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Note d’intention
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Congrès
national de Belgique
Séance du
samedi 2 avril 1831
Sommaire
1) Formation des bureaux des
sections et de la commission des pétitions
2) Communication de pièces
adressées au congrès
3) Démission d’un membre du
congrès (Hennequin)
4) Vérification des pouvoirs
d’un membre du congrès (de Bousies)
3) Interpellation relative
aux rumeurs de conspiration dans l’armée (L. Coppens, d’Hane)
4) Demande d’explications
sur la situation diplomatique (Surmont de Volsberghe, Van Meenen, de Robaulx, Lebeau, de Robaulx, Forgeur, Lebeau, Van de Weyer, Lebeau, de Robaulx, Van de Weyer, Lebeau, Van de Weyer, de Theux, de Robaulx, A. Rodenbach, Lebeau),
mobilisation de la garde civique (Destouvelles, d’Hane, de Quarré, Watlet, A. Gendebien)
5) Projet de décret relatif
à la mobilisation du premier ban de la garde civique
6) Projet de décret relatif
aux opérations de la commission d’enquête (H. de Brouckere, Van Snick, de Sécus (père), C. de Smet, Forgeur, H. de Brouckere, de Robaulx, Forgeur, Barthélemy, Van Meenen, de Robaulx, Van Meenen, Rogier, Destouvelles, Forgeur)
(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles,
Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 3)
(page
19) (Présidence de M. de Gerlache)
La séance
est ouverte à une heure. (P. V.)
M. Henri de Brouckere, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il
est adopté. (P. V.)
FORMATION DES BUREAUX DES SECTIONS
Un des secrétaires fait connaître la formation des bureaux
des sections pour le mois de mars ; ils sont composés comme suit :
Première
section : MM.
Marlet, président ; Lecocq, vice-président ; l'abbé Van Crombrugghe,
secrétaire.
Deuxième
section : MM.
Serruys, président ; baron Beyts, vice-président ; de Behr, secrétaire.
Troisième
section : MM.
Destouvelles, (page 20) président ;
Alexandre Gendebien, vice-président ; l'abbé Dehaerne, secrétaire.
Quatrième section : MM. Trentesaux, président ; l'abbé Joseph
de Smet, vice-président ; Eugène de Smet, secrétaire.
Cinquième section : MM. le comte Duval de Beaulieu,
président ; Dumont, vice-président ; Jottrand, secrétaire.
Sixième section : MM. Albert Cogels, président ; Du
Bus, vice-président ; Le Bègue, secrétaire.
Septième section : MM. le baron de Sécus (père),
président ; Van Meenen, vice-président ; Van Snick, secrétaire.
Huitième section : MM. Raikem, président ; Gendebien
(père) , vice-président ; Henry, secrétaire.
Neuvième section : MM. Destriveaux, président ;
Blargnies, vice-président ; Delwarde, secrétaire.
Dixième section : MM. François, président ; le marquis
de Rodes, vice-président ; Henri de Brouckere, secrétaire. (P. V.)
COMMISSION
DES PETITIONS
Les membres de la commission des pétitions pour le mois
de mars sont : MM. Helias d'Huddeghem, de Behr, Lefebvre, Isidore Fallon,
Liedts, d'Elhoungne, Vande Weyer, Masbourg, Delwarde, Frison. (P. V.)
COMMUNICATION
DE PIECES ADRESSEES AU CONGRES
M.
Allard demande un congé de dix jours. (l., 4 avril.)
-
Ce congé est accordé. (P. V.)
M. Hennequin envoie sa démission motivée sur ce
qu'il vient d'être nommé gouverneur de la province de Limbourg. (E., 4 avril.)
-
Pris pour notification. (I., 4 avril.)
M. le président invite la commission de vérification des pouvoirs compétente
à faire son rapport sur l'élection du suppléant appelé à remplacer le
démissionnaire. (P. V.)
COMMUNICATION
DE PIECES ADRESSEES AU CONGRES
M. Liedts, secrétaire,
présente l'analyse des pétitions suivantes :
M. de Veughele, à Audenarde, demande le payement de son
traitement pendant les mois de juillet, d'août et septembre 1830, comme gardien
de la maison d'arrêt à Audenarde.
M. Clercq, distillateur à Overpelt, présente des observations
concernant le décret du 4 mars dernier, sur les distilleries.
Mme la veuve Picard, éditeur propriétaire du journal le Patriote, prie le congrès d'adopter des
dispositions propres à obliger le gouvernement à déployer la force et la
fermeté convenables pour réprimer les pillages.
M. Mathieux, à Namur, présente au congrès différents moyens
de parvenir à des économies.
Un grand nombre d'habitants de Leupeghem prient le congrès
d'insister auprès du gouvernement français afin d'obtenir une diminution des
droits d'entrée sur les toiles.
M. Auguste Latruwe, détenu à la maison de correction de
Saint-Bernard, se plaint de la conduite inhumaine du commandant de cette
maison.
Plusieurs habitants des hameaux de Tertre et
Le
comte de Rangraff demande itérativement la révision de son jugement
d'interdiction. (I., 4 avril. et P. V.)
-
Ces pétitions sont renvoyées à la commission. (P. V.)
M.
Forgeur, au nom de la commission chargée de la vérification des
pouvoirs des députés et suppléants élus par le Hainaut, propose l'admission de
M. de Bousies, en remplacement M. Claus, député démissionnaire du district
Mons. (I., 4 avril et P. V.)
- Cette admission est prononcée. (P. V.)
-
M. de Bousies entre dans la salle. (l., 4 avril.)
M. Coppieters, rapporteur
d'une autre commission de vérification des pouvoirs, propose l'admission de MM.
Huysman de Neufcour et Engler, en remplacement de MM. Huysman d'Annecroix et le
comte de Celles, qui ont donné leur démission de députés du district de
Bruxelles ; celle de M. Vandenbosch, en remplacement de M. Peemans, député
démissionnaire du district de Louvain. (I.,
4 avril.)
- Ces conclusions
sont adoptées. (P. V.)
M. le président donne lecture d'une proposition de M. Louis Coppens, tendant à
demander à M. le ministre de la guerre des explications sur les accusations
graves portées contre des officiers supérieurs de l'armée, accusations rendues publiques, et qu'il est de l'honneur de l'armée de voir éclaircies. (E., et I., 4 avril.)
M. Louis Coppens développe sa proposition (page 21) en peu de mots ; elle
est appuyée. (E., 4 avril.)
M. d’Hane, ministre de la guerre –
Messieurs, aux premiers indices d'une conspiration qui devait éclater à Anvers,
des ordres furent envoyés à la gendarmerie d'arrêter les officiers supérieurs accusés
; l'un de ces officiers s'est évadé par l'indiscrétion de l'officier porteur de
l'ordre d'arrestation ; l'autre s'est constitué prisonnier à Bruxelles, où des
ordres d'arrestation avaient été donnés, et où toutes les portes de la ville
étaient gardées pour empêcher son évasion. Quant au régiment de lanciers, les
officiers se sont accusés réciproquement, et l'accusation a été renvoyée à la
haute cour militaire. Cependant j'ai fait partir pour Malines les deux
escadrons qui étaient à Bruxelles ; ils peuvent être utiles dans la première de
ces villes, ils ne le seraient plus ici, où il y a aujourd'hui assez de troupes
pour le maintien de l'ordre. (I., 4 avril.)
M. le président –
L'ordre du jour est la discussion du projet de loi sur la mobilisation du
premier ban de la garde civique. (J. B., 4 et 5 avril.)
M. Forgeur
demande si, avant la discussion, la section centrale ne doit pas faire son
rapport. (E., 4 avril.)
M. Alexandre Gendebien
se dispose à donner lecture de ce rapport. (E., 4 avril.)
M. Surmont de Volsberghe
rappelle
que des interpellations ont été adressées au ministre des relations extérieures
; il avait demandé quelque délai ; samedi fut le jour indiqué. L'orateur désire
avant tout savoir où nous en sommes de notre politique extérieure, pour juger
de l'urgence plus ou moins grande qu'il y a d'accorder au gouvernement les
mesures qu'il demande. (E., 4 avril.)
M. Van Meenen parle dans le même sens. (E., 4 avril.)
M. de Robaulx – Le premier
j'ai témoigné le désir d'avoir des réponses catégoriques sur les questions que
j'ai adressées à M. le ministre des affaires étrangères. Je lui ai communiqué
ces questions avant la séance ; il se propose d'y répondre, je crois, lorsque
l'ordre du jour l'appellera. (E., 4 avril.)
M. Jottrand pense que si
le ministre n'est pas encore prêt à répondre aujourd'hui, l'assemblée doit
commencer à discuter le décret à l'ordre du jour, parce qu'il est instant de
mettre le pays sur le pied de guerre. (E., 4 avril.)
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Je suis prêt
à répondre aux interpellations de M. de Robaulx. (E., 4 avril.)
- L'assemblée décide qu'on entendra d'abord les explications
diplomatiques. (C., 4 avril.)
M. Destouvelles prie M. le ministre de la guerre
de ne pas se retirer, ayant des interpellations
à lui adresser. (E., 4 avril.)
M. Lebeau, ministre des affaires
étrangères – M. de Robaulx a eu
la complaisance de me communiquer les questions qu'il me ferait ; il serait
convenable qu'il en donnât lecture. (J. B., 4 et 5 avril.)
M. de Robaulx – Messieurs,
j'ai cru qu'il était nécessaire, avant de
voter
les impôts extraordinaires et les autres mesures proposées par le ministère,
dans les circonstances graves où nous nous trouvons placés, de savoir quel est
l'état de nos relations avec les puissances étrangères. J'ai cru que les
questions qui pourront être adressées à M. le ministre des affaires étrangères,
et les réponses qu'il sera à même d'y faire
pourraient exercer une grande influence sur l'adoption ou le rejet des
projets qui vont être discutés. Trois semaines se sont écoulées depuis que le
congrès s'est ajourné. Il doit s'être fait dans cet intervalle des
communications importantes. Il est impossible que nos relations extérieures
n'en aient pas subi quelques modifications.
Des courriers ont été échangés, nous devons être jaloux d'apprendre si notre
politique n'a pas été soumise à quelques
variations. Je me propose donc d'adresser quelques questions au
ministre des affaires étrangères ; j'en aurais fait davantage si je ne savais
que quelques autres membres se proposent d'en faire de leur côté. Je demanderai
:
1 ° A-t-il été fait entre le gouvernement de
2° Quelles sont les puissances qui veulent nous soumettre au
joug des protocoles et celles qui ne les considèrent que comme des propositions
?
3°. M, d'Arschot,
notre envoyé à Londres, a-t-il été reçu officiellement par la cour d'Angleterre ?
4° L'Angleterre doit-elle bloquer l'Escaut ?
5° A-t-on fait notifier à
M.
Forgeur – Lorsque l'honorable M, de Robaulx m'a communiqué, ainsi
qu'à quelques autres de nos collègues, les questions qu'il vient d'énoncer,
nous l'avons prié d'en ajouter une sixième, celle de savoir si l'ancien
ministère s'était occupé du choix du chef de l'État. Je fais (page 22) cette question, pour que M. le
ministre puisse y répondre en même temps que sur les autres. (I., 4
avril.)
M. Lebeau, ministre des affaires
étrangères, monte à la tribune. (Profond silence.) – Messieurs, je commencerai par
rendre hommage au procédé loyal de M. de Robaulx, qui a bien voulu me
communiquer d'avance les questions qu'il se proposait de me faire. Étranger
encore au véritable sens des négociations entamées, dont je n'ai pu prendre
qu'une connaissance rapide et superficielle, entrant à peine dans une carrière
hérissée de difficultés, l'honorable M. de Robaulx a voulu, ce dont je le
remercie, les diminuer plutôt que les augmenter, et je dois dire qu'il a
presque fait à son insu de l'anglomanie, en se conformant aux usages suivis en
Angleterre, usages que j'avais moi-même invoqués.
Messieurs, vous n'avez pas oublié le rapport qui vous a
été fait par mon prédécesseur ; vous savez à quelle époque il remonte et à
quelle époque il s'arrête. Le rapport s'arrête à la nomination du régent ; il
en résulte qu'il y a là une lacune qu'il n'est pas en mon pouvoir de remplir.
L'honorable M. Van de Weyer a cru qu'il lui incombait de vous dire la marche
suivie dans nos négociations diplomatiques depuis la révolution. Je l'engage à
remplir la lacune qui existe du 24 février au 28 mars, l'époque à
laquelle le portefeuille est passé dans. mes mains. Vous remarquerez,
messieurs, que les premières interpellations m'ont été adressées le 29 ou
plutôt le 30 mars : c'est la veille seulement que mon installation avait eu
lieu ; j'avais à peine eu le temps de prendre connaissance du personnel : dès
lors j'ai dû me livrer à l'inspection des archives pour pouvoir répondre. Je
remarque en outre, et je ne dis pas ceci dans l'intention d'en faire un
reproche à M. Van de Weyer, que son rapport, qui devrait faire partie des
archives des affaires étrangères, n'y est pas déposé en double ; que dès lors
il m'est impossible de juger la manière dont les négociations ont été
conduites. Si M. Van de Weyer a cru devoir s'arrêter au 24 février, c'est
que, depuis, nos relations sont d'une nature très délicate, et si, dans sa
perspicacité bien connue de tous, il n'a pas cru devoir vous les faire
connaître, il doit m'être permis d'imiter sa circonspection.
Dans les recherches auxquelles j'ai dû me livrer, j'ai
découvert peu de faits nouveaux et dont vous n'ayez pas eu déjà connaissance.
Je dirai cependant, sans prétendre porter une accusation contre qui que ce
soit, que j'ai trouvé des documents officiels qui embarrassent nécessairement
la marche que je me propose de suivre. (Vif mouvement d'intérêt.) Tout se tient en
diplomatie ; de là la nécessité de compter pour beaucoup ce qui précède,
lorsqu'on veut préjuger la suite ; aussi voudra-t-on
bien me permettre de prendre acte des faits consommés, afin qu'on ne puisse pas
m’imputer tout à fait ceux qui en seront la suite. (Mouvement.)
J'aborde les questions qui m'ont été adressées par M. de
Robaulx, et j'y répondrai aussi bien que peut me le permettre le peu de temps
que j'ai pour me fixer sur la réponse à faire. Mais d'abord je dois relever une
erreur accréditée dans le congrès et dans la nation. On a cru généralement que
la violation du principe de non-intervention ne remontait qu'au protocole du 20
décembre, où, en reconnaissant notre indépendance, on prenait deux réserves que
nous ne fûmes jamais disposés à admettre. Par la première, la conférence
s’arroge le droit de reconstituer
Voici les termes
de la protestation contre le protocole du 17 novembre :
« Dans le protocole de la conférence tenue à Londres, le 17
novembre 1830, au Foreign Office, les plénipotentiaires des cours d'Autriche,
de France, de
« Le gouvernement provisoire de
« Au surplus, le gouvernement belge croit devoir
demander quelle signification précise attachent les plénipotentiaires à l'engagement que constituerait de sa part envers les
cinq puissances l'armistice convenu.
Il n'y a pas un principe, pas un sentiment déposé dans cette protestation qui ne soit avoué par vous tous et
qui ne soit digne de la nation. Mais était-ce assez clair ? Non : il fallait
restituer le protocole du 17 novembre, ou déclarer qu'on ne l'accepterait
qu'après que la clause que j'ai signalée en aurait été retranchée. Il fallait
absolument une restitution ou une déclaration portant que l'honneur national ne
permettait pas de l'accepter si l'on n'en biffait cette clause. C'est ce qui ne
fut pas fait, aussi vous allez voir comment on n'a pas tardé à en abuser à
notre égard.
« Le gouvernement provisoire de
« Cet article dit que l'armistice, étant convenu de
part et d'autre, constitue un engagement pris envers les cinq puissances,
« Le gouvernement belge a parfaitement compris, et il
l'a exprimé dans la note à laquelle on répond, la nature de la démarche des
puissances, qu'il qualifie de démarche amicale de médiateurs animés d'un
esprit de concorde et de paix.
« C'est précisément parce que tel est l'esprit de leur
démarche, et afin que l'effet en soit sûr et placé hors d'atteinte, que les
cinq puissances ont jugé utile de rendre l'armistice indéfini, et de le
considérer comme un engagement pris envers elles-mêmes, et à l'exécution duquel
il leur appartient désormais de veiller. Le but des cinq puissances est d'éteindre
tout sentiment d'inimitié entre les deux populations que divise en ce moment
une lutte déplorable, ct non d'en faire prévoir le retour.
» Cet engagement porte spécialement sur l'armistice, et il
n'est pas douteux qu'il n'écarte avec bien plus de certitude toute possibilité
du renouvellement des hostilités ; car celle des deux parties qui
le romprait se placerait en opposition ouverte avec les intentions
salutaires qui ont dicté les démarches faites par les cinq puissances pour
arrêter l'effusion du sang.
« On doit faire observer, en outre, que s'il ne devait
pas résulter de l'armistice une sécurité complète sous la garantie des puissances, les plénipotentiaires
n'auraient pu songer à proposer l'évacuation de la citadelle d'Anvers par
exemple, évacuation qui, dans le cas d'une reprise d'hostilités, aurait changé
si essentiellement la position de l'une des deux parties.
« On ajoutera que le protocole du 17 novembre a reçu de
la cour de La Haye une adhésion pleine et entière. »
(page 24) J'ai trouvé que, dans l'acceptation de cette note, il y
a eu de notre part un excès de confiance. Non seulement on ne restitue pas le
protocole du 17 novembre, non seulement on ne restitue pas celui du 20
décembre, mais encore on reçoit, sans la retourner, cette note du 6 décembre.
Or, il me semble que la restitution était encore ici d'une nécessité évidente.
Les faits ainsi posés, il faut en subir les conséquences inévitables. Les
germes de l'usurpation étant ainsi déposés dans les premiers actes de notre diplomatie,
ils porteront leur fruit ; il faudra bien que la marche des négociations
ultérieures en soit entravée, car il faudra nécessairement tenir compte des
faits accomplis. (Sensation.)
J'arrive au protocole du 9 janvier, par lequel a été ordonnée
l'ouverture de l'Escaut, à condition de la levée du blocus de Maestricht de
notre part, à peine de nous y voir contraints par la force. Vous vous rappelez,
messieurs, quel fut l'étonnement du congrès en entendant les termes de ce
protocole. C'est dans une séance du soir que nous fut communiqué ce protocole,
contre lequel M. de Robaulx s'éleva avec son énergie habituelle. (On rit.)
La réponse du comité diplomatique fut digne à la fois et conforme aux
sentiments de l'honneur et de l'indépendance du peuple belge ; mais une réponse
n'est encore rien ; il fallait retourner le protocole. Vous allez bientôt voir
ce protocole porter de nouveaux fruits. Le germe des usurpations de la
conférence a été déposé dans le protocole du 17 novembre (ceci n'est pas un
système de critique de ma part, mais j'ai besoin d'établir les antécédents par
lesquels nous sommes liés). Si nous étions restés dans ces errements, et je
m'empresse de dire que nous en sommes sortis, nous aurions aliéné le droit de
guerre ; mais la protestation du congrès au protocole du 20 janvier, cette
volonté supérieure à celle du gouvernement provisoire, a fait poser les bases
d'une diplomatie nouvelle qui permettra d'effacer les traces de la première.
Grâce à cette protestation, un nouveau système de diplomatie est posé. Un
protocole du 27 janvier vint fixer le partage de la dette, lorsque celui du 20
janvier avait tracé les limites. Fort de la protestation du congrès national,
le comité diplomatique restitue avec empressement ce protocole. Vous savez
l'effet qu'a produit cette restitution. Un protocole postérieur qui ne nous a
pas été communiqué, qui n'a pas même été communiqué au comité diplomatique, et
qui n'a été inséré que dans un seul journal, le Temps, porte que, quant
à la dette, la conférence n'a entendu faire que des propositions (Note de bas
de page : L’orateur parle ici du protocole n°19 du 19 février 1831). Voilà
l'effet produit par votre protestation. La même marche tracée par le congrès a
été suivie postérieurement. Le protocole du 17 février, relatif à l'exclusion
du duc de Nemours et du duc de Leuchtenberg au trône de
On a demandé si l'Escaut devait être bloqué par une flotte
anglaise. Je n'ai reçu à cet égard aucune communication, ni officielle, ni officieuse.
Je ne garantis pas l'éventualité du fait, mais je n'y crois pas.
Quant à nos relations extérieures, elles sont sur un pied
parfait avec
Les instructions que j'ai données sont de suivre les
négociations dont mon prédécesseur a jeté les bases ; bases qui, je me plais à
le dire, me semblent constituer un système de politique impartial et digne tout
à la fois ; si j'amène ces négociations à une heureuse fin, les bases, je le
reconnais, en auront été posées par mon prédécesseur. Quant à nos négociations
avec
Je me résume, et je reprends une à une les questions qui
m'ont été adressées.
1° A-t-il été fait entre
2° Quelles sont les puissances qui veulent nous soumettre au
joug des protocoles, et celles qui ne les considèrent que comme des
propositions ?
3° Notre envoyé à Londres a-t-il été reçu ? Je l'ignore ;
j'ai déjà dit que je l'espérais. En Angleterre, l'étiquette peut retarder la
réception ; du reste, s'il s'élevait des difficultés, je ferais ce que
l'honneur de mon pays me prescrirait.
4° L'Angleterre doit-elle bloquer l'Escaut ? Je n'en ai
aucune connaissance ; rien n'a été communiqué à cet égard ni à mon prédécesseur,
ni à moi.
5° A-t-on fait notifier un ultimatum à
, On nous a accusés d'être anglomanes. Nous ne sommes ni
anglomanes, ni gallomanes ; mais le ministère est belge, il n'est que belge, et
le jour où il ne pourra plus être belge, il se retirera. (Bien !
très-bien !) On a dit
que nous étions un ministère du juste milieu. Pour ma part, messieurs, je le
déclare, par mon âge, par mes antécédents, par mon caractère, je suis homme du
mouvement. Je veux la liberté et les progrès en tout, et je ne reculerai devant
aucune des conséquences de mes principes. Je crois aujourd'hui que le rôle de
la diplomatie belge doit être court et très court. Je crois qu'il n'est pas
impossible encore de conserver la paix, et je crois qu'aussi longtemps que le
ministère conservera cet espoir, il est de son devoir de ne rien faire qui
amène une rupture, car si la guerre n'est pas inévitable, elle est brutale et
insensée ; elle ne peut être légitime et glorieuse que lorsqu'il y a nécessité
de la faire. Mais si on voulait nous abuser plus longtemps, et profiter de
notre longanimité pour nous affaiblir et nous diviser, alors, messieurs, nous
nous empresserions de faire la guerre. Notre brave garde civique serait à
l'instant prête à marcher à l'ennemi. Nos forteresses sont déjà sur un pied
formidable de défense ; nous les renforcerions encore. La guerre donc, si elle
est nécessaire. Je viendrai mêler ma voix à la vôtre le jour où cette nécessité
me sera démontrée, et si alors je différais d'opinion avec mes collègues, je me
retirerais et je la demanderais de mon banc comme député.
(Les bravos et
les applaudissements de l'assemblée et des tribunes accueillent la
fin de ce discours qui a été écouté dans un religieux silence.) (C., 4 avril. et
A .C.)
M. Van de Weyer (ancien ministre des affaires
étrangères) – L'espèce d'analyse qui vient de vous être faite
contient, sur certains faits, des inexactitudes, dues sans doute à la
précipitation du travail de M. le ministre ; il est de mon devoir de les rectifier
; mais avant, je dois remercier (page 26)
M. le ministre de ce qu'il a bien voulu dire de instructions que j'avais
laissées en quittant le pouvoir. Mes remercîments sont d'autant plus sincères,
que le ministre vous a dit qu'il était belge, qu'il se montrerait toujours
belge, qu'il suivrait mes instructions ; ce qui prouve que le précédent
ministère n'a pas cessé d'être belge.
Pour suivre avec avantage l'exposé que vous venez d'entendre,
je dois suivre l'ordre dans lequel M. le ministre vous l'a présenté. Je me
permettrai de lui faire observer, que c'est par erreur, et sans doute toujours
à cause de la précipitation, qu'il existait une lacune dans le rapport que j'ai
eu l'honneur de vous faire hier, parce qu'il ne contenait pas la relation de ce
qui s'est passé du moment de la cessation du comité diplomatique jusqu'à la fin
du dernier ministère. S'il avait voulu prendre la peine d'être présent à la
lecture de ce rapport, il aurait évité cette erreur. Il avait lui-même détruit
cette objection en parlant des instructions qu'il se propose de suivre.
Ces instructions tendent, 1° à l'exécution de l'armistice ou
la guerre ; 2° à l'élection du chef de l'État ; 3° et aux négociations avec
M. Lebeau, ministre des affaires
étrangères – Je reconnais en effet que je m'étais trompé et que la
lacune n'existe pas. (E., 4 avril.)
M. Van de Weyer (ancien ministre des affaires étrangères)
– En répondant aux questions posées par M. de Robaulx, M. le ministre a dit
qu'il n'avait rien trouvé relativement aux négociations avec
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – C'est une
erreur de ma part, il y a eu des notes présentées : j'ai voulu seulement dire
qu'il n'y avait point eu d'envoyés à
M. Van
de Weyer (ancien ministre des affaires étrangères) – Je me suis
adressé, non pas à
On vous a dit que le ministère des. affaires étrangères était
lié par les antécédents ; on a demandé pourquoi le comité diplomatique n'a pas
repoussé la médiation de la conférence de Londres, dès qu'elle a manifesté des
vues d'intervention.
M. le ministre a essayé de démontrer que le protocole du 17 novembre
contenait une intervention explicite, puis il est passé à une dissertation subtile sur
les protestations et les restitutions. Il vous a dit qu'il était neuf dans
la matière ; nous sommes tous neufs, et chacun de nous a besoin d'expérience.
La restitution d'une pièce est un acte de courtoisie en
diplomatie ; par la restitution, on dit : Les termes de vos propositions
ne me conviennent pas, veuillez les changer, les modifier. Quand vous
protestez, au contraire, vous faites preuve d'énergie, on vous écoute. Que le
ministre lise l'histoire du congrès de Vienne, publiée par le plus ancien
diplomate, qu'il le lise, il y verra que les puissances employaient ce moyen ;
il y verra les protestations continues du roi de Saxe. Le congrès lui-même,
quand il a fait de la diplomatie n'a pas dit : Le protocole du 20 décembre ne
nous convient pas, il sera renvoyé à ceux qui nous l'ont présenté ;
il a protesté, et nous savons que cette manière d'agir a produit mille fois
plus d'effet qu'un renvoi dédaigneux.
Je passe à l'examen du protocole du 17 novembre : sur la
clause énonçant les engagements envers les cinq puissances, le comité
diplomatique s'est empressé de demander des explications, les notes à cet égard
vous sont connues ; le comite a déclaré qu'il ne voulait s'engager en rien ;
depuis il a toujours protesté.
Nous ne sommes donc point liés envers les cinq puissances ; un armistice, une suspension d'armes n'est
jamais chose définitive, ce n'est que provisoire ; il
est vrai de dire que le nôtre existe depuis
trop
longtemps.
L'armistice aurait reçu une exécution pleine et entière, nous
ne serions pas engagés davantage Les obligations vis-à-vis de la conférence,
nous pouvions les rompre chaque fois que
Je pense qu'il est inutile de revenir sur la protestation ou
restitution du protocole du 20 décembre : ce que le comité diplomatique
a fait dans cette circonstance
a été hautement approuvé par le congrès. Et c'est à partir de cette époque que
le langage de la conférence a changé ; les commissaire envoyés à Londres ont
protesté, les notes qu'ils ont remises à la conférence ont été acceptées, elles
portaient sur les limites, la liberté de l'Escaut, la reprise des hostilités en
cas d'inexécution de la part de
M.
de Robaulx – Quelles étaient les puissances qui considéraient les
protocoles comme de simples propositions ? (E., 4 avril.)
(page 27) M. Van de Weyer (ancien ministre des affaires étrangères)
– Le cabinet français l'a seul déclaré. (E., 4 avril.)
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Tous les
cabinets n'y voient que des propositions. (E., 4 avril.)
M. Van
de Weyer (ancien ministre des affaires étrangères) – Le cabinet
français n'admet tous les protocoles, sans exception, que comme de simples
propositions que les parties sont libres de refuser ; il en a fait la
déclaration officielle en énonçant que la conférence de Londres n'avait mission
que pour une médiation officieuse ; la déclaration du gouvernement français a
été communiquée au congrès le 3 février, et depuis répétée aux tribunes
par M. le comte Sébastiani. (E., 4
avril.)
M.
de Robaulx – En quel état sont nos relations avec
M. Lebeau, ministre des affaires
étrangères – Elles sont établies officiellement avec le cabinet
français. (E., 4 avril.)
M. Van
de Weyer (ancien ministre des affaires étrangères) – Avant
l'établissement du comité diplomatique, nous étions en relations quasi
officielles avec l'Angleterre, les commissaires étaient reçus par la cour de
Londres. Depuis le renvoi du protocole, nos envoyés ne sont plus reçus
officiellement.
Je terminerai en vous assurant que toutes propositions
portant atteinte à l'indépendance de
M. Lebeau, ministre des affaires
étrangères – Je pourrais peut-être répondre à ce qu'a dit le préopinant,
mais j'aime mieux attribuer mes. erreurs à mon inexpérience que
d'entretenir l'assemblée, qui a autre chose à faire, de questions que l'on
pourrait considérer comme des questions d'amour-propre. (I., 4 avril.)
M. Van de Weyer – Je crois avoir
prouvé, par la modération de mes paroles, que je n'étais guidé que
par un profond amour de mon pays., et que je n'ai pas tenu à relever des erreurs
pour satisfaire mon amour-propre. (Bien ! bien !) (I., 4
avril.)
M.
le chevalier de Theux de Meylandt ne pense pas que la nation
ait pu être liée par le protocole du 17 novembre ; car le congrès
national seul, à cette époque, pouvait lier la nation en le souscrivant. Nul
autre pouvoir n'a pu lui donner la force d'un engagement pour la nation. (I..4
avril.)
M. de Robaulx – Tout en
reconnaissant la franchise que le. ministre a apportée dans ses déclarations,
je ne puis être d'accord avec lui sur les conséquences de ses réponses.
. Il vous a dit qu'il ne penchait ni à l'anglomanie, ni à la
gallomanie ; des deux, moi je préférerais la dernière. Si le ministre était
possédé d'anglomanie sans le savoir, je demanderais qu'il le reconnût avec
franchise et bonne foi, il ne faut pas de surprise.
J'appelle votre attention sur la distinction subtile, selon
moi, que le ministre a voulu établir entre les antécédents qui lui ont été
laissés et la conduite qu'il se propose de suivre. Je ne. conçois pas cette
manière de fractionner une administration. Comment pourra-t-il le faire, quand
il reconnaît que les principes posés par son prédécesseur sont ceux qu'il
adoptera ? Remarquez-le, il y a contradiction dans le raisonnement du ministre.
S'il est vrai, comme il le dit, qu'il est neuf, je dois faire le même aveu ;
aussi, je vous dirai sans détour que j'ignorais que quand une ou plusieurs
puissances avaient remis des notes ou protocoles portant atteinte à
l'indépendance d'une nation, il fallait la restituer plutôt que de protester, la
restitution étant le moyen le plus efficace.
Je ne pense pas que pour de semblables arguties, on puisse
perdre ce que l'on a gagné par tant de combats.
On me niait précédemment que les protocoles continssent des
principes d'intervention, aujourd'hui on avoue que j'avais raison ; on revient
à reconnaître qu'il fallait, dans le temps, protester comme je le demandais.
J'admettrais encore que les protocoles fussent acceptés, le
pays ne pourrait en souffrir, car ce n'est pas la nation qui aurait agi, et en
France, vous voyez le gouvernement même démentir ce que fait M. Talleyrand.
On nous parle de combinaisons, on nous avoue qu'il existe des
négociations d'après les bases posées par le ministère précédent ; si nous
posions des questions à cet égard, on nous a fait entendre qu'il serait
impossible de nous répondre., à moins de courir la chance de voir rompre les
négociations. (page 28) Ce serait nous faire croire qu'il y a des secrets, des
mystères. Que l'on soit sans crainte, ils sont peut-être connus de tout le
monde. Je ne redoute pas que le ministère soit anglomane, mais bien qu'il soit
par trop anglais. On dit que nos ministres sont préoccupés du mariage du
candidat à la royauté. Il me semble qu'avant de savoir qui nous mettrons sur le
trône, il serait bon de savoir si nous aurons de la place pour le trône. Selon
moi, il faut nous assurer de l'indépendance, de l'intégrité du territoire avant
tout.
La question de l'armistice est une des plus
importantes. Il avait été annoncé que trois fois l'ultimatum avait été
envoyé à
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Il y a eu
deux sommations ; la troisième déclaration a été remise à lord Ponsonby et à M.
Bresson-. (E., 5 avril.)
M.
de Robaulx – C'est autant de mises en demeure. II est clairement
démontré que le roi Guillaume est atteint d'une maladie incurable,
l'entêtement. Qu'il sache que jamais, non jamais, nous n'abandonnerons nos frères
les Luxembourgeois aux avanies de son gouvernement. La guerre ! la guerre de
suite ! si on ne nous accorde tout ce qui nous est dû. (Applaudissements
prolongés.)
La suspension d'armes ou l'armistice, ainsi que vous voudrez
l'appeler, n'est qu'une déception.
Les Hollandais ne tiennent aucun compte de ces conventions ;
ils viennent de s'emparer d'un de nos forts (celui de Calloo) ; il faut que
nous soyons parfaitement éclairés sur cette question.
Prenez une détermination digne de la révolution, nous vous
voterons des fonds ; la nation est prête à se lever en masse contre quiconque
oserait nous menacer. Faites donc entendre le cri de guerre pour répondre à sa
juste impatience. (Bravos aux tribunes et dans l'enceinte.) (E., 5
avril.)
M.
Alexandre Rodenbach – Messieurs les ministres des affaires
étrangères présent et passé viennent de nous prouver, avec beaucoup
d'éloquence, que nous avons été protocolisés depuis six mois par la conférence
de Londres. Afin que l'Europe sache le cas que le peuple belge fait des
protocoles fabriqués au Foreign Office par les grands fabricants, je demande
que si on nous en adresse encore qui ne soient pas conformes à l'honneur et à
la dignité de la nation, M. le ministre des relations extérieures les renvoie à
son collègue de la guerre pour en fabriquer des cartouches.
(Hilarité générale et
prolongée.)
(I., 5
avril.)
M. Lebeau, ministre des affaires
étrangères – Nous n'entendons en aucune manière être liés par les errements
de l'ancien ministère ; mais il n'en est pas moins vrai que les cinq puissances
peuvent penser qu'il leur a été laissé un droit d'intervenir par la
non-restitution des protocoles ; s'il en était autrement, ils auraient biffé
des protocoles suivants ce qui était hostile et propre à allumer une guerre
générale. Un ultimatum a été notifié à
-
L'assemblée se déclare satisfaite des explications. (I., 4 avril.)
M. Destouvelles –
Comme il s'agit de mobiliser la garde civique, je demanderai au ministre de
la guerre si la milice de 1830 est armée, et si celle de
1831 est appelée. (J. B., 4 et 5 avril.)
M. d’Hane, ministre de la guerre – Les armes ont été expédiées pour les lieux où se trouvent les miliciens de
la classe de 1830 ; celles qui seront nécessaires pour la classe de 1831 sont
dans les magasins de l'État. (I., 4 avril.)
M. Destouvelles –
J'ai demandé si la classe de 1831 avait été appelée. (I., 4 avril.)
M. d’Hane, ministre de la
guerre, semble ne pas saisir la question. (I., 4 avril.)
M.
le baron de Coppin répond à M. Destouvelles
que les opérations ne sont pas encore terminées. (I., 4 avril.)
M.
le comte de Quarré – Je demanderai à M. le
ministre de la guerre s'il y a assez d'armes pour armer le premier ban de la
garde civique. (I., 4 avril.)
M. d’Hane, ministre de la guerre – Les armes ne
manqueront pas, quand même le premier ban de la garde civique serait doublé.
(I., 4 avril.)
M.
Watlet rappelle
qu'il avait, lors de la prorogation du congrès, demandé qu'on envoyât quelques
troupes dans le Luxembourg pour prouver aux habitants qu'on ne les abandonnait
pas, et pour les défendre, le cas échéant, contre les Hollandais et les
Prussiens ; il demande si on a (page 29) songé à satisfaire
à cette demande. (I., 4 avril.)
M.
Alexandre Gendebien – Il y a quinze jours que des ordres sont donnés pour envoyer des troupes
dans le Luxembourg ; elles sont dans les environs et elles y entreront quand il
sera nécessaire. (I., 4 avril.)
PROJET
DE DECRET RELATIF A
M. Alexandre Gendebien
fait le rapport de la section centrale sur le projet de décret relatif à la mobilisation
du premier ban de la garde civique ; il en propose l'adoption avec des
changements. (I.,4 avril.)
M. Henri de Brouckere, M. le chevalier de Sauvage, ministre de
l'intérieur, et M. Devaux trouvent
que le projet, ayant subi des changements, ne peut être discuté de suite. (J.
B., 4 et 5 avril.)
M. Alexandre Gendebien,
rapporteur, M. Forgeur et
M. Van de
Weyer soutiennent le contraire. (J. B., 4 et 5 avril.)
M.
de Robaulx et M. Fleussu demandent
que l'on discute le projet sur l'enquête, qui avait été mis à
l'ordre du jour. (J. B.. 4 et 5 avril.)
- L'assemblée, consultée par le président, décide que
le rapport de M. Gendebien sera imprimé et distribué pour être mis en
discussion à la séance du 4 avril, et qu'on s'occupera immédiatement de la
discussion du projet de décret relatif aux opérations de la commission
d'conquête nommée à la séance du 30 mars. (P.
V.)
M. Henri de Brouckere, se livrant
à la discussion générale du projet, dit qu'il a applaudi à la sagesse de la
proposition de M. de Robaulx, sur les causes des troubles que nous déplorons
tous ; mais, ajoute-t il, ce qui vous est présenté comme mise à exécution de
votre décision, n'en est pas le corollaire, ne peut obtenir l'assentiment du
congrès ; le droit d'enquête est chose précieuse, mais il faut se garder d'en
abuser.
Les deux premiers articles sont insignifiants, les
dispositions suivantes tendent à enlever la plupart des attributions des juges
d'instruction. Les pillages, les crimes qui en sont la suite, les dévastations,
sont prévus par l'article 431 du Code pénal ; si les juges d'instruction
négligeaient leurs devoirs, ce serait au
ministre de la justice à les leur rappeler. Il y aurait de graves inconvénients
à abandonner à une commission le droit d’entendre des témoins ; elle ne
pourrait user des formes protectrices des articles 71 et suivants du Code
d'instruction criminelle : elle ne pourrait, par exemple, recevoir le serment ;
dans les auditions, témoins et prévenus seraient confondus ; quelle foi avoir
dans des dépositions qui n'auraient pas été faites légalement. Quels résultats
prétendrait-on tirer de l'instruction ? Admettant que la justice agisse de son
côté, il peut arriver que les mêmes faits donnent lieu à un arrêt et à un
décret opposés. Je voterai donc contre le projet, parce que, selon moi, on ne
peut trop restreindre le pouvoir de la commission. (E., 5 avril.)
M. Van Snick – On vient de nous dire qu'il ne
fallait pas abuser du droit d'enquête ; cela est vrai, mais nous ne pouvons
rester indifférents, insensibles, en présence de l'Europe, sur les malheurs des
jours derniers, et quoi qu'on dise, le congrès se doit de pouvoir approfondir
les causes de ces malheurs. Pour cela la marche de la justice ne sera point
entravée.. (E., 5 avril.)
M. le baron de Sécus (père) appuie le projet et déplore les
scènes désastreuses qui ont affligé le Hainaut, Bruxelles, Anvers, Liége, etc.
Les coupables doivent être livrés à la justice. La nation demande que les
causes de ces grands maux soient mises au jour. (E., 5 avril.)
M. Camille de Smet – En deux mots, je répondrai au préopinant : Les désordres ont eu lieu
partout où la trahison avait levé la tête. Voilà la véritable, la seule cause.
(E., 5 avril.)
M.
Forgeur – L'enquête prouvera
l'impunité trop longue dont ont joui les partisans de la dynastie déchue ;
ensuite si le peuple s'est livré par un mouvement spontané aux pillages, à la dévastation ; si l'incurie,
l'inertie des autorités ne sont pas entrées pour beaucoup dans ces désordres ;
si par exemple le commandant de la garde civique de Liége a négligé tous moyens
répressifs, et si la garde sous les armes, et sous les ordres de son chef,
n'est pas restée impassible devant les dévastateurs.
Tous ces faits sont de la plus
haute importance, il faut les approfondir.
Plus d'orangisme, tel est le vœu
unanime de la nation. Mais a-t-on pensé que, pour retremper la révolution, il
était nécessaire de la rendre criminelle ? Jusqu'ici elle s'est montrée
généreuse, elle est restée pure et sans tache ; il faut enlever toutes les
souillures que des hommes pervers auraient pu lui imprimer. On parle des (page 30) fonctionnaires
de l'ancien gouvernement, de listes de proscription. Repoussons avec force de
semblables moyens. Si nous sommes vainqueurs aujourd'hui, rappelons-nous que
nous pouvons être vaincus demain. Dans les premiers jours de la révolution, il
y a eu des pillages, mais c'était pour se procurer des armes, pour conquérir la
liberté. Maintenant la révolution est accomplie, sachons jouir de ses
bienfaits. (Bravos. ) (E., 5 avril.)
M.
Henri de Brouckere déclare qu'il ne s'oppose pas à ce
qu'il y ait une enquête, mais seulement il désirerait que l'on n'empiétât pas
sur le pouvoir judiciaire. (E., 5 avril.)
M. de Robaulx – La question
est de la plus haute gravité et jusqu'à présent, le congrès n'a pas eu occasion
de traiter un sujet d'une aussi grande importance ; si vous voulez qu'une
commission atteigne son but, il ne faut lui refuser aucun des moyens
nécessaires. Si elle se bornait à faire un rapport sur de simples
renseignements qui lui seraient fournis par les autorités, elle serait réduite
à opérer d'après des résultats qui proviennent de délations intéressées ; s'il
en était ainsi, je donnerais ma démission. On se récrie contre l'amalgame des
pouvoirs, les empiétements sur l'autorité judiciaire. Si vous ne donnez pas à
la commission le même pouvoir accordé à un simple juge d'instruction , que
pourra-t-elle faire ? Il lui faut des moyens coercitifs ; il s'agit d'affaires
d'opinions, les citoyens qu’il sera nécessaire d'entendre auront de l'effroi,
ils se refuseront à témoigner. (E.. 5 avril.)
M. Forgeur interpelle
M. le ministre de la justice sur les rapports qui ont pu lui être faits, les
diligences qu'il a pu provoquer ; il faut que force reste à la loi. (E., 5
avril.)
M. Barthélemy, ministre de la
justice – Les autorités m'ont adressé des rapports, j'ai donné
ordre de continuer. (E., 5 avril.)
M.
Forgeur – Il est indispensable de diriger les
poursuites. (E., 5 avril.)
M. Barthélemy, ministre de la justice – Les faits
sont arrivés successivement. J'ai successivement répondu aux rapports qui m'ont
été adressés. Quant à la commission d'enquête, il ne s'agit que de rechercher
les causes qui ont pu amener les désordres ; c'est une question d'ordre général
dont le congrès peut s'occuper. Je la regarde comme une enquête sur les choses,
qui ne peut avoir aucun effet sur les personnes. En demandant aux témoins si un
tel est coupable, on empiète sur le pouvoir judiciaire, mais je ne vois pas que
la commission ne puisse pas ordonner aux témoins de comparaître. (J. B., 4 et
5 avril.)
M. Van
Meenen critique
le projet, et, d'accord avec M. Raikem, demande
lecture de la proposition de M. de Robaulx. (E., 5 avril.)
Un
des secrétaires lit cette proposition ; elle est ainsi conçue :
« Une commission de cinq membres,
prise dans le sein du congrès, est chargée de faire une enquête sur les causes
des mouvements populaires qui ont eu lieu récemment, et de proposer au congrès
les mesures législatives propres à détruire ces causes, à ramener la confiance,
et ainsi assurer le maintien de l'ordre public. » (E., 5 avril., et A.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII fait
observer que cette proposition n'a pas reçu la forme d'un décret et est restée
comme résolution. (E., 5 avril.)
Il s'élève à ce sujet une
discussion dans laquelle sont entendus MM. Raikem,
le baron Beyts, Devaux, Henri de Brouckere, Van Meenen, Robaulx et Jottrand. (E., 5 avril.)
On passe à la discussion
des articles. (J. B., 4 et 5 avril.)
Articles 1er
« Art.
1". La commission nommée en vertu du décret du 30 mars 1831 commencera de suite ses opérations.
« Elle tiendra ses séances dans le palais
national. » (A. C.)
- Cet article est adopté avec la substitution
des mots : du décret du 30 mars, à ceux-ci : de la résolution
prise dans la séance du 30 mars 1831. (P. V.)
Article 2
« Art. 2. Il sera mis à sa
disposition les employés qu'elle demandera, et qui seront détachés des
ministères où il sera possible de le faire sans entraver le service. »
- Adopté. (A. C.,et P. V.)
M. Van
Meenen propose
la suppression des articles 3, 4, 5, 6 et 7, et présente pour les remplacer la
disposition suivante :
« La commission se fera
donner par tous le fonctionnaires militaires et civils, tant de l'ordre
administratif que judiciaire, tous les renseignements et toutes communications
d'actes et pièce qu'elle jugera nécessaires ; et tous les fonctionnaires sont tenus de déférer à sa réquisition. » (E., 5 avril., P. V. et A.)
- Cette disposition est adoptée ; elle
forme un article 3 (nouveau) du décret ; la suppression des articles 3,
4, 5, 6 et 7 est rejetée. (P.
V.)
« Art. 3. La commission
pourra faire comparaître devant elle, ou devant l'un de ses membres, les personnes qu'elle voudra faire interroger.
« A cet effet, elle les fera citer par un agent de la force
publique. » (A. C.)
M. Charles Rogier
propose le paragraphe additionnel suivant :
« Les indemnités ordinaires payées aux témoins dans les procédures
criminelles seront accordées aux personnes citées qui les exigeront.» (P. V. et
A.)
- Ce paragraphe
est adopté ainsi que l'article. (P. V.)
Article 4
« Art. 4. La commission pourra déléguer un ou plusieurs de
ses membres, pour se rendre dans les lieux qu'elle leur indiquera, à l'effet de
procéder aux interrogatoires.
« Elle pourra également déléguer, pour le même objet,
des fonctionnaires de l'ordre judiciaire. »
- Adopté. (A. C.. et P. V.)
Article 5
« Art. 5. La commission et ses délégués dresseront procès-verbal de leurs opérations. Les n
procès-verbaux des délégués seront envoyés à la commission. »
- Adopté. (A.
C. et P. V.)
Article 6
« Art. 6. Toute personne citée sera tenue de comparaître
; sinon elle pourra y être contrainte par les voies déterminées par l'article
80 du Code d'instruction criminelle.
« Les dispositions de cet article seront
appliquées aux personnes non comparantes, par les tribunaux correctionnels, sur
la réquisition du ministère public, et d'après le certificat de non-comparution
délivré par le président de la commission, ou le membre qui le
remplacera. »
- Adopté. (A. C. et
P. V.)
« Art. 7. Le présent décret, ainsi que celui qui a
établi la commission, seront exécutoires le 2 avril. prochain ; et sa force
obligatoire cessera après le mois expiré. » (A. C.)
M. Destouvelles –
Si le congrès déclare sa mission accomplie avant le mois expiré, la
commission cessera ses fonctions. Je crois que nous touchons au terme de notre
pouvoir et qu'il est plus que temps de faire un appel à l'opinion publique. (J.
B., 4 et 5 avril.)
M. Forgeur –
On pourrait ajouter : Si le
congrès n'est dissous auparavant. (J.
B., 4 et 5 avril.)
-
Cette addition est adoptée. (P. V.)
L'article amendé est ensuite rédigé de la manière
suivante :
« Le présent décret sera exécutoire le 4 avril. courant,
et sa force obligatoire cessera après le mois expiré, si le congrès n'est
dissous auparavant. » (P. V.)
Vote sur l’ensemble
On passe à l'appel nominal sur l'ensemble du décret ;
110 membres répondent à l'appel : 100 votent pour, 10 contre ; en
conséquence le décret est adopté. (P. V.)
Ont voté contre : MM. Claes (de Louvain) ; Henri de
Brouckere, le vicomte Desmanet de Biesme, Charles Rogier, Van Meenen,
Barbanson, Nothomb, Fleussu, Trentesaux, Destriveaux. (E.. 5
avril.)
- La séance est levée à cinq heures et demie. (P. V.)