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Congrès national de Belgique
Séance du vendredi 27 mai 1831

(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 3)

(page 154) (Présidence de M. de Gerlache)

La séance est ouverte à une heure. (P. V.)

Lecture du procès-verbal

M. Henri de Brouckere, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)

Pièces adressées au Congrès

M. Liedts, secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes :

Les membres de la régence et plusieurs notables de Venloo demandent que le congrès ordonne l'achèvement du canal du Nord.


Plusieurs sauniers du district de Charleroy présentent des observations concernant le projet de décret sur le sel.


M. Delafontaine fait des observations sur l’état du pays.


M. Auguste Wieland, à Ostende, se plaint d’avoir été rayé du tableau des ayants droit de voter dans cette ville.


M. Alagno, lieutenant-colonel espagnol, demande un subside semblable à celui dont jouissent les réfugiés portugais.


Les habitants du hameau de Breendonck demandent la séparation de ce hameau de la commune de Puers.


M. Cluyskens, artiste vétérinaire à Weert, demande des lettres de naturalisation.


MM. Dumon-Dumortier, à Tournay, et (page 155) Auguste Desmidt, à Fosses, font la même demande. (I., 29 mai, et P. V.)

Achèvement du canal du Nord, entre Anvers et le Rhin, par Venloo

M. Henri de Brouckere – Je demande la parole. Messieurs, parmi les pétitions qui viennent d'être présentées, il en est une sur laquelle je dois appeler votre attention, parce qu'elle est de plus haute importance ; je veux parler de la pétition des habitants de Venloo qui demandent l’achèvement du canal du Nord. Dans un moment où nous allons être obligés de nous occuper des questions du territoire, il est important que chacun de vous ait sur les pays contestés des renseignements précis. Beaucoup d'entre vous sont décidés, je le sais, à ne céder aucune portion de notre territoire, quelque minime qu'elle puisse être. Beaucoup d'autres, sachant bien qu'il ne faut pas sacrifier le tout à la partie, consentiront probablement à céder sur quelque point pour conserver la plus grande partie. Au jour du danger, les habitants de Venloo se sont montrés grands et généreux et véritablement Belges. La ville de Venloo est aujourd'hui réclamée par la Hollande, comme ayant fait partie des pays de généralité. Si la Hollande met à réclamer ces pays tant d'insistance, ce n'est pas qu'elle en espère de grands avantages, mais s'ils nous restent, elle prévoit que nous nous hâterons d'y faire creuser un canal pour joindre l'Escaut à la Meuse, et que la Prusse s'empressera de prolonger ce canal, pour rendre ses communications faciles avec le port d'Anvers. Ce canal, si avantageux au commerce de l’Allemagne et à l'Angleterre elle-même, porterait un coup mortel au commerce de la Hollande. Ce n'est pas d'aujourd'hui que le projet de ce canal du Nord a été conçu, on y songeait déjà dès le temps de l'infante Isabelle, et, en 1627, les travaux furent commencés. Plus d'une fois ces travaux ont été repris depuis cette époque, mais jamais ils n'ont pu être achevés ; il faut nous attendre à ce que la Hollande fasse, comme elle l'a toujours fait, tous ses efforts pour en empêcher l'achèvement. Espérons toutefois que ses efforts seront désormais infructueux. Je demande au congrès la permission de lire la pétition des habitants de Venloo ; elle est conçue en ces termes :

« AU CONGRÈS NATIONAL.

« Les soussignés, habitants de la ville de Venloo, ont la confiance de s'adresser aux représentants de la nation, réunis en congrès, et de leur demander un grand acte d'indépendance nationale, un acte qui constaterait de nouveau à la face du monde leur inébranlable détermination de conserver intacte l'intégrité du territoire, tel que la constitution l'a fixé ; un acte dont l'exécution devrait avoir la plus salutaire influence sur la prospérité du commerce et de l'industrie de la Belgique, trop longtemps en souffrance ; ils leur demandent, enfin, de décréter par une loi l'achèvement immédiat du grand canal du Nord, qui, en allant d'Anvers à Venloo, devait joindre l'Escaut à la Meuse, et procurer ainsi au port d'Anvers un moyen de communication sûr et facile avec l'Allemagne, en même temps qu'il assurerait aux provinces de Limbourg et de Liége, une voie de communication avec Anvers, qui leur est désormais indispensable pour l'écoulement des produits de leur sol et de leur industrie, aussi bien que pour pouvoir s'approvisionner, aux plus bas prix possible, des denrées coloniales et autres marchandises, entrant par mer, nécessaires à leur consommation, ou faisant l'objet de leur commerce.

« Le gouvernement français avait ordonné la construction de ce canal en 1808, et en 1811 un tiers environ en était achevé, quand la réunion de la Hollande à la France, opérée alors, fit suspendre et bientôt définitivement abandonner ce bel ouvrage.

« Cette réunion ouvrit à Anvers la libre navigation sur le Rhin et ses embranchements qui traversent la Hollande ; et dès lors la nouvelle communication à établir par le canal n'était plus indispensable.- Dès lors Anvers se trouvait placée pour le commerce avec l'Allemagne sur la même ligne que Rotterdam et Amsterdam, tandis qu'avec ce canal l'avantage qu'aurait eu cette ville, déjà si favorisée. par sa position géographique, et par la commodité de son port, sur les places hollandaises, eût été telle pour le commerce avec l'Allemagne, que ces dernières y auraient été exclues de toute concurrence.

« Eh bien, si en 1808, lorsque la Hollande était un royaume dans l'entière dépendance de la France, le gouvernement de ce pays jugea nécessaire d'ouvrir au port d'Anvers et aux départements qui forment aujourd’hui la Belgique, une voie de communication avec l'Allemagne, indépendante de la Hollande, à plus forte raison, la Belgique étant à jamais séparée de ce pays, cette communication est-elle aujourd'hui indispensable.

« Dans l'hypothèse qu'une paix entre les deux pays serait incessamment conclue, que les arrangements les plus favorables pour le commerce réciproque aient été stipulés, on ne pourra jamais admettrai que la Hollande permettra, ou même pourra (page 156) permettre, à sa redoutable rivale, la libre navigation sur des eaux qui traversent le cœur de son pays ; elle qui a su exclure pendant seize ans de la libre navigation du Rhin sur son sol, les autres États riverains de ce fleuve, quoique ce droit leur eût été formellement reconnu par le congrès de Vienne.

« Une détermination de la part du congrès national, dans le moment actuel, d'achever le canal qui traverse justement cette partie du Limbourg que le gouvernement hollandais réclame avec tant d'opiniâtreté, prouverait au monde entier son invariable résolution de ne pas vouloir transiger avec l'honneur, et de ne céder en rien sur ce point.

« Elle tranquilliserait ces braves habitants du Limbourg, qui ont si franchement épousé la cause nationale, et ferait renaître la confiance dans le pays.

« Nous croyons inutile de nous étendre sur les avantages immenses que l'ouverture de cette communication procurerait à une grande partie de la Belgique. - Anvers verrait abrégée de deux cinquièmes la distance qui la sépare de Cologne ; et cette nouvelle voie serait sûre, facile et praticable presque en tout temps. Aussi ces avantages ont été si bien sentis par la province d'Anvers, qu'en 1829 les états de cette province ont résolu de faire à leurs frais l'ouverture du canal du Nord jusqu'à Loozen, point où il rejoint celui de Maestricht à Bois-le-Duc, et ont demandé aux états du Limbourg l'autorisation nécessaire pour la partie qui traverse cette province, demande qui a été accordée, mais qui a dû rester sans effet parce que l'ex-gouvernement a constamment refusé ou trouvé moyen d'éluder la sienne, malgré les représentations les plus fortes et les offres les plus favorables, qui lui avaient été faites par la province et par la ville d'Anvers.

« Liége, qui communique avec le nouveau canal au moyen de celui de Maestricht à Bois-le-Duc, pourra se servir de cette voie, la seule réellement praticable, pour le transport de ses fers et autres objets de son industrie, destinés pour les pays d'outre-mer, et qu'elle devait sans cela transiter par la Hollande.

« La valeur des terrains arides et stériles que le canal traverse, depuis Anvers jusqu'ici, serait plus que doublée par son achèvement, et peu à peu on les verrait rendus à la culture, et la population et le bien-être de ces contrées, aujourd'hui si tristes, augmenteraient dans la même proportion.

« L'exécution immédiate de cet ouvrage serait encore un grand bienfait dans les circonstances actuelles, où la stagnation du commerce et de beaucoup de branches d'industrie ont laissé inoccupés une foule de bras. Cette mesure serait surtout salutaire pour les deux provinces que le canal traverse, et qui, par leur position particulière,ont souffert plus que les autres provinces.

« Pour la construction du canal de Maestricht à Bois-le-Duc, on a emprunté le lit, déjà ouvert en grande partie, du canal du Nord, depuis Loozen jusqu'à Nederweert. Il n'y aura donc que deux parties principales à achever, celle d'Anvers jusqu’à Loozen et celle de Nederweert jusqu'à Venloo. La première a une longueur d'environ 72,000 mètres ; elle a de plus un embranchement de 8,000 mètres de longueur sur Lierre, qui ferait participer cette ville et celle de Malines, ainsi que la plus grande partie du Brabant méridional, au bienfait de cette nouvelle communication. La seconde, celle de Nederweert jusque dans la Meuse vis-à-vis de Venloo, est longue de 24,000 mètres. La longueur totale à exécuter, y compris l'embranchement sur Lierre, serait donc d'environ 104,000 mètres, et calculée d'après les devis estimatifs, faits dans le temps par les ingénieurs français, la dépense totale des travaux de terrassement n'excéderait pas un million de florins. travaux déjà exécutés par le gouvernement français, qu'on peut évaluer à un tiers, viendraient encore en déduction, de sorte que la dépense effective ne surpasserait pas 700,000 florins. La construction des écluses et des ponts viendra en sus, mais on pourrait l'ajourner à l'année prochaine. Du reste, le nombre d'écluses est peu considérable. L'essentiel est que les travaux de terrassement, qui occupent le plus de bras, et dont la dépense est tout en main-d'œuvre, soient exécutés immédiatement.

« Les moyens pour faire face aux dépenses d’un ouvrage, qui sera un monument de gloire nationale, en même temps qu'il doit tant contribuer au bien-être du pays, ne peuvent pas être difficiles à trouver ; le congrès, dans sa sagesse, saura bien y pourvoir. Il a du reste trop pris à cœur les intérêts de la patrie pour que nous n'osions pas concevoir l'espoir qu'il prendra en sérieuse considération la demande que nous nous permettons lui soumettre.

« Venloo, le 21 mai 1831. » (Suivent les signatures.)

Il ne m'appartient pas de prendre des conclusions sur cette pétition, ni d'en faire l'objet d'une (page 157) proposition, puisqu'il faut d'abord qu'elle passe par la commission ; mais je demande que, vu son importance, la commission eu fasse un examen immédiat, et qu'elle nous présente son rapport demain ou après-demain. (I., 29 mai.)

M. le président – Une commission a été nommée… (I., 29 mai.)

M. Henri de Brouckere – Consultez l’assemblée. (I., 29 mai.)

M. le président – Je prie M. de Brouckere de ne pas m'interrompre ; il a parlé sans être interrompu. (I., 29 mai.)

M. Henri de Brouckere – Je demande que ma proposition soit mise aux voix. (I., 29 mai.)

M. le président – Si M. Henri de Brouckere préside ici, je l'invite à venir prendre ma place.

Vous avez parlé sans être interrompu. Vous avez même interverti l'ordre ordinaire de nos travaux en lisant la pétition et en vous livrant à ce propos à des raisonnements qui ne devaient avoir lieu que sur le rapport de la commission, et lorsque je veux consulter l'assemblée, vous voulez m'interrompre. (I., 29 mai.)

M. Henri de Brouckere – Je demande la parole pour un fait personnel. (Violents murmures.) J'ai le droit d'être entendu. (I., 29 mai.)

- Une voix – L'ordre du jour ! (I., 29 mai.)

M. le président – Une commission a été nommée pour examiner les pétitions, son travail est fort avancé : si l'assemblée le veut, la pétition les habitants de Venloo lui sera renvoyée... (I., 29 mai.)

M. Van de Weyer fait observer que la commission a été nommée seulement pour les pétitions arriérées, et non pour celles qui ont été présentées depuis sa nomination. (I., 29 mai.)

M. le président – La pétition sera renvoyée à la commission ordinaire. (I., 29 mai.)

M. Henri de Brouckere – Je ne me contente pas de cette décision ; j'ai fait une proposition, et j'ai été fort étonné du reproche que m'a fait M. le président (murmures) d'avoir interverti l'ordre de nos travaux ; j'ai demandé la parole sur les pétitions, le congrès me l'a accordée ; j'ai usé de mon droit en m'expliquant sur la pétition, j'ai demandé que le rapport nous en fût fait demain ; je désire que l'assemblée soit consultée sur ma proposition. (I., 29 mai.)

M. Van de Weyer – Il serait impossible que la commission fît son rapport sur une pétition qu'elle ne connaît pas encore. (I., 29 mai.)

M. Claes (de Louvain) – Je demande l'ordre du jour pur et simple, car, à coup sûr, si la question est importante, elle n'est pas urgente ; ce n'est pas en effet dans un moment comme celui-ci que l'on s'occupera d'aller faire un canal. (On rit.) (I., 29 mai.)

M. le comte d’Arschot présente la même observation. (E., 29 mai.)

M. le comte Félix de Mérode – M. de Brouckere a dit qu'un canal était une source de prospérité… (E., 29 mai.)

- Plusieurs voix – Ce n'est pas la question ; il ne s'agit pas de discuter au fond. (E., 29 mai.)

M. Destouvelles pense que, sans traiter le fond de la question, le congrès peut renvoyer la pétition à la commission, pour qu'elle en fasse le rapport prochainement ou au moins le plus tôt possible. (E., 29 mai.)

M. Henri de Brouckere se range à l'avis de M. Destouvelles, pour que le rapport ait lieu dans le plus bref délai. (E., 29 mai.)

- La pétition est renvoyée à la commission qui est invitée à faire au plus tôt son rapport. (P. V.)


M. de Robaulx demande que la pétition des sauniers de Charleroy soit renvoyée aux sections chargées de l'examen du projet de décret sur le sel, puisqu'on pourra y puiser des renseignements utiles. (E., 29 mai.)

- Le congrès en ordonne le renvoi à la section centrale chargée d'examiner ce projet. (P. V.)


Les autres pétitions sont renvoyées aux commissions spéciales. (P. V.)

Rapports sur des demandes en naturalisation

L'ordre du jour est le rapport de la commission chargée d'examiner les demandes de lettres de naturalisation. (I., 29 mai.)

Pendant que M. Destouvelles, rapporteur, va chercher les dossiers et son rapport, M. le président lit une proposition de M. le chevalier de Theux de Meylandt, par laquelle l'honorable membre demande que le congrès invite les ministres à présenter sans délai le complément du budget. (I., 29 mai.)

- Cette proposition est adoptée. (P. V.)

M. Destouvelles fait un rapport sur les demandes en naturalisation. La commission n'a pas perdu de vue que, s'il ne fallait pas encombrer le pays d'étrangers inutiles ou intéressés, il ne fallait pas non plus repousser ceux qui y menaient depuis longtemps une vie honnête, ou qui, en s'y établissant par mariage ou autrement, avaient donné des garanties de leur sollicitude pour le pays. Trois pétitionnaires ont été jugés dignes de la grande naturalisation ; ce sont :

(page 158) 1° M. Jacquin, né en France et domicilié en Belgique. Il s'est particulièrement distingué dans les journées de septembre : il fut pris par les Hollandais après avoir essuyé le feu de sept hommes ; il sauva deux de ses compagnons d'armes par sa bravoure, et pansa dans la suite un grand nombre de blessés. Ces faits sont constatés par une pièce signée du chef de poste M. Fayot, de M. Vanderstegen et d'autres ;

2° M. Haus, né en Allemagne, professeur en la faculté de droit à l'université de Gand. Il a toujours rempli ses fonctions avec distinction depuis le 24 décembre 1817. En 1820, il épousa une Belge, veuve avec trois enfants. (Bruit.) (J. B., 29 mai.)

M. de Robaulx demande que le rapport seul soit lu ; on pourra lire les pièces à l'appui lors de la discussion, (J. B., 29 mai.)

M. Destouvelles lit trois projets de décret : le premier a pour objet l'admission de trois des pétitionnaires demandant la grande naturalisation ; le second, l'admission de vingt-deux de ceux qui demandent la petite naturalisation, et le troisième, le rejet des autres demandes. (J. B., 29 mai.)

- L'assemblée ordonne l'impression du rapport, des trois projets qui y font suite, et de la liste des demandes de naturalisation.

Elle décide en outre que les pièces à l'appui seront déposées au greffe, à l'inspection de tous les membres. (P. V.)

Fixation de l'ordre des travaux du Congrès

Proposition visant à fixer au 1er juin la discussion sur le choix du chef de l'Etat

Proposition visant à proposer le prince Léopold de Saxe-Cobourg pour roi de la Belgique

Proposition visant, avant de procéder à l'élection du prince de Saxe-Cobourg, à faire connaître à la Conférence de Londres le montant de l'indemnité pour la conservation du Luxembourg ainsi que les arrangements relatifs au Limbourg et à la Flandre zélandaise

Proposition chargeant le gouvernement de prendre des mesures, même par la force, pour établir les lois et autorités belges dans toutes les parties du territoire de la Belgique actuellement occupées par les ennemis

Rapport de la section centrale

L'ordre du jour appelle le rapport de la section centrale sur les quatre propositions présentées dans la séance du 25 mai. (I., 29 mai.)

M. le président – La parole est à M. Raikem, rapporteur de la section centrale. (I., 29 mai.)

M. Raikem fait le rapport de la section centrale sur les propositions tendant à fixer l'élection du chef de l'État au 1er juin prochain, et à élire le prince Léopold de Saxe-Cobourg, ainsi que sur les propositions de MM. Blargnies et de Robaulx faites dans la séance du 25 mai. (Note de bas de page : Malgré toutes nos recherches, il nous a été impossible de nous procurer ces documents ; nous tenons d'anciens députés que ces pièces n'ont point été imprimées.)

- Le congrès ordonne l'impression et la distribution de ce rapport. (P. V.)

Interpellation relative à la proposition de lord Ponsonby

M. de Robaulx – Messieurs, comme on nous avait annoncé depuis plusieurs jours que lord Ponsonby devait arriver, et qu'il devait apporter des nouvelles que les uns attendent avec anxiété et les autres avec espérance, je voudrais savoir, maintenant que lord Ponsonby est arrivé, si M. le ministre des affaires étrangères n'aurait rien à nous apprendre qui pût influer sur la décision qui doit être prise par l’assemblée. (I., 29 mai.)

- M. Lebeau, ministre des affaires étrangères se lève. (I., 29 mai.)

- De toutes parts – Chut ! chut ! (Profond silence.) (I., 29 mai.)

M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Messieurs, j'ai eu hier la visite de lord Ponsonby à dix heures du soir : j'ai eu avec lui un entretien qui s'est prolongé fort avant dans la nuit. Après cet entretien, qu'il n'est pas convenable, vous le sentez très bien, que je fasse connaître publiquement, il m'a promis pour aujourd'hui une communication officielle, que je m'empresserai de faire connaître à l’assemblée. Si votre séance s'était prolongée, comme à l'ordinaire, jusqu'à cinq heures, il est probable que j'aurais pu vous faire cette communication aujourd'hui même ; dans tous les cas ce sera pour la séance de demain. (I., 29 mai.)

- Voix nombreuses – Une séance ce soir ! une séance ce soir ! (I., 29 mai.)

- D’autres voix – Non ! non ! (I., 29 mai.)

M. Jottrand – Messieurs, je demande qu’il y ait une séance ce soir, afin qu'il s'écoule un assez long intervalle entre la communication diplomatique qu'on nous annonce, et la discussion du rapport. Rappelez-vous que lors de l'élection du duc de Nemours, ceux qui votèrent pour ce prince furent dupes d'une communication semblable, parce qu'elle fut faite séance tenante. Il s'agit ici d'une question, la plus importante que nous ayons à traiter ; et, pour ma part, je pense que lorsqu'on nous accorde quinze heures au moins pour examiner les projets de loi ordinaires, il faut que nous ayons au moins le. même espace de temps pour réfléchir sur la communication qui nous sera faite.

Je demande donc, ou qu'on ne discute pas demain le rapport de la section centrale, ou qu'il y (page 159) ait une séance ce soir pour entendre une communication qui peut exercer une influence fâcheuse sur la discussion. (I., 29 mai.)

M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Je ne suis pas le maître de prendre un engagement que peut-être je ne serai pas à même de remplir : lord Ponsonby a fait un voyage fatigant, et quoiqu'il m'ait promis la communication pour aujourd’hui, il pourrait bien se faire qu'il fût dans l'impossibilité de la faire. C'est donc pour ne pas faire réunir le congrès inutilement que je proposerai d'attendre jusqu'à demain. L'honorable M. Jottrand se trompe du reste quand il dit que la communication exercerait une influence fâcheuse sur la discussion. Il faut remarquer que la discussion du chef de l'État ne doit pas avoir lieu demain ; il ne s'agira en effet demain que de fixer le jour de la discussion qui n'aura pas lieu avant le 1er juin, c’est-à-dire mercredi. Quoi qu'il en soit, je ne peux prendre l'engagement de faire la communication aujourd'hui. Cette communication sera longue. Après qu'elle me sera parvenue, il faudra la traduire ; il est possible, si elle me parvient bientôt, que j'aie pu la faire à cinq heures ; mais je le répète, elle aura lieu demain au plus tard. (I., 29 mai.)

M. Jottrand – Je ferai remarquer à M. le ministre que, si je me suis trompé, c'est parce qu'il a dit que si la séance durait jusqu'à cinq heures, il aurait pu nous communiquer la note qu'il attend. Si cela lui avait été possible à cinq heures, à plus forte raison avais-je pensé qu'il le pourrait dans une séance du soir, et c'est ce que j'aurais désiré pour calmer l'anxiété dans laquelle se trouve la nation. Du reste, s'il faut attendre la communication jusqu'à demain, je demande que la discussion pour la fixation du jour de l'élection du chef de l'État n'ait lieu que vingt-quatre heures après. (Appuyé ! appuyé !) (I., 29 mai.)

M. le président – Quel jour veut-on commencer cette discussion ? (E., 29 mai.)

- Plusieurs voix – Demain ! Après-demain ! (E., 29 mai.)

M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Il me semble, messieurs, qu'en s'enchaînant d'avance, sans connaître les termes de la communication, à ne procéder à la discussion qu'après-demain, l'assemblée commettrait une imprudence ; et je fonde ma réflexion sur l'anxiété dont a parlé M. Jottrand. Quand le congrès aura entendu les termes de la communication, il verra si elle est de nature à influencer sa décision. Si je pensais qu'il en fût ainsi, je pense que M. Jottrand voudra bien me rendre la justice de croire que je serais le premier à demander que la discussion fût retardée. (I., 29 mai.)

M. Destouvelles – Je demande que la communication de M. le ministre des affaires étrangères précède demain toute autre discussion ; après cela nous pourrons décider en connaissance de cause s'il convient ou non d'ajourner la discussion d'un rapport de la section centrale. (Appuyé ! appuyé !) (I., 29 mai.)

M. de Robaulx – Je voudrais savoir cependant si demain on discutera la question de priorité entre les diverses propositions. M. le ministre nous dit qu'il y aurait imprudence de s'enchaîner par avance à ne pas discuter demain ; je le veux bien ; mais quand j'entends dire que lord Ponsonby est arrivé hier au soir, et que malgré la fatigue, il a eu avec M. Lebeau une conférence qui s'est prolongée fort avant dans la nuit, je présume qu'aujourd’hui on doit élaborer la communication qu'on doit nous faire. Alors je crois qu'on ne peut pas nous refuser un temps convenable pour digérer une communication qu'on nous prépare depuis hier. (Hilarité.) Je demande qu'on décide d'ores et déjà si la discussion de priorité aura lieu demain. (I., 29 mai.)

M. d’Elhoungne – J'avais demandé la parole pour faire la proposition qui vient de vous être faite par M. Destouvelles ; je me borne donc à l'appuyer, et il me semble qu'elle répond suffisamment à ce que vient de dire M. de Robaulx. Car enfin, en mettant le rapport de M. le ministre avant tout à l'ordre du jour, l'assemblée pourra très bien décider après si elle est ou non en état d'entamer la discussion. Dans le premier cas elle l'autorisera, dans le deuxième cas elle l'ajournera. (I., 29 mai.)

M. Van de Weyer – Je ferai observer à l'assemblée qu'il est probable qu'elle ordonnera l'impression du rapport de M. le ministre des affaires étrangères, et que c'est sur la pièce imprimée que nous aurons à délibérer ; il faut, sans aucun doute, avoir le temps d'y réfléchir, et je suis bien aise d'avoir entendu cette idée sortir de la bouche de M. de Robaulx, qu'il faut avoir le temps de digérer ce qu'on doit élaborer avant de nous le faire connaître ; car, en matière aussi grave, il faut agir avec réflexion, sagesse et maturité. (I., 29 mai.)

- L'assemblée décide qu'à la séance de demain samedi, et après les communications à faire par M. le ministre des affaires étrangères, on fixera le jour où les conclusions de la section centrale seront discutées. (P. V.)

Rien n'étant plus à l'ordre du jour, la séance est levée à trois heures. (P. V.)