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Congrès
national de Belgique
Séance du
lundi 30 mai 1831
Sommaire
1) Communications des pièces
adressées au congrès
2) Projets de décrets
relatifs à l’exemption de droits d’entrée pour les Belges rentrés dans leurs
foyers par suite de la révolution, à l’impôt sur les distilleries, aux droits
d’enregistrement à exiger pour la prestation de serment
3) Démission du ministre des
finances (Ch. de Brouckere)
4) Proposition ayant pour
objet un nouveau plan de négociation (Raikem)
5) Rapport de la commission
des pétitions (projet de canal dans le Limbourg dit « canal du Nord »
(de Theux))
6) Question de priorité sur
les cinq projets de loi déposés relatifs au mode de régler le sort international
de
7) Proposition tendant à
procéder à l’élection du chef de l’Etat (de Pélichy van Huerne, de Robaulx, Jottrand, de Pélichy van Huerne)
8)
Question de priorité entre les propositions relatives à la mise à l'ordre du
jour de la question du choix du chef de l'Etat, à l'élection du prince Léopold de
Saxe-Cobourg, aux négociations
préalables à cette élection, à l'évacuation des ennemis du territoire de
(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles,
Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 3)
(page 168) (Présidence de M. de Gerlache)
A midi
moins un quart, les tribunes sont ouvertes et aussitôt envahies. Jamais, depuis
l'ouverture du congrès, même aux jours où s'agitait la question du duc de
Nemours, l'affluence des spectateurs n'a été plus considérable. Un grand nombre
de dames garnissent les tribunes réservées.
La
séance est ouverte à une heure et demie. (P. V.)
M. Liedts, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il
est adopté. (P. V.)
COMMUNICATION DE PIECES ADRESSEES AU CONGRES
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, présente l'analyse des pétitions
suivantes :
MM.
Lesbroussart et Donies font des observations sur la constitution définitive du
pays.
M.
Verbist demande qu'après l'élection du prince de Saxe-Cobourg, on fasse
connaître au prince le désir qu'aurait
(page 169) M. Michaux demande le
payement de sa pension.
Plusieurs
habitants de Tournay se prononcent contre l'élection du prince de Saxe-Cobourg.
L'administration
communale et quatre-vingt-cinq habitants de Tubise se prononcent pour cette
élection. (I., 1er juin., et P. V)
M. le président annonce que la
parole est M. le ministre des finances, pour une communication. (E.. 1er
juin.)
M. Charles de Brouckere,
ministre des finances, monte à la tribune et présente à l'assemblée trois projets
de décret qui ont pour objet, le premier, d'exempter de tous droits d'entrée
les matières d'or et d'argent et les autres meubles appartenant à des Belges
rentrés dans leurs foyers par suite de la révolution ; le second., un nouveau
système d'impôt sur les distilleries ; le troisième, d'interpréter le décret du
congrès du 5 mars, relativement aux droits d'enregistrement à exiger pour la
prestation du serment.
Messieurs,
dit-il ensuite, je suis monté à cette tribune comme ministre, je vais en
descendre comme député. Il paraîtra peut être insolite qu'au moment où M. le
régent vient d’accepter ma démission, je sois venu présenter des projets de loi
; mais, d'une part, comme membre du congrès ayant le droit d'initiative,
j'aurais eu le droit de faire cette présentation ; d'autre part, ayant présidé
l’assemblée des distillateurs réunis pour donner leur avis sur le projet, j'ai
cru que seul je pouvais le présenter. Quant aux droits d'enregistrement à
percevoir pour la prestation du serment, les lois françaises qui nous régissent
encore sur ce point n’étant pas abrogées, j'ai dû les faire exécuter. On a
trouvé la mesure fiscale, on s'en est plaint ; mais je n'avais pas le droit de
dispenser personne du payement de l'impôt. Une cour cependant a refusé de
sanctionner l'interprétation que j'ai donnée à la loi, j'ai dû en, référer au
congrès ; je le veux pas qu'il reste sur mon administration ce que l'on
pourrait regarder comme une tache.
Messieurs,
pendant les cinq mois qu'a duré mon administration, je suis parvenu à faire
rentrer les impôts, sans que personne ait à se plaindre ni de moi, ni de mes
subordonnés. Je proteste sur l'honneur, qu'à l'exception d'une seule fois et
pour une place de 600 florins, jamais je n'ai rien accordé à la faveur, ni à la
protection, ni aux considérations de famille. Ma première base a toujours été,
en donnant des emplois, un dévouement sans bornes à la patrie quand il se
trouvait uni à la capacité. Le dévouement ne pouvait suffire quand la capacité
ne l'accompagnait pas, et j'ai cru, dans une administration qui compte sept
mille employés, ne pas devoir décourager ceux qui comptaient des services
antérieurs à la révolution, quand d'ailleurs j'avais la preuve qu'ils
remplissaient leur devoir. J'ai pu commettre quelque erreur sur les personnes,
mais je déclare que ç'a été involontairement, et que je n'ai jamais eu pour but
que l'intérêt de la chose publique et le bonheur de mon pays. (Très bien !
très bien !)(I., t"' juin.)
L'assemblée ordonne l'impression et la
distribution des projets de décret et les renvoie à l'examen des sections. (P.
V.)
M. le président – La parole est
à M. Raikem. (J. F., 1er juin.)
M. Raikem fait le rapport de la section
centrale sur la proposition de MM. Nothomb, le vicomte Charles Vilain XIIII et
Henri de Brouckere.
La
première section a pensé qu'une négociation préalable sur le territoire
deviendrait inutile si le chef de l'État était élu dans la forme du décret par
lequel le duc de Nemours a été appelé au trône. La deuxième section a trouvé
l'article 1er inutile, parce que la constitution suffisait pour limiter les
droits du chef de l'État ; elle a adopté les autres articles. La troisième
trouve que le congrès devrait inviter le gouvernement à ouvrir promptement des
négociations avec
La
section centrale, après avoir mûrement discuté, adopte unanimement la
proposition avec un changement de rédaction.
(page 170)
L'honorable rapporteur lit ici le projet modifié par la section centrale, puis
il ajoute :
La section centrale a été unanime pour accorder la
priorité à ce projet. (J. B., et J. F., 1er juin.)
M. le président consulte
l'assemblée, qui décide qu'elle s'occupera immédiatement de la question de
priorité. (I., 1er
juin.)
M.
le chevalier de Theux de Meylandt – Avant
d'ouvrir la discussion, le congrès ne voudrait-il pas entendre le rapport de la
commission sur la pétition des habitants de Venloo ? (I., 1er juin.)
M. le président – Elle n'est pas à l'ordre du jour ; on ne peut pas interrompre
la discussion de la proposition de la section centrale. (Réclamations.) (E.,
1er juin.)
M. le président consulte l'assemblée. (I., 1er juin.)
- L'épreuve et la contre-épreuve par assis et levé présentant
des doutes, on demande l’appel nominal. (I., 1er juin.)
M. le président fait observer que le rapport sera moins long que l'appel
nominal. (I., 1er
juin.)
- Sur cette observation, l'assemblée consent à entendre le
rapport. (I., 1er
juin.)
M.
le chevalier de Theux de Meylandt – Messieurs,
vous avez déjà entendu la lecture de la pétition des habitants de Venloo ; vous
vous rappelez qu'elle renferme le désir que, pour gage irréfragable de leur
union avec
- Ces conclusions sont adoptées. (P. V.)
QUESTION DE PRIORITE SUR LES
PROJETS DE LOI DEPOSES
M. le président – La discussion est ouverte sur la question de priorité. (I.,
1er juin.)
M.
de Robaulx – Il ne s'agit pas d'ouvrir cette discussion ; par une
décision antérieure, le congrès a arrêté qu'aujourd'hui il s'occuperait de la
priorité entre quatre autres questions. (E., 1er juin.)
M. le président – Mais la section centrale vient de faire une autre proposition qui doit être discutée.
(E., 1er juin.)
Plusieurs membres – L'impression et la distribution
avant. (E., 1er juin.)
M. Jottrand – On n'a qu'à joindre aux quatre
propositions faites dans la séance du 25 celle de M. Nothomb. (I., 1er
juin.)
M. Pirson – Vous êtes extrêmement
pressés d'élire le chef de l'État ; il ne faut pas reculer cette élection en
discutant d'abord la priorité ; la discussion de toutes ces propositions
provoquant un examen de la situation du pays, la question de priorité sera
décidée après celle sur le fond. (Appuyé.) (J. B., 1er juin.)
M. le baron de Pélichy van Huerne
– M. le président, je
demande que vous fassiez lecture de la proposition que j'ai eu l'honneur de
vous remettre. (I., 1er juin.)
M. le président lit cette
proposition ainsi conçue :
« J'ai
l'honneur de proposer au congrès de procéder à l'élection du chef de l'État
aujourd’hui ou demain au plus tard. » (Appuyé.) (I., 1er
juin., et P. V.)
M. Jottrand – Le renvoi aux sections ! (I. 1er
juin.)
M. le baron de Pélichy van Huerne
– Je demande à
développer ma proposition. (Non !
non ! C'est inutile.) (I., 1er juin.)
M. de Robaulx – Je demande le renvoi aux
sections ; c’est un fait exprès pour empêcher la discussion de s'ouvrir. (I.,
1er juin.)
M. le président Le règlement est
formel. Une proposition étant appuyée, son auteur a le droit de la développer. (Agitation.
M. de Pélichy Van Huerne monte à la tribune.) (I., 1er juin.)
M.
Jottrand – Je demande la parole pour une motion d'ordre. Je ne veux pas inculper les
intentions de M. de Pélichy et l'accuser de vouloir retarder la discussion ;
mais il résulte de son insistance que si, après le développement de sa
proposition, il me plaît d'en faire une autre tendu procéder à l'élection dans
une heure, j'aurai aussi le droit de la développer, et ainsi nous n'en finirons
jamais. (I., 1er juin.)
M. le président – Tel est le règlement.
(I., 1er juin.)
M. le baron de Pélichy van Huerne
– Messieurs, au point où
en sont parvenues nos affaires, je pense qu'il est urgent de nous constituer (page 171) au plus tôt. L'anarchie est à
nos portes ; ce que nous voyons autour de nous nous oblige à en finir. La
communication de lord Ponsonby n'est pas de nature à porter la joie dans un
cœur belge, mais je dois considérer l'adhésion des puissances, renforcée
aujourd'hui par l'adhésion pleine et entière de
- Le
congrès ordonne l'impression, la distribution et le renvoi en sections de la
proposition de M. le baron de Pélichy van Huerne. (P. V.)
QUESTION
DE PRIORITE ENTRE LES PROPOSITIONS RELATIVES 1° : A
M. le président – M. Seron a la
parole pour la question de priorité. (Chut ! chut ! Profond silence.) (I.,
1er juin.)
M. Seron – Messieurs, je demanderai la
permission de vous présenter quelques observations sur la lettre que lord
Ponsonby a écrite le 27 de ce mois à notre ministre des affaires
étrangères... (I., 1er juin.)
M. le président, interrompant l'orateur – Messieurs,
voulez-vous entendre M. Seron sur la lettre de lord Ponsonby ? ce n'est pas la
question. (I., te>' juin..)
Voix nombreuses – C'est égal ! Parlez ! parlez !
parlez ! (I., 1er juin.)
M. Seron – Mon discours traite la
question à l'ordre du jour (parlez ! parlez !) ; on ne peut
refuser de m'entendre : je ne dirai d'ailleurs que peu de mots ; je ne dois pas
être placé au rang des bavards. (Hilarité.) (I., 1er juin.)
Des voix – Parlez ! parlez ! (I., 1er
juin.)
M. le président – M. Seron
assure que son discours est dans la question ; je m'en rapporte parfaitement à
lui. (I., 1er juin.)
M. Seron – Messieurs, je demande la
permission de vous soumettre quelques observations sur la lettre
incontestablement officieuse que lord Ponsonby a écrite à M. Lebeau,
ministre des affaires étrangères, le 27 mai présent mois.
On y
lit premièrement : « La conférence trouve les limites de
Pour
moi, messieurs, je crois que nous n'aurons pas même le Luxembourg en le payant.
En vain lord Ponsonby dit-il : « Le prince de Saxe-Cobourg est convaincu
aujourd'hui, à son entière satisfaction, qu'il est suffisamment fondé à
attendre avec confiance l'exécution équitable et prompte des mesures par
lesquelles la conférence (page 172)
aidera à l'arrangement satisfaisant des affaires du Luxembourg ; et que le
prince est disposé à prendre sur lui, comme souverain, le complément de
cette affaire. » En vain ajoute-t-il plus bas : « Peut-il y avoir une
meilleure preuve du changement qui s'est récemment opéré dans l'opinion et dans
les résolutions de la conférence ? Il y a une semaine, la conférence
considérait la conservation de ce duché à la maison de Nassau, sinon comme
nécessaire, au moins comme extrêmement désirable ; et à présent, elle est
disposée à une médiation, avec l'intention avouée de faire obtenir ce duché
pour le souverain de
Il n'y
a pas, messieurs, un mot de vrai dans ces assertions ; elles sont toutes
démenties par le vingt-deuxième protocole de la conférence de Londres,
renfermant les instructions données à lord Ponsonby. Lisez-le, vous y verrez
que la conférence exige l'exécution pleine et entière du protocole du 20
janvier, la retraite prompte de toutes les troupes belges qui peuvent être dans
le grand-duché de Luxembourg, et la cessation entière de toute intervention de
la part du gouvernement belge dans les affaires de ce pays.
Lord
Ponsonby prétend que si
« Quant
à la dette (observe lord Ponsonby en finissant), je puis vous réitérer
l'assurance que la conférence n'a jamais entendu faire que des propositions. »
Des
propositions ! et l'article 2 du protocole du 27 janvier porte que vous payerez
seize trente-et-unièmes de la dette ; et le vingt-deuxième protocole maintient
cet article 2, sans aucune modification. Ce n'en est pas une en effet de
charger lord Ponsonby de faire observer au gouvernement belge que, comme une
portion de la dette du royaume des Pays-Bas a été supportée par le grand-duché
de Luxembourg, une juste portion du fardeau doit être supportée par ce
grand-duché, ce qui diminuera d'autant le fardeau à la charge de
Quand
le protocole n° 22 serait apocryphe, mes observations n'en subsisteraient pas
moins, puisqu'elles sont fondées sur les protocoles antérieurs, que la lettre
de lord Ponsonby ne peut détruire, et dont le n° 22 n'est que la répétition.
Cette lettre n'est donc, d'un bout à l'autre, qu’une continuelle pétition de
principes que des gens de bon sens ne peuvent prendre au sérieux.
Ne
vous semble-t-il pas, messieurs, que de protocole en protocole, on veut nous
conduire à la restauration, ou, ce qui serait la même chose, à l'acceptation
pour roi, soit du prince d'Orange, soit de l'un de ses fils ? L'envoyé
d'Angleterre ne disait-il pas naguère que le prince d'Orange était le seul chef
qui pût nous convenir ?
M. le président – Je rappelle le
public au silence, sans cela je ferai évacuer les tribunes. (I., 1er
juin.)
M. Seron continuant – Ce serait
pourtant faire un pas vers ce but que de croire aux promesses de la diplomatie,
à ses combinaisons comme elle dit, à la lettre de lord Ponsonby, et d'adopter
la proposition qui en est la conséquence, c'est à savoir, de nommer pour roi le
prince de Saxe-Cobourg, sans que rien ait été définitivement réglé !
N'entrevoyez-vous pas les suites d'un pareil acte ? Une fois consommé, ne
craignez-vous pas qu'on vous renvoie chacun chez vous ? Et quand vous ne
serez plus ici, quand l'intrigue se sera agitée en tous sens pour vous
remplacer par un corps législatif, un sénat composé, si ce n'est d'orangistes,
au moins d'âmes tièdes et sans énergie, et qu'elle n'aura que trop réussi dans
ses combinaisons ? ... Je m'arrête, messieurs ; car, après (page 173) tout, le peuple veut la
liberté : il ne souffrira pas qu’on le vende, qu'on le traite comme un vil
troupeau d'esclaves. Mais je dis que le bon sens exige qu'avant de nommer un
roi, vous connaissiez parfaitement toutes les conditions que le nouveau
candidat veut vous imposer, et qu'il dise lui-même si les vôtres lui
conviennent. C'est ici un contrat synallagmatique ; avant d'y souscrire il faut
savoir si les parties sont d'accord sur son contenu ; agir à rebours, comme on
vous le propose, ce serait se conduire inconsidérément, imprudemment et exposer
le salut du pays.
On
dit : Il faut en finir. Oui, messieurs, mais il faut en finir bien. Au
moment de terminer notre carrière parlementaire, il ne faut pas léguer la
guerre civile au peuple que nous représentons.
On dit
encore : Le provisoire tue le peuple ; il est la source du malaise qu'il
éprouve. Je n'en crois rien, car ce malaise est l'effet momentané de l’état de
fermentation dans lequel se trouve l’Europe. Un roi de plus ne le ferait pas
cesser.
Enfin
on dit : Il faut clore la révolution. Je le veux bien ; mais Bonaparte aussi
voulait clore la révolution ; il croyait même y être parvenu ; il se trompait
grandement : Messieurs, les révolutions ne cessent qu'avec les causes qui leur
ont donné naissance ; la nôtre a été faite pour détruire des abus, et de
quelque côté que nous nous tournions, nous les voyons debout, aussi nombreux
qu'auparavant.
Je
n'ai plus qu'un mot à ajouter : On nous presse d’élire un roi ; mais qui nous
presse ? les rois eux-mêmes ; ils ne nous donnent ni heure ni moment. Il me
semble que c'est une raison pour nous de ne pas aller trop vite. Attendons que
les chambres anglaises et françaises ouvrent leur session. On verra.
Je
demande qu'il soit passé à l'ordre du jour sur la lettre de lord Ponsonby, et
qu'il ne soit procédé à l'élection d'un chef définitif de l'État qu'après que
la question de nos limites aura été vidée.
Messieurs,
je suis votre très humble... (Hilarité générale et prolongée. ) (1.. 1er
juin.)
M.
Devaux, ministre d’Etat – Messieurs, je n'ai pas l'intention de suivre l'orateur dans
les divers points qu'il a traités, ni de discuter en ce moment la question qui
s'agite. Mais quelques mots avancés par l'honorable M. Seron, sur un fait
erroné, demandent quelques mots d'explication : on nous a parlé du protocole n°
22, que les journaux ont publié et dont depuis hier le public est très occupé.
Je regrette qu'en publiant ce protocole, la presse n'ait pas tout dit. Ce
protocole, rapporté par le Courier du 25 mai, est emprunté à une lettre
de Rotterdam, et il doit être daté des premiers jours du mois, ou' plutôt des
derniers jours d'avril. Or il résulte de la lettre de lord Ponsonby la preuve
que la conférence est revenue sur le protocole n° 22, puisque aujourd'hui,
contrairement à ce protocole, il est question de nous céder le Luxembourg, et
non seulement la conférence n'exigera pas l'évacuation du Grand-Duché, mais la
conférence s'engage pendant les négociations à empêcher toute agression de la
part de la confédération germanique. Je dois exprimer ici mon étonnement de ce
qu'on insinue au peuple qu'on veut nous faire payer les dettes de
M.
de Robaulx – Je demande la parole pour répondre au ministre. (I., 1er juin.)
M. le président – D'autres
orateurs sont inscrits avant vous. (I., 1er juin.)
M.
Jottrand – Le ministre a cru que tous ceux qui s'opposaient. à l'élection du prince
de Saxe-Cobourg appuyaient leur opinion sur les textes de tel ou tel protocole,
ou sur les communications faites par M. Belliard et lord Ponsonby. Je déclare
d'abord que je ne vois aucune des questions abandonnées par
Je me
place dans la position où nous étions avant les communications sur lesquelles
M. le ministre d'État s'est appuyé. D'abord je demanderai au ministre en quelle
qualité M. Belliard se trouve en Belgique, et je lui répondrai en même temps
que M. Belliard est tout simplement M. le lieutenant général comte Auguste
Belliard, pair de France, mais il n'est rien de plus. Il n'est ni accrédité par
la cour de France comme envoyé auprès de (page
174) M. le régent, ni comme agent diplomatique, et je vous laisse,
messieurs, à qualifier le rôle que joue ici M. Belliard, dont je n'attaque pas
le caractère privé, mais qui n'est qu'un agent français, placé en dehors de la
diplomatie.
Qu'est-il
arrivé ? Le général Belliard a reçu de son gouvernement la nouvelle que telle
ou telle proposition relative à nos affaires était favorablement accueillie par
la conférence de Londres ; il a communiqué cette nouvelle à M. Lebeau, qui,
sans réfléchir que le général était ici sans aucune mission officielle, est
venu faire connaître au congrès l'opinion de M. Belliard, opinion toute
personnelle, et qui, bien que consignée sur le papier, n'était suivie d'aucune
signature. Il était sans doute permis de se rappeler à cette occasion les
assertions qui, à l'époque de l'élection du duc de Nemours, nous vinrent de la
part d'hommes qui avaient cependant un caractère plus officiel que M. Belliard
: ces agents donnèrent leur parole d'honneur que tel ou tel fait se passait à
Paris, et qu'ils tenaient, de la part de Louis-Philippe lui-même, une adhésion
anticipée à l'élection de son fils.
Les
événements nous ont détrompés, et pour l'avenir ils ont dû nous mettre en
garde.
Les
protocoles n'ont pas changé ; ils sont tous là. La lettre de M. Belliard n'a pu
déranger aucune pièce ni même aucune disposition de ces actes. Quant à lord
Ponsonby, il n'est ici que l'agent de la conférence, il n'est en Belgique à
aucun autre titre ; il y réside parce qu'il est porteur d'un passe-port pour
sa résidence à Bruxelles ; mais quant à son caractère officiel, nous ne lui en
reconnaissons pas. On nous a dit : « J'ai reçu une lettre de lord
Ponsonby, elle exprime son opinion personnelle, et je suis autorisé à vous la
communiquer. » Permis, messieurs, à chacun d'interpréter cette lettre ;
permis de penser que l'opinion de lord Ponsonby a détruit le protocole du 20
janvier ; mais cet avis n'est pas le mien.
Je
m'étonne que, lorsqu'on a demandé l'impression et la distribution de cette
lettre, le ministre n'ait pas insisté sur ce point qu'il était au moins peu
convenable d'imprimer l'opinion politique de lord Ponsonby, en tant qu'il
n'était réellement rien que lord Ponsonby.
Je le
répète, je ne m'attache pas à savoir ce qu'il en est de l'existence du
protocole n° 22, seulement je rappellerai au souvenir du congrès que M.
Sébastiani, à l'époque où il commençait à nous jouer avec ses notes
diplomatiques, expliqua à notre ministre en France que des actes authentiques
dont nous invoquions la nullité à telle époque, existaient encore parce que
d'autres actes authentiques ne les avaient pas révoqués. Pour moi donc, le
protocole du 20 janvier me parait n'avoir pas cessé d'exister. Quant au
protocole n° 22 auquel, comme je vous le disais, je ne veux attacher aucune
importance, je ne crois pas qu'il soit apocryphe, mais je suis persuadé que ce
protocole a été communiqué au roi Guillaume, accepté par lui et signé par les membres
de la conférence. En outre, j'aurai l'honneur de faire observer à M. Devaux que
le protocole n° 22, reproduit par les journaux anglais, a paru d'abord dans le
journal d'Amsterdam. La conférence distingue, dit-on, entre les arrangements
fondamentaux et irrévocables, relatifs aux limites, et les ouvertures faites
par la conférence de Londres, comme série de propositions ; eh bien, ces
mots comme série de propositions. qui se trouvent dans le journal
hollandais, ont été retranchés dans les feuilles de Londres, qui très
probablement ont cru, par cette rédaction, entrer mieux dans les vues de la
diplomatie.
Nous
avons le plus grand intérêt à nous méfier des distinctions diplomatiques.
Dans
le temps, on est venu nous dire aussi que
Dans
cette circonstance, il s'agit donc de savoir entre autres questions à résoudre,
s'il est utile d’élire maintenant le prince Léopold.
Messieurs,
je commence par déclarer que je professe pour le prince de Saxe-Cobourg une
profonde estime, que j'adhère à tous les éloges sincères qui m'ont été faits de
son caractère. Il a montré beaucoup de prudence et de sagesse dans toutes les
relations qui ont eu lieu entre nos commissaires et lui. Comme je suis
convaincu que le prince Léopold peut être pour
Messieurs,
ceux qui ont compris l'existence de Belgique telle que la révolution l'a créée
ne peuvent penser à arriver par des voies amiables à des arrangements... Les
puissances sont parties des principes qui ont été les bases des traités de 1815
; eh bien, à moins que vous ne pensiez déraisonnablement que les cinq cours
viennent à se désister aujourd'hui de ces principes constitutifs
Voilà
pour les principes. Maintenant il faut mettre d'accord ces principes avec les
intérêts matériels et l'honneur national.
Les
principes ne s'imposent pas : et si vous n’êtes pas convaincus qu'en adoptant
ces principes nous entrerions dans
L'honneur
national nous fait un devoir de ne pas abandonner ceux de nos frères qui nous ont
aidés à constituer cette Belgique indépendante, que personne de nous n'est
disposé à sacrifier aux exigences des cours étrangères, ou aux prétentions de
Quant
aux intérêts matériels, l'orateur entre dans de longs détails sur le véritable
but que
M.
Jottrand se demande ensuite s'il est possible que les puissances aient
l'intention de ruiner
Si
l'on veut élire le prince de Saxe-Cobourg sans délai, mieux vaudrait, selon
lui, accepter purement et simplement le protocole du 20 janvier. Pour sa part,
il ne voterait jamais pour cette acceptation ; mais au moins ceux qui veulent
la paix à tout seraient conséquents avec eux-mêmes, et ils offriraient au
prince un royaume dont le territoire ne serait contesté par personne.
L'orateur
soutient qu'il faut faire la guerre sans délai, car plus tard il n'y aura plus
moyen de la faire. Il voit avec peine que par lassitude le congrès embrasse des
combinaisons qu'il aurait repoussées avec énergie il y a peu de mois, et il se
pourrait bien que, dans deux ou trois mois d'ici, il se vît forcé de consentir
à la restauration de la famille des Nassau. Il y a moins loin de la disposition
actuelle du congrès à celle qui lui ferait accepter ce parti honteux, que de la
disposition où il se trouvait alors qu'il se levait comme un seul homme au seul
mot d'intervention, à celle qui lui fait accepter aujourd'hui l'intervention de
la conférence. L'orateur rappelle que la révolution de 1789 avait commencé
comme celle-ci, et qu'elle finit, par lassitude et en comptant sur les
négociations diplomatiques, par une restauration.
De
tout cela l'orateur conclut que le moyen d'avoir pour roi le prince de
Saxe-Cobourg n'est pas de l'élire aujourd'hui, mais de faire la guerre, puisque
c'est le seul moyen pour
M. le président – La parole est à M. Nothomb. (E., 1er
juin.)
M. Lardinois fait remarquer qu'il a été inscrit avant M.
Nothomb.
- La
parole reste néanmoins à ce dernier. (E., 1er juin.)
M. Nothomb – Messieurs, je ne suivrai pas le
préopinant dans toutes les parties de son discours. (A la tribune ! à la
tribune !) Messieurs, je demande la permission de parler de ma place… Je
m'efforcerai de ramener la discussion dans ses véritables limites.
Avant
de commencer, je déclare, pour éviter de fâcheuses préventions, que je suis
d'accord avec le préopinant sur deux points. Comme lui, je n'adhérerai jamais
au protocole du 20 janvier ; comme lui, je crois que la guerre peut être un dernier
moyen de solution pour nous ; mais le temps n'est pas encore arrivé de recourir
à ce moyen extrême.
Ici
l'orateur rappelle le texte des propositions déposées par MM. Constantin
Rodenbach, Blargnies et de Robaulx.
Par la
première on propose l'élection du prince Léopold de Saxe-Cobourg.
Celle
de M. Blargnies est ainsi conçue :
«
Avant de procéder à la nomination du prince Léopold de Saxe-Cobourg, le congrès
fera, dans le plus bief délai, connaître à la conférence de (page 176) Londres et au prince lui-même
l'indemnité qu'il croirait pouvoir offrir pour le Luxembourg, et les
arrangements auxquels il croirait pouvoir consentir quant au Limbourg et à
M. de
Robaulx propose de décréter que « pouvoir exécutif est chargé de prendre immédiatement
des mesures, même par la force, pour établir les lois et autorités belges dans
toutes les parties du territoire de
L'honorable
membre lit ensuite sa proposition, dont les articles sont conçus en ces termes
:
« Art.
1er. L'élection du chef de l'État sera considérée comme non avenue si son
acceptation est subordonnée à la cession du Luxembourg ou d'une partie du
Limbourg.
« Art.
2. Le gouvernement est autorisé à proposer à la conférence de Londres et au roi
Guillaume de terminer, au moyen de sacrifices pécuniaires à charge de
« Art.
3. Il est également autorisé à proposer que, sans préjudice à la souveraineté,
il soit mis temporairement dans la forteresse de Maestricht une garnison mixte,
ou une garnison étrangère quelconque, autre que hollandaise.
« Art.
Vous
voyez, ajoute l'orateur, que nous voulons donner aux négociations un caractère
tout nouveau. Ainsi, voulez-vous faire la guerre avec M. de Robaulx ?
Voulez-vous élire le prince de Saxe-Cobourg avec M. Rodenbach, mais sans
conditions ; ou bien voulez-vous avec moi faire des conditions ? Choisissez.
Mais d'abord examinez où nous sommes parvenus avec les négociations !
Evidemment nous avons fait un progrès. La conférence nous a fait une
concession, celle du Luxembourg, et cette concession inattendue est telle,
qu'elle sera considérée en Allemagne comme une révolution. A-t-on oublié, en
effet, que la question du Luxembourg intéresse une multitude d'États en
Allemagne, et qu'elle se compliquait de tout le système germanique. Toutefois,
messieurs, ne craignons pas qu'ils infirment la décision de la conférence à cet
égard. Cette décision, la conférence avait le droit de la prendre. En novembre
dernier, la conférence germanique s'est adressée aux plénipotentiaires réunis,
en disant que la question du Luxembourg se trouvait liée à la question belge et
qu'elle devait être résolue par la conférence. Il y a donc une première
concession, et nous la devons à l'espoir seulement de l'élection du prince de
Saxe-Cobourg. Croyez-vous, messieurs, que l’élection réelle n'amènera pas
d'autres concessions. Le préopinant ne le croit pas.
Passant
à ce qui concerne Venloo, le préopinant pense que
Messieurs,
il faut aussi considérer la position de
(Ici
l'orateur passe en revue l'état des autres puissances, et en tire la
conséquence que toutes doivent désirer que la cause de
L'orateur
termine en demandant la priorité en faveur de sa proposition. (I., 1er
juin.)
M. Lardinois – Messieurs, lorsque la
patrie est en danger, tous les amis de la liberté doivent se rallier et faire
converger leurs efforts vers un même but : celui de l'indépendance.
Tel qu'un
homme qui se noie et qui cherche à s’accrocher à une planche capable de le
sauver, j'ai désiré, dans l'intérêt de mon pays, la réunion de
Ne
concluez pas de cet aveu, messieurs, que je m'associe aux déclamations que l'on
fait contre
Nous
voulons être nous. Voilà de quelle manière l'auteur de la proposition de
l'indépendance s'est exprimé. Je ne rechercherai pas si ce laconisme
cachait une arrière-pensée ; je dirai que cette définition a toute la nudité
d'une abstraction métaphysique. Ce n'est pas le mot en lui-même qu'il faut
considérer, mais bien la nature et la réalité des choses. Dites-moi, messieurs,
si le protocole du 20 janvier vous laisse indépendants ? Où donc sera votre
indépendance avec les Prussiens dans Luxembourg, les Autrichiens peut-être dans
Maestricht et les Hollandais sur la rive gauche de l'Escaut ? Sont-ce là les
fruits de notre révolution ? Trois dominations pour une, et si vous n'y
consentez bien, la force, loi suprême des despotes aussi bien que des
cannibales, vous y contraindra ! Votre âme .n'est-elle pas révoltée à tant
d'outrages ?... Messieurs, la liberté est incompatible avec la faiblesse. On
demande que vous signiez votre honte ; eh bien ! ordonnez qu'on signe les
passe-ports de lord Ponsonby.
Si
vous remontez au principe de notre révolution, vous verrez que le mariage de
C'est
une grande erreur en politique de ne songer qu'au présent. L'avenir doit
occuper les prévisions de l'homme d'État. Vous voulez élire un roi avant de
vous être prononcés sur les limites contestées de notre territoire. Je ne
conçois pas, en vérité, les partisans du prince de Saxe-Cobourg. Je pense que
leur zèle les aveugle, et s'ils y réfléchissaient bien, ils ne voudraient pas
lui offrir un trône qui sera toujours environné de périls, tant que nous
n'aurons pas fixé cette question importante à laquelle est rattachée toute
notre existence politique. Nous avons en notre faveur le droit et la puissance
morale, qui décuple les forces : il dépend de nous d'en terminer ; mais ce
n'est pas en abandonnant le pays de généralité, ni la rive gauche de l'Escaut,
qui deviendrait l'entrepôt général de la contrebande, et anéantirait notre
commerce ; c'est plutôt en rejetant le protocole du 20 janvier, auquel on ne peut
souscrire sans infamie et sans opérer une contre-révolution.
J'applaudis
aux justes observations de l'honorable M. Jottrand. Peu de temps nous reste
pour reconquérir nos limites, il faut en profiter. Jamais
Je
vote contre les conclusions de la section centrale et pour la priorité de la
proposition de notre honorable collègue, M. Blargnies. (E., 1er juin.)
M. Pirson –
Messieurs, l'incertitude de l'avenir est le principe de toutes les espérances
et de toutes les craintes ; mais quand on a été trompé une première fois dans
son attente, il est difficile de se livrer à la confiance dans une circonstance
analogue.
Qu'y
a-t-il de changé depuis que nous avons pensé pour la première fois à élire un
roi ? Les mêmes causes de guerre entre
Telle
est notre position actuelle ; telles sont les prétentions incidentes.
Voyons
où tendent ces prétentions et propositions.
Question
du Luxembourg : Elle ne peut être une cause de guerre avec l'Allemagne. Peu
importe à celle-ci le territoire infertile de cette province ; elle
possède par son droit de garnison tout ce qu’il lui faut pour sa défense, la
forteresse immense de Luxembourg. Mais, d'une part, on veut assurer 200,000
florins de rente au prince Frédéric, et, de l'autre, concentrer vers des
intérêts plus directs de guerre l'opinion des Hollandais, qui, s'apercevant
qu'on voulait les faire battre dans l'intérêt unique de leur stathouder en ce
qui concerne le Luxembourg, paraissent peu disposés à donner leur argent et à
verser leur sang pour des intérêts étrangers à la nation hollandaise. Voilà,
messieurs, pourquoi la conférence de Londres, qui s'est toujours montrée
partiale pour le roi de Hollande, ne vous parle que du Luxembourg en ce moment.
Quand vous aurez consenti à donner 200,000 florins de rente, on laissera
subsister les autres points en litige, et l'opinion publique de
Cependant
je veux bien consentir à donner cette somme si l'on ne nous conteste ni le
Limbourg intégralement, ni la rive gauche de l'Escaut. Il faut qu'on s'explique
catégoriquement sur cet objet.
M.
Beyts vous a prouvé notre droit sur toutes ces parties : d'ailleurs il est
impossible que nous abandonnions la rive gauche de l'Escaut ; ce serait un
germe de perturbation continuelle, puisque les Hollandais pourraient à volonté
inonder notre territoire, et paralyser le commerce des deux Flandres., qui ont
leurs débouchés dans l'Escaut. Ce serait en vain que nous consentirions à cet
abandon, les deux Flandres protesteraient et se rendraient bientôt maîtresses
de cette partie. La (page 179)
conférence voudrait-elle commettre les mêmes imprudences que le congrès de
Vienne ?
Quant au duché de Bouillon, il y avait des
enclaves dans la province de Luxembourg, des parties dont la souveraineté était
mixte ; ces parties suivraient nécessairement le sort du Luxembourg ; resterait
la ville de Bouillon, qui n'a pas trois mille habitants, et environ cinquante
villages, voilà le prix que M. de Talleyrand exige pour
Parlons
des garnisons étrangères que l'on voudrait établir chez nous à Maestricht.
.Je
vois là un plan et des projets d'invasion qui doivent éveiller l'attention de
On
dira peut-être que le langage que je tiens aujourd'hui est contradictoire avec
celui que je tenais ici le 24 de ce mois ; qu'alors j'avais toute confiance
dans le gouvernement anglais ? Remarquez, s'il vous plaît, messieurs, que je
n'ai parlé que de la nouvelle attitude que venait de prendre le roi
d'Angleterre, que j'ai fait des vœux pour qu'il puisse s'y maintenir sans qu'il
arrive de catastrophe dans ce pays.
Mais
que sait-on ? même sans catastrophe, le ministère anglais n'est-il pas mobile ?
le gouvernement français ne l'est-il pas aussi ? Si tout à coup ministère
Wellington allait ressusciter et le ministère Périer s'abîmer, nous aurions
alors pour ennemis les deux gouvernements qui remplaceraient les deux
gouvernements soi-disant amis aujourd’hui.
Notre
position est difficile, messieurs ; jamais assemblée nationale appelée à
délibérer sur le sort de la patrie ne s'est trouvée dans pareille .alternative.
Si nous nous abstenons, si nous ne marchons tôt vers le définitif, l'anarchie
nous dévore ; et nous perdrons notre indépendance si nous cédons aux menaces
qui nous arrivent de toutes parts, et surtout du côté d'où nous attendions aide
et assistance : nous pouvons les premiers être victimes de notre bonne foi et
de notre confiance. Lorsque les rois auront anéanti ou laissé anéantir les
Polonais, on arrivera peut-être en Belgique et puis en France. Mais, messieurs,
par la raison que les plus menacés sont les plus assurés, faisons à la
fois acte de déférence et de fermeté, nommons le candidat qui nous est offert
par la conférence et plus particulièrement par le cabinet français.
Si la
vanité seule est le motif des menaces que l'on nous adresse, la conférence fera
pour le roi nommé ce qu'elle ne ferait pas pour nous ; ce que peut-être nous
lui arracherions par la guerre ; mais ce moyen doit être employé le dernier de
tous, et cependant ne pas être trop retardé, car alors nous compromettrions la
tranquillité publique, et notre indépendance.
Si les
puissances sont sincères entre elles (ce dont je ne suis pas très persuadé),
elles rabattront de toutes leurs prétentions pour nous constituer d'une manière
stable dans un état de neutralité et d'indépendance. La nomination de leur
candidat sera la pierre de touche qui pourra nous faire deviner leurs projets
ultérieurs. Ainsi nommons-le vite, .au plus vite ; mais en même temps
redoublons d'activité dans nos préparatifs de guerre ; assurons-nous que dans
un terme fixé, après vingt-cinq jours par exemple, si toutes les questions de
territoire ne sont terminées, les hostilités avec le roi de Hollande seront
reprises sans plus de tergiversations. Disons franchement à notre ministère :
Vous avez eu trop de confiance en vos démarches diplomatiques ; vous n'avez pas
fait assez pour la guerre ; vous nous répondrez de ce que vous allez faire
pendant un nouveau délai.
Il
faut bien dire un mot de la longue épître de lord Ponsonby. Il sera court. Elle
contient des conseils de sagesse en contradiction avec force grandes et puériles
menaces. Quoi ! un pouce de marais, mis en regard de toutes les
forces de l'Europe ! Toutes les forces de l'Europe se réuniront pour défendre ce
pouce de terrain hollandais ! Milord Ponsonby, vous avez mal choisi votre
rédacteur ou traducteur. Toutefois j'accepte vos conseils de sagesse et
considère vos menaces comme des fanfaronnades diplomatiques.
A
propos des menaces, il nous en vient de (page
180) toutes parts : celles du cabinet français ne le cèdent à aucunes ;
elles m'étonnent.
Si
d'un côté il s'appuie sur un boiteux, je crois que de l'autre un borgne le
dirige.
A la
veille des élections, il veut se donner le mérite d'avoir pacifié
Messieurs,
si vous décidez préalablement que pas un pouce du territoire
belge, dans lequel je comprends toute la province de Limbourg, toute la rive
gauche de l'Escaut et la province de Luxembourg, ne sera donné à
M.
Alexandre Rodenbach – Lorsque M. Devaux a demandé la parole, l'a-t-il demandée en qualité
de député ou en qualité de ministre ? (I.,
1er juin.)
M. le président – De ministre. (I.,
1er juin.)
M. Alexandre
Rodenbach – Eh bien, si c'est en qualité de ministre, assume-t-il sur lui
la responsabilité de l'existence du protocole numéro 22 ? (I., 1er juin.)
M.
Devaux, ministre d’Etat – J'ai voulu faire voir que le vingt-deuxième protocole
n'était pas un démenti à la lettre de lord Ponsonby, puisque cette lettre est
de beaucoup postérieure au protocole. (I., 1er juin.)
M. le comte Félix de Mérode – La mission que j'ai remplie avec
trois de mes honorables collègues se rattachant à la question qui nous occupe
en ce moment, je crois devoir, messieurs, vous présenter quelques
considérations de nature à diriger votre conduite dans cette grave occurrence.
On ne s'est pas lassé de vous dire à la tribune, on a répété à outrance dans
certains journaux rédigés par des étrangers qui ne s'inquiètent guère de votre
avenir, ou par des patriotes belges qui me semblent dupes des premiers ;
on vous a répété sans cesse, par tous les organes de publicité, que le résultat
des démarches faites dans le but de pressentir les dispositions du prince de
Saxe-Cobourg n'était qu'une mystification. Mystification, mot terrible, capable
d'anéantir les meilleurs arguments ; terme tout-puissant qui paralyserait à lui
seul les raisons solidement appuyées sur des faits, si les esprits sérieux se
laissaient éblouir par l'assurance avec laquelle il se prononce ou s'écrit.
Oui,
messieurs, nous avons dans notre mission au delà du détroit recueilli des
faits, et ces faits nous ont été confirmés par la lettre adressée au ministre
des affaires étrangères par lord Ponsonby. Qu'ils soient entièrement d'accord
avec nos vœux, ce n'est pas assurément ce que je prétends établir ; mais
du moins vous conviendrez facilement que, sous quelques rapports importants,
nous avons obtenu la satisfaction que nous désirions vivement. En peu de mots,
la cause du Luxembourg est gagnée, et nous trouvons pour notre Étau naissant un
chef disposé à venir parmi nous et que toutes les puissances sont prêtes à
reconnaître, attendu qu'il offre à chacune d'elles les garanties jugées
nécessaires à leur sécurité.
Il ne
s'agit ici ni de nous tromper les uns les autres, ni d'égarer le public.
Avouons donc de bonne foi que la conférence n'exige plus réellement l'adhésion
au protocole du 20 janvier, mais la reconnaissance de l'état primordial de
1790, en mettant comme condition une indemnité pour le grand-duc, dont le
pouvoir ne s'exercera désormais qu'en Hollande. Il résulte de ce changement que
nous devons renoncer à argumenter contre le protocole du 20 janvier. Attaquons
autre chose, mais laissons de côté cette pièce qui ne nous laisse d'inquiétude
fondée ni à l'égard du Luxembourg, ni à l'égard de l'ancienne dette
hollandaise. Il nous reste certainement de grands motifs d'irritation contre
les menaces que l'on nous signifie en opposition avec notre droit de conserver
comme partie de notre territoire ou de conquérir par la force des armes les
communes qui, avant la révolution française, étaient soumises au gouvernement
hollandais. Les raisons qui militent en notre faveur sont, dans mon opinion,
conformes à la justice, (page 181)
et je n'ai pas craint de les présenter hardiment aux ministres anglais et
français, et au prince de Cobourg. Mes collègues pourraient vous certifier
également de quelles expressions énergiques je me suis servi lorsqu'il s'est
agi de défendre contre les velléités tyranniques de la sainte-alliance
allemande nos compatriotes du Luxembourg. Veuillez donc être persuadés,
messieurs, qu'aucun des commissaires belges à Londres ne voudrait être l’agent
d'une mystification. Faites-leur aussi l'honneur de penser qu'ils ont assez de
pénétration et de jugement pour ne pas donner dans un piège aussi grossier que
celui que leur auraient tendu la conférence et le prince, en simulant
l'intention, lui d’accepter la couronne, elle de reconnaître cette couronne
comme légitimement placée sur sa tête.
Le
caractère du prince Léopold ne pourrait permettre de le supposer capable de se
prêter au rôle le plus faux et le plus honteux. On m'opposera les promesses des
envoyés français, lors de l'élection duc de Nemours, et l'on dira, comme je
l'ai entendu répéter si souvent, qu'il suffit d'avoir été dupes une fois, sans
risquer de l'être encore ; mais, messieurs, avait-on recueilli de la bouche du
roi des Français la promesse de nous accorder le duc de Nemours s'il était élu
roi des Belges ? N'avait-il précédemment déclaré lui-même, à l'un de nos
collègues, qu'il était impossible que le jeune prince régnât en Belgique sans
qu'il en advînt une guerre générale ?
Si
nous avons cru, cependant, devoir tenter l'élection du fils de Louis-Philippe,
un grand nombre d’entre nous s'y sont particulièrement déterminés par l'envie
de donner à
Ne
confondons point des situations si différentes ; mais que ceux d'entre nous qui
ne veulent pas l'élection du prince de Saxe-Cobourg émettent franchement leur
pensée. Que les uns disent : Nous sommes d'avis que la réunion directe ou
indirecte de
Enfin,
si l'on veut me mystifier en présentant comme des paroles sacramentelles, comme
des décisions dogmatiques, l'assertion émise précédemment que le rôle de la
diplomatie devait être court, très court, je persisterai à croire qu'on ne
prononce pas d'oracles dans cette enceinte, qu'on y énonce des opinions
soumises aux circonstances ; et malgré les sentences prononcées par tel ou tel
ministre sur la brièveté du rôle de la diplomatie, je le rendrai plus long si
l'intérêt du pays l'exige, et je ne sacrifierai point nos espérances à un arrêt
dont je ne reconnais pas du tout l'infaillibilité. La question, pour être clairement
et consciencieusement débattue, reposera selon moi sur trois hypothèses. La
première sera celle du statu quo, et l'on aura à juger s'il est possible
de s'y maintenir ; la seconde, celle de la guerre, et l'on examinera si la
guerre donne des chances raisonnables d'obtenir par la force l'intégrité du
territoire appartenant aux provinces méridionales du ci-devant royaume des
Pays-Bas ; et la troisième sera celle de l'élection préalable d'un prince
envers lequel nos premières démarches ont été suivies de quelque succès, et
qui, ayant déjà fortement agi dans nos intérêts, peut encore nous obtenir des
concessions ultérieures. Et qu'on veuille bien ne pas oublier surtout que ce
n'est point de la part du prince que (page
182) viennent les menaces de résistance aux attaques que nous dirigerions
aujourd'hui contre les points occupés par les Hollandais, dans leurs limites de
1790 ; c'est l'Angleterre, c'est
M. Helias d’Huddeghem – Messieurs, il serait temps d'avoir le courage de regarder en face notre
position, et de ne plus nous faire de dangereuses et fatales illusions. On ne
saurait trop le répéter, afin de ne point nous égarer dans une direction qui
pourrait avoir pour
La
révolution de septembre a renversé le système politique élevé par le congrès de
Vienne, et cependant, quand on examine les protocoles de Londres, on est
frappé, à la simple lecture de ces protocoles, qu'ils ont été conçus, rédigés
absolument comme si les révolutions de juillet et de septembre n'avaient pas eu
lieu. L'on nous a fait sonner bien haut le principe de non-intervention, et
l'indépendance de
. Il
nous fallait une frontière. C'est une chose difficile et délicate, qu'une
frontière ; toutefois, fidèles à la promesse de non-intervention, les premiers
protocoles n'en parlaient point, jusqu’à ce que, par le protocole du 20
décembre et celui du 20 janvier, ces frontières furent singulièrement
circonscrites.
La
dette de
Nous
devons, dit-on, dissiper les craintes de nos voisins ; mais c'est bien plutôt
le cas de dissiper nos propres craintes, et si les Belges ont des reproches à
se faire, c'est d'avoir été de trop bonne foi, et d'avoir eu trop de confiance.
Dans les promesses de la diplomatie.
Messieurs,
promenés depuis huit mois de déception en déception, prenons garde d'aller
au-devant du piège qu'on pourrait nous tendre encore ; aujourd'hui des lettres
particulières des diplomates ont peu d'influence sur mon esprit, car nous nous
rappellerons longtemps la correspondance et les lettres écrites de Paris avant
l’élection du duc de Nemours.
Messieurs,
quoique je sois loin d'être ennemi de la candidature du prince Léopold de
Saxe-Cobourg au trône de
Soyez
sûrs, messieurs, qu'on exigera de plus grands sacrifices après l'élection du
prince Léopold, qu'avant l'élection ; si les puissances veulent ce choix,
gardons-nous d'élire avant que nous ayons l'assurance de conserver ce qui
appartient de droit à
Je
pense donc que nous devons nous abstenir de procéder au choix du chef de l'État
jusqu'à ce que le congrès ait fait connaître, dans un bref délai, à la
conférence de Londres et au prince lui-même, l'indemnité qu'il croirait pouvoir
offrir pour le Luxembourg, et les arrangements auxquels il croirait pouvoir
consentir, quant au Luxembourg et la rive gauche de l'Escaut. Sans cela,
messieurs, nous nous exposons à faire une élection illusoire, qui serait une
nouvelle cause de délai, de fatigue, et par conséquent de trouble et de
désordre qui toutes mènent directement à la restauration. (E., 1er juin.)
M. le président appelle M. Henri
de Brouckere à la tribune. (I., 1er juin.)
Plusieurs voix – Il est cinq heures ! (I., 1er
juin.)
M. Lecocq – Je prie M. le président de demander à l'assemblée si elle ne serait pas
suffisamment fixée sur la question de priorité. (I., 1er juin.)
M. le président – Vous demandez
la clôture ? (C., 1er juin.)
M. Lecocq – Oui, monsieur. (C., 1er juin.)
M. Charles de Brouckere
– Avant de discuter la
proposition de M. Lecocq, je voudrais savoir ce qu'il entend par la question de
priorité. (I., 1er juin.)
M. Henri de Brouckere – Je demande la parole contre la
clôture. Messieurs, la question à l'ordre du jour est de savoir à laquelle des
propositions à discuter on accordera la priorité ; c'est là-dessus qu'on
demande la clôture. (I., 1er juin.)
M. Lecocq – Précisément. (I., 1er juin.)
M. Henri de Brouckere – Si j'ai demandé la parole, c'est
parce que je voulais répondre à des faits inexacts relativement à Venloo ;
comme ces faits sont importants, je les relèverai si le congrès veut m'entendre
et si la clôture n'est pas prononcée. (I., 1er juin.)
M. Lebeau, ministre des affaires
étrangères – Je demande la parole contre la clôture. Messieurs, toutes les
propositions qui vous ont été présentées s'enchaînent entre elles, elles sont
corrélatives. Il ne peut pas y avoir de clôture sur la question de priorité
sans que la clôture soit prononcée sur le fond même des propositions. Ces
propositions s'enchaînant, il faut que les orateurs puissent les aborder
toutes, tantôt l’une, tantôt l'autre. Quand l'assemblée sera fixée, elle
décidera la question de priorité, non pas pour savoir sur laquelle on discutera
avant les autres, mais pour savoir sur laquelle on votera. (Appuyé !
appuyé !) (I., 1er juin.)
- L'assemblée,
consultée, adopte la proposition de M. Lebeau. (I., 1er juin.)
La
séance est levée à cinq heures. (P. V.)