l'Escaut.

Étant sur ce point, je dois vous dire, messieurs, que je suis très étonné que nous n'ayons reçu au­cune communication du comité diplomatique. (C., 24 fév.)

M. Charles de BrouckereJe prie M. le président de rappeler M. Osy à la question. Il n'a pas encore dit un mot de la régence. On ne doit pas laisser discuter les orateurs sur des objets étrangers à la question. (C., 24 fév.)

M. le baron OsyJe vais y venir, mes­sieurs, je vais y venir.- L'honorable membre re­prend encore – Car si nous trouvons convenable de continuer à suspendre les hostilités, il faut franchement exécuter les conditions, de crainte de perdre derechef la navigation de l'Escaut. Je n'en dirai pas davantage sur ce point aujourd'hui, et j'espère que ce sera un avertissement pour le co­mité diplomatique de nous faire sans retard toutes les communications officielles qui doivent être dans son portefeuille.

Je reviens à mon objet principal. Je crois vous avoir prouvé que l'on n'a renvoyé le protocole du 7 février, que pour ne pas vous faire connaître de la manière la plus certaine le refus que notre dé­putation nous a rapporté, pour nous bercer ainsi d'un espoir illusoire, et par amour-propre trompé, ne pas avouer que les nouvelles que je vous ai communiquées trois jours après le départ de notre députation n'étaient que trop exactes.

On a préféré m'accuser d'arrière-pensées et d'être colporteur de fausses nouvelles et d'être alarmiste. Je vous laisse maintenant à juger qui voulait tromper, et je puis me flatter que c'est à mes communications que vous devez que la nou­velle du refus a été reçue par la nation d'une ma­nière si calme et si indifférente. (Murmures.)

Je ne veux pas savoir quelles sont les convic­tions que MM. les membres du comité diplomatique ont eues pour tâcher de nous persuader que notre nomination serait agréée, mais elles ne m'ont nullement convaincu un seul instant. Elles n'ont pas ébranlé les idées de refus dont je vous ai même parlé trois jours avant la nomination, mais dont on n'a voulu tenir aucun compte.

Cependant je pense que les informations sur lesquelles la conviction du comité était appuyée sont venues de notre envoyé à Paris, qui est membre du congrès ; et, s'il en est ainsi, cela me prouve qu'il était très mal informé ou qu'il a voulu nous induire en erreur. Il a voulu nous faire faire la nomination, dans l'espoir qu'une fois faite on pour­rait engager le roi des Français à accepter, sans considérer dans quel abîme de malheurs il atti­rait notre malheureuse patrie et toute l'Europe. Heureusement que Louis-Philippe a été plus sage, et a su détourner l'orage qui était sur le point de fondre sur nous ; et pour ma part, et au nom de tous les amis de la paix et du repos public, je lui en fais ici mes plus sincères remercîments. Mais cela prouve que notre envoyé ne peut plus mériter notre confiance, et je ne doute pas que le gouver­nement provisoire ne s'empresse de le rappeler, et que le régent que nous allons nommer n'y (page 566) envoie des hommes qui connaissent les véritables intérêts de la patrie.

Quand vous m'avez fait l'honneur de me nom­mer un des membres de la députation, j'ai cru ne pouvoir offrir une couronne qui devait vous ame­ner tant de désastres et dont notre malheureuse ville d'Anvers aurait été de nouveau une des pre­mières victimes, surtout depuis les armements imprudents, et que l'art militaire ne commande pas, mais qui se font peut-être pour nous intimider, parce que nous ne partageons pas toutes les opi­nions du gouvernement provisoire et celles mani­festées ici depuis trois mois.

Mais rien ne me fera reculer devant mon devoir de dire toute la vérité et toutes mes pensées, et je ne doute pas qu'avant de nous dissoudre on nous rendra plus de justice, et qu'on reconnaîtra que nous sommes de bonne foi et que nous agissons sans arrière-pensée.

Je pense que l'on fait un armement inutile pour nous effrayer. Oui, messieurs, on a réussi, et les émigrations de nos femmes et de nos enfants recommencent ; mais les hommes de caractère ne changeront pas d'opinion comme ils l'ont fait de­puis cinq mois ; ils feront tous leurs efforts pour maintenir la tranquillité dans notre malheureuse cité, nonobstant tout ce que l'on a pu faire, tant dans les nominations des fonctionnaires civils que par les frayeurs que l'on veut nous inspirer en nous mettant sous le canon ami et en­nemi.

Nous, députés d'Anvers, nous ne changerons pas de langage et nous ferons entendre les douleurs de nos concitoyens jusqu'à ce qu'un gouvernement plus ami de toutes les parties du pays, et que nous allons nommer, j'espère, verra que finalement il faut songer à nous tirer de notre malheureuse si­tuation, qui peut détruire en peu de temps le reste d'une des villes les plus florissantes de l'Europe, et qui faisait l'envie de toutes les nations. Aussi voyez comme nos voisins profitent de nos mal­heurs ! et si nous ne voulons pas promptement penser à tirer notre patrie de la malheureuse po­sition où nous sommes, nous ne récupérerons pas, dans nombre d’années, ce que nous perdons main­tenant depuis six mois, et les sacrifices que nous faisons journellement. Je ne parle pas seulement d'Anvers, mais de tout le pays ; et j'espère que finalement les députés des Flandres vous parleront des intérêts matériels de leurs provinces comme l'ont fait avec nous messieurs les députés de Ver­viers ; et ceux de Liége et du Hainaut pourront aussi vous entretenir des maux de ces provinces. Ne songeons pas toujours aux théories, et occupons-nous de ce qui peut rendre notre pays heureux sous le rapport le plus important ; car, messieurs, ne vous faites pas illusion : sans com­merce ni industrie, les meilleures institutions de­vront périr ; et pour les obtenir, occupez-vous plus sérieusement à finir nos arrangements avec la Hollande.

Pour y parvenir, écoutons les conseils des cinq grandes puissances réunies, défions-nous de ceux qui peuvent nous venir d'une seule, sans le con­cours des autres. Pouvez-vous supposer que M. de Talleyrand ait protesté contre le protocole du 20 et du 27 janvier, comme nous l'a fait dire M. Sébas­tiani par sa note du 30, quand M. de Talleyrand, au nom de son maître, rappelle, le 7 février, les principes émis dans le protocole du 20, qui fixe nos limites, comme celui du 27 veut fixer notre part de la dette ?

Cela nous prouve, messieurs, que, d'après les paroles du roi des Français, à notre députation, nous sommes sûrs qu'il aura soin de nos intérêts à la conférence de Londres. Il nous a donné la plus grande preuve du désir qu'il a de maintenir la paix de l'Europe, et, comme il trouve conve­nable de se concerter avec les autres grandes puis­sances pour nous aider à sortir de nos embarras, écoutons les cinq puissances et soyons sûrs que si de notre côté nous faisons tout ce que nous pou­vons pour éviter de donner lieu à une guerre que toutes les puissances doivent repousser par acte d'humanité, soyons sûrs, dis-je, que ces puis­sances, par reconnaissance, nous feront obtenir tout ce qui est juste.

Je fais donc le vœu que le nouveau gouvernement que nous allons instituer sente la nécessité d'agir avec plus d'énergie et avec plus de franchise que ne l'a fait notre comité diplomatique.

Tout le monde sent la nécessité de nommer un régent qui doit remplacer le gouvernement provi­soire, qui est tout à fait sans force. Réunissons­-nous pour nommer un régent digne da la nation, et entourons-le de cinq conseillers qui auront no­tre confiance et celle de la patrie. Je voterai donc pour le rapport de la section centrale sur la pro­position de M. Lebeau. (C., 24 fév.)

M. Charles de BrouckereUn dis­cours comme celui qui vient d'être prononcé n'au­rait pas dû être écouté par l'assemblée. Il ne dit pas un mot de la question, et M. le président au­rait bien fait d'y rappeler le préopinant, qui a abusé de l'attention du congrès. (C., 24 fév.)

M. le présidentJe ferai remarquer à M. de Brouckere qu'il m'était impossible de savoir ce que contenait le discours de M., Osy, avant (page 567) qu'il fût prononcé. Il ne m'avait pas été commu­niqué et je n'ai pas cru devoir rappeler à la ques­tion un orateur qui, à chaque interruption, disait être sur le point d'entrer dans la question. (C., 24 fév.)

M. Demelin a la parole ; il y renonce. (J. F., 24 fév.)

M. Van Snick demande qu'on maintienne le gouvernement provisoire tel qu'il est ; ce gouver­nement a toute la confiance de la nation et la mé­rite toujours. Cependant. dit M. Van Snick, si l'on préférait faire du définitif, j'y adhérerais. (C., 24 fév.)

M. Alexandre Gendebien, membre du gouvernement provisoireJe désire que le gouver­nement provisoire soit ici hors de cause. La raison en est simple. Votre constitution est prête, il faut la mettre en vigueur. Pour cela, il vous manque un roi. Aux termes de l'article 85 de la constitu­tion, quand le trône est vacant, on pourvoit à l'ad­ministration du royaume par une régence. C'est ce qu'il s'agit de faire aujourd'hui et le gouverne­ment provisoire est tout à fait hors de la question. (U. B., 24 fév.)

M. JottrandJ'admets aussi la convenance qu'il y a de ne pas faire de la discussion présente un sujet spécial d'attaque contre le gouvernement provisoire. Cependant je ne pense pas, comme quelques honorables membres, que ce soit sortir de la question que de parler de la nature de ce gouvernement et de quelques-uns de ses actes, pour mieux faire sentir la nécessité de lui substi­tuer aujourd'hui une régence, dans les termes de la proposition de la section centrale.

Le comité central, et surtout le comité diplo­matique, sont peu propres, dans les circonstances actuelles, à continuer la gestion de nos affaires. J'admettrais que chaque membre de ces comités, pris individuellement, est un homme de mérite, qu'il ne me serait pas moins prouvé que nous ne pouvons sortir des difficultés où nous nous trouvons, sans unité de vues dans le gouver­nement, et surtout sans responsabilité ministé­rielle.

Si nous choisissons pour dépositaires du pouvoir exécutif une seule personne qui puisse exercer ce pouvoir aux termes de la constitution, et si ce choix est convenablement fait, voici quelques-uns des avantages immédiats que nous en retire­rons :

D'abord nous ne serons plus exposés comme aujourd'hui à voir diriger nos affaires d'après l'o­pinion personnelle des membres du gouverne­ment, sans moyens de rectifier cette opinion autrement que par de scandaleux conflits dans le sein du congrès.

Le régent pourra bien aussi avoir des opinions différentes de celles de la majorité de cette assem­blée ; mais, agissant partout avec des ministres responsables, il sera soumis indirectement à nos avertissements par les observations ou l'opposi­tion auxquelles les ministres seront exposés. Ceux-ci, sous peine de retraite ou même de responsabilité grave, y regarderont à deux fois avant de braver, s'ils en avaient l'envie, l'opinion de la majorité du congrès.

Ainsi, par exemple, notre diplomatie à Lon­dres et à Paris ne sera plus dirigée malgré nous dans un sens contraire aux intérêts du pays ; et, pour appuyer plus spécialement sur ce qui se passe à Paris dans ce moment, nous ne serons pas obli­gés de souffrir l'inconvénient d'y être très mal représentés, de crainte de tomber dans l'incon­vénient plus grave de donner lieu, dans cette assemblée, à des explications désagréables.

En second lieu, et pour ce qui regarde le choix futur d'un chef définitif pour notre nouvel État, l'installation d'une régence telle qu'elle est pro­posée, nous donnera de grandes facilités. Si le régent, sans cependant entrer ici dans une discussion de personnes, est un homme essentiellement étranger à toute ambition de perpétuer son pouvoir, est un homme placé dans des circonstances telles qu'il ne puisse personnellement devenir un jour roi des Belges, est un homme enfin qui n'ait pas d'intérêt personnel à faire triompher plus tard tel ou tel candidat à la royauté, il aidera mieux le pays à élire le monarque futur que ne l'aiderait un gou­vernement composé de plusieurs personnes qui peuvent, par diversité d'intérêts, entraver l'élection ou la rendre très difficile.

Il s'agira peut-être aussi d'entamer des négocia­tions diplomatiques, auxquelles jusqu'ici nous n'avons pu songer. Nous aurions besoin peut-être d'entrer directement en relation avec la Hollande, pour chercher à accommoder avec ce pays une que­relle qu'on paraît disposé à ne plus vider par les armes. Or, quel meilleur moyen existe-t-il pour le moment de prouver à ce pays que nous sommes constitués de manière à exclure désormais toutes les prétentions de la dynastie des Nassau, que d'exécuter la nouvelle constitution et de donner le pouvoir exécutif à un homme disposé à suivre les décisions du congrès ? La régence, une fois constituée, l'unité de vues et de système, quant aux arrangements à prendre avec la Hollande, sera bien plus facile à adopter qu'avec un comité diplomatique, tel qu'il existe aujourd'hui.

(page 568) Pour abréger, messieurs, je laisse de côté l'é­numération de beaucoup d'autres avantages acces­soires qui résulteront encore de l'institution d'une régence. Je voterai pour la proposition de la sec­tion centrale. (U. B., 24 fév.)

- II n'y a plus d'orateurs inscrits. (J. F., 24 fév.)

M. de RobaulxJe demande le renvoi de la discussion à demain. (Appuyé ! appuyé !) (U. B., 24 fév.)

M. JottrandOn savait que cette discus­sion devait avoir lieu, et, puisqu'il n'y a pas d'o­rateur inscrit, il est à présumer que l'assemblée est fixée sur la question : ceux qui demandent le renvoi à demain ne veulent aller chercher fort loin de nouvelles idées que pour prolonger inuti­lement la discussion. (U. B., 24 fév.)

M. de RobaulxJe ne veux pas aller cher­cher mes idées fort loin, mais encore doit-on avoir le temps de les recueillir dans une discussion de cette importance. Je désire prendre la parole : je ne le puis en ce moment parce que j'ai une ex­tinction de voix. (Hilarité générale et marques d'étonnement.) Je ne sais s'il y a là de quoi rire, mais j'ai pris assez de part aux discussions (oui ! oui !) pour avoir la voix fatiguée. Je demande le renvoi à demain (Le discours que de Robaulx se proposait de prononcer en repris en note de bas de page de l’ouvrage de HUYTTENS. Celui-ci l’avait lui-même tiré du journal l’Emancipation du 27 février 1831). (U. B., 24 fév.)

M. le présidentIl n'est que trois heures ; (page 569) si quelques membres étaient encore prêts à parler, ils pourraient être entendus. (J. F., 24 fév.)

- La proposition de M. de Robaulx n'a pas de suite pour le moment. (C., 24 fév.)

(page 570) M. Charles RogierIl me semble qu'une question de régence ne peut pas être longuement discutée, à moins qu'on ne veuille modifier la con­stitution. L'article 85 dispose que, quand le trône est vacant, il y est pourvu par une régence. Pen­dant quelques jours nous avons un roi de notre choix ; ce roi n'a pas accepté, le trône est vacant ; il ne peut s'agir que de nommer un régent. (U. B., 24 fév.)

M. Van de WeyerJe ne m'attendais pas, messieurs, à ce que la proposition fût discutée aujourd'hui, et je ne me proposais pas de prendre la parole. Toutefois, puisqu'il est question de l'ar­ticle 85 de la constitution, je dois faire une ob­servation fort essentielle. Voici les termes de cet article : « En cas de vacance du trône, les chambres délibérant en commun pourvoient provisoirement à la régence jusqu'à la réunion des chambres intégralement renouvelées ; cette ré­union a lieu au plus tard dans les deux mois : Les chambres nouvelles délibérant en commun pourvoient définitivement à la vacance. »

Cet article est en contradiction évidente avec le but que s'est proposé le congrès, qui ne veut pas sans doute se départir du plus important et du plus pur de ses droits, celui de nommer le chef de l'Etat. Je demande donc que l'on ajoute aux con­clusions de la section centrale que le congrès, en nommant un régent, entend bien se réserver le droit de procéder ultérieurement au choix du chef de l'Etat. (Appuyé ! appuyé !) (U. B., 24 fév.)

M. Charles Le HonMessieurs, je ne m'attendais pas à entrer aujourd'hui dans cette discussion : je vais toutefois vous soumettre quel­ques observations sur son objet ; mais, avant tout, je dois une réponse à un honorable préopinant qui, dans son discours, s'est beaucoup trop oc­cupé du comité diplomatique pour que je ne m'occupe pas un peu de lui. L'orateur auquel je fais allusion (M. le baron Osy) a dit que, relativement à l'élection du duc de Nemours, il avait prévu tout ce qui est arrivé ; et il a cru devoir faire de graves reproches au comité diplomatique d'avoir eu une opinion différente de la sienne. Je dirai à cet égard que, s'il existe dans l'assemblée un homme capable de tant de prévision, qui sache à l'avance ce qui doit arriver dans telle ou telle circonstance donnée, je dirai qu'il est le mieux informé de tous les diplomates, et qu'il faudrait lui confier de suite le soin de nos destinées. J'a­vouerai que, quoique membre du comité diploma­tique, j'ai, comme beaucoup de monde, le mal­heur ou le tort d'ignorer quels événements se préparent encore pour la Belgique : et, quand on a, comme le préopinant, des renseignements qui devancent les courriers et les télégraphes, on de­vrait bien indiquer la source où on les puise, afin de les faire mieux servir aux intérêts de son pays. (Sourire dans l'assemblée.)

L'honorable membre a dit qu'il n'aurait jamais voté pour le duc de Nemours, à cause de l'exclu­sion que les cinq puissances étaient convenues d'exercer entre elles. Il connaissait donc déjà cette exclusion, le jour de l'élection. Or, je lui dirai qu'il se trouve en contradiction avec lui-même, car il a voté pour l'archiduc Charles, qui appar­tient aussi à une famille exclue. (Hilarité géné­rale mêlée de bravos ; tous les regards se portent sur M. Osy.) Du moins, nous, en votant pour un fils de France, avions-nous lieu d'espérer son ac­ceptation ; et c'est, j'ose le dire, parce que j'avais lieu d'en être convaincu que j'ai donné mon suf­frage à ce prince. Je ne sais si l'honorable mem­bre a voté avec la même conviction. (Nouvelle ex­plosion d'hilarité. Bravo ! bravo !)

Quant au résultat de l'élection, je dirai qu'il a été le moins fâcheux de tous et le plus véritable­ment utile à notre patrie : car il a resserré nos liens avec la France, et augmenté sa puissance et ses devoirs de protection à notre égard. C'est l'élu (page 571) d'un peuple ami qui a reçu, avec une éclatante distinction, l'offre de notre couronne populaire, tout en la refusant. L'accueil, la réponse et le ré­sultat eussent-ils été les mêmes à la chancellerie du prince de Metternich , si le candidat de l'hono­rable membre l'avait emporté ?

L'honorable membre a dit qu'il attendait du comité diplomatique des communications impor­tantes. A l'heure qu'il est, a-t-il ajouté, le porte­feuille du comité est plein de pièces officielles. Est-ce dans les bureaux des relations étrangères que le préopinant a trouvé des renseignements à cet égard ? ou bien les a-t-il puisés à cette source mystérieuse où il pénètre jusque dans l'avenir ? Quoi qu'il en soit, sa prescience, dont il fait tant d'usage à cette tribune, pourrait être en défaut ou l'embarrasser quelque peu, car elle autoriserait à supposer qu'il est des agents bien informés qui n'ont pas de secret pour lui : et, dans ce cas, il se compromettrait envers eux ou les compromettrait envers leur gouvernement. Au reste, le préopinant doit savoir qu'il n'y a pas lieu à communiquer des pièces tant qu'il ne s'agit pas de solutions dé­finitives, ou quand le comité des relations exté­rieures a sa règle de conduite tracée par les réso­lutions précédentes du congrès : c'est là un usage constant ; et, à moins qu'il ne connaisse aussi, mieux que nous, la nature et l'objet des pièces dont il parle, il restera vrai qu'il n'y a pas lieu de satisfaire, quant à présent, à son désir impatient de communications. J'ai cru devoir, messieurs, ces courtes explications à la sollicitude qu'on a montrée pour le comité diplomatique : elles sont insuffisantes peut-être, mais vous me le pardon­nerez en considération du peu de temps que j'ai eu pour y réfléchir.

J'aborde maintenant la question en discussion, et d'abord je m'empresse de dire que nous ne sommes pas comptables de l'avenir pour nos votes ; il ne s'agit donc que de les émettre selon ce que nous dicte la conscience, et je crois, quant à l'opinion que je vais émettre, comme dans celle que j'ai émise pour le duc de Nemours, rester dans une ligne de principes aussi droite que tout autre membre de cette assemblée. Pour former mon opinion, je consulte nos intérêts généraux ; je considère le royaume tout entier, non un seul point. Que l'on s'occupe des intérêts spéciaux d'une ville recommandable par son importance, ou pour laquelle on peut avoir des raisons particu­lières d'affection ;c'est un droit que je ne conteste à personne, et qui prend sa source dans des sen­timents honorables ; mais on ne doit pas être ex­clusif. Or, quand j'ai voté pour le duc de Nemours, je l'ai fait dans des vues d'intérêt général ; il en sera de même aujourd'hui dans le pouvoir que nous avons à constituer. On propose de nom­mer un régent, de rendre immédiatement la con­stitution obligatoire et d'établir un conseil au­près du régent. D'abord, je crois utile au bien du pays de ne pas constituer, quant à présent, un pouvoir définitif. Je n'ai pas besoin de vous si­gnaler l'état actuel de l'Europe, et les événements qui de jour en jour peuvent amener un change­ment radical dans nos affaires ; je crois que ma pensée est facilement comprise, Je regarderais comme imprudent de s'occuper de nouveau en ce moment de choisir un chef de l'État, ou d'exami­ner si une nouvelle forme de gouvernement ne devrait pas être adoptée par la Belgique : ce serait exciter la défiance à l'étranger si nous revenions sur le décret qui consacre, pour notre gouverne­ment, la forme monarchique ; or, en ce moment, c'est de confiance et de crédit que nous avons le plus besoin. D'ailleurs, nous pouvons faire du définitif en rendant au pouvoir exécutif, concentré en une seule personne, toute l'action qu'il doit avoir d'après la constitution. En nommant un régent qui gouvernera d'après la loi fondamentale, la partie organique du gouvernement se trouve définitivement établie. et vous la mettez en ac­tion d'une manière irrévocable et avec toute sa force. J'admets un régent plutôt qu'un lieute­nant général, et je suis d'avis de la réserve propo­sée par l'honorable préopinant.

Mais si j'admets un régent, si j'admets que la constitution soit rendue obligatoire, je ne saurais bien concilier l'article 3 des conclusions de la section centrale, qui crée un conseil privé au régent avec la responsabilité ministérielle. Qu'arrivera-t-il, en effet, si vous donnez un conseil au régent et que ce conseil se mette en opposition avec le ministère ? Le régent, me dira-t-on, dis­soudra le ministère, en sorte qu'un corps irresponsable pourra, selon vous, combattre et vaincre un corps responsable. C'est une contradiction ma­nifeste dans un gouvernement constitutionnel. Vous créez ce conseil en défiance des ministres ; mais si vous n'avez pas confiance en ceux-ci mal­gré leur responsabilité, comment l'irresponsabilité des autres peut-elle vous en inspirer ? Cette pre­mière considération vous prouve qu'il faut mettre en vigueur le gouvernement monarchique tel qu'il le sera plus tard, c'est-à-dire en mettant le régent en contact immédiat avec un ministère responsa­ble. Si, une fois en possession du pouvoir, le ré­gent trouve utile d'accroître le nombre de ses con­seillers, il pourra adjoindre deux ou trois (page 572) personnes au conseil des ministres, comme l'a fait en France Louis-Philippe dans les premiers jours de la révolution ; mais lui donner deux conseils, l'un responsable, l'autre sans responsabilité, et conce­voir ces conseils délibérant séparément, sans que le ministère puisse savoir ce qui se passera en de­hors de ses délibérations, ce serait créer à plaisir des embarras au gouvernement et entraver sa marche sans aucune utilité, car la responsabilité ministérielle suffira à tout. Telles sont les consi­dérations par lesquelles je repousse un conseil privé. Je crois encore qu'il faudra s'occuper de la liste civile du régent. Si vous voulez créer une in­fluence à celui qui va gouverner le royaume, il faut le placer plus haut que les autres citoyens ; il ne s'agit pas ici de l'entourer d'un luxe tout à fait monarchique, mais d'assurer une haute posi­tion à celui qui sera revêtu des fonctions les plus éminentes. Du reste, on pourrait régler la liste civile par mois. Voilà, messieurs, quelques obser­vations sommaires sur ce sujet que je n'ai pu qu'ef­fleurer ; et que je recommande à votre indulgence. (U. B., 24 fév.)

M. le présidentVoici une proposition qui a été déposée sur le bureau :

« Je propose de fixer la liste civile du régent à 5,000 fl. par mois.

« DEFACQZ. »

(Cette proposition est accueillie par des rires bruyants et par l'improbation de toute l'assem­blée.) (U. B., 24 fév.)

Un des secrétaires donne lecture d'une proposition faite par M. Nothomb pour compléter celle de la section centrale ; en voici les ter­mes :

« Le congrès national,

« Considérant que le trône est vacant, et qu'il est nécessaire de pourvoir à l'exercice du pouvoir exécutif ;

« Décrète :

« Art. 1er. M… est nommé régent de la Belgique.

« Art. 2. La constitution décrétée par le congrès national sera obligatoire après l'entrée, en fonctions du régent.

« Néanmoins le congrès national continuera à exercer les pouvoirs législatif et constituant.

« Le régent ne prendra part à l'exercice du pouvoir législatif que lorsque le congrès national aura été remplacé par la législature ordinaire.

« Art. 3. Il est institué près du régent un conseil privé composé de cinq membres, nommés par le congrès.

« Ce conseil ne sera que consultatif.

« Art. 4. Il est assigné mensuellement au régent une liste civile de 10,000 florins.

« Le régent habitera un des palais de la nation. Il lui est alloué une somme de 10,000 florins pour frais de premier établissement. » (C., 24 fév. et A.)

- La proposition est appuyée. (U. B., 24 fév.)

M. NothombCette proposition est le résul­tat des observations diverses qui ont été faites dans le cours de la discussion sur la proposition de la section centrale. (C., 24 fév.)

M. JottrandAvant de bien apprécier la question de savoir à quel taux il faudra fixer la liste civile du régent, il est indispensable de déci­der la question de savoir si le régent habitera le palais du ci-devant roi. Il est évident que si ce palais devient l'habitation du régent, la liste civile devra être réglée en conséquence  (C., 24 fév.)

- La proposition de M. Nothomb sera imprimée et distribuée. (P. V.)

La séance est levée à quatre heures. (P. V.)

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